Minutes of the Public hearings held at the Peace Palace, The Hague, from 15 April to 14 May 1969 the President, M. Bustamante y Rivero, presiding

Document Number
050-19690415-ORA-01-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1969/1
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

COUR INTERNATIEEJUSTICE

MÉMOIRES.PLAIDOIRIESET DOCUMENTS

AFFAIREDELABARCELONA

TRACTION, LIGHTANDPOWER
COMPANY,LIMITED
(NOUVELLEREQUETE1962)

(BELGIQUE c. ESPAGNE)
VOLUME VI11
Procédorale (deuxième phase)

INTERNATIONAL COUFSTICE
PLEADINGS, ORALARGUMENTS,DOCUMENTS

CASECONCERNING THE

BARCELONA TRACTIONL , IGHT
ANDPOWER COMPANY, LIMITED

(NEW APPLICATI1962)
(BELGIUv.SPAIN)
VOLUMEVlll
OralProceedings(secondphase) Référenceabrégée:
C.I.J. Mdmoires,BarcelonaTraction,Light andPowerCompany,
Limited (voVI11lee1962).

Abbreviated reference:
I.C.]. Pleadings, BarcelonaTraction,Light andPowerCompany,
Limited (Vol. VI11cation: 1962).

Nodevente:
salenomber418 1 AFFAIREDE LABARCELONA
TRACTION,LIGHTAND POWER
COMPANY,LIMITED

(NOUVELLEREQUETE:1962)
(BELGIQUEcESPAGNE)

CASECONCERNING
THEBARCELONA TRACTION, LIGHT
AND POWERCOMPANY,LIMITED

(NEW APPLICATION:1962)
(BELGIUMvSPAIN) COUR INTERNATIONALJUSTICE

MÉMOIRES,PLAIDOIRIESET DOCUMENTS

AFFAIRE DE LABARCELONA

TRACTION,LIGHTANDPOWER

COMPANY,LIMITED
(NOUVELLE REQUETE: 1962)
(BELGIQUc.ESPAGNE)

VOLUMEVI11
Procédure eeuxième phase)

INTERNATIONAL COURJUSTICE

PLEADINGS, ORAL ARGUMENTS, DOCUMENTS

CASECONCERNINGTHE

BARCELONATRACTION,LIGHT
ANDPOWERCOMPANY,LIMITED

(NEW APPLICATION: 1962)
(BELGIU1.SPAIN)

VOLUME Vlll
OralProceessecondphase) VI1
PLAN GÉNÉRAL DE LA PUBLICATION

L'affaire de laBarcelonaTraclion. Light and Powir Gompany, Limilcd
(nouvelle requéle:1962). inscrite au rBlegénéralde la Coursous le numéro
50 le 19 juin 1962. a fait I'objet de deux arréts rendus le 24 juillet 1964
(Barcelona Tracfion, Light and PowerCompany, Limiled. exceptions
préliminairesarréf,C.I.]. Recueil 1964, p. 6) et leg février1970 (Barce-
Iona Traclion. Light and PowerCompany, Limited. deuxièmephase, arréf.
C.I.]. Recueil 1970, p. 3).
Les mémoireset plaidoiries relatifs A cette affaire sont publiésdans
l'ordre suivant:
Volume 1. Introduction de l'instance et début de la procédure écrite;
Volumes 11-111. Procédureorale le.ce~t.ons ~réliminaires) :
Volume IV. Contre-mémoire;
Volume V. Réplique;
\'olumes VI-VII. Duplique;
Volumes VIII-X. Procédureorale (deuxièmephase) et correspondance.
Les documents (annexes aux pièces de procédure écriteet documents
prtsentés après la fin de la procédureécrite) seront traités séparément.
N.B. - 1.edossier de la premièreaffaire de la BurcelonaTracfion.Lighl
and PowerCompany, Limited, introduite en 1958et rayéedu rôle en 1961.
a fait également l'objet d'un traitement séparé (voir C.I.J. Meinoires.
BarcelonaTracfion. Light and PowerCompany.Limited).

GENERAL PLAN OF PUBLICATION

Thc case concerning the Barcelonaï'racfion,Lighl andPowerCompany,
Limiled (New Applicafion: 1962), entered as No. 50 in the Court's
General List on 19June 1962.was the subject of two judgments. the first
of 24 July 1964 (BarcelonaTraclion. Light and PowerCompany, Limitcd,
Preliminary Objections,]udgmenl. I.C.]. Reports 1964, p. 6) and the
second of5 February 1970(BarcclonaTraclio~i,Lighl andpowerCompany,
Limitcd. SecondPhase,/udgmenl. I.C.]. Reports 1970, p. 3).
is as follows: publication of the pleadingsand orulargumenfs inthis case

\'olurne1. Institutiori of proceedings and initial pleadings.
i'ulu~~s Ill. Oral 1)roi:redings(preliminary ob~ections).
\'olume IV Colinter-Jleinurial..
~olume V. RL&;
Volumes VIII-X. Oral proceedings (secondphase) and correspondence.

The documents (annexes to the pleadings and documents submitted
alter the closure of the written ~roceedin-.) will be treated ~eparatel)~.
N.B. The documentation in the first case concerning the Harcelons
Traclion, Lighl and PowerCompany. Limifed, brought before the Court
in 1958and removed from the List in 1961. bas also been the subject of
separate treatment (see I.C.]. Pleadings. BarcelonuTraction, Light and
PowerCompany, Limifed) Le présent volume contient le texte des plaidoiries prononcées lors de
la deuxieme hase de l'affaire au cours des audiences uubliaues tenues
du 15 avril ai14 mai 1969.
Les renvois ont étémodifiéspour tenir compte de la pagination de la
présente édition. Lorsqu'il s'agit d'un renvoi un autre volume de la
présenteédition,un chiffre romain gras indique le numérode ce volume.

CONTENTS OF VOLUhIE VI11

This volume contains the text of the oral areuments relatine to the
second phase of the case presented during th; public hearings from
15 April to14 hlay 1969.
The page references originally appearing in the pleadings have been
altered to correspond with the pagination of the present edition. \Vhere
the reference is to another volume of the Dresent edition, the volume is
indicated by a roman figure in bold type* TABLE DES MATIÈRES

Page
OUVERTUR EE LA PROCEDUR ERALE .......... 7

DÉCLARATIO NE M. DEVADDER ............... 9
PLAIDOIR DIE M .ROLIN:Introduction générale ........ II

Importance csccptionnc.llc (le l'affair........... II
hlTraction ........................rités imputcàsla H~rccloiia II
Réfutation de l'allégation d'une faillite latente de la Barcelona
Traction ....................... 12
Nécessitéde transferts de devises ............. 14
Personnalité et buts de Juan hlarch ............ 15
Attitude bienveillante du Gouvernement espagnol à l'égard de
hlarch ........................ 17
Hostilité espagnoleà l'égardde l'ONU et du ministre belge des
affaires étrangères.............. 17
Marquier et hfaluquer .................. 19
Jugement de faillite et mesures ultérieures ......... 20
Degrésdivers de complaisance des magistrats espagnols .... 22
Caractère paradoxal des troisièmeet quatrième exceptions ... 23
Ordre et méthodede la présentation orale de la thèsebelge... 24
Fondements juridiques de la demande belge ........ 27
Usurpations de compétence .......... 27
Abus de droits .......... : ......... 35
Dénisde justice .................... 43
Grief global...................... 49
ARGUMEN OTFMR . MANN:Acts of Spaiiish admiiiistrative authori-
ties .......................... 55
Legal principles applicable to exchange control ....... 55
Attitude of exchange control authoritjes 1931-1936 ...... 60
Attitude of exchange control authorit!es 1936-1944...... 64
Attitude of exchange control authorities 1945-1948...... 72
Political activities 1950.19................ 98
Appointment of Committee of Experts ........... 99
Joint declaration..................... 106
Spanish communiqué of 16 June 1951 ........... 107
PLAIDO~RI EE M. VAN RYN: Le jugement de faillite et sa misà
exécution ........................ 110

.ien faillite.................elona Traction avantla déclaration
Strataghe conçu par Juan March et ses conseillers . . ...
M .Rolin: présentation d'une compilation de dispositionsperti-
nentes du droit espagnol .............
Ordre de présentation des griefs...........
Requêteinitiale en faillit.............. X BARCELONA TRACTION
Page
Attitude du tribunal de Reus et des organes de fa faillite... 122
Griefs du Gouvernement belge ............... 125
Première catégoriede griefs: usurpation de compétence .... 126
Les conditions juridiques d'une déclaration en faillite n'étaient
pas réunies ...................... 127
Irrégularité dela publication du jugement de faillite ..... 136
Aléconnaissancede la personnalité juridique des filiales et sous- . 143
filiales ........................
Rapidité et extension de l'exécutiondu jugement de faillite . .
Révocation des dirigeants des filiales ............
Réaction des banques espagnoles ..............
Raison du juge de Reus pour ne pas respecter la personnalité
juridique des filiales ..................
Validité en droits canadien et espagno* .es sociétésd'une
personne .......................
Rédu juge de Reusgume.................... à l'appui des décisions
Réfutation des arguments par analogie ...........
Extension de la saisie des filiales..............
La notion de possession médiate et civilissime ........
Question by Judge Jessup concerning text of opinion by Mr .
Pattillo ........................
Le principe d'ocupacidn ..................
L'exercicedes droits attachésaux actions de la société .....
Reproche fait à la Barcelona Traction d'avoir refuséde transférer
ses biens aux organes de la faillite ............
Lationlides droitsattachés aux actionsentr...........ésincorpora-
Réponse à bl.Jessup au sujet du texte de l'opinion de M .Pattillo
La normalisation udes filiales ..............
Renvoi des administrateurs de i'Ebro et nomination denouveaux
administrateurs .....................
Remplacement des avoués .................
Hispanisation de I'Ebro ..................
Créationd'un nouveau registredes actions; émissionde nouveaux
certificats d'actions..................
Responsabilité de 1'Etat espagnolusl d.................

PLAIDOIRIE DE hI.ROLIN:Le blocage des recours ........ 240
Declinatorias ...................... 242
Caractère artificiel des declinalorias ............ 245
Contestation par Boter de la qualité(jus slandi) des demandeurs
de la faillite..................... 248
Octroi d'un délaiextraordinaire pour la production despreuves . 249
Requêtes de Namel et Genora aux fins d'une convocation des 250
créancierspour faire désignerdes syndics ......... 252
Griefs àl'encontredel'arrêt dela cour d'appel du 7juin 1949 . . 255
Contestation par Genora du jus slandi de la Barcelona Traction 259 TABLE DES MATIÈRES XI
Page
Responsabilité imputée à la Barcelona Traction dans les retards
survenus ....................... 262
Intervention d'Andreu et de Sagnier ............ 264
Poursuites pénalescontre Lostrie ............ 265
Annonce par le Président de la déckion de la Cour au sujet de
l'opinion de M. Pattillo ................. 267
Refus par les tribunaux de reconnaître le jus slandi de deman-
deurs cherchant à exercer un recours ........... 268
Rejet du recours de 1'Ebro en reconsidération du jugement de
faillite ........................ 269
Rejet de l'intervention de la National Trust ......... 275
Intérêtde I'Ebro ..................... 276
Validitéde la représentation de i'Ebro ........... 277
.~des filiale........................euret des administrateurs 279
Refus de reconnaître le jus standi de la National Trust ....
.....naissance du ius standi du comité des oblieataires I'rior 284
Lien ......................... - 285
Substitutions d'avoués suivies de désistements ....... 291
Décisionsdonnant forcede chose jugéeau jugement de faillite . 297
Ordonnances des 2 et 17 mars 1948 ............. 297
La oublication du .ug.ment en tant qu..point de départ du délai
dA'opposition ...................... 298
Décisionsdiscriminatoires quant aux effets reconnus dans les cas
d'admission d'appels .................. 300
Les deux arrêtsde la cour d'appel du 7 juin 1949 ...... 301
L'arrèt de la cour d'appel du 27 novembre 1951 ....... 302
L'arrêtde la cour d'appel du 13 juin 1952 .......... 303
Demla cour d'appel (plaidoirie SerranoaSufier)r......... de 304

PLAIDOIRIE DE Al. GRÉGOIREL :es mesures préparatoires àla vente
et la vente ....................... 307
Méconnaissancedes principes et des r&glesen matière de faillite 307
Illégalité desmesures préparatoires àla vente ........ 309
Retard dans la convocation de l'assemblée descréanciers ... 309
Absence de liste des créanciers ......:....... 310
Convocation des créanciers pourle 19septembre 1949par la voie
de la presse ...................... 314
Sommation du 8 octobre 1949 à la Barcelona Traction .... 314
Désignation de syndics .................. 318
Mesures prises par les syndics ............... 3'9
Les fonds dont disuosait I'Ebro auraient suffi à r.gler tous les
arréragesd'intérits ................ .... 319
La vente était inutilea Tr..................à son passif 320
La carence des syndics .................. 322
La vente était illégale .................. 323
Illéealitéde la vente des biens du failli avant oue le.iugement de
f&te soit devenu définitif ....... '........ 325
Les syndics n'ont pas un pouvoir généralde vente avant le juge-
ment définitif ................ 325XI1 BARCELONA TRACTION
Page
La demande d'autorisation de vente ............ 336
~a vente se justifiait-elle par.l'urgence? .......... 34'
Ouestions de l'effet de la conjoncture économique ......
La menace d'impositions et d'amendes ............
La trésorerie des filiales .................
Aspects illicites de la procédure de vente .........
Sur quoi portait la vente? .................
Nature des biens vendus ......................
En l'absence d'unens m6valuation contradictoire. la vente était
illégale ........................
L'évaluationSoronellas ..................
Valeur réellede l'actif de la Barcelona Traction ......
Le cahier des charges ..................
Illégalitédu cahier des charges ...............
La vérificationet le classement des créances par l'assembléedes
créanciersdoivent précéder lepaiement des créances ....
Substitution de l'adjudicataire au failli ...........
Les syndics ne peuvent déléguerles fonctions concernant les
paiements aux créanciers ................
\'faillio.........................ves Dour la vente des biens du
Illégalitédu prix .....................
Le orix dé~endaitde l'arbitraire des svndics .........
Le dép6tdu prix ne pouvait se faire ...........
La non-conversion en pesetas de la créance libelléeen sterlin~ .
La failliteétaitunearmeemployée par ungroupecontreun auire
Clause permettant à l'adjudicataire de passer des conventions
avec des obligataires .................
L'arrêt dela Cour d'appel de Barcelone du 13 juin 1952 ....
L'offre faite par la Fecsa à la.Sidro .............
ARGUMEN OF IR. MANN: Lack of justification for Spain's Assump-
tion of Jurisdiction ....................
Denial of justice through misapplication of Spanish law and
misinterpretation of the facts .............
Grounds for jurisdiction relied on by Reus judge in judgment of
12 February 1948 ...................
Decision of 12 February 1949by special judge .......
Decision of 15 hlay 1963of Barcelona Court of Appeal ....
Spanish Government's new thesis concerning Article 51 of Code
of Civil Procedure ...................
Questionwhether Barcelona Traction was doing business inSpain
Spain's lack of bankruptcy jurisdiction under international law
Spain could not claim to be the forumconuenietts .......
Subsidiary test based on the nationality of the creditor ....
Spain's violation of the international law of enforcement juris-
diction ........................
International practice in the matter of enforcement jurisdiction
Summary of Belgian submission on limits of bankruptcy juris-
diction ........................ARGUMENT OF MR. LAUTERPAC Helg:an interests in Barcelona Page
Traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 428
Spanish knowledge that interests affected were Belgian . .. 428
Belgian diplomatic note of 27 hlarch 1948 . . . . . . . . . 430
Report by Spanish members of 1950 Committee of Experts . . 430
Spanish Foreign Minister's reply to Belgian note of 15 February
IOG2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 471
~h/Arthur intervention . . . . . . . . . . . . . . . . . 452
Thling sharetiolder in Barcelona Tractionro was.t. . . .ro. . . . 433
Belgiannationality ofclaim: SidrointerestsinBarcelonaTraction 435
Thë question of nominees . . . . . . . . . . . .. . . . 436
S'anish.Government's admissions concernine sh-res in hands of
nommees . . . , . . , . . . . . . . . . . . . . . . . 438
Under both United States Iaw and Canadian law Sidro is the true
Rights and interests of Sidro are entitled to protection under . . 439
international law . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 443
The McPherson case . . , . . . . . . . . . . . . . . . . 444
Spanish State practice acknowledges the irrelevance of registra-
tion in the names of nominces . . . . . . . . . . . . . . 447
Unowner of sharesmay act on his behalftate o. .he. . .fi. .l. . . 448
The Spanish Government was aware that Sidro was the true
owner of Barcelona Traction shares . . . . . . . . . . . 450
Belgian shareholders in Barcelona Traction other than Sidro:
Position on 12 February 1948 . . . . . . . . . . . . . . 451
Belgian shareholders otlier than Sidro: Position on 14June 1962 454
Injury for which reparation is claimed . . .. . . .. . . . . .. . 4587
From 12 February 1948 Belgian shareholders were deprived of
the right to have business managed by directors appointed by
them. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 458
The economic content of share capital was destroyed . . . . 459
Sidro had to provide fundsfor defence of Barcelona Traction . 460
Prakthoritiesfer. . .s . .se. .v. . .efu. . . . . . . . . .ni.h. 460
Assessment of damage. Question of restitutio in integrum . . . 461
Belgian Government's abandonment of claim for restoration of
previous stalus quo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463
Question of compensation for the loss of the enterprise . . . . 465
Question of applicability of Article 53 and Article 50 of the. . . 466
Statute . . . . . , , , . . , . . . , . . . . . . . . 469
Pronortion of shares-he~d bv,Bele"an shareholders as measure of
damage . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . 470
General considerations on the technique of valuation . . . . . 47r
Capitalized earnings method of valuation . . . . . . . . . . . 472
hlethod of valuation based on stockmarket s ri ceof total share
capital . . .. . . , , . . . . . . .*, . . . . . . . . 473XIV BARCELONA TRACTION

Page
Date of valuation .................... 475
nfethods of valuation rejected by the Belgian Government ... 477
Belgium adopts as basis the replacement value of plant and
distribution system ................... 480
Belgian calculation of net value of the enterprise as a12 Febru-
Proposal to add interest at fi per cent. for the period from 12 482
Febmary 1948 to date of Court's judgment ........ 483
Value of Barcelona Traction in 1935 ...........
Increase in value of enterprise during period 1941-1946 .... 485
Net value of Barcelona Traction in 1947 .......... 487
Hypothetical value of Barcelona Traction in 1956 ...... 488
Belgian estimate of damages to be awarded to Belgian share-
holders ........................ 489
Belgian claims for incidental damages ........... 490
Costs item ....................... 490
Bond items ....................... 493
Sofina service contract item ................ 494
The role of experts ............................ 494
Question of provisional payment .............. 495
496

PLRéponse l'exception préliminaireus s.............rnement belge. 497

Situation juridique en droit international des intérêtsdes action-
naires ........................ 497
Principes du droitinternationalsur lesquels s'appuie leGouverne-
ment belge ...................... 499
Le droit d'agir est ïnséparable du droità réparation ..... 502
Le problème de la protection des actionnaires ne se pose pas si la
Cas ou la société possèdereslannationalité de 1'Etat auteur du 502
dommage ....................... 503
L'affaire El Trizinfo ................... 505
Cas où la sociétéet ses actionnaires.bien que de nationalités dif-
férentes.sont tous étrangers à I'Etat auieur du dommage . . 508
Réfutation de l'allégation espagnoleconcernant le jus slandi . . 511
Suprématie du droit international ...... 1 ...... 512
La protection des droits (ou intéréts)de particuliers tels qu'ils
résultent du droit interne ................ 514
Distinction entre les droits de la sociétéet les droits des action-
naires ........................ 5'7
Question des dommages indirects ............. 523
Letnrvoile de la personnalité morale»éet ...........aires ... 526
Examen de certains précédents concernant la protection des
actionnaires .....................
La protection des actionnaires d'une sociktéqui est étrangère à 527
1'Etat auteur du dommage ............. . 532
Les dangers que font courir aux Etats faibles les groupes capita-
listes étrangers..................... 534 Page
La protection diplomatique exercéepar le Canada au profit de la
Barcelona Traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . 538
Les intérêtsbelges dans la Sidro et la Sofina . . . . . . . . . 541
Importance de la participation belge dans le capital de la
Barcelona Traction . . . . . . . . . . . . . . . . , . . 544
Comses actionnairesa . .i.fl. . . . . . . Ba. . . . . . .ion. . . 545

PLAIDOIRIE DE RI.GRÉGOIRE:Les actionnaires belges de la Sidro
et de la Sofina . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . 547
Preuve exigéepar le Gouvernement espagnol . . . . . . .. 548
Preuve résultant du recensement effectué comme suite aux
mcsurcs prises pr 1~(;ou\.crnetncnt L>c>lgnc 1944 et1945 . . 54y
I>reii\.er2aiiltaiit dc Inlocnlisntion d<:;coupons payr'saux :ictiuii-
Preuve résultant du recensement systématique des coupons. . . . 554
présentésau paiement en 1961-1962. . . . . . . . . . . . 557
Réfutation de l'argument espagnol fondésur la composition des
assembléesgénérales . . . . . . . . . . . . . . . . . . 558
Répartition des actions privilégiéesde la Sofina . . . . . . . 564
Question des participations réciproquesou croisées . . . . .. 566
PLAIDOIRIE DE Rf. ROLIN:L'épuisement des voies de recours in-
ternes. Réponse à l'exception préliminaire . . . . . . . . . . 568

La résolution del'Institut de droit international. . . . . . . . 570
Principes proclaméspar la Commission européenne desdroits de
l'homme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 571
Application de la règle de l'épuisement en cas de multiplicité
de griefs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , , . . 572
Le global belge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 572
La Sidro a agi non en tant qu'obligataire mais en tant que princi- 575
pal actionnaire de la Barcelona Traction . . . . . . . .,. 577
Questioii de l'efficacitédes voies de recours en l'absence de juris-
prudence nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 578
La non-utilisation des recours pour lesgriefsrelatifs des actes de
l'administration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 578
Lacompétencesati.n, .e, .ec.u. .en,m.t.èr. ,'. .ir. . . .de. . . 583
La non-utilisation des recours contre le jugement de faillite et les
décisions connexes . , . . . . . . . . . . . . . . . .. 588
L'opposition de la Barcelona Traction au jugement de faillite
était-elle tardive? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 592
La non-utilisation des recours contre les décisions concernant. . 595
la convocation de l'assemblée générale poulra nomination des
syndics, les actespréparatoires à la vente et la vente elle-mème 597
Les actions intentées par des actionnaires . . . . . . . . . . 598
La non-utilisation des recours dans le cas des griefs concernant
le cahier des charges . . . . . . .. . . . . . . . . . . 599XVI BARCELONA TRACTION
Page
Allégationselonlaquellela Barcelona Tractionn'auraitpastenté
l'actionen revision autoriséepar l'article 1796 du code de
procédurecivile .................... 600
Quelques exemples des recours exercésdevant les tribunaux
espagnols ....................... 602

Tabledeconcordance des exposeo sraux ............ 606 PLAIDOIRIES

AUDIENCES PUBLIQUES

lenuesaupalais delaPaix, La Haye,du 15avrilau14mai 1969
souslaprésideticedeM. Buslamantey Riuero,Président LISTE DES ABRÉVIATIONS

IZq 1958 RtxlilCtteintroducti\.e d'irijtance du 15septeriihre 1958
.\lémoire(lu Gouvcrncmc.nt I)clge(III1.5juin 1959
il.lI. 1959 Anncses au méinoircdu Gou\~ernement belge du 15 juin
,-. 1959
E.P. 1960 Exceptions préliminaires présentéespar le Gouvernement
espagnol le 21 mai 1960
A.E.P. 1960 Annexes aux exceptions préliminaires présentéespar le
Gouvernemeiit espagnol le 21 mai 1960
Rq. Requête introductive d'instance du 25 juillet 1962
M. Mémoiredu Gouvernement belge du 30 octobre 1962
A.M. Annexes au mémoiredu Gouvernement belge du 30 octobre
1962
E.P. Exceptions préliminaires présentéespar le Gouvernement
espagnol le 15 mars 1,963
A.E.P. Annexes aux exceptions préliminaires présentéespar le
Gouvernement espagnol le-15 mars 1963-
O.C. Observations et conclusions du Gouvernement belge du
14 août 1963 en réponse aux exceptions préliminaires
présentéespar le Gouvemement espagnol
A.O.C. Annexes aux observations et conclusions du Gouvernement
belge du 14août 1963 en réponseaux exceptions prélimi-
naires présentéespar le Gouvernement espagnol
P.O. Procédure orale sur les exceptions préliminaires (II mars
au 19 mai 1964)
C.M. Contre-mémoiredu Gouvernement espagnol du 31 décem-
bre 1965
A.C.I\I. Annexes au contre-mémoiredu Gouvernement espagn.l.du
31 décembre1965
R. Répliquedu Gouvernement belge du 16 mai 1967
A.R. Annexes à la r& .iauedu Gouvernement belge-du 16 mai
1967
D. Duplique du Gouvernement espagnol du I" juillet 1968
A.D. Annexes à la duplique du Gouvernement espagnol du
I" juillet 1968
Nouv. doc. Nouveaux documents (belges ou espagnols) LIST OF ABBREVIATIONS

App. 1958 Application o15September 1958 instituting proceedings
A.M.91959 hlemorial of the Belgian Governme15.June 1959
--. Annexes to the Memorial of the Be-gian Government,
P.O. 1960 Preliminary Objections of the Spanish Government.
ZI May 1960
A.P.O. 1960Annexes to the Preliminarv Obiectionof the s~anish
Government. 21 hlay1960
APP. Application ozj July1962 instituting proceedings
hl. Memorial of the Belgian Government,30 October1962
A.M. Annexes to the hlemorial of the Belgian Government,
30 October1962
Preliminary Objections of the Spanish Government,
15 March 1963
Annexes to the Preliminarv Obiections of the S~anish
Government. 15 March 1963
Government ona14AugustsIi63in feply to the Preliminary
Objections of the Spanishovernment
A.O.S. Annexes to the Observations and Submissions presented
by the Belgian Government on14 August 1963in reply
tothe Preliminary Objections of the Spanish Government
Oralproceedings on the Preliminary Object(IIhfarch
to 19hlay 1964)
Counter-Memorial of the Soanish Governm.71.Decem-
ber 1965
Annexes tothe Counter-Memorial of the Spanish Govern-
ment, 31 December 1965
Reply of the Belgian Governrnen16hlay 1967
Annexes to the Reply of the Belgian Governm16hlay
Rej. 1967
A.Rej, Annexes to the Rejoinder of the Spanish Government,
I July1968
New docs. New Documents (Belgian or Spanish) PREMIGRE AUDIENCE PUBLIQUE (15IV 69, IO h)

Présents: M. BUSTAMANT E RIVERO,Président; M. KORETSKY,
Vice-Président;ir Gerald FITZMAURICM E,M.TANAKA J.ESSUP,MORELLI,
FORSTERG , ROS,AMMOUN B,ENGZONP,ETRÉN,LACHS,ONYEAMA j, ges;
MM.ARMAND-UGOR NI.PHAGENj,ugesad hoc; M.AQUARONE G,refier.

