Public sitting held on Wednesday 2 March 1994, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Bedjaoui presiding

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087-19940302-ORA-01-00-BI
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Number (Press Release, Order, etc)
1994/3
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International Court Cour internationale
of Juetice de Juetice

Public si t ting

held on Weànesday 2 March 1994, at 10 a.m., at the Peace Palace,

President Bedjaoui presiding

in the case concerning Maritime Delimitation and Territorial Questions

Between Qatar and Bahrain

(Qatar v. Bahrain)

VERBATIM RECORD

Audience publique

tenue le mercredi 2 mars 1994, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Bedjaoui, Président

en l'affaire de la Délimitation maritime et des questions territoriales
entre le Qatar et Bahrein

(Qatar c. Bahrein)

COMPTE RENDU President ~edjaoui
Vice-President Schwebel
Judges Oda

Ag0
Sir Robert Jennings
Judges Tarassov
Guillaume
Shahabuddeen

Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi

Fleischhauer
Koroma

Judges ad hoc Valticos
Ruda

Registrar Valencia-Ospinats : M. Bedjaoui, Président
M. Schwebel, Vice-Président
MM. Oda

Ag0
sir Robert Jennings
MM. Tarassov
Gui11aume

Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh

Shi
Fleischhauer
Koroma, juges

MM. Valticos,
Ruda, juges ad hoc

M. Valencia-Ospina, GreffierThe Government of Qatar is be represented by:

H.E. Dr. Najeeb Ai-Nauimi, Minister LegalAdviser,

as Agent and Counsel;

Mr. Adel Sherbini, Legal Expert,

as Legal Adviser;

Mr. Sami Abushaikha, LegalExpert,

as Legal Adviser;

Mr. Jean-Pierre Quéneudec, Professorof InternationalLaw at the

University of Paris 1,

Mr. Jean Salmon, Professor at the Université libre de Bruxelles,

Mr. R. K. P. Shankardass,Senior Advocate, Supreme Court of India,
Former Presidentof the International Bar Association,

Sir Ian Sinclair, K.C.M.G., Q.C., Barrister at Law, Member of the

Institute of InternationalLaw,

Sir Francis Vallat, G.B.E., K.C.M.G.,Q.C., Professor emeritusof
InternationalLaw at the University of London,

as Counsel and Advocates;

Mr. Richard Meese, Advocate, partner in Frere Cholmeley, Paris,

Miss Nanette E. Pilkington, Advocate,Frere Cholmeley, Paris,

Mr. David S. Sellers, Solicitor, Frere Cholmeley, Paris.

The Government of Bahrain is represented by:

H.E. Dr. Husain Mohammed Al Baharna, Minister of State for Legal

Affairs, Barrister at Law, Member of the International Law
Commission of the United Nations,

as Agent and Counsel;
#

Mr. Derek W. Bowett, C.B.E., Q.C., F.B.A., Whewell Professor emeritus
in the University of Cambridge,

Mr. Keith Highet, Member of the Bars of the District of Columbia and

New York,Le Gouvernement du Qatar est représenté par :

S. Exc. M. Najeeb Al-Nauimi, ministre conseillerjuridique,

comme agent et conseil;

M. Adel Sherbini, expert juridique,

comme conseil1 er juridique;

M. Sami Abushaikha, expert juridique,

comme conseiller juridique;

M. Jean-Pierre Quéneudec,professeur de droit international à
l'universitéde Paris 1,

M. Jean Salmon, professeur à l'Universitélibre de Bruxelles,

M. R. K. P. Shankardass, Senior Advocate à la Cour suprême
de l'Inde, ancien président delllnternationalBar Association,

Sir Ian Sinclair, K.C.M.G.,Q.C., Barrister at Law, membre de
l'Institut de droit international,

Sir FrancisVallat, G.B.E., K.C.M.G., Q.C., professeur émérite de

droit international à l'universitéde Londres,

comme conseils et avocats;

M. Richard Meese, avocat, associé du cabinet Frere Cholmeley à Paris,

Mlle Nanette E. Pilkington, avocat,du cabinet Frere Cholmeley à
Paris,

M. David S. Sellers, Solicitor, du cabinet FrereCholmeley à Paris.

Le Gouvernement de Bahrein est représenté par :

S. Exc. M. Husain Mohammed Al Baharna, ministredlEtat chargé des
affaires juridiques,Barrister at Law, membre de la Commission du

droit internationalde l'Organisationdes Nations Unies,

comme agent et conseil;

M. Derek W. Bowett, C.B.E., Q.C., F.B.A., professeur émérite, ancien
titulaire de la chaire Whewell à l'université de Cambridge,

M. Keith Highet, membre des barreauxdu district de Columbia et de

New York,Mr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of InternationalLaw at
the Law School, Catholic University, Montevideo, Uruguay,

Mr. Elihu Lauterpacht, C.B.E.,Q.C., Honorary Professor of
InternationalLaw and Director of the Research Centre for
InternationalLaw, University of Cambridge; Member of the Institut
de droit international,

Mr. Prosper Weil, Professor emeritusat the Université de droit,
d 'économie et de sciences sociales de Paris,

as Counsel and Advocates;

Mr. Donald W. Jones, Solicitor, Trowers & Hamlins, London,

Mr. John H. A. McHugo, Solicitor, Trowers & Hamlins, London,

Mr. David Biggerstaff, Solicitor, Trowers & Hamlins, London,

as Counsel .M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international à

la faculté de droitde l'université catholique deMontevideo,
Uruguay,

M. Elihu Lauterpacht,C.B.E., Q.C., professeur honoraire dedroit

internationalet directeur du Research Centre for International Law
de l'universitéde Cambridge;membre de l'Institut de droit
international,

M. Prosper Weil, professeur émérite à l'université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,

comme conseils et avocats;

M. Donald W. Jones, Solicitor,du cabinet Trowers et Hamlins à
Londres,

M. John H. A. McHugo, Solicitor, du cabinet Trowers et Hamlins à
Londres,

M. David Biggerstaff,Solicitor, du cabinet Trowers et Hamlins à

Londres,

comme conseil S. -8-

Le PRESIDENT : Please be seated. ProfesseurQuéneudec, vous avez la

parole pour continuer votre plaidoirie.

M. QUENEUDEC : Monsieur le Président,Messieurs les juges, après

avoir analysé hieren fin d'audience la significationdu premier

paragraphe de l'accord de Doha, il me faut me pencher à présent sur

l'interprétationdu deuxième paragraphe.

Le deuxième paragraphe de l'accord de 1990 prévoit qu'il a été

convenu de continuer de recouriraux bons offices du roi Fahd, jusqu'au

mois de mai 1991. A partir de cette date,

eles Parties pourront soumettrela question à la Cour
internationale de Justice conformément à la formule bahreïnite,

qui a été acceptée par leQatar, et à la procédure qui en
résulte. Les bons offices de l'Arabie saoudite se poursuivent
pendant que l'affaire sera soumise à l'arbitrage*.

L'interprétation de cette disposition soulève principalementdeux

types de problèmes. Dans un cas, il s'agit d'apprécier l'effet qui

s'attache a la date limite de mai 1991. Dans l'autre, il s'agit de

déterminer le sens et la portée de la clause contenue dans la deuxième

phrase dudit paragraphe. Même si ces deuxquestions sont étroitement

liées entre elles, il paraît cependantapproprié, pour des raisons de

clarté, de les envisager séparément et successivement.

a) Le problème de la signification de la date limite n'a guère été

abordé par la Partie adverse dans ses pièces écrites. Faut-il en

déduire que, pour Bahrein, il s'agirait là d'une disposition

dépourvue de toute signification ?

Or, pour reprendre les termes de la sentence rendue le

7 septembre 1910 dans l'affaire des Pêcheries des côtes septentrionales

de l'Atlantique : aCSest un principe d'interprétationque des mots dans un
acte ne peuvent être considérés comme n'ayant aucune

significations'il n'y a pas de preuve spéciale decela.,
(Recueil des sentences arbitrales, vol. XI, p. 189; RGDIP,
1912, p. 473.)

De la même manière, dansl'affaire du Détroit de Corfou, la Cour

avait jugé qu'il serait contraire aux règles d'interprétation

généralement reconnuesde considérer qu'une disposition particulière,

insérée dans un accord internationalconférant compétence à la Cour, soit

une disposition asans portée et sans effets (C.I.J.Recueil 1949, p. 24).

Et, dans l'affaire de llAnglo-IranianOil Co., en réponse à l'argument

avancé par le Royaume-Uni,qui soutenait

«qu'un texte juridiquedoit être interprétéde manière qu'une
raison d'être et un sens puissent êtreattribués à chacun de
ses mots,,

la Cour avait reconnu, dans son arrêt du 22 juillet 1952 :

<que ce principe doit s'appliqueren général quand il s'agit
d'interpréterle texte d'un traité» (C.I.J. Recueil 1952,

p. 105).

On peut difficilementimaginer qu'une interprétationfaite de bonne

foi et liée au sens ordinaire des termes laisse sans aucun effet la

disposition selonlaquelle, jusqu'au mois de mai 1991, les Parties

devaient continuer de recourir aux bons offices duroi Fahd et qu'après

cette date, elles pouvaient saisir la Cour. Cette disposition doit être

interprétée d'une manière lui permettant de déployer ses ueffets utiles,,

selon l'expression employéepar la Cour permanente dans l'affaire des

Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex (C.P.J.I.sgrie A

no 22, p. 13). Il en est ainsi parce que, comme l'avaient montré les

débats de la Commission du droit internationalen juillet 1964concernant - 10 -

le principe ut res magis valeat quam pereat, la règle de l'effet utile

est inhérenteau principe de bonne foi. Ce que sir Humphrey Waldock

exprimait en déclarant que

allinterprétationen fonction de l'effet utile ... ne peut être
considérée comme implicite dans l'interprétation de bonne foi,
(AnnuaireCDI, 1964, vol. II, p. 62) .

L'intention des auteurs du texte de l'accord de Doha, en fixant la

date limite de mai 1991, était évidemment de laisser une dernière chance

à une tentativede règlement politique avantde permettre la soumission

du litige à la Cour. La déclarationdu ministre des affaires étrangères

de ~ahreïn annexée au contre-mémoirel'expose on ne peut plus clairement

(contre-mémoirede Bahrein, vol. II, p. 160).

On ne peut manquer d'être frappé par l'analogie qui existe sur ce

point entre l'accord de Doha du 25 décembre 1990et l'accord-cadresigné

le 31 août 1989 entre le Tchadet la Libye. Par cet accord-cadre, les

deux Etats concernés s'étaient également accordés un délai pour tenter de

trouver une solution politique à leur différendterritorial : ils

s'étaient engagés à soumettre leur différend au jugement de la Cour si, à

l'expirationdu délai d'un an, aucun règlement politique n'était

intervenu. Ce qu'ils ont fait à l'expirationde ce délai, l'un en

notifiant l'accord-cadre à la Cour, l'autre en déposant initialement une

requête sur le fondement de cet accord-cadre.

Dans la présente affaire, il est certainement possible de dresser un

parallèle entre les deux accords successivement conclus entre le Qatae rt

Bahrein en 1987 et 1990. De même que l'accord de 1987 enregistrait le

consentementdes deux Etats de déférer leur litige à l'organe judiciaire

principal des Nations Unies et renvoyait à une commission tripartite le

soin de définir la manièred'approcher la Cour, de même l'accord de 1990 - 11 -

a enregistré l'acceptationpar les deux Etats d'une formule couvrant

l'ensemble des différendspouvant être soumis à la Cour et a renvoyé à

une date ultérieurepré-déterminéela possibilité d'en saisirla Cour.

L'effet qui s'attache à la référenceau mois de mai 1991 est, dès

lors, relativement simple à déterminer : à partir de la date limiteainsi

fixée, la Courpouvait être saisie. Il n'est pas douteux que l'on peut

reprendre ici l'appréciationportée récemment par cette Cour quant à

l'interprétationdu traité franco-libyende 1955 et dire à sa suite :

«Toute autre lecture de ce[s 1 texte [SI serait contraire à
l'un des principes fondamentaux d'interprétation des traités,

constamment admisdans la jurisprudence internationale, celui
de l'effet utile.» (Arrêt du 3 février 1994, par. 51.)

L'accord de Doha ne comportant aucune indication quantau mode de

soumission du litige à la Cour, celle-cipouvait être saisie, soit

conjointementpar les deux Parties, soit séparément par chacuned'elles,

soit unilatéralement parl'une d'entre elles, dans la mesureoù les deux

Etats étaientliés, depuis l'accord de 1987, par un engagement de se

soumettre à la juridictionde la Cour.

Si l'on suivait l'interprétationque Bahreïn donne de l'accord de

Doha, interprétation selonlaquelle cet accord équivaudrait toutau plus

à un engagement de conclure un compromis,on serait contraint de

considérer que la référence à la date limite du mois de mai 1991 est

purement illusoire. En effet, la logique de l'argument selon lequel cet

accord ne serait rien d'autre qu'une sorte de pactum de contrahendone

devrait-ellepas conduire à regarder la référence au mois de mai 1991

comme signifiant que les Parties ne pouvaien pas conclure un compromis

avant cette date ? Ce serait évidemmentdéraisonnableet absurde. - 12 -

Ou bien, faudrait-ilconsidérer au contraire cette référence à

mai 1991 comme signifiantqu'à partir de cette date les Partiesétaient

tenues de négocieret de conclure un compromis pour se présenter devant

la Cour ? Mais alors une telle interprétationne viserait plus seulement

à donner un effet utile à cette disposition,car elle aboutirait à aller

au-delà de ce que le texte exprimeou permet. Ce ne serait assurément

pas l'une des moindres contradictions que laisserait apparaîtrl ea thèse

de Bahrein : il lui faudrait soutenirici une interprétation très

extensive, alors qu'elle prône par ailleurs une interprétation

grammaticale restrictivede l'ensemble de la deuxième phrase du deuxième

paragraphe de l'accord.

b) Le sens et la portée de la clause contenue dans la deuxième phrase

du 2ème paragraphe de l'accord ne peuvent pas être déterminés ense

fondant presque exclusivement,comme le prétend la Partie adverse,

sur llexpressioncal-tarafana et sa traduction ales parties* ou ales

deux parties,. La règle de l'examen global d'un texte aux fins de

son interprétationne permet pas de réduire le problème

d'interprétation à une discussion d'ordre linguistiqueportant

uniquement sur la significationd'un ou deux mots. L'interprétation

de l'accord de Doha, qui est demandée à la Cour pour juger de sa

compétence, ne peut être menée qu'en faisant application des règles

pertinentes du droit international etnon pas en se fondant sur des

règles techniques de linguistique.D'ailleurs, en règle générale,

la Cour se garde bien, pour accomplir sa mission judiciaire, de

donner une importance exagérée à des considérations purement

techniques, surtout lorsquecelles-ci font apparaîtreun désaccord

entre des spécialisteséminents.dans le texte originalde l'accord. Avec la permission de la Cour, le

Dr Najeeb Al-Nauimi traitera tout à l'heure de cet aspect particulierde

la question.

