Public sitting held on Tuesday 5 July 2005, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Guillaume presiding

Document Number
126-20050705-ORA-01-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2005/18
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

CR 2005/18

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LAAYE THAEGUE

ANNÉE 2005

Audience publique

tenue le mardi 5 juillet 2005, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Shi, président,

en l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002)
(République démocratique du Congo c. Rwanda)

________________

COMPTE RENDU
________________

YEAR 2005

Public sitting

held on Tuesday 5 July 2005, at 10 a.m., at the Peace Palace,

President Shi presiding,

in the case concerning Armed Activities on the Territory of the Congo
(New Application: 2002)
(Democratic Republic of the Congo v. Rwanda)

____________________

VERBATIM RECORD

____________________ - 2 -

Présents : M. Shi,président
Ricepra,ident

KorMoMa.
Vereshchetin
Higgimse
ParraAr.anguren

Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal

Elaraby
Owada
Simma
Tomka

Ajbresam,
DugMard .
Mavungu Mvumbi-di-Ngoma, juges ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Present: Presidenit
Vice-PreRsdejetva

KoromJaudges
Vereshchetin
Higgins
Parra-Aranguren

Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal

Elaraby
Owada
Simma
Tomka

Abraham
Judges ad hoc Dugard
Mvumbi-diM-Nagvonau

Couevrisrar

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

Le Gouvernement de la République démocratique du Congo est représenté par :

e
S. Exc. M Honorius Kisimba Ngoy Ndalewe, ministre de la justice et garde des sceaux de la
République démocratique du Congo,

comme chef de la délégation;

S. Exc. M. Jacques Masangu-a-Mwanza, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la
République démocratique du Congo auprès du Royaume des Pays-Bas,

comme agent;

M. Ntumba Luaba Lumu, secrétaire général du gouvernement,

comme coagent et conseil;

M. Lwamba Katansi,

M. Mukadi Bonyi,

M. Akele Adau,

comme conseils et avocats;

e
M Crispin Mutumbe Mbuya, conseiller juridique du ministre de la justice et garde des sceaux,

M. Victor Musompo Kasongo, secrétaire particulier du ministre de la justice et garde des sceaux,

M. Nsingi-zi-Mayemba, premier conseiller d’amba ssade de la République démocratique du Congo
au Royaume des Pays-Bas,

Mme Marceline Masele, deuxième conseiller d’ ambassade de la République démocratique du
Congo au Royaume des Pays-Bas,

comme conseillers;

M. Richard Lukunda,

comme assistant des conseils et avocats.

Le Gouvernement de la République du Rwanda est représenté par :

M. Martin Ngoga, procureur général adjoint de la République du Rwanda,

comme agent;

S. Exc. M. Joseph Bonesha, ambassadeur de la République du Rwanda auprès du Royaume de
Belgique et ambassadeur désigné auprès du Royaume des Pays-Bas,

comme agent adjoint; - 5 -

The Government of the Democratic Republic of the Congo is represented by:

H. E. Maître Honorius Kisimba Ngoy Ndalewe, Minister of Justice and Keeper of the Seals of the
Democratic Republic of the Congo,

as Head of Delegation;

H. E. Mr.Jacques Masangu-a-Mwanza, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of the
Democratic Republic of the Congo to the Kingdom of the Netherlands,

as Agent;

Professor Ntumba Luaba Lumu, Secretary-General to the Government,

as Co-Agent and Counsel;

Professor Lwamba Katansi,

Professor Mukadi Bonyi,

Professor Akele Adau,

as Counsel and Advocates;

Maître Crispin Mutumbe Mbuya, Legal Adviser to the Minister of Justice and Keeper of the Seals,

Mr. Victor Musompo Kasongo, Private Secretary to the Minister of Justice and Keeper of the Seals,

Mr. Nsingi-zi-Mayemba, First Counsellor at the Embassy of the Democratic Republic of the Congo

in the Kingdom of the Netherlands,

Ms Marceline Masele, Second Counsellor at the Embassy of the Democratic Republic of the Congo
in the Kingdom of the Netherlands,

as Advisers;

Mr. Richard Lukunda,

as Assistant to Counsel and Advocates.

The Government of the Republic of Rwanda is represented by:

Mr. Martin Ngoga, Deputy Prosecutor General of the Republic of Rwanda,

as Agent;

H.E. Mr. Joseph Bonesha, Ambassador of the Republic of Rwanda to the Kingdom of Belgium and
Ambassador Designate to the Kingdom of the Netherlands,

as Deputy Agent; - 6 -

M. Greenwood, C.M.G., Q.C., professeur de droit international à la London School of Economics
and Political Science, membre du barreau d’Angleterre,

Mme Jessica Wells, membre du barreau d’Angleterre,

comme conseils;

Mme Susan Greenwood,

comme secrétaire. - 7 -

Mr. Christopher Greenwood, Q.C., Professor of International Law at the London School of
Economics and Political Science, member of the English Bar,

Ms Jessica Wells, member of the English Bar,

Coausnsel;

Ms Susan Greenwood,

as Secretary. - 8 -

The PRESIDENT: Please be seated. This session is now open. The Court meets today to

hear the first round of oral argument of the C ongo. The Congo will take the floor this morning

until 1 o’clock. Thus, I shall now give the fl oor to His Excellency Mr. Masangu-a-Mwanza, Agent

of the Congo. Mr. Masangu-a-Mwanza, you have the floor.

M. MASANGU-A-MWANZA: Merci, Monsieur le président. Monsieur le président,

Madame et Messieurs les Membres de la Cour. A l’intervalle de deux mois seulement, après la

procédure orale dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo qui oppose la

République démocratique du Congo à l’Ouganda, me voici de nouveau devant cette haute cour

pour la procédure orale de ce jour, sur la question de la compétence de la Cour pour connaître de la

requête sur la recevabilité de cette dernière dans l’affaire desActivités armées sur le territoire du

Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda).

En effet, je voudrais par cette introduction vous présenter, Monsieur le président, Madame et

Messieurs de la Cour, la délégation conduite pa r SonExc.le bâtonnier Honorius KisimbaNgoy,

ministre de la justice et garde des sceaux.

Outre Son Exc. le ministre Honorius Kisimba Ngoy, chef de la délégation, la composition de

cette dernière se présente comme suit :

1. M.Jacques Masangu-a-Mwanza, ambassadeur extr aordinaire et plénipotentiaire auprès du

Royaume des Pays-Bas, comme agent,

2. M.Ntumba Luaba Lumu, professeur de droit à l’Université de Kinshasa, ancien ministre,

maintenant secrétaire général du gouvernement, comme coagent et conseil,

3. M.Lwamba Katansi, professeur ordinaire à la faculté de droit de l’Université de Kinshasa,

avocat près la cour d’appel de Kinshasa/Gombe, directeur du centre de recherche

interdisciplinaire de promotion et protection des droits de l’homme en Afrique centrale, ancien

ministre,

4. M.Pierre Akele Adau, professeur ordinaire, doyen honoraire de la faculté de droit de

l’Université de Kinshasa, président de la haute cour militaire,

5. M. Mukadi Bonyi, professeur à la faculté de dro it de l’Université de Kinshasa, avocat à la cour

suprême de justice, comme conseils et avocats, - 9 -

e
6. M Crispin Mutumbe Mbuya, conseiller juridique du ministre de la justice,

7. M. Victor Musompo Kasongo, secrétaire particulier du ministre de la justice,

8. M. Richard Lukunda Vakala Mfumu, assistant des conseils et avocats,

9. M.Nsingi-zi-Mayemba, premier conseiller d’ ambassade de la République démocratique du

Congo auprès du Royaume des Pays-Bas,

10.Mme Marceline Masele, deuxième conseiller d’ ambassade de la République démocratique du

Congo auprès du Royaume des Pays-Bas, comme conseillers.

Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour. Permettez-moi à

présent de vous indiquer l’ordre d’intervention des conseils et avocats de la République

démocratique du Congo.

Tout d’abord, SonExc.le ministre de la justice et garde des sceaux, le bâtonnier

Honorius Kisimba Ngoy, fera une introduction générale.

Ensuite, le professeur Akele Adau s’appesantir a sur deux aspects liés à la compétence de la

Cour, à savoir que la Cour est juge de sa propre compétence et qu’en outre, il y a absence

d’incompétence manifeste de la Cour.

Suivra après, le professeur Lwamba Katansi qui abordera les questions liées aux réserves aux

traités, à l’épuisement des clauses compromissoi res contenues dans divers traités évoqués par la

République démocratique du Congo ainsi qu’à la nature des plaintes d’un Etat.

Quant à Son Exc. le professeur Ntumba Luaba Lu mu, il éclairera la religion de la haute cour

sur deux aspects fondamentaux : d’une part, l’invocation par la République démocratique du Congo

de la convention de Vienne du 23mai1969 sur le droit des traités au niveau des bases de

compétence de la Cour et, d’autre part, la matérialité des négociations.

Le professeur Mukadi Bonyi interviendra enfin sur la partie consacrée à la recevabilité de la

requête congolaise. A cette occasion, il démontrera la confusion entretenue par le Rwanda entre les

exceptions d’incompétence et celles d’irrecevabilité. Il indiquera par ailleurs que la radiation d’une

requête ne prive pas l’Etat demandeur du droit à l’introduction d’une nouvelle demande.

En définitive, il évoquera la question du recours à l’arbitrage et la signature de l’accord de

Pretoria du 31 juillet 2002 entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. - 10 -

Je remercie la Cour pour son atte ntion et, je prie Monsieur le président de donner la parole à

Son Ex. M. le ministre de la justice pour son intervention.

Excusez-nous de ce petit retard, le ministre n’est pas encore là, je voudrais passer avant tout

la parole au professeur Akele.

The PRESIDENT: Thank you, Your Excellency. I now give the floor to Professor Akele.

M. AKELE : Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour.

1. Permettez-moi, avant toute chose, de vous remercier pour le temps de parole que vous

m’accordez; de vous dire l’honneur, la grande ém otion et le profond respect que suscite en moi

votre prétoire.

2. Pour un professeur de droit pénal et de droit judiciaire, préoccupé ⎯ c’est vrai ⎯ par la

répression des violations graves au droit international, c’est en effet un immense honneur et une

rare opportunité que de comparaître devant cette haute juridiction internationale afin d’obtenir, non

pas la répression ⎯du moins pas dans le cadre spécifique de la présente instance ⎯ mais cette

autre vertu significative du droit criminel et du droit tout court, donc du droit international aussi : le

rétablissement, grâce à la justice, de la dignité de ces centaines de milliers d’enfants, de femmes et

d’hommes de tout âge et de toute condition, victim es des violations graves du droit international,

perpétrées par le Rwanda sur le territoire de la République démocratique du Congo.

3. J’ai conscience que porter la parole devant votre haute juridiction dans les circonstances ô

combien dramatiques qui nous ont conduits ici, c’ est se faire le porte-voix de la conscience de

l’humanité en même temps que le porte-voix de la mémoire de toutes ces personnes dans lesquelles

chacun de nous peut se reconnaître, victimes de la violence aveugle, barbare, contraire à toute idée

de civilisation. Porter la parole devant votre a uguste prétoire, c’est interpeller, au nom de cette

multitude d’anonymes martyrs d’hier et d’aujourd’hui, la conscience de l’humanité civilisée pour

sauver de l’horreur, maintenant et demain, des millions d’autres victimes innocentes.

4. C’est de cette attente que je mesure la délicatesse de votre fonction, laquelle inspire

admiration et déférence.

5. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, par l’or donnance de votre haute

juridiction du 10 juillet 2002, la République dé mocratique du Congo et le Rwanda ont été en - 11 -

quelque sorte renvoyés dos à dos. D’une part en ef fet, la Cour, considérant qu’elle ne dispose pas

en l’espèce de la compétence prima facie , a rejeté la requête en indication de mesures

conservatoires formulée par la RDC. Et d’autre part, en l’absence d’incompétence manifeste, la

Cour s’est refusée d’accéder à la demande du Rwanda de rayer l’affaire du rôle.

6. Mais la Cour a aussitôt précisé que les conclusions auxquelles elle est parvenue à ce stade

de l’instance ne préjugent en rien de sa compéten ce pour connaître du fond de l’affaire, ni aucune

question relative à la recevabilité de la requête ou au fond lui-même, et qu’elles laissent intact le

droit du Gouvernement congolais et du Gouvernement rwandais à faire valoir leurs moyens en la

matière.

7. La présente phase de la procédure nous donne précisément cette opportunité. Et je ne

pense pas, au vu de la position de la Cour, qu’ il faille affirmer, comme l’a fait hier la Partie

rwandaise par la bouche de son conseil, mon estimé collègue le professeur Christopher Greenwood,

«qu’un Etat qui n’a pas eu gain de cause au ni veau des mesures conservatoires n’a aucune chance

de pouvoir alléguer d’une base définitive et valide de compétence quant au fond».

8. En réalité, Monsieur le président, l’affair e est complexe et délicate. C’est pourquoi la

Cour, qui a pris toute la mesure de cette complexité et de cette délicatesse, a jugé nécessaire de

rappeler aux paragraphes 92 et 93 de son ordonnance du 10 juillet 2002 :

i) «qu’il existe une di stinction fondamentale entre la questi on de l’acceptation par un Etat de la

juridiction de la Cour et la compatibilité de certains actes avec le droit international». La

compétence, précise la Cour, exige le consentement; la compatibilité ne peut être appréciée que

quand la Cour examine le fond, après avoir établi sa compétence et entendu les deux parties

faire pleinement valoir leurs moyens de droit.

ii) Les Etats, qu’ils acceptent ou n’acceptent pas la juridiction de la Cour, demeurent en tout état

de cause responsables des actes contraires au dro it international qui leur seraient imputables;

qu’ils sont en particulier tenus de se conformer a ux obligations qui sont les leurs en vertu de la

Charte des Nations Unies.

iii)Emboîtant le pas au Conseil de sécurité, la C our a par ailleurs rappelé à toutes les parties au

conflit [sur le territoire congolais] l’obligation de «mettre fin aux violations des droits de

l’homme et du droit international humanitaire» et de respecter les engagements qui leur - 12 -

incombent en ce qui concerne la sécurité des popu lations civiles conformément à la quatrième

convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps

de guerre.

iv) La Cour a également ajouté que «toutes les fo rces présentes sur le territoire de la République

démocratique du Congo sont responsables de la pr évention des violations du droit international

humanitaire commises sur le territoire qu’elles cont rôlent». Elle a enfin souligné la nécessité

pour les Parties à l’instance, c’est-à-dire le Rw anda et la République démocratique du Congo,

d’user de leur influence pour prévenir les violations graves et répétées des droits de l’homme et

du droit international humanitaire encore constatées récemment.