Présentségalemen :t

PourleGozrvernemendtu Royaumede Belgique:
le chevalier Y. Devadder, jurisconsulte du ministère des affaires
étrangèreset du commerce extérieur, commeagent;

M. H. Rolin, professeur honoraire?la facultéde droit de l'université
et conseil;uxelles, avocatàla cour d'appel de Bruxelles, commecoagent

MmeS. Bastid, professeurà la facultéde droitde l'université de Paris,
M.J. Van Ryn, professeur à la facultéde droit de l'Universitélibre
de Bruxelles, avocatà la Cour de cassation de Belgique,
M.M. Grégoire,avocat à la cour d'appel de Bruxelles,
hl. F. A. Mann, professeur honoraireà la facultéde droit de I'Univer-
sitéde Bonn, solicitorpres la Cour suprême d'Angleterre,
M. hf. Virally, professeur aux facultés de droit des Universités de
Genève et de Strasbourg et àl'Institut universitaire de hautes études
inM.E. Lauterpacht, maitre de conférences à l'université de Cambridge,
membre du barreau an lais,
M. A. S. Pattillo, membre du barreau de l'Ontario (Canada).
M. M. Slusny, chargé de cours à la faculté de droit de I'Uiiiversité
libre de Bruxelles, avocaà la cour d'appel de Bruxelles,
M. P. Van Ommeslaghe, professeur extraordinaire à la faculté de
droit de l'université libre de Bruxelles, avocat à la cour d'appel de
Bruxelles,
M. M. Waelbroeck, professeur extraordinaireà la faculté de droit de
l'université libre de Bruxelles,
M. J. Kirkpatrick, chargé de cours à la faculté de droit de l'Uni-
versité libre de Bruxelles, avocàtla cour d'appel de Bruxelles, comme
conseils;

de New York,achcommeconseiladjoint et secrétaire; barreau fédéral

M. L. Prieto-Castro, professeur à la faculté de droit de l'Université
de Madrid,
M. M. Olivencia Ruiz, professeurà la facultéde droit de l'université
de Séville,
M. J. Giron Tena. professeur à la faculté de droit de l'université de
Valladolid,commeconseils-expertsen droit espagnol.6 BARCELONA TRACTION

Pour 1'Etatesfiagnol:
M. J. M. Castro-Rial, professeur, conseiller juridique du ministère des
affaires étrangères,ommeagent;
hl. R. Ago. professeur de droit internationalà la faculté de droit de
L'Universitéde Rome,
M. M. Bos. professeur de droit international à la facultéde droit de
l'université d'Utrecht,
M.P. Cahier, professeur de droit internationaàl'Institut universitaire
de hautes études internationales deGenkve,
hl. J. CarrerasLlansana. professeuràla facultéde droit de l'université
de Navarre,
hl. F. de Castro y Bravo, professeur, conseiller juridique du ministère
des affaires étrangères,
AI. J. AI. Gil-Robles Quifiones, professeurà la faculté de droit de
l'Universitéd'Oviedo,
M. M. Gimeno Fernindez, magistrat à la Cour suprême,Madrid,
M. P. Guggenheim, professeur de droit international à l'Institut
universitaire de hautes étudesinternationales de Genève,
M. E. Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international à la
facultéde droit de l'Universitéde Montevideo,
hl. A. Malintoppi, professeur de droit international à la faculté des
sciences politiques de l'université de Florence,
M. F. Ramirez, secrétaire généralde l'Institut espagnol de monnaie
étrangére,Madrid,
M.P. Reuter, professeur à la facultéde droit de l'université de Paris,
M.J. Al.Rivas Fresnedo, inspecteur-expert du ministère des finances,
Madrid,
M.J. L. Sureda Carrion, professeurà la facultéde droit del'université
de Barcelone,
M.D. Triay Moll,inspecteur-expertdu ministere des finances, Madrid,
M. R. Uria Gonzilez, professeur à la facultéde droit de l'université
de Madrid,
sir Humphrey Waldock. C.DI.G., O.B.E., Q.C., professeur de droit
international publicà l'université d'Oxford (chaire Chichele),
M. P. \Veil, professeuà la faculté de droit de l'université de Pans,
commeconseilsou avocats;
M. J. hl. Lacleta y hlufioz, secrétaire d'ambassade,
hl. L. Martinez-Agullb, secrétaire d'ambassade, commesecrétaires. LE PRÉSIDENT: Je voudrais dire à titre liminaire combien l'intérêt
oue suscite. dans desmilieux fort divers. l'ouverture de cette ~rocédure
Ornlr:ni<semblc plein de significntion. Cela traduit A riion avii lion pas
séiilenient lin d;.sir toiit ri~turel d inform;ition sur l'affaire dont la Cour
va s'occuper. mais aussi une attitude de déférenceenvers la fonction de
la justice et surtout l'espoir qu'une efficacité toujours plus grande
donnera un prestige accru au reglement judiciaire des différendsentre
les hommes et les .eu.~es.
I':i~>pr~;cihcaiitc.iiient la prc'icnccde tous ceux qui sont venus :issister
:icctic ai~~liciiceiiinugiir:ile et je forme des \.rrui; poiir que ce genre de
cont:ict, - ceri:iinçmeiit trh utiles - du public :ivec les 3ctivités
i.i\..iiitr.sdii ilroir puisse renforcer Incon\'iction qlaprimauté des
i>riiit:ijt clci\~.ilcursiuriJit~uesoui ;niidiàiIn pacifi~ation \,L:ritnble
et permanente des espriis.
La Cour se réunit aujourd'hui pour examiner la deuxième phase de
l'affaire de la Barcelona Traction, Lighl and Power Company, Limited
(nouvelle requête:1962) entre la Belgique et l'Espagne. L'instance a été
le 19 juin 1962. Le 15 mars 1963, le Gouvernement espagnol a présenté
quatre exceptions préliminaires, dont deux ont été rejetéeset deux
jointes au fond par L'arrêrtendu par la Cour le zq juillet 1964. La date
d'expiration du délai pour ledépôtdu contre-mémoiredu Gouvernement
espagnol a étéfixéeau I" juillet 1965. La date a étéreportéeau 31 dé-
cembre 1965 à la demande de ce gouvernement. Le contre-mémoire
ayant été déposédans le délai ainsi prescrit, la date du 30 novembre
1966 et celle du 30 avril 1967 ont étérespectivement fixées pourI'expi-
ration du délai dans lequel le Gouvernement belge devait déposer sa
réplique et le Gouvernement espagnol sa duplique. A la demande de
chacune de ces Parties, ces dates ont étéreportées au 24avril1967 puis
au 16mai 1967 en ce qui concerne la Belgi ueet aux z et 24octobre 1967
puisauy mai 1968et enfin au 1" juillet 1~6%pour cequiest de l'Espagne.
Ces délais venus A expiration, l'affaireest maintenant en état. La Cour
a eu l'occasion de constater avec regret que les délaisinitialement fixés
par elle pour le dépdtdes piècesécritesn'avaient pas étéobservéset que
la procédure avait étépar là considérablement allongée. La Cour ne
comptant aucun juge de la nationalité des Parties, chacun des deux
gouvernements a fait usage du droit de désignerun juge ad hoc que lui
confère l'article 31 du Statut de la Cour. Le Gouvernement espagnol a
désignéM. Enrique Armand-Ugon, ancien président de la Haute Cour
a siégélors de la première phase de la procédure et il a fait alors la
déclaration solennelle prévue à l'article zo du Statut. Le juge ad hoc
initialement désignépar le Gouvernement belge, hl. Ganshof van der
Meersch, avocat général la Cour de cassation de Belgique, professeur
à l'Université de Bruxelles, a renoncé à ses fonctions et l'agent de la
Belgique a fait savoir par lettre du 17 juillet 1968 que, conformément
à l'article 31 du Statut, son gouvernement avait désignéM. Willem8 BARCELONATRACTION

Riphagen, professeur de droit international à I'Ecoledes sciences écono-
miques de Rotterdam, pour siégeren qualité de juge ad hocen I'affaire.
Le Président a fixéau ~q aoîit 1968 la date d'expiration du délaidans
lequel le Gouvernement éspagnol-pourrait soumettre ses vues à la Cour
sur cette désignation. Le Gouvernement espagnol a fait connaître son
accord dans le délai ainsifixé.
J'invite hl.Riphagen à prononcer la déclaration solennelle prévue à
l'article20 du Statut de la Cour.
M. RIPHAGEN: le déclaresolennellement que i'exercerai tous mes
devoirs et sttrihiitioiis de jiige cn tout honn61id&ouemcrit, en pleine
et parfaite imparti;ilirL'et en toute conscience.

LE PRPSIDENT: Je prends acte de la déclaration qui vient d'être
faite par Al.Riphagen et je le déclare installédans ses fonctions de juge
ad hocen la rése enta effaire.
Daiis Urieiettre qu'ilaa<lrcjs<eai! Pr&idt'iit de ln Cour n\.ant I'ouver-
turc de la procédure orale dans la prcmiért. pliasc. sir >lutiarniii;id
Znfriilln Khan a in<liquGIcsr:iisonspour lesqiielles.ison n\.isrit<Ic\.ait
pas participer ail r6glemcnt de 1'aff;iirc.En coiis;.qiience il ri'a pas pris
part AInprerniérephase de I'insrancc ct ne prindra pÿs pan à lasecoiide.
11 Padilln Serve ne Dourra as assisterà I'aiidicncc d';iuiourd'hui
mais reprendra sous peu;a placésur le siege.
l'assentiment des Parties, la Cour a autoriséqu'à partir duIOaavril 1969
les pieces de la procédure écriterelativeà l'affaire soient miseA la dis-
position du public.
Je constate la présence A l'audience desagents des Parties et de leurs
conseils et je déclare la procédureorale ouverte. DÉCLARATION DE M. DEVADDER
AGENT DU GOUVERNEMENT BELGE

M.DEVADDER: Monsieur le Président, >lessieurs les juges. la Cour
voudra me permettre de lui dire que j'apprécie à sa haute valeur l'hon-
neur de me présenter ànouveau devant elle en qualité d'agent du Gou-
vernement belge. Un sentiment analogue est ressenti par ceux qui ont
pour tâche de m'assister au cours des débats importants qui commen-
cent aujourd'hui.
J'ai le douloureux devoir de rendre hommage à la mémoirede person-
nalités éminentesqui setrouvaient danscette salle lorsqu'il y a quelques
années s'est dérouléela procSdure orale concernant les exceptions pré-
liminaires.
La disparition de M. le Vice-Président Badawi est pour le monde du
droit des gens une lourde perte et pour ceux qui ont eu le privilège de
l'approcher une grande tristesse.
L'équipe des avocats et conseils qui prêtent leur concours mon
gouvernement a étédurement frappéepar la perte du professeur Sauser-
Hall. La Cour aura pu apprécier une dernière fois la haute conception
quecet éminent juriste se faisait du rôle de l'avocat, ainsi que sou ardeur
à défendreles idéesqui lui étaient chéreset au service desquelles il met-
tait ce qui nous paraissait devoir êtreune éternelleverdeur.
Le professeur Sereni a brutalement et prématurément disparuen pleine
action, alorsqu'il consacraità la préparation du dossier sa profonde con-
naissance du droit et son intelligence pénétrante.
Monsieur le Président, Ifessieurs les juges, il y a aujourd'hui un peu
plus de vingt et un ans que mon gouvernement est intervenu pour la
première fois, sur le plan diplomatique, pour attirer l'attention du Gou-
vernement espagnol sur le grave préjudiceque causaient à d'importants
intérêtsbelges les mesures prises par certaines autorités espagnoles à
l'égardde la Barcelona Traction, mesures qui ont eu pour effet de priver
les actionnaires belges, détenteurs d'une large majorité,à la (oisd'avoirs
importants et des moyens d'action liés à cette participation majoritaire.
Je crois répondre au vŒu de la Cour en me référant,sans le répéter,
à ce aui a étéexorimé antérie~rement au cours de la mocédure orale
au suj?t de 1'attit;de persCi,L'r;ii,lu ~ouieriienicnt hejgc Acet 6g:ird.
(lurllcs qii'ait!Cri!Ics formations politi.ues ci les ~)~!rionn:ilisiii se
sont succédéau sein du gouvernemênt.
En raison du préjudicegrave causéaux intérêtslégitimesde ses res-
sortissants par des actes et omissions engageant la responsabilite inter-
nationale de 1'Etat espagnol, il incombait nécessairement au Gouverne-
ment belge de saisir la Cour de cette violation du droit des gens.
A cet égard,je tiens à rappeler la teneur des déclarationsconcordantes
que mon distingué collégue,l'agent du Gouvernement espagnol, et moi-
mêmeavons exprimées au début des plaidoiries lors de l'examen des
exceptions préliminaires: le présent litige ne saurait mettre en cause la
qualité des ramorts mutuels de nos eouvernements. conscients l'un et
I'autre des lieiCqui unissent nos deux>ations.
Ce qui motive et justifie l'attitude soutenue de mon gouvernement en10 BARCELONA TRACTION

cette affaire. c'est d'abord l'importance des intérêtsbelges qui ont été
atteints: une valeur de plusieurs milliards de francs belges a étéperdue.
Qu'il ne s'agisse pas en l'espècede capitaux spéculatifs ou errants en
quêted'un placement provisoire et rémunérateur,mais d'une contribu-
tion importante au développement de l'économiedu pays d'où ils sont
investis, les barrages, centrales et autres installations imposantes du
groupe de la Barcelona Traction en Espagne sont là pour en témoigner.
Il s'agissait d'introduire et d'appliquer en Espagne ce qui, à l'époque,
constituait des connaissances techniques de pointe.
De cet ap..rt indispensable de capitaux étrangers relevant d'oreanis-
mes priv?; ;trnngcr; d;tciitc,iirs de CO~III.?~~.IIIC~IC<.~IIII~IIlCaI.I,1giilot:.
coiniiie (le iioiiit>rcuslirati(131111iiiiliiitrinli~,itisn est ;eiicicniii.,rcj,c.iit
elle-iiiîmc d,:~iii; quvl<liiei.innCei13ii<:<.r.>-iiCI.Ii.-td<i c,iiiielle :ni-4
pays d'accuei'lde capitaux et d'apports techniques étrangers, alors qu'au-
paravant elle était presque exclusivement pays exportateur des mêmes
richesses.
A ce titre, elle est consciente des avantages qui résultent pour les pays
d'accueil de cette formeexceptionnellement utile et efficacede coopéra-
tion internationale.
De même, laBelgique est bien placée pour estimer à sa juste valeur
l'impérieusenécessité à la fois morale et pragmatique que soit assurée
par les pays d'accueil une sécuritéréelleet sans défaillaiiceaux investis-
sements techniques et financiers étrangers.
La nécessitéd'assurer cette sécurité a trouvé son expression dans de
multiples traités bilatéraux et également dans la convention pour le
règlement des différendsen matière d'investissements, élaboréssous les
auspices de la Banque internationale pour la reconstruction et le déve-
loppement.
Comme la Cour le sait, cette convention prévoit un système de règle-
ment arbitral des différends.
Le différenddont la Cour est saisie présente certaines analogies avec
ceux aut .ourraient relever de l'a~uli..tion de cette convention. Néan-
moin~. I;i11r;;eiitc ;rif;<i,.,n r.iison de 1'nnil)lriet CI<I*., dii.crsitC ,lis
quc~ifionsqt~'cllt?piivvt dci~~rt~iri-;l;iticitts ],irtiriilii.rs :lu'ell<:inipli.]ii?,
r,-vet uii ~:;ir:icr,:recsc~:utii~iiii~i.I.'aut,~ri~uii attncIi<.iilis:irr;.ti <le
la Cour assurera à ce dikérend le règlement qui convient.
Je crois répondre au souci de la Cour en étant bref. Je me bornerai
donc Bces considérations liminaires, laissant au professeur Henri Rolin
le soin d'exposer, après un court aperçu généralde l'affaire, le plan
suivant lequel les conseils du Gouvernement belge la plaideront devant
vous. PLAIDOIRIEDE M.ROLIN
COAGENT ET CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

M. ROLIN: Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, un des
avocats que vous aurez l'occasion d'entendre au, cours des prochaines
semaines,interviewé par un journal espagnol, disait il y a quelques jours
oue ce rocè èsn'était nas seulement le sommet de sa carrière. mais au'il
etnit v~ai;enibl;il,l.~nc'iitaussi le procésIc pluj iiiipurt;iiit qui je i>i;iid;.cn
cc rnomeni (131151cii~uiiil~1 1n'est pas inil>osiil>lzqii'il cii soit :,iiisi. En
t~~t ~a~~~,'affaire dont nou~ a-lons bous eitretenir est assurément d'im-
portance exceptionnelle.
Elle l'est par l'importance de l'enjeu. M. l'agent du Gouvernement
bele<,vient de vous ra,.elerl'étenduede la lésionsubie Dar les ressortis-
s;ints belges par jiiite des actes et onlissions <I';iiitorit;.s;idriiinistr:itives
ct jiii1ici;iircstcipngriolesqiii. suivant le Gou\~,?riirmt~nd te In Uelgiqiie.
ciigageiit 1;irïs[)oninbilit6 <-leI'Etat espagiiol. Ccliii-ci con,idèrc de son
CRI<) iIc facon, i riutrv:i\.ijtotrilemciit iiijustilitc, q11eles critiquc,s diri-
ces coiitrt: t.crt:iinei décisiniisde ces cours et tribunaux affectent I'tion-
ieur ou du moins le ~restiee de la maeistrat-re esnarnole .ovt entikre.
L'affaire est excepcionnefie encore par les faits qu'elle révèle,car il est
sans doute sans précédent uu'une sociétéde renommée mondiale ait été
décl:ir;e cil 13illitq 1)nrun i>ctit tribiiii:iilç pri,\,iiir<,,d.111.n pa!.s oh
clle II.i\..iiiii,iCge. iii ;icii\.iiiiavoirs ci qiic ~>xdcsstratagCmci jiiri-
ilitiiies inr'clit;,scs aJ\,criairçs nieiit rtiuà,en ot~tcnir I;liiluii1:itioiiau
bobt de quatre ans à leur profit, avant qu'il ait étéstatué<ur les griefs
indiquésdans les nombreux recours, littéralement que cette sociétéait
étéexécutéesans jugement.
Cependant, le Gouvernement espagnol va s'efforcer de convaincre la
Cour que tout cela fut régulieret que l'origine des malheurs des action-
naires belges, qui depuis 1923 avaient eu lamalencontreuse idéede s'inté-
resser dans Barcelona Traction, se trouve dans les nombreuses 1,r:égula-
rités qui auraient entaché la constitution des principales societés du
groupe en 1911 et les premières annéesde leur fonctionnement.

Les membres de la Cour oui siéeerentil v a cino ans lors des débatssur
les exceptions se scuviendrint peui-êtreque les premières
audiences, au nombre de sept je crois, furent consacréespar nos adver-
saires à l'exposéde ces pré&ndues irrégularités.
Je ne sais si nos adversaires vont persévérerdans cette voie. Nous, en
tout cas, du côtébelge, nous ne nous y engagerons pas, car, ce serait à
notre avis faire perdre le temps de la Cour et allonger inutilement des
débatsdont la duréeva nécessairementdéjà êtred'une longueur insolite.
Pour nous, Belges, en effet, toute la périodede fondation du groupe de
Barcelona Traction et les ~remieres années de fonctionnement aDDar-
tiennent à la préhistoire, phque c'est ultérieurement que les ress'oitis-
sants belges se sont intéresséset occupésde cette affaire et en ont pris
la direction.
Les irrégularitésalléguéesn'ont au surplus joué aucun rôle dans la
motivation des décisionsque nous critiquons et à supposer que ces irré-
gularités eussent étéréelles,elles n'auraient pu à toute évidence être12 BARCELONA TRACTION

sanctionnées par une mise en faillite. C'est donc surabondamment que
dans le passé nousavons tenu à démontrer, notamment dans la procé-
dure écrite, le caractere parfaitement normal de la constitution origi-
naire du groupe de sociétéset que nous avons réfutéles accusations
d'irrégularité quiavaient étéformulées.
Nous allons nous en tenir là et à moins que ces questions ne soient à
nouveau abordées par nos adversaires, ou que la Cour nous invite à
fournir sur l'un ou l'autre point des explications complémentaires, mes
collègueset moi allons nous abstenir d'en traiter.
II est toutefois une partie de ces exposésqui se qualifient d'historique.
que nous allons dès àprésent rencontrer. Il s'agit de ceux dont on pré-
tend tirer la conclusion que la Barcelona Traction, contrairement à sa
réputation. se serait trouvée en 1948déja en état de faillite latente.
Cette affirmation n'a pas toujours eu le mêmecontenu. Parfois il a été
soutenu avec M. Audany, un expert espagnol cher à Juan March, que
les créances de Barcelona Traction sur ses sociétésauxiliaires étaient
sans cause légitime,le montant total des investissements étrangers dans
lesdites sociétésétant inférieur aux sommes qu'elle en avait retirées.
Parfois aussi il a étésoutenu et cela a fait I'obiet de lones déveio~~e-
ments dans la dupli<]iieet dans ses annexes. que 1:effortd'i&estissernênt
aurait étéle fair non pas des actioririaires mais des ohliaataires. et que
l~ ~ ~~~r~ de laBarceIona Traction n'avaient Dasau moment de la vente
une.valeur supCrieure A son passif obligataire.'^' ^ i prétei!dtirer cette
conclrisionsurprcnniitv qiic1;faillite ii'aiir:iit en rCalitécause aucun i>rr'-
iudice aux aciionnaires belees. Das~lus au'à la société elle-même A.insi
ia question de la responsabrité $e l'ktat éspagnoldont la Cour est saisie
ne se Doserait mêmepas. Le Gouvernement belce aurait eu tort de
s'agite; depuis plus de bingt ans et en somme toute-l'affaire devrait faire
l'objet de cette appréciation lapidaire: iBeaucoup de bruit pour rien u
- Afuchad0aboutnothina
Certains de mes collègüesauront à cŒur de faire apparaitre, notam-
ment à l'aide des documents nouveaux déposéspar l'agent du Gouver-
nement bel-e il,.a Deude iours. les lourdes erreurs surTesauelles repose
toute cette ,rgiiniciit:ttioii: ,:rrt;ira de f.iit ct cJccir;iisoiinenieiit.
Qu'il iiic s~lffiscrlnrii cette iritro.lustiori ii'eririiorit1iii\.rniseiii-
blance.
Lepassdde BarcelonaTraction
En l'année1911, lorsque les sociétés filialesde la Barcelona Traction
commencèrent leur activité en Catalogne, les eaux de 1'Ebre et de ses
affluents se perdaient inexorablement dans la mer Méditerranéesans
pouvoir êtred'aucune utilité pour l'industrie ni pour les populations,
sauf la faible partie utilisée pour l'agriculture. Electriquement, la Cata-
logne et l'Espagne tout entière étaient,à l'époque,despays sous-équipés
au plus haut degré; beaucoup de localitésmanquaient de lumière et de
forcemotrice. Or en peu d'annéescette situation s'est transformée grâce
à l'action des sociétésdu groupe de la Barcelona Traction. Dès 1915la
puissance installée atteignait 75000 kW; à la veille de la faillite elle
atteignait 422 000 k\V et les actionnaires belges sont fiers de pouvoir
dire que la tres grande partie de ces progrèsest due à leur propre effort,
à celui notamment de la sociétéSofina, principale actionnaire de Sidro,
elle-mêmeprincipale actionnaire de Barcelona Traction, Sofina qui a,
dans le monde entier, équipé d'innombrablesstations centrales d'électri- PLAIDOIRIE DE M. ROLIN I3

cité.Vraiment, RI.Andany exagère lorsqu'il attribue aux fondateurs du
groupe d'avoir eu le pouvoir non seulement de capter l'eau mais encore
de faire jaillir du sol sans aucune aide extérieure les usines qui allaient
s'en servir. C'est mieux que le miracle de Moise qui s'était bornéà faire
jaillir l'eau d'un rocher!
Les populations de Catalogne en tout cas ne partagent pas cet avis.
Dans une séance des Cortes du 21 juin 192!, le députéBastos, inter-
pellant le ministre du développement, signalait que icesentreprisescons-
tructrices ont crééune réellerichesse pour I'Etat. Elles,ont représenté
la continuation de la vie de toute une régionqui a manifesté sa recon-
naissance en faisant à un yankee l'hommage de,donner son nom à une
avenue de Barcelone inCe yankee, c'étaitl'ingénieuraméficainPearson,
fondateur du groupe de Barcelona Traction, et il est notoire qu'à travers
les changements de régimele boulevard de Barcelone en question a con-
servé le nom de l'ingénieurPearson. Cela dénote assurément une autre
appréciation de l'Œuvrede Barcelona que celle de M.Andany.
D'ailleurs, lesexperts britannique et canadien qui ont fait partiede la
commission internationale d'experts constituée en 1950 ont refusé de
suivre M. Andany dans ses raisonnements et ils ont évalué à pres de
zo millions de livres sterling le montant net de l'investissement étranger
dans l'entreprise en Espagne.
Mais la thèse nouvelle de la dupliquese heurte également à l'évidence
des chiffrescités dans le mémoire (1,no'31-32) et qui ne sont pas sérieu-
sement contestés.
Le Gouvernement belge a déposédepuis, à titrede document nouveau,
le rapport des professeurs néerlandais, le DrGelissen et le,Dr Ing. van
Staveren, spécialistesdans le domaine de l'industrie électrique; rapport
portant sur l'évolutionde la situation économiquedes sociétésdu groupe
de la Barcelona Traction de 1925 à 1951, sur l'évaluation des avoirs de
la Barcelona Traction au moment de leur vente en Espagne, et sur la
situation de la sociétéFuerzas Eléctricas de Cataluiia,adjudicataire des
avoirs de cette sociétéen 1956.
Le rapport montre que pour la périodede 1925 à 1935, les profits de
l'entreprise, après déduction des dépensesd'administration et intérêts
des obligations, sesont élevésà 27 450 000 dollars, dont 2400 ooo furent
ment de dividendes et 9 500 ooo furent mis en réserve.dollars au paie-
Pour l'année1935, les profits ont étéde 3 385 256 dollars. Ils devaient
encore normalement augmenter au cours de l'annéesuivante.
Aprèsla guerre civile, qui causa des pertes considérables,le groupe de
Barcelona Traction non.seulement pansa rapidement ses plaies, mais
repartit. dès 1940, dans la voie de l'expansion.
Le rapport des experts établit que, pour la périodede 1941 1947, la
Barcelona Traction a réalisédes profits nets, toutes dettes déduites, de
quelque 20 650 ooo dollars.
Pour l'année1947, qui est celle qui a précédé la déclaration de faillite,
les profits de la Uarcelona Traction avaient atteint quelque 3 700000
dollars. Ce chiffre noil plus n'est pas contesté. Or, si on lui applique le
taux de capitalisation de 4 pour cent, jugéprudent par MM.Gelissen et
van Staveren, on voit que la valeur nette de laBarcelona Trac,tion, c'est-
à-dire l'actif revenantà ses actionnaires, représentait, un mois et douze
jours avant la mise en faillite, quelque 92 millions de dollars.
La Cour se souviendra que c'est pourtant ce mêmeactif net auquelI4 BARCELONATRACTION

M. Soronellas donnait, quatre ans plus tard,à la veille de la vente. une
crééepar Juan lhfarch.l s'agissait de l'évaluerpour le vendrà la société
En 1956 par contre, soit quatre ans apres la vente. c'està nouveau à
quelque g8 500 ooo dollars que, suivant les experts néerlandaisconsultés
par le Gouvernement belge et dont le rapport est produit comme docu-
ment nouveau, doit êtreévaluél'actif net du grouped'entreprises enlevées
à Barcelona Traction et à ses actionnaires et devenu l'avoir de Fecsa.
Est-il croyable qu'on ait pu prendre prétexte de circonstances passa-
gèrespour évaluer à zéroen 1951un actif net qui,quatre ans auparavant
et quatre ans plus tard, approchait desioo millions de dollars?
Tels sont les avoirs - dans lesquels les ressortissants belges étaient
intéressésà concurrence de 85 pour cent - qui le 4 janvier 1952 furent
volatilisés commepar enchantement. Cela se fit comme par un coup de
baguette magique; en l'espèce,cette baguette, c'était larèglede l'officier
ministérielqui procédait à l'adjudication publique des avoirs de Barce-
lona Traction et des sociétésauxiliaires sans que ces dernières aient
jamais étémises en faillite et sans qu'il ait étéstatué sur les nombreux
griefs formulésen ce qui concerne la procédurepoursuivie à charge de la
première.
Comment cela fut-il possible? Assurément, il y a la part des circons-
tances extérieures, et je voudrais en toute objectivité les indiquer la
Cour.
L'incidence descirconstancesextérietrres

La structure de la Barcelona Tractionqui tirait sesrevenus des sociétés
auxiliaires travaillant en Espagne et en avait besoin pour assurer le
vulnérabledèsque les restrictions de change allaient entraver le transfertit
des devises d'Espagne au Canada.
La Barcelona avait connu une telle situation dans la période1931-1936
pendant laquelle l'Espagne, comme la plupart des pays d'Europe, avait
connu une crise monétaire et avait dîi instaurer un rigoureux contrele
des changes. hlais l'administration espagnolà,l'époque,n'avait àaucun
moment complètement arrêtéles transferts; elle avait au contraire
témoignéaux dirigeants de Barcelona Traction une réellecompréhension
de ses besoins et leur avait toujours fourni, dans la mesure du possible,
certaines quantités de devises. Grice à cela, et en puisant, lorsque la
chose était inévitable,dans ses réservesbancaires canadiennes, la Barce-
lona Traction avait pu, pendant toute cettepériode,continuer àassurer
le service régulierde ses emprunts, et mêmedistribuer chaqueannéedes
dividendes à ses actionnaires. tandis que le surplus des sommes qui
eussent dû lui êtretransmises par les sociétésauxiliaires à raison des
prêtsqu'elle leur avait consentis étaitutiliséavec son accord par lesdites
sociétés auxiliaires pour l'autofinancement des entreprises.
Assurémentplus grave était la situation devant laquelle la Barcelona
Traction se trouvait placée à la fin de la deuxième guerre mondiale.
Depuis le début de la guerre civile, iln'y avait plus eu de transfert de
devises, les réservesbancaires de la Barcelona existant au Canadaavaient
étérapidement épuisées.en sorte que depuis neuf ans le service des obli-
gations en livres sterling s'étaittrouvé totalement interrompu. Une telle
rendaient compte et ils mirent donc tout en Œuvre pour obtenir duion s'en PLAIDOIRIE DE hf. ROLIN I5

Gou\,ernement espagnol. désque In chose parut possiblc, la reprise des
cette foisils se heiirtkreiàdes refiis r&p:tis.Et niéineloriqiie Rarcelona
'îrnction eut abouti ?Iiin accord avcr ses obligataires. ratihc: p:ir la Cour
suprCrne(l'Ontario. 12remboiirsemcnt 1):irtielde leurs ot,ligatioiij et leur
conversion, et mêmelorsau'elle prouosa au Gouvernemenf une modalité
de mise en application <ie'i'arraAge;iit.iitîonsiii qui ne nïcessitertiit plus
de sn part aiicun transfert de de\.ises quelconque, le Gnuvernement espa-
gnol lui notifia un refus total.
Cette attitude de l'administration espagnole doit, à notre conviction,
êtrerapprochéede l'opposition violente à laquelle se heurtaità la même
époque BarcelonaTraction de la part d'un petit groupe, trèspetit groupe
au début,d'obligataires se groupantautour deJuan hfarch. Cela semani-
festa dès les premières assembléesde 1945 . arcelona Traction connais-
sait Juan March depuis des années; celui-ci s'efforçait d'obtenir, dans
des négociations, trèsbas prix. le contrôle du groupe d'entreprises.
C'est ce mêmeJuan hIarch qui, après avoir tenté à diverses reprises de
se faire céder parles dirigeants belges le contrôle du groupe, entreprit de
les y contraindre. Il songea, audébut, à seservir àcette fin de sesobliga-
tions Prior Lien pour solliciter des tribunaux canadiens une mise en
liquidation, a winding up, de Barcelona Traction puis, lorsqu'il se fut
convaincu qu'il ne pourrait pas aboutir, il envoya Al'attaque devant les
tribunaux espagnols trois hommes de paille porteurs de quelques obliga-
tions First Mortgage qu'il leur avait procurées, hlM. Kodellas Flores,
Lafita Babio et Larragan Gil Delgado. Contre toute prévision raison-
nable, ce coup d'audace réussit.
Ainsi nul doute n'est possible. La cause du drame - le Gouvernement
espagnol dira sans doute de l'accident - qui engloutit le groupe de la
Barcelona Traction en janvier 1952 et avec lui les intérêtsde ses action-
naires, tout spécialement des actionnaires belges, résidedans l'accueil
favorable et dans l'appui queJuan hfarch rencontra de la part de I'admi-
nistration d'abord et puis des cours et tribunaux espagnols. Il y eut là,
de la part de ces autorités, un traitement discriminatoire accompagné de
diverses violations de droit international ou de droit espagnol. Quelles
furent les raisons de cet appui? C'est ce que je voudrais maintenant
indiquer Ala Cour.

