Public sitting held on Friday 29 April 2005, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Shi presiding

Document Number
116-20050429-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2005/16
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

CR 2005/16

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LAAYE THAEGUE

ANNÉE 2005

Audience publique

tenue le vendredi 29 avril 2005, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Shi, président,

en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo

(République démocratique du Congo c. Ouganda)

________________

COMPTE RENDU
________________

YEAR 2005

Public sitting

held on Friday 29 April 2005, at 10 a.m., at the Peace Palace,

President Shi presiding,

in the case concerning Armed Activities on the Territory of the Congo
(Democratic Republic of the Congo v. Uganda)

____________________

VERBATIM RECORD

____________________ - 2 -

Présents : M. Shi,président
Ricepra,ident

KorMoMa.
Vereshchetin
Higgimse
Parra-A.anguren

Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal

Elaraby
Owada
Simma
Tomka

Ajbresam,
VerhoMev.en,
jugetseka, ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Present: Presienit
Vice-Presideetva

Judges Koroma
Vereshchetin
Higgins
Parra-Aranguren

Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal

Elaraby
Owada
Simma
Tomka

Abraham
Judges ad hoc Verhoeven
Kateka

Registrar Couvreur

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

Le Gouvernement de la République du Congo est représenté par :

S. Exc. M. Honorius Kisimba Ngoy Ndalewe, ministre de la justice et garde des sceaux de la
République démocratique du Congo,

comme chef de la délégation;

S.Exc. M.Jacques Masangu-a-Mwanza, ambassadeu r extraordinaire et plénipotentiaire auprès du
Royaume des Pays-Bas,

coagment;

M. Tshibangu Kalala, avocat aux barreaux de Kinshasa et de Bruxelles,

comme coagent et avocat;

M. Olivier Corten, professeur de droit international à l’Université libre de Bruxelles,

M. Pierre Klein, professeur de droit internationa l, directeur du centre de droit international de
l’Université libre de Bruxelles,

M. Jean Salmon, professeur émérite à l’Université lib re de Bruxelles, membre de l’Institut de droit
international et de la Cour permanente d’arbitrage,

M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit, dire cteur du Centre for International Courts and

Tribunals, University College London,

comme conseils et avocats;

M. Ilunga Lwanza, directeur de cabinet adjoint et conseiller juridique au cabinet du ministre de la
justice et garde des sceaux,

M. Yambu A Ngoyi, conseiller principal à la vice-présidence de la République,

M. Mutumbe Mbuya, conseiller juridique au cabinet du ministre de la justice,

M. Victor Musompo Kasongo, secrétaire particulier du ministre de la justice et garde des sceaux,

M. Nsingi-zi-Mayemba, premier conseiller d’am bassade de la République démocratique du Congo
auprès du Royaume des Pays-Bas,

Mme Marceline Masele, deuxième conseillère d’ ambassade de la République démocratique du
Congo auprès du Royaume des Pays-Bas,

commceonseillers;

M. Mbambu wa Cizubu, avocat au barreau de Kinshasa (cabinet Tshibangu et associés),

M. François Dubuisson, chargé d’enseignement à l’Université libre de Bruxelles,

M. Kikangala Ngoie, avocat au barreau de Bruxelles, - 5 -

The Government of the Democratic Republic of the Congo is represented by:

His Excellency Mr. Honorius Kisimba Ngoy Ndalewe, Minister of Jus tice, Keeper of the Seals of
the Democratic Republic of the Congo,

as Head of Delegation;

His Excellency Mr. Jacques Masangu-a-Mwanza, Amb assador Extraordinary and Plenipotentiary
to the Kingdom of the Netherlands,

as Agent;

Maître Tshibangu Kalala, member of the Kinshasa and Brussels Bars,

as Co-Agent and Advocate;

Mr. Olivier Corten, Professor of International Law, Université libre de Bruxelles,

Mr. Pierre Klein, Professor of International Law, Director of the Centre for International Law,
Université libre de Bruxelles,

Mr. Jean Salmon, Professor Emeritus, Université libre de Bruxelles, member of the Institut de droit
international and of the Permanent Court of Arbitration,

Mr. Philippe Sands, Q.C., Professor of Law, Director of the Centre for International Courts and

Tribunals, University College London,

as Counsel and Advocates;

Maître Ilunga Lwanza, Deputy Directeur de cabinet and Legal Adviser, cabinet of the Minister of
Justice, Keeper of the Seals,

Mr. Yambu A. Ngoyi, Chief Adviser to the Vice-Presidency of the Republic,

Mr. Mutumbe Mbuya, Legal Adviser, cabinet of the Minister of Justice,

Mr. Victor Musompo Kasongo, Private Secretary to the Minister of Justice, Keeper of the Seals,

Mr. Nsingi-zi-Mayemba, First Counsellor, Embassy of the Democratic Republic of the Congo in
the Kingdom of the Netherlands,

Ms Marceline Masele, Second Counsellor, Embassy of the Democratic Republic of the Congo in
the Kingdom of the Netherlands,

as Advisers;

Maître Mbambu wa Cizubu, member of the Kinshasa Bar (law firm of Tshibangu and Partners),

Mr. François Dubuisson, Lecturer, Université libre de Bruxelles,

Maître Kikangala Ngoie, member of the Brussels Bar, - 6 -

Mme Anne Lagerwall, assistante à l’Université libre de Bruxelles,

Mme Anjolie Singh, assistante à l’University College London, membre du barreau de l’Inde,

comme assistants.

Le Gouvernement de l’Ouganda est représenté par :

S. Exc. E. Khiddu Makubuya, S.C., M.P., Attorney General de la République de l’Ouganda,

comme agent, conseil et avocat;

M. Lucian Tibaruha, Solicitor General de la République de l’Ouganda,

comme coagent, conseil et avocat;

M. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., membre du barreau d’Angleterre, membre de la

Commission du droit international, professeur émérite de droit international public à
l’Université d’Oxford et ancien titulaire de la chaire Chichele , membre de l’Institut de droit
international,

M. Paul S. Reichler, membre du cabinet Foley Hoag, LLP, à Washington D.C., avocat à la Cour
suprême des Etats-Unis, membre du barreau du district de Columbia,

M. Eric Suy, professeur émérite à l’Université cat holique de Leuven, ancien Secrétaire général

adjoint et conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies, membre de l’Institut de droit
international,

S. Exc. l’honorable Amama Mbabazi, ministre de la défense de la République de l’Ouganda,

M. Katumba Wamala, (PSC), (USA WC), général de division, inspecteur général de la police de la
République de l’Ouganda,

comme conseils et avocats;

M. Theodore Christakis, professeur de droit in ternational à l’Université de Grenoble II

(Pierre Mendès France),

M. Lawrence H. Martin, membre du cabinet Foley Hoag, LLP, à Washington D.C., membre du
barreau du district de Columbia,

commceonseils;

M. Timothy Kanyogongya, capitaine des forces de défense du peuple ougandais,

comme conseiller. - 7 -

Ms Anne Lagerwall, Assistant, Université libre de Bruxelles,

Ms Anjolie Singh, Assistant, University College London, member of the Indian Bar,

as Assistants.

The Government of Uganda is represented by:

H.E. the Honourable Mr. E. Khiddu Makubuya S.C., M.P., Attorney General of the Republic of
Uganda,

as Agent, Counsel and Advocate;

Mr. Lucian Tibaruha, Solicitor General of the Republic of Uganda,

as Co-Agent, Counsel and Advocate;

Mr. Ian Brownlie, C.B.E, Q.C., F.B.A., member of the English Bar, member of the International
Law Commission, Emeritus Chichele Professor of Public International Law, University of
Oxford, member of the Institut de droit international,

Mr. Paul S. Reichler, Foley Hoag LLP, Washington D.C., member of the Bar of the United States
Supreme Court, member of the Bar of the District of Columbia,

Mr. Eric Suy, Emeritus Professor, Catholic University of Leuven, former Under Secretary-General

and Legal Counsel of the United Nations, member of the Institut de droit international,

H.E. the Honourable Amama Mbabazi, Minister of Defence of the Republic of Uganda,

Major General Katumba Wamala, (PSC), (USA WC), Inspector General of Police of the Republic
of Uganda,

as Counsel and Advocates;

Mr. Theodore Christakis, Professor of International Law, University of Grenoble II (Pierre Mendes
France),

Mr. Lawrence H. Martin, Foley Hoag LLP, Washington D.C., member of the Bar of the District of
Columbia,

as Counsel;

Captain Timothy Kanyogonya, Uganda People’s Defence Forces,

as Adviser. - 8 -

The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The Court meets today in order for

the Democratic Republic of the Congo to conclude its second round of oral argument with respect

to the counter-claims of Uganda; and thus, I shall now give the floor to Mr. Kalala.

M. KALALA :

L A PREMIÈRE DEMANDE RECONVENTIONNELLE OUGANDAISE ,EN CE QU ELLE CONCERNE LA
PÉRIODE RELATIVE À LA PRÉSIDENCE DU MARÉCHAL M OBUTU ,EST IRRECEVABLE ET ,

SUBSIDIAIREMENT ,DÉNUÉE DE TOUT FONDEMENT

1. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, je vais prendre la parole pour la

dernière fois devant cette Cour prestigieu se pour présenter la réponse de la RDC aux deux

demandes reconventionnelles de l’Ouganda. A ce su jet, je voudrais rappeler d’emblée à la Partie

ougandaise que sa troisième demande reconventionne lle, concernant les violations alléguées des

accords de Lusaka par le Congo, a été écart ée par la Cour dans son ordonnance du

1
29novembre2001 comme ne présentant pas de lien de connexité avec la présente espèce . Par

conséquent, la RDC n’entrera pas dans le débat lancé avant-hier par M.Reichler, qui a tenté de

justifier les combats menés sur le territoire congolais par l’armée ougandaise après la conclusion de

2
l’accord de Lusaka du 10 juillet 1999 par des prétendues violations de cet accord par le Congo .

2. Avant d’entamer l’examen des deux demandes reconventionnelles de l’Ouganda,

permettez-moi, Monsieur le président, de dire d’abord un mot sur une question plus générale. Lors

de ses dernières plaidoiries orales, l’Ouganda a persisté à vouloir dénier au Congo le droit de

3
présenter à ce stade des exceptions d’irrecevabilité portant sur les demandes reconventionnelles .

La RDC avait clairement indiqué dans ses observations écrites sur les demandes reconventionnelles

de l’Ouganda, en juin 2001, soit avant l’ordonnance rendue par la Cour en novembre 2001, qu’elle

4
se réservait le droit de présenter des ex ceptions préliminaires dans sa réplique , ce qu’elle a

effectivement fait. L’Ouganda a certes immédiatement tenté de lui dénier ce droit. Mais la Cour a

1
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), ordonnance du
29 novembre 2001, C.I.J. Recueil 2001, p. 680, par. 42-43.
2
Plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 47, par. 34.
3Plaidoirie de M. Suy, 27 avril 2005, CR 2005/15, p. 27, par. 2-10.

