Public sitting of the Chamber held on Wednesday 8 May 1991, at 10 a.m., at the Peace Palace, Judge Sette-Camara, President of the Chamber, presiding

Document Number
075-19910508-ORA-01-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1991/17
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

C 4/CR 91/17
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
YEAR 1991
Public sitting of the Chamber
held on Wednesday 8 May 1991, at 10 a.m., at the Peace Palace,
Judge Sette-Camara, President of the Chamber, presiding
in the case concerning the Land, Island and Maritime Frontier Dispute
(El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening)

VERBATIM RECORD

ANNEE l991
Audience publique de la Chambre
tenue le mercredi 8 mai 1991, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Sette-Camara, président de la Chambre
en l'affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant))

COMPTE RENDU

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Present:
Judge Sette-Camara, President of the Chamber
Judges Sir Robert Jennings, President of the Court
Oda, Vice-President of the Court
Judges ad hoc Valticos
Torres Bernárdez
Registrar Valencia-Ospina

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Présents :
M. Sette-Camara, président de la Chambre
Sir Robert Jennings, Président de la Cour
M. Oda, Vice-Président de la Cour, juges
M. Valticos
M. Torres Bernárdez, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier

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The Government of El Salvador is represented by:
Dr. Alfredo Martínez Moreno,
as Agent and Counsel;
H. E. Mr. Roberto Arturo Castrillo, Ambassador,
as Co-Agent;
and
H. E. Dr. José Manuel Pacas Castro, Minister for Foreign Relations,
as Counsel and Advocate.
Lic. Berta Celina Quinteros, Director General of the Boundaries'
Office,
as Counsel;
Assisted by
Prof. Dr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of Public
International Law at the University of Uruguay, former Judge and
President of the International Court of Justice; former President
and Member of the International Law Commission,
Mr. Keith Highet, Adjunct Professor of International Law at The
Fletcher School of Law and Diplomacy and Member of the Bars of
New York and the District of Columbia,
Mr. Elihu Lauterpacht C.B.E., Q.C., Director of the Research Centre
for International Law, University of Cambridge, Fellow of Trinity
College, Cambridge,
Prof. Prosper Weil, Professor Emeritus at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Dr. Francisco Roberto Lima, Professor of Constitutional and
Administrative Law; former Vice-President of the Republic and
former Ambassador to the United States of America.
Dr. David Escobar Galindo, Professor of Law, Vice-Rector of the
University "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador)
as Counsel and Advocates;
and
Dr. Francisco José Chavarría,
Lic. Santiago Elías Castro,
Lic. Solange Langer,
Lic. Ana María de Martínez,
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Le Gouvernement d'El Salavador est représenté par :
S. Exc. M. Alfredo Martínez Moreno
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Roberto Arturo Castrillo, Ambassadeur,
comme coagent;
S. Exc. M. José Manuel Pacas Castro, ministre des affaires
étrangères,
comme conseil et avocat;
Mme Berta Celina Quinteros, directeur général du Bureau des
frontières,
comme conseil;
assistés de :
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international
public à l'Université de l'Uruguay, ancien juge et ancien
Président de la Cour internationale de Justice; ancien président
et ancien membre de la Commission du droit international,
M. Keith Highet, professeur adjoint de droit international à la
Fletcher School de droit et diplomatie et membre des barreaux de
New York et du District de Columbia,
M. Elihu Lauterpacht, C.B.E., Q.C., directeur du centre de recherche
en droit international, Université de Cambridge, Fellow de Trinity
College, Cambridge,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Francisco Roberto Lima, professeur de droit constitutionnel et
administratif; ancien vice-président de la République et ancien
ambassadeur aux Etats-Unis d'Amérique,
M. David Escobar Galindo, professeur de droit, vice-recteur de
l'Université "Dr. José Matías Delgado" (El Salvador),
comme conseils et avocats;
ainsi que :
M. Francisco José Chavarría,
M. Santiago Elías Castro,
Mme Solange Langer,
Mme Ana María de Martínez,
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Mr. Anthony J. Oakley,
Lic. Ana Elizabeth Villata,
as Counsellors.
The Government of Honduras is represented by:
H.E. Mr. R. Valladares Soto, Ambassador of Honduras to the
Netherlands,
as Agent;
H.E. Mr. Pedro Pineda Madrid, Chairman of the Sovereignty and
Frontier Commission,
as Co-Agent;
Mr. Daniel Bardonnet, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Derek W. Bowett, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. René-Jean Dupuy, Professor at the Collège de France,
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
Mr. Julio González Campos, Professor of International Law,
Universidad Autónoma de Madrid,
Mr. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, Professor of International Law,
Universidad Complutense de Madrid,
Mr. Alejandro Nieto, Professor of Public Law, Universidad
Complutense de Madrid,
Mr. Paul De Visscher, Professor Emeritus at the Université de
Louvain,
as Advocates and Counsel;
H.E. Mr. Max Velásquez, Ambassador of Honduras to the United Kingdom,
Mr. Arnulfo Pineda López, Secretary-General of the Sovereignty and
Frontier Commission,
Mr. Arias de Saavedra y Muguelar, Minister, Embassy of Honduras to
the Netherlands,
Mr. Gerardo Martínez Blanco, Director of Documentation, Sovereignty
and Frontier Commission,
Mrs. Salomé Castellanos, Minister-Counsellor, Embassy of Honduras to
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the Netherlands,
M. Anthony J. Oakley,
Mme Ana Elizabeth Villata,
comme conseillers.
Le Gouvernement du Honduras est représenté par :
S. Exc. M. R. Valladares Soto, ambassadeur du Honduras à La Haye,
comme agent;
S. Exc. M. Pedro Pineda Madrid, président de la Commission de
Souveraineté et des frontières,
comme coagent;
M. Daniel Bardonnet, professeur à l'Université de droit, d'économie
et de sciences sociales de Paris,
M. Derek W. Bowett, professeur de droit international à l'Université
de Cambridge, Chaire Whewell,
M. René-Jean Dupuy, professeur au Collège de France,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
M. Julio González Campos, professeur de droit international à
l'Université autonome de Madrid,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, professeur de droit international
à l'Université Complutense de Madrid,
M. Alejandro Nieto, professeur de droit public à l'Université
Complutense de Madrid,
M. Paul de Visscher, professeur émérite à l'Université catholique de
Louvain,
comme avocats-conseils;
S. Exc. M. Max Velásquez, ambassadeur du Honduras à Londres,
M. Arnulfo Pineda López, secrétaire général de la Commission de
Souveraineté et de frontières,
M. Arias de Saavedra y Muguelar, ministre de l'ambassade du Honduras
à La Haye,
M. Gerardo Martínez Blanco, directeur de documentation de la
Commission de Souveraineté et de frontières,
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Mme Salomé Castellanos, ministre-conseiller de l'ambassade du
Honduras à La Haye,
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Mr. Richard Meese, Legal Advisor, Partner in Frère Cholmeley, Paris,
as Counsel;
Mr. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mrs. Olmeda Rivera,
Mr. Raul Andino,
Mr. Miguel Tosta Appel
Mr. Mario Felipe Martínez,
Mrs. Lourdes Corrales,
as Members of the Sovereignty and Frontier Commission.
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M. Richard Meese, conseil juridique, associé du cabinet Frère
Cholmeley, Paris,
comme conseils;
M. Guillermo Bustillo Lacayo,
Mme Olmeda Rivera,
M. Raul Andino,
M. Miguel Tosta Appel,
M. Mario Felipe Martínez,
Mme Lourdes Corrales,
comme membres de la Commission de Souveraineté et des frontières.
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Le PRESIDENT : Please be seated. The sitting is open. We continue today the hearings on
the third dispute of the sector of the land frontier, the sector called Arcatao-Sazalapa or
Zazalapa-La Virtud and I give the floor to Professor González Campos.
M. GONZALEZ CAMPOS : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je me propose de
diviser mon exposé en trois parties. La première portera sur les difficultés auxquelles je me heurte
dans ma tâche de ce jour, après avoir écouté, hier matin, l'intervention de mon éminent contradicteur.