9. C’est sans doute ici, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, le lieu de

remercier, au nom de la République démocra tique du Congo, la Cour qui, comme le relève

opportunément le professeur Mampuya dans un récent ouvrage intitulé «Le droit international à

l’épreuve du conflit des Grands-Lacs au Congo- Zaïre. Guerre-droit, responsabilité et

réparations» (Ama.Ed-Nancy-Kinshasa 2004, p. 83), en ra ppelant fermement ces principes et en

faisant siens les avertissements contenus dans cer taines résolutions du Conseil de sécurité, la Cour

«semble rencontrer en bien des points les prétentions congolaises quant au fond», surtout qu’elle

dit sa préoccupation pour «le drame humain, les pertes en vies humaines et les terribles souffrances

que l’on déplore dans l’Est de la République démocratique du Congo».

10. En réalité, la Cour a voulu, par le ra ppel vigoureux de ces principes, exprimer son

embarras par rapport à la complexité et à la déli catesse que nous avons évoquées tout à l’heure et

qui, au-delà du cas qui nous réunit devant elle, relève nt d’une réalité déjà ancienne; une réalité qui

se présente comme une sorte d’épine au pied de la Cour mettant celle-ci dans l’impérieuse

nécessité de l’extirper au moyen de solutions conformes à l’évolution actuelle du droit

international.

11. Pas plus loin qu’en 1999, dans l’affaire relative à la Licéité de l’emploi de la force

opposant la Yougoslavie à l’Espagne, la Cour avait rencontré ce même problème. Les

paragraphes 36 et 37 de l’arrêt qu’e lle a rendu dans cette cause le 2 juin 1999, sont d’ailleurs à s’y

méprendre quasi similaires aux paragraphes 92 et 93 de l’ordonnance du 10 juillet 2002. - 13 -

12. La question qui se pose désormais à la Cour est de rechercher la meilleure articulation

possible entre l’exigence du consensualisme dans l’a ttribution de sa compétence et la nécessité de

faire respecter par tous les Etats, sous la gara ntie de l’autorité juridictionnelle de la Cour ⎯ qu’ils

aient, ces Etats, ou non reconnu la compétence de la Cour ⎯ une compatibilité minimale ou une

compatibilité commune aux nations civilisées de certai ns de leurs actes avec le droit international,

et plus particulièrement avec les droits de l’homme.

13. Autrement dit, comment éviter que, par ce qui peut être considéré comme un abus de

procédure ou un abus de droit, les Etats utilisent des institutions, des règles ou des concepts de droit

pour empêcher l’effectivité du droit international, nonobstant le risque de graves perturbations de la

paix et de la sécurité internationales que pareille attitude peut occasionner.

14. Cette question indique que le droit inte rnational se trouve à la croisée des chemins,

notamment vers une perspective d’évolution ⎯ mondialisation oblige ⎯ allant «dans le sens d’une

1
incursion toujours plus prononcée dans les affaires internes des Etats» . Et toutes les juridictions

internationales se montrent sensibilisées sur cette question.

15. Il en est ainsi par exemple du Tribunal pénal international pour le Rwanda qui s’est

prononcé pour «l’inclusion dans sa compétence…des violations de l’article 3 commun et du

protocole additionnel II aux conventions de Genè ve, c’est-à-dire des crimes commis lors d’un

conflit de caractère non international»; et ce malg ré l’opposition des auto rités rwandaises qui,

«craignant notamment que soient mis en cause les agissements du FPR lui-même, suggéraient que

2
les autres crimes que le génocide devaient relever des juridictions nationales» .

16. Ainsi, en réalité, l’équation qui, au trav ers de la présente cause, préoccupe la Cour

déborde le cadre spécifique de l’affaire qui nous opp ose au Rwanda et met en jeu des intérêts bien

plus que casuistiques.

17. Cette équation, comme je l’ai dit ta ntôt, est une réalité ancienne qui s’est

progressivement cristallisée à la faveur des contest ations de plus en plus nombreuses et virulentes

de la compétence de la Cour internationale de Justice dans les affaires contentieuses récentes, se

1 Frédéric Mégret, Le Tribunal pénal international pour le Rwanda , Cedin Paris 1, 2002, Perspectives
o
internationales n 23, p. 35.
2 Ibid., p. 35, note n 57. - 14 -

manifestant au besoin presque en désespoir de cause par la désertion de l’instance. Au point qu’on

a pu présenter la Cour comme une institution dont l’au torité est de plus en plus contestée. A vrai

dire, si les raisons de cette contestation sont di verses, toutes cependant trouvent leur fondement

dans l’évolution de la société internationale, é volution qui a ébranlé le consensus juridique et

politique sur lequel était fondée la justice intern ationale. Et, comme le démontre par exemple

Jean-PierreCot, ces contestations apparaissent à propos de matières contentieuses sensibles.

C’était d’abord la question des plateaux continenta ux; ensuite celle des essais nucléaires; et puis

plus généralement des questions liées à la défense mi litaire, qu’il s’agisse de la «licéité de l’emploi

de la force» ou, comme dans la présente cause, des activités armées sur le territoire d’un autre Etat,

etc.

18. En somme, le phénomène de la contestation de la compétence de la Cour et celui de

l’évolution de la société intern ationale se réfèrent à une nouvell e catégorie juridique du droit

international, celle des «abus de procédure» ou des «abus de droit». C’est du reste l’un des

principaux moyens articulés par la Partie rwanda ise contre la République démocratique du Congo

au motif d’une part que la RDC, après avoir retiré sa première requête, en a réintroduit une seconde

soi-disant de même nature et ayant le même objet, et d’autre part que la requête de la RDC accuse

indistinctement le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi.

19. L’un de mes collègues devant ce prétoire vi endra balayer ce moyen. A la vérité, comme

le dit une sagesse africaine, celui qui crie «au voleur, au voleur» n’est pas toujours la victime à

plaindre, il est souvent le coupable à arrêter ! Si en effet abus de procédure il y a dans cette cause,

il est davantage dans le chef du Rwanda que dans celui de la République démocratique du Congo,

si l’on s’en remet à la stricte compréhension de la théorie et du concept d’«abus de procédure» à

propos desquels Jean-MarcSorel et Florence Poirat de la faculté de droit de Rennes en France

formulent, comme titre d’un ouvrage, l’interrogation suivante : Les procédures incidentes devant la

Cour internationale de Justice : exercice ou abus de droit ? 3

20. Justement, les exceptions de compétence et les réserves faites à certaines clauses de

traités internationaux participent bien souvent des procédures incidentes utilisées de façon abusive.

3Cet ouvrage est le fruit des journées d’études organisées, s ous la direction de J.M. Sore l et de F. Poirat, par la

faculté de droit et de sciences politiques de l’Université de Rennes, le 18 mai 2000. - 15 -

C’est l’entreprise dans laquelle le Rwanda s’est engagé dans cette affaire, jouant ainsi avec la Cour,

selon l’expression de son conseil, le professeur Greenw ood, au chat et à la souris. Encore que l’on

pourrait demander à l’auteur de cette expression qui est, en l’espèce, le chat et qui est la souris.

21. L’attitude du Rwanda est véritablement sy mptomatique de ces abus de procédure qui, à

terme, finissent par piéger leur auteur.

22. Que vaut, Monsieur le président, honor ables Membres de la Cour, une règle sans

sanction; notamment sans la première de toutes les sanctions, celle de devoir se soumettre à la

sentence d’un juge indépendant et impartial lorsque l’on enfreint la règle !

23. C’est ici que la République démocratique du Congo continue à penser que s’il existe une

distinction fondamentale entre la question de l’accepta tion par un Etat de la juridiction de la Cour

et la compatibilité de certains actes de cet Etat avec le droit international, cette distinction

fondamentale n’empêche pas qu’il s’impose da ns certaines situations ou dans certaines

circonstances, de construire une articulation décente entre la question de la compétence de la Cour

et celle de la compatibilité des actes des Etats avec le droit international.

24. La Cour se trouve en l’espèce en plein da ns ce chantier d’élaboration ou d’ajustement

des règles essentielles du droit international. Mieux, l’affaire en cause lui offre précisément

l’opportunité de trouver solution à cette question. La Cour ne manque guè re de moyens de sa

politique dans ce domaine. Elle n’est assurément pas, comme voudrait nous le faire croire le

Rwanda, ⎯ je cite un auteur japonais Yashio Otani ⎯ un «empereur nu» 4.

A. Le principe de la compétence facultative de la Cour

25. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, il est de principe en droit

international qu’aucun Etat ne peut être attrait devant une juridic tion internationale par un autre

5
sans son consentement . Ce principe est constamment affirmé par votre Cour dans de nombreuses

4 Voir Yashio Otani, «Quelques réflexions sur la ju ridiction et la recevabilit é vis-à-vis de l’affaire du Thon à
nageoire bleue», Liber Amicorum, juge Shigeru Oda, vol. 1, K. LI., 2002, p. 191.
5
Michel Dubuisson, La Cour internationale de Justice , Paris, LGDJ, 1964, p. 152; Patrick Daillier et
Alain Pellet, Droit international public, 7 éd., LGDJ, Paris, 2002, n° 542, 543, p. 894 et suiv.; Shabtai Rosenne, The Law
and Practice of International Court, vol. 1, Leiden, Sijthoff, 1965, p. 313, cité par M. Mavungu (juge ad hoc), opinion
individuelle, dans l’affaire deActivités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête:2002) (République
démocratique du Congo c. Rwanda). - 16 -

décisions ainsi d’ailleurs que par la Cour permanen te de Justice internationale à laquelle vous avez

succédé .6

26. Cependant, si la constatation de ce con sentement ne pose aucune difficulté lorsque

l’expression de celui-ci est claire, la Cour se doit de procéder à un examen plus attentif de la

question si le fondement de la saisine réside dans une série d’actes et de comportements 7de nature

à attester du consentement même timide et tacite d’un Etat à la juridiction de la Cour.

27. Selon en effet une jurisprudence cons tante, la volonté d’un Etat de soumettre un

différend à la Cour, peut résulter non seulement d’une déclaration expresse contenue dans un

compromis formel préalable, mais aussi de «tout acte concluant», en particulier du comportement

de l’Etat défendeur postérieurement à la saisine de la Cour (affaire des Droits de minorités

opposant l’Allemagne à la Pologne, 26 avril 1928, C.P.J.I. série A n o15, p. 24; affaire du Détroit

de Corfou , 25 mars 1948, C.I.J. Recueil 1947-48, p. 28; affaire de l’ Anglo-Iranian Oil Co. ,

22 juillet 1952, C.I.J. Recueil 1952, p. 114). Aussi est-il légitime d’envisager une extension de la

compétence de la Cour, compétence qui, contestable en l’absence de compromis, ne le serait plus

en raison de faits postérieu rs de l’ouverture du procès (forum prorogatum). Ainsi, dans le cas où

un Etat porterait directement un différend devant la Cour, celle-ci s’estimerait valablement saisie si

l’autre Etat acceptait de se présenter à l’instance (affaire du Détroit de Corfou , précitée) ou s’il

participait effectivement à la discussion en dépo sant ses propres conclusions ou en n’émettant pas

d’objection contre une future décision au fond (affaire des Concessions Mavrommatis à Jérusalem,

o
1925, C.P.J.I. sérieA, n 5, p. 27-28; affaire Haya de la Torre , C.I.J. Recueil 1951, p. 78). De

telles attitudes sont considérées par la Cour comme des manifestations d’une acceptation tacite de

sa compétence sur laquelle la partie défenderesse n’est plus en droit de revenir en vertu du principe

8
de bonne foi .

6
«La jurioiction de la Cour dépend de la volonté des Parties» (affaire des oroits de minorités en Haute-Silésie,
C.P.J.I. sérieA, n 15, p. 22; Usine de Chorzów, fond, arrêt n °13, C.P.J.I. sérieA, n 17, p. 37-38); «La Cour ne peut
exercer sa juridiction à l’égard d’un Etat si ce n’est avec le consentement de ce dernier» (affaire de l’ Or monétaire pris à
Rome en 1943, C.I.J.Recueil1954 , p. 32); un examen d’office de l’existence de ce cons entement est d’autant plus
impératif lorsque l’une des parties s’abstient de comparaître ou de faire valoir ses moyens (affaire du Plateau continental
de la mer Egée, compétence, C.I.J. Recueil 1978, p. 9; Timor oriental (Portugal c.Australie) , arrêt du 30 juin 1995,
par. 26).

7 Patrick Daillier et Alain Pellet, op. cit., n° 543, p. 895.

8 Patrick Daillier et Alain Pellet, op. cit., n 543-3, p. 896. - 17 -

28. Il en va ainsi, en l’espèce, de l’acco mplissement par la République démocratique du

Congo et le Rwanda, d’actes de procédure devant votre Cour. Ainsi, l’acceptation par le défendeur

de plaider l’affaire équivaut à l’acceptation par lui de la compétence de la Cour (affaire du Détroit

de Corfou, arrêt du 25 mars 1948).