4Observations écrites de la RDC sur les demandes présentées comme reconventionnelles par la République de
l’Ouganda dans son contre-mémoire du 21 avril 2001, p. 67-68, par. 74-76. - 9 -

tranché cette question de manière on ne peut pl us claire, en déclarant dans son ordonnance du

20 novembre 2001 que les première et deuxièm e demandes reconventionnelles ougandaises étaient

recevables «comme telles» 5 (as such), c’est-à-dire comme demandes reconventionnelles, tout en

précisant que «la décision rendue sur la recevabilité d’une demande reconventionnelle compte tenu

des exigences formulées à l’article 80 du Règlement ne saurait préjuger aucune question dont la

6
Cour aurait à connaître dans la suite de la procédure» .

3. La Cour n’a donc pas préjugé de la question de la recevabilité des demandes ougandaises,

sous un autre angle que celui de la recevabilité en tant que demandes reconventionnelles, au sens

de l’article 80 du Règlement de la Cour. C’est pourquoi la Cour peut parfaitement aujourd’hui se

prononcer sur les exceptions préliminaires soulevées par le Congo, conformément à sa

jurisprudence dans l’affaire des Plates-formes pétrolières , dont absolument rien ne permet de

penser qu’il faudrait y voir une exception à une pr étendue règle générale selon laquelle de telles

exceptions seraient irrecevables à ce stade.

4. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, la réfutation de la première

demande reconventionnelle ougandaise sera présent ée en trois temps, par moi-même, par le

professeur Corten et enfin par le professeur Klein, en distinguant trois périodes distinctes: celle

relative à la présidence du maréchal Mobutu, ce lle allant de l’accession au pouvoir du président

Laurent-Désiré Kabila au début du conflit en RDC, le 2août1998, et enfi n celle postérieure au

déclenchement de ce conflit.

5. Le professeur Salmon examinera ensuite brièvement la seconde demande

reconventionnelle ougandaise rela tive aux actes dont le Congo se serait prétendument rendu

responsable concernant l’ambas sade d’Ouganda à Kinshasa et le traitement de certains

ressortissants ougandais. Enfin, l’ambassad eur Masangu-a-Mwanza, en sa qualité d’agent,

présentera les conclusions de la République démocratique du Congo.

5
Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), ordonnance du
29 novembre 2001, C.I.J. Recueil 2001, p. 681, par. 45.
6Ibid., p. 681, par. 46. - 10 -

L A PREMIÈRE DEMANDE RECONVENTIONNELLE OUGANDAISE ,POUR LA PÉRIODE QUI SE

RAPPORTE À LA PRÉSIDENCE DU MARÉCHAL M OBUTU , DOIT ÊTRE REJETÉE

6. La partie de la premiè re demande reconventionnelle ouga ndaise qui est afférente à la

période de la présidence du maréchal Mobutu do it être rejetée, à titre principal, parce que

l’Ouganda doit être tenu comme ayant renoncé à engager la responsab ilité de la RDC pour les faits

concernant cette période et, à titre subsidiaire,parce que l’Ouganda ne f ournit aucun élément de

preuve permettant de conclure que le Zaïre a violé le droit international à son égard.

I. L’Ouganda a renoncé à engager la responsabilité de la RDC pour les faits relevant
de la période de la présidence du maréchal Mobutu

7. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, au cours de sa plaidoirie de

mercredi dernier, le professeur Suy a reproché à la RDC de «saucissonner» la première demande

reconventionnelle en «tranches», en distinguant trois périodes, et ce afin de «soustraire à l’attention

de la Cour» la période située avant le mois de mai 1997 7.

8. Il ne faut pas être grand stratège pour comprendre les différentes raisons qui amènent

l’Ouganda à rejeter cette présentation des choses. Tout d’abord, l’Ouganda n’aime pas qu’on lui

rappelle le rôle actif qu’il a lui-même joué dans le «saucissonnage» de l’histoire récente du Congo.

Je dois préciser ici que chaque «tranche» distinguée par la
RDC a en effet été séparée de la

précédente par une intervention de l’Ouganda en territoire congolais. En premier lieu, l’appui

politique et militaire donné à l’AFDL par l’Ou ganda, qui a abouti à l’arrivée au pouvoir de

Laurent-Désiré Kabila en 1997, en lieu et place du maréchal Mobutu ⎯ c’est la charnière entre la

première et la deuxième période ⎯ et, en second lieu, l’invasion du Congo par l’Ouganda en

août 1998 ⎯ c’est la charnière entre la deuxième et la troisième période. Ensuite, la confusion des

trois périodes en un seul «fait illicite continu», en une sorte de grand tout indifférencié, vise à

dispenser l’Ouganda de présenter des preuves convaincantes propres à chacune de ces périodes, qui

démontreraient que, au regard des acteurs pertinents et du contexte spécifique, les autorités

congolaises ont manqué à leurs obligations internati onales à l’égard de l’Ouganda en matière de

non-recours à la force. Enfin, l’amalgame de toutes les périodes vise à masquer le fait que pour les

actes relatifs à la première d’entre elles, la péri ode concernant la présidence Mobutu, l’Ouganda a

7
Plaidoirie de M. Suy, 27 avril 2005, CR 2005/15, p. 30, par. 12-13. - 11 -

renoncé à engager la responsabilité internationale de la RDC, comme je vais à présent vous

l’expliquer.

9. Dans sa plaidoirie du mercredi 27avrildernier, le professeur Suy a apporté très peu

d’éléments de réponse aux arguments circonstanciés présentés la semaine dernière par mon

collègue Pierre Klein. Le conseil de l’Ouganda a d’ abord insisté sur le principe de la continuité de

l’Etat entre le Zaïre et le Congo 8, un principe qui n’a jamais été remis en cause par la RDC. Il s’est

ensuite essentiellement contenté de rétorquer qu’il av ait existé une réaction continue de la part de

l’Ouganda vis-à-vis du Zaïre, sans renvoyer pour autant à aucun acte de protestation précis. Lors

du premier tour de plaidoiries, le professeur Suy avait cependant confessé que le dépôt de la plainte

ougandaise avait été motivé par celui de la demande principale du Congo 9. C’est dire que les

autorités ougandaises n’ont jamais eu, ni manifesté, aucune intention de formuler une réclamation

pour les événements datant de la période du président Mobutu jusque dans un passé récent. Dans

ces conditions, il ne fait guère de doute qu’il y a eu renonciation au sens de l’article 45 des articles

de la Commission du droit international sur la resp onsabilité des Etats. Ce volet de la demande

ougandaise est donc irrecevable. Cependant, à titr e subsidiaire, j’aborderai le fond de cette

première période, dans la deuxième partie de cette plaidoirie.

II. L’Ouganda ne fournit aucun élément de preuve permettant de conclure que, pendant
la présidence du maréchal Mobutu, le Zaïre a violé le droit international
à l’égard de l’Ouganda

10. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, l’Etat défendeur reproche à la

RDC d’avoir, d’une part, manqué à son obligation de vigilance sous le règne du maréchal Mobutu

en laissant les mouvements rebelles ougandais utili ser son territoire pour lancer des attaques en

Ouganda et, d’autre part, apporté un soutien politique et militaire à ces mouvements au cours de la

10
période concernée .

11. Concernant la première accusation, le professeur Suy a déclaré au cours de sa plaidoirie

de mercredi 27 avril dernier que le Congo a rec onnu n’avoir pris aucune mesure pour se conformer

à son obligation de vigilance et que sa respon sabilité internationale est donc automatiquement

8
Ibid., p. 30, par. 14.
9
Plaidoirie de M. Suy, 20 avril 2005, CR 2005/10, p. 26, par. 9.
10Plaidoirie de M. Suy, 27 avril 2005, CR 2005/15, p. 32-35, par. 18-27. - 12 -

engagée . Monsieur le président, l’affirmation du professeur Eric Suy n’est pas exacte. La RDC

tient à réaffirmer ici ce qu’elle a toujours dit à ce sujet. Il faut en effet préciser que les

mouvements rebelles, ougandais et congolais, se sont toujours réfugiés depuis de nombreuses

années dans la région des monts Ruwenzori qui ch evauche la frontière entre l’Ouganda et le

Congo. Depuis l’arrivée du président Museveni au pouvoir en janvier 1986, plusieurs groupes

armés se sont formés contre son régime et opèrent sur les frontières nord et ouest de l’Ouganda.

Cette situation n’a guère changé, même lorsque les autorités ougandaises ont envahi puis occupé le

Congo, pendant près de cinq années. Ce n’est donc pas le Congo qui a créé ces mouvements.

12. Monsieur le président, il n’est pas inutile de donner à la Cour quelques informations sur

la configuration géographique et topographique de la zone frontal ière entre la RDC et l’Ouganda

dans la région des monts Ruwenzori. Il convient tout d’abord de ne pas perdre de vue que la RDC

est le seul pays africain qui a neuf pays voisins et qui dispose de près de 9000kilomètres de

frontières. La frontière ougando-congolaise court sur plus de 1000 kilomètres. Les monts

Ruwenzori, dont la Cour peut voir une photographie sur l’écran derrière moi, se trouvent sur la

section sud de la frontière entre le Congo et l’Ouga nda. C’est donc dans cette zone montagneuse,

inhospitalière et d’accès très difficile que les mouvements rebelles ougandais, congolais et autres

bandits de grand chemin, se cachent souvent pour opérer et échapper aux forces de sécurité des

deux Etats.

13. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, l’impossibilité de contrôler

efficacement une telle frontière, surtout dans la zone des monts Ruwenzori, a été reconnue par

l’Ouganda lui-même. A une critique de l’ONU con cernant les violations de l’embargo sur les

armes à destination de la RDC, décidé par le Conseil de sécurité, l’Ouganda a répondu à l’ONU

que «ses services douaniers n’avaient pas les capacités voulues pour surveiller une frontière de près

de 1200 kilomètres en un terrain diffi cile et le long des Grands Lacs» 12. Mais si l’Ouganda avoue,

Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, devant l’ONU qu’il ne peut empêcher des

trafics illicites sur une frontière de près de 1200 kilomètres, comment peut-il reprocher à la RDC

ou au Zaïre d’avoir manqué à son obligation de vig ilance sur la même frontière? Monsieur le

11
Ibid., p. 33, par. 23.
12Doc. S/2005/30, 25 janvier 2005, p. 30, par. 103. - 13 -

président, au Congo, on nous apprend dès le bas âg e que l’on tue un serpent avec le bâton qu’on a

entre les mains. On ne peut guère s’attendr e à ce que la RDC poste un satellite d’observation

militaire ou des avions radar dans les monts Ru wenzori pour suivre les mouvements des groupes

armés, nuit et jour, afin de les empêcher d’opé rer en Ouganda ou au Congo. Un Etat exerce la

vigilance sur son territoire avec les moyens dont il dispose compte tenu de toutes les circonstances

objectives.

14. Pour revenir à la période 1994-1997, le Gouvernement congolais a pris des mesures

normales de surveillance de sa frontière, mais il n’a jamais reçu une demande expresse de

l’Ouganda visant à prendre telle ou telle mesure part iculière, contre tel ou tel groupe rebelle. Il est

d’ailleurs pour le moins audacieux, de la part de la Partie ougandaise, d’accuser le Zaïre de défaut

de vigilance, alors que c’est l’Ouganda lui- même qui a soutenu militairement des mouvements

rebelles congolais dans cette même zone. Un soutien qui, on le sait, a duré de novembre1996 à

mai1997, date du renversement par la force du Gouvernement officiel du Zaïre. L’accusation

ougandaise portant sur un défaut de vigilance dans les monts Ruwenzori pour la période précédant

le renversement du maréchal Mobutu ne peut donc raisonnablement être prise en compte.

15. Au sujet de la deuxième accusation 13, l’Ouganda reproche au Zaïre d’avoir non

seulement toléré, mais aussi soutenu les rebe lles ougandais sous la présidence du maréchal

Mobutu. A titre de preuves, le professeurSuy a cité plusieurs annexes du contre-mémoire

14
ougandais . Dans ses écritures, comme dans ses plaidoiries, la RDC avait déjà critiqué de manière

approfondie chacune des allégations ougandaises et montré qu’aucune des annexes citées par l’Etat

15
défendeur ne peut être considérée comme une preuve judiciaire . L’Ouganda n’a pas répondu à

ces critiques ni dans ses écritures, ni au cours de la phase orale. Je n’y reviendrai donc pas ici de

façon détaillée.