Je me limiterai en ce qui me concerne à la formulation de deux

observations à partir des traductions anglaiseet française du texte de

cet accord.

i) La première observation que l'on peut faire est qu'il existe,

dans la pratique conventionnelle,d'autres exemples de traités

ou d'accords qui prévoient lerecours à la Cour internationale

de Justice pour lerèglement des différends,mais qui ne

précisent pas si la Cour doit être saisie conjointementpar les

parties ou si elle peut être saisie unilatéralementpar l'une

d'entre elles.

La Cour a d'ailleurs eu à connaître d'un problème de ce genre dans

l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à

Téhéran, lorsqu'ellea dû se prononcer surl'interprétationde l'article

XXI, par. 2, du Traité d'amitié, de commerce et de droits consulairesde

1955 entre les Etats-Unis et l'Iran. Cette disposition prévoyait:

aTout différend qui pourraits'élever entre les Hautes
Parties contractantesquant à l'interprétation ou à
l'applicationdu présent Traité et qui ne pourrait être réglé
d'une manière satisfaisantepar la voie diplomatique sera porté
devant la Cour internationalede Justice, à moins que les

Hautes Partiescontractantes ne conviennent de le régler par
d'autres moyens pacifiques».

Dans son arrêt du 24 mai 1980, afin de déterminer si sa compétence

pouvait être fondée sur cette disposition,la Cour déclarait:

<Cet article ne prévoit certes pas en termes exprès que

l'une ou l'autre des parties peut saisir la Cour par requête
unilatérale,mais il est évident que, comme les Etats-Unis
l'ont soutenu dans leur mémoire, c'est bien ainsi que les
parties l'entendaient.» (C.I.J. Recueil, 1980, p. 27, par. 52.) - 14 -

La même position a ensuite été adoptée parla Cour en 1984 dans

1'a£faire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua,

lorsqu'il s'est agi d'interpréter une clause identique figurant dans

l'article XXIV du Traité d'amitié, de commerce et de navigation de 1956

entre les Etats-Unis et le Nicaragua. La Cour a ici aussi estiméqu'une

telle clause autorisait une saisine unilatérale (C.I.J. Recueil 1984,

p. 427, par. 81).

Nous avons eu l'occasion précédemment de souligner l'analogie

indéniable qui existe entrel'accord de Doha et l'Accord-cadre tchado-

libyen de 1989. Ce dernier prévoyait,en son article 2 :

%A défaut de règlement politique, les deux parties
s'engagent:

a) à soumettre le différend au jugement de la Cour

internationale de Justice ...w

Il y a analogie, mais non identité. Selon l'accord entre la Libye

et le Tchad, eles de12.~ xaïties s'engagent à soumettre,, alors que

l'accord entre le Qatar et Bahrein dispose ules parties pourront

soumettrew. Il y a toutefois uneraison à l'emploi de cette dernière

expression : la différence de rédaction s'expliquepar le fait que le

Qatar et Bahrein, au moment de l'accord de 1990, s'étaient déjà engagés à

soumettre leurs différends à la Cour, en vertu de l'accord de 1987. Au

contraire, dans l'affaire du Différend territorialentre la Libye et le

Tchad, il n'y avait pas un tel engagement; c'était l'Accord-cadrequi, à

la fois, comportait la reconnaissancede la juridiction de la Couret

prévoyait la possibilité de la saisir à l'expirationdu délai qu'il

mentionnait. Dès lors, si une phrase exprimant une obligationliant deux

Etats (ulesdeux parties s'engagent à soumettrew)a pû être interprétée

comme autorisant chacund'eux à agir unilatéralement,a fortiori une - 15 -

lors, si une phrase exprimant une obligation liant deux Etats (ales deux

parties s'engagent à soumettre») a pû être interprétée comme autorisant

chacun d'eux à agir unilatéralement, a fortiori une phrase exprimant une

faculté de mettre en oeuvre un engagement préalable (ales parties

pourront soumettre»)peut aussi être interprétée comme autorisant chacun

des deux Etats à agir, c'est-à-direl'un ou l'autre.

ii) La deuxième observation que je souhaiterais faire concerne ce

que le texte ne dit pas. Selon la thèse développée par

Bahrein, l'accordde Doha aurait prévu que les Parties ne

pouvaient saisirla Cour qu'en agissant conjointement. Cela

supposerait de lire la phrase pertinente du deuxième paragraphe

comme si elle était libelléede la manière suivante : des

parties pourront soumettre ensemble la question à la Cours, ou

encore : «les deux parties ensemble pourront soumettre la

question à la Cour».

Or, le mot uensemblewne figure pas dans letexte original de

l'accord de Doha. Celui-ci diffère surce point du texte du compromis

signé en 1977 entre la Tunisie et la Libye.

La Cour se souviendra certainement que, dans l'affaire du Plateau

continental (hinisie/Libye), qui lui avait étésoumise sur la base d'un

compromis dont le texte original était également en langue arabe, une

controverse était apparue entre les parties au sujet de l'article 3 de ce

compromis. Cet article prévoyaitqu'en cas de difficultés rencontrées

dans la mise en oeuvre de l'arrêt rendu par laCour, ales deux Parties

reviendront ensemble devant la Couret demanderont toutes explicationsou

tous éclaircissementsqui faciliteraient latâche des deux délégations»

Et la traduction en anglais de cette
pour réaliser la délimitation. - 16 -

disposition coïncidait parfaitement avec la traduction français e athe

two Parties shall together go back to the Court ...*.

La controverse devait prendreun tour particulier à la suite de la

demande tunisienne en révisionet en interprétationde l'arrêt du

24 février 1982, puisque le débat fut un moment de savoir si la demande

conjointe que prévoyait l'article 3 du compromis avait pour effet de

conditionner une demanded'interprétationpar voie de requête unilatérale

conformément à l'article 60 du Statut.

Dans son arrêt du 10 décembre 1985, la Cour s'est bornée à observer

à ce sujet qu'en vertu du principe fondamentaldu consentement à la

compétence contentieusede la Cour, ales parties à des traités ou à des

compromis sont libres dfassortir leur consentement à la saisine de la

Cour, et donc à sa juridiction, de toutes conditions préalables

compatibles avec le Statut dont elles peuvent être convenues, (C.I.J.

Recueil 1985, p. 216, par. 43).

Précisément,en prévoyant que ales parties pourront soumettre la

question à la Cour>, l'accord de Doha n'a assorti le consentement des

deux Etats à la saisine de la Cour que d'une seule condition préalable, à

savoir : l'expirationd'un certain délai avant la saisine. Mais il n'a

pas subordonnécelle-ci à la condition d'une démarche conjointe,du type

de celle qui était prévue à l'article 3 du compromis tuniso-libyen.

On ne pourrait comprendre le texte de l'accord de Doha comme sous-

entendant l'existencedu mot ensemble^ que si cela devait découler

nécessairement des autres dispositions de l'accord ou d'une disposition

particulière qui obligerait à ce sous-entendupour donner effet à

l'accord. Mais il ne semble pas que l'introductiondu mot aensembles soit - 17 -

une implicationnécessaire, que l'on traduise l'expressionarabe aal-

tarafan,par ales parties, ou ales deux parties,, comme l'expliquerale

Dr Najeeb Al-Nauimi.

Dans l'expressionarabe «al-tarafan,,il y a bien une dualité,

c'est-à-diredeux parties, comme le souligne d'ailleurs Bahrein en

traduisant cette expression par aboth the Parties,, c'est-à-dire al'une

et l'autre des Parties, (contre-mémoirede Bahrein, p. 54, par. 6.8). Il

s'agit d'une formule faisant référence à deux éléments, exactement comme

en français lorsquel'on dit «des jumeaux%,on entend par définition deux

personnes. Toutefois,quand on dit que des jumeaux font ou peuvent faire

quelque chose, cela n'implique pas nécessairementqu'ils doivent le faire

ensemble. Si l'on avait, par exemple, à interpréter la phrase suivante :

«A partir de l'an prochain, les jumeaux pourront soumettre leur querelle

à un juge», devrait-on considérer que ces jumeaux seraient dans

l'obligationde s'adresser ensemble et en même temps au juge ? Ne

pourrait-onpas tout aussi bienconsidérer que, puisque l'un et l'autre

se sont vu reconnaître cette faculté, l'un ou l'autre pourrait en user ?

Supposons encore que le textede l'accord de Doha, au lieu

d'utiliser la formule «les parties», ait expressément mentionnéles noms

des deux Etats et ait été rédigé de la manière suivante : «A l'expiration

de ce délai, le Qatar et Bahreïn pourront soumettre la question à la

Cour.» Même en pareil cas, il serait difficile de prétendre que les deux

Etats auraient nécessairementdû agir ensemble. En effet, la conjonction

<<et»n'a pas toujours la significationd'une addition,mais peut aussi

servir à établir une alternative. Dans l'affaire de Certains intérêts

allemands en Haute-Si1ésie polonaise, la Cour permanentenotait, par

exemple, que le amot set, ... dans le langage ordinaire comme dans le langage
juridique peut selon les circonstances être aussibien
alternatif que cumulatifs (C.P.1.J. série A no 6, p. 14).

Lorsque le texte de l'accord de Doha dit que ales parties pourront

soumettre la question à la Cour,, c'est bien égalementune alternative

qui est offerte, en ce sens que chacune des Partiesse voit ainsi

reconnaître la possibilité de soumettre la question à la Cour. Sinon, le

verbe cpouvoirm qui y est employé (ayagouz~dans le texte arabe) serait

ici dépourvu de toute significationet verrait son sens naturel et

ordinaire être déformé.

La significationde l'accord de Doha, interprété de bonne foi

suivant le sens ordinaire attribuéaux termes employés dans leur contexte

et à la lumière de l'objet et du but de l'accord, conduit donc à la

conclusion que la Courest compétente pour connaître de la requêtedu

Qatar.

Cette conclusion se trouve confortéeet confirmée par laprise en

considération des circonstances dans lesquelles est intervenu l'accord de

Doha du 25 décembre 1990. Monsieur le Président,il convient donc

d'envisagerpour terminer les circonstances de la conclusion de l'accord.

4. Les circonstances de la conclueion de l'accord

L'examen de la volonté desparties, telle qu'elle est exprimée dans

le texte de l'accord, ne laisse subsister aucun doute quant à la

compétence de la Cour pour connaître des différends quiont été portés

devant elle par la requête. L'interprétationqu'on peut en donner,

conformément à la règle généraleénoncée dans l'article31 de la

convention de Vienne sur le droit des traités,ne laisse place à aucune

ambiguïté ou obscurité et elle ne conduit pas davantage à un résultat - 19 -

manifestement absurdeou déraisonnable. Il n'est donc nul besoin de

recourir aux moyens complémentaires d'interprétation mentionnés à

l'article 32 de la convention de Vienne, pour «déterminer le sensw des

dispositions de cetaccord, c'est-à-direpour élucider son contenu.

L1artiCle 32 de la convention de Vienneprévoit qu'il peut cependant

être fait appel à ces moyens complémentaires envue, non pas de

déterminer, mais de aconfimer le sens, dégagé par application de la

règle de l'article 31. C'est donc à ce titre que nous pouvons les

envisager.

Toutefois, dans le cas particulier del'accord de Doha, et

contrairement à ce qui a été avancé par Bahrein dans ses pièces écrites,

il est particulièrementmalaisé, voire impossible de recourirau moyen

complémentaire que représentent lestravaux préparatoires,pour la simple

raison qu'il est difficile en l'espèce d'identifier avec précision les

«travaux préparatoires».

On ne peut, à coup sûr, considérer comme faisant partiede ces

«travaux préparatoiresa la déclaration du ministre des affaires

étrangères de Bahreïn et la déclaration du ministre dlEtat chargé des

affaires juridiques, déclarations qui ont été annexées au contre-mémoire

(vol. II, annexes 1-25 et 1.26, p. 157-1771, Ce sont là des points de

vue exprimés a posteriori par l'une des Parties en cause, datés

respectivement des21 et 20 mai 1992, soit près d'un an et demi après la

conclusion de l'accord de Doha.

Pourrait-onconsidérer le projet initialpréparé par l'Arabie

saoudite comme entrant dans la catégorie des «travaux préparatoiresw,

étant donné que ce projet n'avait pas été communiqué à la délégation du

Qatar ? Le moins que l'on puisse dire est que des doutes existent quant - 20 -

à la possibilité de le prendre en compte au titre des *travaux

préparatoires,.

Ne subsiste donc éventuellement que le projet préparé paO rman,

présenté aux deux Parties et amendé par chacune d'elles.

Cela dit, à supposer que ces projets puissent être pris en

considération,ils ne sont cependant pas révélateurs de l'intention que

Bahrein prétend y trouver. Ils indiquaient certes expressément que la

Cour pourrait être saisie parl'une ou l'autre des Parties, là où le

texte définitif del'accord prévoit que «les Parties, pourront saisir la

Cour. De ce changement dans lestermes, peut-on, conne le soutient

Bahrein, déduire la preuve que l'intention n'était pas de permettre une

saisine unilatérale dela Cour par voie de requête ? Il ne le semble

pas, parce que l'argument ainsi tiré de ce que Bahrein appelle des

«travaux préparatoires>est parfaitement réversiblepour les raisons

suivantes.