La personnalité de Juan March

L'ex~lication doit en êtrecherchéesans aucun doute avant tout dans
la pcrsoniitilit6 de Jiitiii llnrch, daiis Icrolequ'il a louécn Espagne depuis
1y31 et dnris Ics 1itri.squ'il s'Ctait acqài13.bien~~eillaiicct AI;igrati-
tiide dcs autorités Il étaitiiCen 1SSzi P:iIiiia <Icl1:ijorquc. ilc f:iiiiille
pau\,re et :i\.ait rnpi<lementconquis iinc fortiiiie considér:il)lrqiii le f:iisait
d<;v:iitçoii siiccèà 1;icontrebande (le t:ibac <luictaii cflicti\.riii~.nt i
l'époqueune industrie fort répanduedans les Baléares.
Le portrait de Juan March a été tracé en1932, au cours d'une séance
des Cortes, par le ministre des finances de l'époque,M. Jaime Carner.
aprèsqu'eut étévotéepar les Cortes la levéede l'immunitéparlementaire
demandée par les autorités judiciaires pour permettre contre Juan
March. qui était député, des poursuites pour fraudes. II est décrit dans
ce discours comme un homme non seulement riche, mais ambitieux.16 BARCELONA TRACTION
volontaire. ne reculant devant aucun obstacle pour atteindre ses objectifs
(A.M., vol. 1,no 41).
Etait-il ennemi de la République? Il le devint en tout cas, apres son
séjourdans la prison d'Alcali, d'où il s'enfuit à la fin de 1933 avec le
directeur de la prison qu'il emmena avec lui à l'étrangerà la grande joie
de l'opposition auGouvetmement de la République.
Une amnistie lui Dermit de rentrer l'annéesuivante en EsDae.e- ~~ i. ~~ ~
prit déslors une P&t acjive à la canipngne de propagande coiitre-révo-
lutionnaire. II seporta lui-meinzcandidat aux élcctionsde 1*-36et financa
largement la caisse de son parti.
Mais ces élections marquèrent la victoire du Front populaire. Il en
resulta un exode d'Espagne des capitaux et des capitalistes et dès ce
blique. Juan hlarch était parti pour Biarritz désle lendemain des élec-
tions, le16 février1936.Je puise partie de ces renseignements dans un
ouvra e d'une autorité incontestée publiépar M. Gil-Robles à Barcelone
en 19 %8 sous le titrNo fuéposible la paz.
C'est aussi cet auteur qui rapporte comment Juan March facilita
1'éuipement en Angleterre, dans les premiers jours de juillet 1936,d'un
hy%ravion qui allait se charger de prendre directement aux Canaries le
généralFranco pour le transporter au Maroc (op.cil.,p. 780). L'auteur
relate encore comment la maison occupéepar Juan March à Biarritz fut
pendant cet étéde 1936 le rendez-vous d'importants partisans de la
contre-révolution (op. cil.p. 780 et 789).
Un autre historien de la e-erre civile es~.euole. M. Huah ..omas.
écrit.et In chose fiitreprise en191,2 d:iiis de nombreux articles nicrolo-
giqués,qiic c'cst .luln .\lnrch encore qua,In fin de juillet r(13.e rendit
;if(ome poiir ncgocier I'e.speditionaux UaICarcsd'une escadrille de chasse
it:iliziinc, Les L)rajioiiide la .\lort #,et de trois bombardicri qui. sous Ic
comni;iiidement d'un fasciste kinatiqiiç 3 b:trt>e rousse, Arcono\,aldo
Bonaccorsi. se donnant le nom de conde Rossi. atterrit à Maioraue Dour
s'opposer aux milices républicainesquiavaient débarquédanGl'iie dépuis
queTel est l'homme oui..à ~eine la euerre civile terminée.rentré dans son
ile, clierctia un nouceau déhoiiçhé-lhondpnmisme et h sa soif de puis-
sance. et jeta son (ICvoliisur ce qu'il corisid6rait sans doute zoiiime I'hin-
terland dc5 13alr'ares3.savoir In Cataloxne Le ccrur de I'activiti. bcorio-
mique de ct.ttt. rcgion <tait sans itucuiidoutv Irgroupe d'entreprises élcc-
triques qui donri:iit 3.son industr13 force motrice. C'~.stde lui que Suan
Maich chercha à s'em~arer.
Tout ce quc nous \,tenonsde \,airdr son tittitude au couri des ann2es
1931 ;i1939était sans aucun doute de nature a lui assurer. auprh des
autorité<espagnoles, un prestige considérable et ilpouvait compter sur
une bienveillance particulière de leur part le jour où il aurait besoin de
leur concours pour la réussite de ses projets.
Mais ce n'était pas son seul atout.
La conjonclure politique en 1939

La ionji)iictiirc politique existant en Espagne apres 1939devait égtilc-
ment joucr cn sa fa\.eur. La victoir? ri.iiiportCe sur Ics forces républi-
sphères dirigeantes espa noles des sentiments d'orgueil et mêmedens les
supériorité nationales.L.'Espagnenouvelle marquait un vif souci d'indé- PLAIDOIRIE DE M. ROLIN I7

oendance nationale. notamment dans le domaine économiaue et il est
ires frappant de constater que désle 24 novembre 1939c .'esi-&-diresept
mois & peine après la victoire finale, une loi était publiéeaux ternes de
laauelle indévindamment des mesures svécialesoiises relativement aux ~ ~~ ~
industries travaillant pour la défense nationale: d'importantes restric-
tions avaient pour objet de limiter les participations étran~èresdans
toutes les aueiconauei autres industries.-Aux fermes d'une bis~ositio.-~ ~ ~
dont on tr&verai<difficilement l'équivalent dans d'autres pays. toute
émissiond'actions devrait & l'avenir êtrediviséeen deux parties dont
l'une. écaleaux trois auarts de l'émission.ne serait Das traisférable aux
étrange&, l'autre, égaieau quartde l'ém&sion,était exempte de ladite
limitation. Les titres devraient mentionner de facon visible s'ils sont ou
non transférables aux étrangers. Et ce n'est que dans les cas exception-
nels que I'Etat, sur délibérationdu Conseildes ministres. pourrait déroger
aux prescriptions ainsi établies dans la mesure indispensable pour per-
mettre la réalisation de projets industriels d'intérêt national extraordi-
naire.
Si une telle mesure étaitprise en ce qui concernelessociétésindustriel-
les ou commerciales oui seraient constituées en Esnaen2 " à l'avenir. v~ire
mênieaUSauginlilti~tl~t~ïdt! capital dc.5so~.iCtr'c ,Sis1:tntes.j. furtiori lc
~oii~crnc~ncrit.<vail-il le &!sir 4,: voir las ciciCt>j Ctrangc'rescontrOlnnt
drs sociétcs ciiE~DT>;IE~ IIL>. ci:iI<-in-iiiit~Ic~sect~uride ser\,ices~ublics.
céderla place à de<soiié'tésnationales.
Cette tendance vers la nationalisation des entreprises étrangères, le
mot «nationalisation IIétant uris dans le sens de shis~anisation i,.31.
.\lontafil:s, un (Ics ~)riiicil>.ius;,qcnts (Ic Juan \lsrcti. la sigiiiilait dCs le
16 ociobrc 1')3'iiiin rel>r<:ii~iit.itii grotipe de I(:,r~<;loniiIr:iitioti. 11),
a\.;tit Ihii'éiixis daut<-rutic druxi(.n;ç r;iiîuri poiir que legou~erncmcnt
$'ilitCr<~~~ :cUY eiilirti de Juan \Iariti rïiid:iiii s assurer Iccontrjlc dc
13:trcr!luiinTi.~ctii>n,cl yJrlii:c.Ii<it.isoziGt,~iausili.tirrjrr il tic ;cri1
pas difficile à mes collèguesde prouver qu'à diverses reprises I'adminis-
tration elle-mêmemontra cette préoccupation comme étant une des
bases fondamentales de la politique qu'elle suivait en mati6re de change.
Juan March avait du reste pleinement conscience de l'existence de cet
atout et du fait que les circonstances avaient ainsi facilité considérable-

ment son entreprise de conquête.Dans un singulier télégrammeadressé
au directeur de la Chade, le 8 janvier 1948, au sujet de la rupture des
négociations engagées à Bàle en novembre 1947, il déclare: iJ'ai dit en
janvier dernier à M. Speciael qu'il perdait son temps s'il croyait que mon
comportement était personnel et spéculatifquand la vérité estquenotre
attitude est exclusivement une attitude nationale et une attitude espa-
gnole. C'est ce que j'ai dit à II. Heineman à Bàle eu insistant sur mes
devoirs et engagements que j'ai pris à l'égarddes intérêtssupérieursde
la nation espagnole. u (A.C.Al., vol. II, no 118, doc. 5.)
Enfin il y a une troisième raison qui devait assurer à Juan March les
sympathies du gouvernement et qui est sans aucun doute à l'origine des
décisionsque nous avons dénoncées comme discriminatoires.
A la fin de l'année1946, l'Assembléegénéraledes Nations Unies se
trouvait réunie & New York. Un fort courant s'y était dessiriépour que
le Gouyemement espagnol soit blâmé pour l'appui qu'il avait apporté
aux pussancei de l'Axe pendant la deuxième guerre mondiale, et une
résolution semblait devoir êtreincessamment votée qui inviterait les
Etats Membres à rompre avec Madrid les relations diplomatiques. Cette18 BARCELONA TRACTION

attitude avait plongé les sphères gouvernementales dans une violente
exaspération, el lescortes furent réuniesen séance spéciale le 12 décem-
bre 1946 pour apporter au généralFranco le témoignage-.e leur appui - -
unanime et inconditionnel.
Or, c'està cette mêmeséancedu 12 décembre1946que le ministre es-
pagnol de l'industrie et du commerce fit inscrire la réponsequ'il enten-
dait donner àun déléguéd,isons membre des Cortes (en espagnol: procu-
rador; il ne s'agit pas de députééluparce que, à l'époque,les membres
des Cortes n'étaient pas élus).Ledit M.Lamata allait interpeller leminis-
tre au sujet de la Chade et de la Barcelona Traction.
11est clair que s'il en fut décidéainsi, c'est que le ministre entendait
établir un lien étroit bien qu'inattendu entre la réponseanticipative que
le gouvernement allait donner à la résolution que l'Assembléegénérale
des Nations Unies était sur le point de voter et qu'elle vota effectivement
le même jour, 12 décembre 1946, et la réponseque lui, ministre, voulait
donner à M. Latama et dans laquelle il allait faire connaitre sa décision
irrévocablederejet final du plan d'arrangement de la Barcelona Traction.
La Cour voudra bien noter que la procédiire d'interpellation aux
Cortes était à l'époquetout à fait exceptionnelle, disons plus, elle était
inconnue des nouvelles Cortes. Elle n'avait pas étéprévuedans la loi qui
avait fixéleur composition le 17juillet 1942 (Aranzadi, no 1109). 11n'en
était pas question non plus dans le règlement provisoire du5janvier 1943
(Aranzadi, no37). C'est le 17 juillet 1946 seulement qu'une loi avait été
promulguée ajoutant au reglement une disposition qui autorisait les
délkuésmembres des Cortes à adresser Darécritaux ministres des ques-
tions concernant des matières de leur 'compétencerespective. Mais il
dépendait des ministres, d'après la loi, d'y répondre soit directement à
l'auteur de la question, soit par leur re~résenïant ila commission com-
pétent~. soir:i une rl'uni~n'~léniércd'esCortes ,lorsqiic1:~iiaturc de
l'afinirelc rciidraii iiiccs;..IIûvnit donc fallu quc Icmiiiistre Su:trizcs
iuaeit n&icssnircJe trditcr dc la <~ticstioiide II Bnriclona 'l'rnctiàln
Séanceconsacréeaux débats sur ies Nations Unies pour que les deux
questions fussent traitées àla mémeséance.
Pourquoi le ministre avait-il voulu joindre deux questions de nature
en apparence tellement dissemblables? La réponse i cette question se
trouve de toute évidencedans le libellédes questions de l'interpellateur
et dans la réponseque lui donne le ministre (A.hl.,vol. 1, no40).
L'interpellateur après avoir parléde la Chade et de la Rarcelona Trac-
tion mettait en cause directement dans une sériede questions le ministre
des affaires étrangèresde Belgique, M.Spaak, en qui il voyait, à tort du
reste. un administrateurdes sociétésen question ou des banques qui les
finançaient et dont il dénonçait simultanément l'attitude politique
hostile au Gouvernement Franco qu'il avait adoptée iNew York. Mais
le lien est plus accusédans la réponse du ministre Suanzes qui, après
avoir indiqué dans une première partie de son discours que la Sidro est
une société belgedont le siège est à Bruxelles ct qui, dit-il, est censée
~osséder la maiorité des actions de la Barcelona Traction et aue la
Sofina est une fi'me belge qui possèdeun paquet important d'actions de
la Chade, sent le besoin de continuer en disant: ul'indignation est la
réaction des vraisEs~aenols et surtout de ceux aui ont souffert et souf-
frent encore dans le& Ghair et dans leur vie de fa morsure du fauve au-
jourd'hui lâchésur le monde n.devant l'attitude du Président de l'ONU,
M. Spaak. lors de son intervention dans cette organisation. Comment, PLAIDOIRIE DE M. ROLlN '9

Nessieurs, nepas établir un lien entre la colère manifestéepar le ministre
espagnol Suanzes à l'égard du ministre des affaires étrangèresde Bel-
gique, M. Spaak, et la violence avec laquelle le ministre Suanzes con-
damnait les entreprises dans lesquelles des Belges étaient intéressés
et marquait son refus d'autoriser quelque mesure que ce soit par laquelle
la Barcelona Traction s'efforcerait de mettre fin à ses difficultésfinan-
cikres.

Cmttactset collaboration entreAlarch et l'administration esPagnole

Nul doute en tout cas qu'il y a eu dèsavant le 12 décembre1946con-
tact et collaboration entre Juan hfarch et l'administration et accord
.entre eux pour prolonger l'asphyxie financièreoù se débattait la Barce-
lona Traction par suitede l'impossibilitéd'obtenir le transfert d'Espagne
des sommes nécessaires au sërvice de ses empmnts. Iles collègües-en
feront aisément la démonstration à la Cour.
Quant à moi, je veux me borner à eii trouver la confirmation dans
quelques extraits de la correspondance échangéeen 1947 et 1948entre
deux personnages de deuxième plan, l'un, M. hlarquier, agent de Juan
AIarch, l'autre,M. Maluquer, à l'époque employéde I'Ebro mais déjà
secrètement acquis B la cause de Juan Illarch. Ainsi dans les drames
shakespeariens un dialogue entre deux êtres simples et quelque peu
cyniques apporte parfois aux spectateurs un moment de détente.
Le Gouvernement espagnol a, il est vrai, mis en doute au début
l'authenticité deslettres reproduites en annexe au mémoire(A.M.,no46,
vol. 1,p. 241à 245).Le Gouvernement belge a alors déposé enmêmetemps
que sa réplique (A.R., n" 82, vol. II, p. 248)l'original du dossier de cette
correspondance avec la lettre de couverture de l'avocat Ramon Serrano
Sufier le mettant à la disposition de la Sidro (R., V, p. 284, note 3).
A la suite de quoi le Gouvernement espagnol a exprimédans sa duplique
(D., VII, no 251,~. 178) sa vertueuse indignation devant les méthodes
particulières du ouvernement belge. Le reproche est piquant venant
d'un adversaire qui a puisédans les archives de 1'Ebroles notes les plus
confidentielles échangéesentre les dirigeants du groupe ou mêmeentre
les dirigeants et leurs avocats malgréle caractère de secret professionnel
aue normalement l'on eût dû attacher à de tels écrits.
Je ne vois pas en tout cas comment un reproche pourrait êtreadressé
au conseil du Gouvernement belge de se servir de lettres échangéesentre
deux personnes dont l'une est venue apporter spontanément à Sidro

l'ensemble de cette correspondance.
Voici donc ce que llarquier. qui est en relations particulièrement
étroites avec l'avocat du groupe nlarch, Salvador Ferrandis Luna, était
en mesure d'écrirele 28 mai 1947:
«Le gouvernement ne fera pas le jeu de Sidro et n'accordera pas
les devises et [ce qui témoigned'un don d'extralucidité] je sais que,
dès que l'on verra qu'il n'y a pas d'arrangement à l'amiable, le

Tribunal l.ou~ ~ ~mes encore a~ ~ois de ma~ ~ 10<.,. mettra les
rcpr;,scn~:,nts cles i,blifi,~t:a~IIipoiî.icsslodc Riegos y FUCIZI
rlrl Ebroi.tdes >usiétr'ssubsidi:iircsu(:\.JI.. vol1,p. 241.)
Et trois jours après, le 31 mai 1947,après avoir reçu de Maluquer les
renseignements désiréspar le conseil de Juan March, Marquier renouve-

lait et précisaitson pronostic:20 BARCELONA TRACTION

«M.S. [ils'agit deSalvadorFerrandis Luna] medit qu'ils n'ont pas
l'intention de présenter des propositions ni d'accepter des arrange-
ments avec les dirigeants de Sidro. Ils se limiteront seulement à
demander d'êtrepayés. En attendant, ils ont déjà demandé aux
tribunaux de Londres la maniére d'exécuter leurs droits [il se
trompe sur ce point, il s'agit manifestement de la démarche faite
au Canada] et ils attendent sous peu la prise de possession par la
voie judiciaire.
J'ai dità M.S. que S. [Sidro] pourrait chercher les livres moyen-
nantlaformationd'unesociétécontrôléeparSidroquipourraitsesubs
-
tituer au Groupe March. Mais Salvador Ferrandis Luna croit qu'au

moment actuel il n'y a pas, dans le monde, de livres pouvant être,
investies en Espagne et dans une sociétéqui ne paie pas les intérêts
des obligations et dont ces intérêtssont dus depuis II ans et demi.
Par conséquent, il n'y a pas d'autre chemin que la nationalisation.
II ne faut pas penser non plus que le gouvernement donnera les
livres à tes sociétéspour payer ces intérêtséchus. n (Ibid., p. 242.)
Enfin, prenons note des termes dans lesquels Marquier commente,

le 16 février 1948, le jugement de déclaration de faillite rendu quatre
jours plus tôt par le j.ge.de Reus:
d1.emoment cit ;irri\.Goù tu peux iioiis nider il.i\';~ittagciattein-
drç ICbut dans Icqiicl s?troii\.cnt uni; 1%;iritki;t%tap;ignols rc.prl'-
sentci, Dai 1-1(;oii\.ernemcnt et ssus di1 ~'ro1lI)ClI'ot)li~'atair~~..ar
ce dern?er coup se fait de commun accordYpoÙrarriverrapidement
à la nationalisation.,)(Ibid., p. 244.)

L'écritest du 16février1948,quatre jours aprèsle jugement de faillite.
Cet appui, queJuan March avait reçu de l'administration des changes
et du ministre de i'industrie et du commerce, Juan March en avait donc
bénéficié aussd ie la part du juge auquel avait étéremise la requêteen
faillite et il continuerait en bénéficierde la part des cours et tribunaux
qui auraient à connaître de l'affaire. March avait spéculéassurément sur
le premier appui pour obtenir le second et il avait pris soin à cet effet
de faire joindre à la requêtele compte rendu de la séancedes Cortes
contenant le discours du ministre Suanzes et auquel je viens de faire
allusion.
Cette reau.te~ ~~ février f~t ~ ~ ~ oint de dénart de l'extraordinaire
aventure juridique dans laquelle, selin le ~ouvGnement belge, les prin-
cipes de droit les plus élémentairesfurent foulésaux pieds. Elle aboutit
en trois joursà un jugement defaillitequi, du jour au lendemain, procura
& Juan March la mainmise sur les entreprises qu'il convoitait depuis si

L'audience, suspendue à II h 20, est repriseà II h 40

La phase judiciaire

La faillite de la Barcelona Traction fut prononcée le 12 février 1948.
Lejugement rendu à cette date par le juge deReus se caractérisait essen-
tiellement par deux anomalies: d'une part, il étendait l'ordre de saisie PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 21
qui, du nioment qii'on dbclarait 1;af;iillitr, devait normalement frapper
les avoirs dc la société failliil$tendit LM ordre aux avoirs des sociétés
auxiliaires se trouvant en Espari.eu immeubles. archives. avoirs en
banquc. jdnj que ces sociL't5.sie trouvassent clles-mêniesenglob4es dans
une déclcirationde faillite; d'autre part, le jugcment attribua immédiate-
ment et dc plein droit aux organes <lela faillite la jouissance des droits
inh6rents aiix ;actions représentati\.cs du capital desdites sociétésauxi-
liaires, bien que ces actions se trouv:issent su Canada ;iux mains du
lrusteeet dussent échapper en conséquence à toute possibilité de saisie
effective sans le concoÛÎsdes autoritks canadiennes.'
Dans les jours et les semaines qui suivirent. exécutionfut donnée ce
jugement avec le concours du juge de Barcelone, et le séquestre provi-
soire et le commissaire révoquèrent les administrateurs des sociét6s
auxiliaires qui, au bout de quelques semaines, furent remplacés par
d'autres administrateurs désignéspar le séquestre provisoire et qui tous
se révélèrent&tredes hommes de Juan March.
Le groupe Juan March usa de divers moyens pour mettre le jugement
de failliteà l'abri des recours des Dersonnes morales ou ~hvsiaues at-
teintes par lei rfiets du jugement. bc nouveaux hommes<ie~ailiesoule-
vérerit~lesdéclinatoiresdecom~~~tence oiide liiridiction et quünd lessocié-
tés auxiliaires ct les employc's siipt!rizurs contesthrent la l6galité des
mesures de rbvocation prises à leur &rd, on dcclara lesrecours irreceva-
bles SOIISles pr6te'ttes les plus di\.eri: finalement. pour les sociét6sausi-
liaires. on recourut à cet extraordinaire ~r0~6déde révocation de leurs
nvoiiéizt de substitution h ces a~ou:s (l'avouéstlésignL:s par les nou-
veaux cons~ilsJ'administr:ition nommis par le s$questre pro\ijoire.
Cettenominatioii pnrleséqiiestreprovisoiredéconseilsd'administration
des suciétésauxiliaires pour gérer, sousson contri~le,les entreprisrs dont
iavait saisi les avoirs. ce fut le preniier pas dans la voie de ce quc le juge
de Reus appela sans malice «la normalisation des société,auxiliaircso.
Celle-cise compléterale 14décernhrr 194')par une re\,ision des statuts.
Les syiidiis qiii viennent dc remplacer le séquestre provisoire utilisent
les droits:iff&reritsauu actions dcs soci~!tisauxiliaires. dont le,iueernent
les avait investis, pour hiapaniscr celles (I'cntre elles qui 4r:iieiit ,:iiregis-
trées ;,ICanada et y ;ivaieiit Ieiirsiége.Elles étaient (Ir statut canadien.
cllei dçviçniieiit nnr I;i voloiité des orriaiieï de la faillite Je statut
espagnol. Et sous les prétextes les plus divers, on remplaça les
actions existantes, tant cette fois des sociétésesparnoles que des sociétés
canadiennes, par de nouveaux titres. Ce sont ceux-ci qui le Gouverne-
ment belge a appelésles faux titres; ce sont eux qui, deux ans plus tard,
seront remis à Fecsa lors de l'adjudication publique; Fecsa, cette société
crééepar March lorsqu'il s'apprêtait à se porter adjudicataire, se por-
tera donc soumissionnaire lors de l'adjudication des biens de la société
faillie.
Au cours des années 1050-IOFI. le Gouvernement espamol rentra A
nouveau en scéne.Il fit c&stitÜer'avec le concours deç'Gouvemements
anglais et canadien une commission internationale d'experts ne com-
prenant Das d'ex~ert bel~e et dont les conclusions. en grande partie
invorabl& A»arcclona l'Gction. furciit jiri>ssièrzniciitd6lErmr'.esiiar le
Gouvemeinrrit espagnol ilans dzux communiqu&squi fais;iient ;ippnraitre
les sociétésdu groupe comme étant Ala veille de~poursuites réFessives
redoutables et susceptibles d'entraîner pour lesdites sociétésdes con-
damnations mineuses. 22 BARCELONA TRACTION
11n'en fallut pas davantage pour que les syndics se fassent autoriser
à vendre les avoirs qui avaient étésaisis irrégulièrementet parfois ficti-

vement. Cefut le dernier acte du drame. La mise en vente s'accompagna
de modalitéset conditions ~articulièrement machi~v~ ~au~ ~de2na~ ~e~ ~ ~ -~~
assurer, en excliiant pratioueriierit tuute pussibilit; d'cnchércs,1'~cquiii-
tion des biens par Ic groupe .\lnrcli à un pris dtirisoire qiii 1:onr;icrait le
dénouillement ~.omulctdes actioiin:*iresde I:iH:irceloiinTrnctivri.
Ses diverses megures furent uniformément entérinéespar des déci-
sions judiciaires contre lesquelles tous les recours demeurèrent vains.
Ainsi. le 4 janvier 1952 ;andis que la procédureallait se poursuivre
pendant plus de douze annéesencore, Juan March, par l'intermédiaire
de Fecsa - cette sociétéconstituéepar lui A cet effet- voyait le succès
couronner ses efforts et ceux convergents des autorités administratives
et judiciaires: l'actif intégralde Barcelona Traction lui était adjugésans
pratiquement d'autre charge que celle de rembourser en principal et
intérêtsles obligations dont il avait lui-mêmeacquis à très bon compte
la grande majorité.
Tels sont, dans leurs grandes lienes, les faits que les conseils du Gou-
vernement belge auront: au coursdes prochaine; semaines, à soumettre
à l'appréciation de la Cour.
On nous a fait, dans la duplique, une objection ilaquelle j'ai le devoir

de répondresans détours. On nous a dit que si Juan March avait eu réel-
lement à son entière dévotion la totalité des magistrats qui pouvaient
avoir à connaître de l'affaire de la faillite, il ne lui aurait vas fallu auatre
ans pour abcutir. Il lui eUt suffi dl. deiiiaiidcr aux COUIS'C~ trihun<;ux le
rqçt pur et iiiiiplailes dii,ers rccoiirs qui avaient étéintro<liiirsct 1':iclie-
minement rapide de toute la procéduie vers la lianidation à son profit
des avoirs dela sociétéfaillie.&
Notre réponsedoit être sans équivoque. 11n'est pas douteux, à notre
avis, que les magistrats qui eurent à connaître de l'affaire n'étaient pas
au m&medegrésisceptibies de donner satisfaction aux vŒux des con&ils
de Juan March, quelle que fût leur extravagance. Nous ne doutons pas
que la plupart d'entre eux eussent étéincapables de rédigerou mêmede
signer le jugement qui fut rendu par le juge de Reus le 12 février 1948.
Mais il eût fallu de leur part un certain héroïsme pour se mettre au
travers d'une procéduredont ils n'avaient pas la responsabilité initiale
et dont le Dromoteur ne iouissait Dasseulement de~ ~ ~e~ ~ du ouv voir. .
niais se prL:sc.nt;iit.:,\.'ccrtniiie~'ap~~:~r,-~~cci \,raiseinbl;ince: soinnie
I'incnrnntiuii d'iinç i;iiiic ii;iriuiinl~:.D'autre part, 1~premicr jiigc spEcinl.
notamment, dut îe seiitir rnsîiirc penJant les (1u;itorzcprviiiirra iiioisqiii
suivirent lc jiijirnicride faillite, du fait qur: cette ~~rocCdiircq..iii sniis
doute avait niis le groiipc .\larch en ~)oiicisioridcs sociétésauxiliaires

qu'il con\,oitait. rie puiiv;iit pns condiiire, dans un avenir pr6vijible.à.lui
conforer un titrz d6finitif. Ln proci.durc SC trouv:iit eileffetbloquéeiion
se~ileriiciitpar l'instruction du tlécliiintoirede compétenccet les incidents
qui vziiaieiit s'ygreffer, mîis encore par le fait que Icsi.que;trc j)rovisoire
n'a!.aiit pas accGi;iiix papiersclifailli.quiSC rrou\,aient :îToroiitti. devait
demeiirer hori rl'l'tatd'établirInlist,: des cr6anciers et par ioiis;r~iieiit de
les convoquer en assembléegénéralepour proceder à l'électiondes syn-
dics; orcette décisionétait indispensable pour u'il puisse êtreprocédé
.lavente puisque les syndics étaient seuls qualifi 3 s pour ce faire. 11y avait
donc pour eux une certaine attitude peut-êtrepeu glorieuse mais qui leur
paraissait acceptable et qui consistait un peu comme Ponce Pilate à se PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 23
laver les mains de ce'qui s'était produit et qui paraissait devoir momen-
tanément subsister sans aggravation notable.
Qu'il faille établir une distinction quant au degréde complaisance des
divers magistrats qui eurent à connaître de l'affaire, je n'en veux pour
preuve que cette declaration faite par Juan March en mai 1948, et qui se
trouverapportée dans un affidavit de M.Wilmers produit eu 1949devant
la Cour suprêmede l'Ontario (p. 96 du Blue Book v,ol.1):

«le juge de Reus [déclara-t-il à cette date] qui a rendu le jugement
de faillite dans l'affaire de Barcelona, ferait tout ce que lui, March,
demanderait - en fait il le contrblait- mais ni March ni Barcelona
Traction ne pourraient contrôler le juge spécialqui avaitétédésigné
pour prendre la charge de la procédurede failliten.

Voilà le rhmé des faits qui sont :iIn 1):isede 1:ideniiinde belge et que
nies iunfréres et moi :iiirurisla ticlie de vous retracer clans les ;iiidiçnces
qui vont suivre. Après quoi nous aurons à nous expliquer une nouvelle
fois sur les deux exceptions que, dans son arrêtdu 24 juillet 1964, la
Cour a jointes au fond.
En ce qui concerne la troisième exception - à supposer que nous lui
conservions son numérod'origine - des réponses complètesseront don-
nées,du moins nous espérons pouvoir en donner qui soient considérées
comme complètes, aux diverses questions de faitet de droit qui ont été
posées à son sujet et dont nous ne méconnaissonspas l'intérêt.Et pour-
tant qu'il me soit permis de regretter que mes adversaires se cram-
ponnent ànn moyen qui me paraît personnellement aussi manifestement
contraire au bon sens. Comment? Voici un litige qui depuisplus de vingt
ans a mis aux prises un groupe espagnol convoitant les entreprises d'élec-
tricité de Catalogne et un groupe d'actionnaires belges ayant le contrôle
de la Barcelona Traction. Ces actionnaires, pendant toute la duréede la
lutte, n'ont pas cessé d'étre désignéspar l'administration espagnole,
comme par le groupe March, comme étant le igroupe belge Iet l'on vien-
drait mettre en doute la nationalité des victimes ou, ce qui revient au
même, leuraptitude Bs'adresser à leur gouvernement pour en obtenir la
~rotection?
Le plrridoxc clccette troisi>incexicption m'nppUraitcoiiiiiicpliii frnp-
plnt ciicorc lorsque je le rnpl~rocli~<IrIn quatriéme exception où ili.st
ri:i>ri>cliii Gouv~:rrieiiieiithrlc~.ouï les \ricrimesdes :irisii.nit:iits JGnoii-
c& n'aient pas préalablement Gui'séles voies de recours interne. La Cour
sait que c'est par centaines que des recours ont étéexercés. Or, c'est
Sidro et exclusivement Sidro. la ~rinci~ale des actionnaires belres. quiu .
dbs le début sonna lc branle-LIS :le i:u;iibnt. mobilisa les dirige:<ntsdes
-t~ciétén siisili:iire:iv:iiiy:11,sfi,iiJs inclis~~zn~:iblsu rfceiver dc 13nrcc-
Ionn Traction nii Cnnada et m;m~, ;?1.1Satioiill Trust ct ii div<.rîoblica-
taire; pour qu'ils critrerit d.iiis I:Ilice <:tzs<:rseritles rciours indisl>ciiin-
ble. 1,i .o:~.ir;fz11iirn'cùt pli IN Ir fnire sans son aiJc p~~i>qiil'a. saisje
;iv:int kt&;ihitjiveiiiciit étcn<lii;?sri so2iLttii~i~~ili~iresc,l12 ri2 UOU\YJI~
léurdemander de supporter pour son compte la charge des friis judi-
ciaires considérables qui devaient être exposésen Espagne. Et alors que
Sidro a donné ainsi avant tout litiee international la preuve la plus
tsiigiblc par ses s:icrificesque ;L.,iiitéiêts\.it~u.sse truii\'.îiciit jirî\,ïmciit
16~6spnr l'action de Iuan llarch, on voudrait aujourd'hui en nier In
réalitc. Ic ne ~uis 1';idriizttr..zt ,'ni la fail>lesszde croire que la Cuur ne
pourra i'admêttredavantage.24 BARCELONA TR4CTION

Voilà ce que j'ai cru nécessaired'exposer à la Cour pour lui faciliter la
compréhensionde notre série d'exposésE . t voici maintenant l'ordre dans
lequel nos plaidoiries vont se succéder.
Nous avons cru convenable, vu que la Cour a déjà une connaissance
généraledesfaits de la cause, de commencer par un exposédes principes
juridiques en fonction desquels elle va avoirà les apprécier.