16. Monsieur le président, pour mesure r le manque de série ux de ces documents,

permettez-moi, Monsieur le président, de m’a ttarder à l’annexe6 du contre-mémoire ougandais,

citée par le professeurSuy. Après avoir accusé les autorités zaïroises de soutenir les rebelles

13Plaidoirie de M. Suy, 27 avril 2005, CR 2005/15, p. 34-35, par. 26.
14
Ibid.
15Réplique du Congo, p. 359-362, par. 6.26-6.33 et observations additionnelles du Congo, par. 1.25-1.40. - 14 -

ougandais, un rapport des services ougandais mentionne que «the French and the Sudanese are also

16
involving in assisting these rebel groups» . Ainsi, Monsieur le président, voici la France qui serait

à son tour associée au complot soudano-congolais. Monsieur le président, Madame et Messieurs de

la Cour, de telles affirmations sont tellement fantaisistes qu’il n’est pas besoin de les commenter

davantage.

17. Aussi, selon l’annexe64 citée par le pr ofesseurSuy, annexe intitulée «ADF-Kabila

Links ⎯Revelations by Commander Junju Juma Former Commanding Officer ADF Presidential

Protection Unit (code named Mawingo) 17 may 2000» et sous la rubrique «Logistics received by

ADF from Kabila Government», le gouvernement Kabila a livré des armes en novembre 1996 et en

janvier 1997 au mouvement rebelle ougandais ADF. Or, Monsieur le président, tout le monde sait

que tant en novembre 1996 qu’en ja nvier 1997, Laurent-Désiré Kabila n’était président ni du Zaïre

ni de la RDC. Il n’a accédé au pouvoir que le 17mai1997. Et c’est pourtant sur ce type de

«révélations» que l’Ouganda vous demande au jourd’hui de conclure à la responsabilité

internationale du Congo pour les faits remontant à cette période.

18. Concernant les neuf autres annexes (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 10 et11) jointes au

contre-mémoire ougandais et qui seraient cont emporaines au règne du maréchalMobutu et

couvrant la période du 17septembre1990 au 15oc tobre1996, la RDC fait remarquer à la Cour

qu’elles sont toutes des notes internes des ser vices de renseigneme nts militaires ougandais

(Chieftancy of Military Intelligence) qui ne peuvent pas constituer des preuves judiciaires.

19. Ce que la RDC reproche à l’Ouganda, Mons ieur le président, en matière de preuve, ce

n’est pas le fait de produire des documents établis par ses propres services, mais le fait de ne pas

apporter des preuves supplémentaires provenant de sources neutres et crédibles pour corroborer les

rapports de ses propres fonctionnaires. Il est pour le moins illogique de constater que lorsque le

Congo produit les procès-verbaux d’audition établis par ses services de renseignements militaires

concernant l’opération aéroportée de Kitona, l’Ouga nda les rejette d’un revers de la main en

dénigrant les services congolais, alors que le contenu de ces documents est corroboré par diverses

sources neutres et crédibles. Mais l’Etat défendeur prétend en même temps engager la

16
Contre-mémoire de l’Ouganda, annexe 6, p. 2, point 5. - 15 -

responsabilité internationale de la RDC sur la seule base des documents rédigés par ses propres

services de renseignements militaires.

20. Au total, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, la RDC prie

respectueusement la Cour de juger que l’Ouganda n’a apporté aucune preuve sérieuse et crédible

attestant, d’une part, le manquement de la RDC à son obligation de vigilance et, d’autre part, le

soutien aux mouvements rebelles ougandais au cours de la période1994-1997. Monsieur le

président, Madame et Messieurs les juges, je remercie la Cour pour sa bienveillante attention et je

vous prie d’accorder la parole au professeur Olivier Corten qui va présenter la réponse de la RDC

au deuxième volet de la première demande reconventionnelle de l’Ouganda. Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Mr. Kalala. I now give the floor to Professor Corten.

M. CORTEN : Merci, Monsieur le président.

L A RDC N’A PAS VIOLÉ LE DROIT INTERNATIONAL À L ’ENCONTRE DE L ’OUGANDA
ENTRE LE MOIS DE MAI 1997 ET LE 2 AOÛT 1998

1. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, l’Ouganda accuse le Congo de

l’avoir agressé dans les semaines qui ont précédé le 2août1998. Cette accusation résulterait de

liens noués par le Congo avec des rebelles ougandais, d’une part, et avec l’Etat du Soudan, d’autre

part. Pourtant, l’Ouganda n’a toujours pas apporté la preuve attestant l’existence de ces liens.

I. L’absence persistante de preuves de liens entre les autorités de la RDC et

des forces rebelles ougandaises

2. Monsieur le président, en présentant le deuxième tour de plaidoiries sur les demandes

reconventionnelles, un conseil de l’Ouganda a affirm é que la RDC avait violé le droit international

«en laissant différents groupes rebelles utiliser s on territoire pour préparer et lancer des attaques

terroristes et actes subversifs contre l’Ouganda, voire en soutenant ou aidant ces rebelles»

3. La Cour l’aura relevé, la portée de la demande ougandaise semble, à ce stade final de la

procédure, s’être singulièrement rétrécie. Après avoir accusé la RDC d’avoir contrôlé et dirigé des

18
attaques contre lui , puis s’être contenté d’accuser le Congo d’un soutien général aux groupes

17
Plaidoirie de M. Suy, 27 avril 2005, CR 2005/15, par. 1.
18Contre-mémoire de l’Ouganda, par. 5, par. 40 et par. 389. - 16 -

19
rebelles , la seule accusation clairement assumée par l’Ouganda est désormais celle d’une simple

tolérance. L’accusation d’un soutien ou d’une aide est devenue une simple hypothèse, que

l’Ouganda admet implicitement ne pouvoir démontre r, en utilisant l’expression «voire» qui la

précède dorénavant. Dont acte. Mais qu’en est-il sur le fond ?

4. Un conseil de l’Ouganda affirme que les groupes rebelles ont pu, «tranquillement» ⎯ ce

20
sont ses termes ⎯ et «en toute quiétude» , mener des attaques à partir du Congo. Monsieur le

président, le même conseil de l’Ouganda parla it pourtant, lors du premier tour, d’une «période

d’entente entre les deux pays (période qui se situe entre mai1997 et juillet1998)» 21. Un autre

conseil de l’Ouganda affirmait quant à lui, en se plaçant au début du mois d’août1998, que

«jusque-là le président Kabila avait collaboré dans ces efforts» de sécurisation de la frontière 22. Un

autre conseil encore, de l’autre côté de la ba rre, a insisté sur toutes les mesures prises par le

présidentKabila pour faciliter les actions de l’UPDF au Congo, en prétendant même qu’un

consentement avait formellement été donné à la présence de ces troupes en territoire congolais 23. Il

n’est pas non plus contesté que les Forces ar mées congolaises ont elles-mêmes mené plusieurs

24
opérations de lutte contre les rebelles ougandais toujours pendant cette période .

5. Monsieur le président, Madame et M essieurs de la Cour, pourchasser les rebelles,

autoriser une armée étrangère à mener des acti ons militaires à leur encontre sur son propre

territoire, conclure un accord visant à les érad iquer, est-ce bien là, «offrir un refuge sûr» 25ou

laisser «agir tranquillement», «en toute quiétude », ces mêmes rebelles? L’Ouganda ne peut,

lorsqu’il plaide sur le consentement, insister tant et plus sur le soutien actif donné à son armée par

les autorités congolaises puis, lorsqu’il plaide sur ses demandes reconventionnelles, prétendre que

ces autorités étaient négligentes et offraient un «refuge sûr» aux rebelles ougandais.

19Duplique de l’Ouganda, p. 308, par. 666 et plaidoirie de M. Suy, 20 avril 2005.

20Plaidoirie de M. Suy, 27 avril 2005, par. 13.
21
Ibid., 20 avril 2005, CR 2005/10, p. 25, par. 6.
22
Plaidoirie de M. Reichler, 15 avril 2005, CR 2005/6, p. 42, par. 67.
23Plaidoirie de M. Brownlie, 19 avril 2005, CR 2005/8, p. 10-12, par. 12-19.

24 Réplique du Congo, p.158-166, par. 3.26-3.43 et pl aidoirie de M. Corten, 12 avril 2005, CR 2005/3, p. 33,
par. 12.

25Plaidoirie de M. Suy, 27 avril 2005, par. 13. - 17 -

6. On nous répond que le préside ntKabila jouait un «double jeu» 26, qu’il avait un

27
«comportement ambigu» , que, même dans cette région équa toriale, il existait une partie

immergée de l’«iceberg» 28.

7. Mais où sont les preuves? Monsieur le président, pour la première fois avant-hier,

plusieurs documents ont été cités par l’Ougand a dans ses plaidoiries, en vue de «prouver» un

soutien actif du Gouvernement c ongolais aux rebelles ougandais penda nt la période critique. De

quoi s’agit-il ? De documents authentiques, cont emporains des faits, non préparés pour la présente

29
instance, corroborés par d’autres sources, nous répond-on de l’autre côté de la barre .

8. En réalité, ces six documents, les annexes 12, 18, 20, 64, 71 et 76 du contre-mémoire, ne

sont corroborés par aucune source, quelle qu’elle soit. Il s’ agit de six textes rédigés par les

autorités ougandaises elles-mêmes. Tous ne sont pas datés précisément, mais trois ont été rédigés

dans le courant de l’année 2000 ou au début de l’ année 2001, soit au moment de la préparation du

contre-mémoire 30. La RDC a d’ailleurs déjà critiqué dans le détail ces documents dans ses

31
écritures . Je ne formulerai donc ici que quelques remarques complémentaires.

⎯ D’abord, la Cour relèvera que deux de ces textes ne font état que de craintes qu’un haut gradé

congolais ne se montre pas suffisamment efficace dans la lutte contre les rebelles ougandais,

32
sans qu’aucune accusation particulière soit pour autant formulée à son encontre .

⎯ Une troisième annexe fait mention de contacts «en 1998» (in 1998), puis d’un appui en armes

«plus tard» (later), sans plus de précision sur la date de cet appui 33; on ne peut donc

certainement pas l’utiliser pour prouver une aide congolaise aux rebelles ougandais pendant la

période critique, celle qui précède le 2 août 1998.

26
Plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 18, par. 31.
27Plaidoirie de M. Suy, 27 avril 2005, par. 13.

28Ibid., par. 24.

29Plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 18-19, par. 33.
30
Contre-mémoire de l’Ouganda, annexes 64, 71 et 76.
31
Voir notamment la réplique du Congo, p. 189-191, par. 3.89-3.93; observations additionnelles du Congo, p. 22,
par. 1.32.
32
Contre-mémoire de l’Ouganda, annexe s 12 et 18, et les citations tirées de la plaidoirie de M. Reichler,
27 avril 2005, CR 2005/14, p. 19, par. 34 et 35.
33
Contre-mémoire de l’Ouganda, annexe 64, p. 1, la citations tirée de la plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005,
CR 2005/14, p. 19, par. 37. - 18 -

⎯ Deux autres textes, il est vrai, relatent des «révélations» de prisonniers de l’ADF selon

lesquelles des contacts auraient été noués avec les autorités congolaises avant cette date, le

2août1998. Des contacts auraient été noués, rien de plus car, au moment même où ces

contacts allaient déboucher sur une aide matérielle, selon les révélations , la guerre au Congo a

éclaté, l’UPDF envahissant l’est du territoire. «Nous n’avons pas reçu ces armes» (We didn’t

34
get those weapons), nous dit le premier de ces documents . «L’UPDF a pris Kisangani avant

que l’ADF puisse obtenir les armes» (UPDF captured Kisangani before ADF could pick up the

35
arms) , nous dit le second. Pas d’aide matérielle, donc, même si l’on se réfère à ces

documents.