Si l'Arabie saoudite et Oman, dans leurs projetsrespectifs,

indiquaient expressément quel'affaire pouvait être portée devantla Cour

par l'une des Parties, c'est bien la preuve que, dans l'esprit du

médiateur et du ministre des affaires étrangères d'Oman, le texte à

mettre au point devait comporter une clause permettant lasaisine directe

de la Cour par voiede requête. C'est d'ailleursde cette manière que

Bahrein interprèteles projets saoudienet omanais. Le changement de

rédaction opéré à l'initiativede Bahrein, et qui a consisté à substituer

la formule ales partiesw («theparties*) à l'expression*l'une ou l'autre

des parties, (ueitherof the parties*), n'a pas été contesté par le

Qatar, ni par l'Arabie saoudite,ni par Oman. - 21 -

Si ce changementavait eu pour objet ou pour effet de modifier

fondamentalement lesdroits et obligations des Parties telsqu'ils

étaient envisagés dans les projets saoudien et omanais - comme le

soutient aujourd'huiBahreïn -, il est pour le moins curieuxqu'aucun de

ces trois Etats n'ait soulevé la question à l'époque. C'est donc que ce

changement de terminologie n'était pas perçu, à l'époque, comme devant

entraîner une modificationdu résultat recherché, à savoir la soumission

obligatoire du litige à la Cour après mai 1991.

Cela a d'ailleurs été expressémentconfirmé par le ministredes

affaires étrangères du Sultanatd'Oman dans la lettrequ'il a adressée au

ministre des affaires étrangères du Qatar le 29 janvier dernieret qui a

été transmise à la Cour avec les observations faites par le Qatarau

sujet des nouveaux documentsproduits par Bahreïn.

Le ministre omanais considère,en effet, que le texte de l'accord de

Doha, à l'élaborationduquel il avait pris une grande part, autorisait la

soumission du différend à la Cour soit par 1'Etat du Qatar soit par

1'Etat de Bahreïn.

On observera que laposition ainsi prise par le ministre des

affaires étrangèresd'Oman est on ne peut plus catégoriqueet tranche par

là même avec la prudence dont témoignent et avec l'ambiguïtéqui

caractérise les termes de la lettre adresséepar le roi Fahd à llEmir de

Bahreïn le 22 décembre 1993 et que Bahreïn a soumise à la Cour comme

nouveau document le il janvier dernier.

Il en résulte que ce qui est présenté par laPartie adverse comme

étant des atravaux préparatoires»,loin d'infirmer le sens qui se dégage

de l'interprétationde l'accord conformément à la règle générale

d'interprétation,peut au contraireconforter cette interprétation. - 22 -

Ce sens est, d'autre part et surtout, confirmé par l'autre élément

que la convention de Vienne range dansla catégorie des moyens

complémentairesd'interprétation,c'est-à-dire :les circonstances

entourant la conclusion de l'accord. Ces circonstances jouenten quelque

sorte un rôle de <tests de ce que la Cour appelait en 1952, dans

1'affairede 1 Anglo-Iranian Oil Co., al 'interprétation. qui est en

harmonie avec la manière naturelle et raisonnable de lirele texte*

(C.I.J. Recueil : 1952, pp. 104-1051.

Envisager les circonstancesde la conclusion de l'accord de 1990

revient à prendre en considération l'ensembledes faits qui forment le

cadre général dans lequel cet accord est intervenu et qui peuvent en

avoir influencé la conclusion. C'estce que la Cour actuelle et sa

devancière ont été amenées à faire à différentes reprises, lorsqu'elles

ont fait appel aux circonstances historiques formant l'arrière-plansur

le fond duquel était né un accord international soumis à leur

interprétation.

Ces circonstances,cet arrière-plan,ce cadre général, ont été

présentés par 1'Etat du Qatar dans ses écritureset je prie

respectueusementla Cour de se reporter notamment aux paragraphes 3.54 à

3.60 de la réplique (p. 33-36). Ils ont été rappelés et développés dans

les plaidoiries deMr. Shankardass et de Sir Ian Sinclair. Aussi n'est-

il pas utile de s'y appesantir. Je me bornerai ici à présenter deux

remarques.

a) La première remarque a trait à la manière dont Bahrein s'est appuyé

sur le précédent de l'affaire du Plateau continentalde la mer Egée

pour tenter d'étayer sa thèse. On sait que, dans cette affaire,

afin d'interpréterle texte du communiquésur lequel la Grèce - 23 -

fondait entre autres la compétence dela Cour, votre Haute

Juridiction s'était vue dans l'obligationde arechercher si les

circonstances entourantla réunion du 31 mai 1975 et la rédaction du

communiqué peuventen éclairer le sens, (C.I.J. Recueil 1978, p. 41,

par. 100).

Or, les circonstancesentourant larédaction du communiquégréco-

turc de 1975 et les circonstances dela conclusion de l'accord de Doha

sont tellementdifférentes qu'il est absolument impossible de dresserun

quelconque parallèleentre l'affaire de la Mer Egée et la présente

affaire. Trois différences fondamentales apparaissent de ce point de vue

entre les deux affaires.

i) Dans l'affairede la Mer Egée, quelques mois avantla réunion

des deux premiersministres et l'adoptiondu fameux communiqué,

les gouvernements grecet turc étaient convenus que le

différend relatif à la délimitation du plateaucontirlental en

mer Egée serait soumis conjointement à la Cour par voie de

compromis. Dans la présente affaire, aucun accord de ce type

n'est intervenu entre le Qataret Bahrein.

ii) Dans l'affairede la Mer Egée, les négociationstendant à

élaborer un compromisn'avaient guère commencé avantla

publication du communiqué. Dans la présente affaire, des

négociations détailléesont eu lieu entre Bahrein et le Qatar

en 1988 en vue de conclure un compromis (encore qu'elles ne

fussent pas limitées à cette seuleperspective),mais ces

négociations n'ont pu aboutir à un accord sur un texte, et

elles n'ont jamais été reprises. - 24 -

iii) Dans l'affaire de la MerEgée, la Grèce et la Turquie ne

s'étaient pas mises d'accord, avant l'adoption du communiqué,

sur l'étendue de la question à soumettre à la Cour. Dans la

présente affaire, l'acceptationpar le Qatar de la aformule

bahreinite~,enregistrée dans le texte deDoha, démontre

suffisamment l'accord des Parties quant aux questions qu'elles

ont entendu soumettre à la juridiction de la Cour.

C'est en se fondant sur les circonstances dans lesquelles avait été

établi et publié le communiqué conjointgréco-turc que la Cour était

parvenue à la conclusion que ce communiqué n'avaitpas pour objet et

n'avait pas eu pour effet de constituerun engagement immédiatd'accepter

inconditionnellement la soumission du différend à la Cour par requête

unilatérale (C.I.J. Recueil 1978, p. 44, par. 107). Les circonstances

de la présente affaire viennent,au contraire, étayerla lecture que nous

faisons du texte de l'accord de Doha, qui, selon nous, offre un fondement

valable à la compétence de la Cour pour connaître de la requête du Qatar.

b) La seconde remarque qu'il convient de faire est relative au contexte

général des bons offices de l'Arabie saoudite à l'égard de

l'ensemble des différendsqui existententre le Qatar et Bahrein.

Il est d'autant plus important de le rappeler que le texte de

l'accord de Doha y fait expressément référence dansson préambule.

Les bons offices saoudiens ont été développés en poursuivant une

double finalité.

D'une part, depuis les origines deson intervention, lemédiateur a

déployé divers effortsen vue de rechercher une solutiondes litiges qui

serait acceptablepar les deux Etats. Et l'accord de Doha prévoit que

l'Arabie saoudite poursuivra ses efforts à cette fin, même après la - 25 -

saisine de la Cour. On notera à cet égard que les précédentes réunions

au sommet du Conseil de coopération duGolfe, en 1988 et 1989, avaient

déjà conduit à demander au roi d'Arabie saoudite de persévérer danscette

voie.

D'autre part, à partir de 1983, les efforts du médiateur ont

commencé à s'orienter en même temps vers la déterminationd'une procédure

de règlement obligatoire. Différentes étapes ont jalonné cette quête.

En 1983, c'est dans le cadre de la médiation que fut accepté par les deux

Etats le principe du règlement de leurs différends par une tierce partie

statuant sur la base du droit international. En 1987, le médiateur les

amena à conclure un accord par lequel lesdeux Etats s'engageaient à

soumettre toutes les questions enlitige à la Cour internationalede

Justice. En 1988, il patronna et anima les réunions de la commission

tripartite qui avait été chargée d'explorer les voies et moyens de

soumettre les différends à la Cour. En 1990, à l'occasion de la réunion

du Conseil de coopération du Golfe, il ne fut pas étranger à la

conclusion de l'accord de Doha en vue de la soumission effectivede

l'affaire à la Cour, et le ministre saoudien des affairesétrangères

contre-signacet accord en qualité de témoin et de garant.

La prise en compte de ce cadre général et des différentes étapes qui

ont jalonné la médiation saoudiennepermet de replacer le texte de

l'accord de Doha dans l'atmosphèrede son élaborationet met en lumière

les conditions de fait dans lesquelles s'est manifestée l'intentiondes

Parties dans le textesigné en 1990. Cette atmosphère et ces conditions

de fait tendent toutes versla confirmation de l'interprétationdonnée

par le Qatar du texte de l'accord. Elles confirment que l'accord signé à

Doha en 1990 constitue un engagement immédiat, de la part des deux Etats, - 26 -

d'accepter inconditionnellement que leurs différends soient soumi às la

Cour à partir de mai 1991. Il en découle que l'accord de Doha offre un

fondement valable à la compétencede la Cour pour connaître de la Requête

déposée par llEtat du Qatar.

Monsieur le Président, durant cet exposé, nous avons tenté de

fournir à la Cour tout ce que nous pensons utileet nécessaire pour

emporter la conviction, faisant confiance à la force logiquede

l'argumentationqui découle de l'interprétation de l'accord de 1990 et

qui milite en faveur de la compétence de la Cour dansla présente

affaire.

L'interprétation quenous donnons de cet accord est, par bien des

aspects, aux antipodes de cellequi est avancée par Bahrein. A la

différence de la Partie adverse, en effet, nous ne réduisons pas le

processus d'interprétation à l'applicationd'une formule purement

mécanique.

11 ne peut d'ailleurs en être ainsi parce que, selon la merveilleuse

image qu'évoquait, il y a vingt ans, le regretté Paul Reuter,

*l'interprétationne consiste pas seulement à canaliser une eau
qui s'offre spontanément ni même à identifier avec le pendule

ou la baguette du sourcier des eaux souterraines prêtes à
jaillir, mais parfois même, comme le fit Aaron au désert, à
frapper d'une verge une roche desséchée» (Avant-propos à
S. Sur, L'interprétation en droit international public, Paris,
1974, p. II).

Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vous remercie de

votre bienveillante attention.

Monsieur le Président, puis-je vous suggérer d'appelermaintenant à

la barre le Dr. Najeeb Al-Nauimi.

The PRESIDENT: Now, 1 give the floor to Dr. Al-Nauimi. - 27 -

Dr. AL-NAUIMI :Mr. President,Members of the Court, 1 have the

before you again, this time as counsel for the State of Qatar. As

Professor Jean-PierreQuéneudec has just indicated, 1 will address a

number of the specifically linguistic issuesthat have arisen in this

case in relation to the interpretationof the Doha Agreement, and in

particular the much discussed words " ;b&l 11val-

tarafan" ("the Parties' or "the two Parties").

Contrary to the first impression one might get from reading the

experts' opinions that have been filed, 1 believe there is a degree of

common ground on the most important linguistic issues. Indeed, 1 believe

that there is sufficient cornrnognround to enable the Court to resolve

this issue without addressing the technical linguistic questions in great

detail. In what follows, 1 will try to base myself as far as possible on

this common ground, in order to show that Qatar's understandingof the

Doha Agreement is fully consistent with, and supportedby, the Arabic

text.

As part of my task, 1 will try to show that, £rom a linguistic

point of view, the interpretation whichBahrain seeks to put on the final

text of the Doha Agreement cannotbe supported. In fact, Bahrainls case

would require a completely different text.