L'ordredes plaidoiries des conseils duGouvernementbel~"
Je wii pcr~onnellemcnt me çliargzr de cet expos;. et chacun des orn-
teurs qui mr suivront s'efforcera de clî~tiirerl'examen des faits qui lui a
été conli? par I'iiidication des principes ouides ",eles iiiridioues dont il
dénoncelaviolation à cette occasion.
Cesexposésdes faits vont se faire autant que possible suivant un ordre
chronologique.
C'est ainsi que le professeur hlann [ne succédera pour entretenir la
Cour de l'attitude de l'administration espagnole pendant la période pré-
paratoire à la faillite. Mais il complétera son exposépar la critique de
l'attitude de cette mêmeadministration dans la suite de la procédure lors
de la constitution, en 1950,d'une commission internationale d'experts et
lors de l'altération des conclusions de cette commission par les commu-
niquésde 1951.
Le professeur Mann sera suivi par mon confrère et collègue, hl' Van
Ryn, qui vous parlera du jugement de faillite, des décisionsconnexes,
ainsi que de la prétendue normalisation des sociétésauxiliaires.
Moi-même jereprendrai ensuite la parole pour exposer à la Cour les
divers moyens mis en Œuvre pour assurer le blocage des recours.
Je serai suivi par mon confère, Mc Marcel Grégoire,qui vous parlera
des conditions très particulières de la vente.
Le professeur Mann rkprendra ensuite la parole pour fairela démons-
tration des usurpations de compétence, compétence de juridiction ou
compétenced'exécutionqui caractérisent les actes et décisions dénoncés
dans les exposésprécédentsde MVan Ryn et de MCGrégoire.
Vous entendrez après cela MeLauterpacht vous faire la démonstration
de l'importance des intérêtsbelges pour la protection desquels le Gouver-
nement belge a introduit la présenteaffaire devant la Cour. Il y liera tout
naturellement l'exposédenotre demande relativement à la réparation du
préjudice, et ceci terminera l'examen du fond de l'affaire.
Mon collègue,le professeur Virally, entretiendra ensuite la Cour de la
troisiéme exception et son exposésera suivi d'une deuxième intervention
relativement brève de hl' Marcel Grégoirequi surabondamment donnera
à la Cour des explications quant à l'importance des intérêtsbelges dans
les sociétésSidro et Sofina.
Enfin, il nous resterà traiter de la quatrième exception, pour laquelle
personnellement également la charge si, commeusnilest possible, l'état de

notre banc.n confrère ne lui permettait pas de reprendre sa place à
Pour clôturer cette introduction, il ne me reste plus qu'à donner à la
Cour quelques indications complémentaires quant à la façon dont mes
confrères,collègueset moi-mêmeavons compris notre tâche.
Les conseils du Gouvernement belge se sont naturellement rendu
compte, dans la préparation de leurs plaidoiries, du volume exceptionnel
atteint par la procédureécrite. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 25

ceux-ci ont rempli pour 1'Etat demandeur 15 pages, plus 185, plus 767,re,
soit au total 967pages; pour 1'Etat défendeur, 754.plus 1164, soit 1918
pages sans compter les 19volumes d'annexes.
Si nous devions. dans nos vlaidoiries.exuoser à nouveau dans le détail
tous les faits et arguments Îelatés dans 1; mémoireet la réplique, ren-
contrer à nouveau les objections formuléesdans le contre-mémoire.sans
nous borner à la réfutation des princiuales obiections nouveUesdévelov-
péespar le Gouveriierneiit ~bpagnoldniis 1:id;l)liilor. les prcniiéresplni-
doiric.5du Gouvernementbelge aurnieiit n6cejsitd ielles seiiles de iiom-
breux mois et une année entiere aurait à peine suffi pour terminer ce
débat oral. Cela n'eût évidemment pas étéraisonnable.
Une procédure écrite aussi volumineuse et aussi détaillée,loin de
iustifier des vlaidoiries d'uneloneueur auasi illimitée. commande aux
laideu desiirésenterciI:ICour une vue ;yntliétiLluedc'l'aifnire,et dc se
limiter pour le surplus nu cl~v(:lopl~emciite quelr~iiespoints esjeritirls.
II va di soi que dans ces conditions, la non-é<oca&on.Ïnémesommaire.
de certaines 'thèses développées dans la procédure 6c&e ne pourra étre
interprétéecomme un abandon. ni le silence observépar nous quant à
certâines allégations de la duplique sur des points aicessoires comme
ayant la signification d'un acquiescement.
Dans le mêmebut de concision, nous éviterons autant que possible
la lecture de pieces. Mais, dèslors, nos exposésvont êtrefarcis deréfé-
rences. Que la Cour ne s'inquiète pas si ces indications ne lui sont pas
donnéesau cours de nos plaidoiries. Nous avons penséque ce serait fasti-
dieux autant pour les auditeurs que pour les orateurs, mais mes collègues
et moi nous aurons soin de fournir aux services du Greffe en temps utile
rendus sténographiques.s afin qu'elles puissent figurer dans les comptes
Cette question des référencesappellede ma part une deuxième obser-
vation.
Parmi les très nombreux documents qui ont été versésaux débats par
le Gouvemement espagnol au moment de la présentation de sa duplique,
il en est une sériequi n'ont pas étéreproduits dans les volumes d'annexes
et aui ont fait I'obiet d'un déuôt:iu Greffeen un seulexemplaire. Il nous
a fallu, je le reconfais, plusieÛrsmois pour pouvoir en prehdre une con-
naissance complète. II est fait allusion sporadiquement à certains de ces
documents dans la du~l. .e. Leur examen nous a conduits à considérer
qu'il :i\.:iit ptirnii les ducurnt:nts (lé:iu Greffe (1';iutrespiécesqui
m6rit;iierit égalenient de reteiiir l'attention de la Cour. Jlais un systérne
(Ir rélér,?nccs ce dépotde pi8ceqen vrac nurait placc?les membrts de la
Cour clevniirla memc <lificulréqiie celle que rioui :i\.ons iioiis-riiimes rcn-
coritrée Et. cléslois, cii vude fnciliteIciiii.icliiiour;*<.un rs?produit,
d3ns le nomhrt réglementniied'rsempl;iires, toures les piécesdes députs
çspngnols :iuuqurls nous entendons nous rt:fc?rer.hlles seront contriiues
dnris des reciieils que iiriiis;ii.ons intiUltrzBookset dontle pr<:riiier
a déib134J;i~os&ail Greflc dniis uricert:iiri iioriihred'exempl:~irésIl sera
suivi d'un se'condet peut-êtred'un troisieme.
Enfin, il me resteà donner à la Cour une dernièreindication. Parmi les
griefs formulésrelativement à certaines décisionsjudiciaires espagnoles,
ily a celui d'avoir, dans certains cas. commis des dénisde justice dont
l'appréciation soulèvedes questions de droit espagnol.
Ilva de soi qu'à aucun moment les conseilsdu Gouvemement belge qui26 BARCELONA TRACTION

ont étudiéces auestions n'ont commis i'im~rudence ou n'ont eu l'outre-
cui~l;iiiccdc j'eii rrinçttre ice sujet à la coii;i:iiiii:iiicesuperiicicllc qu'eux-
inEmcsaurait-rit ptiacqui'rir cn fciiillctant Irs codescipag.ol. üiilcicuiii-
mentairesdes iurisconsultes.
DCsIc dçbui duns. Irîcoriscili dii Gouverncmcnt bclgc ont ktaLli uii
ioiltact Gtruit n\.<cdes profciicuri d'uni\vrsité ou mcmbrçs des h:irrc;iiix
espagnols, dont ils ont-avec avidité recueilli les enseignements et qu'ils
n'ont pas cesséde consulter tout au long de la préparation de leurs écrits
et de leurs plaidoiries.

Trois d'entre eux, les professeurs Prieto Castro. Giron Tena et Oliven-
cia;ont bien voulu aujourd'hui encore nous assister en qualité de con-
seillers-experts pour l'interprétation des questions de droit espagnol. - -
Nous leuren exprimons notre gratitude.
D'autre part, M. le professeur Garrigues, qui, comme deux des col-
lèguesque je viens de citer, est l'auteur d'ouvrages auxquels nos adver-
saires se sont eux-mêmesfréquemmeritréféréd sans leurs écritures, nous
a autorisés à faire état devant la Cotir de la consultation qu'il a, il y a
plusieurs années, donnée à Sidro. Cette consultation fut à l'époque
imprimée;elle se trouve dèslors dans le domaine public et un exemplaire
a étédéposé à la bibliothèque de la Cour.
M. Garrigues a ajouté qu'il se tenait à notre disposition pour nous
fournir toutes exulications complémentaires aue nous pourrions lui
dcm3iider c\~cntu~llcmciit iiir l';iliiiiI'autr,: des poiiit.; \.ii;s ]>:IIIiii
iiniis sci ]>iil~li~::itii~c,ntiiellcrnenr :i1:~iiig<ciiciii tl'iirrneiiihre dr
li cuur.
\lonsicur Ir Pir:iideiii, llesii~ur~ lçjjiigei. :ipiéi:i\.nir dorini. ila Coiir
cette drrniirç iiidicntion, il ion\.iciit qiiç jeIII?sou\.ietiiic dc In proniesse
dc concisiu~iout: i'ai faite :i I:Cuiir il \':I1111iiiitiliiCI]mon nom ct :,II
nom de mes co~k~ueset, désireux de-leur prêcherd'exemple, je mets

donc un terme à mon introduction et je suis, s'il convient à la Cour, dis-
posé à entamer immédiatement l'exposédes principes juridiques.

Exposédes principes iuridiques

Monsieur le Président; Messieurs les juges, comme je le disais il y a un
instant, notre équipe a pensé qu'avant d'aborder l'examen des divers
griefs formulés par le Gouvernement belge relativement aux actes et
omissions des autorités administratives et iudiciaires aui ont concouru à

s:iii;i:r aux actionn3irc5 bclgc,s Itpil(jiidicc d~nt rl:parnti«n ~ h rr~<cl.imCc
à I'Etat c>p:igiiol.il cnii\.,.iinit de rappclcr ioiniii:iirriiii.ii1;(:OUI quels
sont d;iii; iiotrc conception les ~~riiicipcsdc drnit dei grni qui juiit j.la
hnsc de la r~.spuns:il>ilit;iiiterii:~tionnlciniyudc i I'Etxt eil).~giiulpi1 le
~;ouvcrncmciit belge et dt rt!!futcrsomm~irciiient lrs uhjrctiuiii qui- ~ orit
étéopposéesdans ia duplique.
C'est en effet de ces principes que la Cour aura, si elle nous suit, à faire
application dans le jugement de cette affaire. Les griefs belges visent à
la foisdes usurpations de compétence,des abus de droit et des dénisde
justice. Nous traiterons donc successivement des principes relatifs à ces
trois catégories de griefs pour terminer en disant quelques mots de ce
que nous avons appelé legrief global dans lequel la duplique a cru décou-
vrir à tort une tentative denotre part pour faire admettre une quatrième
cause de responsabilité. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 27

Les principes relatifsà l'usurpation de compdtence
Tout d'abord, en ce qui concerne les usurpations de compétence les
griefs du Gouvernement belge sont doubles. Ils visent d'abord la com-
pétence que se sont attribuée les tribunaux espagnols pour prononcer la
faillite de la Barcelona Traction, c'est-à-dire la compétence de juridic-
tion, ensuite les moyens imaginés par le juge de la faillite et certains de
ses successeurs pour atteindre des-biens qu'ise trouvaient hors du terri-
toire espagnol et réaliserainsi en territoire étranger une sorte d'exécution
forcée - c'est ce que j'ai appelé la compétence d'exécutionet que les
Anglo-Saxons appellent enforcementjurisdiction. Quant à la compétence
de juridiction, assurément les Etats ont en généraltoute libertéde déli-
miter à leur guise l'étendue de.la compétencede leurs tribunaux comme
le champ d'application de leur législationet il est inévitable, dèslors, que
desconflitsdeloisen résultent. Encore faut-il qu'il soit fait de cette liberté
un usage raisonnable sous peine d'engager la responsabilité de 1'Etat
lorsqu'il a manifestement donné à sa législation et sa juridiction une
extension arbitraire d'où est résultéun préjudice à l'égardde ressortis-
sants ou d'Etats étrangers.
Il y a usurpation de compétencesi les tribunaux d'un Etat s'arrogent
rattachement sérieuxavec cet Etat; tel fut le cas, suivant le Gouverne-
ment belge, du tribunal de Reus lorsque, le 12 février 1948,il prononça
la faillite de la sociétéBarcelona Traction. A cela le Gouvernement espa-
gnol oppose, dans sa duplique (D., VI, p. 210, no 19).l'arrêt renduen
1927 par la Cour permanente de Justice internationale dans l'affaire du
Lotus suivant lequel:

«Loin de défendre d'une manièregénéraleaux Etats d'étendre
leurs lois et leur juridictioà des personnes, des biens et des actes
hors du territoire, il leur laiàscet égardune large liberté qui n'est
limitée que dans quelques cas par des règlesprohibitives. Pour les
autres cas, chaque Etat reste libre d'adopter les principes qu'il juge
les meilleurs et les plus convenables.t(C.P.J.I. série no IO,p. 19.)
Et nos adversaires de nous demander où est la règlededroit international
prohibitive qui vient limiter la compétencedes Etats en matière de fail-
lite. Je ne sais si on peut qualifier de règleprohibitive la conception que
j'ai exposéede l'aspect international de la compétenceappartenant aux
Etats sur la personne et les biens de ressortissants étrangers mais j'ai
tout lieu de croire que la Cour, pas plus que moi, ne verra dans l'arrêt
du Lotusl'étatdernier de la jurisprudence internationale en cette matière.
Deux arrêts au moins me naraissent avoir attribué au droit inter-

tait la licéitédes décisionsp;ises par fa Norvège relativemest au tracé
des limites de sa mer territoriale, la Cour a déclaré(C.I.J. Recueil 195I,
p. 132-133) :
«La délimitation des espaces maritimes a toujoursun aspect inter-
national; elle ne saurait dépendre de la seule volonté de 1'Etat
riverain telle ou'elle s'ex~rime dans son droit interne. S'il est vra1
que l'acte de 'délimitation est nécessairement un acte unilatéral,
parce que 1'Etat riverain a seul qualité pour y procbder, en revanche28 BARCELONA TRACTION
la validitéde la délimitationà l'égarddes Etats tiers relèvedu droit
international,
A cet égard, certaines considérations fondamentales, liées à la
nature de la mer territoriale, conduisenti dégager quelques critères
qui.à défaut de précision rigoureuse, fournissent au juge des bases
suffisantes de décision,adaptées à la diversité dessituations de fait.
Il en résulteque tout en reconnaissantà cet Etat la latitudequi doit
lui appartenir pour adapter sa délimitation aux besoins pratiques
et aux exigences locales, le tracé des lignes de base ne peut s'écarter
de façon appréciable de la direction généralede la côte. »

Transportant la matiere qui nous occupe ce que cet arrêt desPêche-
riesnous enseiene en matière de tracé des limites de la mer territoriale.
je crois Ctreen2roit deconstater que l'acte <ledéterminationdel'étendue
de la sphère dc compétencedes Etats est nécesscaircmentun acte unila-
téral.mais aue la validitéde cette détermiiiationà l'éKarddes Etats tiers
relève du dkoit international, en sorte que s'il est causé préjudiceaux
ressortissants de ces Etats tiers, la responsabilité de 1'Etat auteur du
préjudicesera engagée si ledommage a-étécausépar un de ses organes
dans l'exercice d'une compétencequi, suivant le droit international, ne
pouvait lui appartenir.
Le deuxièmearrêt,déjàcitépar IeGouvernement belge, dans laprocé-
dure écrite,est celui rendu par la Cour dansraffaire Noltebohm.Le Guate-
mala contestait que la Principauté de Liechtenstein puisse poursuivre
devant la Cour la ~rotection d'un hl.Nottebohm sur base de la natio-
nalitédu 1.iechten;tein qu'elleIiiavait conferCepar voie de naturali~a-
tion dans des conditions que le Guatema1;i iu.e:-it contr:iires :LU droit
international.
La Cour s'exprime à ce sujet comme suit (C.I. RJecueil 1955.p. 23):
ula diversitédes conditions démographiques ii'apas permis jusqu'iii
l'établissement d'un accord gc'néralsur les ri.gles conccrnaiit I:I
nationalité, encore que par sa nature elle :iffect~.les r:i[iports iriter-
nationaux. On a estiméaue le meilleur moven de faire Gncorder ces
règlesavec les condition; démographique;diverscs existant <:i i:t13
etnit de laisser leur détermination 3.la compGtenccde cliaqiiç Etat.
Corrélativement un Etat ne saurait pri.tendre que les règles par lui
ainsi établies devraieiit étre rcconnues par uii autre Etat. que s'il
s'est conforméice hut génbralde faire coiicorder le lien juridique de
la n:~tionalitéavec le rattachenient elfectil de I'indi\~iduiI'l?t:it qiii
assume la défense de ses citoyens par le moyen de la
vis-à-vis des autres Etats.a

la convention sur la nationalité adoptée parhlaaconférencepour la codifi-
cation du droit international tenue à La Haye en 1930, et à laquelle j'ai
eu personnellement le plaisir de participer:

«la législation édictéepar un Etat doit êtreadmise par les autres
Etats, pourvu qu'elle soit en concordance avec ...la coutume inter-
nationale et les principes de droit généralementreconnus en matiere
de nationalitén
et commentant cette référence à la coutume et aux principes générauxde
droit, la Cour ajoute que: PLAIDOIRIE DE M. ROLIN
29
u selon la vratique des Etats. les décisionsarbitrales et iudiciaires et
les opinio;s d&triiialcs, la n.ationalit&est un Lienj~rid;~ue. ay;int a
sa base un fait socialde rattachement, une solidariti effectived'exis-
tence. d'int;rCrs. dc sentiments, iointt à une r6cii)rociti.de droits et
de devoirs ii.

L'intérêd t e cet arrêtNotteboiimpour lejugement de l'affaire qui nous
occupe est double. II en a étéquestion dans la procédure écriteet les
débatsde 1964en ce qui concerne la discussion de la troisièmeexception
du Gouvernement espagnol dans lequel celui-ci dénie le jus standi du
Gouvernement belge dans l'action qu'il exerce pour la protection des
actionnaires belges de Barcelona Traction.
Mais il doit selon nous êtrenris en considérationaussi dans l'a~~récia-
tioii du grief formul; yar le ~;;uverneniziit hcljic a I'Cgnrddes trihiinniix
cspagnolj qiii, t:riproiiori~;iiitIn faillite d13 L<arcclona~l'ractioii.source
dc i>réiiidicesconsidçrables ciur subirent les ;iitiunn:iires I>clues.soiit
sort'isies limites de leur compétence. Assurément,la Cour s'eyt bornée
à dire dans l'affaire Noltebohmque la naturalisation de cette personne
Dar le Liechtenstein n'était Das o~~osable au Guatemala. Elle n'a nas
héclaré,et nul ne le lui demandait du reste. qu'il en résultait une resp'on-
sabilitéinternationale pour le Liechtenstein, ce qui en l'absence de dom-
mages n'aurait pas pu-se concevoir.
Mais il fautadmettre qu'il en serait autrement si de l'exercice de cette

compétencede naturalisation par un Etat étranger, un préjudice résul-
tait si par exemple une naturalisation était imposée à un ressortissant
étranger contre son gréet en l'absence de tout lien de rattachement et
s'ilavait étéde cefait astreint à un service militaire par exemple.
Enfin il est un troisiémearrêt,plus récent encore qui, si je l'ai bien
compris, est susceptible d'êtrepris en considération par la Cour lors-
qu'elledélibérerasurla présenteaffaire, c'est celuiqu'elle vient de rendre
le 20 févrierdernier dans l'affaire du Plateau continental.
Aux terme5 ilu corn~iroinis, I;iCutir kiit iii\irét:i indiquer Ics prin-
cipt.5t:t1,:.r8filcsde droit internaiioiial 3l)l)lirnl)lc:ila (li.lirriiratioiides
ctcnciii~, dti pl:itc:;iiicoiitiii~~i pp:,rt,:iiniit aux divcr;c. IJ;<rtii. iis
statuer ex a?qi<o t.hono, ccpoiirquoi ?Il<.eut du rcccvoir tiiir ;iiitorii.itioii
espresse dc; P:irtie;, 1;iCoiir ;i16riii1ijinii.lnris ci-t nriCr clc suil suiiii (Ir
tciiir coiiipte (le l'éqtiit~dans 1'iiiterpri;tation ilc, rr..er priiicipei (III
droit intcrnatiuii;il g<rii\.eiii;iiitla ~ii;~ti..'C\.itcrif:qui run(liiir:iitù
dtts coiic1u;ioni cstraordiiiairci, peu n:itreIl <,II ilér;tisoiinable,
(par. 24), à une solution contraire à un résultat raisonnable (par. go),
et elle a cherché à définirle but à atteindre, plutôt qu'à faire choix d'une
methode de délimitation (par. 92).
A vrai dire. cette ~réoccu~ationdu résultat raisonnable et du but à
atrciii<lrc r.;t <.rruitci;i,li;,;iiisiic>ti,~is'nbiii clt(Iraitct dt;t<~ur-
nenient dc pouvoirs, dont je coniprc ciitr~rciiir I:i Coiii d:iiii I'atidicnce
[le <lem.iin.
>l;iiscel;i foiirninic~,nrait-il.iincin dri~iatse~lii;iiir:I'cq>rit
dan: Icqucl il y ;Ilieiiil :it)ord~.r1'iiitrrpr;tntion dc 1'applii:itiuiidf-sprin-
civts dc droit ~rirr.rn;itioii,l rc'cijjari1.iililiiiiit.iti<iii cles coni~Ctcn<:es
législativeset juridictionnelles aes Etats.
Mais plut8t que dans le droit international public, c'est dans le droit
iiiternational privéque le Gouvernement espagnol a cru pouvoir trouver
un appui. S'attachant particulièrement à rechercher dans le droit com-30 BARCELONA TRACTION

paré, quelle est, en matière de faillite, la pratique suivie dans les diffé-
rents Etats, il a abouti aux deux constatations suivantes: l'une c'est «la
grande diversitédes raisons qu'invoquent les Etats pour asseoir la com-
pétencede leurs tribunaux en matièrede faillite» (C.M.,IV, no 38, p. 479,
et D., V,p. 230) ;l'autre c'est que «ledroit international reconnaît à 1'Etat
une compétence exclusive et discrétionnaire pour fixer à cet égard les
normes qu.il .iu.. bon d'établir > D.. V, no 60. D. 226).
1.cGou\~criiciiiciitbclgr ii';:iiicuiic pcii:tiiiirq1ic.îoii;~ic~r<qluant
:I13 priiiiiervdt:ces c.unstat.itioiis. (juni:I1;iic.uii<lcilI'ïcccl~tr.l:c3lr.-
ment sous l'importante réservesuivante, c'est que contrairement à ci qui
paraît être l'opinion du Gouvernement espagnol, le fait qu'une question
relève de la compétencediscrétionnaire d'un Etat n'a aucunement pour
conséquenced'écarter de façon généraleet absolue toute possibilitéde
mise en cause de la responsabilitéde cet Etat, celle-cidevant au contraire
être admisedans les cas où cet Etat s'est servi de sa compétenced'une
manière manifestement déraisonnable, sans rapport avec les intérêtsen
faveur desquels cette compétence lui est reconnue par le droit inter-
national et où il en est résulté uneentrave pour l'exercice normal par
les autres Etats de leur propre compétence.
Il appartiendra à mon collègue, le D' Mann, de démontrer à la Cour
qu'en l'espèceles éléments derattachement retenus par la juridiction
espagnole ou par le gouvernement pour justifier la compétence des tri-
bunaux espagnols étaient ou inexistants, du moins à la datede la faillite
de la Barcelona Traction, ou insuffisants, tant au point de vue du droit
espagnol que du droit international, pour justifier la juridiction des tri-
bunaux espagnols.
Mais il est vrai de reconnaître que si le juge de Reus s'était borné à
prononcer la faillite de la Barcelona Traction. sans insérerdans son iuee-
ment des mesures exceptionnelles, et je crois pouvoir dire extravaga%s,
affectant notamment directement les avoirs de la société faillieet ceux
des sociétésauxiliaires non mises en faillite, ce jugement n'aurait eu pour
cette sociétéet ses actionnaires aucun effet pratique et serait demeuré,
suivant l'expression du professeur Verzijl, brutumfulmen.
Il n'est pas douteux qu'en ce cas le Gouvernement canadien et le Gou-
vernemeni belge auraient tout au plus élevéune protestation diploma-
tique, mais la Cour n'aurait certainement pas eu à connaître de cette
affaire.
C'est parce que les mesures d'exécution ordonnéespar le juge de Reus
et mises à exécution par les organes de la faillite ont, en violation des
règlesdu droit international, frappé et détruit des biens et des intérêts
de ressortissants étrangers se trouvant à l'étranger que la compétencede
dommage,doit êtreconsidérée commeayant engagéla responsabilité deorigine de ce

1'ESoi13soriimç?ici .ur un tcrr;,iii p.irticiilic'rt.iii2nt,uliJr., iclui que nous
n\,,,ii(l;niiicoininc ;tant la coini~;rent.cd'rut~~iirioii.
Comme l'expose fort bien mon êstimé futur contradicteurle professeur
Guggenheim (Traité1,p. 369), siles Etats sont en principe libres dedéter-
miner le champ d'application ou de validité de leur ordre juridique, ce
qu'on appelle en allemand Geltlmgsraum,il n'en va pas de mêmede leur
domaine d'efficacité, Wirkuwgsraum,c'est-à-dire du domaine où les règles
de norme juridique et les décisions judiciaires qui en font application
peuvent compter au besoin sur une exécution forcée.Cedernier domaine PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 31
est en principe limitéau territoire national et ne peut en déborder que
moyennant l'autorisation des Etats étrangers.
Cette autorisation peut êtregénérale - elle l'est pour les Etats dont
la législationadmet, comme la Belgique, le principe de l'universalité ou
de l'unitéde la faillite dans toute son &tendue.En ce cas, l'organe de la
faillite étranger a les mêmes pouvoirsque ceux qu'aurait un organe
national et il n'y a qu'une masse faillie.
Elle peut aussi êtrelimitée à certaines catégoriesde biens, ou bien eue
peut être totalement exclue. Dans les cas où une exécution partielle est
possible, elle est ou non, suivant les pays, subordonnée à une autorisation
snécialed'exécution, c'est-à-dire à un exeauatur DroDrement dit. étant
z;itmi~u qiic i'cxccution ii'lsr jani:ii; n<~nii;F<lucFI13comp~it,nzcdu lu<c
<,tr:iiicé3 GtTre~<jiiiiué1.131sunï ilioj~ cjr ccrr.iinc, c'e,t qii'id;I;iiidi.
ce consentement toute mesure d'exécutionordonnéepar unjuge étranger
à l'égardde biens se trouvant sur le territoire étranger constitue une
violation de la souveraineté territoriale d'un Etat étranger et donc un
acte contraire au droit international.
Ceci ne vise pas seulement l'exécution directe qu'un Etat poursuivrait
par ses propres agents en territoire étranger.
On ne m'en voudra pas de citer à ce sujet un extrait du cours professé
en 1964par le professeur Mann A l'Académiede droit international sous
le titre uThe Doctrine of Jurisdiction in International Law ipuisque, à
cette é~oaue.le professeur Mann n'avait pas encore étéauorochéDar le
GouvC~riii.iiieiibtel& ou scsi.uiiscil. I>t,rii'il nolisnpportc ,un cuniours.
ct piiiiquc 1'~xtr~it((II<. je \..lis citr:r ic trouve reproduit iiiti.gralciiit.nt
en iangüe originale dans une note de la duplique.
Voici la traduction de cet extrait:

nUn Etat aui e+zfait tâchede dmznereffet à sa Iéeislationdans le
rcrriruire d'il!;-1utrc'~t~t ciitrveii coiiflir'Ii\Insoi;;.crniner; Je cet
Etor. 1.?s prol~l>meiclc laioiiil,;'tciire d'ru6ciition sonti consiclc;rrr
CX~.~U~~\.CII~L~IIu point de \.tirdc, ilruirs intcrnntionnus <leI Er.it
dans It-qiirl 1'tx;iutiuii :i liçioii d.iii.~Ieqi1<il1(st souli~itGqii'clli:
ait lieu. l'lti~>.irri.:iiliirt:iiiils srmt icoiisid;icr rlu poiiitdc yue
dc I'inr6criti. tcrritoriîlc dc I'L.:t:,r:~jr-re citic,I'ai:rPIIi/,iit c<c-
complit 5ur son territoire constitue une vinfation de sis droiis souve-
rains en sorte qu'il est illicite?r
Ces principes trouvent une application particuli&rement frappante en
matière de faillite.
Je cueille dansla duplique cette citation du commercialiste français le
professeur Loussouarn à laquelle je souscris sans réserve:

«La faillite, ainsi que le remarque Pillet (Des#ersonnesmoralesen
droit international privé,p. 267, no 179)n'est pas autre chose que la
constatation de ce qu'un débiteurn'a pas payéses dettes, constata-
tion qui est suivie de l'exécutionsur les lieux. Par conséquent, la
faillite se rapproche ici d'une procédure de voie d'exécution; or
toutes les mesures de voie d'exécution sont essentiellement territo-
riales. Dans cette mesure, la faillite doit êtreégalementterritoriale. »
(Loussouarn, Jzbris-cJasseaar de droit internationni., fasc. $4-C,
par. 269.) (D., VI, p. 235, note 2.)
Aillcurs pourtant on trouve, clan, les yii,cc, <ltproc6durc imaiiaiit du
Gou\,crrienient csylgnol, des athrinarions qui. si cllci ne contredisent pas32 BARCELONA TRACTION

formellement celle que je viens de rappeler, en obscurcissent pourtant
considérablement la portée.
C'est ainsi qu'on peut lire dans le contre-méinoire:
«Les systèmes de droit international privé autorisent et recon-
naissent en généralque la déclaration de faillite vrononcéevar les
tribunaux s'$tend à ia personne, aux biens et au; papiers d; failli

quel que soit le lieu où ils se trouvent ... » (IV, p. 491).
Cette affirmation me paraît beaucoup trop générale.
D'une part, nous ne pouvons pas oublier qu'il y a un nombre non négli-
geable d'Etats tels l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, les pays scan-
dinavesqui, en l'absence de traités, pratiquent la stricte territorialité de
la faillite, ils refusent tout effet quelconque aux jugements étrangers.
D'autres Etats, tels que la France, admettent de donner effet au désaisis-
sement du failliprononcé à l'étranger, maisnepermettent pas que le bien

se trouvant en territoire français soit englobédans une masse de faillite
constituée à l'étranger. Quant à la Grande-Bretagne et au Canada, ils
vont jusqu'à admettre l'universalité de la failliteen ce qui concerne les
biens meubles, mais seulement en ce qui concerne les commerçants indi-
viduels; s'il s'agit d'une société commerciale,ils n'accordent d'autre effet
à une mise en liquidation décidéepar un tribunal étranger - thewinding
up - d'une sociétéqu'en ce qui concerne la qualité du liquidateur qui,
dès lors bien entendu, doit exercer ses pouvoirs en conformité avec la
loi locale.
IZares sont les Etats qui, comme la Belgique, admettent l'unité et
l'universalitéde la faillite et donnent donc entier effet aux faillites pro-
noncées à l'étranger.Maisquels que soient les effets accordésaux faillites
étrangères,et lors mémeque ces effets sont illimités,la chose est toujours
subordonnée à une condition fondamentale, c'est que la compétencedu
tribunal qui a prononcéla faillite soit reconnue dans le pays où I'exécu-
tion est ~oursuivie. C'est ce au'indiaue notamment~~rès c~ai~em~n~ ~
l'auteur que incs :iilvcr::iircs in\.oqucnt a I'nppiii de Iciirs déclnrations.
isivoir .AlbcricI<olin,il.iiis le cours uu.11vroles~nit il':\cadc'miede droit
internatioiial. On y lit également qGi~es'ttrès généralement admis que
s'il s'agit d'une sociétél'autorité compétente pour ouvrir la faillite est

celle du pays où elle a son siège social.En d'autres mots. m&medans les
p:i!.j <~u~L:iendcii:tisit.z voloniicrz le chniiip d';,ppIic;itioride leur propre
Il:gisIl:ti~i,es tril~uiinuxse riioiitreiit bcnucoup plus restrictifs quand il
s'agit de r~connnitre certniiis <?iiets itux fnillitcs ~ronoiicCcs mr des tri-
bunaux étrangers.
Et, de toute façon, une chose est certaine, c'est que l'efficacitéextra-
territoriale d'un jugement de faillite est rigoureusement conditionnée par
le consentement des autorités de 1'Etat où cette efficacitéest recherchée,
quelle que soit la forme généraleou particulière sous laquelle cc consen-
tement pourra êtredonné.En Belgique, notamment, il n'aurait pu &tre
question d'accorder un effet quelconque au jugement espagnol pronon-
çant la faillite de la Barcelona Traction puisqu'en droit belge a seul com-
pétenceen matière de faillite le tribunal de I'Etat où les sociétésont leur
siège social. II en va encore ainsi aujourd'hui comme il l'est indiqué
notamment dans le plus récent ouvrage de Rigaux, le Précis de droit
internalior~alpriué,qui a paru il y a quelques mois.
C'est cette règle de compétenceinterne qui est érigée en règlede com-
pétenceinternationale en Belgique. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 33