⎯ Quant au sixième document, il s’appuierait sur le témoignage de l’un des participants à

l’attaque de Kichwamba, qui ⎯ je l’ai déjà signalé ⎯ ne mentionne à ce sujet aucune aide ni

appui ni tolérance des autorités congolaises, mais parle d’un projet ⎯oui, d’un projet ⎯ de

36
contacter un militaire congolais afin d’obtenir de l’aide . Rien n’indique que cette aide ait

jamais été obtenue.

9. Enfin, il y a deux jours, l’Ouganda a produit un document «prouva nt» que Taban Amin

aurait été nommé général des Forces armées congolaises, à une date qui reste non précisée. La

Partie ougandaise a produit une version étrangeme nt écourtée de ce document, mais comme il

relève du domaine public, le Congo a pu se procurer le texte complet. La Cour ne manquera pas,

en temps voulu, de lire l’article de presse dont il est question, qui se trouve dans le dossier de juge,

sous la cote 45. Elle goûtera le côté pour le mo ins pittoresque d’un personnage qui, tout en étant le

fils d’Idi Amin Dada, se déclare à présent «fils de Museveni», tout en affirmant être devenu général

de l’UPDF. Une nomination visiblement aussi fant aisiste que celle dont il aurait bénéficié au sein

de l’armée congolaise, si on en croit en tout cas les dénégations du por te-parole de l’UPDF

lui-même.

34Ibid., annexe 71.
35
Ibid., annexe 76.
36Ibid., annexe 20. - 19 -

10. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, sont-ce réellement là les

«preuves» sur lesquelles la Cour devrait s’appuyer pour établir un acte illicite attribuable au Congo,

qui plus est un acte aussi grave qu’une véritable agression ?

11. Mercredi dernier, un con seil de l’Ouganda s’est s’offu squé des propos tenus par le

Congo selon lesquels des documents auraient été fa briqués par la Partie ougandaise en vue de la

37
présente instance . «[F]abriqués», cela signifie simplement, en français, confectionnés. Rien de

plus, mais rien de moins. Et il est un fait objectif que la plupart des documents annexés aux

écritures ougandaises ont été confectionnés par l es autorités ougandaises elles-mêmes. Au

demeurant, il existe de sérieux indices laissant penser que certains des «témoignages», recueillis

auprès de prisonniers ou de repentis dans des conditions inconnues, manquent totalement de

crédibilité, et ceci quelle que soit la période considéré
e.

⎯ Faut-il rappeler le cas de ce prisonnier qui «tém oigne» de faits qui se sont déroulés au Congo

38
alors que, au moment de ces faits, il se trouvait dans une prison ougandaise ?

⎯ Faut-il rappeler, après M e Kalala, les accusations les plus fantaisistes selon lesquelles la France

elle-même aurait aidé les rebelles ougandais ? 39

⎯ Faut-il encore revenir sur l’épisode rocambolesque de l’ambassadeu r ougandais en poste à

Kinshasa qui, au stade de la duplique, se «ra ppelle», pour la premiè re fois, de preuves

irréfutables qu’il aurait laissées dans son ambassade en 1998, sans jamais les avoir transmises à

ses autorités ?40

12. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, ce ne sont évidemment pas des

conseils expérimentés, tels que nos savants contradicteurs, qui ont eux-mêmes confectionné de tels

documents. Ce sont visiblement d’autres services en Ouganda, dont il ne nous appartient pas de

sonder les motivations. Ce qui est, en revanche, certain, c’est qu’il n’est pas exagéré d’évoquer,

37
Plaidoirie de M. Brownlie, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 31-32.
38Contre-mémoire de l’Ouganda, annexe 63; voir réplique du Congo, p. 373-374, par. 6.60-6.61.

39Contre-mémoire de l’Ouganda, annexe 6, point 5.

40Duplique de l’Ouganda, p. 322, par. 695 et annexe 87, par. 9 et 14; criti ques dans les observations
additionnelles du Congo, p. 23-25, par. 1.34-1.36. - 20 -

comme en effet l’a fait le Congo, certaines ⎯ selon les termes d’un conseil du Congo ⎯ «preuves

41
fabriquées ou fantaisistes» .

13. Au vu de ces éléments, il est clair que l’Ouganda n’a pas prouvé une quelconque aide, ou

appui des autorités congolaises à des rebelles ougandais. Et la même conclusion peut être tirée au

sujet des mystérieux liens qui auraient été tissés avec le Soudan dès avant le 2 août 1998. Et j’en

arrive ainsi au deuxième temps de mon raisonnement.

II. L’absence persistante de preuves de liens entre les autorités de la RDC et
les forces armées soudanaises

14. Monsieur le président, lors du premier t our de plaidoiries, un conseil de l’Ouganda a

affirmé que l’alliance diabolique tripartite Congo/rebelles ougandais/Soudan avait été établie

42
«après …la période qui se situe entre mai 1997 et juillet 1998» . Le Congo n’a pas manqué de

souligner que l’affirmation supposait qu’aucune alliance de ce type n’avait pu être conclue pendant

43
cette même période . Pour toute réaction, la Partie ouga ndaise a affirmé mercredi dernier que,

après l’invasion du Congo, «l’une des puissances étrangères vers lesquelles s’est tournée la RDC

pour obtenir un soutien militaire en cette heure de besoin a été le Soudan» 44. Toujours, lors de

cette même plaidoirie, les «fa its spécifiques» qui ont été invoqu és comme des «éléments détaillés

45
de la thèse de l’Ouganda» sont da tés, au plus tôt, du 14 août 1998 . Au vu de ces déclarations, la

Partie ougandaise semble très clairement avoir renoncé à prétendre que l’alliance diabolique ait été

conclue avant le déclenchement de la guerre.

15. Il est vrai qu’un conseil de l’Ouganda a, mercredi dernier, passé beaucoup de temps et

d’énergie à tenter d’accréditer de manière généra le, sans qu’on ne sache quelle période exacte cela

pourrait couvrir, la thèse du complot, au point de se laisser aller à des affirmations selon lesquelles

il était «évident» que les conseils du Congo «n’avaient pas lu leurs propres écritures» 4. Que peut

41
Plaidoirie de M. Salmon, 25 avril 2005, CR 2005/11, par. 20.
42 Plaidoirie de M. Suy, 20 avril 2005, CR 2005/10, p. 25, par. 6; les italiques sont de nous.

43 Plaidoirie de M. Corten, 22 avril 2005, CR 2005/11, p. 27, par. 25.

44 «[T]o save itself, one of the foreign Powers to whithe DRC turned for military support in its hour of need
was the Sudan», plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 29, par. 57.

45 «[D]etailed elements of Uganda’s case», plaidoirie de M. Reichl er, 27 avril 2005, CR 2005/14, p.12-13,
par. 18.
46
Plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 8, par. 3. - 21 -

donc bien cacher une affirmation aussi radicale de la part d’une personne au ton habituellement si

mesuré et si courtois ?

16. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, après que le Congo a insisté sur

l’absence totale de preuves apportée par l’O uganda, celui-ci était confronté à un véritable

dilemme: soit abandonner sa prétention ⎯ce qu’il semble avoir fait, au moins pour la période

critique, nous venons de le constater ⎯, soit apporter de nouveaux éléments de preuve ⎯ ce qu’il

ne pouvait faire. C’est sans doute pour échapper à ce dilemme qu’il en a été réduit à un dernier

recours, celui de la révélation fracassante. Pour reprendre les termes de mon estimé contradicteur

au sujet du complot avec le Soudan, «ces faits s ont pleinement prouvés par les propres écritures de

la RDC ainsi que par les preuves documentaires qui y sont annexées» 47. Mais où sont donc les

preuves en questions ?

17. Dans l’argumentation écrite du Congo ? Le seul passage évoqué est le paragraphe 3.24

48
de la réplique, paragraphe qui, selon la Par tie ougandaise, «cite un document en l’approuvant» .

En réalité, la réplique ne fait que citer un rapport selon lequel, après le déclenchement du conflit,

«on rapporte que Kabila est à la recherche de nouvelles alliances extérieures» 49, le Soudan étant

ensuite cité parmi d’autres. Les origines de cette rumeur, qui ne porte à ce stade que sur la

recherche d’une alliance, ne sont pas précisées. Et, loin de l’approuver, comme le prétend

l’Ouganda, le Congo dans sa réplique menti onne expressément qu’il ne s’agit que d’une

«hypothèse», et une hypothèse qui ne couvre pas la période critique précédant le 2 août 1998 50.

18. Rien, donc, dans les écritures congolaises. Mais qu’en est-il des annexes à ces écritures ?

Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, voici l’«extensive and impressive

proof» 51que l’Ouganda vient de découvrir et nous révèle enfin, lors de son tout dernier tour de

plaidoiries. Ce volume annexé à la réplique du Congo comprend exactement cent quarante-cinq

documents qui sont autant de communiqués de l’ IRIN, réseaux d’information régionaux intégrés,

47
«[T]hese facts are fully proven by the DRC’s own wr itten pleadings and the documentary evidence attached
thereto», plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 11, par. 15.
48
«[Q]uoting with approval a document», plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 16-17, par. 28.
49
«Kabila is reported to be looking for new external alliances.»
50Réplique du Congo, p. 156, par. 3.24.

51Plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 16, par. 27. - 22 -

rattachés aux NationsUnies. Parmi ces cent quarante-cinq documents, l’Ouganda en sélectionne

soigneusement trois, la plupart des autres contredisant sa propre version des faits.

19. Le premier, daté du 9 septembre 1998, énonce que «des sources diplomatiques et

militaires ont fait savoir aujourd’hui (mercredi) à l’IRIN qu’ils avaient reçu des rapports selon

lesquels le Soudan avait fourni du maté riel militaire… aux forces de la RDC» 52. Mais il ajoute

aussitôt, et ce passage n’a curieu sement pas été cité par les cons eils de l’Ouganda, qu’«il n’a pas

été possible de confirmer ces rapports» 53. Une source journalistique, citant des «sources

diplomatiques et militaires» non précisées, sources fondées sur des «rappor
ts» aux auteurs non

identifiés et dont le contenu n’a pu être conf irmé. Voilà la première «preuve» invoquée par

l’Ouganda.

20. Tournons-nous maintenant vers la deuxième. Un conseil de l’Ouganda a cité un

communiqué de l’IRIN daté du 14 septembre 1998, communiqué qui contiendrait l’affirmation

suivante, selon le conseil de l’Ouganda : «la sema ine dernière, deux mille soldats soudanais ont été

envoyés en RDC pour appuyer l’armée de Kabila» 54. Mais en réalité, que dit exactement ce

document? Il commence par évoquer les prétenti ons d’un haut officiel ougandais, prétentions

55
aussitôt démenties par un représentant du Soudan . Puis il poursuit «La semaine dernière, le

journal bruxellois Le Soir a fait état de l’envoi de deuxmille sold ats soudanais en RDC pour

56
appuyer l’armée de Kabila.»

21. Par distraction sans doute, notre savant cont radicteur a omis de citer l’expression que je

viens de souligner. L’IRIN n’affirme pas que deuxmille soldats soudanais ont été envoyés au

Congo. Quant au journal belge Le Soir, auquel ce communiqué fait réfé rence, il énonce dans son

52«Diplomatic and military sources told IRIN today (Wednesday) they had received reports Sudan has been

flying military supplies … to the forces of DRC.»
53«[I]t was not possible to confirm the reports.»