Let me begin by being as clear as possible aboutQatar's

understandingof the meaning of " "al- tarafan" in
~~~~

the Doha Agreement.

The Court will recall that the Omani draft received byBahrain in

Doha used the phrase ** ' qi " ("ayyunmin al -

tarafan") "Eitherof the two parties" (see,Attachment 3 to Bahrainls

letter to the Registrar of 18 August 1991). In Dr. Holes1s translation, - 28 -

the Omani draft read in relevant part as follows "Either of the two

parties may, at the end of this period, submit the matter to the

~nternationalCourt of Justice ...Il This draft, prepared quite

independentlyby Oman, clearly reflectedwhat Oman understood had been

accepted at the openingof the Doha Summit, namely that, after a five-

month period, a unilateral application to the Court could be made. The

draft received by Bahrain also includedthe phrase -

II '&@~~I~&I~I~~~& (Bina-an

a 'la Asseeghati Al-Bahraynia t allati qabilatha Qatar) "in accordance

with the Bahraini formula, which has been accepted by Qatar1'w ,hich

Bahrain now acknowledges was addedto the Omani draft in handwriting by

Qatar (RejB,para. 5.27).

Bahrain altered thisdraft, changing the words y'i* ' qi

("ayyunmin al tarafan") ("eitherof the two Parties") to

Il ;1Li&l ("al-tarafanu) . Now l&i&l Il

("al-tarafan")has been variously translated by the experts of both Qatar

and Bahrain as the Parties, the two Parties, each Party, both Parties,

even, each of the two Parties (or, in French,"lesParties, les deux

Parties, chaque Partie",or "chacunedes deux Parties") . However, the

precise formulation usedin a translationrnakes, 1 believe, no real

difference. The important question concernsthe significanceof this

change from an Arabic language point of view, and its effect in

procedural terms.

In Qatar's view, the answer to this question is clear. In

procedural terms, the Omani draft might have been interpretedas giving

one State, effectivelywhichever was firstto act, the obligation to

submit the whole case to the Court in accordance with theBahraini - 29 -

formula. The change to " &#I ("al-tarafan")

reflected thefact that both Parties had their own distinct claims to

make under the Bahraini formula and that it was inappropriateto allow

one Party to submitthe claims of both States to the Court. That change

made clear thatboth Bahrain andQatar had the right to submit their own

case or claims to the Court in accordance with theBahraini formula.

Qatar has exercised thatright. Bahrainhas not yet exercised that right.

But, as Qatar has repeatedly madeclear, it still has the right.

This understanding of the significance of Bahrain's changeto

II $wl ("al-tarafan")is fully supported by a

linguistic analysis. '@ &id1 ("Al-tarafan")is an

example of the dual form. In linguistic terms, the dual form in Arabic

simply reflects number - that thereare two of something. As

Professor Ayyad, Qatar's expert, has pointed out, the dual form joins two

subjects withthe same force, and no more force, than " j ("wafl)in

Arabic, which is the equivalent of "and" in English (MQ,p. 327). What

the dual form does not do is somehow fuse two entities into a single

unit, which can only act as a single unit and which can not act

separately.

Now, 1 find that a number of the examples Bahrain's linguistic

experts themselvesuse support this understandingof the dual form.

To show this, 1 will take two examples given by Bahrainls expert,

Dr. Holes (RejB,pp. 190-191). Bahrain's expert acceptsthat in

sentences like " ~d $1 &*A1 -1 II

(Thahab al ra julan iia London) ('Both men went toLondonw) and

11 -ak ~ ~ 1 ~ jJk1 ~GI~YI ,+Al II

(Iltahak al amirani Charles wa Edward bi jamiat Cambridge) ("the two - 30 -

princes Charles and Edward attended Cambrid gniversity"),the dual form

is used in the Arabic.

With respect to the first example,Bahrain1sexpert also accepts

that the two men may have gone to Londontogetheror separately. The use

of the dual in the Arabic version of thisexamplecannot and does not

indicate whether the action is taken jointlyor separately. The dual

form is neutral on this point. Ail the dual form does is to show that

there were two men, A and B.

1 would agree withal1 of this. 1 would simplynote that in Arabic,

as in English,it would be necessary toadd anotherword in order to

indicate thatthe action was performed jointly. In English, onewould

'LA II
add the word "together",the Arabic equivalentof which io "

("malanM). In otherwords, "the two men wentto London together"or in

Arabic

(Thahab al rajulan ma'anila London) .

The same points are true in the exampleof the two princes. The

princes may have attended Cambridge Universitytogetheror separately.

The use of the dual form can not give the answer tothis question. To

insist thatthey attended together, one would need an extra word tothis

effect.

11
The fact that Arabicrequiresthe additionof the word " 'L

("matan")to insiston joint action can be seen £rom Article 3 of the

SpecialAgreement between Libya and Tunisiato which Professor

Jean-PierreQuéneudecreferredin his presentation.Article 3 provided

that, in the event of difficulty ingiving effect to the Court's

Judgment, "thetwo Parties together"must revertto the Courtfor

guidance. The original Arabic reads L- 1'("al- - 31 -

tarafan malan") for "the two Parties togetherI1. In other words, to
i.
insist on the need for joint action, the word " (llma'an")

"togethernwas added to " ~~~~ " ("al-tarafan") . This

further confirmsthat the mere use of the dual, " II

("al-tarafan"),leaves open the possibility of separate action.

It seems to me that in itself this is sufficient for Qatar's case.

If Bahrainls experts allow the possibility of a separate action in the

examples 1 have just described, why can they not allow the possibilityof

separate action by Qatar in taking the case to the Court? On the other

hand, if only joint action was possible, it must be asked why the

Agreement does not Say sol in the same way that Article 3 of the Special

Agreement between Libya and Tunisia insisted on joint action by stating

that the parties shall together go back to the Court.

In this case betweenQatar and Bahrain, the word " L. II

("ma'an") ("together" ), which would have required jointaction, does not

appear in the Doha Agreement.

Further confirmationof Qatar's understanding ofboth the linguistic

meaning and the procedural significanceof the dual form can be found in

another document with which the Court will be very familiar - the Accord-

Cadre between Libya and Chad. The English translationof Article 2 of

the Accord Cadre reads in relevant part as follows: "the two parties

undertake to submit the dispute to the International Court ofJustice".

The officia1 Arabic text uses thedual form, "

("al-fariqanu),which is another way in Arabicof saying

Il &&l " ("al-tarafanu)or "the parties". However, the

text does not include the word " 'b Ii ("malan")"together"

requiring the parties to take joint action. As Professor Quéneudec has - 32 -

already explained, Chad, on the basis of this language, felt ableto

submit its case to the Court by way of application, exactlyas Qatar has

done. In other words, the mere fact that the dual form was used did not

prevent Chad £rom submitting the case to the Court by separate action.

It is also significantthat Libya seised the Court by separate action, by

notifying the Court ofa special agreement.

AS 1 have said, this would seem to be enough for Qatar's case.

However, Bahrain'sexpert believes that the examples of the two men and

the two princes 1 have just discussed are in Bahrain's favour. Why? It

is argued that, although the two menmay have gone to London separately,

there can be no question of one of the men going to London and not the

other - "both men went" (RejB, at p. 190). Equally, there can be no

question of one princeattending CambridgeUniversity and not the other -

both princes attended theuniversity.

This argument is misdirected for two reasons. First, and most

importantly,Qatar is simply not suggesting that in examples of this kind

one man may have gone and not the other. Al1 that Qatar needs for its

argument, and al1 that it is insisting on, is that there is no suggestion

that the two menwent to London together or that thetwo princes attended

Cambridge University together.

However, there is a second reason whythis point cannot affect

Qatar's argument. This is because the context in which the dual form is

used in these two examples is very different £rom the context in whichit

is used in the Doha Agreement. Indeed, nearly al1 the examples given by

Bahrain concern the use of the dual in a significantly different context

£rom that in which it is used in the Doha Agreement. In the examples to

which 1 have just been referring, the dual is used in the descriptionof - 33 -

a past event - the two men went to London. In other examples relied on

by Bahrain, the dual is used where an obligation is placed on both

parties - where both partiesmust take an action in the future. Thus,

Bahrain relieson sentences like the following from its own draft special

agreement - "the parties shall submit the question" or "the parties shall

accept as final and binding upon them the judgment ofthe Court" (see,

Att. 7 to letter of 18 August 1991).

In such examples, it is clear that both parties have taken an action

or are obliged to take an action. However, there is still no suggestion

whatsoever that thisaction has been taken or has to be taken by the

parties together.

In al1 these examples the context is very different from the Doha

Agreement, for the simple but important reason that the Doha Agreement

does not describe a past event, nor does it impose an obligation. Rather

it grants rights, or o.fves permission, for a future course cf action.

Given that both Bahrain and its experts accept thatthe meaning of

the dual form, and of " "L&i " ("al tarafan") in

particular, depends upon the linguistic context inwhich it is used, it

is extraordinarythat neither Bahrain nor its experts have usedexamples

which appropriatelyrnirrorthe context of the Doha Agreement in this way

(see,CMB, pp. 264 et seq. ).

However, examples which do appropriatelymirror theDoha Agreement

can readily be found.

Let us go back to Bahrain's expert's own examples and change them so

that they resemblemore closely the Doha Agreement. In other words, so
If
that they read as follows: "GA Ji &JI +& je (Yagouzan yathab al rajulanila London) ("thetwo men may go to London")

Il 'Il
and c+g Lh ~~1~.l' 1>IY ~I~JI (jel~1 j* .

(Yagouzan yaltahik alamiraniCharleswa Edwardbi gamia t Cambridge.

("thetwo princes, Charles and Edward,may attend Cambridge UniversityM .

In these examples, as inthe Doha Agreement, the Arabic word
I.
II J-. ("yagouzl' has been used for"mayi8.This word,as both

sides'expertsagree, has a permissive sense (RejB,pp. 194-1951. In

other words,the two men or the two princes are being given a permission

or a rightto go to London, orto attendCambridgeUniversity. Using the

word IV 'je ("yagouz"), one could translate the two examples

as follows: "the two men havethe right to go to Londons8 or Ilthe two

princeshave the right to attend Cambridge University"H .owever,once

again,there is no word like "togetheru,or !'b l1 (ltma'anni)n

Arabic,suggesting that thia sctionmay only be taken together. Thus, if

they do not have to take these actions together, it is clear that the

right beinggrantedmust attach to each of the two men as it does to each

of the twoprinces,and not in some obscureway to them togetheror

jointly,as some kind of single joint unit.

In support of this view, it is significantthat one of Bahrain's

expertsacceptsthat '@ <jlS@I ("al-tarafan") can equal "eachof

the two parties" (RejB,p. 192). Thus, to go back to the textof the

Doha Agreement,the Arabic equivalentof "theparties may submit the

matter to the Courtncould also be translated - using thisformulation

for &i&l ("al-tarafan") - as "eachof the two parties

has the rightto submitthe case tothe Court". Or, in French, "chacune

des partiesa le droit de soumettre 1'affaire à la Courw. - 35 -

1 hope 1 can make this issue clear byone final example. when 1 Say

that the twoProfessors, Jean-PierreQuéneudec and Jean Salmon, may plead

in the second round, 1 believe it will be quite clear to the Court that

one or the other or both of the distinguishedProfessors may plead. 1 am

certainly not telling the Court, however, that if Professor Quéneudecand

Professor Salmon do plead they willdo a double act, both pleading

together - in duet - no way. Nor am 1 saying that if one pleads the

other must necessarily pleadas well. In the same way, the use of the

dual does not mean, nor does it even imply, that Qatar and Bahrain only

acting togethermay submit the case to the Court. The use of the dual,

Il ~lL&l " ("al-tarafanu),simply means that Qatar and

Bahrain each have the right, if they so choose, to submit their

respective case or claims to the Court.

This, of course, has been Qatar's consistentposition. In this

regard, Bahrain and its experts have repeatedly been shooting at the

wrong target when they allege that Qatar is trying to argue that

Il cjb&l " ("al-tarafan")means that only one of the

Parties may go to the Court (see,RejB, para. 5.32, and p. 191). 1 must

repeat again that what Qatar is arguing, as it has repeatedly soughtto

make clear, is that, under the Doha Agreement bothParties have the right

to submit their case to the Court. It is this understandingof the Doha

Agreement, and only this understanding,which can be supported by the

Arabic text, as has been confirmed by both Qatar's experts,

Professor Kosheri and ProfessorAyyad.

In addition, 1 would like to quote a number of examples from

statementsmade during the meetings of the Tripartite Cornmittee by

Dr. Al-Baharna,who is now the Agent of the State ofBahrain. His words - 36 -

support Qatar's understandingof the use of " &lis 1 11

("al-tarafan"). Although Dr. Al-Baharna's words were in Arabic, and

have been translated byQatar, 1 believe it will be clear £rom what 1

will Say that there is no issue of translationhere. Dr. Al-Baharna is

evidently using la i~~s_i_kll " ("al-tarafan")to refer to

separate action.

Thus, it was Dr. Al-Baharna who, when explaining the Bahraini

formula during the Sixth Tripartite Committee Meeting, statedthat this

formula was a general formula which would allow "each party to subrnit

whatever claims it wants concerning the disputed mattersl'(Qatar'sT.C.M.
w

Documents, p. 235) - it is important. In other words, althoughthe

Bahraini formula used " (jb&l ("al-tarafan ") - which

was translatedby Bahrain itself as''theParties" - that formula was

clearly designed by Bahrain to allow each party to present its own

claims .

A second exarnple. In the same Meeting of the Tripartite Committee,

Dr. Al-Baharna used the words ,, ;Li41 la('la 1tarafanIl) in a

sense where separate action was clearly envisaged. In English, this

passage is translated as "the two parties be left to submit whatever

legal documents or evidence they have" (Qatar'sT.C.M. Documents,

p. 235).

Here, Dr. Al-Baharnahas used the words " ;b&l 11 ("al-

tarafan") in the Arabic for "the two parties". The use is in a context

similar to the Doha Agreement because the two parties are being given a

right - here, to subrnitwhatever legal argumentsor evidence they have.

No example could be clearer that this right is granted to each party. It

is obvious that Dr. Al-Baharna was envisaging thateach party would - 37 -

submit its own evidence andarguments. It is unthinkable that Bahrain

could join Qatar, or vice versa, to effecta joint submission of evidence

and arguments. Unthinkable.

Both these examples thus show that the Agent of the State of Bahrain

used " &&Ji " ("al-tarafan")whereseparate action was