29. On peut constater que le Rw anda a, dans la présente cau se, déféré à tous les actes de

procédure prescrits ou demandés par la Cour. S’il est vrai que la Partie rwandaise conteste la

juridiction de la Cour, en ce qu’elle n’en a p as formellement reconnu la compétence, en réalité,

comme le fait observer le professeur Louis Favoreu, elle ne met pas en cause la compétence de la

compétence de la Cour. Autrement dit, elle n’en admet pas moins la compétence de la Cour

d’apprécier sa propre compétence. La partie contestant la juridiction de la Cour, note le professeur

Louis Favoreu, «admet cette compétence dans la mesure où elle soumet à l’appréciation souveraine

de la Cour les arguments qui, selon elle, devrai ent conduire la haute juridiction à refuser de

9
connaître du litige». L’auteur c ite pour exemple l’affaire du Sud-Ouest africain dans laquelle

l’Afrique du Sud considère que la clause co mpromissoire invoquée est caduque, mais qui se

présente toutefois devant le juge pour soulever des exceptions préliminaires. Elle a présenté un

contre-mémoire dans lequel elle a développé ses objections à la compétence de la Cour, puis elle

s’est fait représenter à l’instance 1.

30. Le Rwanda ne s’est certes pas montré désobligeant vis-à-vis de la Cour; il a assumé

pleinement et dignement les différentes instances de la présente cause, sans se faire représenter, ni

se faire porter absent comme on l’a vu dans certaines affaires de la part des parties qui contestaient

avec véhémence la compétence de la Cour. Il n’y a eu de sa part ni refus de comparaître, ni refus

11
de conclure .

9
Louis Favoreu, «Les arrêts du 2 février 1973» , A.F.D.I., XX, 1974, cité par Philippe Sabourin, La contestation
de la compétence de la Cour internationale de Justice dans les affaires contentieuses récentes, mémoire présenté, sous la
direction du professeur Bretton, en vue de l’obtention du diplôme d’études approf ondies de droit public général, faculté
de droit et de sciences économiques d’Orléans, 1984-1985, p. 4.
10
Philippe Sabourin, op. cit., p. 5.
11Ibid., p. 6, note 1. - 18 -

31. Il reste néanmoins que son attitude participe d’un comportement d’abus de procédure qui

consiste à utiliser les exceptions à des fins dilato ires, lorsque, «certain de perdre sur le fond, [on
12
est] en revanche persuadé de gagner sur la compétence» .

32. Mais, ce faisant, le Rwanda a implic itement mieux, manifestement, reconnu la

compétence de la juridiction de votre Cour.

B. L’incompétence non manifeste de la Cour

33. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, votre haute juridiction a donc

été bien inspirée de considérer que votre incompét ence dans la présente cause n’est pas manifeste.

Le caractère non manifeste de cette incompéten ce apparaît notamment lorsqu’on analyse l’attitude

du Rwanda au regard par exempl e de la convention pour la prévention du crime de génocide du

9décembre1948 que la RDC évoque comme l’une des bases de votre compétence dans cette

affaire.

34. Ce n’est sans doute pas le lieu ni le moment , ici et maintenant, de rappeler les griefs que

la RDC met à charge du Rwanda pour faits divers et avérés de génocide notamment par des

atteintes nombreuses, systématiques et graves à l’intégrité physique ou mentale de groupes

ethnique ou national déterminés; leur soumission intentionnelle à des conditions d’existence devant

entraîner leur destruction totale ou partielle; des déportations des membres de tels groupes;

l’utilisation du viol systématique et massif des femmes et autres abus sexuels graves; la diffusion

du virus du Sida à travers le viol employé comme moyen de guerre, etc. Les affrontements armés à

Kisangani à trois reprises, par l’ampleur des dé gâts humains et la volonté des troupes ougandaises

et rwandaises de combattre à l’arme lour de en plein cŒur d’une ville peuplée d’un

million d’habitants, ont été, à juste titre, qualifi és par le commandant de la MONUC, de génocide.

Mêmes gesticulations criminelles de la part du Rwanda dans la même ville de Kisangani, le

14mai2002, avec un bilan de plus de deux ce nts morts. Des organismes internationaux

gouvernementaux et non gouvernementaux estiment auj ourd’hui à plusieurs millions de personnes

massacrées dans les territoires occupés par les forces armées rwandaises et ougandaises, sans

12
Ibid., note 5; Le Monde du 20-21 janvier 1985. - 19 -

oublier de millions de populations autochton es déplacées, déportées et remplacées par des

personnes venues directement du Rwanda.

35. Nous reviendrons, le moment venu, avec force arguments et preuves, sur ces atrocités.

36. Ce qu’il convient de souligner pour l’inst ant c’est que la République démocratique du

Congo, qui est, comme le Rwanda, partie à la c onvention pour la prévention et la répression du

crime de génocide, fait valoir l’article IX de cet instrument pour asseoir la compétence de la Cour.

37. Certes, le Rwanda a émis des réserves à cette compétence en ne se considérant pas

comme lié par l’article IX. Cette réserve ne peut cependant pas être prise en considération pour les

raisons que nous avons développées dans notre contre-mémoire.

38. Nous continuons à penser que la réserve formulée par le Rwanda est incompatible avec

l’objet et le but de la convention. Elle a pour effet d’exclure le Rwanda de tout mécanisme de

contrôle et de poursuite pour faits de génocide, alors que l’objet et le but de la convention

consistent précisément dans l’éradication de l’impunité de cette grave atteinte au droit

international.

39. Or, comme le souligne la commissi on chargée de la création du Tribunal pénal

international pour le Rwanda,

«même si le Rwanda n’avait pas adhéré à la convention sur le génocide le
16avril1975, il serait lié par l’interdic tion du génocide qui fait partie du droit

international coutumier depuis 1948, car il est universellement reconnu par la
communauté internationale que l’interdicti on du génocide est devenue une règle du
jus cogens» 13.

40. S’il est vrai que cette affirmation n’empor te pas reconnaissance de la compétence de la

Cour, elle n’en met pas moins en difficulté le Rwanda, lui qui, victime de génocide en 1994,

devient pratiquement le symbole de la nécessité de ne pas laisser impunis les auteurs de pareils

actes, quels qu’ils soient.

41. Monsieur le président, il est curieux de noter que la question de l’admissibilité des

réserves se soit posée devant un tribunal interna tional à propos d’une convention dont, à l’époque,

l’effectivité pouvait pour le moins paraître douteuse; une convention dont le texte était longtemps

13
Frédéric Mégret, op. cit., p. 35, note n° 58. - 20 -

14
considéré comme «purement ornemental» , «comparable aux préambules des constitutions

africaines, c’est-à-dire une simple tribune de bonnes intentions», «un lieu de promesses» 15jamais

tenues. Il faut cependant dire que déjà à l’époque , la Cour internationale de Justice, avait saisi

l’occasion de l’avis consultatif de1951 pour sou ligner que les principes sur lesquels cette

convention est fondée sont reconnus par les nations civilisées comme obligeant les Etats, même en

dehors de tout lien conventionnel. Elle a de mê me précisé qu’il s’agit d’une convention voulue de

portée universelle, dont le but est purement humain et civilisateur; les contractants n’ont ni

avantages ni désavantages individuels, ni intérêts propres, mais un intérêt commun 16.

42. Ces principes se sont heureusement petit à petit imposés au point d’imprégner la volonté

de la communauté internationale en faveur de l’ effectivité de la convention de 1948. Et, si les

événements survenus dans l’ex-Yougoslavie ont pesé positivement sur cette évolution, les actes

odieux commis en 1994 au Rwanda l’ont définitivement scellée. C’est ainsi que la commission des

experts chargée par le Secrétaire général de l’ONU pour examiner la meilleure réponse à donner

aux atrocités de 1994, après avoir constaté que le Rwanda avait adhéré le 16avril1975 à la

convention sur le génocide et qu’elle avait émis la réserve que l’on sa it, a relevé que : «même si le

Rwanda n’avait pas ratifié la convention … il serait lié par l’interdiction [de cette infraction]» 17.

43. Cette interprétation rencontre le point de vue de la doctrine et de la jurisprudence récente

de la Cour internationale de Justice. Par exem ple, MoncefKdhir note que si la convention de

Vienne de 1969 n’énumère pas de façon exhaustive les cas de jus cogens, la Commission du droit

international en cite quelques-uns parmi lesquels elle note l’accomplissement d’actes tels la traite

des esclaves, la piraterie ou le génocide, à la répression desquels tout Etat est tenu de coopérer 18. Il

s’agit, dit-il, d’une norme impérative du droit in ternational, c’est-à-dire une norme acceptée et

reconnue par la communauté internationale des Et ats dans son ensemble en tant que norme à

14 Joe Verhoeven, «Le crime de génocide. Originalité et ambiguïté», in Revue belge de droit international,

Ed. Bruylant, Bruxelles, 1991/1, p. 5.
15 Ibid.

16 Nations Unies, Résumé des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la CIJ, 1948-1991,
doc. ST/LEG/SER.F/1, p. 23.

17 Lettre datée du 1 eoctobre1994, adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
S/1994/1125 du 4 octobre 1994, p. 27, par. 119.

18 Moncef Kdhir, Dictionnaire juridique de la Cour internationale de Justice, Bruylant, Bruxelles, 2000, p. 221. - 21 -

laquelle aucune dérogation n’est permise. Il s’ ensuit que, conclut-il, les obligations qui naissent

notamment de la convention sur le génocide sont des obligations erga omnes, comme le dit

justement la Cour internationale de Jus tice dans son arrêt du 5 février 1970 (Affaire Barcelona

19
traction, C.I.J. Recueil 1970, p. 32). Georges Perrin ajoute pour sa part que pareilles obligations,

pareilles normes ne peuvent souffrir d’aucune réserve . C’est du reste ce qui résulte également de

l’arrêt rendu par la Cour internationale de Justice dans les affaires du Plateau continental de la mer

du Nord. On y lit en effet ce qui suit :

«Il est en général caractéristique d’une règle ou d’une obligation purement

conventionnelle que la faculté d’y apporter des réserves unilatérales soit admise dans
certaines limites; mais [qu’] il ne saurait en être ainsi dans le cas de règles et
d’obligations de droit général ou coutumier qui par nature doivent s’appliquer dans

des conditions égales à tous les membres de la communauté internationale et ne
peuvent donc être subordonnées à un droit d’ exclusion exercé unilatéralement et à
volonté par l’un quelconque des membres de la communauté à son propre avantage.» 20

44. Perrin distingue entre les règles coutumières fondamentales et les règles coutumières non

fondamentales. Rien ne s’oppose, dit-il, à ce que les Etats puissent faire des réserves aux règles

conventionnelles qui reflètent des règles coutumiè res non fondamentales. En revanche, les règles

fondamentales sont acceptées par tous les Etats et aucun d’eux n’aurait l’idée de formuler une

réserve excluant ou modifiant une règle conventionnelle qui en serait l’exact reflet 21.

45. Il n’y a pas de doute, pour paraphraser le président Bedjaoui, «que la plupart des

principes et règles de droit humanitaire [comme ceux prescrits par la convention sur le

22
génocide]…font partie du jus cogens » . La convention sur le gé nocide appartient à cette

catégorie et relève des normes coutumières fondame ntales. En conséquence, le Rwanda ne peut

s’en exclure, ni comme victime, ni naturellement comme auteur.

46. Le Rwanda ne peut en l’espèce, à fortiori rejeter la compétence de la Cour internationale

de Justice, lui qui a demandé [S/1994/1115] 23et obtenu l’institution par la communauté

19
Georges J. Perrin, Droit international public. Sources , sujets, caractéristiques, Schulthess Polygraphischer
Verlag, p. 172.
20C.I.J. Recueil 1969, p. 38-39, par. 63.

21Georges J. Perrin, op. cit., p. 172-173.

22Ibid., p. 222; C.I.J. Recueil 1986, p. 273.
23
Résolution du Conseil de sécurité décidant d’étab lir un Tribunal international pur juger les personnes
présumées responsables d’actes de génocide ou d’autres vi olations graves du droit intern ational humanitaire commis au
Rwanda ou sur le territoire des Etats voisins, S/RE S/955, 8 novembre 1994; voir aussi Frédéric MégretLe Tribunal
pénal international pour le Rwanda, A. Pedone, Cedin, p. 40 et suiv. - 22 -

internationale d’un Trib unal pénal international ad hoc en vue de poursuivre les génocidaires

rwandais de1994. Réfléchir autr ement serait laisser hors du champ judiciaire les faits graves de

génocide mis à charge du Rwanda et commis au détriment des populations congolaises et de la

communauté internationale et couvrir ce pays d’un e immunité totale de poursuite et de juridiction

pour faits de génocide, d’une immunité absolue sans doute en considération des atrocités qu’a

connues ce pays en 1994, lesquelles ne finiront jamais d’ébranler la conscience de l’humanité.

47. Ainsi, la nature spécifique de la conven tion de 1948 implique que les parties acceptent

chacune et toutes de collaborer notamment à toute ac tivité judiciaire internationale; ce qui rend par

conséquent superflue la réserve du genre de celle formulée par le Rwanda. Au demeurant, au nom

de la lutte que le Gouvernement rwandais mène depuis 1994 contre le génocide, ce pays devrait

être le premier à renoncer à cette réserve. Quoi qu’il en soit, il n’est pas dans l’intention de la

République démocratique du Congo, de laisser f onctionner le piège qui consisterait à penser ou à

soutenir qu’un massacre ou un génocide interdit d’en juger un autre. Car, cette façon de voir serait

de nature à conduire à de nouveaux massacres ou génoc ides et à perpétuer l’impunité et le silence

paradoxal de la pratique de la convention de 1948. Que l’on ne s’ y trompe pas: le génocide par

rétorsion ou le génocide à rebours, c’est encore du génocide !