54«Last week, 2,000 Sudanese soldiers were sent to the DRC to support [President] Kabila’s army»; plaidoirie de
M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 9, par. 6.

55

«The ‘East African’ weekly newspaper reported today on claims that some 2,800 Rwandan and
Ugandan Hutu rebels were being trained at three camps in southern Sudan as pa rt of the government of
Sudan’s support to Kabila. The newspaper quoted the director of Uganda’s External Security
Organization as saying that the training of the Hutu youth was part of a ‘Sudan-Congo conspiracy’… The
East African reported an official of the Sudanese Embassy in Nairobi as denying the allegations.»

56«Last week, the Brussels-based Le Soir newspaper reported that 2,000 Sudanese soldiers were sent in DRC to
support Kabila’s army», les italiques sont de nous. - 23 -

édition datée du 7 septembre 1998 que « selon un journal kinois , deux bataillons soudanais se

trouveraient dans le nord du pays, du côté de Bunia, afin de participer à la prise de Kisangani et de

57
chasser les Ougandais qui s’y trouvent» . Bref, l’IRIN renvoie prudemment à un journal, qui

renvoie lui-même à un autre journal, on ne sait pas lequel, qui mentionnerait lui-même une

hypothèse («se trouveraient»). Une hypothèse visiblement fantaisiste, aucun soldat soudanais

n’ayant jamais menacé l’UPDF lorsqu’elle est arrivée, puis a occupé Kisangani, à partir du

1erseptembre 1998.

22. Notre contradicteur cite alors un autre communiqué de l’IRIN, daté du

16septembre1998, qui établirait, pour repre ndre encore ses propos, que «le Soudan a envoyé

deuxmille de ses soldats à Kindu… pour aider le président Kabila et ses alliés» 58. Monsieur le

président, je ne dois décidément pas avoir bien lu les propres écritures du Congo car, lorsque je

consulte le document en question, je n’y trouve, une fois encore, pas la même chose que mon

savant contradicteur. Le communiqué de l’IRIN mentionne en effet que «les rebelles ont prétendu

hier (mardi) que le Soudan a envoyé deuxmille de ses soldats à Kindu…» 59. «Les rebelles ont

prétendu hier que», une expression qui n’a pas été rapportée par le conseil de l’Ouganda; de même,

mais c’est sans doute un hasard, n’a-t-il pas jugé utile de préciser que «le chef d’état-major des

Forces armées congolaises (FAC) a rejeté catégori quement l’allégation», comme l’a aussi fait le

60
ministre soudanais des affaires étrangères .

23. Venons-en à présent au livre rédigé par le dirigeant du MLC, un livre que ni le

61
professeur Salmon ni moi-même n’avon s «évidemment pas lu [nous]-mêmes» , pour reprendre le

ton décidément agacé de notre éminent contradicteur. Monsieur le président, Madame et Messieurs

de la Cour, j’ai lu ce livre avec un grand intérêt, non pas pour y découvrir les appréciations

personnelles de son auteur sur les événements ⎯qui ont été citées avant-hier et qui ne prouvent

57
Colette Braeckman, «La haine ethnique s ecoue le Rwanda et divise le Congo», Le Soir, 7 septembre 1998, les
italiques sont de nous.
58
«Sudan had sent 2,000 of its soldiers to Kindu, Mainema province, to help DRC President Kabila and his
allies», plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 9, par. 7.
59
«Rebel claimed yesterday (Tuesday) that Sudan had sent 2,000 of its soldiers to Kindu…».
60«The chief of staff of the Forces armées congolaises (FAC) has ‘categorically denied’ the allegation.»

61Plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 10, par. 12. - 24 -

62
absolument rien ⎯, mais pour prendre connaissance de son témoignage direct sur certains faits

en relation avec la présente affaire. Et voici ce que j’en ai conclu au sujet de la bataille de

Gbadolite, de juillet 1999. Je cite ma plaidoirie du 22avril dernier: «le chef du MLC, qui a

combattu main dans la main avec l’UPDF, expose les principales étapes de la bataille, sans jamais

63
mentionner un seul affrontement avec les forces soudanaises » . Le professeur Salmon a fait une

affirmation similaire 64. Et cette affirmation n’est nullement contredite, ni par les passages de ce

livre cités mercredi dernier, ni par aucun autre passage de ce livre, qui ne mentionne jamais un

affrontement avec des soldats soudanais. En dépit de tous leurs efforts, les conseils de l’Ouganda

ne peuvent décidément nous faire oublier une chose: alors même que des combats auraient

prétendument opposé l’armée soudanaise et l’UPDF pendant plusieurs semaines sur le territoire

congolais, aucun élément matériel n’a jamais pu être apporté pour accréditer ce scénario.

24. Mais voici que l’Ouganda abat sa toute de rnière carte, celle de l’aveu de la Partie

congolaise. On nous affirme soudain qu’il y aura it eu un «manquement de la RDC à nier les

preuves» (DRC’s failure to deny… evidence) 65 de l’implication du Souda n dans la guerre contre

l’Ouganda. Et même : «la RDC ne nie pas qu’elle a noué une alliance militaire avec le Soudan» 66.

On nous supplie même de ne pas revenir in extremis sur cet aveu, en faisant appel à notre sens de

l’honneur 67. Monsieur le président, le Congo s’emploie depuis des années à contester les éléments

de «preuve» prétendument apportés par l’Ouganda d’un complot associant la RDC, le Soudan et les

rebelles ougandais. Dans ses dernières écritures, la RDC a déclaré expressément avoir «toujours

nié, et continue à nier, avoir approuvé un quelc onque soutien à des activités subversives dirigées

68
contre les autorités ougandaises» . Lors du premier tour des plaidoiries, le Congo a précisé que,

même s’il en aurait eu parfaitement le droit, il n’avait «pas appelé le Soudan à le soutenir ou à le

62
Voir les extraits cités dans la plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 17, par. 29-30.
63
Plaidoirie de M. Corten, 22 avril 2005, CR 2005/11, p. 32, par. 38; les italiques sont de nous.
64 Plaidoirie de M. Salmon, 25 avril 2005, CR 2005/12, par. 7.

65 Plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 11, sous-titre en gras.

66 «The DRC does not deny that it made a military alliance with Sudan», plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005,
CR 2005/14, p. 12, par. 17.

67 Plaidoirie de M. Reichler, 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 14, par. 21.
68
Observations additionnelles du Congo, p. 37, par. 1.51; voir aussi le para graphe 1.52, ainsi que la page 35,
paragraphe 1.48. - 25 -

défendre» . Ce qui est vrai, c’est que le Congo ne s’ est jamais prononcé sur la question de savoir

70
qui du Soudan ou de l’Ouganda ava it, en premier, attaqué l’autre . En déduire une quelconque

forme d’aveu dans le cadre de la présente a ffaire est tellement excessif que cela n’appelle pas

d’autres commentaires.

25. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, il n’existe aucune preuve,

aucune preuve, d’un complot entre la RDC, les rebelles ougandais et le Soudan, que ce soit dans les

écritures ougandaises, dans celles du Congo, ou ailleurs. Les seuls documents invoqués par

l’Ouganda font état d’accusations, de prétentions, de rumeurs, mais aussi de dénégations et de

doutes. Ils n’établissent aucun fait. A supposer même que l’on prenne en compte ces ouï-dire, la

Cour aura remarqué que ces ouï-dire ne visent jamais la période précédent le 2 août 1998, mais

toujours la période qui a suivi cette date. Aucun élément, si ténu soit-il, n’accrédite la thèse du

double jeu du président Kabila qui aurait, tout en coopérant avec l’Ouganda, ourdi en secret un

complot avec le Soudan dès avant le déclenchement de la guerre. Et il faut rappeler qu’à partir de

cette date, la RDC s’est trouvée en état de légitime défense.

Monsieur le président, je vous prie maintenant d’appeler à la barre le professeur Klein qui

envisagera la troisième période sur laquelle portent les demandes reconventionnelles de l’Ouganda,

celle pendant laquelle le Congo était en état de légitime défense.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Corten. I now give the floor to Professor Klein.

M. KLEIN :

PAS PLUS QUE POUR LES PÉRIODES PRÉCÉDENTES ,LA R ÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU
C ONGO N ’EST RESPONSABLE D ’AUCUNE VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL

À L’ÉGARD DE L ’O UGANDA APRÈS LE 2AOÛT 1998

1. Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, il me revient

maintenant de traiter de la dern ière période concernée par la pr emière demande reconventionnelle

ougandaise, et de montrer que la République dé mocratique du Congo ne s’est rendue responsable

d’aucun recours à la force en violation du droit international à l’égard de l’Ouganda après le

69
Plaidoirie de M. Corten, 12 avril 2005, CR 2005/3, p. 40, par. 29.
70Plaidoirie de M. Tshibangu Kalala, 25 avril 2005, CR 2005/12, par. 4. - 26 -

2 août 1998. J’espère que le fait que je m’apprête à traiter d’une question qui avait auparavant été

abordée par mon collègue et ami Olivier Corten ne perturbera pas trop M.Reichler et ne le

conduira pas à des conclusions trop radicales su r l’embarras qu’éprouverait le Congo à envisager

cette dernière période. Si la responsabilité de la République démocratique du Congo ne peut être

mise en cause par l’Ouganda pour cette période, c’est avant tout parce qu’aucun acte offensif,

aucune attaque ne peut être reprochée au Congo à l’égard de l’Ouganda. Il convient de rappeler à

cet égard que la Partie adverse n’a pu produire d’ éléments probants pour confirmer la réalité de

l’implication du Congo dans une seule action hostile dont ses troupes, ou son territoire, auraient été

victimes après le début du mois d’août 1998 71. En tout état de cause, sur le plan juridique, comme

le Congo l’a déjà exposé à plusieurs reprises ⎯et comme mon collègue Olivier Corten vient

encore de le rappeler ⎯, la RDC se trouvait en situation de lé gitime défense à partir de cette date,

ce qui lui conférait indéniablement le droit d’utiliser la force pour repousser l’agression dont il était

72
victime, tout comme le droit de rechercher l’appui d’autres Etats . A en croire M. Reichler, cette

position serait nouvelle, et aurait été défendue par le Congo pour la première fois lors de la présente

phase orale 73. Il n’en est évidemment rien, et je me permets de renvoyer respectueusement mon

estimé contradicteur aux écritures congolaises, et plus spécialement aux paragraphes 6.49 et 6.50

de la réplique pour qu’il puisse vérifier par lui-mê me que cet argument de la légitime défense est

74
invoqué par le Congo depuis près de trois ans maintenant . Comme je le montrerai dans la suite

de la présente plaidoirie, de nombreux éléments confirment en effet que le Congo se trouvait en

situation de légitime défense à partir du 2 août 199 8. Je reviendrai à cet égard sur les événements

qui vont du début du mois d’août à la mi-sep tembre 1998, sur lesquels les Parties demeurent

profondément divisées.

71
Voir déjà plaidoirie de M. Corten, 22 avril 2005, CR 2005/11, p. 28-32, par. 28-39.
72
Ibid., p. 32 et suiv., par. 40 et suiv.
73Plaidoirie du 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 15, par. 25.