Dans la deuxième, je traiterai quelques questions générales relatives à la position des Parties en ce
qui concerne la délimitation de ce secteur; des questions qui ont été évoquées hier par le
Président Jiménez de Aréchaga et méritent de recevoir, soit une réponse, soit tout au moins, les
précisions qui s'imposent. Et enfin, je me livrerai à l'examen des questions concrètes relatives à la
délimitation dans ce secteur, dans l'idée de remettre un peu d'ordre non seulement dans la géographie
- qui a vraiment beaucoup souffert hier - mais également dans les faits intéressant l'application de
l'uti possidetis juris.
1. Les difficultés découlant de l'intervention d'El Salvador
J'en arrive donc au premier point de mon intervention, lequel, comme vous vous rendrez
certainement compte, constitue un certain aveu d'impuissance de ma part. Mais je me vois contraint
d'en passer par là pour faire la lumière sur les termes du présent débat, et cela en relevant cinq
points :
Primo : La difficulté que je rencontre pour répondre au Président Jiménez de Aréchaga ne
vient absolument pas du titre d'Arcatao de 1724. Pas du tout. Elle ne vient pas non plus de l'étendue
de son intervention. Mon distingué contradicteur se souvient sans aucun doute de l'époque où il était
obligé d'écouter dans cette même salle des exposés longs et touffus. Peut-être comme le mien
avant-hier. Et l'on comprend que maintenant il soit partisan de la brièveté, d'autant que l'article 60
du Règlement de la Cour le recommande. Non, je ne reprocherai absolument pas au
Président Jiménez de Aréchaga la brièveté de son intervention. Ce qui en revanche me préoccupe,
c'est qu'elle ait seulement porté sur la première partie de ma propre intervention de lundi et, du
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même coup, ait gardé un silence total sur la seconde partie, consacrée aux "effectivités" qu'invoque
constamment El Salvador sans apporter les éléments de preuve nécessaires.
Le Président Jiménez de Aréchaga me fera probablement valoir que la réponse à
l'argumentation du Honduras sur ce point viendra ultérieurement et qu'El Salvador se propose de lui
consacrer une intervention spécifique à une date que nous ignorons. Fort bien, nous attendrons.
Mais je ne crois pas exagérer en disant que ce n'est pas à la réplique d'El Salvador que je répondrai
aujourd'hui mais seulement à une demi-réplique. Je regrette particulièrement que l'on n'ait pas
dissipé nos doutes en nous indiquant s'il a effectivement existé un poste militaire à Los Filos ou à
Gualcimaca ou bien si, plus simplement, des Salvadoriens nés dans ces deux localités ont fait leur
service militaire dans la milice ou dans les unités des forces armées d'El Salvador; et également
pourquoi l'on vieillit aussi vite sous les drapeaux.
Secundo : on pourrait croire que me trouvant face à une demi-réplique, j'ai la tâche plus facile,
ce dont je devrais être fort heureux. En réalité, après avoir remercié mon contradicteur de sa
brièveté, je ne peux en revanche en faire autant de ses silences, lesquels constituent une véritable
fuite devant les faits. Il ne s'agit pas, je tiens à le souligner, de silences vis-à-vis de ma modeste
intervention d'hier : en réalité El Salvador n'arrête pas de fuir devant les faits tels qu'ils ont été déjà
mis en évidence dans les écrits du Honduras. Et au lieu de commenter les faits, nos adversaires
insistent, une fois de plus, sur de vieilles thèses, sans prendre même la peine d'y apporter leurs
commentaires.
Prenons un exemple, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, parmi tous ceux que l'on
pourrait prendre. Dans mon intervention de lundi, je suis revenu sur un point difficile à nier, à savoir
qu'El Salvador ne dispose d'aucun titre sur la première partie du tracé, c'est-à-dire la partie comprise
entre la borne de Pacacio, ici, et le commencement du titre d'Arcatao, soit dans l'interprétation
d'El Salvador, soit dans l'interprétation plus généreuse du Honduras. Ici, il y a un vide de titres.
Cette question avait été déjà mise en avant par le Honduras dès son contre-mémoire (CMH, vol. I,
p. 266-267 et 277-279). Or, elle n'a toujours pas reçu la moindre réponse. Ce qui est d'autant plus
surprenant qu'hier j'ai demandé expressément à la Chambre de la Cour que, face au silence
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d'El Salvador, la frontière soit délimitée dans cette première partie du tracé conformément aux
conclusions du Honduras.
Non, vraiment le silence, la fuite devant les faits, ne font pas avancer le débat, attendu que
l'article 60 du Règlement de la Cour stipule que les exposés "portent sur les points qui divisent
encore les Parties". Et le Règlement, par cette indication, montre sa sagesse car, comme les
classiques le disaient déjà, c'est de la discussion que jaillit la lumière. El Salvador, avec son silence,
ne nous apporte en fait que de l'ombre; utile pour dissimuler, néfaste dans un débat judiciaire.
Tertio : mais il existe, Messieurs les Juges, une deuxième difficulté, tenant à la méthode - ou
plutôt à la tactique - employée par nos adversaires. Pour éviter cette difficulté, je me suis référé,
dans mon intervention du lundi (CR, p. 35) à la position d'El Salvador qui prétend arrêter les limites
des anciennes provinces espagnoles en s'appuyant sur un seul document, le titre d'Arcatao de 1724.
Et j'ai dit que cette attitude - que l'on pourrait qualifier de "méthode du titre solitaire" s'accompagnait
d'une autre non moins étonnante : l'exclusion du débat de tous les autres documents qui, du fait qu'ils
étaient postérieurs à celui d'Arcatao de 1724, étaient censés ne pas pouvoir apporter d'éléments
probants pour déterminer la situation existante en 1821 et sous le prétexte qu'ils n'étaient absolument
pas des "Formal Title-Deeds"
Et j'ai également dit que, compte tenu des documents qu'El Salvador et le Honduras avaient
présentés à la Chambre de la Cour, la bonne méthode ne pouvait être que celle fondée sur la
confrontation des titres et de leurs données, car, je le répète, les documents soumis par le Honduras
sont tous postérieurs au titre d'Arcatao de 1724, de sorte qu'ils le complètent et nous offrent une
photographie, un "instantané territorial" précis. Hier, mon honorable contradicteur, qui fut un grand
juge et est aujourd'hui un grand conseil, doté d'une grande habileté pour sortir des situations les plus
difficiles, a fait allusion à la "mosaïque" de citations de documents de la part du Honduras qu'il a
ensuite qualifiée de "puzzle", puis de "cocktail".
Effectivement, j'ai parlé de "mosaïque", sans doute parce que je suis né dans une ancienne
colonie grecque, et pas loin de ces splendides mosaïques de la ville romaine d'Italica. Mais j'accepte
également le terme de "puzzle" qui est une mosaïque peut-être plus complexe mais dont les pièces
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doivent bien s'emboîter, à l'instar des données apportées par les divers document du XVIIIe
siècle
versés au dossier par les Parties. Ce qui me surprend, c'est que mon habile contradicteur ait parlé de
"cocktail" de la part du Honduras, alors que c'est El Salvador qui précisément agite continuellement
le "shaker" :
- Ainsi, El Salvador s'est présenté au début avec une seule boisson à la main : le titre
d'Arcatao de 1724 qui, sans aucun doute, est comparable, pour nos adversaires, à un bon Jerez ou,
mieux encore, si vous préférez, à un excellent whisky écossais. En effet, rappelons-le, le titre
d'Arcatao "protects the zone of Arcatao or Sazalapa". Mais dans l'immédiat, cette boisson ne
suffisant pas, ils invoquent les "effectivités", une boisson bien plus forte qui correspondra peut-être,
je ne sais pas, à l'"ouzo", au délicieux "saké" ou à la superbe "caipirina". Et nous nous retrouvons
ainsi devant la "dualité des tracés" d'El Salvador; une dualité qui constitue un premier cocktail dont
les boissons, une fois mélangées, risquent de donner un résultat peu satisfaisant surtout si la seconde,
celle des "effectivités", n'est que de l'eau, vu qu'elle ne repose sur aucune preuve.