48. C’est donc à bon droit que la Cour rejette ra la réserve du Rwanda, retiendra l’objection

de la République démocratique du Congo à cette réserve et se reconnaîtra compétente dans la cause

qui lui est soumise, sur la base de la violation par le Rwanda de la c onvention de 1948 sur la

prévention et la répression du génocide.

49. Elle le fera avec d’autant plus de sérénité et de sûreté que la doctrine rwandaise la plus

récente abonde dans ce sens. En effet, dans leur ouvrage intitulé Introduction au droit rwandais ,

Martin Imbleau et William A. Schabas 24écrivent ceci :

«Les réserves sont en principe acceptées par la communauté internationale,
mais elles ne doivent pas être contraires à l’objet et au but recherchés par le traité. Les

réserves émises qui ne remplissent pas cette condition sont sujettes aux objections des
autres Etats et peuvent être contestées deva nt des organes internationaux chargés de
l’application du traité. Lors de sa rati fication en 1975, le Rwanda a formulé une

réserve à l’article IX de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide, où la compétence obligatoire de la Cour internationale de Justice sur les
conflits tombant dans le champ d’application de la convention est reconnue. Le

24
Ed. Yvon Blais inc., Québec, Canada, 1999, p. 231. - 23 -

Rwanda s’est toutefois engagé à lever toutes ces réserves en matière de protection des

droits de la personne (art.15, Arusha VII) et adopté une loi en ce sens en 1996
(Décret-loi 014/01 du 15 février 1995)».

Ajoutons que le Rwanda compte probablement parmi les rares pays en Afrique, voire dans le

monde, qui disposent d’un arsenal législatif, péna l et judiciaire, exempl aire en matière de

prévention et de répression du crime de génocide. Qu’il suffise de citer à cet effet la loi rwandaise

organique du 30 août 1996 sur le génocide.

50. Force est donc de constater qu’il y a mani festement changement radical dans l’attitude

générale du Rwanda au regard d es mécanismes de lutte contre certaines violations graves du droit

international, en l’occurrence le crime de génocide, et par ricochet au regard de la compétence de la

Cour internationale de Justice en cette matière.

C. La Cour est juge de sa compétence

51. Parce que, en effet, Monsieur le préside nt, il appartient en définitive à la Cour de

trancher toute contestation relative à l’existen ce ou à l’étendue de ses pouvoirs. «Confirmée à

l’article 36, paragraphe6 du Stat ut de la Cour, la règle n’est pas contestée; elle est d’ailleurs

applicable à tout organe juridictionnel, dans la limite de ce que les Etats intéressés sont convenus

25
de lui soumettre» . La Cour a la compétence de sa compétence; elle est juge de sa compétence

(affaire Nottebohm, arrêt du 18 novembre 1953). Ainsi comprise, «la compétence de la

compétence» «s’est, à l’ex périence, révélée particulièrement utile lorsque la Cour est saisie par la

voie d’une requête unilatérale» 26.

52. Il en résulte :

⎯ premièrement, que «établir ou ne pas établir sa compétence n’est pas (pour la Cour) une

question qui relève des parties; elle est du ressort de la Cour elle-même. S’il est vrai que c’est

à la partie qui cherche à établir un fait qu ’incombe la charge de la preuve (voir Activités

militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis

d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 437, par. 101), cela est

sans pertinence aux fins d’établir la compétence de la Cour, car il s’agit là d’«une question de

droit qui doit être tranchée à la lumière des faits pertinents» ( Actions armées frontalières et

25
Joe Verhoeven, «Droit international public», Larcier, Bruxelles, 2000, p. 766.
26Ibid. - 24 -

transfrontalières (Nicaragua H c.onduras), compétence et recevabilité, arrêt,

C.I.J. Recueil 1988, p. 76, par. 16; affaire de la Compétence en matière de pêcheries (Espagne

c. Canada), arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 450, par. 37).

⎯ deuxièmement, que la Cour possède le pouvoir, à l’occasion d’une affaire comme celle qui

nous occupe, et qui ne peut ne pas s’impr égner des préoccupations humanitaires qui

caractérisent notre époque à l’orée du XXI esiècle, de donner des dimensions nouvelles aux

principes qui gouvernent sa compétence ratione personae, ratione materiae , et ratione

temporis.

53. Il en a été ainsi, semble-t-il, au seuil de la deuxième moitié du XX esiècle. Ainsi, la

République démocratique du Congo fait-elle sienne la conviction de l’Attorney général d’Australie,

l’honorable Lionel Murphy, exprimée devant cette même Cour en mai 1973 (affaires des Essais

nucléaires (Australie c.France) ; (Nouvelle-Zélande c.France), ordonnance du 22 juin 1973).

Cette conviction, en paraphrasant, est que «si cette Cour, la plus haute juridiction jamais élaborée

par l’homme, ne s’interpose pas sur le chemin» des massacres du Rwanda, «qui peut alors douter

que d’autres n’en viennent à conclure qu’ils peuvent suivre l’exemple» rwandais «avec impunité».

54. Enfin, le caractère extensif, mieux la tendance à l’extension de la compétence de la Cour,

apparaît également dans les arrêts du 22 février 1973 d’une part et, d’autre part dans les deux arrêts

du 25 juillet 1974 (affaire des Pêcheries islandaises (Royaume-Uni c.Islande) ; (République

fédérale d’Allemagne c. Islande)).

D. La Cour dispose d’autres bases pertinentes de compétence

55. La République démocrati que du Congo souhaiterait, de surc roît, rappeler qu’en vertu de

l’évolution autant que de la complexité des re lations entre Etats et, partant, du droit qui les

sous-tend, la compétence de la Cour trouve, ainsi que l’atteste sa jurisprudence, d’autres

fondements que ceux qui seront discutés dans la suite des présents débats.

Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je voudrais m’arrêter ici et solliciter

votre autorisation pour donner la parole à SonExc.le ministre de la justice de la RDC. Je vous

remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Akele. - 25 -

M. AKELE : Excusez-moi, c’est plutôt le professeur Katansi. Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you. I now give the floor to Professor Katansi.

M. KATANSI : Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour,

C ONCLUSIONS ET OBSERVATIONS

1. C’est pour moi un honneur renouvelé de me pr ésenter à nouveau devant votre haute Cour.

Cet honneur me revient grâce à la décision pri se dans votre ordonnance du 10juillet2002 qui

rejetait la demande du Rwanda tendant à ce que la présente affaire soit rayée du rôle.

2. Aussi, en guise d’introduction à mon exposé, je voudrais, Monsieur le président, avec

votre autorisation, évoquer très brièvement, comme les deux Parties, rwandaise et congolaise, l’ont

fait dans la phase écrite, c’est-à-dire dans leurs mémoire et contre-mémoire, quelques

considérations générales.

I. Quelques considérations générales

3. En fait de considérations générales, il s’agit d’un paradoxe et de deux constats.

a) Paradoxe dans l’attitude du défendeur

4. Un premier fait, Monsieur le président, c’est le séjour à Kinshasa, capitale de la

République démocratique du Congo, la semaine écoulée, du ministre des affaires étrangères du

Rwanda qui a eu à rencontrer les autorités congolai ses. L’objet de cette visite, d’après la presse

locale, consistait à solliciter l’appui des autoités congolaises à la candidature du Rwanda à la

présidence de la Banque africaine du développement.

5. Dans un premier réflexe, cette visite ferait penser que les relations entre le Rwanda et la

République démocratique du Congo se sont sensiblement améliorées.

6. Monsieur le président, il n’en est rien.

7. Car, les médias internationaux rapportent itérativement que la guerre dans l’est de la

République démocratique du Congo se poursuit, cert es de manière plus subtile, d’un côté, et, de

l’autre, que le Gouvernement du Rwanda s’obs tine dans son refus de négocier avec les

«Interhamwe», ceux-là même qui ont constitué et c onstituent le prétexte des autorités rwandaises - 26 -

pour effectuer des intrusions sur le territoire congol ais, en y faisant perpétrer des violations des

droits de l’homme.

8. Faisant une chose et son contraire, le Rw anda ne peut que, par des allégations tantôt

d’incompétence de la Cour, tantôt d’irrecevab ilité de cette affaire, trouver assurément un

encouragement de sa politique de violation des droits de l’homme en territoire congolais, si jamais

la Cour devait le suivre dans ses prétendues excep tions préliminaires, dans le but évident d’éviter

l’examen du fond de l’affaire.

b) Caractère de plus en plus contraignant des droits de l’homme

9. Un second fait, Monsieur le président, c’est plutôt un constat. Le constat que, augurant

d’une ère nouvelle après celle des querelles su r les plateaux continentaux et celle des essais

nucléaires, votre décision du 10 juillet 2002 rendue en la présente affaire des Activités armées sur

le territoire du Congo , a mis en évidence le caractère sacré des droits de l’homme à l’aube du

troisième millénaire : «Considérant que la Cour est profondément préoccupée par le drame humain,

les pertes en vies humaines et les terribles souffranc es que l’on déplore dans l’est de la République

démocratique du Congo à la suite des combats qui s’y poursuivent.» (Ordonnance, par. 54.)

10. Posé comme au frontispice de sa décision du 10 juillet 2002 le caractère sacré des droits

de l’homme, la Cour souligne aussitôt au quatr ième visa de son ordonnance, le principe du

consentement des Etats à sa juridiction, lequel pr incipe domine toute la matière de sa compétence.

Très exactement, «la Cour n’a donc compétence à l’égard des Etats parties à un différend que si ces

derniers ont non seulement accès à la Cour, mais ont en outre accepté sa compétence, soit d’une

manière générale, soit pour le différend particulier dont il s’agit» (par. 57).

11. Monsieur le président, Madame et Messi eurs de la Cour, cette sentence a amené le

Gouvernement du Congo à poser une question lancinante, en tant qu’elle caractérise non seulement

dans sa formulation mais aussi dans sa réponse, le débat dans la présente affaire, et surtout

l’attitude de la Partie défenderesse, en l’occurrence, le Rwanda. La question : quel est le sort des

conventions auxquelles un Etat a librement sou scrit, mais auxquelles le même Etat a fait des

réserves relativement aux dispositions qui sanctionnent la force des obligations ou des engagements - 27 -

pris? Parce qu’en fait, chacun sait que c’est la Cour qui constitue l’élément révélateur des

relations entre Etats.

12. La réponse à la question emporte assuréme nt, Monsieur le président, la philosophie et

l’économie de l’argumentation juridique que je va is essayer de développe r dans la critique des

exceptions d’incompétence soulevées par la Partie défenderesse aux principales demanderesses sur

exceptions.

13. Le second constat, Monsieur le président, c’est que le Rwanda n’ a pas apporté dans son

argumentation d’hier d’arguments nouveaux. A te lle enseigne que jusqu’à hier, à 13heures, les

deux Parties, demanderesse et défenderesse, étaient, si j’ose dire, à armes égales.

14. Je voudrais, Monsieur le président, pour clore cette manière d’introduction, déclarer que

ce n’est pas par application de l’énoncé biblique « ce qui est écrit est écrit», que je vais m’abstenir

de revenir à l’ensemble de l’argumentation conten ue dans le contre-mém oire, mais plutôt pour

obéissance au prescrit du temps que vous avez voulu nous impartir.

II.L ES EXCEPTIONS D ’INCOMPÉTENCE DE LA COUR ET D ’IRRECEVABILITÉ DE LA
REQUÊTE SOULEVÉES PAR LE R WANDA NE SONT PAS FONDÉES

A. Du non-fondement des exceptions d’incompétence de la Cour

15. Monsieur le président, Madame et Me ssieurs de la Cour, plusieurs exceptions

préliminaires ont été soulevées par la Partie rw andaise aux fins de dénier à votre Cour la

compétence pour connaître de la présente affaire.

16. Il s’impose dès lors de fa ire d’abord l’inventaire de ces exceptions avant d’en faire la

critique.

a) L’inventaire des exceptions préliminaires excipées par le Rwanda

17. Le mémoire du Rwanda de janvier2003 se co mpose de plusieurs parties. La troisième

de ces parties s’intitule : «La Cour est incompét ente pour recevoir la requête» et conséquemment,

elle aligne des allégations qu’il est possible de regrouper en quatre catégories :

1) L’absence de consentement du Rwanda à la ju ridiction obligatoire de la Cour, absence tirée du

défaut de déclaration d’acceptation, générale ou spécifique, de cette compétence; - 28 -

2) La réserve du Rwanda à la compétence de la Cour en vertu de la convention sur la prévention et

la répression du crime de génocide;

3) La prétendue non-pertinence de l’invocation pa r la République démocratique du Congo de la

convention de Vienne sur le droit des traités;

4)Le prétendu non-épuisement par la Répub lique démocratique du Congo des «conditions

essentielles» contenues dans les conventions suiv antes: convention sur l’élimination de la

discrimination à l’égard des femmes; convention de Montréal; constitution de l’OMS et, enfin,

statut de l’Unesco.

18. Telles qu’elles se présentent, les exceptions préliminaires du Rwanda sont, les unes

juridiquement inexistantes, Monsieur le prési dent, et les autres inopérantes, c’est-à-dire,

irrecevables.

b) Non-fondement des exceptions d’incompétence de la Cour

19. Je voudrais, Monsieur le président, dire d’emblée que, des quatre exceptions soulevées

par la Partie rwandaise, deux sont tombées comme d’elles-mêmes. Ce sont les exceptions relatives

au défaut de reconnaissance de la compétence obligatoire par le défendeur, et, d’autre part,

l’exception tirée de la réserve faite à la convention de 1948 sur le génocide.

1) L’exception tirée de la non-reconnaissance de la compétence obligatoire de la Cour par le
Rwanda

20. Tout d’abord, le Gouvernement de la RD C a saisi la Cour par sa requête du 28 mai 2002

en connaissance que le Rwanda qui est néanmoins pa rtie au Statut de cette dernière n’en a pas

reconnu la compétence.