74Réplique du Congo, p. 369-370. - 27 -

I. L’agression armée de l’Ouganda a bien débuté
le 2 août 1998

2. En ce qui concerne le point de départ de cette analyse, M. Reichler a laissé entendre dans

sa plaidoirie de mercredi passé que la Républi que démocratique du Congo aurait renoncé à

prétendre que le 2 août marquait la date du commencement de l’invasion du Congo par

75
l’Ouganda . Ici encore, l’analyse est er ronée. Je rappellerai simplement la précision apportée sur

ce point par M eKalala en tant que coagent de la Ré publique démocratique du Congo dans sa

première plaidoirie de lundi dernier : «La réclamation du Congo couvre une période qui commence

avec le début de l’agression perpétrée par l’Ouganda, le 2 août 1998, pour se terminer avec la fin de

76
la présente procédure.» Si le Congo retient cette date, ce n’ est pas en vertu d’un choix arbitraire,

ou d’une confusion entre les actions de l’Ouganda et du Rwanda. C’est tout simplement parce que

c’est celle du début de la rébellion déclenchée contre le Gouvernement du président Kabila, et

parce que la participation de l’ Ouganda à l’opération aéroportée de Kitona, à partir du 4 août, de

même que le déclenchement des hostilités militair es par l’armée ougandaise dans l’est du Congo,

dans les jours qui suivent, montrent très clairement que l’Ouganda était, dès l’origine , partie

prenante à cette vaste action militaire visant à renve rser le Gouvernement congolais. Il n’y a donc

aucun changement d’approche de la République démocratique du Congo sur ce point.

II. L’Ouganda a bien participé à l’opération aéroportée de Kitona
à partir du 4 août 1998

3. L’Ouganda, la Cour l’a entendu il y a deux jours encore, continue toutefois à nier son

implication dans l’opération de Kitona. Selon ses conseils, les preuves apportées par le Congo

pour établir cette implication seraient insuffisante s, essentiellement car il s’agirait de sources

journalistiques discordantes, et de témoignages établis pour les besoins de la cause, recueillis, qui

plus est, par les services de renseignements congolais qui se seraient rendus responsables dans le

passé de sérieuses violations des droits de l’homme 77. Enfin, et ce serait là le «coup de grâce»,

cette participation ougandaise à l’opération de Kitona ne serait pas confirmée par les documents qui

75
Plaidoirie du mercredi 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 21, par. 43.
76
CR 2005/12, p. 12, par. 11.
77Plaidoirie de M. Reichler, mercredi 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 24-25, par. 50-51. - 28 -

en sont contemporains, en particulier par les plai ntes formulées à l’époque par les représentants du

Congo 78. Je me limiterai à quatre remarques à cet égard.

4. Premièrement, les sources journalistiques ne sont que l’un des éléments sur lesquels s’est

appuyé le Congo, parmi un faisceau de preuves di verses. Qui plus est, les sources sur lesquelles

sont basées ces récits journalistiques sont diversifié es, et ces récits ne trouvent donc pas tous leur

origine dans une source unique. Deuxièmement, si certains témoignages produits par le Congo ont

effectivement été recueillis après l’introduction de la présente instance, ce n’est pas le cas pour

tous. Deux au moins d’entre eux ont visiblement été recueillis in tempore non suspecto, durant la

seconde moitié de l’année 1998 79. Quant aux allégations de mauvais traitements, on perçoit à vrai

dire assez mal ce qui permettrait à l’Ouganda de prétendre que des méthodes de contrainte

quelconque ont été utilisées en l’espèce, d’autant qu’absolument rien n’indique que les

témoignages consignés en1998 aient été recueillis par les services de renseignements incriminés

par l’Ouganda. En tout état de cause, les témoi gnages consignés à l’époque des faits et les sources

journalistiques contemporaines se corroborent. Troisièmement, la prétention de l’Ouganda selon

laquelle les autorités congolaises n’auraient pas fait ét at au moment des faits de la participation de

troupes ougandaises à cette opération est inexacte. Dans la lettre qu’il a adressée le 19 août 1998

au président du Conseil de sécurité, le représen tant permanent du Congo aux NationsUnies se

plaint des conséquences de l’«interruption en fourniture d’eau et d’électricité dans la ville de

80
Kinshasa par la coalition militaire rwando-ougandaise» . L’approvisionnement de la capitale

congolaise en eau et en électricité est assuré, il n’ est sans doute pas inutile de le rappeler, à partir

du barrage d’Inga dont les troupes ougandaises et rw andaises s’étaient emparées au cours de leur

marche sur Kinshasa depuis la base de Kitona. P our lever tout doute à ce sujet, je me référerai

encore au discours du même représentant perman ent du Congo, en date du 10 septembre 1998, qui

81
accuse clairement «les troupes ougandaises d’a voir posé des mines autour du barrage d’Inga» .

78
Ibid., p. 25-26, par. 52.
79Le témoignage de l’un des pilotes qui affirme avoir transporté à Kitona des soldats ougandais est daté du
15 octobre 1998 (réplique du Congo, annexe 62); quant au témoignage du commandant de la base Kitona, qui confirme la
présence de soldats ougandais, il est visiblement contemporain des faits, comme l’atteste la liste précise des avions qui

ont atterri à Kitona dans le cadre decette opération, avec indication des immatriculations des appareils concernés
(réplique du Congo, annexe 61).
80Doc. S/1998/778, réplique du Congo, annexe 40.

81Ibid., annexe 42. - 29 -

Voici donc bien deux prises de position congolaises, contemporaines des faits, qui mettent en

cause, sans la moindre ambiguïté, l’Ouganda pour sa participation à cette opération. Exit le «coup

de grâce».

5. Enfin, comment terminer cette brève évocation de la question des preuves, sans rappeler le

silence complet qu’a très prudemment gardé M.Reichler mercredi passé sur les sources

ougandaises précédemment citées par le Congo, et qui confirment elles aussi l’implication de

l’Ouganda dans l’opération de Kitona. Devant cette accumulation de preuves très diversifiées, dont

certaines sont basées sur des sources ougandaises que la Partie adverse n’a pas été en mesure de

remettre en cause, les dénégations de l’Ouganda sur ce point sont décidément de moins en moins

crédibles. Le même problème se pose d’ailleur s à l’égard du scénario élaboré par l’Ouganda sur

les modalités de son intervention dans l’est du Congo ⎯ un scénario que les conseils de l’Ouganda

n’en finissent plus de réécrire, pour tenter de l’adapter à chaque fois aux avancées de la République

démocratique du Congo dans le domaine de l’établissement de ces faits.

III. L’opération «Safe Haven» a bien débuté le 7 août 1998, et visait à
appuyer les rebelles congolais

6. Ainsi, en ce qui concerne le début des actions armées de l’Ouganda en territoire congolais,

il est pour le moins piquant d’entendre les conseils de l’Ouganda affirmer de façon répétée et la

82
main sur le cŒur que l’Ouganda n’a ja mais remis en cause sa version des faits . Faut-il rappeler

une nouvelle fois à cet égard que, dans sa duplique encore, l’Ouganda affirmait avec force que le

Congo avait été «incapable de montrer que l’Ouga nda était intervenu militairement en RDC avant

la mi-septembre1998» 83, ou que «l’Ouganda n’a mené aucune opération militaire pendant six

84
semaines ⎯jusqu’à la mi-septembre» , ou encore que, le 13août, «il n’y avait pas eu de

franchissement de la frontière par des troupes ouga ndaises, à Aru ou à quelque autre endroit» et

82
Voir, entre autres, la plaidoirie de M. Reichler, mercredi 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 22, par. 44.
83Duplique de l’Ouganda, p.7, par.22: «unable to show that Uganda intervened militarily in the DRC before
mid-September 1998».

84 Ibid., p.26, par.63: «Uganda initiated no military action for more than six we⎯ until the middle of
September». - 30 -

qu’«il n’existait donc pas la moindre preuve que les troupes ougandaises étaient entrées en RDC en

août 1998» 85.

7. Confrontés aux témoignages des militaires ougandais devant la commission Porter, les

conseils de l’Ouganda ont alors été contraints de développer la thèse du «modeste renforcement»

des troupes de l’UPDF en République démocratique du Congo qui serait intervenu le 13 août 1998.

Mais ce renforcement n’implique-t-il pas un franchisse ment de la frontière, et par là une remise en

cause des affirmations pourtant si radicales des écritures ougandaises selon lesquelles «il n’existait

pas la moindre preuve que les troupes ougandaises étaient entrées en RDC en août 1998» ? Et cette

remise en cause ne concerne pas seulement la date du 13 août. Elle vaut tout autant pour celle du

7août. Pour rappel, le6 ou le 7août est, selon la Partie adverse, la date à laquelle un contingent

ougandais, paisiblement installé à Beni, avec le consentement des autorités congolaises, a fait

l’objet d’une attaque totalement inattendue de la part des Forces armées congolaises, auxquelles se

seraient joints des rebelles de l’ADF 8. Comme le Congo l’a déjà souligné à plusieurs reprises, le

87
problème est que cette prétendue attaque n’est confirmée par absolument personne . Ainsi, on en

cherchera en vain une quelconque évocation da ns les témoignages des responsables militaires

ougandais devant la commission Porter, par exemple. Bien au contraire, cette version des faits est

démentie à la fois par les militaires congolais alors présents sur le terrain, et par le général Kazini

lui-même. Ainsi, le commandant Mwimba, des Forces armées congolaises, explique-t-il dans son

témoignage sur ces événements qu’une colonne oug andaise comprenant des chars d’assaut a fait

mouvement à partir de la localité congolaise de Lume, située proche de la frontière ougandaise, le

88
5août1998, pour s’emparer de Beni peu après . Pas question, donc, d’un contingent ougandais

déjà stationné pacifiquement à Beni à cette date. Quant au général Kazini, son témoignage devant

la commission Porter est d’une grande clarté. M. Reichler s’est efforcé d’en remettre la portée en

cause, en tentant encore une fois de lui donner un sens tout à fait contraire à ses termes mêmes,

pourtant limpides. Il convient de rappeler le passage le plus marquant de ce témoignage:

85
Ibid., p.67, par.154-155: «there was no border crossing by Ugandan troops at Aru or any other location»;
«there is no evidence whatsoever that Ugandan forces entered the DRC in August 1998».
86
Plaidoiries de M.Reichler, vendredi 15avril2005, CR 2005/6, p. 35, par. 53; mercredi 27 avril 2005,
CR 2005/14, p. 21-22, par. 44.
87Voir, entre autres, la plaidoirie de M. Corten, 22 avril 2005, CR 2005/11, p. 29, par. 32.

88Réplique du Congo, annexe 53, p. 3 et 4. - 31 -

th 89
««SafeHaven» started after the capture of Beni, that was on 7 August 98.» La prise de Beni,

Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour. Ici encore, il n’est

nullement question d’une quelconque action défensive des forces ougandaises, mais bien d’une

véritable offensive.

8. M.Reichler a également proposé une lecture très particulière du témoignage du

généralKazini quant à l’optique générale dans laquelle l’action ar mée de l’Ouganda s’inscrivait.

Je rappellerai très brièvement les termes du témoi gnage sur ce point: «there was a mutiny, the

[congolese] rebels were taking control of those areas. So we decided to launch an offensive

together with the rebels, a special operation we code-nam ed Safe Haven.» 90 Selon M. Reichler, la

référence que fait le général Kazini à l’appui apporté par l’armée ougandaise aux rebelles congolais

dans le cadre de l’opération «Safe Haven» ne concernerait qu’une période plus tardive,

correspondant à la création de la branche armée du MLC ⎯le Mouvement de libération du

Congo ⎯ et ne viserait nullement le commencement de l’opération, au début août1998.