- Par ailleurs, à un niveau plus général, voyons l'interprétation, par El Salvador, du traité
général de paix de 1980, à l'article 26 : n'est-ce pas un véritable cocktail où se mélangent, à parts
égales, uti possidetis juris particulier ou conventionnel, non général; "arguments d'ordre humain" et
"effectivités" ? Non, le Honduras ne mélange pas : il se contente de réunir les données que nous
apportent les documents des XVIIIe
et XIXe
siècles pour centrer le débat sur un point déterminé. Et
les données concordent : ainsi, lorsque le maire d'Arcatao, en 1741, nous dit que la limite est la
rivière Sazalapa, nous avons là une première donnée historique. Deuxième donnée : l'affirmation du
maire d'Arcatao en 1843 : la limite est la rivière Sazalapa, ni en-deça, ni au-delà. Il y a encore lieu
d'ajouter une troisième donnée : la note d'El Salvador du 9 février 1946, où il est affirmé que seuls
deux des gardes de la garde nationale salvadorienne qui avait pénétrée dans la vallée de Sazalapa, je
le signale ici, sont arrivés "jusqu'à la rive de la rivière Sazalapa, qui sert de limite entre les deux
Républiques" (RH, annexes, vol. I, p. 147). Or, de 1741 à 1846, les données sont concordantes, ce
n'est pas un "cocktail".
Non, Messieurs, il n'y a pas de "cocktail" d'éléments. Il s'agit ni plus ni moins de la méthode
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normalement suivie par qui veut établir une évidence historique : indiquer toutes les données - je le
répète, toutes les données - qui se rapportent à une même situation ou à un même fait. C'est là la
seule méthode que l'on peut considérer comme scientifique : et c'est, en outre, le procédé habituel
dans le raisonnement judiciaire.
Finalement, je me heurte encore, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, à une autre
difficulté : celle provoquée par la confusion que font régner - délibérément ou non - nos adversaires.
Il y a un certain nombre d'années, en lisant un excellent ouvrage sur l'acquisition du territoire en
droit international, je me souviens d'avoir lu une phrase relative aux conseils des parties qui, à
l'occasion, recourrent à des arguments à la fois "cold and hot". Et dans mon intervention sur ce
secteur en litige, j'ai précisément attiré l'attention sur certains arguments d'El Salvador où, en même
temps, "on souffle le froid et on souffle le chaud" (CR 15, p. 30).
Je veux parler du titre des terres de San Juan de Lacatao de 1786 qui, pour nos contradicteurs,
était, à la fois, un titre de propriété privée, et un "titre officiel de terrains communaux". Mon
éminent contradicteur, dans son intervention d'hier, ne nous a pas tiré du doute et la confusion
demeure (CR 16, p. 29). Mais il s'est en outre engagé, entre autres, dans une contradiction dont je
veux traiter à présent.
En effet, le Président Jiménez de Aréchaga, dans son attaque contre la "force probante" des
titres soumis par le Honduras, s'est référé au titre de la Hacienda de Sazalapa de 1741 (c'est la date
de l'arpentage), en disant qu'il s'agissait d'un "ejido de composición". Puis, en le comparant avec le
titre d'Arcatao de 1724, a affirmé que dans ce titre, à coup sûr, seize "caballerías" étaient des "ejidos
de reducción", alors que six "caballerías" seulement étaient "de composición" et avaient été payés sur
adjudication après vente aux enchères publiques. Cette deuxième donnée, on ne peut la nier.
El Salvador, très certainement, ne pouvait la nier. Mais, ceci une fois établi, il y a une question :
qu'en est-il de la thèse d'El Salvador lorsque certaines terres sont en partie de "réduction" et en
partie de "composition" ? Le même problème surgit, il faut le rappeler, au sujet du titre des
nouveaux "ejidos" de La Palma, à propos de la zone de Cayaguanca qu'on a déjà examinée.
En effet, à la suite de l'arpentage des terres, l'intendance générale de l'armée et des finances
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publiques de l'Etat fait un rapport décidant que :
"notification soit faite à la municipalité de Dulce Nombre de La Palma de déposer au Trésor
public la somme de 2700 pesos et un real un quart, correspondant aux 108 caballerias et
14 cordes de terres ... en informant par la même occasion ladite municipalité que les titres
correspondant lui seront délivrés sur présentation, par son mandataire, du certificat attestant
que ladite somme a été perçue par le Trésor" (CMES, annexes, p. 23, trad. fr. p. 62).
Et on connaît la suite; le mandataire a proposé d'échelonner le paiement à 700 pesos par année (ibid.,
p. 24, trad. fr. p. 63); mais plus tard, on a fait une distinction : 40 caballerias sont considérées
comme "terres communes dudit village" et la vente se fait seulement pour les 68 qui restent (ibid.,
p. 28-29, trad. fr. p. 65). Et finalement, le chef suprême adjoint de l'Etat a décidé que la
municipalité de Dulce Nombre de La Palma : "a acquis à un prix modique 68 caballerias et
14 cordes", soulignant que ladite municipalité : "est encore redevable aux finances publiques d'une
somme de 1700 pesos et un real un quart" (ibid., p. 29-30, trad. fr. p. 66).
Avec le titre d'Arcatao de 1724, la situation est la même. Et c'est là, d'après le document de
cette date, que :
"nous leur [aux habitants d'Arcatao] avons adjugé 16 caballerias comme terres communales,
les six caballerias restantes ayant fait l'objet d'une vente aux enchères au nom de ladite ville,
vente dont le montant a été versé à la Trésorerie royale" (CMES, annexes, vol. III, annexe IV,
p. 12, trad. fr. p. 87).
Or, la situation est la même, une partie des "ejidos" d'Arcatao, comme une partie des "ejidos" de
Dulce Nombre de La Palma, étaient des "ejidos de composicíon" et ma question vaut toujours. Quid,
dans ce cas, de la force probante du titre d'Arcatao, vis-à-vis du titre de la Hacienda de Sazalapa ?
El Salvador se trouve confronté à cette question. Et pour y échapper, il a créé un nouveau
"cocktail" dont la recette serait la suivante : si vous mélangez 2/3 d'"ejidos de reduccíon" avec
1/3 d'"ejidos de composicíon", le résultat est, devinez donc, pour le Salvador, 3/3 d'"ejidos de
reduccíon". Et pour en arriver là, ils ont eu recours à un autre argument : le dispositif du titre, nous
disent-ils, crée une unité, les "terres d'Arcatao" : et l'on confie la protection de toutes ces terres, selon
nos adversaires, aux autorités de la province.
Très bien, toutes les terres sont des "terres d'Arcatao" et leur possession doit être protégée par
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les autorités de la province où elles se trouvent. Mais il faut par ailleurs admettre d'abord que ces
terres ont une nature différente, elles sont en partie "ejidos de reduccíon", en partie "ejidos de
composicíon" et, de ce fait, peut-on prétendre que le titre d'Arcatao a une force probante supérieure à
celle d'un titre dont les terres sont uniquement des "ejidos de composicíon" ? Ou bien est-ce qu'il
peut y avoir une "force probante" seulement supérieure aux deux tiers ?
Je pense que pour ma dernière question, Messieurs les Juges, on voit que la confusion est
évidente entre deux données pourtant clairement à distinguer : d'un côté, la nature des terres objet du
titre d'Arcatao ("ejidos de réduction" et "ejidos de composition"); de l'autre, l'efficacité du titre, du
document, comme moyen de preuve. Et je souligne, comme preuve des limites des anciennes
provinces en 1821. La première donnée est en fait indifférente à la Chambre de la Cour, puisque
celle-ci n'est pas l'"Audiencia" de Guatemala et n'a pas à résoudre le problème de la propriété
concernant les "ejidos" d'Arcatao. La seconde, l'efficacité d'un moyen de preuve, n'est asujettie, de
par l'article 26 du traité général de paix, qu'à deux conditions : émaner d'une autorité espagnole,
civile ou ecclésiastique, et en outre indiquer les limites des territoires pendant la période de
l'Amérique espagnole : limites de localités, mais également limites des territoires des provinces qui se
transformèrent en nouveaux Etats en 1821.
J'en arrive maintenant à la seconde partie de mon intervention.