21. Par ailleurs, le Rwanda s’est refusé au compromis qui aurait permis la saisine de votre

Cour d’un commun accord, c’est-à-dire au consentement des Parties litigantes.

22. Il est vain, par conséquent, de débattre d’une exception préliminaire qui n’en est pas une

dans la mesure où la Partie demanderesse, c’ est-à-dire la RDC, en connaissait l’implacable

éventualité avant l’introduction de sa requête à la Cour. - 29 -

2) L’exception tirée de la réserve à l’article 29 de la convention de 1948 sur la prévention et
la répression du génocide

23. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, le collègue Akele a débattu il y

a peu de cette exception mais je voudrais souli gner que le Gouvernement de la RDC se serait

abstenu de revenir constamment sur la méfian ce à laquelle le Rwanda confine tout aussi

constamment le peuple congolais.

24. En effet, la Partie rwandaise a allégué avec force que votre Cour est incompétente sur le

pied de sa réserve à l’article29 de la conventio n sur la prévention et la répression du crime de

génocide, en tant que cet article donne compétence à la Cour alors que la Partie rwandaise savait

que cette réserve avait été retirée.

25. C’est que la Partie congolaise sait maintenant qu’il existe un décret-loi 014/01 du

15février1995 par lequel le Gouvernement du Rwa nda a retiré cette réserve. Au demeurant,

l’existence de ce décret-loi se trouve cons igné notamment dans l’ouvrage canadien ⎯on l’a déjà

cité ⎯ de MM.MartinImbleau et WilliamA.Schabas, ouvrage intitulé: Introduction au droit

rwandais, publié aux éditions Yvon Blais Inc., Québec, Canada, 1999, page 231.

26. La réserve litigieuse ayant disparue, Monsieur le président, la Cour, je crois, peut rejeter

l’exception préliminaire qui s’y référait.

27. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, deux exceptions du demandeur

⎯exceptions ayant disparu comme par le vent ⎯, il reste à démontrer que, si elles peuvent être

soutenues, les deux dernières exceptions du Rwanda sont inopérantes, c’est-à-dire irrecevables. Je

vais essayer de le montrer.

28. Mais c’est à cet endroit, Monsieur le pr ésident, qu’il doit être entendu que les arguments

d’ordre jurisprudentiel et doctrinal qui ont été déve loppés dans le contre-mémoire doivent être pris

en compte.

3) Quant à la prétendue non-satisfaction par la République démocratique du Congo des
clauses compromissoires contenues dans les conventions invoquées

29. Monsieur le président, Madame et M essieurs de la Cour, la dernière exception

préliminaire soulevée par le Rwanda est de celle que l’on peut qua lifier ou qu’on qualifie

d’exception politique, dont l’objectif est, sinon d’entr aver la procédure, du moins de retarder

l’examen de l’affaire quant au fond. Je vais m’en expliquer. - 30 -

30. Premièrement, les clauses invoquées par la RD C rentrent dans la première des catégories

des clauses compromissoires qui excluent dans une certaine manière la contestation de la

compétence de la Cour. Je renvoie à l’opinion individuelle du juge ad hoc. Mavungu, annexée à

l’ordonnance du 10juillet2002 que je n’ai pas beso in de développer. Mais il faut seulement

constater que cette exception ne peut être soutenue par un texte.

31. Deuxièmement, Monsieur le président, trois des conventions invoquées par la RDC pour

étayer la compétence de la Cour rentrent dans la catégorie des clauses compromissoires qui

excluent, dès le départ, toute contestation de la compétence de la Cour: ce sont la convention de

Montréal pour la répression d’actes dirigés cont re l’aviation civile du 23septembre1971; la

convention sur l’élimination de toutes les fo rmes de discrimination à l’égard des femmes du

18décembre1974 et la constitution de l’Orga nisation mondiale de la santé (OMS) du

22 juillet 1946.

32. Le Gouvernement du Rwanda n’a pas formulé de réserves aux clauses compromissoires

contenues dans les conventions que je viens d’indiquer et qui prévoient la compétence de votre

Cour. Sa contestation repose plutôt sur l’ allégation que la RDC n’aurait pas accompli

préalablement les conditions de saisine de la Cour, conditions qui sont stipulées dans lesdites

clauses. En d’autres termes, la contestation du Rwanda est assise sur l’allégation que la

République démocratique du Congo n’a ni précisé quelles dispositions de la constitution de l’OMS

étaient en cause, ni satisfait aux conditions de rè glement préalable stipulées dans la convention de

Montréal et dans le statut de l’Unesco.

33. La Cour constatera que, entendue de la façon, la dernière exception du Rwanda manque,

pour le moins, de pertinence.

34. Ainsi, s’agissant de la clause compromissoire contenue dans la constitution de l’OMS, la

République démocratique du Congo a plus que la rgement démontré que des organismes publics ou

intergouvernementaux compétents, comme le Secrétar iat général des Nations Unies, le Parlement

européen, d’une part, et, d’autre part, des organisations internationales non gouvernementales aussi

sérieuses que l’Oxfam, l’ International Rescue Committee, la Human Rights Watch, etc. ont rendu

publics des rapports circonstanciés sur la grave dété rioration de la santé en RDC, du fait de la

guerre d’agression. - 31 -

35. Le Rwanda ne peut prétendre ignorer et ces organismes et leurs rapports.

36. Enfin, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, la dernière réforme du

règlement de votre juridiction fait que, semble-t- il, les parties litigantes ne seraient plus admises à

invoquer dans une affaire comme la présente l’adjo nction des exceptions au fond. Cependant, le

même règlement tel que modifié donne à votre Cour un large pouvoir d’appréciation qui, en dernier

ressort, fondera la décision de rejet des exceptions soulevées par la Partie rwandaise.

B. Quant à la compétence de la Cour dérivée de ce que son incompétence n’est pas manifeste

37. Dans d’autres circonstances, je dirais que c'est là que les Romains s’empoignèrent. Le

Rwanda, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, s’est livré dans la fraîcheur de la

matinée d’hier, par ses conseils et avocats interposés, à un exercice de haute voltige pour tenter de

renverser, de façon en quelque sorte aérienne, le socle de l’argumentation juridique de la

République démocratique du Congo relative à votre compétence.

38. N’ayant pas ou plus l’habitude de ce ge nre d’exercice périlleux, puisqu’il faut bien

grandir en âge et en sagesse, je préfère avoir les deux pieds sur terre et, dès lors, ici comme dans le

texte du contre-mémoire, être bref.

39. D’autant plus bref que je n’ai pas le dr oit de déroger au temps de parole qui m’a été

imparti.

40. Mon intervention va être, par conséquent, circonscrite à un seul argument clé, celui de

l’«incompétence non manifeste», argument auquel votre Cour a eu recours dans son ordonnance du

10 juillet2002 et qui a permis, à la satisfacti on du peuple du Congo, que la présente affaire ⎯ ce

présent procès de justice juste ⎯ se poursuive.

41. Et si, en dépit des limites que je viens de lui assigner, mon intervention peut participer de

l’émergence d’une «théorie» de l’«incompétence non manifeste» à laquelle le conseil du Rwanda a

fait allusion, non sans ironie, le peuple du Congo et l’Afrique ne pourront qu’en être heureux.

42. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, la notion d’«incompétence non

manifeste», se retrouve, si l’on ne veut pas remont er loin dans le passé, dans la décision rendue

dans l’affaire des Pêcheries ayant opposé le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du

Nord et la République fédérale d’Allemagne à l’Islande. - 32 -

43. Non contente de faire défa ut par voie de lettre et télégra mme à la Cour, l’Islande soutint

l’incompétence de cette dernière au motif essentie l qu’étaient en cause «les intérêts vitaux du

peuple d’Islande».

44. La Cour n’en décida pas moins que son incompétence n’était pas manifeste.

45. Est venue des années après, Monsieur le président, l’affaire des Essais nucléaires qui a

opposé l’Australie à la France. C’ est à cet endroit, Monsieur le président, que je voudrais émettre,

à titre provisoire, un ou deux commentaires.

46. Le premier commentaire réside dans le fait que ces deux affaires de pêcheries et des

essais nucléaires sont intervenues à des périodes diffé rentes et paraissaient, chaque fois, constituer

un tournant dans la jurisprudence de la Cour en matière de sa compétence.

47. Le second commentaire est que des auteurs, comme Philippe Sabourin sous la direction

du professeur Bretton, ont soutenu que, dans la décision rendue par la Cour dans la seconde affaire,

la Cour n’a pas eu à recourir au concept «d’incompétence non manifeste» tandis que d’autres

auteurs affirment que la Cour a, une fois de plus , dans le dossier des essais nucléaires utilisé la

notion d’«incompétence non manifeste».

48. Quoi qu’il en soit de cette contradic tion doctrinale, la République démocratique du

Congo constate avec satisfaction que cette notion d’ «incompétence non manifeste», si elle apparaît

aujourd’hui encore incertaine, est revenue dans la décision du 10 juillet 2002 rendue dans cette

affaire qui nous occupe.

49. La RDC considère que, si votre haute ju ridiction, constituée de sages représentants ou

représentatifs des différents systèmes juridiques du monde, est revenue à cette notion, c’est qu’elle

est porteuse de vertu de règlement pacifique des différends.

50. C’est vrai que des voix autorisées ont stigmatisé ce concept en tant qu’il préjugerait, dans

les affaires où il est invoqué, de la compétence quant au fond.

51. Il n’en reste pas moins, Monsieur le pr ésident, Madame et Messieurs de la Cour, que, à

notre humble avis, ce concept d’«incompétence n on manifeste» demeure une pierre d’attente,

c’est-à-dire gros de promesses. - 33 -

C. L’exception que la RDC n’aurait pas satisfait aux conditions des clauses compromissoires
des conventions n’est pas pertinente

52. Je voudrais remarquer que la République démocratique du Congo a fait appel à un

nombre important de conseils et avocats. Je c onstate également qu’en cette phase orale de la

procédure écrite le Rwanda a renforcé son équipe de défenseurs.

53. Sur ce point précis, je suis d’accord, non pas avec le Rwanda, mais avec Ricardo,

économiste de son état, qui disait que ce n’est pas en multipliant les instruments de cuisine que l’on

parvient à faire de la bonne chère.

54. C’est vrai, Monsieur le président, qu’après avoir tenté de renverser les arguments de la

RDC relativement à la compétence de la Cour, le Rwanda en est venu à tenter le même essai, en

alléguant cette fois que les cond itions stipulées dans les clauses compromissoires invoquées par la

RDC n’ont pas été remplies par cette dernière; en al léguant avec plus de rhétorique que la RDC ce

qu’il avait déjà allégué.

55. Je voudrais, Monsieur le président, une fois de plus aller droit au but en vue de m’en

tenir à la recommandation du respect du temps.

56. A propos de la satisfaction par la RD C des conditions contenues dans les clauses

compromissoires des huit conventions qu’elle a i nvoquées, le Rwanda a commencé par déclarer:

les «seules questions sérieuses concernent les clauses compromissoires».

57. Partant de ces prémisses, le Rwanda a alors tenté de renverser l’argumentation de la RDC

sur la compétence de la Cour.

58. Monsieur le président, ce n’est ni par pr udence, ni par cécité que je voudrais faire un

bout de chemin avec le Rwanda, mais par nécessité de clarté.

59. Et cette clarté si indispensable me condu it, à la suite d’un certain nombre d’auteurs, à

affirmer qu’il existe trois catégories essentielles d’exceptions préliminaires: les unes juridiques,

d’autres politiques et, entre les deux, les exceptions préliminaires revêtant un caractère à la fois

juridique et politique.

60. Je dis, Monsieur le président, que relativement à la question des clauses

compromissoires, l’argumentation du Rwanda est plus politique que juridique et cela dans

l’intention, je l’ai dit, à peine cachée, d’éviter le fond de l’affaire.

61. Tout d’abord, Monsieur le président, le Rwanda a fait une double déclaration. - 34 -

62. La première est que la République démocratique du Congo n’aurait précisé, ni en 2002 ni

dans son contre-mémoire de 2003, quelles dispositions des clauses compromissoires qu’elle

invoque étaient en cause.

63. C’est en réalité le problème de l’objet du litige.

64. La seconde est que la République démocr atique du Congo n’aurait pas satisfait aux

conditions prévues par les clauses compromissoires des conventions invoquées. C’est, Monsieur le

président, la question de la procédure d’arbitrage.

65. Objet du litige, d’une part, et, d’autre part, procédure d’arbitrage que la République

démocratique du Congo n’aurait pas respectée, tels sont, Monsieur le président, les deux aspects de

l’argumentation du Rwanda qui se laisse ébranler par une seule argumentation.

66. Je soutiens que les exceptions du Rwanda, telles qu’elles viennent d’être explicitées, sont

politiques.

67. Le Rwanda a affirmé, en premier lieu, que, s’agissant de la constitution de l’OMS,

celle-ci a été invitée par la Cour à donner son point de vue sur l’attitude la République

démocratique du Congo vis-à-vis de cette convention.

68. Sur cette lancée, le Rwanda a affirmé enco re qu’au terme d’un examen de la requête ou

invitation de la Cour, le comité exécutif de l’OM S a saisi ou aurait dû saisir la Cour internationale

de Justice.

69. Les deux premières affirmations ou ex ceptions du Rwanda forment, Monsieur le

président, une première thèse du défendeur qui appelle critique et que je vais critiquer.

70. Le Rwanda a affirmé ensuite, s’agissant de la convention de Montréal et du statut de

l’Unesco, qu’après un examen plutôt sommaire, seule l’Unesco a répondu à l’invitation de la Cour,

tandis que toutes les autres organisations sont de meurées muettes. Que, par ailleurs, cette réponse

de l’Unesco était une lettre dans laquelle ce tte institution chargée de l’éducation disait ⎯ je cite le

Rwanda ⎯ qu’«elle a adhéré à l’opinion de la Cour».