L’explication n’est guère crédible, et est contred ite par les termes mêmes du témoignage, qui lient

sans la moindre ambiguïté le commencement de l’intervention militaire ougandaise au Congo au

début de la mutinerie et à l’éclosion des mouve ments rebelles congolais. En se limitant à évoquer

la création plus tardive du MLC, en septembre 1998 ⎯ et donc le fait que l’opération entamée en

août n’aurait pu avoir pour objectif de porter assistance à ce mouvement ⎯, M.Reichler feint

d’ignorer qu’un autre mouvement rebelle congolais exis tait déjà bel et bien au mois d’août1998 :

le RCD ⎯le Rassemblement congolais pour la démocratie ⎯, auquel l’Ouganda a d’ailleurs

expressément admis avoir apporté une assistance, au moins politique au départ, et militaire par la

91
suite . De plus, M. Reichler se contredit lui-même , en faisant valoir que les troupes ougandaises

ont été accueillies sans combat à Bunia, le 12 août1998, par un commandant des Forces armées

92
congolaises . Le seul «détail» que le conseil de l’Ou ganda omet de mentionner à cet égard, c’est

89CW/01/03 24/7/01, p.128; dossier des juges de la RDC, cote n o11; voir déjà la plaidoirie de MeKalala,
11 avril 2005, CR 2005/2, p. 30, par. 40.

90CW/01/03 24/7/01, p.129; dossier des juges de la RDC, cote n o17; voir déjà la plaidoirie de MeKalala,
11 avril 2005, CR 2005/2, p. 39, par. 68.

91Voir le témoignage de S.Exc.M.AmamaMbabazi devant la commission Porter, reproduit in duplique de
l’Ouganda, p. 68-69, par. 157.
92
Plaidoirie de M. Reichler, vendredi 15 avril 2005, CR 2005/6, p. 36, par. 56. - 32 -

le fait que cet officier s’était mutiné contre les autorités de Kinshasa et était donc bel et bien un

rebelle, auquel les troupes de l’UPDF venaient prêter main forte. C’est d’ailleurs exactement la

même situation que l’on retrouve, selon l’Ougand a lui-même, à Kisangani, quelques jours plus

tard.

IV. La présence des forces armées ougandaises à Kisangani à partir du
1 septembre 1998 confirme bien la thèse de l’agression

er
9. Kisangani. Le 1 septembre1998. Voilà encore une association de termes que l’on

chercherait en vain dans les écritures ougandaises. Pas un mot, en effet, de la Partie adverse sur la

présence de ses troupes à Kisangani, à 650 kilomètres de la frontière ougandaise, à partir du

1erseptembre 1998. Pas un mot, en tout cas, avant le moment où l’Ouganda a été forcé d’admettre

cette présence, une fois encore en raison des docume nts et témoignages recueillis dans le cadre de

la commission Porter.

10. Mais la Partie adverse, on le sait mainte nant, s’adapte vite aux nouvelles circonstances.

Et elle trouve une explication à tout. Ainsi, c’est à l’invitation de l’armée rwandaise et des rebelles

93
congolais que, selon les versions, quelques soldats (dans la plaidoirie de M. Reichler du 15 avril )

ou un bataillon ougandais (selon la plaidoirie du même conseil de l’Ouganda du 27 avril 94) sont

arrivés à Kisangani pour en sécuriser l’aéroport. Cet aéroport aurait constitué ⎯ même si

l’Ouganda avait «oublié» de le mentionner dans ses plaidoiries écrites ⎯ un «major delivery point

for the DRC Government and Sudanese arms and ammunitions to the ADF and other rebel

groups». Pour l’Ouganda, décidément, toute invitation, tout consentement sont bons à prendre,

qu’ils viennent du gouvernement officiel d’un Etat , d’une armée étrangère qui a envahi le territoire

d’un autre Etat, ou encore d’un groupe rebelle. Quant à la justification avancée par la Partie

adverse pour sa présence à Kisangani, le moins que l’on puisse dire est qu’elle laisse songeur.

Ainsi, était-ce parce qu’il craignait que l’ armée rwandaise, ou les rebelles congolais ⎯ qui étaient

alors, faut-il le rappeler, les meill eurs alliés de l’Ouganda au Congo ⎯ permettent

l’approvisionnement des groupes rebelles ougandais à partir de l’aéroport de Kisangani qu’il fallait

93
Ibid., mercredi 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 22, par. 45.
94Ibid. - 33 -

à l’Ouganda absolument dépêcher ses propres troupes sur place? Une fois encore, le scénario

proposé par l’Ouganda se révèle bien bancal.

11. Deux remarques s’imposent encore à cet égard. D’une part, l’Ouganda n’a jamais

prétendu, au cours de la présente phase orale, que les troupes de l’UPDF déployées à Kisangani

provenaient du Congo. Tout laisse au contra ire à penser qu’elles provenaient directement

d’Ouganda même, comme l’indique le document re prenant les différentes étapes de l’opération

o
«Safe Haven», déjà présenté à la Cour à plusie urs reprises, et qui se trouve sous la cote n° 40 dans

le dossier des juges déposé par la République démo cratique du Congo. En fa ce de la référence à

Kisangani, ce document porte en effet la men tion «3BN arrival», soit «arrivée du troisième

bataillon». Or ce bataillon n’est nullement mentionné en regard des opérations de Beni, Bunia et

Watsa en territoire congolais dans les semaines qui ont précédé. Il arrivait donc bien directement

d’Ouganda, ce qui contredit une n ouvelle fois la thèse de la Par tie adverse selon laquelle aucune

troupe n’aurait été envoyée au Congo avant la mi -septembre1998. D’autre part, le fait que

Kisangani, comme Bunia auparavant, aient été inv esties par l’UPDF sans qu’il y ait eu combat

n’enlève en rien au déploiement militaire ouganda is son caractère d’invasion et d’acte d’agression,

95
comme semble le prétendre la Partie adverse . Il convient tout d’abord de relever à cet égard, sur

le plan des faits, que de nombreux combats ont ém aillé la progression des troupes de l’UPDF dans

d’autres parties de l’est du Congo au cours du mo is d’août 1998, comme en témoignent en

particulier les dépositions des officiers congolais qui étaient alors présents dans cette zone 9. Et

surtout, sur le plan du droit, il importe de rappeler que l’agression est réalisée par la présence non

sollicitée de forces armées significatives en territoire étranger, qu’il y ait ou non combat 97.

V. Le 11 septembre 1998 ne marque pas la date de début de l’engagement militaire

ougandais en République démocratique du Congo.

12. Un dernier point, dans la chronologie des événements que nous venons de parcourir,

mérite encore d’être évoqué. Il s’agit de la fameuse prise de position de l’UPDF du

11septembre1998, qui marquerait la décision de l’Ouganda de s’engager militairement au

95
Plaidoirie de M. Reichler, mercredi 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 23, par. 46.
96
Voir, entre autres, la réplique du Congo, annexes 51, 52 et 53.
97Voir l’article 3 de la résolution 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974 portant définition de l’agression. - 34 -

98
Congo . La République démocratique du Congo a fa it remarquer que la formulation même de

cette déclaration contredisait la thèse ougandaise, en ce qu’elle décidait le maintien, et non l’envoi,

de troupes de l’UPDF au Congo. M. Reichler a tenté d’échapper à ce constat, en expliquant que

«maintain» pouvait signifier aussi bien «mainten ir en place» qu’installer quelqu’un ou quelque

chose et lui apporter ensuite un soutien 99. En tout état de cause, a-t-il exposé, il n’y a pas lieu de se

livrer ici à des arguties de texte, puisque le docum ent avait été établi par des militaires, et non par

100
des juristes . Mais c’est précisément pour cette raison qu’il convient, une nouvelle fois, de se

référer au sens ordinaire des termes. Et ce sens ordinaire ne fait aucun doute. Dans un dictionnaire

précisément destiné aux débutants, le premier se ns donné au mot «maintain» est «not change ⎯ to

make a situation or activity continue in the same way» 101. Viennent ensuite deux autres sens, celui

d’entretenir un bâtiment ou un espace, et celui de défendre une position que l’on a toujours

102
soutenue («he has always maintained that he was innocent») . La proposition passablement

alambiquée avancée par M. Reichler s’accorde donc bien mal, ici encore, avec le sens ordinaire des

termes. Et la thèse ougandaise d’un «tournant du 11 septembre 1998» ne paraît finalement plus

reposer sur rien. Je remarquerai d’ailleurs en tout dernier lieu à ce t égard que la Partie adverse n’a

pas apporté le moindre élément de réponse à l’ar gument avancé par la RDC selon lequel les termes

mêmes de cette déclaration cadraie nt très mal avec la thèse ougandaise de la légitime défense. Il

convient en effet de rappeler que le premier objectif de l’opération est défini dans les termes

suivants: «écarter la possibilité que le Soudan ut ilise le territoire de la RDC pour déstabiliser

103
l’Ouganda» . Il n’est donc aucunement question de réagir à une attaque dont l’Ouganda aurait

été victime, mais bien plutôt d’empêcher qu’une telle attaque puisse éventuellement être menée à

l’avenir à partir du territoire congolais.

13. A tous les égards, la thèse selon laquelle la République démocratique du Congo s’est

trouvée en situation de légitime défense à par tir du mois d’août 1998 se voit donc pleinement

98Contre-mémoire de l’Ouganda, annexe 27.
99
Plaidoirie de M. Reichler, mercredi 27 avril 2005, CR 2005/14, p. 27, par. 55.
100
Ibid.
101Cambridge Learner’s Dictionary, CUP, 2001, p. 393.

102Ibid., p. 393-394.
103
Contre-mémoire de l’Ouganda, annexe 27: «to deny the Sudan opportunity to use the territory of the DRC to
destabilize Uganda». - 35 -

confortée. A supposer même que des actes hostil es puissent être reprochés au Congo à l’égard de

l’Ouganda durant cette période ⎯ ce qui, je le rappelle une dernière fois, n’a jamais été établ⎯,

ces actes pourraient donc être justifiés au titre de l’exercice du droit de légitime défense, et la

responsabilité internationale du Congo ne pourrait d onc être engagée de ce fait. Pour l’ensemble

des raisons qui ont été exposées ce matin, la République démocratique du Congo demande donc

respectueusement à la Cour de rejeter la prem ière demande reconventio nnelle ougandaise. Je

remercie encore une fois la Cour pour son attentio n, et je vous prie, Monsieur le président, de bien

vouloir passer la parole au professeur Jean Salmon pour qu’il vienne brièvement répliquer à

l’argumentation de la Partie adverse sur la seconde demande reconventionnelle.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Klein. I now give the floor to Professor Salmon.

M. SALMON : Merci, Monsieur le président.

L A DEUXIÈME DEMANDE RECONVENTIONNELLE OUGANDAISE

1. Monsieur le président, Madame, Messieurs de la Cour, il m’appartient de répondre aux

arguments présentés par mon collègue et ami Eric Suy sur la deuxième demande reconventionnelle

e
de l’Ouganda. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit il y a un instant par M Tshibangu Kalala

concernant l’admissibilité des exceptions prélimin aires soulevées par la République démocratique

du Congo.

I. Irrecevabilité pour défaut de connexité

2. Venons-en immédiatement à la position de la République démocratique du Congo selon

laquelle la seconde demande reconve ntionnelle de l’Ouganda ne sera it pas recevable par défaut de

caractère de connexité avec la dema nde principale, dans la mesure où elle se fonde sur la violation

de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques.