2. Questions générales relatives aux positions des Parties
en ce qui concerne la délimitation
1. Le Président Jiménez de Aréchaga, dans son intervention d'hier, a fait allusion à certaines
questions, de caractère général, qui se rapportent aux positions que les Parties ont adoptées à propos
de la délimitation de ce secteur et aussi d'autres secteurs en litige de la frontière terrestre. Il
m'appartient donc d'analyser ces questions pour éviter de nouvelles confusions dans le débat actuel et
d'apporter à cette fin, le cas échéant, les précisions que j'estimerai utiles pour chacune de ces
questions. Et la vérité est que ces questions, qui ont été évoquées de-ci de-là dans l'intervention
d'hier, méritent d'être examinées.
Primo : sur le ton d'une certaine ironie aimable, mon honorable contradicteur se demandait au
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début de son intervention d'hier si le Honduras avait changé sa position quant au fondement de ses
prétentions dans le secteur en cause, en faisant allusion au fait que dans cette phase orale, le
Honduras se réfère, à diverses reprises, aux "effectivités". Ma réponse sera très brève et très
simple :
- je ferai remarquer tout d'abord que le Gouvernement du Honduras a soumis à cette Chambre
de la Cour, dans ses conclusions, un seul et unique tracé : et comme assise dudit tracé, il n'invoque
que le seul uti possidetis juris de 1821. C'est là son titre sur le territoire, d'après divers documents
antérieurs à 1821 qui nous signalent quelles étaient les limites des anciennes provinces;
- en deuxième lieu, si le Honduras examine maintenant la question des "effectivités", je ne
crois pas qu'on puisse le lui reprocher : El Salvador, comme je l'ai déjà dit, voudrait que nous
buvions un cocktail où seraient mélangés, à parts égales, uti possidetis juris, arguments d'ordre
humain et effectivités. Et je dirais même un appel concernant la taille si injustement réduite
d'El Salvador. Et il a consacré, dans chacun de ses écrits, un chapitre aux "effectivités", en
soutenant qu'il détient une possession effective des zones litigieuses depuis l'indépendance jusqu'à
nos jours. Face à cela, le Gouvernement du Honduras, au moment de parler d'effectivités, est guidé
par un double propos : d'un côté, mettre en évidence que les références faites aux "effectivités" par
El Salvador ne sont que de belles paroles; car il ne peut avancer la moindre preuve de ce qu'il
affirme. Deuxièmement, le Gouvernement du Honduras a soumis des preuves suffisantes tant de la
présence des communautés honduriennes dans la zone en litige que de l'exercice des fonctions
étatiques par les autorités du Honduras dans lesdites zones.
Et à partir de ces données, se font jour certaines conséquences que je souhaiterais signaler.
Tout d'abord, El Salvador n'est absolument pas un Etat qui, non seulement posséderait un titre
juridique sur le territoire mais pourrait également renforcer ce titre par la preuve de ses effectivités.
Dans ce secteur en litige, cela est évident : même en l'étirant à volonté, le titre d'Arcatao ne couvre
pas l'ensemble du secteur contesté. Et par ailleurs, il n'existe pas de preuve sérieuse ni même un
début de preuve des effectivités salvadoriennes. En deuxième lieu, les effectivités qu'invoque
El Salvador sont démenties par les documents soumis par le Honduras. Et un exemple peut suffire :
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à Gualcimaca, [je signale que c'est un petit hameau ou "casino" qui se trouve ici. Selon El Salvador,
il y a eu un poste militaire salvadorien. Or que nous enseignent les documents soumis par le
Honduras ? Je signale que Guacilmaca, le terrain de Gualcimaca, toute cette partie comprise ici, a
été arpentée d'abord en 1783 comme faisant partie de la province de Comayagua. Et puis elle a été
arpentée au commencement du XIXe
siècle comme faisant partie de la province du Honduras. Mais
laissons de côté ces deux petits faits. Et on va poursuivre. A Gualcimaca il y a une communauté
hondurienne; ce qui ressort des nombreux actes d'état civil que le Honduras a présentés à l'annexe IX
de la réplique, relatifs à ladite localité. Il ne s'agit pas de 17 actes pour 15 localités; je ne signale pas
le nombre des actes mais le nombre quand il est relevant montre qu'il existe encore quelque chose de
plus. Ensuite, le Honduras a administré la justice dans des procès criminels portant sur des faits
survenus à Gualcimaca. Les preuves figurent à l'annexe IX précitée (p. 517-519 du volume II de la
réplique hondurienne). Troisièmement, à Gualcimaca, le Gouvernement du Honduras a nommé les
maires auxiliaires successifs depuis le commencement du siècle jusqu'à 1969 (ibid., p. 525-528,
vous en avez les preuves). Quatrièmement, à Gualcimaca existe une école créée par le Honduras et
les autorités honduriennes en ont nommé les professeurs (ibid., p. 537-543). Cinquièmement, à
Gualcimaca, les autorités du Honduras ont concédé des terres (ibid., p. 547-548)... Je ne tiens pas à
fatiguer la Chambre de la Cour en continuant d'énumérer davantage les moyens de preuve relatifs à
Gualcimaca. Et bien, compte tenu de ceci, El Salvador continue de prétendre qu'il jouit d'une
"possession effective" en ce qui concerne Gualcimaca. Les faits sont là, tout simplement; des faits
qui démentent les affirmations d'El Salvador.
- Finalement, une fois analysés les faits, que se passe-t-il ? Et bien simplement que la position
qui sert de point de départ à El Salvador s'est inversée; et c'est le Honduras qui non seulement
possède un titre sur le territoire, fondé sur l'uti possidetis juris, mais en plus peut renforcer ce titre
en apportant la preuve de sa position effective. Mais ces affirmations, Monsieur le Président, sont
peut-être oiseuses : nous devrions plutôt attendre l'intervention générale d'El Salvador pour parler
des effectivités et je suis impatient d'entendre les commentaires qui y seront faits à propos du cas de
Gualcimaca.
- 20 -
Secundo : Après avoir écouté hier le Président Jíménez de Aréchaga, je prends note à nouveau
de ce qu'El Salvador a renoncé à la conclusion I.2 de son mémoire à propos de ce secteur contesté. Il
n'y a donc plus lieu de parler de
"rattachement à ces régions ainsi attribuées à El Salvador des terres de la Couronne ('tierras
realengas') situées entre les terrains communaux d'El Salvador et du Honduras respectivement
qui reviennent à juste titre à El Salvador..." (MES, conclusions, I.2).
Et en abandonnant cette conclusion, il faut comprendre que El Salvador, comme je l'ai dit dans
mon intervention précédente, n'invoque pas la carte intitulée "Localization of the Crown lands
('tierras realengas') beyond the common lands ('tierras ejidales') described in the Title of Arcatao".
Ce dont il convient de se réjouir à un double titre : on n'a pas ainsi à se demander, en effet, pourquoi
les "terres de la Couronne" dans ce secteur "reviennent à juste titre à El Salvador" (MES,
conclusions, I.2). Et en oubliant la carte 6.8, nous évitons aussi une complication extraordinaire :
cette zone qui dépasse à l'est, les limites du titre d'Arcatao, était un autre "cocktail", cette fois-ci
cartographique : pour la carte 6.III, cette zone était une partie des "ejidos" d'Arcatao, peut-être la
partie de ces terres où sont les "ejidos de composition"; tandis que selon la carte 6.8, ô mystère des
choses, il s'agissait de "terres de la Couronne". Mais laissons-là la question puisque le rendez-vous,
a trait à Naguaterique, et bien que je prévois que la situation à Naguaterique n'est pas très différente
là-bas de celle que je viens de signaler.
Finalement : il y a une autre question d'ordre général que j'estime plus importante, puisque le
Président Jíménez de Aréchaga y a fait allusion à deux reprises. Je veux parler de l'éventuelle
intervention postérieure d'une commission de démarcation et des tâches que les Parties ont confiées à
la Chambre de la Cour, à propos de la délimitation de la frontière terrestre. En effet,
- dans le cas de la zone de Tepanguisir, le Président Jiménez de Aréchaga a mentionné la
localisation de la source du torrent de Pomola, pour ajouter immédiatement que "in any event ... it
would not be difficult for a Commission of demarcation to determine the exact location of the
headwaters of the Pomola River" (cf. C 4/CR 91/9, p. 15). Par la suite, mon contradicteur a
affirmé dans sa dernière intervention que, "I think it is important that any dispute as to the identity of
a river like the Pomola or the headwaters of the Pomola may be solved by the Demarcation
- 21 -
Commission" (C 4/CR 91/10, p. 36).