71. C’est là, Monsieur le président, la seconde thèse du Rwanda qui ne peut, elle non plus,

échapper à la critique. - 35 -

EXAMEN DES THÈSES DU RWANDA

72. La première thèse du Rwanda selon la quelle la République dé mocratique du Congo

n’aurait pas précisé l’objet du litige entre Parties ne tient pas debout.

73. Monsieur le président, en tentant de dénier à votre Cour la compétence pour connaître de

cette affaire, le Rwanda, je le rappelle, a fait deux déclarations: prem ièrement, la République

démocratique du Congo n’a pas indiqué quelles étaient les dispositions de la constitution de l’OMS

qui étaient en litige; deuxièmement, le comité ex écutif de l’OMS a saisi, ou peu importe le mode

du temps, aurait saisi ou encore aurait dû saisir la Cour.

74. Monsieur le président, s’il était exact que le comité exécutif de l’OMS a saisi ou aurait

dû saisir la Cour, c’est que le comité de l’OMS connaissait l’objet du litige car on ne voit pas

autrement sur quoi devait porter la saisine de la Cour par ledit comité exécutif.

75. Il s’ensuit que, contrairement aux allégations du Rwanda, la République démocratique du

Congo avait bien précisé l’objet du différend en tre elle et le Rwanda ; que, par conséquent,

l’exception du défendeur au principal sera rejetée.

76. La deuxième thèse du Rwanda selon laquelle l’Unesco a adhéré à l’opinion de la Cour ne

tient pas non plus.

77. Plus politique est la dernière excepti on préliminaire du Rwanda, en ce que cette

exception fait appel à l’opinion de l’Unesco sur l’ordonnance de la Cour du 10 juillet 2002.

78. En effet, le Rwanda a affirmé dans son exposé d’hier, que, après avoir décliné

l’invitation à elle faite de présenter ses observatio ns quant à l’invocation de dispositions de son

statut par la RDC, l’Unesco s’est contentée d’adhérer à l’opinion de la Cour.

79. Si cette allégation du Rwanda était exacte, alors elle commanderait deux critiques.

80. Tout d’abord, il y a contradiction entre le fait de décliner une invitation de la Cour et

celui de donner son opinion quelle qu’elle soit. Ca r en toute logique, décliner c’est de ne pas

répondre.

81. Comme on le voit, la rhétorique est bien du côté du Rwanda.

82. Ensuite, Monsieur le président, l’a ffirmation du Rwanda selon laquelle l’Unesco a

adhérée à l’opinion de la Cour pose problème. - 36 -

83. De quelle opinion s’agit-il ? Le Statut de la Cour attribue à cette dernière deux types de

compétences : contentieuse et consultative.

84. La Cour a-t-elle été consultée par l’Un esco, consultation qui aurait donné lieu à un avis

consultatif, c’est-à-dire à une opinion ?

85. S’agit-il, au contraire, de la décision de la Cour selon laquelle elle n’a pas, dans cette

affaire, une compétence prima facie ou que son incompétence n’est pas manifeste ?

86. S’il s’agit, en définitive, de la décision que l’incompétence de la Cour n’est pas

manifeste, alors le Rwanda est mal venu à soutenir que la clause compromissoire du statut de

l’Unesco est insusceptible de servir de base à la compétence de la Cour.

87. Plaise à la Cour :

⎯ entendre dire que les exceptions d’incompéten ce soulevées par le défendeur au principal et

demandeur sur exception, en l’occurrence le Rwanda, ne sont pas fondées;

⎯ entendre dire par conséquent que l’affaire sera renvoyée en prosécution.

Monsieur le président, je vous remercie. Et je voudrais, avant de quitter le prétoire, que

votre Cour invite le collègue Ntumba.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Katansi.

I now declare the sitting adjourned for ten mi nutes, after which I shall give the floor to

Professor Ntumba.

The Court adjourned from 11.25 to 11.40 a.m.

The PRESIDENT: Please be seated. I now give the floor to Professor Ntumba.

M. NTUMBA : Monsieur le président, respectables Membres de la Cour,

1. C’est toujours un honneur de pouvoir nous adresser, au nom de la République

démocratique du Congo, à la plus haute juridiction internationale.

2. Comme l’a laissé entendre le Rwanda da ns sa plaidoirie du 4 juillet 2005, loin de nous

l’idée d’abuser des possibilités o ffertes par la Cour qui concourt, en tant qu’un des organes

principaux des Nations Unies, au maintien de la paix et de la sécurité internationales, au

développement entre les nations des relations amical es sur la base des princi pes bien établis, à la - 37 -

consolidation de la paix du monde, à l’encourag ement du respect dû aux droits de l’homme et des

libertés fondamentales (article premier de la charte de San Francisco du 26 juin 1945).

3. Si tel était le cas, la délégation congolaise ne serait pas venue avec le ministre de la justice

et garde des sceaux, si l’on imagine les responsabilités qui sont siennes. Et le secrétaire général du

Gouvernement que je suis devenu, ministre honoraire des droits humains, n’aurait pas délaissé pour

un temps ses tâches nationales auprès du conseil des ministres et de la présidence de la République

pour venir à La Haye.

4. C’est dire tout le prix que la Répub lique démocratique du Congo attache à la bonne

administration de la justice internationale dont, Madame et Messieurs les Membres de la Cour,

vous êtes le gardien du temple. La République démocratique du Congo reconnaît le rôle éminent et

irremplaçable de la Cour internationale de Justice. C’est la raison pour laquelle elle est déjà venue,

elle revient et elle reviendra, le cas échéant, à main tes reprises devant la Cour pour obtenir justice.

Contrairement au Rwanda, adepte d’une justice in ternationale à géométrie variable, la République

démocratique du Congo a reconnu et accepté clairement la juridiction obligatoire de la Cour.

5. Le peuple congolais avec ses plus de trois millions de morts, victimes d’un conflit suscité

et entretenu par certains de ses Etats voisins, a au tant droit à la justice que le peuple rwandais

victime du génocide de 1994 que nous déplorons tous.

6. Pour la République démocratique du Congo, il ne subsiste l’ombre d’aucun doute, et les

preuves sont là, que le Rwanda, directement et indirectement, par ses troupes et ses agents, a

commis des violations graves et massives des dro its de l’homme sur le territoire congolais. Aussi,

est-ce à juste titre que la Cour se déclare «profondément préoccupée par le drame humain, les

pertes en vies humaines et les terribles souffran ces que l’on déplore dans l’est de la République

démocratique du Congo à la suite des combats qui s’y poursuivent» ( Activités armées sur le

territoire du Congo (nouvelle requête:2002) (R épublique démocratique du Congo c.Rwanda),

ordonnance du 10 juillet 2002, par. 54).

7. Mais comme pour le moment, il s’agit plutôt d’établir les bases de la compétence,

laissons-là ces faits malheureux et déplorables, pour revenir à la question principale de la présente

audience. - 38 -

8. La Cour a-t-elle ou non compétence pour connaître du différend qui oppose la République

démocratique du Congo au Rwanda ?

A cette question, la République démocrati que du Congo répond sans hésitation et avec

conviction par l’affirmative. Mes autres collègues qui m’ont précédé ont présenté de nombreux

moyens et arguments. En ce qui me concerne, je vais aborder les points relatifs à la matérialité des

négociations ou début des négociations et à l’ invocation de la convention de Vienne du

23 mai 1969 sur le droit des traités.

9. Monsieur le président, comme l’a si bien dit Mohammed Bedjaoui, alors président de la

Cour internationale de Justice, en date du 13 octobre 1994, devant l’Assemblée générale des

Nations Unies :

«Je suis profondément convaincu que ce n’est que le jour où les membres de la
communauté internationale se débarrasseront des anciens préjugés et seront

psychologiquement prêts à avoir recours aussi naturellement à la Cour qu’aux organes
politiques, sans y voir un acte nécessairement plus grave, conflictuel ou inamical, que
celle-ci pourra pleinement remplir sa mission.» (Mohammed Bedjaoui, «La place de

la CIJ dans le système général du maintien de la paix institué par la Charte des
Nations Unies», RADIC, tome 8, London, 1996, p. 544.)

C’est pourquoi la République démocratique du Congo invite le Rwanda, qui restera à tout jamais

son éternel voisin, à rejoindre ceux des membres de la communauté internationale qui croient à la

nécessité de la justice internationale.

I. De la matérialité des négociations

10. Afin de faire échec à la référence pa r le Congo à l’article 29 de la convention sur

l’élimination de toutes les formes de discriminatio n à l’égard des femmes et à l’article14 de la

convention de Montréal fondant la compétence de la Cour, ainsi qu’à d’autres instruments

internationaux, le Rwanda argue notamment que le préalable des négociations n’aurait pas été vidé.

Il indique en effet qu’«il n’y a pas eu de tenta tives d’aucune sorte pour régler le différend par voie

de négociation» (mémoire du Rwanda, par.3.31). Et il ajoute: «le Rwanda [n’a] jamais rejeté la

voie des négociations» (mémoire du Rwanda, par. 3.67 in fine). J’espère que bientôt il pourra aussi

dire «le Rwanda ne rejette pas, et n’a jamais rejeté, ne rejettera pas la voie juridictionnelle,

notamment celle de la Cour internationale de Justice». - 39 -

Le Rwanda ajoute également que, dans les fa its, le Congo «n’a [jamais] tenté de régler

le…différend par voie de négociation» (mémoire du Rwanda, par.3.66). Est-ce cécité, est-ce

mauvaise foi manifeste ? Le Rwanda seul le sait. Mais les faits vont démontrer le contraire.

11. Monsieur le président, ainsi que la sagesse de cette auguste Cour ne cesse de s’en rendre

compte, le Rwanda ne fait que se dédire s’agissan t de la réalité des négociations entamées par le

Congo ⎯ et avec le Congo.

12. D’une part, il reconnaît que le Congo a saisi l’Organisation de l’aviation civile

internationale de cette question mais, d’autre pa rt, il estime que l’OACI n’est pas en l’occurrence

l’organe compétent pour mener des négociations, souhaitant de ce fait des négociations bilatérales !

De plus, le Rwanda ne nie pas que le Congo a évoqué le conflit et qu’il s’est présenté au Conseil de

sécurité des NationsUnies ⎯il le reconnaît ⎯, à l’Assemblée générale et à la commission des

droits de l’homme; de même, il reconnaît divers co ntacts bilatéraux initiés par le Congo et d’autres

contacts entretenus dans le cadre d’enceintes multilatérales dans son mémoire (par. 3.65).

13. Le Congo, quant à lui, Monsieur le pr ésident, a démontré à la Cour l’impossibilité,

entretenue par le Rwanda, de négocier et d’aboutir à une solution directement. Or, selon la

déclaration de Manille sur le règlement pacifique des différends internationaux (résolution 37/10 de

l’Assemblée générale du 15 novembre 1982),

«les Etats ne devraient pas perdre de vue que les négociations directes sont un moyen
souple et efficace pour régler pacifiquement leurs différends. Lorsqu’ils choisissent

de recourir à des négociations directes, l es Etats devraient mener des négociations qui
aient un sens, de manière à parvenir rapidement à un règlement acceptable par les
parties…»

14. Or, dans la pratique, le Rwanda s’est toujours évertué à rendre «infructueux», selon

l’expression de la Cour, tous les échanges de vues et négociations que le Congo a tenté d’organiser

pour résoudre différents litiges de fond, dont la qu estion de l’application de la convention de

Montréal en vue d’une solution au problème de l’avion abattu par les forces armées du Rwanda

en1998 et la Cour s’est déjà prononcée sur des affaires similaires ( Droit de passage sur le

territoire indien , arrêt du 12avril1960; Sud-Ouest africain , arrêt du 21décembre1962). A

plusieurs reprises, le Rwanda a même décliné l’o ffre de participer aux né gociations. Tel le cas

choquant du sommet de Blantyre (a u Malawi) le 14 janvier 2002 où, d’après le Secrétaire Général

des Nations Unies, «aucune question de fond n’a pu être abordée» du fait de l’absence du Rwanda - 40 -

pourtant invité (voir dixième rapport du Secr étaire général sur la MONUC, S/2002/169 du

15 février 2002, par. 7). Malawi, c’est l’Afrique; Malawi, c’est à l’est de l’Afrique; Malawi, ce

n’est pas loin du Rwanda. Mais si le Rwanda trouve la possibilité d’arriver jusqu’à LaHaye,

comment le Rwanda ne pourrait pas arriver à tr ouver le moyen de se rendre à Malawi ? Sinon par

mauvaise foi. Monsieur le président, qu’il vous plaise de m’accorder le droit à l’eau parce que,

suite à certaines raisons, je ne sais pas me passer d’un verre d’eau en pareilles circonstances. Je

vous remercie. Merci, Monsieur le président, de la prévention.

15. Si déjà le Rwanda bana lise la médiation de la communauté internationale, que cette

médiation soit universelle, régionale ou sous-ré gionale, comment peut-il accepter de traiter

directement de la question avec la République dé mocratique du Congo? Monsieur le président,

c’est une attitude persistante de la part du Rwanda.

16. Le rapport du 25janvier 2005 du groupe d’experts du Conseil de sécurité de l’ONU,

présenté par le président du comité du Conseil de sécurité créé par la résolution1533(2004)

concernant la République démocratique du Congo, c onfirme une fois de plus la mauvaise foi et la

versatilité permanente du Rwanda: «Le groupe reste gravement préoccupé par le manque de

coopération du Rwanda pour les questions d’aviation civile. » (Conseil de sécurité,

rapport S/2005/30 du 25 janvier 2005, par. 93.) Ce n’est qu’un cas d’exemple mais en réalité c’est

sur toutes les autres questions.