envisaged.

This leads me to the conclusionof this part of my presentation: the

words " " ("al-tarafanu ) combined with the use of the

word l1 (lryagouzu)a,re not only consistentwith, but in fact

support, Qatar's interpretationof the Doha Agreement. Under that

Agreement, it is clear thatQatar as well as Bahrain has the rightto

seise the Court.

1 would like to end my presentation by discussingbriefly two other

linguistic arguments raised by Bahrain, concerning other wordsand

phrases in the Doha Agreement. The first argument concernsthe word

" f* " ("yataqaddam"),which, according to Bahrain, means

something like "take steps tow or "proceed to", and which allegedly

refers to a drawn-outperiod of negotiationsof a special agreement. The

second argument concernsthe phrase & 1ü I-y'J Il

(wa al-ijraat al-mutaratibahalayha) ("and the proceedings arising

therefromnjwhich Bahrainalso alleges refers to a special agreement.

First, with regard to the word ('G " ("yataqaddamU),1 must

recall to the Courtagain that the first draft of which Qatar was aware

II
was the Omani draf t. The Omani draf t already used the word " r*

("yataqaddamu),on which Bahrain's experts now so extensivelyrely.

Bahrain's experts argue that this word refers to a drawn-outprocedure of

negotiation leading to a special agreement (RB,pp. 174-1761. However, - 38 -

this word was already in the Omani draft, which in fact was understood by

both Parties as meaning that the Court could be seised immediately after

the five-monthdeadline by unilateral action. Thisis clear evidence

that the word " ("yataqaddamv) in fact means nothing of the

kind that Bahrainfs experts now suggest it means. This Arabic word can

equally well refer to the kind of imrnediate action envisaged in the ûmani

draft. It thus cannot be used to support Bahrain's interpretationof the

Doha Agreement.

Indeed, this word has very little linguistic significance at all, as

shown by the fact thatit was not mentioned inBahrain's letter of

18 August 1991 to the Registrar, nor in the linguisticopinions attached

thereto, nor is the word even translated in Bahrain's translationof the

Doha Agreement. Similarly,it was not translatedin the United Nations

translation (CMB, AM. 1.19). This word is of so little linguistic

significancethat ther- Ls no word correspondingto it in any of these

translations. 1 conclude, therefore, that the presence of theword

" " ("yataqaddam") in the Doha Agreement can give no support

whatsoever to Bahrain.

Second, with regard to the phrase " ~.~iol*'~J'~ II

(wa al-ijraat al-murararibah alayha) ("and the proceedings arising

therefrom"),Bahrain also argues that this was supposed to refer to other

provisions of a special agreement. Qatar, on the other hand, believes it

referred simply to the Court's proceedings generally - as opposed to some

specific proceedings agreed on by the Parties.

a'''*1 "
The Arabic phrase in question uses the word "

("ijraat"), which has been translated by Qataras the "proceedings",and

by Bahrain as the "proceduresu. The Registry's French translation uses - 39 -

"la procédure". Qatar does not mind which translationis used. The

important pointis that the word " "I@l*l (nijraatl'n )ormally

refers in Arabic usage to Court proceedings or Rules.

One only has to look at the officia1 Arabic translation of the

Court's Rules to see the truth of this. The word " ai'ip' Il

("ijraatnlis used inat least Il different placesin the Arabic version

of the Rules as a translationof the words "proceedings"or "procedures".

Most importantlyperhaps, in the heading of Part III of the Rules, which

in English reads "Proceedingsin ContentiousCases", and which would of

course be applicable to the disputebetween Qatar and Bahrain, the word

01LIG\-~ II ("ijraat")is used for "proceedingsnin the Arabic.

Similarly, in the heading of Section C of Part III, which in English

reads "Proceedingsbefore the Court", the word II alcl fi' II (Ilijraatfl)

is used in the Arabic. 1 would give other examples. The conclusion,

however, is clear. Moro~ver, as pointed out in Qatar's Reply, the word

a.lel~+l
("ijraat")was used by the Parties themselves whenmaking

reference to the procedures of the International Court ofJustice (RQ,

p. 78, para. 4.79, in. 229). The use of this word thus obviously

supports Qatar's view that the phrase as a whole simply refers to the

fact that the Parties will rely on the Court's Rules to govern the

proceedings, rather than any specific rules agreed on by the Parties.

Bahrain has iqnored theusual meaningof the word

II al*l~+l " ("ijraat"),and insisted instead that the phrase

as a whole must refer to the Bahraini formula - in other words, it argues

that the procedures inquestion must arise from the Bahraini formula.

Qatar's experts haveshown that this phrase refers not to the Bahraini

formula,but to thesubmissionof the case to the Court (RQ,pp. 96-97). - 40 -

1 will not enter into this linguistic argumentbecause, even if

Bahrain were right, which Qatar does not accept, 1 do not think this can

possibly changeanything in Bahrain's favour. The Bahraini formula is a

request to the Court to do certain things. If anything arises from such

a request to the Court, it will be that the Court will apply its Statute

and Rules, and will take or require to be taken certain steps or

procedures pursuant thereto. This is fully consistentwith Qatar's

understanding of this phrase, which withthe use of the word

II ~\GI* 1 " ("ijraat")in this phrase, which clearly refersto

the Court's procedures.

In sum, Qatar believes thatBahrain can find no support for its

interpretationof the Doha Agreement either in the use of the word

II r4 " ("yataqaddam")or in the phrase "and the proceedings

arising therefrom". Quite simply, neither of these expressions allows

Bahrain to draw the inference thatit had been agreed to enter into

further negotiationsfor a special agreement: the word

II r- " ("yataqaddam")has no linguisticsignificance of

this kind, and the phrase "and the proceedings arisingtherefrom" does no

more than express the Parties1 reliance on the Court's Rules.

In any event, as Professor Jean-PierreQuéneudec hasalready

explained, any interpretationof the Doha Agreement alongthe lines that

it only referred to a further roundof negotiationsof a special

agreement, would be absurd and would rendera significantamount of the

text of that Agreement without meaning or effect.

Moreover, as 1 have tried to show, such an interpretation findsno

support in the Arabic languageof the text. On the other hand, analysis

of the Arabic language of the Doha Agreement supports Qatar's view that - 41 -

the final text allowed andassumed that each Party, after May 1991, could

bring its case or claims to the Court in accordance with the Bahraini

formula and inreliance on the Court's procedures.

Mr. President,that concludesrnypresentation, 1 am most grateful to

the Court for the patience and attention with which it has heard me and I

now would be grateful if the President wouldcal1 after the breakupon

professor Salmon to take the stand

The PRESIDENT: Thank you, Sir, very much. This will, 1 understand,

be a convenientmoment for the custornarycoffee break; the Court will

adjourn for 15 minutes.

The Court adjourned from 11.30 a.m. to 11.45 a.m. - 41 -

the final text allowed and assumed that each Party, after May 1991, could

bring its case or claims to the Court in accordance with the Bahraini

formula and in reliance on the Court's procedures.

Mr. President, that concludes my presentation, 1 am most grateful to

the Court for the patience and attention with whichit has heard me and 1

now would be grateful if the President would cal1 after the break upon

Professor Salmon to take the stand.

The PRESIDENT: Thank you, Sir, very much. This will, 1 understand,

be a convenientmoment for the customary coffee break; the Courtwill

adjourn for 15 minutes.

The Court adjourned from 11.30 a.m. to 11.45 a.m.

Le PRESIDENT : Please be seated. ProfesseurSalmon, vous avez la

parole.

M. SALMON : Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, par les

plaidoiries orales qui précèdent,les conseils du Gouvernement duQatar

se sont attachés à montrer que l'accord de Doha, correctement interprété,

offre un fondement valable à la compétence de la Cour pour connaître de

la requête que 1'Etat du Qatar a déposée le 8 juillet 1991.

Pour tenter de justifierla non-exécutionde ses engagements

découlant de l'accord de Doha, Bahreïn utilise certains arguments

d'ambiance auxquels il convient, je pense, de s'attachermaintenant.

Bahrein prétend que lefait que la Cour soit saisie à la suite d'une

requête du Qatar, plutôt que par la notification d'un compromis, le

placerait dans une position désavantageuse. Plusieursgriefs sont

avancés à cet égard. - 42 -

Le premier est que Bahrein se trouverait dans une situation

défavorable par sa position de défendeur (contre-mémoirede Bahreïn, par.

8.15 et 8.16, p. 113); Bahreïn serait dès lors privéd'une méthode de

présentation simultanéedes pièces écrites; Bahreina même soutenu que

c'était un déshonneur (ibid.,par. 9.1).

De telles prétentions sont certes singulières, mais, à vrai dire,

peu convaincantes.

Il est difficiled'accepter la prétention qu'il y aurait une

inégalité entre les parties selon qu'elles sont demanderesseou

défenderesse. C'est faire un affront à la Cour, à l'impartialitéet à la

peine que la Cour se donne à cet égard d'insinuer que les parties se

trouveraientdans une situationd'inégalitéparce que l'une d'entre elle

serait demanderesse et l'autre défenderesse. Il n'y a, par ailleurs,

aucun déshonneur à se trouver dans laposition de défendeur dans LUI

litige devant la Cour. Les plus grands paysont accepté cette situation.

Comme il a été dit et répété, le règlementjudiciaire n'est jamais un

acte inamical.

Au demeurant, sur le plan de la procédure, le Qatar est tout aussi

attaché que Bahrein au système de présentation simultanée despièces

écrites et est entièrementdisposé, sous le contrôle de la Cour, à y

souscrire pour le procès au fond. L'agent du Qatar, S.E. M. Najeeb Al-

Nauimi, dans son exposé introductifdu 27 février, l'a déclaré

expressément. Ce système, faut-il le dire, aurait pu être réalisé dès

l'origine,avec l'accord de la Cour, si Bahreïn avait fait connaître ses

propres demandeset n'avait pas invoquédivers prétextes pour échapper

aux obligations découlant desaccords de 1987 et de Doha. - 43 -

Par ailleurs, dans un contentieux territorialcorne celui-ci, où il

y a des revendications de partet d'autre, chacun est demandeur pourles

siennes et défendeur pour celles del'autre partie. 11n'y a donc aucune

inégalité de principe entre les parties.

Enfin, si Bahrein se trouve dans la situation dont ilse plaint,

c'est encore une fois du fait de sa propre inaction. Les conseils du

Qatar ont exposé à la Cour que la formule dite "bahreinite",qui est l'un

des éléments importants del'accord de Doha, permet à Bahrein de

présenter ses propres demandes. Je ne relirai plus ce texte qui a déjà

été lu plusieurs fois à la Cour.

En vertu de celui-ci, la Cour est compétente pour entendrenon

seulement les demandesdu Qatar mais aussi celles de Bahrein. Si Bahrein

fait connaître ses propresdemandes, le Qatar deviendra défendeur par

rapport à celles-ci. Si Bahreïn s'abstientvolontairement de présenter

ses demandes,pour ensuite jouer les martyrs, cela ne regarde que lui.

Le deuxième grief est que la requête déposée par le Qatar serait

originairement défectueuse.

Bahrein soutientque par le faitque le Qatar a introduit son action

devant la Cour par la voie d'une requête unilatérale qui ne comprend que

les demandes propresau Qatar, celles de Bahrein ne seraient pas posées;

en particulier la question de Zubarah seraitexclue du débat devant la

Cour (contre-mémoirede Bahreïn, par. 8.4). En n'incluant pas cette

question, le Qatar serait sorti de la formule bahreinite (contre-mémoire

de Bahrein, par. 8.6). Ne l'ayant pas fait à la date de sa requête, - 44 -

cette dernière serait désormais frappée d'un défaut originel irrémédiable

(contre-mémoirede Bahrein, par. 8.7) ; il y aurait en quelque sorte

forclusion. La même thèse est reprise dans la réplique : la réclamation

de Bahrein concernant Zubarahest effectivementexclue par la forme

donnée par le Qatar à son action.

Bahrein proclame quela voie de la demande reconventionnelle est

semée d'embûches (contre-mémoirede Bahrein, par. 8.8 et duplique

Bahrein, par. 7.17), celle d'une requête unilatéralede Bahrein ne serait

pas possible car la formule bahreinite aurait étéconçue pour être

présentée conjointementet non pour former la base de requêtes

unilatérales (dupliquede Bahrein, par. 7.14). Le Qatar enfin, toujours

selon Bahrein, aurait présenté ses propres demandeset se réserverait la

possiblité d'objecter à la recevabilitéde la réclamation de Bahrein

relative à Zubarah. Tout cela seraitcontraire à la formule bahreinite.

Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, on dit qu'il n'est pire

sourd que celui qui ne veut pas entendre. C'est donc sans grand espoir

de compréhensionde la part des défendeurs que nous allonsrépéter encore

une fois la position du Qatar à propos de ce serpent de mer.

Les conseils du Qataront rappelé les raisons pour lesquellescet

Etat émit à l'origine de sérieuses objections à la formule bahreïnite.

Certes, cette formule offrait une rédaction améliorée par rapport aux

précédentes propositionsde Bahrein, puisque cette fois le texte des

questions n'impliquaitpas, comme les formules antérieures,que la Cour

devait statuer en prenant pour base lasouverainetéde Bahreïn sur tout

ce qui était contesté. Néanmoins la formuleparaissait au Qatar trop

vaste, ceci surtout en sachant que ladite formulevisait à inclure la

question de Zubarah. La réapparition, en mars1988, de ce fantômedonton n'avait plus entendu parler dans les relations entre les deux pays

depuis 1950, et dont il n'avait jamais été soufflémot pendant toute la

médiation saoudienne, fut alors considéréepar le Qatar comme une

manoeuvre pour l'amener à renoncer à poursuivre par la voie

juridictionnelle la recherched'une solution au différend concernant

Hawar. A la réflexion, le Qatar a néanmoins considérq éue cette formule

large était le prix à payer pour faire trancher par la Cour le vieux

contentieux qui l'oppose à Bahrein. C'est ainsi que Son Altesse ltEmir

put annoncer solennellement, lors de la réunion de Doha, que son pays

acceptait la formule bahreïnite.

Or, il est incontestable que cette formule englobe la question de

Zubarah. Ce texte traite de

<toute question relative à un droit territorialou à tout autre

titre ou intérêt qui peut faire l'objet d'un différend entre
elles,.

Au surplus, il est notoire, d'après les déclarations explicitesde

M. Al-Baharna à la commission tripartite, commentant le sens de ce texte,

que la formule avait été conçue par Bahrein pour englober cette

réclamation particulière.

A la réunion du 6 décembre 1988, M. Al-Baharna a expliqué que la

formule était libellée de façon quechaque partie puisse introduire les

réclamations le concernant. Il s'exprimait ainsi :

#ce qui nous rendait trèsdifficile la tâche de définir ces

objets, en particulierdu fait de l'objectiondu Qatar à ce que
la question de Zubarahsoit mentionnée. En conséquence, nous
avons considéréce texte comme une formule de compromis puisque
nous exprimons une formule généraleet le soin est laissé
[écoutezbien ces mots] à chaque partie de soumettre toutes les

réclamations qu'elle désire en ce qui concerne les questions en
litige., (Procès-verbauxde la sixième réuniondu comité
tripartite,p. 235 du texte anglais soumis par le Qatar - notre
traduction. 1M. Al-Baharna ajoutait un peu plus loin avec franchiseet réalisme :

cNous sommes confrontés à un problème délicat qui a empêché