- A la séance d'hier, mon contradicteur a fait un pas de plus en affirmant : "I do not think it is
appropriate to ask the Chamber to descend to the level of detail involved in choosing between the
alternative locations of these boundaries markers" et en ajoutant que la toponymie des différents
endroits mentionnés dans le titre d'Arcatao avait peut-être changé avec le temps. Tandis que
l'identification de l'emplacement des différents points géographiques "will easily be able to be carried
out by a Commission of Demarcation" (C 4/CR 91/16, p. 14 et 15). Mais il y a une autre référence.
Dans le compte rendu n° 16 le Président Jiménez de Aréchaga, nous dit que, face à des tracés
alternatifs (les tracés honduriens et les tracés salvadoriens) :
"There is a much more simple and much more equitable method of solving the
disagreements of the Parties in respect of the location and identification of the boundary
markers enumerated in the Formal Title-Deed to the Commons of Arcatao.
Once the basic legal concepts have been established by the Chamber, the Commission
of Demarcation..." (C 4/CR 91/16, p. 25)
Et bien, ce sont les citations, les références à la position de mon illustre contradicteur.
A ce qu'il paraît, il nous propose une curieuse division du travail, entre la Chambre de la Cour
et la Commission de démarcation prévue à l'article 6 du compromis souscrit le 24 mai 1986; ce qui
implique, de plus, une interprétation particulière et extensive du compromis. Je tiens à rappeler en
effet que les Parties ont demandé à la Chambre de la Cour, à l'article 2, alinéa 1, du compromis (je le
cite en anglais, parce que l'on m'a dit qu'il y a un accord sur le texte anglais du compromis) : "To
delimit the boundary line in the zone..." Or délimiter suppose écrire, indiquer, signaler quels sont les
points géographiques d'un tracé pouvant définir la ligne frontière, alors que la tâche de démarcation
est d'une nature tout à fait autre. Et cela est confirmé, par ailleurs, par les termes de l'article 6
lui-même du compromis, où il est fait référence à la Commission de démarcation : la tâche de
démarquer, attribuée à la Commission, devra s'effectuer avec pour base "the frontier line fixed by the
judgment" (en espagnol : "la demarcacion de la linea fronteriza fijada por la sentencia").
Non, décidément il n'y a pas de doute, la tâche que les Parties ont demandée à la Chambre de
la Cour d'accomplir est claire. Et de l'avis du Gouvernement du Honduras, il ne serait pas conforme
au compromis de 1986 que la Chambre de la Cour laisse le soin à la Commission de démarcation de
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fixer quelle est la rivière Pomola ou de localiser la source du Pomola, ou bien d'identifier et localiser
les bornes qui déterminent la frontière terrestre. Dans le passé, El Salvador a maintenu que la
totalité de la frontière terrestre, de Montecristo jusqu'à l'embouchure du Goascorán, était objet de
litige. Le traité général de paix a mis un terme à cette attitude d'El Salvador et je me demande : se
pourrait-il que, pour la délimitation de la frontière terrestre, l'on recherche seulement un arrêt de
principe qui ne résolve que les grandes lignes ou les grandes options débattues par les Parties et
laisserait le reste pour une tâche ultérieure, très généreusement comprise, de "démarcation" ? Je
serais très reconnaissant de recevoir un éclaircissement sur ce point de l'autre côté de la barre.
3. Questions particulières relatives
à la délimitation du secteur
1. Laissant de côté les questions d'ordre général, je passe à l'examen des questions relatives à
la délimitation. Hier, le Président, M. Jiménez de Aréchaga, appliquant fidèlement la tactique du
"titre solitaire", a affirmé que la question centrale était l'interprétation correcte du titre foncier
d'Arcatao de 1724. Et c'est non sans certaines difficultés de localisation des points sur la carte que
mon éminent contradicteur a procédé à un exposé du tracé des limites des terres d'Arcatao en
soulevant trois questions.
2. Je diviserai mon exposé sur ce troisième point en deux grandes rubriques. Dans la
première, face à ce qui a été dit de l'autre côté de la barre, je m'efforcerai de montrer les principales
erreurs dont souffre l'interprétation d'El Salvador et répondrai, par la même occasion, aux points
soulevés hiers par le Président, M. Jiménez de Aréchaga. Dans la seconde, j'examinerai à nouveau le
tracé que soutient le Honduras afin d'étudier certaines questions particulières qui ont été mises en
avant, hier, par nos adversaires, divisant cet examen en deux parties.
A) Les erreurs d'El Salvador quant à l'interprétation
du titre d'Arcatao
1. La question centrale, si l'on s'en tient au seul titre d'Arcatao, est celle-ci : est-ce que
l'arpenteur a dépassé la rivière Sazalapa ? Dans le contre-mémoire du Honduras, la question a été
analysée et la réponse - en ne faisant fond, je le répète, que sur le texte du titre d'Arcatao - est
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négative (CMH, vol. I, p. 289-291). Et la raison en est très simple. Pour arriver au résultat voulu,
El Salvador a introduit certaines modifications dans l'emplacement des lieux auxquels se réfère le
document d'Arcatao.
2. Avec votre permission, Monsieur le Président, et au risque d'alourdir mon exposé, je
voudrais mettre en évidence ces modifications d'El Salvador en relevant les données les plus
essentielles qui démentent l'interprétation de nos contradicteurs.
Mais avant de montrer ces erreurs d'interprétation, il y a lieu de préciser quelque chose. Le
Président Jiménez de Aréchaga, a intitulé sa première question "a) The line of the boundary between
Manaquila River and the Chupadero de Agua Caliente". Cet énoncé est assez ambigu, et je
voudrais signaler que sur la carte salvadorienne 6.III, la "rivière Manaquila" se trouve très au sud,
et, d'autre part, au sud de la rivière Sazalapa, très au sud aussi, se trouve la "rivière Guayampopo".
Vous avez ici, sur la carte, le "Manaquila river", et vous avez ici le "Guayampopo river", ce sont les
points Manaquila et Guayampopo; et ici, très loin, est la rivière Sazalapa. Si tel est le cas, si la
rivière Guayampopo est bien au sud de la rivière Sazalapa, je n'arrive pas à comprendre le reproche
d'El Salvador à propos de la rivière Guayampopo, puisqu'il affirme, d'un côté, que "le Honduras la
supprime complètement" jusqu'à ce qu'elle "disparaisse sans laisser de trace" et, par ailleurs, que le
Honduras ne considère pas que la rivière en question constitue "the boundary nor proposes any
alternative location for it" (C 4/CR 91/16, p. 14).
Eh bien, si le Honduras ne se réfère pas à cette rivière Guayampopo, c'est pour une raison
assez simple : c'est parce que le titre d'Arcatao nous dit qu'"en suivant le cours du Guayampopo, qui
coule du sud au nord, nous avons atteint la source du Gualmoro", où l'arpentage s'arrête (CMES,
annexes, vol. IV, p. 7, trad. fr. p. 84). Et quand il reprend, le 10 août, on ne dit plus rien dorénavant
de la "Guayampopo River". En revanche, il existe une donnée significative : on continue l'arpentage
en reprenant à "la rivière Gualmoro". Non pas à la source du Gualmoro mais, sans plus de
précision, "à la rivière Gualmoro". Et c'est là que commencent les erreurs d'interprétation
d'El Salvador; d'où le fait que le Honduras ne peut guère proposer "any alternative location for it"
que peut-être une commission de démarcation serait à décider. C'est là, de l'avis du Honduras, une
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question qui ne ressort pas du cadre géographique du présent débat. Mais il n'en va pas de même du
texte du titre d'Arcatao à partir de "la rivière Gualmoro", vu que c'est là que commencent les erreurs
salvadoriennes.
- Première modification dans l'interprétation d'El Salvador : elle se rapporte à l'emplacement
de la "source (cabecera, en espagnol) du fleuve Gualmoro", le point où l'arpentage s'est poursuivi le
10 août 1723. El Salvador place ce point très haut, à proximité du village d'Arcatao. Or, il s'agit de
la source du fleuve Guayampopo; et comme vous pouvez le constater sur la carte 4.1, la "quebrada
Gualmora" rejoint la "quebrada Grande" pour se déverser dans ce fleuve. La source du fleuve
Gualmoro est donc plus en bas et plus à l'ouest.