17. Selon la Cour, le fait que, dans le passé, les négociations collectives aient abouti à une

impasse et le fait que les écritures et les plaidoiries des Parties aient clairement confirmé que cette

impasse demeure oblige à conclure qu’il n’est pas raisonnablement permis d’espérer que de

nouvelles négociations puissent aboutir à un règlement (affaires du Sud-Ouest africain, exceptions

préliminaires, 1962).

18. Monsieur le président, si le Rwanda avance qu’il n’y a pas eu même un début de

tentative de négociation, c’est puisqu’il croit à tort, ou veut faire croire qu’il n’existerait qu’une

seule forme solennelle et consacrée de négociation, à savoir la négociation bilatérale et directe. Ce

qui n’est pas le cas.

19. Il n’y a pas une unique forme sacramente lle de négociation. Da ns les affaires du

Sud-Ouest africain , l’Afrique du Sud ayant affirmé que des négociations directes entre les - 41 -

demandeurs et elle-même n’ont jamais été engagées, la Cour a déclaré que ce qui importe en la

matière ce n’est pas tant la forme des négociations que l’attitude et les thèses des parties sur les

aspects fondamentaux de la question en litige (affaires du Sud-Ouest africain, 1962).

20. On peut dire qu’il y a début de négociati on entre deux Etats, soit dès que le différend fait

l’objet d’un échange de vues, soit dès qu’il est même porté devant une instance déterminée à

laquelle les deux Etats font partie (cela a été le cas pour l’OACI, le Conseil de sécurité des

NationsUnies; et diverses conférences multilat érales ou sous-régionales) où le Congo a toujours

fait mention des violations par le Rwanda d’un certain nombre d’instruments internationaux.

21. Monsieur le président, le professeur Augustin Macheret précise que «la Cour a d’ailleurs

interprété de manière extensive la notion de négociations diplomatiques (échanges de vues, notes

diplomatiques, protestations, discussions au sein d’une organisation internationale, pourparlers,

etc.)». (AugustinMacheret, Droit international public, Le règlement pacifique des différends

internationaux, Université de Fribourg, faculté de droit, Fribourg 1991, p. 18 et 24).

22. Et comme le constatent Jean Salmon et d’ autres, «le droit international n’impose aucune

forme précise aux négociations qui peuvent être écrite s ou orales ou les deux à la fois. En principe

bilatérale, la négociation peut également se dérouler dans le cadre ou sous l’égide d’une

organisation internationale; elle est appelée pa rfois dans ce cas «diplomatie parlementaire».

(Dictionnaire de droit international public , JeanSalmon (dir. pub.), Bruylant/AUF, Bruxelles,

2001, p. 734.)

23. Dans les affaires du Sud-Ouest africain (Ethiopie c.Afrique du Sud; Libéria c.Afrique

du Sud), le Gouvernement sud-africain ayant contesté la recevabilité des re quêtes des demandeurs

du fait que l’Ethiopie et le Libéria n’auraient p as engagé des négociations diplomatiques avec elle

avant la saisine de la Cour, conformément à l’ar ticle7 du mandat pour le Sud-Ouest africain, la

Cour a rejeté cette exception et a assimilé les discussions engagées par les Etats Membres de

l’ONU au sein de l’Assemblée générale et des divers organes de l’ONU sur le mandat à des

négociations.

La Cour a en outre saisi l’occasion pour indiquer que «la diplomatie pratiquée au sein des

conférences ou diplomatie parlementaire s’est fa it reconnaître comme l’un des moyens établis de

conduire des négociations internationales» et nous allons l’illustrer par quelques exemples (affaires - 42 -

du Sud-Ouest africain (Ethiopie c.Afrique du Sud; Libéria c.Afrique du Sud), exceptions

préliminaires, arrêt du 21 décembre 1962, C.I.J. Recueil 1962, p. 346).

24. En ce qui concerne la République démocra tique du Congo et le Rwanda, c’est le cas par

exemple de la saisine de la commission africai ne des droits de l’homme par la République

démocratique du Congo. En effet, face aux violations abominables des droits de l’homme protégés

par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ⎯ violations commises ou orchestrées

par le Rwanda ⎯, le Congo a eu à saisir cette commission à travers la

communication-plainte227/99 du 24février1999. Cette Charte, rappelons-le, est entrée en

vigueur le 21 octobre 1986, la République démocr atique du Congo ainsi que le Rwanda y ont tous

adhéré.

A l’issue de sa vingt-septième session ordina ire tenue du 27 avril au 11 mai 2000 à Alger, la

commission a déclaré re cevable la communication-plainte du Congo et a même désigné un

rapporteur parmi ses membres. Elle a décidé de tenir une session extraordinaire sur ladite

communication-plainte (voir par.20 de la décisi on prise à la trentièmesession ordinaire tenue à

Banjul du 13 au 27 octobre 2001).

Malheureusement, cette procédure n’a jamais pu aboutir à ce jour suite à de multiples

renvois sine die de l’examen de la communication d’une session à l’autre et à divers actes dilatoires

ou de pression du Rwanda ou cautionnés par lui. Cinq ans ou six ans après la saisine de la

commission africaine et la déclaration de recevab ilité de la communication-plainte, les Etats n’ont

jamais eu véritablement à discuter ou à échanger et assez souvent le Rwanda s’est porté aux

abonnés absents ou est arrivé dans la salle pour s oulever des exceptions ou s’est arrangé pour que

la question ne figure pas à l’ordre du jour.

25. Madame et Messieurs de la Cour, la comm ission africaine des droits de l’homme et des

peuples joue un véritable rôle d’arbitrage en matière des violations des droits de l’homme entre les

Etats africains qui peuvent lui soumettre des co mmunications-plaintes suite à des violations non

seulement de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, mais aussi d’autres

instruments internationaux en la matière.

26. En effet, aux termes de l’article 60 de la charte africaine, dans son fonctionnement - 43 -

«La commission africaine des droits de l’homme et des peuples s’inspire du
droit international relatif aux droits de l’homme et des peuples, notamment des

dispositions de divers instruments africains relatifs aux droits de l’homme et des
peuples, des dispositions de la Charte des NationsUnies, de la charte de
l’Organisation de l’Unité africaine devenue l’Union africaine, de la déclaration
universelle des droits de l’homme, des di spositions des autres instruments adoptés par

les NationsUnies et par les pays africains dans le domaine des droits de l’homme et
des peuples ainsi que des dispositions de divers instruments adoptés au sein
d’institutions spécialisées des NationsUn ies telles que l’Unesco, l’OMS dont sont
membres les parties à la présente charte.»

27. A ce titre, si le Rwanda avait accepté de jouer le jeu des communications écrites et orales

jusqu’au bout, sans obstruer la procédure, il est évident que la commission aurait pu également se

prononcer sur des conventions telles que la conve ntion sur l’élimination des discriminations à

l’égard des femmes, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

et la convention des Nations Unies sur la prévention et la répression du crime de génocide.

Ainsi, vous le constatez, Monsieur le président, le Rwanda ne peut affirmer que le Congo n’a

jamais porté plainte (ou protesté) ou n’a jamais voulu échanger, discuter avec lui sur ses diverses

violations des instruments protecteurs des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

28. Madame et Messieurs de la Cour, il en est de même des échanges et pourparlers qui ont

pu avoir lieu au sein du Conseil de sécurité ou par le biais du Conseil de sécurité.

En effet, comme la Cour le sait pertinemme nt bien, la République démocratique du Congo a

saisi le Conseil de sécurité des Nations Unies du fait de nombreuses violations spécifiques des

droits de l’homme commises par le Rwanda. Et, co mpte tenu de la gravité des faits incriminés et

devant la persistance de la mauvaise foi manifest e du Rwanda à y mettre fin, l’organe principal de

maintien de la paix des Nations Unies est même passé de simples invitations à de véritables

injonctions.

29. Il en va ainsi notamment des résolutions ci-après :

⎯ la résolution 1304 du 16 juin 2000 qui a déploré les affrontements en territoire congolais entre

les armées du Rwanda et de l’Ouganda, les quels ont occasionné des violations massives et

flagrantes des droits de l’homme et du droit in ternational humanitaire. C’est le cas du

paragraphe 4 a) où le Conseil «exige que l’Ouganda et le Rwanda, qui ont violé la souveraineté

et l’intégrité territoriale de la République démo cratique du Congo, retirent toutes leurs forces

du territoire de la République démocratique du Congo sans plus tarder…»; - 44 -

⎯ la résolution 1417 du 14 juin 2002 ajoute la même injonction dans le même sens en demandant

au Rwanda d’user de son influence afin de mettre fin aux exactions commises dans la ville

martyre de Kisangani (voir paragraphe 6 de cette résolution).

Et je disais que le Rwanda a commis les violations massives graves soit directement ou

indirectement. Et c’est pourquoi le Conseil parle ici d’user de son influence.

30. Monsieur le président, qu’il y ait re fus de négociation, absence de négociation,

négociation embryonnaire, négociation assez évol uée ou négociation suffisamment avancée, cela

ne peut pas du reste empêcher la Cour de recevoir une requête et de statuer valablement. Dans le

cas d’espèce, nous avons démontré cependant que, à maintes reprises, il y a eu tentative de

négociation, il y a eu négociation entamée mais par la mauvaise foi du Rwanda et son refus

manifeste, ces négociations n’ont jama is pu avancer. Dans l’affaire du Droit de passage sur

territoire indien, la Cour relève qu’aucune de ses déci sions ne proclame ou même sous-entend

qu’en vertu du droit international coutumier, la procédure des négociations diplomatiques devrait

avoir été pleinement utilisée pour que l’affaire pût être portée devant la Cour par une requête

unilatérale (affaire du Droit de passage sur territoire indien, C.I.J. Recueil 1957 , voir observations

du Portugal, par. 44).

31. Comme on vient de le démontrer, l’excep tion tirée de l’absence de négociation ne peut

être avancée, excipée pour annihiler la receva bilité de la requête congolaise ou entamer la

compétence de la Cour.

II. L’invocation de la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités
et la question des réserves

32. Monsieur le président, je vais passer maintenant au deuxième point ⎯ l’invocation de la

convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités ⎯ en tenant compte des instructions et

recommandations que vous nous avez données en ce qui concerne la gestion du temps. Comme

vous le savez, Monsieur le président, pour le moment, nous sommes en retard d’une heure.

L’Europe est en avance d’une heure par rapport au temps qui règne maintenant en Afrique. Mais

nous tâcherons de faire gagner à la Cour un peu de temps.

L’invocation de la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités. S’agissant

de cette convention, elle a été dûment ratifiée par le Rwanda le 3janvier1980 de par l’arrêté - 45 -

o
présidentiel n 473/16 du 9 octobre 1979 ( Journal officiel, 1979, p. 675) et lui est donc opposable,

il sied de signaler que cette convention a opéré une importante révolution du droit international en

consacrant la notion de norme impérative en son article 53.

33. Les normes impératives (jus cogens) s’imposent à tout Etat, indépendamment de leur

acceptation. Dans l’un de ses récents avis, la Cour a qualifié de «principes intransgressibles du

droit international coutumier» «un grand nombre de règles du droit humanitaire applicable dans les

conflits armés» (affaire de la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires , avis du

8 juillet 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 257 et 273).

34. Il va de soi que les normes impératives (jus cogens) ne peuvent pas faire l’objet de

réserves. La Cour a d’ailleurs stigmatisé leur « caractère fondamental» et le «caractère impératif

des obligations incombant aux Etats» (Affaire du Personnel diplomatique et consulaire des

Etats-Unis à Téhéran, ordonnance du 15 décembre 1979, C.I.J. Recueil 1979, p. 20).

35. La République démocratique du Congo confirme donc et dès lors que le premier alinéa

de l’article66 de la convention de Vienne sur le droit des traités est ainsi libellé. Il établit la

compétence de la Cour et lui permet de statuer en matière du non-respect du jus cogens à l’égard

du Rwanda. Cet article stipule qu’en cas de différe nd concernant l’application ou l’interprétation

des articles 53 et 64 (sur les normes impératives) et s’il n’est pas réglé dans un délai de douze mois

à dater du jour où il est constaté, «toute partie peut, par une requête, le soumettre à la décision de la

Cour internationale de Justice , à moins que les parties ne décident d’un commun accord de

soumettre le différend à l’arbitrage».

36. Cependant, Monsieur le président, le Rwanda, dans son mémoire de janvier 2003, avance

ce qui suit :

«L’article66 est indissociable du mécanisme de règlement des différends
relatifs à l’interprétation et à l’application de la convention de Vienne. Il ne confère
compétence à la Cour qu’à l’égard des d ifférends relatifs à la validité d’un traité

présenté comme contraire à une norme du jus cogens .» (Mémoire du Rwanda,
janvier 2003, par. 3.76.)

Une constante peut être dégagée de cette affirmation.

37. Le Rwanda confirme donc que la Cour est compétente , du moment où il s’avère qu’un

point toucherait à la validité d’un traité contraire à une norme de jus cogens. Et lorsque l’on parle - 46 -

de nullité d’un traité, il est constant que l’on vi se soit l’ensemble du traité, soit «une» ou plusieurs

dispositions de ce traité qui occasionnent cette nullité.

L’article 53 de la convention de Vienne sur le droit des traités précise bel et bien qu’ «Est

nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit

international général.»

38. Monsieur le président, les réserves font partie intégrante du traité et le cas des réserves se

trouve analysé dans la partie II de la convention de Vienne, axée sur la conclusion et l’entrée en

vigueur des traités. En conséquence, les réserves doivent éviter soit d’être en contradiction directe

avec une norme du jus cogens, soit d’empêcher la mise en Œuvre de ladite norme . Or la réserve

émise par le Rwanda à l’article IX de la convention sur la prévention et la répression du crime de

génocide comme à d’autres dispositions similair es et à d’autres clauses compromissoires vise à

empêcher la Cour internationale de Justice à réaliser son noble devoir de protéger les normes

impératives dont l’interdiction du génocide.