depuis un an les deux parties d'aboutir à une formule
acceptable pour le compromis. Savoir l'objectiondu Qatar à
une référence à Zubarah et l'attitude de Bahrein concernant

Hawar. C'est le caractère sensible de cette question qui,
incontestablement,nous a conduit à proposer cette formule
générale.* (Ibid, p. 242 - notre traduction.)

Le Qatar avait bien compris que tel était le sens de la formulation

bahreinite eta, par conséquent,mesuré le risque qu'il assumait en

acceptant la formule. Il en découle que la compétence de la Cours'étend

prima facie à la question de Zubarah.

*

* *

Ceci étant assuré on ne voit pas quelle est la lacune que

présenterait la requête unilatérale du Qatar. Contrairement à ce que

prétend Bahrein on ne voit pas enquoi la réclamationde Bahreïn

concernant Zubarah serait «effectivement excluepar la forme donnée par

le Qatar à son actions (dupliquede Bahrein, par. 7.12). C'est jouer sur

le mot «exclure». Ce n'est pas parce que le Qatar n'a pas mentionné la

question de Zubarah dans sa requête que cette question serait exclue du

débat devant laCour. Le Qatar ne pouvait ni se substituer à Bahreïn

pour formuler les demandesde ce dernier - il suffit d'énoncer

l'hypothèsepour en mesurer le caractère saugrenu - ni prendre les

devants et conclure à ce sujet alors qu'il ignorait si la question serait

vraiment soulevée.

Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, on se trouve devant la

situation tout à fait paradoxale où un Etat s'invente des obstaclespour

se présenter devant la Cour et les impute à son adversaire. Bahreïn

feint d'oublier que pour saisir la Courde ses demandes il n'a besoin que - 47 -

de l'accord du Qatar, accord qu'il possède par la formule bahreinite, à

laquelle se réfère l'accord de Doha, par les déclarationsde l'agent du

Qatar qui lient cet Etat, ainsi que par les écritures du Qatar.

Faut-il rappeler la lettre del'agent au Greffe de la Cour en date

du 31 août 1991 :

<Le point de vue du Qatar est que cette formule[il s'agit
de la formule bahreinite] donne à chaque Partieun droit égal

pour présenter ses propres réclamations à la Cour et que par
conséquent aucun des deux Etats ne peut obtenir un avantage au
détriment de l'autre dans la formulation deses demandes. En
conséquence Bahrein n'est pas privé de soulever ce qu'il

appelle la question de Zubarah, parexemple par une requête à
la Cour., (Notre traduction.)

Dans son mémoire (par.4.42, 4.43, 5.80 et 5.82) comme dans sa

réplique (par.4.114 et suiv.), le Qatar a répété que Bahreinpouvait

utiliser la voie d'une requête distincte fondée sur la même formule

bahreinite contenue dansl'accord de Doha

Quant à cette dernière possibilité Bahreïn crée artificiellement des

barrières formalistes, q-disont totalementétrangères je pense à l'esprit

du règlement judiciaire et à la pratique de la Cour. On ne voit pas

pourquoi la formule bahreinite, qui aurait pu, aux dires de Bahrein,

permettre la soumission de cette question à la Cour si la formule avait

été introduite dans un compromis ne le pourraitplus, par quelque coup de

baguette magique, une fois incorporée parréférence dans un autre accord

international,l'accord de Doha ?

La requête du Qatar est donc parfaitement valable prise isolément,

elle n'a nullement besoin d'être complétée par des demandes que Bahrein

hésite semble-t-il,tout compte fait, à formuler. Ce n'est pas parce que

Bahrein renoncerait à présenter desréclamationsqu'il prétend vouloir - 48 -

formuler que la requête du Qatar, faite en conformité avecla formule

bahreïnite, serait invalidée.

1

Il convient ensuite de dissiper une autre équivoqueque suscite

l'interprétationdonnée par Bahreïn à la formule bahreïnite. Selon

Bahrein :

aL'essencede cette formuleest que chaque partie est libre

de présenter ses demandes comme elle l'entend, sans
interférencede la part de l'autre partie, et implique
l'abandon à l'avance d'objections éventuelles concernantla
recevabilité de chaquedemande., (Duplique de Bahrein,

par. 7.16; notre traduction.)

Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, le Qatar ne peut

admettre une telle déformation des textes. En souscrivant à la formule

bahreinite leQatar a accepté,par complète réciprocité,la possibilité

que des réclamationssoient ajoutéespar Bahreïn, pourvu bien sûr, qu'il

s'agisse de réclamationsexistantes et établies entrant dans le cadre de

la formule bahreïnite (mémoire duQatar, par. 1.08). Ainsi la question

de la compétencede la Cour est établie à propos des réclamations tombant

dans le cadre des termesde cette formule. Mais tout autre chose est la

recevabilitédes demandes que Bahreïn pourrait présenter.

Pour que Bahreïn puisse prétendre à ce qu'on reconnaisse la

recevabilité de ses propres demandes encore faudrait-il qu'il daigne les

formuler clairement et qu'il les soumette à l'examen de l'autre Partie

sous le contrôle de la Cour. La demande par Bahrein d'un blanc-seing

(dupliquede Bahreïn, par. 2.03) pour des questions de recevabilité

inconnues est donc inacceptable. Contrairementaux questions de compétence qui sont résolues ici par

l'accord de Doha et la formule bahreïnite,les questions de recevabilité

sont imprévisibleset on ne peut se prononcer à leur égard si on ne

connaît pas la formulation précisede la demande.

Si l'on accepte la définition donnée parle Dictionnaire de la

terminologie du droit international, publié sous la direction de

Jules Basdevant, qui fut président de cetteCour, l'expressionaexception

d'irrecevabilité,s'entend d'un

amoyen de procédure tendant à obtenir que le juge compétent
pour connaître d'une affaire ne procède pas à l'examen au fond
pour le motif qu'une condition préalable à cet examen fait

défaut : par exemple, la nationalité de la réclamation, le
non-épuisementdes voies de recours internes,l'absence
d'examen par la voie diplomatique, un vice de forme, etc.,
(Sirey, 1960, p. 272).

[On peut encore se référer à un excellente opinion individuelle du

juge Erich apparaissant sousle terme "recevabilitéudans le même

dictionnaire (C.P.J 1. serie A/B no 77, p. 140) (p. 504).]

Sans prétendre à l'exhaustiviténi vouloir faireun cours sur cette

matière, en abordant les choses de manière abstraite, les conditionsde

recevabilitépeuvent avoir diversobjets.

Elles peuvent êtresoulevées tout d'abord à défaut d'existence d'un

différend, du fait de l'absence de démarches diplomatiquespréalables qui

seraient exigées dansles circonstances, du fait de l'existence d'une

litispendanceou d'une connexité éventuelle,ou encore à cause de

l'extinctionde la réclamationpar prescription, transaction,chose

jugée .

Elles peuvent aussi être relatives à la nature du différend qui doit

être juridiqueet être régi par le droit international. - 50 -

Elles peuvent encoreêtre relatives à la nature étatiqueou privée

(par la voie de l'endossement) de la demande : dans le secondcas il

convient alors de vérifier les conditions de nationalité et d'épuisement

des voies de recours internes.

Enfin, ces conditionspeuvent être liées à des exigences

procédurales attachées à l'espèce : existence d'un délai pour introduire

l'action, ou d'une forclusion à l'expirationd'un délai, la nécessité que

la réclamationne soit pas née avant ou après une date critiqueen

fonction des circonstancesde l'espèce.

Cette liste est purement exemplative etje pourrais encore

l'allonger. Mais elle suffit, je pense, pour faire apparaître quece que

demande Bahreinne peut raisonnablementêtre accepté. Le Qatarne peut

s'engager, à l'avance, à renoncer à soulever des exceptions éventuelles

relatives à la recevabilité des demandesde son adversaire,avant d'en

connaître le premier mot.

Le troisième grief soulevé par Bahreïn est relatif à la soumission

des preuves.

Dès sa communication du 18 août 1991, Bahrein a proféré degraves

accusations contre le Qatar, soutenant qu'il est probable que ce dernier

ferait état dans son mémoire sur le fond de négociations concernant le

fond des différendsentre les Etats d'une manière inadmissible

(par. 20 c)). La duplique reste aussi violente :le Qatar se proposerait

de divulguer à la Cour les termes des propositionsou contre-propositions

relatives au différend faites directement ou par l'intermédiairedu - 51 -

médiateur (par. 7.05). Le Qatar s'estimeraiten droit de révéler des

détails relatifs à la procédure de médiationet se proposerait de le

faire (par. 7.08). Le Qatar aurait l'intentionde violer le caractère

privé ("privacyw)des négociations (par. 7.10).

Monsieur le président,Messieurs de la Cour, indépendamment de leur

caractère déplaisant, de telles accusations sont purement gratuites.

Elles reposent sur une hypothèse qui, si elle devait être réalisée, ne

serait pas de nature à influencer la Cour, tant il est vrai que les

offres faites dans une négociation, en vue du règlement d'un différend

par la voie politique, pouvant impliquer des renonciationsde part et

d'autre à des droits, sont évidemment subordonnées à la réussite de la

négociation. Si la négociationéchoue, chaque partie conserve, dans leur

totalité et leur intégritéses moyens dans le cadre du règlement du

différend par la voie juridictionnelle. Ce point de vue est élémentaire.

Si le Qatar divulguait à la Cour les termes des propositions ou

contre-propositionsrelatives au différend faitesdirectement ou par

l'intermédiaire dumédiateur, la Cour, selon sa jurisprudenceen la

matière, n'y verrait aucun abandonde droit ni de la part du Qatar ni de

la part de Bahrein. Ce dernier (duplique,par. 7.08 et 7.09) fait

allusion à cette jurisprudencecomme si le Qatar ne la partageait pas, ce

qui est un curieux procédé.

Mais, à vrai dire, le procès que Bahrein faitau Qatar sur ce point

ne résulte pas d'une opposition du Qatar à ce principe de bon sens et de

droit coutumier,mais du refus du Qatar d'accepter, lors des discussions

du comité tripartite,un projet d'article V qui avait un contenu très

différent et dont je me vois obligé de vous imposer lalecture

maintenant : "Ni l'une ni l'autre Partie ne communiquera à titre de
preuve ou d'argument ni ne divulguera publiquement de quelque
manière que ce soit la nature ou le contenu des propositionsen

vue d'un règlement desquestions mentionnées à l'article II de
cet accord ou des réponses à ses propositions faites en cours
des négociationsou discussions entre les parties ayant eu lieu
avant la date de cet accord, de manière directeou au travers

d'une médiation quelconque. (Les italiques sont de nous. )

La Cour aura reconnu là un texte très largement inspiré de celuiqui

était inscrit dans le compromis Canada-Etats-Unisdans l'affaire du Golfe

du Maine.

La version bahreinite a toutefois une portée beaucoupplus large que

ne le rapporte Bahreïn dans sesécritures (de la lettre du 18 août 1991 à

la duplique, par. 7.06-7.07). Selon ces dernières, la portée de la

clause serait simplement d'empêcher la divulgationdes propositions sur

le fond du différend faites pendantla médiation saoudienne. Si telle

avait été la portée du texte, Monsieur le Président,Messieurs de la

Cour, le Qatar n'aurait jamaisfait d'objections tant cela aurait tombé

sous le sens, comme je viens de vous l'indiquer il y a un instant.

En réalité l'affirmationde Bahreïn est tout à fait inexacte. Le

texte proposé par la partie bahreïnite avaitune portée beaucoup plus

vaste tant matérielle quetemporelle,qui, à juste titre, a effrayé, à

l'époque, le négociateur Qatari, le regretté Dr. Hasan Kamel.

Tout d'abord, rien ne disait dans le texteprésenté par Bahreïn que

les propositions visées devaient avoirété rejetées pour devenir des

preuves inadmissibles. Doncune proposition concrétiséepar un accord

pouvait tombersous le coup de la prohibition

Par ailleurs, le texte de l'articleV n'était pas limité aux

propositions de fond; il pouvait aussicouvrir toutes les propositions de

procédure faitesdurant une médiation - 53 -

11 résulte de ces deux caractéristiquescumulées, que cet article

pouvait porter atteinteaux engagements adoptésen 1987, au rôle

permanent comme médiateurde l'Arabie saoudite, au principe du statu quo,

et même, c'était cela que l'on craignait, à l'engagementde porter les

différends devant la Cour.

De plus, le projet d'article V ne se limitait pas aux propositions

faites pendant la médiation saoudienne;il pouvait couvrir des

propositions de fond faites avant cette médiation, notamment à la période

antérieure à 1971, lorsque le Royaume-Uni de Grande-Bretagneétait la

puissance protectriceet pendant laquelle il peut être soutenu qu'elle a

agi fréquemment comme médiateur.

On ne pourra pas faire croireau Qatar que cette absence de date

marquant le point de départ du délain'était pas délibérée. Le compromis

dans l'affaire du Golfe du Maine, qui servit de modèle, envisageait les

propositions faitesau cours des négociationsou discussions entreprises

«depuis 1969». Il eût été facile, si vraiment Bahreinn'avait eu en vue

que les propositions exprimées depuisla médiation saoudienne,de

remplacer la date de 1969 par celle du début de cette médiation,

soit 1976. Or on l'a vu, le texte proposé par Bahrein substitue à un

dies a quo un dies ad quem (c'est-à-direune date marquant lafin du

délai); aucune date ne précise donc le débutde la période d'exclusion

envisagée. Et pour que cette intention soit bien claire, le texte

précise qu il s 'agit d 'curiemédiation quelconque*. Etant donné ces

conditions, il saute aux yeux qu'une telle demande, à ce point

inhabituelleet préjudiciable aux intérêts duQatar, s'agissantde

différends trouvant leur origine et s'étant développés parfoispendant la

période de protection britannique,était inacceptable. Elle revenait àpriver le Qatar du droit d'utiliser une vaste documentation, quiest

d'ailleurs disponible dans les archives.

Dans sa duplique, Bahrein soutient queles critiques développéespar

le Qatar dans son mémoire sont beaucoup plus larges qu'elles ne l'étaient

lors des discussions à la commission tripartite. Quand cela serait, on

ne voit pas en quoi cela affaiblirait la pertinencede la critique. Mais

encore une fois, Monsieur le Président, Messieursde la Cour, c'est là

une contrevérité patente. Il suffit de relire le mémorandum du

Gouvernement du Qatar en date du 27 mars 1988, qui d'ailleurs est annexé

à la du2lique de Bahrein, pour voir qu'il y était fait explicitement

allusion, comme raisons derefus de l'articleV, d'une part à des

éléments relatifs à la médiation saoudienneportant non seulement sur des

propositionsmais aussi sur des accords, et tout aussi bien sur des

aspects procéduraux que des aspects defond. Ce que l'on craignait,

c'était comme le disait le texte :

eque l'on exclue complètementla prise en considération dela
médiation saoudienne. Parmi lespropositions que l'on trouvait

dans cette médiation,on trouvait l'accord des deux pays sur
les objets du différend.» (Notre traduction.)

Voilà ce qui inquiétait M. Hassan Kamel.

Un peu plus loin, il est fait allusion à la médiation saoudienne

comme un processus continu. 11 résulte de ces passages que ce qui

préoccupait leQatar était que la médiationsaoudiennene fût jetée aux

orties

Un peu plus loin, on voit qu'il est fait allusion aux décisions

prises par leRoyaume-Uni. On y parle de négociations,contacts,

accords, actions,propositions et réactions relatifsaux différends. Je - 55 -

me permets de renvoyer la Cour au texte complet que jen'ai pas le temps

de citer.

Les raisons pour lesquelles le Gouvernementdu Qatar envisageait

toute la période du différend et craignait que l'article V ne vînt à son

tour gommer les positions les plus élémentaires du dossier du Qatar

tenaient aussi à l'article II du projet de compromisqui, comme vous le

savez, gommait les propositions, gommait toutes les réclamations du

Qatar - sur Hawar, Fasht ad Dibal et Qit'at Jaradah - et en plus

présentait Zubarah !