Quelques mots, pour finir, d'une résolutionde l'Institut de droit inter-
national sur les sociétésanonymes en droit privéadoptée à l'unanimité
à la session de Varsovie et dont le Gouvernement espagnol a cru pouvoir
tirer parti dans la duplique (D.,VI, no78, p. 236). La disposition évoquée
est libellée commesuit:
ulorsqu'une société possède pourl'exercice de son activité un
établissement dans un Etat autre que celui de sa constitution, 1'Etat
dans leauel est situél'établissement peut ért-lement.dans l'intérêt
des crianciers et dans les conclitions prL:\.uçspar sa propre 101,pro-
iid,.rà la liquidstioii ile I'L:tnblis;eiiientet des autre1~it.11<;Ila
sociétéqui se trouvent dans cet Etai 1,

espagnol dans le fait que, suivant lui, kirceIona Traction possédait en
Espagne, sans doute à Barcelone et non pas à Reus, cet établissement,
ou sièee réel. aue le iuee de lieus avait déclaréne pas connaître. Et ie
signale, en paisant. la notion c établissement i;est singulièremeht
dénaturéedans les commentaires de la diiplique.
De toute façon mon collègue, RI. Mann,-n'ha pas de peine, je pense,
à démontrer à la Cour, quel que soit le sens qu'on donne au terme eéta-
blissement 8,le manque total de fondement de cette allégation suivant
laquelle Barcelona Traction aurait eu un établissement en Espagne.
Mais comment le Gouvernement espagnol, qui cite cette disposition,
ne s'est-il pas rendu compte que d'après cette résolutioii - à supposer
qu'il y eût un établissement hors du lieu de la constitution- la résolution
de l'Institut prévoyait seulement pour 1'Etat dans lequel l'établissement
est situé, la faculté de cprocéder à la liquidation de l'établissement ou
des autres biens de la sociétéqui se trouvent dans cet Etat II?Or, la Cour
sait - et pour autant que de besoin la chose sera à nouveau démontrée
dans le détail - que la liquidatioii a portéen l'espècesur des biens qui
ne se trouvaient pas en Espagne.
II me resteà rencontrer une objection espagnole que je trouve formulée
dans la duplique (D., VI, p. ?II).
A supposer, me dit-on, qu3il,y ait eu, comme vous le soutenez, usur-
pation de compétence, ce seraient en l'espèceles droits souverains du
Canada qui auraient étévioléset non pas ceux de la Belgique. Le Gouver-
nement belee n'a donc Das aualité Dour se ~laindre de cette éventuelle
transgression. * .
L'objection peut, au premier abord, paraître séduisante; à la réflexion,
dans ma conviction, elle ne tient pas. En effet, les intérêtsdes action-
naires dans la sociétéBarcelona Traction avaient étéplacéslibrement
lors de la fondation de la sociétedans le cadre de l'ordre juridique cana-
dien. les actionnaires belees oui furent lésésDar les actes re~rochésaux
autorités espagnoles avaient donc le droit deAcomptersur laAsauvegarde
quereprésentait àleurs yeux l'ordre iuridique canadien, mais le préiudice
âu'iis ônt souffert n'a üas étécause Dar des manauements auëiconaues
Commis par Ics aiitorii~s c;iii;idiennes leiirs ot>l'ig;ttiorisr<l;ttivi~rn~:iit
;xiizrr.iitcinriitiit.int;r?ts Ctrangcrs, par aucun dc'f:i~ite I':.diiiinijtr~-
tion de la justice, mais bien par des aites des tribunaux espagnols qui
les ont atteints en violation des limites que le droit international fixaità
leur action. A qui le Gouvernement belge pourrait-il s'en prendre du
dommage illicite subi par ses ressortissants sinon à 1'Etat espagnol? Et
pourquoi cettefaculté lui serait-elle refusée sousprétexte que cette usur-34 BARCELONA TRACTION
pation de compétencese serait accompagnée de diverses violations des
règles relatives au traitement des étrangers en mêmetemps que d'une
violation de la souveraineté canadienne?
Et je touche ici, la Cour s'en rend compte, au domaine de la troisième
exception, et jene voudrais pas empiéter sur les explications qui vous
seront donnéesA ce sujet. Elles le seront par mon collégue,le professeur
Virally.

L'audience est levéà12 h jj DEUXIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (16 IV 69, IO h)

Présents:[Voir audience du 15 IV 69.1

M. ROLIN: J'ai exposé à la Cour quelles étaient nos conceptions en
matière d'usurpation des compétences (compétencedejuridiction oucom-
pétence d'exécution),et je vais maintenant exposer à la Cour quels sont
les principes juridiques relatifs à ces deux autres catégoriesde griefs, les
griefs d'abus de droit et les griefs de dénide justice.

Abus de droit
Le terme cabus de droit I,a étéemployédans la répliquebelge dans le
sens que lui donne la définitionqui figure dans le Dictionnaire dela ter-
minologiedu droit international souvent appelédictionnaire Basdevant,
du nom de votre ancien Président, qui l'a préfacé:

ciAbus dedroit:Exercice par un Etat d'un droit [nous dirions plus
volontiers d'un pouvoir ou d'une compétence] d'une manière ou
dans de~ ~~rc~nstances aui font a~~ar, ,re aue cet exercice a étéuour
ci.t I-tat UII liii,!.cn inclirca(1: m3iiiIii.r i IIIIC~.~l~lig:itiuiiiiirvriin
tiun:il<Iiiiiii:onil,:iiit o:ir't; eri~ciuï rl:,iiIII,biitII<corrc.il~uii.l.iiit
pas à celui en vue duquel ledit droit est reconnu ...»

1.c Guu\~criieiiieiit<,ip;ii;iiiiII';~1x1;ni; I'eriiteii .C rii droit iiitc,rnn-
~ii,iial,le I:rt?glcJc l',tl)uadt droit, nitii. il:,cri! poi~\-oirobj~~.t~r,dan,
SA ~III~.I~~ ~II~~I, ~~~~u~~~~IIv~II~I lI,.Igc1.1isn1:1,11peI

i IIOII1~1s CX:IC~CIIIL~~ 3.1:tIIUI~OIId' .;ihil;di.droit iii:~i.hi~-ii ~IIIIIGI
n 111C:UII~<T i~ir~idi~iii,ui ,,>t;.tr,,nccr :IItlrnit in~~:rnatiui~:~ ICI le
«détournement de pouvoiri, (D., VI~ par. 773, p. 714).
Jc iroi; ilut.j, pourrai nl;;iiicnt dr'iiionir~~ r, I.Cour qiic Iciii>tinirioii
,qui v~s\i>t,>t;t~ii>illr\q~..dvv.t >;tiit,n~dvnient VIIdr%>iitntcr~i~ttui~alct
doit donc demeurer sans effet pratique. Je suis reconnaissant toutefois

au Gouvernement espagnol de son objection car elle m'a fait creuser
davantage la question du rBle que joue l'abus de droit dans la respon-
sabilité internationale, ce qui m'amèneaujourd'hui à rectifier légèrement
la présentation que j'ai faite de ce moyen dans la réplique.
Celle-ci s'est servie du concept de l'abus de droit dans l'exposéde ce
qu'elle appelait les adénisde justice volontaires des autorités adminis-
tratives». Cette dernière appellation est peu satisfaisante, et ce pour
plusieurs raisons; d'une part parce qu'il paraît préférablede ne pas
em~l.ve, le terme de «dénisde iustice ,,à cette occasion et de le réserver
polir le iii:in<ln~riiviit~IIIXrt.gl:s rrl;iti\.,-s I';~Jniiiii..trati<,n1.justit~
i I'r'garrldes i.tr.iiigeri, d'autre part y.ircu <III'.,cornine Ir souligiiv Ic
('ouvcrti,-ment cspngnol, i:t .:'cil IL1'inr;rGrde soli ol>scrv;>tion,L'nLuicl,:
droit cii droit dc; gens coni,.rne 1c.ipou\.uirs ou les coiiilii:tences qiir 13
r2gle i~iter~i:irio~i~I r~<:oiiii:j:~IIX Er;it> ;,?uvcr;~iiis,,.'st.:i-clirc t18usles
IIOU\.U~~, clansle ilorn:~iiieinri~licrionii~~ d ~~iu r~dnun~ainc cx6cuiif
8u le domaine législatif.

C'est dans l'exercice de ces compétences, laissées ou conférées aux
Etats par le droit international et qui sont exercéesdiscrétionnairement36 BARCELONA TRACTION

pour autant qu'elles ne soient pas liéespar des règlesde droit interna-
tional, que les Etats peuvent setrouver confrontésavec le correctif résul-
tant de la notion d'abus de droit.
Il n'v a dèslors aucune raison d'en limiter l'utilisation dans la rés ente
aflairc~aus acti\ites de certaines admiiiistratiuris espagnoles 0; pourra
It'gitimement y a\,oir recours aiissi dans I'apl)rCciationde I'exercicc par
les tribun:ius t:spncnulj (le leiir coml)étence iiiridictionnelle oii de leur
compétence d'exécütion à l'égardde ia person'neou des biens des ressor-
tissants étrangers.
La notion d'abus de droit est, la Cour le sait. d'oripine civiliste. Elle
est tres ancienne. Les Romains déjà avaient corrigéleur qui jure sua
utilur neminem laedit par le fameux summum jus, summa injuria et si
pendant longtemps on s'est borné à réprimer l'usage des droits dans
l'intention de nuire à autrui. dans tous les Davs.dans les dernières cin-
quante années. lelégislateur ou à son défait les tribunaux, ont étendu
leur censure à l'usage anormal du droit, causant à autrui des troubles
excessifs dans la joüissance de ses propres droits, et à une époqueplus
récente àl'exercice antisocial des droits. C'est ainsi que pour prendre un
exemple dans un type de législation qui est moins familier à la plupart
des membres de la Cour, je constateque le Codecivil de la RSFSR,entré
en vigueur le I" janvier 1923, contenait déjà la disposition suivante:
<ilesdroits civils sont protégéspar la loi, sauf dans les cas où ils
sont exercésen contradiction avec leur destination sociale et écono-
mique »

et ie me suis assuré Que dans la Iéeislation soviétiaue la ~lus récente
ccitr diipositioii ;ivnii éreprise daris des tcrrncs Sqiiivalei;ts.
II n'cstpis Crnnnnnt que pnrnll>lcniriit h cctte extinsioii 1;tli&rie Ilc
I'abiisdc druiri~ipCni.irCdans Icdoniaiiir :idniiiiistrntil, eii viic<I':is,urcr
le conti6le dvs iic:t~de 1'3rlministration. I:llc s'!. lieurtait i \,rai dire
dans I~~~aiicoiidlc pavs ii la notiori tr~ditiuriri<:llcdlitkp:ti:ttioii (lei
~ouvoirs excluant tout contrble des actes accom~lisonr le ~iuvoir exécu-
iif clans I't~xcrciile74 cornpitcncc diit:ritii~riikirc:
Ausii I'Cvolution sr fit-clle p.ir Gtnli011 sait qii'en 17rniiiecllc fiit
essenticllcmcnt I'lruvricdii Coiiseild'Et;iuiii.a\;iiit 6tFcrCca\.ec sciile-
ment une compétenced'avis, réussit à acqÙénrÜne compétence d'annu-
lation qu'il exerce avec une autorité et une indépendance incontestées.
On y distingue l'excès de pouvoir et le détournement de pouvoir;
l'excèsde ouv voirc.'est le dé~assementdes limites aue In loi a ex~ressé-
ment tisét. a la conip6tericedécertains orgaiies:idmi;iis~ratif~L; rktour-
nemcnt dc pouvoir ç'rst, poiir crnplover la rICfinitionancienne et tou-
iours \~al31)1(IIIiirofes;cur H;iuriuu d;ins soi) Tri~ilide hoil udminis-

u le fait d'une autorité administrative qui, tout en accomplissant
un acte de sa compétence, tout en observant les formes prescrites,
tout en ne commettant aucune violation formelle de la loi. use de
son pouvoir dans un but et pour des motifs autres que ceux en vue
desquels ce pouvoir lui a étéconféré,c'est-à-dire autres que le bien

\léme dans Ici payi, pai rréi iiornbreiix. qiii n'ont pss,?iI'iiistnr de In
France. crcéde juri<licrion adniiniîtrati\,e, la jurisprudciice des tribu-
naux ordiiiairts a F\.olur de façuàiéterdre seosibltment leurs possibilités PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 37
de censure, fût-ce, quand ils ne peuvent pas annuler l'acte abusif, en le
sanctionnant par une condamnation à des domma es et intérêts.
Ce serait à coup sûr déborder fortement du ca fre de cette plaidoirie
que de m'étendre sur ce sujet qui se trouve traité notamment dans
l'ouvrage du professeur Hanson de Cambridge, paru en 1954sous le titre
ExecutiveDirection and Judicial Control.An Aspect oftheFrenchConseil
d'Etat. Il a paru en traduction française en 1958. On trouve aussi des
indications àce sujet dans une thèsesoutenue récemment à Paris sous la
présidencedu professeur Reuter par M. Petersen, sous le titre De la con-
tribution possibledu droit anglaisau développemendtes principes généraux
du droit communautaire.
Qu'ilme suffised'y emprunter deux extraits de décisionsbritanniques.
Le premier émane delord Denning et est de 1958. Il s'agit d'une déci-
sion rendue en cause de Pyx GraniteCompany,Limited contre le Ministry
of Housing and LocalGovernmnl (1958IQB, 554 et 572).Je traduis:
«Les principes à appliquer ne sont pas douteux selon moj. Bien
que les autorités de programmation (planning aut+rttzes) aient de
larges pouvoirs d'imposer telles conditions qu'eues lugent convena-
bles, la loi dit que cesconditions, pour êtrevalables, doivent se rap-
porter effectivement et raisonnablement (fairly and reasonably)au
développement autorisé. Leplanning authority n'est pas libre d'user
de ses pouvoirs pour un objectif ultérieur, quelque désirableque cet
objectif puisse lui apparaître au point de vue de l'intérêtgénéral»
La seconde décisionque je désireciter est toute récente,elle est du juge
Diplock, devenu depuis lors lord Diplock, et a étérendue en cause West-
minster Bank contre Beverly BoroughCouncil; eue est de 1968 (2A II
E.R., p. 1205):

cic'est un abus du pouvoir accordépar une loi pour un objet de
s'en servir en vue d'un objet différent.
De mêmeaux Etats-Unis, dans une affaire Norman v. Baltimore and
Ohio Railroad Company, en 1934, le ChiefJustice Hughes définitl'arb'i-
traire dans des termes déjà reproduits dans la réplique(V,p. 571) et qui
s'appliquent parfaitement à l'excèsde pouvoir ou au détournement de
pouvoir, à savoir l'exercice d'une fonction publique «d'une manière sans
relations avec son but légitime n.
Rien d'étonnant dès lors à ce que le principe d'abus de droit (abuse of
rights) ait étéde bonne heure reconnu dans la jurisprudence et la doctrine
internationales comme obligatoire au titre de pnncipe généralde droit.
On trouve l'abus dedroit mentionnépar la Cour permanente de Justice
internationale non seulement dans l'arrêtdéji cité,rendu dans l'affaire
du Lotus, mais encore dans sou arrêtde 1926 relatif àCertains intérêts
allemands en Haute-Silésiepolonaise (A.R., no 18, p. 30), dans l'ordon-
nance rendue en 1930 dans l'affaire des Zones franches dela Haute-
Savoie et duPays de Gex (C.P.J.I. sérieAIB no 39,p. 12) et dans l'arrêt
rendu en 1932 dans la mêmeaffaire (C.P.J.I. sérieAIB no 46, p. 167).
De mêmela Cour internationale de Justice fait clairement application
tissantsdesEtats-Unis d'Amériquean Maroc (C.I.J. RecueilroiI952, p. 176).
La Cour y détermineles facteurs que les autoritésdouanieres de la zone
française du Maroc avaient le devoir de prendre en considération pour
fixer aux fins de la douane la valeur des marchandises importées.38 BARCELONA TRACTION

Puis, après avoir déclaréque les mêmesméthodes iidoivent être
appliquées sans discrimination à toutes les importations quelles que
soient l'origine des marchandises ou la nationalité des importateurs",
elle conclut par ces mots: ([lepouvoir d'évaluerappartient aux autorités
douanières, mais elles doivent en user raisonnablementet de bonnefoin
(ibid., p.212).
Que de telles expressions constituent une admission implicite de la
doctrine de l'abus de droit, c'est ce que constatait expressément en 1953
un des commentateurs de l'arrêt,sir Gerald Fitzmaurice, dans l'étude
qu'il publiait dans le British Year Book of International Law (vol. 30,
p. 53) sous le titre ciTheLaw and Procedures of the International Court
of Justice 1951.1954 ».
Dans l'affaire de Certains emprunts noniégieenp sortée devant la Cour
en 1957. le Gouvernement norvégiense prévalait de la réservemise par
le Gouvernement français à l'acceptation de la compétence obligatoire
de la Cour, mais il prend soin de déclarer dans ses exceptions prélimi-
naires (par. 26) :
.qu'il était certain que pareille réserve devait êtreinterprétéede
bonne foi et qu'un gouvernement qui se retrancherait derrière elle
pour dénierla compétencede la Cour dans un cas où il ne s'agirait
manifestement pasd'une affairerelevant de la compétencenationale
commettrait un abus de droit devant lequel la Cour ne serait pas
désarmée ii.
Et qu'on ne s'y trompe pas, nous nous trouvons bien en présenced'un
principe généralde droit de portéevéritablement universelle.
Ainsi lorsqu'en 1960 la Cour internationale de Justice fut saisie d'une
demande d'avis consultatif relativement à la composition du Comitéde
sécurité maritime de l'organisation intergouvernementale consultative
de la navigation maritime, le conseil de la République du Liberia,
M. Weeks. fit valoir à l'audience du - mai (P.40):
,. .,
«qu'il y a un principe général,qui formepartie du droit international
aussi bien que du droit interne, que tout pouvoir discrétionnaire
doit êtreexercéen conformitéavecles termes de son octroi et seule-

. .
sont représentésau siège 1,.
Dans une autre affaire, celle du Plateau continentaldela mer du Nord,
M.le juge Ammoun s'est prévaludans son opinion dissidente du principe
de non-abus de droits citépar lui comme un des principes générauxde
droit et il a soulignéles rapportsentre cette notion et celle d'équité.
Inutile de dire qu'on trouve dans la jurisprudence arbitrale de fré-
quentes applications du mêmeprincipe.
Ainsi, dans la sentence rendue en 1922 dans l'affaire des réclamations
norvégiennes contre les Etats-Unis, on lit (N.U.,Recueil des sentences
arbitrales,, p. 337):
«Il faut admettre en faveur des demandeursactuelsque la Iégisla-
tion américaine de guerre donnait un large pouvoir discrétionnaire
au Bureau maritime (Shipping Board) et à la sociétéde flotte d'ur-
gence (Emergency Fleet Corporation)et que certains fonctionnaires
ne semblent pas avoir toujours uséde leurs pouvoirs à l'égarddes PLAIDOIRIE DE M. ROLIN '39
demandeurs dans le véritable esprit de la Constitution américaine
ou des Actes du congres, ou par exemple des ordonnances présiden-
tielles de 1917et de 1918.a

On trouve des attendus semblables dans les sentencesrendues le 4 mars
1925 dans le contiit de Tacna-Arica entre le Chili et le Pérou (N.U.,
Recueil des sentencesarbitrales, II, p. 941)et le 5août 1926dans I'affaire
de la Standard Oil Comeany (ibid., p. 7 4)
De mêmedans l'affaire Fletcher~miti une sentence,intéressante pour
nous, fut rendue en 1929.II s'agissait d'un litige entre Cuba et les Etats-
Unis, dans lequel les deux Etats avaient laisséla place comme parties
aux particuliers intéressés: d'une part M. Walter Fletcher Smith, un
citoyen américain, d'autre part la sociétécubaine Compafiia Urbaniza-
dora del Parque y Playa de Marianao. Le premier avait étéexproprié,le
seJe cite l'affaire avec lin peu plus de détailsparce qu'elle n'est pas sans
présenter unecertaine ressemblance avec celle dont la Cour a aujourd'hui
à connaître.
Voici ce que je lis dans cette sentence:

nL'expropriation entreprise de la propriétédu demandeur n'était
pas en accord avec la Constitution et les lois de la république. Les
procédures d'expropriation n'étaient pas inspiréesde bonne foi par
l'utilité publique. Alors que les procédures étaierit formellement
diatementeà la société défenderesseo,stensiblementfàredes fins pu-é-
bliques, mais en fait en vued'&treutiliséspar la défenderessedans
des buts d'amusement et de profit privé sans aucun rapport avec
l'utilitépublique.
La destruction de la propriétédu demandeur fut sauvage, désor-
donnée,oppressive. La société défenderesse semble n'avoir cherché
auprhs des tribunaux municipaux ou judiciaires ue les appa-
rences de la justice plutôt que sa substanc».(N.U.,1 ectretldessen-
tencesarbitrales,p. 915.)

Cnn des aspects les plus impressionnants du rôle joué par la notion
d'abus de droit en droit international, c'est qu'elle n'est pas appliquée
seulement aux oreanes des Etats dans la conduite adoptée Dar eux à
l'égard des Etat; ou des ressortissants étrangers, mais auisi depuis
Ôu di leurs agents, au fur et àmesure que des compéJencesleur sontmemes
attribuées par traité ou par des reglements des organisations interna-
tionales.
C'est ainsi que votre Cour a étésaisie en 1948 (C.I. RJ.cueil 1948.
p. 51).par l'Assembléegénéraledes Nations Unies, d'une demanded'avis
consultatif portant sur le point de savoir si un Membre des Nations
Unies, appel6 se prononcer soit àl'Assembléegénérale, soitau Conseil
de sécuritésur l'admission d'un Etat comme Membre des Nations Unies.
pouvait faire dépendre son consentement d'antres conditions que celles
rév vueàsl'articl4 de la Charte. La Cour (ibid.. 6-.ré.ondit né-ative-
ment tout en reconnaissant que:
"l'article 4 n'interdit la prise en considération d'aucun élémentde
fait qui raisonnablement et entoute bonne foipeut êtreramenéaux
conditions de cet articl».4" BARCELONA TRACTION

Ccs mot3 lixent incontestablement la limite au-delà de laquelle l'usage
fait yÿr un membre de son droit de vote devait étrcreputéahusif.
C'est eriiorç au sein dcs Nations Cnies et des organisations sp~cialisces
~UC s'est de~eloppée cette remarquable jurisprudence dt,s trihunaus
ndniinistratils qiii assure aux fonctionn:iircs intcrnationaus le resprct
des garanties r6sultant de leur statut et les protège contre les abuSqui
pourraient marquer les décisions prises à leur égard par leur supérieur
hiérarchique.
IJarmi 1;s honncs etiides qui ont étécons:icrées :icette jiirispiu<lcncr:,
citoiis I'oiiïrngc de II. Ijedjnoiii intituoeJurisprudence cornparte dcs
tril>iinaou admiiiistrniifs internationaux eii iii;itièrcd'czcèsJe poiivnii,
I'R~Uen 19j6 daiis l'Annariirz {ra~ryride droit i~itcr~iu~ioelt le \.olum,,
de Akehurst Tl161.uw Goïcri~i~rgE~iiplov»i~!izl Iirler~i~iliu~~alr~uizrsa-
tions paru en 1967.
Je cueille dans la première de ces études (p. 488)un exemple particu-
lièrementfrappant et assez célkbrede l'application du principe de détour-
nement de pouvoir, je fais allusion à la sériede décisionsrenduesen 1955
par le tribunal administratif de l'Organisation internationale du Travail,
compétent aussi pour les fonctionnaires de l'Unesco. Certains de ces der-
niers, de nationalité américaine, avaient refusé de comparaître devant
une commission américaine chargée d'enquêter sur leur loyalisme à
l'égarddes Etats-Unis; ils s'appuyaient sur le cinquièmeamendement à
la Constitution américaine qui autorise les citoyens américains à ne pas
se Dorter accusateurs d'eux-mêmeset ne Das ré~ondre aux interroea-
toi;es qui les y exposent, et ces fonctionnaires aGaient vu leur engage-
ment résiliépar le directeur -énéralde l'Unesco, ou non renouvelé à leur
expiration.
Le tribunal de l'organisation internationale du Travail déclara que
«si le pouvoir est conféréau Directeur généralde ne pas renouveler un
engagement de duréedéfinie,c'est évidemment sousla condition implicite
que ce pouvoir ne s'exerce que pour le bien du service et l'intérétde
l'institutionii. Or le Directeur généralavait, en l'espèce, confondu la
notion de loyalisme envers un Etat avec celle d'intégrité tellequ'elle
était inscrite dans le statut et le rhglement du personnel. Le tribunal
conclut que nla décisionde non-renouvellement d'engagement non seule-
ment doit étre annulée en I'esoece. mais encore est constitutive d'un
détoiirncmcnt de pouvoir et UR ;il>iisde droit cntr:tinant I'ol>lig:ition(le
r+:irer IVpréjudiceqiii cri est la conscquence u.
('onstati~ii.ienfin citic Ic.Trait6 de In Conimunniitr: dii clinrbon ct de
l'acier conclu en19jia expressénieiitprC.viidans son article 33 le ~litoiir-
iieinerit dc poiivvir coinine base (lei recours ouver:iiisEt:ats iiii:nibrcs,
au conseil et aux entre~rises et associations contre les décisionset recom-
mandations de la HaGte Autorité et des dispositions analogues ont été
insérées peud'annéesplus tard dans le Traitéde la Communauté écono-
mique européenne et dans celui de l'Euratom.
Après cela, je crois superflu de fatiguer la Cour par un examen de la
doctrine internationale. Qu'il me suffise de m'en rapporter sur ce point
à l'appréciation du rapporteur de la Commission du droit international
des Nations Unies, hl.Garcia Amador, qui, ayant procédé à cet examen,
a conclu que la majorité des auteurs qui ont étudiéla question de l'abus
de droit:

osont arrivés à la conclusion que non seulement la théoriepeut et doit étre appliquée pour régler des situations déterminées.mais
encore que la iurisprudence fournit assez de précédentspourdémon-
qu'elle eit applicable ».
trer
Cecidit, ildemeurevrai que tant la doctrine que la jurisprudence inter-
nationales seservent exclusivement du terme n abusdedroit inen anglais
abuseou misuse ofrights ou of power, jamais du terme «détournementde
pouvoir »,sauf lorsqu'il s'agit du contrôle exercé sur des agents ou des
organes d'une organisation internationale.
A première vue, on est porté à s'étonnerqu'il en soit ainsi et qu'il soit
fait appel en droit international à une terminologie du droit civil plutôt
qu'à celle du droit public ou administratif, alors que comme dans ce
dernier les prétendusdroits dont il est question en droit international et
dont l'abus est censurésont, à proprement parler, comme en droit admi-

nistratif, des pouvoirs ou des compétences.Personnellement, je suis porté
à croire que si les internationalistes ont reculégénéralementdevant l'em-
ploi de «détournement de pouvoir B.c'est parce que le détournement de
pouvoir, quiest d'origine du droitadministratiffrançais, y est sanctionné
r.-~i~ ~ ~nnulatio~ de ~'acte vicié.alors oue le droit international n'a Das
atteint iiiidrgri. dc dL'\.cloppcnicntqui Li prrinette d'nnnul~r dcs actes
étatiqiici coiitraires ;tudroit iiitt-rii;itional, IiLtnniiiientd:ic;ssrl'abiis
<IVrlroit. CC:iii iiiecoiifirnied31iîcette ~~splic:irioi,'est que prcciséiiirrit
d;ins cles cas ou des juridictioiis iiit~rii:~tion:tlr.soi&té irive5rivs CIlin
uouvoir ~I';~iiiiiil:irionI,c terme, détoiiriiciiiriit de 1)ouvoir..n imiii~)di;itc-
.~-.--.
Je me rite de fermer cette parenthèse, qui ne présente qu'un int$rét
doctrinal, pour constaterque si, dans les arrêtset sentences que l'ai cités
et dans ladoctrine internationale, le terme Idétournement ae uouvoir ii
ne serencontre pas, ainsi que le fait remarquer leGouvernement êspagnol,
la chose y est et c'est cela qui importe.
J'ai citédéjà la sentence rendue dans l'affaire FletcherSmith. Cette
sentence, la Cour s'en souviendra, relèvequ'une expropriation a eu lieu
dans des buts d'amusement et de profit privésans aucun rapport avec
l'utilité publique. C'était assurémentviser un cas de détournement de
pouvoir. De mêmedans l'avis consultatif de 1948 sur l'application de
l'article4 de la Charte, que j'ai également cité,votre Cour admettaitla
nécessitéque les élémentsde fait pris en considération par les Etats
appelés à seprononcer sur l'admission d'un nouveau Membre desNations
Unies puissent êtreraisonnablement et de tonte bonne foi ramenés aux
considérationsde cet article. C'était encore une fois écartertoute velléité

de détournement de pouvoir.
Divers auteurs qui ont spécialement étudiéla notion d'abus de droit
n'ont pas manqué de mettre en lumière qu'en droit international le
détournement de pouvoir soit s'identifieavec l'abw de droit, soit en est
une des modalités essentielles.
Ainsi Bin Cheng, dans l'ouvrage consacréaux principes générauxde
droit,paru en 1953 .onne le terme cThéoriede l'abus desdroits ucomme
sous-titre au chapitre de la uBonne foi dans I'exercice des droits». Et
aprèsavoircitéplus de vingt extraits d'avis séparés ou dissidents de juges
à la Cour internationale qui se sont référé s cette théorieau cours des
dernièresannées (p. 121, note z),il traite successivement dans des para-
graphes distincts de l'exercice malicieux d'un droit, de l'exercice fictif
d'un droit, de l'interdépendance des droits et obligations et enfin de the42 BARCELONA TRACTION
due O/ discrerio~ic,'est-à-dire l'abusdu pouvoir dissr4tionnaire. lequel
comprcn<lassiir&riiçiitle détourn<:ni<:nd tc pou\.oir.
C'est ides conclusions 1na1oaiir.suu'al)outit l'niitr~r rl'ii~iecxiclle~itc
monograpliiç cuiisacri.~ à 1';ihusde dhit en droit iiitc.rnntionn1.II s'agit
Je In thèsede doctorat dc 11 Kiss, pnmc en 1yi3 et pr6lacécpar ma col-
Iè-.e.le nrofesseur Suzanne Bastid-.
~'aute;r y distingue, trèsfinement à mon sens (p. 188).lestroisformes
sous lesquelles, en droit international, l'abus de droit est susceptible de
se manifester:
'
a1. L'acte de compétenced'un gouvernement constituant une ingé-
rence dans un autre ordre juridique interne.
2. Le détournement de pouvoir.
3. L'exercice arbitraire des compétencesétatiques. ii

Voicidu reste comment s'exorime mon ami et. auio.rd',ui. mon con-
tradicteur, hl.le professeur Guggenheim, dans le coursprofesséen 1949 à
l'Académiede droit international sur la validité et la nullité des actes
juridiques internationaux. Soulignant la diversité des cas susceptibles
d'êtreincriminés commeabus de droit, il dit:
N Une règle comme cellequi confèrela souveraineté à I'Etat indé-
nendant donne lieu à un abus lorsau'elle est an~liauéedans le but

international a établi cette règle. L'exercice du pouvoir discrétion-

que l'apparence de la légalité,de la conformitéau droit.neté n'(Recueil

des coursv, ol. 74, p. 250.)
Ainsi, il y aurait deux manières différentesdont on pourrait, en doc-
trine,suivant lui, envisager l'abus de droit, dont la deuxième correspond
incontestablement à la notion de détournement de pouvoir. Mais l'émi-
nent auteur, après avoir relevé lestenants de l'une et l'autre conception,
constate très exactement, à mon avis, qu'elles peuvent étredifficilement
dissociéesdans la pratique.