Messieurs les Juges, je vous montre ici l'emplacement. Le Guayampopo River continue ayant
sa source très haut; puis la "quebrada Gualmoro" est ici et elle fait jonction avec la "quebrada
Grande" et elle continue en direction de l'est.
Alors, ce n 'est pas la même chose de placer la source de la "quebrada Gualmoro" ici ou de la
placer là-haut. La différence dans l'interprétation est assez considérable.
- Deuxième modification : l'emplacement du ravin de Colomariguan. Le titre d'Arcatao nous
dit qu'à partir du ravin de Gualmora ("río de Gualmoro") l'arpenteur a suivi la direction "sud-nord",
mais je souligne, à partir de la rivière Gualmoro, et a mesuré vingt cordes jusqu'au ravin "la
quebrada", en espagnol, de Colomariguan, point que nos adversaires situent aux abords du fleuve
Sazalapa. Très près du fleuve Sazalapa. Et puis, toujours en allant du sud vers le nord, on est
arrivé, disent nos adversaires, au Chupadero del Agua Caliente, le point extrême vers le nord du
tracé salvadorien. Je signale le point. Ils ont placé ici la source du Gualmoro. Ils ont placé la
Colomariguan Gorge ici, aux abords de Sazalapa, mais vous verrez que si on change le point de
départ, les mesures peuvent facilement monter vers le nord. Mais ce point-ci mérite quelques
commentaires.
Une question en effet mérite d'être soulevée concernant la traduction française et anglaise du
titre d'Arcatao. Le document espagnol, après avoir mentionné le dernier point du Chupadero del
Agua Caliente, indique ce qui suit, et je cite en espagnol : "habiendo venido por la cuchilla del
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Cerro Colomariguan"; c'est-à-dire qu'on est arrivé au Chupadero del Agua Caliente "en venant par
la dorsale ou ligne de crêtes de la colline de Colomariguan". Tandis que, dans la traduction
anglaise et française des annexes d'El Salvador (MES, annexes, p. 17), on a mis un point après
l'expression "Chupadero del Agua Caliente" et on a ajouté "Passant par la dorsale de la colline de
Colomariguan on arrive ...", ce qui est de nature à modifier le sens du texte espagnol. Mais ceci dit,
face à l'interprétation d'El Salvador, deux remarques sont à faire. D'une part, il est surprenant que
l'arpenteur, qui va jusqu'à indiquer de petits ravins, n'ait pas mentionné la rivière Sazalapa qu'il
devait nécessairement traverser en allant vers le nord selon le tracé salvadorien, à partir du ravin de
Colomariguan jusqu'au Chupadero del Agua Caliente (et, soit dit en passant, les annexes en anglais
et en français ont traduit quebrada, ravin, torrent, par "vallée" de Colomariguan, ce qui n'est pas la
même chose (MES, annexes, p. 17), d'autre part, puisque le document espagnol nous dit "en venant
par la dorsale de la colline de Colomariguan" où est la dorsale de cette colline d'après l'interprétation
d'El Salvador ? Colline d'ailleurs escarpée, comme le met en évidence le mot en espagnol cuchilla
employé dans le document. Non, entre le ravin de Colomariguan et le Chupadero del Agua Caliente,
si l'on suit le tracé salvadorien en violet, il n'y a pas aucune colline escarpée; il s'agit de la vallée de
la Sazalapa, comme on peut le constater sur la carte 4.1. Par contre, selon l'interprétation du
Honduras, il y a concordance entre le texte et la géographie de cette partie du tracé. Vous pouvez en
effet constater qu'à partir du ravin de Gualmoro, plus à l'est, où l'on commence à marcher du sud
vers le nord, il y a d'importantes élévations et l'on peut donc parler de la "Dorsale de Colomariguan".
- Enfin, selon la réplique d'El Salvador, l'arpenteur, après avoir longé une colline longue et
étroite, est allé jusqu'à "une petite vallée"; vallée qui "descend vers le confluent des rivières
Qualquire et Sazalapa". Mais je dois à nouveau attirer l'attention de la Chambre de la Cour : il ne
s'agit pas d'une "vallée", il s'agit d'un "ravin", un torrent dans le texte espagnol; et ce n'est pas la
même chose.
Mais, ceci dit, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'argument d'El Salvador pour
démontrer qu'on a monté en haut du Sazalapa, on a continué vers l'est et puis on est descendu, est un
argument singulier. Le Président Jiménez de Aréchaga a même dit que l'expression espagnole est :
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"bajà, descend". Et alors je pense qu'ici il y a un problème qui n'est pas un problème de droit. Vous
voyez qu'il y a une zone hydrographique où le centre est la Sazalapa; ici il y a des montagnes; les
ravins ou les torrents descendent vers la vallée de Sazalapa. Ici en haut, il y a d'autres torrents qui
descendent, parce que je pense que c'est une loi de la nature : où il y a un cours d'eau qui est plus
petit, il vient tomber dans le plus grand. Et il vient tomber, soit d'ici vers le nord, soit du nord vers le
sud. Mais je souligne un autre fait : c'est que le texte a été déformé ici par l'interprétation
d'El Salvador. Si El Salvador pense que l'arpenteur est descendu du nord vers le sud, il aurait longé
la rivière Gualquire. Et le texte ne fait aucune référence au fait qu'on ait longé la rivière Gualquire;
ce qui descend, c'est un petit ravin qui va au confluent de Sazalapa et Gualquire; pas l'arpenteur,
pas l'arpentage n'ont dépassé la rivière de Sazalapa.
Mais vous comprenez que nous sommes ici dans un terrain d'interprétation. Le titre est clair
et on peut l'interpréter à l'aide de données géographiques. Mais il y a une donnée du titre sur lequel
El Salvador garde un silence prudent. L'arpenteur est arrivé à l'endroit nommé Chupadero de
l'Agua Caliente en venant du sud vers le nord. Et à cet endroit, il a changé de direction "pour aller
de l'ouest vers l'est", direction qu'il ne modifie pas, et il arrive ensuite à un lieu où il y a des arbres
appelés Sicaguites, puis, au petit ravin qui descend vers le confluent des rivières Gualquire et
Sazalapa, pour remonter finalement cette rivière (la dernière) en amont. Or, l'arpenteur ne change
pas de direction à partir de Chupadero de l'Agua Caliente; il va toujours d'ouest en est.
Qu'arriverait-il en admettant l'interprétation d'El Salvador ? Si on admet son interprétation, qu'il
dépasse Sazalapa, on aurait continué comme çà; cela n'a pas de sens.
Si on admet l'interprétation hondurienne, vous pouvez voir que tous les points suivent un cours
ouest-est et on commence à longer les terres de Sazalapa. Mais il y a un autre point; il y a d'autres
données qui vont à l'encontre de l'interprétation d'El Salvador. Je m'excuse de m'attarder sur ce
point, mais je pense que mon contradicteur l'a fait longuement.
- Et la première est la suivante : après El Chupadero de l'Agua Caliente, il va, de l'ouest vers
l'est, jusqu'aux arbres de Sicaguites. Et il est frappant de constater que, selon l'interprétation du
Honduras, il y a précisément un lieu appelé Sicahuites, ce qui concorde avec la carte
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hondurienne 4.1 qui représente, au même endroit, un lieu nommé Sicaguites. Vous retrouvez la
référence d'El Salvador, Sicahuites, à la carte 6.3 du Book of Maps. Vous trouvez le Sicahuites, le
lieu appelé Sicahuites, dans la carte hondurienne 4.1.
- Deuxième point : si l'arpenteur était descendu du nord vers le sud, comme le soutient
l'interprétation d'El Salvador, selon le tracé en violet de la carte 4.1, il l'aurait fait en longeant la
rivière Gualquire. J'ai déjà dit que le titre d'Arcatao n'indique pas ce fait. Il se réfère au petit ravin
qui "descend vers le confluent des rivières Gualquire et Sazalapa".