Il y avait donc une doublemanoeuvre pour frustrer le Qatarde ses

droits : par une définition scandaleuse del'objet du différend et par

une tentativede restreindre l'admissibilité despreuves, cherchant ainsi

à exclure la prise en considérationdes droits du Qatar qui dérivaient

dans une largemesure de faits remontant à la période britannique.

Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, ainsi donc,

contrairement aux allégationsde Bahreïn (par. 7.05 et 7.08 de la

duplique), d'une part la portée de l'article V ne se bornait pas à

empêcher la divulgation de propositions sur le fond du différendfaites

pendant la médiation saoudienneet d'autre part, le Qatar n'a pas du tout

élargi maintenant ses objections relativesau projet d'article V. Les

arguments dirimantscontre ce qu'il estimait êtreun piège manifeste

furent présentés dès l'origine.

Le Qatar estimait avoirconvaincu Bahreïnpuisque la question ne fut

plus soulevée après la troisièmeréunion de la commission tripartite et,

en particulier, ne fit l'objet d'aucune mention à la réunion de Doha.

La thèse de Bahreïn sur l'admissibilitédes preuves, si elle était

ramenée à une demande raisonnable, enfoncerait des portes ouvertee st - 56 -

serait inutile. Dans sa version actuelle, elle étaitet reste

inacceptable. Le caractère vain de cette version a d'ailleurs été prouvé

par la présente procédurepuisque, pour justifierses prétentions,

Bahrein ne s'est pas privé d'invoquer les textes de la médiation

saoudienne,démontrant par l'absurde le caractère impraticable du texte

qu'il avait proposé.

En conclusion, le conseil du Qatarcroit pouvoir suggérer

respectueusement à la Cour qu'aucun des arguments invoquéspar Bahrein

pour justifierla prétention qu'il serait placé dans une position

défavorable du faitde la saisine de la Cour par une requêteplutôt que

par un compromis,ne présente un caractère convaincant.

Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, j'en viens maintenant

au dernier point de mon exposé,qui sera bref : il concerne la question

de la recevabilité de la requête du Qatar.

Dans son ordonnance du 11 octobre 1991, la Cour a décidé que la

procédure écrite seraitd'abord consacrée aux questions de compétence de

la Cour pour traiter du différend et à la recevabilité de la requête du

Qatar.

Dans son mémoire du 10 février 1992, à défaut d'indices sur des

exceptions d'irrecevabilitéque pourrait soulever Bahrein, le Qatar s'est

attaché à démontrer que les troisquestions à propos desquelles sa

requête priait la Courde se prononcer, savoir, la souveraineté sur les

îles Hawar, les droits souverains sur les hauts-fonds de Dibal et de

Qit'at Jaradah et le tracé d'une limite maritimeunique entre les deux

pays, étaient des différends ayant un caractère juridique, régispar le

droit internationalet qui demeuraientpendants entre les Parties. Ce point de vue ne fut pas contestépar Bahrein dans son

contre-mémoire. Au paragraphe 9.8 de ce texte, Bahrein reconnutqu'il

n'objectait pas à la recevabilité dela présente requêtedu Qatar. Et un

peu plus loin il déclare :

"De manière compréhensible le Qatar a examiné la question
de la recevabilité uniquement en cequi concerne les points
qu'il a lui-même soumis à la Cour. A leur égard, Bahrein est

disposé à ne pas contesterque les demandes du Qatar, telles
qu'elles sont présentées à présent, sont recevables." (Notre
traduction.)

La même opinion fut répétée dans la duplique (par. 2.01).

Toutefois, ces admissions furent assorties d'une réserve libellée

d'une manière très étrange :

"Une telle acceptation de la recevabilité ne peut s'étendre
à d'autres instances même celles mettant en cause les mêmes
questions que celles soulevées par le Qatar. in sip,ar

exemple, si dans d'autres instances le Qatar devait discuter la
recevabilitéd'une quelconque réclamation de Bahrein à
l'endroit de Zubarah ense référant à des considérations que
pour sa part Bahrein pourrait à ce moment et dans ce contexte,

considérer commepouvant êtreapplicable aussiaux réclamations
du Qatar, il se sentirait libre d'invoquer des considérations
semblables pour autant quelles soient pertinentes pour
s'opposer à la recevabilité de demandes quele Qatar pourrait

élever, par exemple, en ce qui concerne Hawar."
(Contre-mémoirede Bahrein, p. 117, par. 9.8, notre traduction;
voir duplique de Bahrein, p. 7, par. 2.02.)

Dans ses écritures,le Qatar a fait état de ses doutes sur le sens

et la pertinence d'une telle réserve. Bahrein s'accorde le droit de

remettre en causecette recevabilité dans d'autres instances sans que

l'on sache exactement de quoi il s'agit. Elle offre ainsi un exemple

pour sûr original,mais de validité douteuse, d'admission sous condition

résolutoire de la recevabilitédes demandes du Qatar.

Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, une demande est

recevable ou elle ne l'est pas; on ne voit pas comment il pourrait être - 58 -

attachée une quelconque validité à une telle proposition assortied'une

condition purement potestative.

Quant à la liaison que Bahrein effectue entrela recevabilité de la

requête du Qatar avecles éventuelles demandes deBahrein, il a été

exposé, il y a quelques instants à la Cour, pourquoi il est impossible au

Qatar de se prononcer sur la recevabilité de demandesnon encore

formulées;au surplus, est-il besoin de rappeler que la présente instance

est limitée, par l'ordonnancede la Cour du 11 octobre 1991, "aux

questions de compétence dela Cour pour traiter du différend et à la

recevabilité de la requête du Qatar". Nous ne reviendrons donc pas sur

cette question.

En conclusion de cette partie des plaidoiries, il est

respectueusement proposé à la Cour de bien vouloir constater que la

requête du Qatar est recevable.

Monsieur le Présidect,Messieurs de la Cour, il reste au conseil du

Gouvernement du Qatar devous redire legrand honneur qu'il a éprouvé à

tenir la barre devantla Cour, en vous priant de croire à sa profonde

gratitude pour la bienveillante attention que vous avez bien voulu

accorder à ses exposés.

Je pense, Monsieur le Président, que sir Francis Vallat est

maintenant à la disposition de la Cour, pour présenter un résumé de la

position du Qatar à l'issue de ce premier tourde plaidoiries.

Le PRESIDENT : Merci, professeur Salmon. Je donne maintenantla

parole à sir Francis Vallat.

Sir Francis VALLAT: Mr. President andMembers of the Court, as

always, it is a great honour and a great pleasure to address this - 59 -

honourable Court. It is now many years since 1 had this privilege in

proceedings between Tunisia and Libya. That was expected to be my last

appearance here, but 1 have been happy during the past few years to have

the opportunity to help the Stateof Qatar in its quest for justice in

its dispute with the Stateof Bahrain. Today, it gives me special

pleasure to be able to appearin support of that cause.

My task is to summarize the case for Qatar in favour of the

jurisdictionof the Court and the admissibilityof the Application in the

present case. Since admissibility has beenadmitted in the written

pleadings, there is no need to repeatwhat has already been said by

counsel for Qataron that questionor to do more than underline the

irrelevanceof the hypothetical reservationby Bahrain which

Professor Salmon hasjust mentioned. 1 should, however, refer very

briefly to his dismissalof the alleged disadvantagessaid by Bahrain to

have been sufferedas a result of the fact that the Court has been seised

by means of Qatar's Application rather than by notification of a special

agreement. There is obviously no disadvantagebefore this Court in being

placed in the role of respondent ratherthan applicant. Nor is there any

substance in the allegation that Bahrain is prevented from submitting

whatever claim it may have within the scope of the Bahraini formula.

This is, of course, without prejudice to any question of admissibility

which may arise. As for the questions of evidence, these are matters for

the Court to decide in accordance with its normal practicesand

procedures.

For the rest it is not my intention to present a synopsis of the

speeches by the Agent, H.E. Dr. Najeeb Al-Nauimi, and by counsel, but to - 60 -

try simply to pull togetherthe main threads in the case, while following

generally the outline used by counsel.

As the Court is well aware, the Application in the present case was

designed to conform with the provisions of Article 38, paragraph 2, of

the Rules of Court by specifying "as far as possible the legal grounds

upon which the jurisdictionof the Court is said to be based". The

challenge made by theRespondent, however, gives rise to the question

"What are the requirements fora basis of jurisdiction?"

As Sir Ian Sinclair has said, fortunately the Parties are in

agreement that the consent of the Parties is an essential prerequisite to

the assumption of jurisdictionby the Court. But there is no need for

any special formality. Consent may be given in a variety of ways, so

long as the Court issatisfied that consenthas been given whether it is

general or particular relating to a class of cases or to one or more

disputes.

In the present case, the title of jurisdiction invokedby Qatar is

Article 36, paragraph 1, of the Statute of the Court. The basic consent

of both Parties to confer jurisdiction onthe Court in respect of certain

disputes is clearly evidenced by the 1987 Agreement. That Agreement is

confirmed and supplementedby the Doha Agreement, or Minutes, signed by

the Foreign Ministers ofQatar, Bahrain and Saudi Arabia on

25 December 1990. The name and the formof the document are irnrnaterial.

What matters is its effect. It is also clearly establishedthat the

jurisdictionof the Court in a particular case is 'not subordinated to

the observance of certain forms such as the conclusion of a special

agreement". Even conduct may be sufficient. Probably, indeed, conscious of the

weakness of the contention that a special agreementis necessary, Bahrain

has had resort to the argument that Qatar must bear a particular burden

of proof in establishing that the Court has jurisdictionin this case.

It is contended that something more is called for from Qatar by way

of proving its positive assertion than is required of Bahrain in

establishing itsdenial that the Courthas jurisdiction (CMB, para. 4.5).

This contentionthat Qatar bears a greater burdenof proof than

Bahrain is ill-founded. Each Party has the burden of proving the facts

on which it relies. Qatar accepts that the burden of proving the facts

on which it relies rests initially with Qatar. These facts are mainly

the 1987 Agreement and the 1990 Doha Agreed Minutes and the history of

the dispute. For the greater part, the evidence is not in dispute. It

is contained in the documents which include, especially,the letters of

1987 and the Agreed Micuces of 1990, together with thedocuments relating

to the history of the dispute. The basic questions, 1 submit, are not so

much questions of proof as questions of interpretation. As

Sir Ian Sinclairhas said,

"it is not a question of which State bears the burden of
establishing consent. What the Court has to do is to review
al1 the evidence and arguments adduced by the parties relating

to the alleged consent and determine whether or nota true
consent has been given. If the Court concludes that a true
consent has been given, the respondentState cannot thereafter
repudiate or disavow that consent."

It is for the Courtto assess the arguments factual and legal and decide

according to which it finds to be the weightier.

The basic consentof Bahrain and Qatar to the jurisdictionof the

Court is expressed in paragraph 1 of the 1987 Agreement. This contains a - 62 -

clear obligation to refer "al1 the disputed matters" to the Court for a

final ruling bindingupon both parties.

1 now turn to the facts whichwere the subject of the presentation

by Mr. Shankardass. In this connection, 1 would reaffirmthe reliance of

Qatar on the facts and legal arguments presentedin the written

pleadings. As regards the facts, may 1 invite particular attention to

the Qatari written pleadings 'dealingwith the Origin and Historyof the

Disputes and Efforts to Settlethe Disputes (Memorial,Chapter II,

Section 2, and Chapter III and Reply, Chapter III). In the light of the

relevant Chapters of the pleadings read with the Annexes and elaborated

by the statement of Mr. Shankardass,it would be superfluous forme to

try to summarize those facts. Their presentationis already sufficiently

succinct. 1 do suggest, however, that it is worth offering abrief

chronology of events - which will only takea few minutes. Forthe

greater part these are beyond dispute.

1 will proceed rather more rapidly now because this will al1 appear

in the record. Without losing sightof the earlier history, for the

moment it is convenient to start with theyear 1936. In that year,

unknown to Qatar, Bahrain's first claim to the Hawar islands was

submitted to the PoliticalAgent in Bahrain and, in July of the same

year, Bahrainls Adviser, Mr. C.D. Belgrave, was informed at a meeting of

a provisional decision of the Government of British India that Hawar

belonged to the Sheikh of Bahrain.

In 1937, Bahrain began a programme of building on the Hawar islands

and, in 1938, the Ruler of Qatar protestedboth orally and in writing

against these encroachmentsby Bahrain on his territory. For further

details of the procedure adopted bythe British in making their decision - 63 -

of 11 July 1939, may 1 again respectfully referthe Court to the relevant

paragraphs of the Qatari Memorial (paras. 2.41-2.47).

In July 1939, the British Governmentcommunicatedby letters to the

Rulers of Bahrain and Qatar the Governmentlsdecision that the Hawar

islands belonged tothe State of Bahrain and not to the State of Qatar.

There was no definition of 'the Hawar islandsu and no reasons for the

decision were given. Bahrain accepted andQatar rejected thedecision.

The first Qatar protest was on 4 August 1939 (on the eve of the outbreak

of World War II), and the Ruler ofQatar renewedhis protests in letters

of 18 November 1939 and 7 June 1940. Qatar has maintained its position

ever since, notwithstandingthe military occupationof Hawar island by

Bahrain.

From 1939 to 1945, the United Kingdom was embroiled inthe War, but,

in the new atmosphere after 1945, turned its attention to maritime

delimitation.

In 1947, the British Government made their decision on maritime

delimitation between Bahrainand Qatar which also enclaved the Hawar

islands and thereby incidentally identified them.

In December 1947, Bahrain protested againstthe line indicatedin

the 1947 decision. In February 1948, by a letter to the Political Agent

in Bahrain, the Ruler of Qatar, while not opposing the line asa whole,

rejected the part which enclaved the Hawar islands and the treatment of

the shoals of Dibal and Qitlat Jaradah.

Thereafter, the differencesbetween the parties remained unresolved.

In 1964, the situation was not improved by Bahrain seeking from the

British Government modificationof the 1947 line in its favour. - 64 -

In April 1965, Qatar respondedby a Note Verbale to the British

Government rejecting Bahrain's claim and recomrnending arbitration as a

solution of the disputes between the two States, including theexisting

dispute over Hawar. At first, Bahrain seemedto accept the suggestion of

arbitration and the British Governrnent agreed to the process.

In March 1966, Bahrain said that arbitration shouldbe limited to

the line of delimitation and shouldnot include any question relating to

the Hawar islands.

In the period between 1966 and 1969, further exchangesfailed to

make progress on the proposa1 for arbitration which then foundered on the

difference about inclusion of the question of Hawar.