«En effet [dit-il], l'abus de droit qui consisteà user de la liberté
accordée par le droit objectif dans un but qui lui est étranger,
entraîne presque toujoursun dommage à autrui. Le dommage causé
est donc la conséquenced'un acte exécutédans un but que l'ayant
droit n'avait pas l'autorisation de poursuivre dans le cadre de sa
liberté non réglementéeou partiellement réglementée.Si une telle
situation seréalise,le droit international la qualifie de contraire aux
obligations juridiques qu'il impute à l'ayant droit. 1,

Parfois~.du reste. le terme «détournement de nouvoirii se rencontre
nscociéicelui de I'nl,tisdc rlroit cornnie .;!.non!.rnde m;iiiiér~ruiir:ifxit
jigilific:iti\~e.:\iIt:2.2:ivrii13.{!i.lz rejirrrté prc)icir.ur (;eorgr.s >cciic.,
olaidant devant la Sour dans ccttc dvmnnde d'a\% consult~tif rr1:itivr:
à l'interprétation de l'article 4 s'exprimait comme suit:
Uiie(lécisionnrbitrairc. c'rsr la nCg:,tiondii droit, c'est lecaprice.
I.'utilis:ition <I'iinecoin11;tcncc ~liicr;tionn~irc. c'est I':ij)plicati~ii
d'un i>ouvoiriuridiciuc. !.es(leuu choses sont c~scntiellernciit iiicoin-
patibies. aic ce dégénérerune compétence discrétionnaire en un PLAIDOIRIE DE hl. ROLIN 43

pouvoir arbitraire revient à commettre ce qu'on appelle dans toutes
les langues juridiques un abus de droit, ou, comme nous disons en
droit public français, un détournement de pouvoir... L'abus de droit
ou le détournement de pouvoir consiste essentiellement pour l'agent
juridique à se servir des pouvoirs qui lui ont étéconféréspar la
règle de droit dans un but autre que celui pour lequel elle a été
écrite.» (Répertoire françaisde droit international public, vol. II,
no 203.)

De mêmedansla sentence du tribunal de l'organisation internationale
du Travail,quej'ai citéetantôt, la Cour sesouviendra que l'acte de révo-
cati011de certains fonctionnaires avait étéqualifié à la fois de détourne-
ment de pouvoir et d'abus de droit.
J'aurais mauvaise grace à insister.
Le distinguo imaginépar le Gouvernement espagnol manque manifes-
tement de consistance. S'il est vrai que )'expression «détournement de
pouvoir » est rarement utiliséeen droit international, il est tout à fait
manifeste que la notion s'y retrouve sous le vocable nal?us de droit n et
je serais surpris, dans ces conditions, je !'avoue, je serais déçu, si cette
objection-là qui nous a étéfaite était maintenue en plaidoirie.
Monsieur le Président, Alessieursles juges, j'en afrive maintenant aux
principes juridiques relatifs à la troisième catégoriede gnefs: les dénis
de justice.
Principes relatifsau dénide justice

II n'est jxis doutciiu,ct Ic.Louverncinent espagnol Ir.rccoiiii:iit, qu,:
cette <IcrniCr~cxl>re'iion rsr iri.<liiciiiinc.ntemplo).Gccil Jroit iiiternn-
t~-nal d:irii iinst:riib<.:.us.iAonlus etindu oue celui <lueliiid~iii1,:rlruir
interne, à savoir le refus de juger.
Ainsi, lorsque dans l'affaire du Lotus la Cour permanente de Justice
internationale constatait qu'elle n'avait pas à examiner, parce que les
débats n'avaient pas porté sur ce point, si lamanière dont les poursuites
contre le lieutenant Demons ont étéconduites pourrait constituer un
dénide justice et à ce titre une violation du droit international, il est
clairqu'elle avait envueune autre hypothéseque celled'on refusdejuger.
hl. Charles De Visscher, dans son cours professéen 1935 à I'Académie
de droit international (Recueildescours,vol. 52, p. 3go), donnait du déni
de iustice cette définitiondéjàcitéedans la réplique (V,par. 447. p. 308):

«toute déf:~ill:iiicd:iris I'org?nisatioii ou clans I'escrcicc de la ionc-
tion jiiri<lictionnt~<~iiiiiil>liqueiiiiinqiieiiiciirdc 1'Et:itisoi1drvoir
internntiori:il dt! protectioii judiciaire dcs CtrangcrP.
Cela implique, A n'en pas douter, que le dénide justice peut résulter
d'actes ou omissions de nature très diverse.
Anzilotti exposait en 1906 déjà,dans un article publiédans la Revue
générale dd eroit international public (p. 25), dont je trouve la citation
dans le Dictionnairede la terminologiedu droit international:

iiLe dénide justice ... ne résulte ...pas seulement! selon nous, du
refus d'accèsdevant les tribunaux, mais ressort aussi d'un manque-
ment évident de justice dans la manièredont le procèsa étéconduit
et le jugement prononcé. D
Les mêmeshypothèses diverses se trouvent indiquées, avec plus de 44 BARCELONA TRACTION

précisionencore, dans le projet de Harvard de 1929sur la responsabilité
des Etats. On y lit:
«IIy a dénide justice quand il y a refus,délaiinjustifiéou obstmc-
tion d'accès aux tribunaux. insuffisance fla"rante dans l'administra-
tion de la justice, manque à assurer les garanties généralement
reconnues comme indispensables à la bonne administration de la
justice ou jugement manifestement contraire à l'équité.Une erreur
commise par un tribunal national et qui ne cause pas d'injustice
manifesten'est pas un dénide justice. i

Ces énumérationssont-elles parfaites? Je ne le crois pas. La pratique
défie,à vrai dire, toute énumérationexhaustive; elle rend mêmedifficile
toute classification tant est grande la variétédes cas qui se prAsentent.
Non moins difficileest lechoix des dénominationsqui pourraient traduire
clairement les caractéristiques des diverses catégories qui auraient été
établies.
Que la Cour se rassure. Je n'ai pas l'intention de prolonger une disser-
tation théorique. Mon propos est seulement d'attirer son attention sur
. les défauts que présente la classification proposée par nos adversaires
dans la duplique. Le Gouvernement espagnol, se limitant à vrai dire à
examiner quels étaient les griefs belges, déclareque, à part l'usurpation
de compétence,il faut distinguer dans les griefs belges ceux relatifs au
retard dans l'administration de la justice et ceux relatifs au contenu de
certaines décisionsjudiciaires.
La première de ces catégories est assurément trop étroite et je ne
comprends pas comment le Gouvernement espagnol a cru pouvoir décou-
vrir dans la répliqueque
ircelle-ci [la Belgique] n'ose plus accuser 1'Etat espagnol d'avoir
refuséà Barcelona Traction l'accès àses tribunaux, ni soutenir que
ceux-ci se soient refusés à statuer à requêtede la faillie. La seule
accusation qui pourrait, à ce sujet, se dégagerde la répliqueest celle
de retards on délais injustifiés. (D., VI, p.211.)

La vérité,hlessieurs, c'est que le Gouvernement belge n'a jamais accusé
les tribunaux esp.e.Als d'avoir refusé à Barcelona Traction l'accès de
leur; prctoires; iiousii';ivoriadonc pu rctirçr ;iiiciiiie;iccii*:iriuiidce siijet,
mais nous ïvoni sourcnu que de nombreuse; nutr<-srcqtiCtcs ct rcrours
introduits en vue de faire annuler lesmesures les plus chouuantes ordon-
nks dani ILj!ugcmcnt de Inillitc oii prises en ru:ciiti<,n dc ccluise.%nt
Iieurrcs i de vl:ritables refus d'aiidiciict~,et cztt,: ncciisatiiiii-là est iiitr-
-ralement maintenue.
Au mêmeendroit de la duplique il est fait allusion àcette accusation
mais on l'écartepar l'observation suivante:
caucune des accusations de la section VI du chapitre II de la
deuxième partie - dont le titre estRLes dénis de justice propre-
ment dits dansla ~rocédure ii- ne trouve exactement sa place dans
1.?;it<goricile d&iidc justice jjnu seiisproprt: du tirnie (c'car-i-dirr
qu'rllcs nc siipposeiit p~i un refiid'ac.is aii pr;,roirr ou un refiir. d
irntticr ni drî retards 1iiiustifi6sI.niais ct-5ncr~isntinn; Eont diri"cs
à l'encontre du contenu 'des décisionsjudiciaires espagnoles II.
Or, nous dit le Gouvernement espagnol (D., VI, p. 205). la mise en
cause de la responsabilité internationale exige en pareil cas des condi- PLAIDOIRIE DE hl. ROLIN 45

tions beaucoup plus rigoureuses que quand il s'agit de dénide justice
proprement dit.
Il y aàla base de la distinction proposéepar le Gouvernement espagnol
une penséeassurément exacte. II est vrai que les erreurs commises par
les juridictions nationales dans la vérification des faits qui leur sont
soumis ou dans l'application de la loi nationale n'engagent pas en général
la responsabilité internationale et que les juridictions internationales ne
sont pas appelées à reviser les décisions judiciaires des cours et tri-
bunaux. Il n'en va autrement que s'ily a eu erreur grossière et manifeste
cause de graveinjustice, cequiassurément mérited'êtreconsidéré comme
de~ ~~ ~itions beaucouo ol.s.rieoureuses aue celles dont on se sert .i
l'égarddes denis dc jujticc propreinent dits.
>lais ou le (;uiivCriienient espagnol se trompe, c'tlst lors(1u'ilpréteiid
raiigcr <I:iiiscette catégorittsoiiniiseA des conditions plus rigourcuscs
tous Içsgriefs dirigéscoiitre le co~~lenrdes dGcisionsjudiciaires. En eiiet,
t;iiit Ic relus d'au<lienc~que les retards iniustifies d;iiis l'administration
de la iustice. voire mêmeTesusuroations décomoétenceou des violations
d'obl;gations iiiteriiatioiiales pariisiilières, font ir~ fréquemmentl'objet
de dis~~ositions<pécialesdes dkisions incririiin;es. Elles font d:ins ce cas
oartiëdu contenu de ces décisionssans au'il en résulte aue de ce chef
i'examen du bien-fondé de ces griefs soi; subordonné à 'l'existence de
conditions plus rigoureuses.
L'obligation d'assurer aux ressortissants étrangers une administration
de la justice répondant à un standard minimum, c'est une iobligation de
résultat n dont la violation existe dès que le résultat n'est pas atteint.
sans au'il v ait lieu de vérifiersi cet état de choses est dû à une défec-
tuosit;, (le la Ici .îiinc <IL:laillancdu jugc. Ccciest \.rai nuil seulement
pour Itcihi de iustice ittSclisCtroit du t<:rililllilinussi pour tout autre
manauement aux garanties essentielles aue comDortele Ürocèséauitable
(/airirial) et dontule Gouvernement espagnol ne contes& pas du>este le
caractère obligatoire: indépendance et impartialité du juge, respect des
droits de la dgfense. non-discrimination. eic.
Dèsque la constatation est faite, fût:ce par l'examen du contenu des
décisions,que ces ~aranties ont étéméconnues,sans qu'il y ait lieu de se
montrer e~ceptioriÏnellement rigoureux dans cet examen, l'on doit cons-
tatCertes, il peut arriver, et la chose est fréquente dans l'affaire qui est
actuellement soumise
à la Cour, qu'une décisioncritiquée du chef de la
violation de certaines garanties essentielles. soit également dénoncée
Mais ilnvaa en ce casr àrpropos du mêmeacte deux fcriefsdont le second.
seulemént est subordonhéaux conditions rigoureuse mentionnéespar le
Gouvernement espagnol.
En résumé,si nous voulons retenir des observations espagnoles leur
point de départ exact de la distinction entre les griefs belges dont l'exa-
men par la Cour est libre et ceux où il est subordonné à des conditions
riaoureuses, ie crois au'il convient de considérer commede premièrecaté-
gorie les d~nih(lejuktice prIpremcnt dit et les ;iiirres ri~:i~~~i>cmciaiutsx
garantirs tl'organisatioii judiciaire et de procCdurerequisCspour le PIOCCS

'1.ndeiixi+rnecatégorie cunipreiidrait lescrrcursgroisir'rcs et manifestes
dails I'applicatio~i<lu(Iraitnational.
C't.stau sulet <II'cette deuxiCnie catcgorie de griefs que le C.oii\.erne-46 BARCELONA TRACTION

ment espagnol a poursuivi à travers la procédure écriteune ardente con-
testation. A l'en croire, qu'il s'agisse de fausse appréciation des faits ou
de mauvaise interprétation de la loi nationale, il ne suffit pas de l'erreur
grossièreet manifeste conduisant à une grave injustice. La violation du
droit international exigerait que soit établie la présence d'un élément
subjectifadditionnel, à savoir ila mauvaise foi et l'intention discrimina-
toire du jugen (D., VI, p. 212). Cela résulterait, selon la duplique, & la
foisde l'opinion des gouvernements et de la jurisprudence internationale.
Or l'examen des textes invoquésne me permet pas de souscrire Ala
conclusion qu'on en tire et me conduit au contraire à une conclusion
opposée.
Ainsi il est fait grand état dans la duplique (VI, p. 212-213) de la
réponse donnée ar le Gouvernement belge au questionnaire préalable
Ala conférence codification de 10,..
Ce gou\,erneineiir - est-il(lit- a dicl:ir6 q11ela résponsnbilir6dc
I'Etnt se trou\.:iit ,?ngnfiie,c'est IVqii:~rri+riiepoint de sa r;.l)oiisi le
coiitcnii d'une rl;cisioii iiidisi.îire est insi):iI;iniulziil1.1iicelccnrd
des étrangers comme iels ou comme Îess&tissants d'un Etat dzter-
miné ».Et le Gouvernement belge a ajouté (c'est le paragraphe 5) :e On
peut également admettre que la responsabilité de 1'Etat se trouve enga-
gée,.parexemple,si la prévarication du juge étant établie, la législation
nationale ne permettait pas de réformerla sentence. n
La duplique perd manifestement de vue les mots ipar exemple n du
dernier alinéa que je viens de citer, ce qui enlève à l'exemple citétout
caractère limitatif. Il faut noter du reste que ce paragraphe 5 répondait
à une question additionnelle du point 4 du questionnaire, à savoir:

cDans quelle autre hypothèse peut-on admettrela responsabilité
de 1'Etat dont les tribunaux auraient rendu un jugement injuste? »
(Basesde discussion, vol. III, p. 49.)
La réponse du Gouvernement belge était donc affirmative quant à
l'existence d'autres hypothèses que la malveillance et la prétendue con-
tradiction entre les thèses actuelles du Gouvernement belge et celles qu'il
défendait il y a trente-huit ans n'existe pas.
La duplique cite aussi (VI,p. 213) une déclaration faite par le Gouver-
nement britannique dans l'affaire Ambalielos, à laquelle je souscris sans
difficulté.On y lit:

nUne simple erreur, irrégularitéou déficience n'engage pas la
responsabilité, à moins que ne se rencontre l'élémentde mauvaise
foi ou d'incompétence coupable. L'action doit étre non seulement
mauvaise mais injustement dommageable (not only wrong, but
w~ong/nZ).
En bref [je continue la citation], ce qui est requis pour engager la
responsabilité du chef de déni de justice - le terme est employé
manifestement au sens large - est quelque chose qui implique les
élémentsde tort ou culpabilité, inconduite ou délinquance. [Le mot
tort est un mot qui, en français, est difficilement traduisible mais
voici qu'il devient pour nous aussi très clair.] Les .actions doivent
êtrearbitraires, ou motivéespar la mauvaise foi, le préjugéou la
malhonnêtetéou être le résulta dt'une négligenceou d'une incompé-
tente si sérieuse qu'elles en deviennent coupables et engagent la
responsabilité. n PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 47
On ii~peut pas Ctre plus clair que le porte-parole du Gouvernement
briinnniquc d:ins l'affaire Ambalielos. La négligenceou I'incoriipércnse
peuvent Ctrc si séneusesqu'elles en deviennent coupablei et enencent la

Il est vrairiiçiit incoml>r6hensibpour nioi qiie le (;oiivrriiemt.iit espa-
~nolnit cm poiivoir déduired'un tel texte l'exig-ncedc l'clémentsubicctif
de mauvaise foi.
A vrai dire, la thèse défenduepar le Gouvernement belge et qui, nous
l'avons montrédansla réplique, a déjàpour elle l'autoritéde Vatel et de
Grotius, n'est pas autre chose que l'admission dans le droit des gens d'un
principe généralde droit romain exprimépar la formule lapidaire culfia
latndo10aeqzri$arata. Dans ce précepteon entend par do1 cnon pas toute
malice ou tromnerie dans la conclusion des actes iuridiaues. mais ~lus
généralement t'oute faute volontaire consciemmeh réaliséeentré la
notion faute et l'adiectif ~ivolontairen. Do1 est svnonvme de mauvaise
foi.» La faute lourdé <<estune faute non intentionnefle mais tellement
grave, tellement excessive qu'elle rend le débiteur inexcusable ». C'est le
commentaire que donne de cet adage un des maîtres du droit belge. le
professeur De Page (Droit civil. II, no 1053n .otes 6 et 7).
Plusieurs sentences arbitrales se réfèrentA ces notions. C'est ainsi que
certaines d'entre elles ont admis la responsabilité internationale d'un
Etat sans qu'ait été établie l'intentionmalveillante, c'est-à-dire le do1
des magist+s, sans mémequ'il ait étéquestion de rien d'autre que de
grosse négligence.
Je prends pour exemple une affaire que je n'ai pas citée dans la
réplique mais qui est bien connue sans doute des membres de la Cour,
l'affaire Chevreau.II s'agissait d'un instituteur français arrêtéen juillet
1918 pendant la premiéreguerre mondiale par l'autoritémilitaire britan-
nique au Moyen-Orient. Les autorités prolongèrent sa détention jusqu'en
décembre1918L .a charge principale étaitde l'avoir trouvé,disait l'incri-
mination, détenteur d'un portrait du Kaiser. Or il apparut, au bout de
plusieurs mais. à l'instruction, que le portrait en question figurait sur une
vignette qui avait enveloppéune tablette de chocolat qu'un élèveavait
laissétomber et que leprofesseur inculpéavait ramasséepour laluirendre
(N.U., Recueil des sentencesarbitrdes. vol. II. p. 1113) A.ssurémentla
justice militaire avait fait preuve de négligenceet de légèreté mais cer-
taine~nt il n'y avait eu desa part aucune malveillance à l'égardd'un
ressortissant français, c'est-à-dire d'un ressortissant allié,il y avait sim-
plement manque de sérieux; c'est ce que constate la sentence.
C'est le mémemanque de sérieuxdans l'application de la loi que,l'ar-
bitre Van Vollenhoven constate dans l'affaire Chattin (N.U., Recuezldes
sentencesarbitvales,vol. IV, p. 295) indépendamment d'autres vices précis
qui $rima facieconstituaientdesmanquements aux garanties essentielles
reauises Dar le droit international. Il s~"g~ssait d'un ressortissant améri-
aiii iii-ulp: ~l'<cs.:roqucriu \Icsiqiitt.t,.un~l,~niii. d,-iix niis dc prisoii.
1.ncuiniiiission rele!~.,iior;iinnicnt 1';ibjeiicede tnutc eiiquCtcronveii;ible,
1insiifis;iiic~.dcs confrontntioiis, I'iiiil,ojsibilitL:oii I'accud à'ctait trouvti
dc coiinnitre toiitcj le=charges furiiiiil2escontre lui. Ic rrt;ird indu dc la
proc6dure. 1;i r6~luctioii destémoignages i:n riiidiencc put>liilua d une
simr>leforninlilé. iircoiitinuel mniioue di: cCricuxde la ilart du tribiinsl
s:iri&qil'on nit formu12i sn cliarge l'accusation d'une iniention dolosive.
S:ini doiite est-il d';iutres cas où le trihun;il arbitral a conclu au caraL-
téreintentionnel de la f;iusse application de la loi natioiiale. mais il est48 BARCELONA TRACTION

exceptionnel que cette conclusion soit basée sur autre chose que l'examen
obiectif de la décisionelle-même.
?est ainsi que dans l'affaire Martini le professeur Unden. statuant
comme tiers arbitre en IQ?O.dans ce litige q-. opposait l'Italie au Vene-
zuela, déclara expresséméit:
cLe tribunal n'est pas en mesure de se former une opinion quant

aux motifs qui ont inspiré les juges vénézuéliens à l'époquede I'af-
faire Martini. Si la décisionde la Cour vénézuélienneest motivée en
droit, les motifs psychologiques du juge ne jouent aucun rôle. D'autre
part, les défauts de la décisionpeuvent être tels qu'ils conduisent à
inférer qu'il y eut mauvaise foi de la part de ceux qui la rendirent,
mais dans ce cas aussi c'est le caractère objectif de la décisionqui est
décisif.» (N.U., Recueil dessentencesarbitrales, vol. II. p. 1000.)

Ajsurérneiit d:~iiscette nifair<.il s'~giij.~tt,coo~iiiela dupliquc lc ioulign~,
d'une \.iolatiuii <Iirzctc J'iiiitoblig~t~uii III~C~II~~I<~IA~C POUI la(liirlle la
bonne ou II rn:iuv:iise foi est indiifr'rcnt~. mais en ciit-il it;. ;tutreiiI;Iil.
sentence indique que l'existence de la mauvaise foi aurait pu êtredéduite
de l'importance des défauts de la décision.
C'est aussi ce que relèvele baron van Heeckeren dansla décisionrendue
par lui dans l'affaire Solomon (N.U., Recueil des sentences arbitrales.
vol. VI, p. 370; R., V, p. 319, 320) où il va jusqu'à admettre, à juste titre
à mon avis, que la partialité des juges peut êtreparfois inconsciente:

eLa commission [dit-il1 ne peut échapper à la conclusion résultant
dans une laree-mesure des meuves et déclarations du Panama lui-
nii.iii,>,qu? 1.iioii~laiiiri.itiu~~dii plxigii:iiit fiit iticoiiscienimcnt III-
rtuciicc'epar iiifort scritirii<-ritpopiil;iil'ri:tcllc aJmisziun iiccom-
or teaucune imoutatiou contiaiÎe à l'honneur des maeistrats visés
I.'i~~~~\~it:i~lc~~sil~ilictlJII~CS IOL:IIIX:I~Ijeiiti~iic~~ltui;il eUIIV
clius~Igicniuniiue. Un CS LUIS~~~rntit.1d ~e l'nrl~itragcinrc.rii.~tioii;il
est ~r~ci.~~rii~iidt'f\itri rrtte srilait>iliri.rt dç rtiiieditr je5 Coll-
séquexes. »

Mais que reste-t-il de l'exigence d'un élément subjectifde mauvaise foi
pour qu'il y ait responsabilité internationale si l'existence de cet élément
subjectif peut être établie par la seule gravité des erreurs que révèle
l'examen du contenu objectif de la sentence?
Il y a du reste, pour cette admission de l'erreur grave comme présomp-

tion d'intention mauvaise ou discriminatoire, une raison pratique que
Freeman a.admirablement mise en lumière dans son traité The Denial of
Tustice.Dans un texte déià citédans notre réplique.&ilAdit (P. 118): «Il
aura dans la plupart des cas pas d'autre preuve que cette présomp-
tion car il sera presque impossible de retracer les opévationsphsycholo-
giques aboutissant à la décision judiciaire. 1,
C'est, Messieurs, sans doute. ce qui amenait un de mes estimés contra-
dicteurs, M. le professeur Guggenheim, auquel je ne me lasse pas de me
référer, à constater dans son Traitéde droit international, en se servant
des termes de Fleiuer et Giacometti. aue la différence entre le déni de
justice au senslarge et la simple applica'tion erronéedu droit u est d'ordre
quantitatif et non qualitatif II(vol. II, p. 14, note 5).
- Au surplus, le Gouvernement espagnol paraît admettre expressément

dans un endroit de la duplique qu'il en soit ainsi. On y lit en effet (VI,
no 38. p. 217): PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 49

<,Ceaui amve. c'est aue l'énormitéexce~tionneile. la mav'té Y
monitr;eusc de l'erreur +u\,ent étre des indices de rnauvtiise foi.
1:ace une errcur judiciaire sigrande qu'elle ne puissr étreexpliquée
.a~ ~licune considération de fait ou de droit. il serait ~os'ible tlc
présumerque le juge interne a agi de mauvaise foi. i>
Ailleurs (D., VI, par, 35. p. 216). on n'est pas moins surpris de voir le
Gouvernement espagnol reproduire, sans éleverde critique, les termesde
la sentence rendue dans l'affaire Chattin, retenant notamment comme

générateurde responsabilité le tort commis équivalant «à une insuffi-
sanced'action évidente aux yeux de toute personne impartiale Iou encore
la formule employéeempruntée hla sentence rendue par le mêmesurar-
bitre Van Vollenhoven dans l'affaire Neer,
cune insuffisance d'action gouvernementale à ce point éloignéedu
standard international que tout homme raisonnable et impartial
reconnaîtrait rapidement son insuffisance n.

Ce qui est critiqu; d:ins Indiipliqiie. se ne sont p~ices forrn~iles,riiais
bien le fait que la r6pliqut. les invoqiie poiir ecnrtcr 1'éICmeiistubjectif
oubliant, dit-on dans 1:duplique. que cette phrase est
aen matière de responsabilité de droit privé, la formuie courante
~our décrirela faute évaluéein abstractoen fonction d'une norme de
coii<luiteg6iicr;iltIIIst;~iidard~iiquc.1on doit compircr la contluite
ohsçr~ce eri rCalitCplr le sujet de droit rcspuiisnhle n.

Et voici mêmeque dans une note de la duplique (VI, 216, note 2) le
Gouvernement espagnol souligne que
ni1 y a un parallélisme fort significatif entre la formule utiliséepar
Van Vollenhoven et la définitionde la culpabilité délictuelle donnée
par exemple par les frèresMazeaud dans leur Traitéthéorique etpra.
tique dela resfionsabililcivile,délictuelletcontractuelle:N erreur dans
la conduite teiie qu'elle n'aurait pas étécommise par une personne
aviséeplacéedans lesmêmes circonstancesexternesquel'auteur du
dommage. u

J'avoue ne pas comprendre comment cesconcessions se c0nciFen.tavec
l'exigence de la preuve de la mauvaise foi et de l'intention discrimina-
toire du juge formuléepar le Gouvernement espagnol dans le contre-
mémoireet reproduite en tête de cette section de la duplique. Peut-être
y a-t-il là des subtilités qui échappent à mon entendement? Pour I'ins-
tant, je ne peux que me déclarer satisfait de l'accord qui, au moins
momentanément, a paru s'établirentre nous sur le fait qu'aussi bien en
droit internationalqu'en droit civil la faute lourde est assimilable au do1
et que l'erreur grossièreet manifeste dans l'application de la loi natio?a?e
ou dans l'appréciation des faits relativement à son application est gene-
ratrice de responsabilité s'ilen résulte une injustice palpable.