- Enfin, arrivé au confluent du Gualquire et de la Sazalapa, ce document nous offre une
indication assez importante : l'arpenteur a suivi la même direction de l'ouest vers l'est, el mismo
rumbo en espagnol, marchant en amont de la rivière Sazalapa (arriba de Sazalapa) et cela se faisait
"en longeant la province de Gracias a Dios" (lindando con la provincia de Gracias a Dios), les
terres étant celles de la Hacienda de Sazalapa (que son tierras de la Hacienda de Sazalapa). Il en
résulte donc que la rivière de Sazalapa est la limite des anciennes provinces.
Qu'il me soit permis, Monsieur le Président, de vous indiquer pourquoi j'ai utilisé une fois
encore, après les mots français, ceux du texte espagnol, car la traduction de l'annexe 6.4 du mémoire
d'El Salvador n'est pas exacte; et ces erreurs se sont répétées dans la traduction du paragraphe 3.49
de la réplique d'El Salvador. L'expression el mismo rumbo, la même direction, a été traduite par "la
même route"; et la fin de la phrase soulignée est aussi erronée en français; après la référence à la
province de Gracias a Dios, ce que dit le texte espagnol c'est que les terres que longeait l'arpenteur
appartenaient à la Hacienda de Sazalapa. Je vous prie d'excuser ces remarques sur les problèmes de
traduction du texte espagnol, je pense que le texte espagnol est clair, mais la traduction anglaise qui
a suivi, a été faite avec certaines modifications et la traduction française a suivi les erreurs.
Mais ceci dit, quelle conclusion peut-on tirer de l'examen qui précède ? Très brièvement on
pourrait la résumer ainsi : l'arpentage fait en 1723 n'a pas dépassé la rivière Sazalapa; et
l'interprétation d'El Salvador, en plaçant au nord de cette rivière El Chupadero de l'Agua Caliente et
les arbres de Sicaguites, trouve son démenti dans ce document lui-même et dans les données
géographiques de la zone. Comme on le verra ensuite, cette conclusion est corroborée par un autre
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document : l'arpentage de Sazalapa qui est un document postérieur.
B) De la borne de Pacacio à la rivière Sazalapa
2. Je passe ainsi à mon deuxième point. Je me propose d'examiner le tracé hondurien de la
borne de Pacacio à la rivière de Sazalapa, c'est-à-dire je retourne à mon intervention d'hier. Je
commence ici à la borne de Pacacio; je vais suivre la première partie du tracé, puis la deuxième
partie du tracé, en amont de la rivière Sazalapa jusqu'à un point où on commence à aller en direction
sud-est.
Je crois avoir, grâce à l'examen auquel je viens de procéder, fait la lumière sur une bonne
partie des erreurs d'interprétation commises par El Salvador à propos du titre d'Arcatao de 1724. Et
avoir répondu aux remarques formulées par M. Jiménez de Aréchaga aux chapitres A) et B) de la
première partie de son intervention. Mais je ne saurais terminer ici ledit examen sans faire au moins
plusieurs observations que j'estime d'importance.
Premièrement : Je reviens à la première partie du tracé, c'est-à-dire celle comprise entre la
borne de Pacacio et la borne Poza del Toro. Là, j'ai déjà dit qu'El Salvador souffre d'un "vide" de
titres. Je prends bonne note de ce que cette remarque n'a pas obtenu de réponse, ce qui fait que la
thèse du Honduras garde toute sa valeur. Et je prends note également qu'indirectement cela a été
admis par El Salvador puisque le Président Jiménez de Aréchaga a affirmé : "Admittedly, it (the
Arcatao Title of 1724) does not cover the whole area claimed by El Salvador" (C 4/CR 91/16,
p. 10). Il s'agit de la première partie du tracé hondurien ce qui m'amène à demander de nouveau : si
le titre d'Arcatao ne couvre pas cette partie du tracé, sur quel fondement repose la délimitation à
laquelle vise El Salvador, beaucoup plus vers le nord que celle du Honduras ? Seraient-ce les
"effectivités" ? Et dans l'affirmative, El Salvador peut-il indiquer à la Chambre de la Cour un seul
moyen de preuve, je répète, un seul moyen de preuve qui se rapporte à cette première partie de son
tracé ? Je me demande simplement comment on peut démontrer l'écart existant ici en vue de titre, ici
les prétentions fondées par les effectivités. Mais dans toute cette partie qui n'est pas certainement
petite vous ne trouvez un seul document dans les annexes du Salvador. Bon, j'ai fini avec la
première partie du tracé.
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- Deuxièmement : passons à la deuxième partie du tracé hondurien, et cette deuxième partie
est le cours de la rivière Sazalapa. Vous le voyez bien sur la carte 4.1, d'ici, jusqu'ici. Et bien,
qu'est-ce que nous avons sur ce tracé ? J'ai répété pas mal de fois les données les plus saillantes. On
sait que, selon le titre d'Arcatao, correctement interprété, l'arpenteur n'a pas traversé la rivière en
question. Alors : les arguments et les données que nous tirons de la consultation des titres de la
Hacienda de Sazalapa de 1741 ont-ils été anéantis, avec le nouvel arpentage du XIXe
siècle, avec le
croquis de la "cure" de Guarita et avec la note d'El Salvador du 9 février 1946 ? La réponse est non
et la thèse du Honduras sur la délimitation demeure valable dans son intégralité, puisque depuis le
XVIIIe
siècle jusqu'au siècle actuel, c'est-à-dire dans toute l'histoire avant et après l'indépendance, il
existait une concordance dans les limites des provinces et dans les limites des nouveaux Etats sur la
rivière de Sazalapa.
Et j'arrive ainsi à la dernière partie de mon exposé : la délimitation de la rivière Sazalapa
jusqu'au point extrême du secteur, la Poza del Cajon.
C) De la rivière Sazalapa à la Poza del Cajon
1. J'ai fait l'examen d'ici jusqu'ici pour simplifier mon exposé. Mais ici je vais répondre très
brièvement au point C) de la première partie de l'exposé du Président Jiménez de Aréchaga et aussi
au point II de cette même intervention. Je m'efforcerai d'être aussi bref que possible, en me limitant
à l'essentiel et en ne traitant que des données les plus saillantes du tracé hondurien.
Primo : Dans "The line of the boundary running from north to south" - c'est le titre de la
rubrique du Président Jiménez de Aréchaga - mon contradicteur se trouve confronté à une difficulté
évidente. Il existe en effet trois points triples, comme j'espère l'avoir démontré dans ma précédente
intervention : le premier, c'est la borne du Guanacaste, ici, appelée "Platanar" dans un titre, appelée
la "Cañada" dans un titre du XIXe
siècle; et c'est le point triple d'Arcatao, Lacatao, et Colopele
depuis l'arpentage de Colopole qui a été fait à la fin du XVIIIe
siècle. Ce point est difficile à nier; il
y en a un deuxième, Arcataguera, point triple de Gualcimaca, Lacatao et Arcatao, à partir de 1783
et puis il y a un troisième, Lagunetas, point triple entre Arcatao, Nombre de Jesus et Lacatao. Je
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pense que ces trois points triples nous donnent la mosaïque, et alors la détermination des points n'est
pas difficile. Vous avez les documents concernant trois domaines et les points peuvent facilement
être localisés à partir de documents concernant ces trois terrains. Et bien sur les deux dernières,
Arcataguera et Lagunetas, le Président Jiménez de Aréchaga a été très bref mais sur la borne de
Guanacaste, celle qui est ici, le premier tripoint de Guanacaste, par contre, le Président Jiménez
de Aréchaga s'est beaucoup plus étendu (C 4/CR 91/16, p. 17-21), étant donné que, comme il le
reconnaît lui-même, la localisation de ce point
"affects the whole interpretation of this section of the Formal Title-Deed adopted by Honduras
by projecting this section towards the south and the west" (ibid, p. 20).