In 1971, the British presence in Bahrain and Qatar ended, but the

disputes between the two States remained outstanding.

In 1976, as a result of meetings which beganin 1975, it was agreed

that the Kingdom of Saudi Arabia wouldundertake mediation between Qatar

and Bahrain to resolvethe outstandingdisputes.

That very brief summary indicates the foundationof the present

dispute and leads on to the question of the Mediation. For the course of

the Mediation and incidents of friction between Bahrainand Qatar which

occurred while it was in progress, 1 would respectfully referthe Court

to the statement of events by Mr. Shankardass. Mr. Shankardass drew

particular attention to the clear evidence in the pleadings to show that

both Parties always regardedthe 1987 Agreement to refer their disputes

to this Court as a firm commitment. That commitment was never regarded

as being subject to a condition.

Mr. President, following the conclusionof the 1987 Agreement, there

were informa1 discussions about how to proceed. These were followed by - 65 -

six meetings of the Tripartite Comrnitteeduring 1988. For further

details, 1 would again refer to the statementof Mr. Shankardass. The

upshot was deadlock and complete frustrationon the negotiation of a

Special Agreement. Consequently,in 1989, there were fresh attempts at

mediation on the substance,but these again proved fruitless.

At that stage, there was no agreement on how the InternationalCourt

of Justice should be approached, or how the necessary requirements to

have the dispute submitted tothe Court should be satisfied.

Nevertheless, it may be noted that throughout therewas no evidence that

the conclusion of a special agreementwas a sine qua non for the

fulfilment of paragraph 1 of the 1987 Agreement requiring the Parties to

refer the dispute to the Court for a final and binding settlement. The

work of the Tripartite Committeehaving been terminated, Qatarraised the

issue before the Summit Meeting in Doha in December 1990.

Against this background,we can now pass to the questions of the

status of the Doha Agreement andMinutes and their interpretation which

are the two basic questions, of course, in this presentcase.

1 now turn to the main legal questions dealt with in the second

statement by Sir Ian Sinclair. He posed and answered four questions,

leaving the fifth to Professor Salmon. In summaryform, the answers to

those questions provide the answer to the basic question, "Do the Doha

Minutes of 25 December 1990 (read,of course, with the 1987 Agreement),

constitute a treatyin force within the meaning of paragraph 1 of

Article 36 of the Statute of the Court"?

The simple answermust surely be "Yes". The text clearly provides

rights and obligations for the parties which are of an international

character and, therefore, qualifies as an internationalagreement. It is - 66 -

in writing and, therefore, qualifiesas a "treaty"within the meaning of

the Vienna Conventionon the Law of Treaties. Its content requiredit to

come into force on the date of signature and it has continued in force

since that date. Accordingly, read with the 1987 Agreement, it qualifies

as a treaty in force within the meaningof Article 36 of the Statute.

The four questionsanswered by Sir Ian Sinclairin his

second statementcal1 for no further comment byme.

On the fifth question, whichwas answered by Professor Salmon, 1

should like to add a fewcomrnents.

As Professor Salmon haspointed out, Bahrain has approached this

question £rom two angles. In the note of 18 August 1991, Bahrain relied

on Article 46 of the Vienna Convention on the Law of Treaties. In its

Counter-Memorial, it said that it was no longer a questionof invalidity,

but of non-existence, because there was no consent. It is, however,

clear that from whatever anglethe question is examined, the plea of no

consent will not stand where the consent has been expressedby the

signature of a Foreign Minister who, internationally, hasthe authority

to express the consentof his State by virtue of his functions.

Mr. President, as to the first approach, it is well known by

everyone here that the question of invoking a violation of a provision of

internal law for the purpose of invalidating consentto be bound by a

treaty was consideredat length by the Vienna Conference on the Law of

Treaties and was carefully circumscribedin Article 46 of the Convention.

That Article was designed to place strict restraintson the liberty to
9
invoke such provisions of internal law. But a violation can only be

manifest if the provision itself is clear and places a limitationon the

power to give consent on the international level. On the contrary, here - 67 -

Article 37 of the Bahrain Constitution (if effective, at al11 deals only

with procedures for introducing a treaty into the internal legal order

and not with the procedure forthe conclusion of treaties at the

internationallevel, which is governed by international law. As is well

known, treaties are not internationally concludedby decree of a Head of

State.

In fact, the internal lawof Bahrain is further cloudedby

constitutionalchanges. The only possible conclusionis that there was

no manifest violation of a provision of internal law of fundamental

importance when the Foreign Ministerof Bahrain expressedthe consent of

his State to be bound by signing the Doha agreed minutes on

25 December 1990.

Mr. President, in view of the arguments presented on behalf of

Qatar, it seems to be clear that the question whether the 1987 Agreement

read with the Doha Agreement constitutes a "treaty in force" within

Article 36 of the Statute should be answered in the affirmative. On this

assumption,may 1 now turn to the second main legal question. This is

whether the Doha Agreement read togetherwith the 1987 Agreement gives

the Court "jurisdiction"to entertain the Application submittedby Qatar

on 8 July 1991? Again, Qatar invitesthe Court to answer "YesI1.

In oral argument this aspect of the case has been presentedfirst by

Professor Quéneudec withrespect to the rules of interpretationand their

application in the present caseand then by the distinguishedAgent for

the State of Qatar, in his capacity as counsel, on the linguistic

aspects.

Professor Quéneudecbegan by calling attention to the need to

distinguish betweenthe questions of jurisdictionand seisin. The - 68 -

distinction is of importance because, except in certain particularcases,

the jurisdictionof the Court depends upon the will of the parties.

There is, however, authority for the proposition that, if the

jurisdictionof the Court isaccepted by the parties, and there is no

provision agreedby the parties regarding seisin which excludes seisin by

unilateral application,the Court willexercise its jurisdictionwith

regard to the application.

In the light of the general rule of interpretationin Article 31 of

the Vienna Conventionon the Law of Treaties, and the elements of good

faith, ordinary meaning, context,object and purpose, in my submission,

the conclusion is irresistiblethat either the Doha Agreement authorizes

unilateral applicationor at least it does not exclude such an

application as a means of invoking the jurisdictionof the Court. The

conclusion is that the Court has "jurisdiction"to adjudicate on Qatar's

Application. The interpretationsupported by Qatar is not arrbiguousor

absurd, unreasonable or obscure. But recourse to supplementarymeans of

interpretationunder Article 32 of the Vienna Convention would, in the

view of Qatar, confirm the meaning supported by it.

Finally, 1 corneto the linguistic issues addressed by

Dr. Najeeb Al-Nauimi. 1 feel confidentthat the Court will think that

his statement is worthy of close scrutiny and that it has finally laid to

rest the ghost of "al-tarafan". There does not appear to be any

linguistic foundationfor the conclusion that Ifal-tarafan"necessarily

requires joint action through a special agreement. On the contrary, it

is common ground among the experts that theexpression can be used to

mean action by two people either jointlyor separately. In the present

case, having regardto the text andthe context andal1 the relevant - 69 -

facts, this is the reasonable interpretation and justified unilateral

application by each of the parties presenting, of course, its owriclaims.

The natural corollaryof this view is that the Doha Agreement left

matters of procedure and evidence to be dealt with by the Court according

to its own rules. This is the only reasonable interpretation of the

words translatedas "and the proceedings arising therefrom" added by

Bahrain to the Doha Agreement.

This leads to the conclusion that the Doha Agreement allowedand

assumed that each Party, after May 1991, could bring its case or claims

to the Court in accordance with theBahraini formula and in reliance on

the Court's procedures.

Mr. President, in his opening speech, Dr. Najeeb Al-Nauimi, as

Agent, called attention to the importance of thiscase for the State of

Qatar.

May 1 be permitted to remind the Court of its importance forthe

relations between Bahrainand Qatar and indeed for al1 the Arab States of

the Gulf. The peaceful resolution of such internationaldisputes is

vital for the whole region. The Court now has another good opportunity

to make a positive contributionin accordance with the United Nations

Charter and the Statute of the Court. Article 1 of the Charter, as we

al1 know, links peace and justice and Article 92 assigns the judicial

role to the InternationalCourt of Justice. Through the Court, the State

of Qatar seeks no more and no less than justice by a final and binding

settlement of its long-standingdispute with the State of Bahrain - and

this in accordance with internationallaw. - 70 -

Mr. President,may 1 thank you, and through you, the whole Court for

the courteous hearing whichwe have been accorded, and thus conclude this

round of speeches on behalf of theState of Qatar.

The PRESIDENT: Thankyou Sir Francis. The Courtthanks the

delegation of Qatar and considers that Qatar has completed its first

round of oral arguments. TheCourt will resume its sessionon the day

after tomorrow,Friday, at 10 a-m. in order to hear Bahrain in its first

round of oral arguments. Thank you.

The Court rose at 1 p.m. CR 94/3 Corr.
Le 3 mars 1994

Les pages 13 à 15du CR 94/3 originalsont remplacées, pour des

raisons techniques, par les pages 13 à 15ci-jointes. - 13 -

Ignorant, Monsieur le Président, à peu près tout de la langue arabe,

je me garderai bien de discuter des formules et expressions utilisées

dans le texte original del'accord. Avec la permission de la Cour, le

Dr Najeeb Al-Nauimi traitera tout à l'heure de cet aspect particulier de

la question.

Je me limiterai en ce qui me concerne à la formulation dedeux

observations à partir des traductions anglaiseet française du texte de

cet accord

i) La première observation que l'on peut faire est qu'il existe,

dans la pratique conventionnelle, d'autres exemples de traités

ou d'accords qui prévoient lerecours à la Cour internationale

de Justice pour le règlement des différends, mais qui ne

précisent pas si la Cour doit être saisie conjointementpar les

parties ou si elle peut être saisie unilatéralement parl'une

d'entre elles.

La Cour a d'ailleurs eu à connaître d'un problème de ce genre dans

1'affairedu Personnel diplomatiqueet consulaire des Etats-Unis à

Téhéran, lorsqulellea dû se prononcer sur l'interprétationde l'article

XXI, par. 2, du Traité d'amitié, de commerce et de droits consulaires de

1955 entre les Etats-Unis et l'Iran. Cette disposition prévoyait:

«Tout différend qui pourrait s'élever entre les Hautes
Parties contractantesquant à l'interprétationou à
l'applicationdu présent Traité et qui ne pourrait être réglé

d'une manière satisfaisante parla voie diplomatique seraporté
devant la Cour internationale deJustice, à moins que les
Hautes Parties contractantesne conviennentde le régler par
d'autres moyens pacifiques».

Dans son arrêt du 24 mai 1980, afin de déterminer sisa compétence

pouvait être fondée sur cette disposition, la Cour déclarait: <Cet article ne prévoit certes pas en termes exprès que
l'une ou l'autre des parties peut saisir la Cour par requête
unilatérale,mais il est évident que, comme les Etats-Unis
l'ont soutenu dans leur mémoire, c'est bien ainsi que les

parties l'entendaient.» (C.I.J. Recueil, 1980, p. 27,
par. 52.)

La même position a ensuite été adoptée par la Cour en 1984 dans

l'affaire des ~ctivités militaires et paramilitaires au Nicaragua,

lorsqufil s'est agi d'interpréterune clause identique figurantdans

l'article XXIV du Traité d'amitié, de commerce et de navigation de 1956

entre les Etats-Unis et le Nicaragua. La Cour a ici aussi estimé qu'une

telle clause autorisait une saisine unilatérale (C.I.J. Recueil 1984,

p. 427, par. 81).

Nous avons eu l'occasionprécédemment de soulignerl'analogie

indéniable qui existe entrel'accord de Doha et l'Accord-cadretchado-

libyen de 1989. Ce dernier prévoyait, en son article 2 :

«A défaut de règlement politique, les deux parties
s'engagent:

a) à soumettre le différend au jugement de la Cour
internationalede Justice ...a

Il y a analogie, mais non identité. Selonl'accord entre la Libye

et le Tchad, «les deux parties s'engagent à soumettre»,alors que

l'accord entre le Qatar et Bahreïn dispose <<lesparties pourront

soumettre,. Il y a toutefois une raison à l'emploi de cette dernière

expression : la différence de rédactions'explique par le fait que le

Qatar et Bahrein, au moment de l'accord de 1990, s'étaient déjà engagés à
1i

soumettre leurs différends à la Cour, en vertu de l'accord de 1987. Au

contraire, dans l'affaire du Différend territorialentre la Libye et le

Tchad, il n'y avait pas un tel engagement; c'était l'Accord-cadrequi, à

la fois, comportait la reconnaissance de la juridictionde la Cour et - 15 -

prévoyait la possibilité de la saisir à l'expirationdu délai qu'il

mentionnait. Dès lors, si une phrase exprimant uneobligation liant deux

Etats (<lesdeux parties s'engagent à soumettre») a pû être interprétée

comme autorisant chacund'eux à agir unilatéralement,a fortiori une

phrase exprimantune faculté de mettre en oeuvreun engagement préalable

(«lesparties pourront soumettre,) peut aussi être interprétée comme

autorisant chacundes deux Etats à agir, c'est-à-direl'un ou l'autre.

ii) La deuxième observationque je souhaiterais faire concerne ce

que le texte ne dit pas. Selon la thèse développée par

Bahreïn, l'accord de Doha aurait prévu que les Parties ne

pouvaient saisirla Cour qu'en agissant conjointement. Cela

supposerait de lirela phrase pertinente du deuxième paragraphe

comme si elle était libelléede la manière suivante : cles

parties pourront soumettre ensemblela question à la Cour», ou

encore : «les deux parties ensemble pourront soumettre la

question à la Cour».

Or, le mot *ensemble, ne figure pasdans le texte original de

l'accord de Doha. Celui-ci diffère sur ce point du texte du compromis

signé en 1977 entre la Tunisie et la Libye.

La Cour se souviendra certainementque, dans l'affaire du Plateau

continental (Tunisie/Libye),qui lui avait étésoumise sur la base d'un

compromis dont le texte originalétait égalementen langue arabe, une

controverse était apparue entre les parties au sujet de l'article 3 de ce

compromis. Cet article prévoyait qu'en cas de difficultés rencontrées

dans la mise en oeuvre de l'arrêt rendu par la Cour, cles deux Parties

reviendront ensembledevant la Couret demanderont toutes explicationsou

tous éclaircissementsqui faciliteraientla tâche des deux délégations»
pour réaliser la délimitation. Et la traduction en anglais de cette

Document Long Title

Public sitting held on Wednesday 2 March 1994, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Bedjaoui presiding

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