L'audience.susfiendue à II It15. est repriseà II h 40

Le grief global

Je consacrerai ladernière partie de cette plaidoirie en exposant à la
Cour la portée juridique préciseque le Gouvernement belge attache A
cette notion de grief global qu'il a employéedans sa répliqueet qui a euY BARCELONA TRACTION
le don de susciter les plus vives protestations de la part des conseils du

Gouvernement espagnol. Nous pensons que c'est à tort et que ces cri-
tiques sont en réalitéle résultat d'un malentendu.
A en croire le Gouvernement espagnol (D., VII, p. 814) le Gouveme-
ment belge tenterait, par le canal de cette these, de faire admettre I'exis-
tence d'une responsabilitéde 1'Etat espagnol sansavoir établi à sacharge
aucune violation d'aucune règlede droit international.
«Suivant cette doctrine, l'accumulation de ce que le Gouverne-
ment belge appelle anomalies et contradictions devenues préjudi-
ciables pour Barcelona Traction, pourrait constituerun ersatz d'acte
illicite international, et entraîner de la sorte une responsabilité.
Ainsi, même sil'Espagne était compétente pour déclarer en faillite
Barcelona Traction; mêmes'il n'y a pas eu usurpation de compé-
tence de juridiction canadienne; mêmes'il n'y a pas eu de retard
déraisonnable dont les tribunaux espagnols seraient responsables;
même siaucune des conditions d'une responsabilité internationale
en raison du contenu des décisions judiciaires n'est remplie; même
s'il existe une décisioninternationale qui justifie le refus de devises:
de toute manière la réunion de tous ces élémentsintrinsèquement
licites n'engage pas moins, selon le gouvernement demandeur, la
responsabilité internationale de l'Espagne. u

Ai-je besoin de dire à la Cour que c'est là une caricature de notre
mani&rede voir et qu'il n'est pas question pour le Gouvernement belge
d'ajouter un cas de responsabilitéinternationale à ceux dont j'ai jusqu'à
présententretenu la Cour? S'ilenétait autrement, nous aurions fait une
p!ace au griefglobal dans le chapitre denotre réplique consacréaux prin-
cipes de droit applicables en la matiére,au lieu de lui consacrer le dernier
chapitre de la partie relative à la démonstration de la violation desdits
principes dans les faitsde la cause exposésdans notre premikre partie.
Il ne s'agit évidemmentaucunement de faire admettre par la Cour une
cause de responsabilité distincte et indépendante de celles que nous
venons d'exposer. Si nous avons invité la Cour à ne pas se limiter à
l'examen isolédes divers actes administratifs et judiciaires incriminés,
mais à les considérer aussidans leur ensemble, c'est-à-dire à la fois dans
leur succession et dans leur aboutissement final, c'est parce que cet
examen d'ensemble permet seul de faire amaraître l'abus de droit ou le
dC.rourncnieiit de poiivoirs r;siilrntit dl'~iili~iti,,de 1.1procEdiirc rlc
faillite d la faveur de crs diverses irr6giil;iritC.à.des fins tout B fsit
étriin~éresnu but riornial dr cette iiistitiitiuà(Icsfinsdunt le cnr;ict;.i,:
illicite ne fait aucun doute,à savoir, zrneex&opriation sans indemnitéet
pour caused'intérêts privés.
Cet examen d'ensemble est également utile dans une thèse comme la
nBtre pour établir le préjudicequi est résultédesactes incriminéset leur
c----t~-~.-~licit~.
Parlons d'abord du caractèreillicite des agissements critiqués, c'est-
à-dire de la violation d'obligations internationales. Parmi les griefs for-
mulés,il en est qui visent des violations directes de principes de droit
international, notamment en matière de compétence ou de dénis de
iustice au sens étroit du mot: la démonstration de leur bien-fondéoeut
Gefaire, en ce cas, de mani~r; iio1i.eet indépendante. >lai; ynrfois ;ussi

nous avons relevédes violations mojsiéreset manifestes du droit iiiterne.
Comme nous l'avons vu au débit de cet exposé,cette notion d'erreur PLAIDOIRIE DE DI. ROLIN 5I
grossière et manifeste dans l'application du droit interne est admise en
doctrine et en iuns~rudence internationales. comme dansle droit natio-
rial. l)~r~,rqii'clle fait présuiiicrurii: ttii~dco~nsciente ou non ti c,ctte
y~rtiiiliti. qui epar e~cellcnce, dc l'aveu meme dc nos advers:iirçs, une
c:iusc (IL.resnonsiI ilitc rn;iisest en elle-msnie difhcilcinçnt dr:niontrablc.
Or, ilC:L clair qii.2cctt~ prkomption sera considCrnlilcnicnt fssilit&ect
iv~nrucllcmerit renforzcv si I'oiiconstate l>lusiciirïili)\.i:itions<Ic1'intr.r-
~rétation du droit interne o~érant touioürs dans le mêmesens défavo-
;able à Barcelona Traction et préjudiciab leses actionnaires.
Il appartiendra à mes collè~uesde démontrer i la Cour qu'il en a été
ainsi dans notre affaire et ils Ïie manqueront pas de souligner à ce sujet
l'importance de l'aveu échappé à la cour d'appel de Barcelone lorsque,
dans son arrêtdu 27 janvier rg5r. elle déclara:

iiil est nécessairede bien tenir com~te des circonstances exce~tion-
nelles quientourent la présente faiilite, laquelle revêt une&aine
nuance de caractère international, étant donnéque la sociétéfaillie
a son siègeprincipal à Toronto et un grand nombre de crkanciers
domiciliésou répartis dans divers pays européens; qu'il est des lors
évident que les questions complexes qui peuvent se poser, principa-
lement de nature ~rocéduraie. doivent êtrerésolues nonDas en se
basant sur le sens'grammatical des préceptes légaux applicables,
mais en interprétant ceux-ci d'une manière rationnelle et en leur
donnant une Certaine élasticité:car autrement. il serait totalement
iiiipoiiil~lc dc pouvcir iiijtriiir1;iprLrrirt? fnillitc étnrit doririt Ics
diiticiilt~~iiisirrmontnblt:squi pourrai,-nt se prkenter. (A.M., II'158.
vol. III, p. 623)

11v eut là, ou ie com~rcnds mal. l'indication d'une volontéarrêtée de
la part de cette'juridiition de vouloir à tout prix faire aboutir cette
faillitemalgré les obstacles insurmontables qui résulteraient d'une appli-
cation du droit esû.enul conforme à la ratb bue traditionnelle.
..fortiori s'jrnpoje-r-il de pr,xédc:ryu rî~;proctir.mr.nt entr? 1c.sdki-
sioiis ii1irimin;cs et de 5c r:il>portcriune \.II<d'~iiszniblclorsqu'il s'agit
de 1'iis;i:fait dxni un cas déterniin6par dcs autnritc'sadministrr<ti\,esou
judiciaires du pouvoir discrétionnaiÎe qui leur appartenait légalement.
Par conséquent,en l'espèce, ilest tout à fait légitime qu'envue d'appré-
cier si une courou un tribunalont exercéleur pouvoir dans l'intérêt d'une
bonne justice ou au coritraire en vue de favoriser March, on prenne en
considération les actes antérieurs, tout spécialement le jugement du
12 février 19.. o.i avait d&sl'ori~ineintroduit danscette procéduredes
illesurci i cc point iiisolites qii'elks aur:ii,-nt dii gravemeni inquiktcr Ics
rii:<gistr:irsqui curent3 co>i>i:xitiIi!I:suite dc I:iproci,diire s'ilsnvnicnt
&téconscicnts de leur rcsl>onsabilit&,et ~UEG cet cxtraordiiinire inibroglio
de moyens de blocage dë recours qui, jusqu'au bout, empêcha lestnbu-
naux de statuer sur les plus graves irrégularités sans qu'ils fassent le
moindre effort pour y mettre fin.
Devant une telle situation, mémedes actes qui, pris isolément, paraî-
traient de simple routine, mêmeune simple abstention d'agir, peuvent
revêtirun caractère coupable.
Ce n'est pas trop demander à ceux qui ont la charge de I'administra-
tion de la justice de veillerà mettre un terme aux situations dénotant un
traitement manifestement injuste de ressortissants étrangers. S'ils sont.Y? BARCELONA TRACTION
soucieux de leur responsabilité, ils s'inspireront de l'ancien précepte de
Loysel: K Qui peut et n'empêche. @the. n
D'une façon générale,la Cour ne pourra perdre de vue que ce qui est
soumis à son appréciation, ce ne sont pas des décisions isoléessans lien
entre elles. mais une procédureunique dont l'aboutissement inadmissible
fut des le début annoncéet dénoncépar les auteurs des divers recours et
par le Gouvernement belge.
La vue d'ensemble et la considération du résultat final s'imposent à
toute évidence aussi en ce qui concerne la nature et l'importance du
dommage causépar les actes et décisionsincriminés.
II est en effet simplement impossible d'apprécierce dommage en fonc-
tion des effets immédiats de chaque acte et de chaque décision.Sans
doute les ressortissants belges. actionnaires de Barcelona Traction, en
protection desquels le Gouvernement belge a présentéla demande dont
la Cour est saisie, ont-ilssubi un préjudiceimmédiatdu fait du prononcé
du jugement de faillite. des saisies effectuéessur les avoirs des sociétés
auxiliaires, de l'exercice abusif par les organes de la faillite des droits
affbrents aux actions de ces sociétcomposant le patrimoine de la Barce-
lona Traction, mais ce trouble de jouissance et sa prolongation ne sont
rien en comparaison de la perte finale, totale, définitivequi résulta pour
eux de la vente des titres composant la totalité du patrimoine de Barce-
lona Traction i laquelle concoumrent les actes et décisions incriminés.
C'est en ce sens que la réplique apu dire que:

nLes illérralitésflamantes. les anomalies extraordinaires. les con-
tradictions-qui ont :té dénonctcs dans le pr6sent chapitre comme
entachaiit des actes dc I'ndministratioii ou de décisiuiisiudiciaircs,
ne prennent à vrai dire toute leur sienification aue si on se rend
compte de leur convergence vers 1dxtraordina;re résultat final
obtenu, c'est-à-dire du rôle essentiel que chacune d'elles joua dans
groupe March, et qu'ifinit par le rendre maître du magnifique en-
semble d'entreprises de production et de distribution d'électricitéde
Catalogne. »(R., V,par; 792.p. 583.)

mentaire ou subsidiGre im;igiii(.pour rrriforcrr ou r<~iiiplacir,-usdont
nous n'aurions p3s fait la preu\.e, mais d'un prociJL:technique inclijpen-
sable 3.tout iure oii arbitre amcléj.mi>rCcier1ecnracti.resulueus d'une
série d'acte; Gnnexes ayant' ies mêmesauteurs ou dont [es auteurs
appartiennent à un mêmeEtatet concourent au mêmerésultat.
Nombreux sont, au surplus, les exemples que la jurisprudence iuter-
nationale nous offre de sentences basées sur une série d'illégalitésou
d'anomalies diverses aboutissant àune condamnation unique.
Dans une affaire Robert Brownentre les Etats-Unis et la Grande-
I3rït;ignc ct dans IaquellInGr:iiiile-Rrtit;i~e Ctait iiiisceii caiiiécoinme
jucccsscur <Icla I<l:piililiiliiç<I'Afrirlurdu ils'ngisiit dii Lailqu'un
ressortissant améric;iiiidépoîscdéde sci bien; immobiliers avtiit vaine-
ment tentéd'obtenir un dcdommngcrn~nt en j'adrrsint la jiisticc1.e
tritiunal arbitral. prési<lfpar 11.I:roiiingeot. fiit d'avis qu'il !. :<\;lit cu
cl6iiidc iustice mais que 1.1Graiide-Breta-ne ii';i\.nit ri~shcriti) dc cette
res onsibilité.
8n lit dans la sentence rendue en sa faveur le 23 novembre 1923: PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 53

«En dépit de ces arguments, dont chacun peut à notre avis être
admis. nous sommes convaincus oue dans l'ensemble de l'affaire.
donnaot tout son poids à la forcécumulati\~e des nonibreux p35
fr;iiicliispar leC~u\~ernemcntde l'.Afriquedu Sud dans le but évident
de faire iclioucr les réclsrnatioris dc Rrown, il y eiit d;ni de justice.

Nous ne puu\,ons par,pcrdre (Ir viit:1i.sfaits esîeiiticls dans I'liiatoire
<lecette iontro\.erse. I'oiiteslcstrois branihesdu Gouvernenient sons-
pirèreut pour ruiner son entreprise. Le Département exécutifsortit
des proclamations pour lesquelles aucune base legale ne pouvait être
trouvéedans la Constitution et les lois du pays. Le Volksraad adopta
une législationqui, de façon flagrante, faisait violence aux principes
de justice reconnus dans toute communauté éclairée.Le judiciaire,
d'abord récalcitrant, fut finalement réduit à la soumission et aligne
avec une ~olitioue déterminéede l'exécutifafin d'atteindre le résnl-
tat désiresansegard pour les garanties et les prohibitions consti-
tutionnelles ...n(N.U., Recueildes sentencea srbitrales,vol. VI,p. 129.)

Le même soucid'une vue d'ensemble se retrouve notamment dans les
sentences rendues dans les affaires Cizuttinet Sqlomon,citéesau début de
cet exposé,et tout particuliérement dans l'affaire Fabiani (La Fontaine,
Pasicrisie,p. 343) citéedans le mémoire (1,p. 163), reprise dans la ré-
plique (V,p. 319) sans qu'il en soit soufflémot dans le contre-mémoireou
la duplique. Il s'agit de la sentencerendue en 1891par le president de la
confédération helvétiquedans un litige qui opposait la France au Vene-
zuela:

«II semble bien à considérer la sériedes dénis de justice dont
~abia~ ~ ~~ ~ l~ ~r~it de se Dlaindre et mêmesi l'une ou l'autre de
cesdécisions judiciaires luidonrièreritniomcntanément gain de causc
en apparence [on croirait qu'il s'agit du procèsde la liarcelona] que
ses :idvers:iiresétaient vrotéeésau Veiie~ueli~ nar des influencesassez
puissantes pour entraGer l'activité normale hes tribunaux. n

Quant à I'affaire Martini, il est vrai que, comme la duplique le reléve,
le président du tribunal italo-vénézuélien,,MyUnden, a estimé ne pas
devoir procéder àl'examen d'ensemble: celui-cilui avait étédemandépar
l'arbitre italien qui s'enexplique comme suit dans son opinion dissidente:
rLa démonstration spécifiquequ'on peut donner du deni dejustice
ou de l'injustice évidente est presque toujours en soi-mêmepartielle

et indirecte, ce qui n'empêcheque l'ensemble de preuves puisse être
concluant et satisfaire. L'arbitre italien estime que cela se vérifie
dans l'espèceet que ses colléguesne devaient pas examiner séparé-
ment chaque index mais qu'ils devaient les considérer dans leur
ensemble d'autant qu'ils avaient déjà reconnu l'injustice évidente
de quatre sur cinq griefs. »
La majoritédu tribunal présidépar II.Unden ne se rangea pas à cette
manière de voir. Mais il resulte des termes de la sentence que le rejet de
la méthoded'ensemble fut baséuniauement sur les termes de la mission
ionfCrét-nu tribunal par le comprom'is.Celui-ci \.ianit un arrct rendu par
la Cour suprcrne de Caracas qui avait prononci. i cliarce d'iine socitt;
it:ilicnne cinq coii~l:imnntionscli\.eracs.1.r tribiiti:tl d,'\,ait dCclarersi cet

nrrct Ctait ou non entach6 dc dénidc justit.c ou (I'injiistice mariifeste. Le
tril>iiiial:irhitrafiitd':i\.is. noiis I';i\.viitaiitbt. que le caractkre juste54 BARCELONA TRACTION

ou injuste des cinq condamnations devait s'appricier txclusi\~~nieiitpour
cliacurie d'elles en lonction des mCritc,sde lacause saris aue lei mobilt:~
du juge puissent jouer aucun r8le et il estima en conclusiÔnque la Cour
de Caracas avait pu adopter
u1)ourdei inotifs piirement juridiques le point de vue qui est esprim;
dans ccttc pnrtic dc 1'arr;t [c'est-i-dir1;ipremi&rc.coiidniiinntioiilt,
(loc.cit.. p.-995)
tandis que les quatre autres étaient manifestement injustes.
Il est permis de penser que L'attitude du tribunal eùt étédifférente à
l'égardde l'examen d'ensemble sile compromis avait étélibelléde façon
moins étroiteou s'ils'étaitagi, comme dansnotre cas, d'une seule procé-
dure aboutissant à un résultat unique.
La duplique fait état aussi. plus singulièrement encore. de la sentence
rendue dans l'affaire Venable;bien comprise, eue conduit eue aussi à des
conclusions inverses de celles que la duplique en tire. Sans doute le tn-
buual fait-il une distinction très nette entre les intentions des deux Der-
sonnes privées anic:ricaiiiej intéresiées;tu litige et celles des auto;it>i
mexir~inïs. ces dcrnikrïs seules 6tant soiilnisesà son appr;cintioii. iiiaij
uuiiiità ces derniércs.c'est hien I'ensrmble des actes d6noncCsque Ic tri-
6unal envisage de prendre en considératiori lorsqu'ilannonce sÔninten-
tion de rechercher
$8si Uiirro\rcs dani le çoiirs dc I'exéiution de son plaiia induit les
autorités mesisnines ou rl'.iutr,capersunncs ngijslnt pour le coiiiptc
du .\lrsiuue i;ticomvlir dei actes ;i\.;itit uuur r6sultnt iinc iiiiii~tii.e
à l'égardhd'uncitoyênaméricain O; méGesi ces autorités Ont agi
ainsi spontanément u (N.U., Recueil dessentencesarbitrales. vol. IV.
p. 222).

Remplacez Burrowes par Juan Marchet vous aurez couvert une bonne
partie de notre procès.
II n'est bien entendu aucunement question. lorsque le Gouvernement
belge demande la Cour d'examiner ces divers eriefs sous l'anele de leur
rclltion awc Ic rbsultat de la I~rocidurc dc 1:iiIÏite.de rendre
l'Espagne rejponslhlc d'un doiiiiii:igr qui st:rait le résultat des seul; agi>-
sementi de ~:irticiiliers. eii I'csnilr \Inri11ct de ses acolvtt:?.
Cette iutérprétationde la demande belge que présentela duplique n'en
est, elle noii plus, qu'une caricature. Il va de soi que la responsabilité de
l'Es.a~.e në~eut êtreencag-e,,'à .aison de la üart . .sêDar ses auto-
rit& :idniiiiistr;itiiuiijiiili<:i,iiicI'<ibtetitioiidc ce rc:s;lt:I I'ii,~li:
d'une procéduredont lecaractértcinsolite ftit 4~latant d;s le premier iour
mes cÔll~+~ucuest-corif~res qui prendront la parole aprésm8; ciemontrer à
coniiiieiit. en'ejp~\ce,Icj di\,cri nctes rt décisionsincriniiiiésdrs aiito-
rités administratives et judiciaires ont effectivement concouru, active-
ment ou passivement. & acheminer la procédure vers son dénouement
manifestement injuste et doivent dès lors trouver place dans le grief
global indépendamment des vices particuliers dont certains d'entre eux
seraient affectés. ARGUMENTOF MR.MANN

COUNSEL FOR THE GOVERNMENT OF BELGIUII

Alr.MANN: Mr.President and hlembers ofthe Court, it ismy duty and
mv..rivilee-.to Dresentto the Court such Dart of the Beleian com~laint as
cmtttcd Ovthe Spanisli Gov~riini~:rit\iithe ndniinistrat~on of its cxchangc
control. This inCoives the ~resentation of two cha~ters of the storv. -
III the tirit plaie.it is'the submission of ~cl&urn that in r9j6 the
Spnnish Goi,i:rirrneritirlcurrcd inrcrnntiuti;il responsibility Lsttiltifying
tlic Plan of (:ornnromii,: i\.liicli 13nrct.luii;tTraction Iind adootcd and
which, had it coke into force. would have made it impossible'for Juan
hfarch to have made even the beginning of a suggestion to the effect that
Barcelona Traction had stopped payments.
Secondly. my task will include an analysis of those operations on the
political and diplomatic level wliich Spain carried out between 1950 and
1952and which. in our submission. were designed to facilitate and excuse
the sale of January 1952. that final act of spoliation which made Juan
hfarch the master of Barcelona Traction's Spanish investment.
The principal passages in the written pleadings which deal with my.
part of the case are the following:
Memorial (1) : pages 25-39; 84-88; 174-175.
Counter-Mernorial (IV): pages 94-135; 147-191; 192-236.
Reply (V): pages 96-102; 263-308; 524-525; 570-578.
Rejoinder (VI): pages 118-182; (VII) 793-810; 817-821.
Perhaps it will help the Court if 1 indicate the scheme of my address.
1shall begin with a very few words about the legal principles underlying
my submissions and about the main events to which they have to he
applied (Section 1). 1 shall then turn successively to the periods 1931 to
1936 (Section II), and in the third section 1936to 1944,although largely
they are of historical interest only. But they form the background to the
critical events of 1945 and 1946 and 1 must therefore resist the temp-
taThose events of 1945 to 1948 will be discussed in my fourth section-
by far the longest-which will inevitably involve the close,scrutiny of
fact. 1 do not stop to apologize for burdening the Court with such an
analysis. On the contrary, it 1smy most humble and, at the same time,
my urgent and solemn request, to approach this part of the case wth the
enquiring mind of a detective. It is the detailed investigation and appre-
ciation of the facts that will irresistiblv lead to the acceptance of the
Belgian complaint. Conversely, witho& the most intense devotion to
factual detail, it will not be possible to .o iustice to the Belgian argument
on this aspect of a most ukusual case.
1 shall finally, Mr. President, turn to the discussion of the events of
rgjo to 1952.Admittedly. the initial wrong had been done betwey 1945
and 1948,but the later eventsconsummateitand. inaddition, provide the
finaland conclusive piece ofevidence which. with the benefit ofhindsight,
the Court, in Oursubmission, is in a position to utilize and which consti-
tutes impressive confirmation ofthe Belgian Government's case.56 BARCELONA TRACTION

M'hen1now come to deal with the first and introductory section of m).
address, 1 would venture to remind the Court of the broad nature of the
Belgian complaint about the conduct of Spanish exchange control. It is
that the Spanish authorities refused exchange control permission in order
to assist in bringing the great undertaking createdby Barcelona Traction
under the control of Juan hlarch and his associates.
The legal proposition on which we rely is merely an application and a
specific aspect of what Professor Rolin has already presented in general
terms about the doctrine of abusde droit.
1begin with an elementary proposition of law, from which the Spanish
Government is unlikely to dissent: a State, 1 venture to think, is guilty
of an international tort if it applies itschange control regulations ta
aliens in a manner which constitutes an abuse of rights, is arbitrary or
is discriminatorv.
On the facts, :t is the case of the Belgian Government that the actions
of the Spanish exchance control authorities were arbitrarv. discrimi-
natItwill not be out of place,1 hope, to refer very bnefly to some of the
many authonties which establish this well-known and indisputable limi-
tation on the rights of States to exercise their powers ofhange control.
Authority is to be found in State practice. To take an example among
many, the United States of America has put fonvard the view, which is
surelyincontestable, that "the right toregulate foreign exchange.. .does
not.. .include the right to discriminate against nationalsof a particular
country or to deprive an owner of an account of al1rights of ownership".
This statement appears in a hlemorandum of the United States Depart-
ment of State published in 1962 (A ..I.L., 1962,p. 165)and echoesearlier
examples of the same view (see Hackworth, Digestof Internatiwzd Law,
Vol. II. D.68).
or $11 it bedenied that a large numberof modern commercial treaties
are expressive of a general principle of public international law which,1
submii, regulates tlïe exeriise of-a Staie's power in regard to exchange
control. Those rules are most clearly expressed by the Treaties of Friend-
ship, Commerce and Navigation-more than 20 of them-which the
United States of America has concluded since 1 48 As a result of the
their provisions have been adopted,or find an echo, in other treaties both
multilateral and bilateral. It is neither necessary nor possible for me to
submit a complete and exhaustive list of al1the provisions1 have in mind.
What 1propose to do is to refer to the particular treaties which six mem-
bers ofthis august tribunal \vil1be particularly familiar with, namely to
treaties concluded by Belgium, France, Italy, Japan, Pakistan and the
United States of America.
In the first dace. most of these treaties include the ovemdin~ Article 1,
which assures'nationals and companies of the high c~ntracting~arties of
equitable treatment, both as to their persons and as to their property,
enterprises and other interests. It assures them of somethini! that is
cust&ary in piil~licinternational Inw. nnmely treatment th$ is fajr.
ressoiiablc and objecti\,c, that is rizitlicr arbitrary. nor ahusive, nor dis-
criminatory This 1<1çiaSgi\.cn speciiicapplic3tion to the fieldofescliangs ARGUMENT OF MR. MANN 57

control. Thus, the Convention between France and the United States
signed in 1959 provides:

"Neither ... Party shall impose eschange restrictions.. . except to
the extent necessary to prevent its monetary reserves from falling to
a.. . low level or to effect a moderate increase in very low monetary
reserves" (401 U.N.T.S. 75, Art. X, para. 2).
And paragraph 4of the same Article provides:

"Exchangr: restrictioiis ,liaIl nut be iriiposed I>yriihrr.. . Party in a
nianntr [\vliicliii] uniirccssnrily derririieiiial or arbitraril!, discrinii-
natory to the claims, investments, transport, trade and other inter-
ests of the national~ and companies of the other high contracting
party, nor to the competitive position thereof."

Article III of the treaty between Pakistan and the United States, also
signed in 1959(404U.N.T.S. 259).contains parallel provisions and sirnilar
restrictions against arbitrary discrimination are to be found in thetreaty
between Japan and the United States, signed in 1953(206 U.N.T.S. 143),
between Italy and the United States (404 U.N.T.S. 326) supplementary
to the treaty of 1948 (79 U.N.T.S. 171) and in the treaty of 1961 (480
U.N.T.S. 150)between Belgium and the United States. There are accord-
ingly three interconnected iiotions recurring thmugh these treaties which
1would formulate as follows.
First, the proper function of exchange control is to maintain adequate
monetarv reserves.
Sc,ond, :IIIexercisc of the powcr of esitinnge cuntrol which is unncccs-
s;+ril\.detnmcntal or arbitrary or diîcriiiiinatory 1sillegal.
'rl;ir(l. thc use of csclianpe control i,o\verj for purposes other tlinn tlie
.rot~ ~ion of financial res&rces is càntrarv to intemational law
As for jiidicial dccisions. the principal suggestion by me is, of course,
of rciirral scope and lias been stated iiiiiurnerous interiintional decijioiis
onnnints othêrthan exchanee control and Professor Rolin hasreferred
to &ne of them.
Exchange control is a relatively recent sphere of State activity and
therefore decisions by international tribunals are missing. There is, how-
ever, a helpful dictum by the late Sir Hersch Lauterpacht in the decision
of this Court in the Norwegian Loanscase of 1957 where he said:

"National legislation-including currency legislation-may be con-
trarv. in its i~~~~-ion or effects. to the international oblieations of
the >;,te. l'lirque5tion uf confurinit! of n:itionaI lcgislÿutionwirli
intcrnntion;il I:iwis a ii1:~ttrof iiit~trnntionallaw. The notion that if
a matter is governed by national law it is for that reason at the same
time outside the sphere of international law is both novel and, if
accepted, subversive of international law. It is not enough for a State
to brine a matter under the urotective umbrella of its leeislation.
possibl; of a predatory character, in order to shelter it ekective~~
from any control by international law." (I.C.J. RePorts 1957 ,. 37.)

The Belgian Govemment, Mr. President, does not dispute that in the
absence of special circumstances such as a treaty a State is free to intro-
~u~..ex~hanee ,,ntr~ ~ ~ ~ ~es not dis~ute that manv countnes have
adopttd eschange coiitrol rcgulations, u; tliat the eschinge control regu-
I:ttiuii3iiiSpnin at the rele\.ant rimes \vt.rviiot fundarnentnlly differeiit 58 BARCELONA TRACTION

from those in other countries. The Belgian Government maintains, how-
ever, that it is in the exercise of that power in the management of the
regulations that the State is subject to limitations imposed by inter-
national law.
Ir is, \vç5ul1iiiit.an al>ujcof riglirb fers Stntc to use cucli;iiigc.~.olitrul
regulatiuiis fur iiltcriur piii}iosr.sIt iaii arbitrary liseufexcti;ingecoiitrul
reuiilatioiiî for n Stnic td refii;c cx;l..~i-a~cuiirrol ncrnii.iiioii fur iiiotivtis
uncoiinecicd \vit11the protection ofits fui<igiirur;cnc!, reiourcr. Ir is a
di,. .iiiiii:itor\ iisc of forcifiriru<.lisii#e rejiuiations fo;1 St:itc to fa\.oiir
its own nationals tothe pÏejudice of-foreigners.
1 am not going to weary the Court with the somewhat unprofitable
problem of drawing the line between abuse, arbitrariness and discrimi-
nation. These terms areoften used interchaneeablv an,,al1of.them indi-
cate tlie imic idea, tlic sanie ~>iiiiciplc:\.\.i.it:I~1 vviiturc ti,i~~riiiiil.i:~s
follo\vi:;iSr.irc ia ;icriii#coiiriJrv ro its iiitcrii~tioii~ldiiririIItlic r,:fuc.,l
of exchanae-control uerÏnission lacks a true and real connection with the
reïiun.ililt prote~tiuii uf iti ~xclia~i~ertlîoiir<:<:osr,in utlicr \\or<ls,II it ii
(IIILt'u rcnwiis i>thvr tI8:tiifliccoiitrul 31 ~zchnn:~-. l'licrr is :,n ~hucc:of
rights if "monetary powers are exercised in a manner or for purposes
inconsistent with or alien to their accepted function" (Recueildes cours
96 (1959 1). P. 92).
In this field the legitimate end is the control of exchange. Anything
reasonably related ta such end is unobjectionable. Nothing related to
other ends can be justified by relying on exchange control. Thus, 1 sub-
mit, a State mav be entitled to punish or to impose a ~enaltv. For this
purpose it may-employ its criminal law, but if cannÔt use Or, rather,
abuse its exchange control regulations ta punish. Or a State may impose
a tax, but it cannot exact dues from aliens bv makina exchanie coitrol
permissions dependent uponpayments. Ora Siate mafexproprrate prop-
erty. but it cannot achieve the same practical effect hy freezing the
property of aliens under the heading ofexchange control. It is the Belgian
submission that when in 1946 the Spanish Government refused Ebro the
opportunity of utilizing its Spanishfunds to repay Barcelona Traction's
peseta bonds, Spain acted. not to protect its own exchange reserves, but
' to hispanicize Barcelona Traction's subsidiaries by hringing them within
the grasp,not of the Spanish State, butof Juan March to carry out, what
one may call, a nationalization for a private purpose.
In essence. the facts relevant to this Dart of the case are sim~le. So far

two series were sterling bonds. There were the Prior Lien bonds of 1915,
which were payable both as to principal and interest in sterling andthere
were the First Mortgage bonds of I~II, which were payable in sterling as
to principal but primarily in pesetas as to interest. Both issues, however,
can be regarded as sterling for in the case of the First Mortgage bonds the
holder had an option to be paid in sterling or French francs and. since
most of these bonds were held outside Spain. payment of interest was
normally required in some currency other than pesetas. There was,
thirdly, an issue of Peseta bonds of 1927, most of which were held in
Spain and which as to both principal and interest were payablein pesetas
and in Spain.
Al1of Barcelona Traction's revenues were derived, as the Court knows, ARGUMENT OF hlR.MANN 59

from operating companies in Spain, the most notable of which was Ebro.
Ebro was financed mainly by advances made by Barcelona Traction
directly or through a Canadian subsidiary, International Utilities. The
bulk of such advances, on which Ehro paid interest. was consolidated in
the 1920sinto so-called General Mortgage bonds, issued in bearer form in
sterling by Ebroand held by Barcelona Traction in Canada. It can, there-
fore, be readily seen how Barcelona Traction's bonds would be serviced:
Ebro would pay interest on the bonds issued to aiid held by Barcelona
Traction and on the current account in dollars of International Utilities.
This money would, in turn. to the necessary extent. be available for pay-
ment of the interest on the Barcelona Traction bonds held by the public.
In practice. part of the interest due from Ebro would he used hy Barce-
lona Traction to pay the coupons on the latter's sterling bonds, and Ebro
would pay direct to Spanish banks the pesetas for the interest on the
-ar~~ ~~ ~Traction Deseta bonds.
lintil iij36 iiitcres; un U:irccloiia'l'r;istiori'st1irr.ïbolid ijsiics \i.:ispaid,
b~csuic lundi were for th coin ifroin 1-ho. Eschan~c control rc.gulatioiis
were introduced in the early 1930s. but apart from an insipificint stop-
page in 1932E ,bro had obtained exchange control permission to transfer
funds more than sufficient to enable Barcelona Traction to service its
bonds. Durine the Snanish Civil War the installations and. therefore. the
revenues of Ëbro inAspain,were under the control of the Workers' Com-
mittee: the result was that Barcelona Traction had no alternativebut to
suspend payment of interest on the bonds.
After the Civil War there was a serious shortage of foreign exchange
althougli the peseta bonds were serviced throughout the Second World
War and, indeed, up to 1948n .o interest was paid on the sterling bonds
because Ebro was not given permission to remit funds from Spain.
By the end of the Second \Vorld \Var, Barcelona Traction had formu-
lated a Plan of Com~romise which would ~revent this undesirable con-
ditiori fruiii curit~iiiii~~orrccurring. II iv:is~~~~)rcd!.the bondholders
ancl I>ythe Cana<linncourts, hiit ric\.c:<:arnci~itoeffect bccause the Spa-
iiisli ~uth<~rltl~ir<cfusrtoauthorize th~,-~ SIICC~SS~\~inçtliijds by \r'hi~ti
the Plan was to be financed and the third of which involved noburden
whatever on Spanish exchange resources. The true reason, the Belgian
Government submits. why the methods were rejected was that Spanish
authorities were supporting a group of Spanish financiers who were intent
on secnring control of the Barcelona Traction Spanish subsidiaries,and
their undertakings. Perhaps, iilr. President, it will help the Court ifat
this point, when 1come to the end of my swvey, 1give the key dates in
1945 and 1946 which bear upon the exchange control problem. They are
as follows:
On II June 1945 the Spanish banks give details of the first method of
financing the Plan ofCompromise tothe Spanish exchange control autho-
rities; on 26June 1945the Spanish authonties approve this method in
principle; on 13July 1945meetings of bondholders are ordered by the
Supreme Court of Ontario; in August 1945 Mr. Suanzes hecomes hlinister
of Industryand Commerce and confirms orally the ruling in principle of
26June of that year; on 19Octoher 1945 meetings of bondholders are
held, at which the Plan of Compromiseis approved; on 18December 1945
the Spanish authorities refuse permission to implement the first method
of financing the Plan of Compromise; and on 19Decemher 1945o .n the
next day, the Ontario Court sanctions the Plan. In July 1946 the Spanish 60 BARCELONA TRACTION

authorities refuse to implement the second method of financing the Plan
of Compromise; on 30 October 1946 they refuse the third method of
financing the Plan of Compromise; on 12 December 1946 there occurs
t14December 1946twoevents happened-theh Mr. RolinPlan of Compromise finally
lapses and Mr. Suanzes confirms the refusal of thethird method of finan-
cing which he had communicated on 30 October.