M. Eric Suy a déclaré que la démonstration de la RDC ne tenait pas, car elle fondait les

demandes de l’Ouganda sur les paragraphes 405 à 40 8 du contre-mémoire de l’Ouganda, sans tenir

compte du paragraphe402 qui citait par trois fois la convention de Vienne. Ce raisonnement est

hélas boiteux, car il confond les paragra phes du contre-mémoire contenant les demandes

proprement dites de l’Ouganda et les paragraphes explicatifs qui précèdent l’énoncé de ces - 36 -

demandes. La convention de Vienne est certes cit ée dans une lettre de protestation du ministre des

affaires étrangères de l’Ouganda du 18 décembre 1998 qui figure dans un paragraphe explicatif

relatif à l’attaque de l’ambassade et de la chancelle rie, c’est-à-dire dans le paragraphe 402. Mais,

ce paragraphe, répétons-le, ne fait pas partie des paragraphes contenant les demandes de cet Etat.

Ce point de vue n’est pas le fruit de l’im agination ou d’une manŒuvre de la République

démocratique du Congo; c’est la position officielle de l’Ouganda. Ce dernier, prié de clarifier en

quoi consistaient exactement ses demandes, s’en est expliqué de manière expresse au paragraphe 6

de ses observations écrites du 15août2001. Il y est écrit, en effet: «les demandes

reconventionnelles sont exposées dans le contre-mémoire dans l’ordre qui convient, à savoir…».

Et les observations de l’Ouganda de citer alors le paragraphe 379 qui énumère les principes

de droit international prétendument violés par la RDC, puis, s’agissant de la section relative à

l’attaque de l’ambassade, uniquement les paragraphes 405 à 408 10. La convention de Vienne n’est

citée dans aucun de ces paragraphes.

Il est parfois utile de relire les pièces que l’on a soi-même produites.

L’argument de l’utilisation de l’expression «r ègles de droit international conventionnel»

dans l’ordonnance de la Cour du 29 novembre 2001 n’est pas plus pertinent, car la Cour, selon le

contexte, visait non la convention de Vienne mais les conventions internationales, notamment de

droit humanitaire, s’appliquant aux particuliers en cas de conflit armé.

Voilà qui, nous l’espérons, clôture la question du défaut de connexité.

II. Irrecevabilité de la protection diplomatique

3. La République démocratique du Congo main tient par ailleurs que les demandes de la

République de l’Ouganda sont irrecevables pour défaut de la condition de nationalité et

d’épuisement des voies de recours internes des soi-disant ressortissants ougandais.

Quant aux personnes à propos desquelles l’Ouga nda prend fait et cause, il est tout à fait

inexact de soutenir que les demandes ougandai ses ont parfaitement fait la distinction entre

ressortissants ougandais et diplomates. La confusion a persisté tout au long des pièces ougandaises

104«Written observations of the Republic of Uganda on th e question of the admissibility of the counterclaims

made in the counter-memorial of the Republic of Uganda of 21 April 2001», p. 2, 3, 4 et 5. - 37 -

et jamais LaFontaine ne fut cité mieux à propos car il n’est pas possible de déterminer si

l’Ouganda se pose en défendeur des droits des souris ou de ceux des oiseaux.

N’en déplaise à nos amis de l’autre côté de cette salle, la qualité des personnes n’est jamais

précisée. Mélangés en une seule expression «diplomates et nationaux» dans le contre-mémoire,

aux paragraphes397 et 399, ainsi que dans l’annexe 23 de ce contre -mémoire. Dans la réplique,

ces nationaux sont magiquement transformés en «individual victims … on the scene in their role as

105
members of the Ugandan Mission, or as family members, or of staff of the Mission» . Ils sont à

nouveau mélangés dans une seule expression «diplo mates et nationaux» da ns les observations

écrites de l’Ouganda du 15 août 2001 au paragraphe 60).

III. Caractère non fondé des réclamations

4. La République démocratique du Congo ma intient au surplus que les demandes des

nationaux ne sont pas explicitées et que celles de l’Etat ougandais sont, quant au fond, des plus

fantaisistes.

Il en va ainsi pour les véhicules dont le statut officiel ou privé ainsi que le nombre se modifie

avec une désinvolture étonnante : quatre véhicul es de l’ambassade (contre-mémoire de l’Ouganda,

par.400) et quatre véhicules privés de nati onaux ougandais (contre-m émoire de l’Ouganda,

par.401); quatre véhicules de l’ambassade et qua tre véhicules privés sous la protection de

l’ambassade selon l’annexe33 du même contre -mémoire. Soit, si nous comptons bien,

huitvéhicules. Toutefois, dans l’annexe 92 du contre-mémoire, il n’y a plus que deuxvéhicules

officiels et deuxvéhicules privés («belonging to a Ugandan» et donc pas à un membre de la

mission). Dans la réplique, on en reste à quatre véhicules mais ils sont redevenus officiels au

paragraphe 680 ! Tout cela n’est guère sérieux.

La République de l’Ouganda n’a pas caché qu’elle avait présenté des demandes

reconventionnelles pour embarrasser la République démocratique du Congo. Elle eut été mieux

avisée de laisser ces deuxièmes demandes reconven tionnelles suivre le cours normal des choses:

105
Duplique de l’Ouganda, p. 325, par. 703. - 38 -

conseiller aux ressortissants ougandais qui ont des réclamations de se faire connaître, d’étayer leurs

réclamations et de les présenter devant les tribunaux de la République démocratique du Congo 10.

Quant aux demandes consacrées aux immeubles officiels de l’Etat ougandais, on sait depuis

longtemps qu’il n’y a pas eu d’expropriation et que les immeubles ne sont pas dans l’état délabré

que l’on prétend ⎯la Cour a pu le constater par les phot os reproduites dans la réplique de la

République démocratique du Congo 107. Le plus raisonnable est de laisser cette question sur la voie

de la négociation dans laquelle l es deux Parties sont déjà engagées. Un procès-verbal conjoint de

constat des lieux a déjà été ét abli pour les immeubles à Kinshasa. La résidence est en bon état,

l’ambassade doit subir des réparations, au demeur ant modestes. La République de l’Ouganda a

demandé à la RDC de lui fournir un devis pour la remise en état des lieux. De son côté, la

République démocratique du Congo entend que soit r ésolue sa réclamation à l’égard de l’Ouganda

à la suite de la vente publique aux enchères des trois immeubles de la mission diplomatique de la

108
République démocratique du Congo à Kampala .

5. Monsieur le président, Madame, Messieurs de la Cour, ceci met fin à la dernière

présentation devant vous des conseils de la République démocratique du Congo. Je ne voudrais pas

me retirer sans témoigner de la part de toute l’équipe de la République démocratique du Congo nos

sentiments de gratitude à l’égard de la Cour pour l’attention qu ’elle a bien voulu porter à nos

plaidoiries orales. Nous souhaitons aussi exprimer nos remerciements à l’ensemble des membres

du Greffe et le personnel en cabine qui nous ont si affablement, et avec l’expertise qui est la leur,

secondé pendant ces trois semaines de plaidoiries orales.

Je vous serais reconnaissant, Monsieur le président, de bien vouloir accorder la parole à

Monsieur l’ambassadeur, JacquesMasangu-a-Mwan za, pour présenter, en qualité d’agent, les

conclusions de la République dé mocratique du Congo sur les demandes reconventionnelles de

l’Ouganda.

The PRESIDENT: Thank you, ProfessorSalmon. I now give the floor to His Excellency

Mr. Jacques Masangu-a-Mwanza, the Agent of the Democratic Republic of the Congo.

106
Réplique du Congo, p. 380-381, par. 6.75-6.77.
107
Ibid., p. 390.
108Voir ibid., p. 395 et 396 et annexe 107. - 39 -

M.MASANGU-A-MWANZA: Monsieur le pr ésident, je voudrais vous remercier avant

tout.

Conclusions de la République démocratique du Congo

Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, je voudrais, par ces

quelques mots, à la fin de cette procédure orale, rappeler à mon collègue Khiddu Makubuya, agent

de l’Ouganda, que, dans la culture africaine, l es conflits qui ont toujours opposé les communautés

humaines les unes aux autres se règlent sous un gra nd arbre de la palabre, que nous appelons en

Afrique «le baobab».

Le baobab, pour vous et pour nous, est en ce moment la Cour internationale de Justice,

organe principal à caractère judiciaire des Nations Unies, qui est appelée à dire le droit dans le

conflit qui oppose nos deux Etats.

Le fait que nous comparaissons devant la Cour ne signifie pas que nos deux pays sont des

ennemis. Bien au contraire, nous sommes en tr ain de régler le différend qui nous oppose par la

voie pacifique.

Je vais passer maintenant à la lecture des c onclusions de la République démocratique du

Congo. Le Congo demande à la Cour internationale de Justice de dire et juger :

En ce qui concerne la première demande reconventionnelle présentée par l’Ouganda,

1)Dans la mesure où elle s’étend à la pé riode antérieure à l’arrivée au pouvoir de

Laurent-DésiréKabila, la demande ougandaise es t irrecevable, l’Ouganda ayant préalablement

renoncé à introduire cette réclamation; subs idiairement, cette demande est non fondée,

l’Ouganda n’ayant pas démontré les faits qui sont à la base de sa demande.

2)Dans la mesure où elle s’étend à la période allant de l’arrivée au pouvoir de

Laurent-DésiréKabila au déclenchement de l’agression ougandaise, la demande ougandaise

n’est pas fondée en fait, l’Ouganda n’ayant pas démontré les faits qui sont à la base de sa

demande.

3) Dans la mesure où elle s’étend à la période postérieure au déclenchement de l’agression

ougandaise, la demande ougandaise n’est pas fondée ni en fait ni en droit, l’Ouganda n’ayant - 40 -

pas démontré les faits qui sont à la base de sa demande, et la RDC s’étant en tout état de cause

trouvée, à partir du 2 août 1998, en situation de légitime défense.

En ce qui concerne la deuxième demande reconventionnelle présentée par l’Ouganda,

1) Dans la mesure où elle porte désormais sur l’in terprétation et l’application de la convention de

Vienne de 1961 sur les relations diplomatiqu es, la demande présentée par l’Ouganda modifie

radicalement l’objet du différend, contrairement au Statut et au Règlement de la Cour; ce volet

de la demande doit dès lors être écarté du cadre de la présente instance.

2) Le volet de la demande rela tif à des mauvais traitements dont auraient été victimes certains

ressortissants ougandais reste irrecevable, l’Ou ganda n’ayant toujours pas montré que les

conditions de mise par le droit international à l’exercice de sa protection diplomatique étaient

réunies; subsidiairement, ce volet de la demande est non fondé, l’Ouganda n’étant toujours pas

en mesure d’établir les fondements factuels et juridiques de ses allégations.

3) Le volet de la demande relatif à la prétendue expropriation de biens publics ougandais est non

fondé, l’Ouganda n’étant toujours pas en mesure d’établir les fondements factuels et juridiques

de ses allégations.

Tel est Monsieur le président, le rejet de mon gouvernement aux deux demandes

reconventionnelles. Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Your Excellency. The Court takes note of the final

submissions which you have read on behalf of th e Democratic Republic of the Congo with respect

to the counter-claims of Uganda, as it took note on Monday 25 April of the final submissions of the

Congo on its own claims, as well as on Wednesday 27 April of the final submissions presented by

Uganda.

This brings us to the end of these three week s of hearings devoted to the oral argument on

the case.

I should like to thank the Agents, counsel and advocates for their statements.

In accordance with practice, I shall request both Agents to remain at the Court’s disposal to

provide any additional information it may require. With this proviso, I now declare closed the oral - 41 -

proceedings in the case concerning Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic

Republic of the Congo v. Uganda).

The Court will now retire for the deliberation. The Agents of the Parties will be advised in

due course of the date on which the Court will deliver its judgment.

As the Court has no other business before it today, the sitting is closed.

The Court rose at 11.40 a.m.

___________

Document Long Title

Public sitting held on Friday 29 April 2005, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Shi presiding

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