Et en bonne logique, il a affirmé qu'il s'agit d'une borne "nouvelle" - vous l'avez écouté - et que sa
localisation est le résultat de l'arbitraire ou de l'imagination du Honduras, en ajoutant que "I cannot
understand how they locate it there" (ibid., p. 19). Parfait, je serai très bref : si El Salvador
abandonne la thèse du "titre solitaire" et entre dans la "mosaïque" ou bien dans le "cocktail" des
autres documents de 1741 (arpentage de la Hacienda de Sazalapa), de 1776 (premier arpentage de
San Juan de Lacatao) et de 1779 (arpentage de Colopele), la réponse est on ne peut plus claire : tous
les documents concordent avec le titre d'Arcatao. Ce qui ne peut concorder avec ces documents,
c'est l'interprétation salvadorienne. Je le dis très simplement, d'abord, sans rien dans le titre de 1724
qui l'autorise, El Salvador étend ce dernier jusqu'à la source de la rivière Sazalapa; le titre ne fait
aucune référence à la source de la rivière Sazalapa; deuxièmement, sur la base de la simple référence
à "some heighty hills" il le situe arbitrairement au Cerro del Fraile et puis, au lieu d'aller vers le
nord-sud à partir d'Arcataguera, comme indiqué dans le document de 1724, il le fait tourner vers l'est
puis vers le sud. Et finalement, El Salvador oublie qu'à côté de tous les documents du XVIIIe
siècle
que j'ai cités dans mon intervention, il y a l'arpentage des terres de San Antonio de Las Cuevas,
de 1837, c'est-à-dire dans une période "non suspecte"; et le nouveau titre confirme les données des
titres précités du XVIIIe
et du XIXe
siècles se référant à "l'endroit de la Cañada, appelé anciennement
Guanacaste, où l'on a rencontré les deux bornes de pierre ensemble, et il m'a été dit que l'une d'elles
appartenait aux terres du village d'Arcatao de la juridiction de l'Etat et l'autre au domaine de
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San Juan..." (MH, annexes, vol. IV, p. 2043-2044).
Voilà pour ce qui est de l'explication de la localisation de Guanacaste à cet endroit et j'espère
recevoir, au moins, une réponse de la part d'El Salvador, accepte d'abandonner la critique de tout
titre postérieur à celui de 1724, en établissant des distinctions et des sous-distinctions successives.
Les faits, malheureusement, sont têtus.
Finalement, je voudrais faire valoir que si les arguments du Honduras concernant les trois
points antérieurs - Guanacaste, Arcataguera et Las Lagunetas - tiennent l'analyse, c'est tout le tracé
d'El Salvador qui s'effondre complètement, et peu importe les amples digressions sur le Cerro
El Caracol ou les contradictions sur les titres de Gualcimaca ou de San Juan de Lacatao. Non, dans
la quatrième et la cinquième parties du tracé hondurien, les documents, si on les lie conjointement,
parlent d'eux-mêmes, il n'y a pas lieu de répéter les données exposées par le Honduras dans ses écrits
auxquels je renvoie.
Mais je dirai deux choses à propos de El Caracol. Je me réfère au contre-mémoire
d'El Salvador où on a accepté la concordance des bornes entre Gualcimaca et Arcatao, et cette
concordance porte entre les bornes Guampa, Caracol, Sapo et d'autres. Je ne comprend pas
pourquoi maintenant on essaye d'écarter, cette concordance concernant El Caracol. El Caracol, au
fond, est une des bornes communes du titre d'Arcatao et du titre de Gualcimaca, et si il y a une autre
montagne plus au nord, un mont qui s'appelle Cerro El Caracol, ici, vous trouverez pas mal de cas,
dans bien des zones, où il y a d'autres lieux. El Salvador ne peut prétendre, parce que le Cerro
El Caracol est ici que la borne El Caracol du titre d'Arcatao et du titre de Gualcimaca soit ici :
l'argument ne tient pas. Je pense que cet argument cartographique ne vaut pas la peine.
Et pour terminer, Monsieur le Président (je vais vous prendre encore cinq minutes), une brève
allusion au tracé de la sixième partie. El Salvador doit reconnaître qu'il n'y a aucun titre entre
Lagunetas et le point extrême du secteur, à l'est. Et, comme il n'a pas de titre, comme tabula in
naufrago, il fait ressortir le moment historique du Bachiller Simon Amaya (parce qu'il s'agit d'une
personne et non d'un lieu). Mais le Bachiller et son successeur actuel sont confrontés à attaines
donnés qui vont contre la position d'El Salvador : d'abord, l'arpentage de Nombre de Jesús de 1742
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qui est inclu dans un titre hondurien; deuxièmement, il existe l'arpentage de San Juan de Lacatao
de 1776; troisièmement, le titre de San Juan de Lacatao de 1796; puis le titre républicain qui a été
arpenté entre 1835 et 1844. Et dans tous ces cas que trouve-t-on ? On trouve, dans les titres du
XVIIIe
siècle, que, quand on a arpenté d'ici à ici, il y avait un grand mont où il y avait une borne; et
tous les titres disent que c'est la borne de Nombre de Jesús, c'est El Cerro de La Bolsa. Et quand il a
été arpenté au XIXe
siècle, alors on dit "les propriétaires de Nombre de Jesús sont venus et ils ont
reconnus la borne de La Bolsa", et on reconnaît aussi, dans le document, une deuxième borne, ici. Et
troisièmement, Lagunetas, la troisième borne de Nombre de Jesús.
Et je me réfère à un dernier point, très brièvement. C'est une question de fait qui a été évoquée
hier par mon illustre contradicteur : la question de la rivière Tuquin, del Amatillo ou Palo Verde, qui
n'est pas représentée sur la carte hondurienne 4.1. El Salvador a parfaitement raison : elle n'y est pas
représentée. Mais une fois cela reconnu, deux brèves remarques :
- la première : nous avons présenté aujourd'hui à la Chambre de la Cour une
orthophotographie, c'est-à-dire une photographie aérienne corrigée pour éviter les erreurs de
photographie, dont malheureusement la copie que vous avez n'est pas d'excellente qualité parce
qu'elle a été faite ce matin-même. Et dans cette orthophotographie (j'ai le privilège de pouvoir
utiliser l'original), si vous la projetez contre une lumière, même si la qualité photographique de celle
que vous avez n'est pas bonne, vous pouvez voir le tracé du grand fleuve Lempa. Ici à gauche, on
arrive à l'Amatillo, et on suit le cours de l'Amatillo. Vous voyez à droite qu'il y a un lieu qui
s'appelle Los Planes de Las Vegas, on suit le court vers la gauche, vers l'est et le nord-oest, et ici je
signale trois points. Premier point : vous voyez un premier torrent, un premier ravin à gauche - car
l'Amatillo tourne à gauche -, vous trouvez à la gauche du fleuve un premier torrent, vous en trouvez
un deuxième au milieu, ici presque au point où il y a un croisement de lignes blanches et un troisième
qui s'appelle Marias, en bas de la Loma de Los Morros. Et bien, des trois torrents qui sont ici à
gauche, celui qui est au milieu est le torrent Tuquin del Amatillo ou Palo Verde. Nous n'avons pas
tracé la ligne sur la terre sèche, nous l'avons tracé sur un torrent, et il y en a trois.
Monsieur le Président, je pense que je n'ai rien d'autre à ajouter, seulement de rappeler que la
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remarque de fait admise ne porte pas de conséquence sur le tracé hondurien. Je prie le
Président Jiménez de Aréchaga de m'excuser si je m'adressais à lui en évoquant un argument, c'est
simplement une mauvaise habitude académique. Merci.
The PRESIDENT: I thank Professor González Campos and I would like to hear from the
delegation of El Salvador whether they would be prepared to present their rejoinder this afternoon or
tomorrow - at their choice.
Mr. MARTINEZ MORENO: Mr. President, El Salvador would like to make its rejoinder
tomorrow morning, but it is going to be a very short statement - 15 or 20 minutes. So maybe
immediately after President Jiménez de Aréchaga has spoken, Honduras could start talking about the
fourth sector - Naguaterique. That is the best way to gain time.
The PRESIDENT: I thank Ambassador Martinez Moreno, and I wonder if the delegation of
Honduras would like to reply to the suggestion just made by Ambassador Martinez Moreno?
Mr. VALLADARES SOTO: Mr. President, we would respectfully argue to permit us to start
with Naguaterique tomorrow morning and continue with the same zone in the afternoon, if it is
possible.
The PRESIDENT: I thank Ambassador Valladares Soto. The sitting will be adjourned until
tomorrow at 10 o'clock.
The Chamber rose at 11.38 a.m.
___________

Document Long Title

Public sitting of the Chamber held on Wednesday 8 May 1991, at 10 a.m., at the Peace Palace, Judge Sette-Camara, President of the Chamber, presiding

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