39. Par conséquent, la réserve du Rwanda au traité sur les génocides et à d'autres instruments

internationaux relatifs aux droits de l'homme et au droit international humanitaire concernant la

compétence de la Cour doit être considérée comme nu lle et de nul effet. Que le Congo ait, jadis,

présenté ou non d’objection à cette réserve, cela n’ a aucune incidence s’agissant de sa nullité pour

défaut de validité.

40. Monsieur le président, quiconque, homme de bonne foi ou juriste soucieux de la

sauvegarde des valeurs fondamentales que véhicule et préserve le droit international, ne peut que

s’interroger sur l’attitude politique systématique du Rwanda à signer et à ratifier les instruments

internationaux relatifs aux droits de l’homme et au droit international humanitaire, tout en

formulant systématiquement avec obstination, de façon délibérée et calculée des réserves en ce qui

concerne la compétence de la Cour.

Avec cynisme, voulant à la fois une chose et son contraire, donnant l’apparence de s’attacher

à la protection des droits fondamentaux tout en s’opposant à la possibilité d’une quelconque

couverture juridictionnelle.

41. Monsieur le président, suivre le Rwanda qui non seulement n’a pas reconnu la

compétence obligatoire de la Cour, mais aussi émet des réserves systématiques à toutes dispositions - 47 -

reconnaissant la compétence de la Cour internati onale de Justice dans des instruments juridiques

particuliers spécifiques reviendrait à attribuer au Rwanda un certificat ou une garantie d’impunité

universelle. Un droit à faire n’importe quoi sur le territoire d’un autre Etat dans l’impunité

générale, sans devoir engager sa responsabilité, sans s’exposer à une quelconque sanction. C’est en

définitive lui reconnaître une irresponsabilité totale et intégrale en droit international; lui accorder

l’immunité absolue. Monsieur le président, c’ est introduire des fissures, des brèches béantes et

dangereuses dans une matière aussi sensible que délicate qui touche à l’humain et à l’humanitaire.

Aussi, la République démocratique du Congo a-t-elle la conviction que la Cour saisira toutes

les opportunités, et toutes les ouvertures pour asseoir sa compétence et, ce faisant, contribuer à ce

que la barbarie le cède à l’humanité, en tout temps et en tout lieu.

42. Monsieur le président, Madame et Messieu rs les Membres de la Cour, je vous remercie

pour l'attention que vous avez bien voulu m'accorder et prie votre honneur de bien vouloir accorder

la parole au professeur Mukadi Bonyi afin de me compléter sur d’autres points. Je vous remercie.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Ntumba. I now give the floor to Professor Bonyi.

M.MUKADI BONYI: Merci, Monsieur le président, de m’avoir accordé la parole.

Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour,

C ONCLUSIONS ET OBSERVATIONS DE LA RECEVABILITÉ
DE LA REQUÊTE DE LA RDC

1. Permettez-moi, avant toute chose, de vous témoigner toute ma gratitude et de vous

présenter mes sincères remerciements pour cette première occasion que vous me donnez de

m’adresser à la haute juridiction.

2. Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, le Rwanda a

consacré la partie IV (par. 4.1. à 4.4.) de son mé moire à la question d’irrecevabilité de la requête.

Il invoque à l’étai de sa prétention que «par s on contenu, la nouvelle requête déposée par le Congo

reprend dans une large mesure celle qu’il avait s oumise en 1999» (par. 4.2). Il invoque également

que l’abandon de la précédente procédure vaut re nonciation implicite d’un défaut de compétence à

raison des instruments invoqués (par.4.3). Et enfin, il invoque que le dépôt d’une requête, son - 48 -

retrait suivi du dépôt d’une nouvelle requête «constitue un abus de pro cédure de la Cour et rend la

requête irrecevable (par. 4.3).

3. Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, les motifs invoqués

par le Rwanda à l’appui de l’irrecevabilité de la re quête de la RDC ne sont pas fondés. Je vais me

borner ici à faire trois observations en renvoyant pour le surplus à ce qui est contenu dans le

contre-mémoire.

I. La nouvelle requête de la République démocratique du Congo
n’est pas identique à l’ancienne

4. Monsieur le président, Madame et Messi eurs les Membres de la Cour, le Rwanda

lui-même reconnaît dans son mémoire cette vérité puisqu’il affirme qu’une comparaison des deux

requêtes montre que le Congo a rajouté quelques a llégations et références et qu’il a ajouté un

certain nombre d’éléments nouveaux destinés à asseoir la compétence de la Cour (par. 4.2, 4.3).

5. Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, soutenir à la fois

que la nouvelle requête est identique à l’ancienne et qu’elle contie nt un certain nombre d’éléments

nouveaux, c’est affirmer une chose et son contraire.

6. La Cour constatera que la nouvelle requête n’est pas iden tique à l’ancienne puisqu’elle

contient effectivement des éléments nouveaux. Je citerai notamment le cas de l’invocation du traité

de Vienne du 23 mai 1969.

7. Je citerai par ailleurs le fait que la nouvelle requête dénonce plusieurs faits et violations

massives des droits de la personne humaine qui on t été perpétrés après le dépôt de la requête

de 1999 (voir notamment pages 7-16 de la requête).

8. Le Rwanda lui-même reconnaît l’énumér ation de ces faits qu ’il tend par ailleurs à

minimiser en parlant «d’un choix d’événements qui se seraient déroulés au cours des deux années

et demie écoulées depuis le dépôt de la requête de 1999» (par. 4.2).

9. Tous ces événements très graves ne peuve nt être niés au point de parler d’une nouvelle

requête identique à l’ancienne comme si, Monsieur le président, Madame et Messieurs les

Membres de la Cour, les millions de morts qui on t été enregistrés à cette occasion constituent un

fait divers, qui ne pourrait justifier la novelleté de la requête de 2002. - 49 -

Et pourtant, les nombreux et ignobles crimes re pris dans la nouvelle requête introductive

d’instance ont été confirmés et condamnés par les NationsUnies, notamment à travers la

résolution 1399 (2002) du 19 mars 2002 du Conseil de sécurité. Ce n’est pas un abus de procédure

que d’initier une nouvelle requête sur base de telle s violations massives et flagrantes des droits

humains.

II. La République démocratique du Congo n’a pas reconnu implicitement l’incompétence

de la Cour. Au contraire, elle soutient que celle-ci demeure compétente
pour connaître de la présente requête

10. C’est donc à tort, Monsieur le président , Madame et Messieurs de la Cour, que le

Rwanda allègue dans son mémoire que l’abandon de la précédente procédure l’aurait été «dans les

circonstances qui valent reconnaissance implicite d’un défaut de compétence à raison de ces

instruments» (par. 4.3).

11. La République démocratique du Congo s’inscr it en faux contre cette allégation. Elle n’a

pas reconnu et n’a jamais entendu reconnaître implicite ment le défaut de compétence de la Cour.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu ’elle a introduit la nouvelle re quête puisqu’elle est convaincue

que votre Cour est effectivement compétente.

12. Cette opinion de la RDC n’est pas une simple vue de l’esprit. Elle est partagée par une

bonne partie de la doctrine, notamment deux aute urs, qui ont déjà été cités, MM.Imbleau et

William A. Schabas, qui ont écrit un livre qu i est classique au Rwanda, un livre intitulé

Introduction au droit rwandais (éd. Yvon Blais Inc., Québec, 1999).

13. Dans leur ouvrage précité, ces auteurs affirment très clairement que «le Rwanda…a

maintenant retiré [la réserve]» qu’il avait faite à l’ article IX de la convention pour la prévention et

la répression du crime de génocide.

14. Ces auteurs affirment d’ailleurs que ce retrait des réserves formulées répond aux

engagements pris par le Rwanda à lever toutes les réserves en matière de protection des droits de la

personne en vertu de l’article 15 du protocole sur les questions diverses et dispositions finales signé

à Arusha le 3 août 1993 entre le Gouvernement de la République rwandaise et le Front patriotique

rwandais. - 50 -

15. Monsieur le président, le Rwanda a effectiv ement adopté, et on l’a déjà dit, une nouvelle

o
loi dans ce sens et c’est le décret-loi du 15 février 1995 (n 014/01).

16. Monsieur le président, Madame et Messi eurs les Membres de la Cour, l’opinion des

auteurs précités est corroborée par la déclarati on faite le 17 mai 2005 à Genève par Son Exc.

MadameMukabagwiza, ministre de la justi ce représentant la République du Rwanda à la

61 esession de la commission des Nations Unies des droits de l’homme :

«Le Rwanda a été parmi les premiers pa ys à avoir ratifié plusieurs instruments
internationaux relatifs aux droits de l’ho mme… Les quelques instruments non encore
ratifiés relatifs aux droits de l’homme ainsi que les réserves non encore levées le

seront prochainement.»

Cette déclaration signifie qu’il y a des réserves déjà levées par le Rwanda.

17. Effectivement, parmi ces réserves figurent ce lles relatives à l’article IX de la convention

sur la prévention et la répression du génocide ainsi que l’ont écrit les auteurs précités.

18. Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, la RDC se félicite

du fait que le Rwanda lui-même, qui a souffert du génocide en 1994, ait pu tenir ses engagements

en levant la réserve à l’article IX qu’il avait formulée en 1975.

19. La Cour ne manquera pas pour sa part de tirer les conséquences juridiques attachées à ce

retrait des réserves au niveau de sa compétence.

III. L’exception d’irrecevabilité tirée de l’abus
de procédure n’est pas fondée

20. Ici, le motif principal invoqué par le Rw anda à l’étai de l’irrecevabilité repose sur le

prétendu abus de procédure.

21. Mais cette prétention n’est pas fondée puisque la jurisprudence de la Cour admet que le

comportement d’un Etat qui a présenté à la Cour une requête de manière appropriée dans le cadre

des voies de recours qui lui sont ouvertes n’équivaut pas à un abus de procédure (Certaines terres

à phosphates à Naur u (Nauru c.Australie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992,

p. 255, par. 38).

22. Dans le cas d’espèce, la République dé mocratique du Congo a, conformément à la

jurisprudence de la Cour, usé de son droit à in troduire une nouvelle requête, et mon collègue,

M. Akele, a abondement démontré que dans le cas d’espèce il n’y avait pas a bus de procédure. Et - 51 -

il appartiendra à la Cour de comprendre que, s’il y a abus de procédure, cela ne peut se situer que

dans le chef de la Partie adverse qui tente de se soustraire à un débat sur le fond en invoquant une

irrecevabilité de la requête en invoquant l’abus de procédure.

23. Monsieur le président, Madame et Messi eurs les Membres de la Cour, la République

démocratique du Congo prie instamment la Cour de faire échec à cette stratégie dilatoire de la

Partie adverse en lui apportant une réponse appropriée, conforméme nt à la position qu’elle a déjà

eu à adopter dans cette affaire lorsqu’elle s’est déclarée, on l’a déjà dit, «profondément préoccupée

par le drame humain, les pertes en vies humaines, et les terribles souffrances que l’on déplore dans

l’est de la République démocratique du Congo…»

24. Monsieur le président, Madame et Messi eurs les Membres de la Cour, pour toutes ces

raisons, il plaira à la Cour de déclarer non fond ée l’exception d’irrecevabilité de la requête de la

RDC invoquée par le Rwanda.

Je vous remercie, Monsieur le président, et vous prie de m’autoriser à demander que l’agent

de la RDC puisse prendre la parole. Merci.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Bonyi. I now give the floor to His Excellency

Mr. Masangu-a-Mwanza.

M. MASANGU-A-MWANZA: Monsieur le pr ésident, merci pour la parole. Je voudrais

tout simplement remercier la Cour d’avoir bien voulu entendre nos plaidoiries et aussi, comme je

l’ai toujours dit dans d’autres affaires, que la Cour puisse juger et dire le droit. Nous sommes

convaincus que nous, en tant que Congolais, avons raison parce que nous avons perdu énormément

de personnes. Les femmes, les enfants ont été vi olés, ont été massacrés par les soldats rwandais.

Ce n’est pas une affaire qui puisse passer inaperçue parce qu’on parle de génocide au Rwanda,

mais il y a aussi génocide dans notre pays. Nous avons perdu presque cinq millions d’habitants et,

aujourd’hui, il y en a qui errent en brousse, qui n’ont même pas de logement, qui n’ont même pas

de soins médicaux et qui meurent chaque jour.

Nous voudrions vivre en paix avec nos voisins du Grand Lac et que le Rwanda s’occupe de

son pays et qu’il laisse la République démocra tique du Congo tranquille. Nous voulons vivre en - 52 -

parfaite harmonie avec tous les pays du Grand Lac, avec tous les pays de l’Afrique centrale et avec

tous les pays à travers le monde entier.

Je vous demande, Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, de

bien vouloir vous pencher sur ce dossier-là. Nous espérons que vous allez dire votre droit et vous

allez mettre vos compétences dans ce domaine qui nous préoccupe beaucoup. C’est un problème

très difficile en ce qui nous concerne. Toute la population de notre pays attend un jugement

équitable de la haute Cour que vous représentez ici. Merci.

The PRESIDENT: Thank you, Your Excellency. Your statement indeed brings to an end

the first round of oral argument. I wish to thank each of the Parties for the statements presented in

the course of this first round.

The Court will meet again tomorrow, 6 July, at 3 p.m. to hear the second round of oral

argument of the Republic of Rwanda on the questi ons of jurisdiction and admissibility. Rwanda

will present its final submissions on these questions at the end of the afternoon sitting on

Wednesday.

The Congo in turn will conclude its second roun d of oral argument on Friday 8 July, at

10a.m., with respect to the questions of juri sdiction and admissibility and will present its final

submissions thereon. I would like to remind you once again that the second round must not

constitute a repetition of past statements, and that the Parties are not obliged to avail themselves of

the entire time allotted to them.

Thank you.

The Court is adjourned.

The Court rose at 12.40 p.m.

___________

Document Long Title

Public sitting held on Tuesday 5 July 2005, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Guillaume presiding

Links