II

1 now come, Mr. President and Members of the Court, to the attitude
of the Sp~nislieschnngc control autlionties betwccn 1931and 1gj6r. iiy
irioii(l sectioii. a period \$,hichiscliar;ictcrized bv the \\.liollyiinohjtction-
ablemannerof exercising ex-hange co-trol and about which no complaint
whatever is made.
Its beginning is mnrked hy tlie introduction of escliarige coiitrol rcgu-
latiuiis in Spain and its crid by the outbrcak of tlie Spanisli Civil \Var.
:\ltlioiirli the events of tliis i>uriodnrovide uscful backrroiiii(l for latcr.
and vital, events their relevance isAopento considerabluedoubt. ~ecause
the Spanish Govemment has thought it proper to make gratuitous, but
very grave, accusations of tricke*. and bëcause the Spanish Govem-
ment has constructed what 1 venture to think is an imaginary maze
through this period, the Spanish arguments, however weak, must be
answered shortlv. 1shall show. or 1shall trv to show the Court. that its
;irguiiitrits iiot only do nutliiiig'î:i,doubi on the accurÿcv of thc bric1
account of tlie ycnod giwn in thc niénioireof the Relgian Govcrnmcnt
13clfii:in(;o\.erniiient lias mn<lr.nally strcngthen the submijsions clic
'l'lie coiiternporary <locuments ~onrlujivel!~ establisli four tliiiigs.
namely :
First, despite the introduction of exchange control in Spain in 1931,
Ebro serviced its financial obligations to Barcelona Traction, and its sub-
sidiarv International Utilitie;. between 1411 and 1016 to the extent
neccs;ary to enahlc Uarcclona 'l'raction in iiiturn iio<only to scrvicr its
o\\.iistt:rlirig boiid~hur aljoiimoit !.e:Ir;. tu-.as a divi<lendri)iti slidré-
holders.
Second, Ebro was permitted by the Spanish exchange control autho-
rities to pay interest on the General Mortgage bonds held by Barcelona
Traction and on its douar current account owned by International Util-
ities.
Third, such delays as there were in obtaining foreign exchange were
due to particularly acute, but temporary, shortages of foreign currency
in S~ain.
~ourth, the Spanish exchange control authorities recognized the right
of Ebro to receive foreign exchange for the service of its bonds and to
pay interest on its debt to International Utilities and, indeed, an inves-
tigation by the Spanish authorities culminated in tlieir being satisfied
with information given in regard to these obligations.
The mechanism of the exchange control operations during this period
was as follows. When exchange control was introduced, Ebro applied for
permission to pay interest on the General Mortgage bonds and on the
dollar current account with International Utilities. At first, currency \vas
supplied by the Exchange Control Board for this purpose, but Spain was ARGUMENT OF MR. MANN 61

so short of currency that Ebro at times received only a varying daily
quota, supplemented by such operations as the sale of gold, at the sug-
gestion of and, in al1cases, with the permission of the Exchange Control
Board, and in consequence of the original application.
From 1932 the foreign exchange resources of Spain did not permit the
General Mortgage bonds to be serviced in full, but the payment of part
of the interest on these bonds was sufficient to provide the money neces-
sary to service Barcelona Traction bonds.
As regards International Utilities, the last authorization during this
period was a permission to transfer $4oo,ooogranted in October 1931but
since the prior-ranking General Mortgage bonds were not serviced in full
there was no basis for trvine to obtain further exchanee iireeard to this
next-ranking dollar accounc Out of the ~~00,000which 1 havementioned
on account of the scarcity of dollars only some $160,000 was in tact
received, in approximately equal amounts; in hlarch 1932, October 1932
and December 1932 (A.R. 76, Vol. II, p. 394). The dates of these alloca-
tions of currency are important because, as 1 shall show, they demolish
the allegation of the Spanish Govemment that certain ellents of October
1931and March 1932were due todoubtsabout the International Utilities
account.
The Belgian Governmeiit has submitted a table (A.R. II, p. 394)which
shows the exchange allocatcd for the service of Ebro's financial obliga-
tions during this period. It stands unchallenged. It shows that during
the four years from 1933 to 1936 an additional amoiint of more than
~2,200,ooowas made available for transfer. There can be no better evi-
dence, in our respectful submission, of the ment of Ebro's applic. .ons
for forei~n exchanee.
~i.co;din~ to th; Spanish C;r,veriiiticnt (VI, p;ir;i122 of Cliapter 1uf
thc (:ountcr-\lcmorial in Octoher rq-{i the Sl);iiiialt;ii~tlioritiesallc~c.dly
heard that a sale of 12 million ~eseiis bv Bircelona Traction had faken
place in Paris and therefore théquestio< was where this money, ifany,
had come from. The insinuation of the Counter-Memotial undoubtedly
\vas that Ebro had illegally transferred such a sum to Paris. There was
never any evidence in support of such a suggestion.
In a footnote topage 140 of the Rejoinder, VI, the amount in question
is reduced from 12 million pesetas to z million pesetas without that word
of withdrawal or explanation which, in the circumstances, could perhaps
have been expected. Evcn as regards the remaining suni of 2 million
pesetas there is to this day no evidence of any illegality. On the contrary,
in that period (R.,iiV,h11.269).n Government's list of permitted transfers
It may, nevertheless, be that what was never more than a rumour led
to an investigation by the Spanish tax authorities for, on 28 October, the
provincial representative of the Iblinistryof Finance transmitted an order
of 22 October 1931 to hlr. Canosa to "undertake al1 such measures of
investigation and verification as may be necessary to clarify the legal
situation of the Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited,
vis-à-vis the Spanish Tax Authorities" (A.C.M.,\'ol. \II, Chap. II, Ann.
4. Doc. No. 3, p. 256). &Ir.Canosa's report of 30 Decembcr i932 in terms
States that it \vas made "for the purpose of the tax legislation in force"
(A.C.M., i701.II, Chap. 1, Ann. 102, p. 81).
According to the SpanishGovernment's pleadings in this case (C.M.,
IV, Chap. 1,para. 122). in October 1931 the authorities siispended the THIRD PUBLIC HEARING (17 IV 69, IO am.)

Present: Mr. BUSTAMANT YERIVERO.President; hlr. KORETSKYV , ice-
President; Sir GERALDFITZMAURICE hl,M. TANAKA JESSUP, ~~ORELLI,
PADILLA NERVOF ,ORSTER, GROS,AMHOUNB ,ENGZONP ,ETRÉN,LACHS,
ONYEAMAJ,udges; MM. ARMAND-UGON R,IPHAGEN,Judges ad hoc;
hfr. AQUARONE R,egistrar.

Mr. MANN: \\'benthe Court rose yesterday, 1was under the impres-
sion that 1 had finished the second section ofmy address. I must today
ask for the Court's indulgence and make a short addition to that section.
In hlarch 1932 there was a particularly acute shortage of foreign
exchange in Spain. On 24 March 1932 (A.R. 65) the Barcelona daily
newspaper La VanguardinEspanola reported that the Exchange Control
Board had cancelled the right of Spanish banks to sel1and buy foreign
money and that al1applications were to be made to the Exchange Con-
trol Board itself. These new restrictions were of a general nature (see
A.R. 66 and 67). 1t was in this state of affairs that on 23 March 1932 an
officia1of the Exchange Control Board, Mr. Ridruejo, visited the Barce-
lona officeof Ebro and requested information about Ebro and Interna-
tional Utilities. As a result of that visit, lengthy correspondence took
place until the matter was resolved in June 1932.
From interna1 corres~ondence it can be established (A.R. 68. 74 and
7j) tliat tlie rxchnngt ;oiitrul Liiirliuriiies,iii Julie 1~~2,'in\.c.~tigsidthe
books of 1~l)ro.expreisc(1 thenisrl\~ss r.ompletel\~s:ttistie~l ii~iil,apârt
fromzzj,ooo pesetas already given meanwhiie, authorizediÇz,ooo perday.
From August 193%onwards. permissions for financial purposes were
consistently granted (A.R. 76). The affirmative evidence of grants of
large amounts of exchange which was produced by the Belgian Govern-
ment on this point. stands, 1 submit, in remarkable contrast to mere
assertions on tlie Spanish side.
The Spanish Government has access to its documents and the Court
can rest assured that if the reuort of Tune,-z2 had been critical of Ebro.
it would have been made available.
hloreover, the documents prove that the Spanish Government knew of
and raised no obiection aeainst the existence of the International Utilities
dollar account &ith ~b; and, indeed, authorized transfers in part dis-
charge of it (see, e.g., A.C.hI., Vol. IV, Chap. 1, Ann. 780, p. 576; ibid.,
Vol. V. Ann. 7,,. . A II: A.Rei.. \'ol. II. Ann. 16. un. 127-730: A.C.hI.,
remind the Court ofthis fact when I come to later events. i &al1 have to

irrelevânt to thé;ssues [Gthis case.ve submitted. mav.,pr-ma facie, be
The argument made against us has, however, enabled me ta point out
that the exchange control authorities did carry out an investigation in
June 1932 and obtained satisfaction. A few years later, itis quite true.
the régime inSpain changed; butthe SpanishGovernment, in Ourrespect-
ful submission, cannot invite the Court to discard the,investigation of
1932unless it can show new facts, such as a fresh investigation. which in
this case did not and, we believe, was not intended ta take place.64 BARCELONA TRACTION
1 invite the Court in these circumstances to hold that the present
Spanish Government cannot now be heard to make allegations incon-
sistent with the investigation of 1932.

III

This now brings me tomythird section, Mr. President, whichis devoted
to the years 1936to 1944.
In 1936, as 1 have already ventured to remind the Court, the Spanish
Civil War broke out, and it did not end until 1939.
In a number of circulars during the period of the Civil LVar (A.M.,
Vol. 1, p. 190 and A.C.hI., Vol. II, Chap. 1, Ann. 108, pp. 257 ff.) the
board of directors of Rarcelona Traction announced to its shareholders
and bondholders that because of the occupation of industrial installa-
tions in Catalonia by the Workers' Committee, the managements of the
operating companies had not been able to exercise effective control over
the installations in Spain. They explained that the Workers' Committee
had control not only of the installations but also of the funds and bank
accounts of the operating companies. It was therefore inevitable to sus-
pend payment of interest on al1three Barcelona Traction bond issues in
orde~ t~ ~~nserve the resources of the comnanv.
In the result, between 1936 and 1939,nk payment was made either on
the Barcelona Tractionbonds or on the debts owed hv Ebro to Barcelona
Traction and International Utilities.
By 1940, however, Ebro's financial position was once again such as to
enable it to remit funds abroad to meet its financial obligations. The
funds in the hands of Ebro would have been more than sufficient to
enable Barcelona Traction to service the sterling bonds issued to the

public.
However, during the period of the Civil War, exchange control regula-
tions in Spain had hecome more stringent and required Ebro to obtain
permission not only for the payment of interest due on its sterling bonds
held by Barcelona Traction and on the dollar current account of Inter-
national Utilities, but also for the transfer to a Spanish bank of the
pesetas destined to service the Barcelona Traction peseta bonds.
Exchange control was now in the hands of the Institut espagnol de
monnaie étrangère,the successor to the Exchange Control Board, whicli
1shall refer to as the IEME or the Institute.
That. hfr. President. is the backgrou-d to the ~eriod from 1040 to , .
1944. Oiicc:i~fi:ti1~itti~uinj>c>lleto st:ite tllartlitrrli.v:iiiiof the v\.eiits
of tliis pcriod iiIpcn to duiiht, dcjpitr. the ntnny png,-i \i.liicli.ire de\.oted
ro it iiitlir Sr).iiiisIii)lestlines aiid to \\.ltla<>Ik>-ci:~i(,;uvcrnin~nt Ii:ij
had to reply; and tÔwhichÏ now have to reply.
For present purposes it will perhaps assist the Court, and it is my hope
that it will assist the Court, if 1 state at once what my submissions on
t.-.-.r---- will be.
First, the events of the period demonstrate why the board of Barcelona
Traction thourht it essential to vroDose the Plan of Compromise, with
which the nexFsection of my submissions willbe taken up..
Second. In this period it was the shortage of foreign exchange in Spain,
and only the shortage of foreign exchange, which prevented Ebro from
transferring funds to Barcelona Traction and International Utilities to
meet Barcelona Traction's financial commitments. ARGUMENT OF MR. MANN 65

Third. Ebro was nermitted to Dav.e-.tas to a Snanish Bank to enable
BarcélonaTractioi; to scrvicc ils pcjcta bonds, and in rcturn !vas autho-
rized to debit International Utililics nomnlly-aj~art fri~nij~3yrneiitsof
iiittrest relatint! to tlie ~rc-Civil \Var veriod .-on whlt \vas cnllcd a nro-
visional peseta-account-opened on théinstructions of the Institute. '
Fourth. In the result, Barcelona Traction paid interest on its peseta
bonds but was unable to pay interest on its sterling bonds.
Fifth. There is no substance in the Spanish argument that the funds
were not forthcoming either because Ebro or Barcelona Traction did not
take advantage of the special facilities offered by the Anglo-Spanish Pay-
ments Agreement of 1940. or because the Spanish authorities were not
satisfied with information they received from Ebro.
These are al1themes which recur in the next section.
Bet\iteii 1940and 11~44 twn sericwf spplii;ttiunj were innde hy Ebro
to the exzhniige control aiitliorities wirhin ihc contest of tlic new regula-
[ions Ttit first series coiisisttd of ;i~~licritionsto v3v sterlinr ori Ehro's
sterling bonds and on its current acc'iunt owed to În<ernatio<al Utilities.
The second series of applications was to transfer the pesetas necessary to
pay interest on the Barcelona Traction peseta bonds.
The applications in the first series were rejected. It is the submission
of the Belgian Government, a submission which 1 venture to think is
borne out hy the documents in evidence, that the only reason for these
refusais was the lack of foreign exchange.
The Spanish Government has. we believe, failed to cast any real doubt
on this result. What the Spanish Government has done is to produce,
well after the complaints of the Belgian Government had been formu-
lated, two arguments which are not only not supported by any contem-
porary facts but are contradicted by al1the available evidence.
They have one common feature: they are both designed to show that
the fact that by 1945 Barcelona Traction and Ebro were in arrear with
their interest payments was entirely their own fault and, the Court is
therefore asked to accept, was independent of the shortage of the cur-
rency in Spain. It is for this reason that 1 must deal with these points.
(a) 1havealready said that it was Ebro which had funds in Spain and
was to provide Barcelona Traction with the funds to service its bonds.
This was made abnndantly clear in the Mernorial of the Belgian Govern-
merit. The Counter-Mernorial of the Spanish Government, however, al-
leged that the Belgian Governmenthad tried to give the impression that
requests had been made to the Spanish exchange control authorities for
fundsto service the Barcelona Traction bonds. The Snanish Government
thcn proiluci<l wtixt it ohvioujly rc~lrdcd a.;;t ni:ijor iliat:o\.cr!. ille
.ser\.icc;O it ~3.isaid, 01thc t~~rccl~~iT i~raction boiicli hs(l nr\kr becii
tlicsiibject ofilrc(l~iejttu tiltS~I~III~ S'YC~I,III~uiitrulit~~thoritiçs.

Mr. President 1cannot forbear to quote paragraph 37 of the Counter-
Mernorial (IV,Chap. II, p. 155):
"The reply to this question must takethe form of a fundamental
observation: the financial service of the Prior Lien and First Mort-
gage Bonds of Barcelona Traction was never4ither before or after
1945-the subject of an application for foreign exchange addressed
to the Spanish rnonetary authority, which, therefore, never had to
refuse foreign currency intended for that purpose. To assert, or
simply to insinuate, that the Spanish administrative authorities per-66 BARCELONA TRACTION

sixcd in rcfusing to grant forcigii eschnnge for the purposc uf tlie
fiii:~iici.ilt:r\.itc of ttie sterling I~ondjof 13;irccloii:iTrastiuii ij to bc
puiltv of a srrioiis iiirs;ictitiiile. In vizw of tlie efforts unceasinalv
Ïoadéto introduce the maximum amount of confusion into the ouii- , ~ ~
ri<irof forrigri rxctiangc in the prescnt ~.ase.it ij im11ort:int that
tlierc jliould iiot remain on tliis point evcn the sliadow of n doubt."
Sow iv11atappeared to be n "fiiri(l:iiiiental obiervation" tothe Sp:iniih
Govtrnrnciit \vas in fact, 1 iubinit. perlectlv ob\,ioiis and indeed does nilt
IL.:L\cihc sli:iduw ul a duulit". For it \vas Eliro ivliiclimiide. and tiad to
make, the requests and these requests were related to thc moncy Ebro
owed to Barcelona Traction. The Reply of the Belgian Government
shows clearly why there is uothing in the Spanish argument and it does
so by citing evidence to be found in the Annexes to the case of the Spanish
Government itself, and in this way the Belgian Government showed that
even the Spanish authonties at the relevant periods were insistent that
the requests should emanatefrom the debtorcompany, that is from Ebro.
The Rejoinder, nevertheless. returns to the charge. This time tlie
Spanish Government adds another argument, an argument which was
somewhat faintlv referred to in the Counter-Memorial, no doubt because
:ittli:ir time it scemtrdas weak to tlic Spaiiisli Governnieiit :is it docs to-
$13, tu tllcJ<cl&i.iiC~i~v~riirii~:i\i\t'.lixt tlic 12i:jiiiiii~;~tliiit trii:~
on-no less than 15pages (V,119-133) to explain away the evidence that
the Spanish authorities would, in any cvent, only have eiitertained ap-
plications from Ebro, the debtor company in Spain, and ptirports to
establish that if Barcelona Traction Iiad made applications in order to
pay its bondholders these would have come within the terms of the
Anglo-Spanish Clearing Agreement of 1940.
The argument, Mr. President and Meinbers of tlie Court, rests on the
Spaiiish Government's failure to uote the relevant article of the treaty
on which it places so much weiht. A mere glance nt Article 6 of the
Treaty is enough to dispose of those 15pages, and 1must read it. Article 6
provides:

"(1). Payments in pesetas may, subject to the provisions of the
following paragraphs of this Article, be made to the Instituto for
transfer through Sub-Account C, in respect of any sums due and
owing at the date of the coming into force of this Agreement or
fallina due after that date from persons in Spain to persons in the
~nitd Kingdom, in respect ofinsûrance and ré-insurahcepremiums.
licence fees,royalties, commissions, interest,andother financial pay-
ments of a revenue nature. and any other remittances which rnG be
agreed between the Instituto and the Clearing Office, not being
sums due before the 1st Apnl, 1939.
(2) Applications by persons in Spain for transfer of any sums
referred to in paragraph (1). .. shall be made to the Instituto; and
the Instituto may require ...to produce evidence ..."
Article 16, paragraph 5. of the same Agreement defines a "person iii
Spain" as "an individual, fi- or corporation ordinarily carrying on
business in Spain". Barcelona Traction was not a corporation ordinarily
carrying on business in Spain and therefore did not comewithin the scope
of the treaty and Ebro, which did come within its scope, did not owe
money to a person in the United Kingdom. ARGUMENT OF MR. MANN 67

This, 1venture ta think, obvious conclusion, although it is now denied
by the Spanish Government, was accepted in reports not only by the
committee ofPrior Lienbondholdersappointed by Juan March and sitting
in London (A.R. 79, Doc. 4, Vol. II, p. 409). but also by the Institute
itself (A.C.M., Chap. II, Annex 5, Doc. 13, Vol. VI, pp. 298 and 300).
Can the Spanish Government, if 1 am allowed to ask the question,
seriously maintain that the Trade and Payments Agreement between the
Government of the United Kingdom and the Spanish Government signed
in Madrid on 18 March 1940 bas an relevance to this case? (Treaty
SeriesNo. 22 (1940)Cmd. 6229or 203?N.T.s. 157.)Perhaps the Spanish
Government will question the accuracy of my quotation, in which case,
the Belgian Government will be pleased to place the text of the treaty
before the Court.
(4) Mr. President, 1 must now turn to answer another point, which 1
which, again, recurs in a later stage of this case. This is the Spanish thesis
that the difficulties of the period about which 1 am venturing to address
the Court were due to Ebro's failure to supply such information as was
required by the exchange control authorities. The Spanish Government
discovered this argument as late as 1949. NOsuch point occurred to the
Institute in 1945when proposals were put forward on behalf of Barcelona
Traction which expressly stated that the Companywas in arrears because
of difficulties in obtaining foreign exchange (A.C.M., Chap. II, Ann. 5,
Docs. Iand 2, Vol. VI, pp. 261 if.)No such point occurred to either the
Institute or Mr. Suanzes in 1946 for, as 1 will show, they took other
equally indifferent points against Barcelona Traction in their efforts to
frustrate the Plan of Compromise. No sucb point was taken by the
Spanish Government in a Note of 2 July 1948 (A.M.251, Vol. IV, p. 980).
replying to a Note from the Belgian Government of 27 March 1948(A.M.
250, Vol. IV, p. 977) in which the Belgian Government expressly stated
that the Barcelona Traction bonds were in arrears because, as was well
known, for reasons entirely outside its control Ebro Iiad been unable to
transfer money to Barcelona Traction. Yet the Spanish Government
passed over this point in silence and it was not until 16 months later,
namely 26 September 1949 (A.M.253, Vol. IV, p. 983), that it took for
the first time the point that foreign exchange had not been provided
because insufficient information had been forthcoming.
This argument, in these circurnstances necessarily suspect, has been
persisted in before this Court, and 1regret, therefore, that it is necessary
for me to outline the evidence of the period both in regard to the first
series concerned with the sterling debts and, in so far asthey throw light
on the problem, those of the second series relating to the peseta bonds.
(A.R. 80 and 81, Vol. II,pp. 411 ff.)
(1)As regards the first series, o22 April 1940Ebro wrote to the Insti-
tute (A.C.M.,Chap. II, Ann. 2, Doc. 1,Vol. VI, p. 130).The letter pointed
out that Ebro had suffered considerable damage during the period of the
Civil War, was now seeking to make good that damage and wished to
restore the normal course of its financiallife by resuming the payment of
interest on its debts. The application was, in essence, for currency to pay
interest on the sterling bonds and the dollar account.
The application, Mr. President, concluded by making a formal request
ta the Institute ta authorize these payments by Ebro "after furnishing
any proofsfor which it may be asked '.68 BARCELONA TRACTION

On g May 1940the Ministry wrote to the Institute (A.C.M.,Chap. II,
Ann. 2, DOC.2, Vol. VI, p. 132) pointing out that the Company had to
append sufficientdocuments to show the conditions to which the issue of
the bonds was subject, as well as the documents relating to its current
account with international utilities. This requirement the Institute trans-
mitted to Ebro on 22 hlay 1940 (ibid., Vol. VI, p. 133); on 19 June Ebro
relating to the General Mortgage bonds and the current account respec-icates
tively. The first declared that the ledger for 1927 contained an entry of
the issue of 6f percent. Mortgage bonds to a nominal value of nine and
a half million pounds with interest falling due quarterly. It then went on
to particularize tlie interest which \vas due for the years 1935 and 1936
and for the years 1939 to 1940. The second certificate again meutioned
the ledger of 1927,gave details of the current account and particularized
the amount of interest due for the years 1932 to 1936. The conditions
under which the account was operated were detailed in a letter of 28 July
1933from International Utilities which was set out in the certificate. The
Institute did not reply for some time. Meanwhile Ebro made a forma1
request for the interest due on the current account for the first quarter
of 1940 (ibid., Vol. VI, p. 139). On 17 September 1940 the Institute at
last replied (ibid., Vol. VI, p. 144). It wrote to express the views of the
directorate which asked for a Spanish translation 01the letter from Inter-
national Utilities and also-and this is the important part of the letter-
went on to Say:
". .. attention must be called to the need to disclose not only the
existence of the current account under reference and its amount
-these are facts which can be assumed to be proven by tlie first
part of the certificate in question-but further. the purpose or the
use made of the funds available out of such current account".

Ebro was kcen to give this information as quickly as possible. Notes for
the answer were produced on zj September 1940 (ibid., Vol. VI. p. 165)
and on 27 September hlr. Strang, the Chief Legal Adviser to Ebro, wrote
need to reply to the letter of the Spanish Foreign Excliaiige Institute so
that it "can never be said that the non-availability of foreign currency is
due to a delay in submitting the information requested". The Spanish
Government makes much of this letter (IV,Counter->Iemorial. Chap. 1,
para. 130, p. 87) and implies that it shows that Ebro was hiding infor-
mation. It is true that Mr. Strane did not wish to su~~lvfieures for the
\cars htlor~.1926. but thi.; \vas bFc3usc ir\\.oul<lIinve(Iel;i!.eiii:iit<-tn
ii;tve10 lurriish tsl>l;iriationj fur ttiis {ieriuitii.;is.tlierclore. troul,lc-
sotne. 'Fliclettcr snvs th;atitiioiildh~ difficiilt to ~roviden siimmnrv of
payments carried i; the accounts as capital expeiditure because "kost
ofthe operations forwhich foreign currency wasrequested were not chan-
nelled through this account although, of course. the funds originated
therefrom". Today the Spanish Government suggests that this meant
that some 14years earlier therehad been some undefined illegality in the
use ofthe funds. In fact, 1ventureto think, the commercial realities were
quite different. The funds received from International Utilities were
represented by cash entries in the books and an equivalent entry in the
current account to show the deht. Once these funds became part of the
cash assets of Ebro they naturally lost their identity and the mark of ARGUMENT OF MR. MANN 69

their ongin. \\'lien mattrials wcre bought or in\.estments were miidc. no
entry in the books coul<lconceivably indicate wlietlicr the outlay \V:IS
made wvithmonev reçeived from International Utilities. Therefore itw;is
impossible to establish a strict correlation between the latter's account
and the monies suent. Thus, the onlv way to show how the funds had been
used was, in Mr.'Strang's words, a proposal based on the balance sheets.
Now on 4 November 1940 (ibid., Doc. 6, Vol. VI, p. 140) Ebro replied
to the Institute's reauest for information. They enclosed a translation of
the I~ttçr. ilsre<l~~~thJa.lid then u.criton to :ins\i.ertlie particular qiirri<s
wliiclili~dbeen raisid. :\balance slicet was ericlosi:dfrurii\\.liiclit ioulJ
bc secn tli:it1.i. i;ii>iinv~.itriii.iit;.c~.oiinttot:~llcdniotli;iri Siiiillioii
-a~ ~ ~ ~ ~ ~ars. in other words. an amount which exceeded bv more
than 15million dollars the share and bond capital of the Company.betails
were then eiven ofthe current account with International Utilities which.
-~it~was erx~lained.had been used not onlv to build laree-scale hvdraulic
works and power tiansmission lines, but also to make payment ior elec-
trical material purchased to equip such installations. The letter ended as
follows: . A

"Should you need further details, we remain at your disposal to
supply them as the account in question has already been subjected
to special examination by the now defunct Currency Board before
taking the decision (which circumstances prevented being put into
practical effect) to grant currency in order to reduce it to the agreed
ceiling."
The Institute asked for information about the use of the funds. This
had been given. There is no evidence of any kind that Ebro was faced
with any difficulty other than the practical one, to which 1have referred.
The Court will, 1trust, here as elsewhere, reject anyattempt to substitute
allegations for proof or insinuations for fact.
No early reply was given by the Institute. On 12 July 1941,on 31Octo-
ber 1941 and on 23 November 1942 (ibid., Docs. 8-10. Vol. VI, pp. 145-
150) Ebro made further formal applications for interest falling due in
1941 and 1942, but theInstitute contented itself with a formal acknow-
ledgement on z December 1942 (ibid., Doc. II,Vol. \II, p. 151). At long
last, on 13 April 1943. came the refusal. This letter (ibid.,Doc. 12, Vol.
VI. p. 152)deserves close attention. It read. after referring to the appli-
cations:
"We have just received a communication from the Committee for
the Study of Blocked Foreign Accounts, to whom your Company's
application was submitted, and we regret to inform you that, in
accordance with the report ofthe said Committee, it is not possible
for us at the moment to authorize the payment of such interest iii
foreign currency."
There is, as the Court will readily sce, nothing in this letter to suggest
tliat the refusal was for any reason other than the shortage of foreign
exchange. In any case, it is quite impossible to derive from the letter any
suggestion whatever that the refusal had anything to do with a deficiency
in the information supplied. Moreover, it is simply inaccurate to state, as
the Spanish Rejoinder does (VI,para. 171, p. 135). that permission was
refused on the ground that "so long as the basic question concerning pay-
ments in foreign currency was not resolved, the IEME could not grant
foreign currency, however much it might have at its disposal", for there7O BARCELONA TRACTION

is no evidence of any concern with any such basic question and there is a
conspicuous lack of evidence that Spain had excess funds at its disposal.
The letter written by the Institute in April1943 States in terms thatit
had just received a communication from the Committee for the Study of
Ulocked Accounts. No such communication is produced by the Spanish
Government. The inference which the Belgian Government respectfdly
invites the Court to drawis that this refusal was the result of a shortage
offoreignexchange, nothingmore,nothing less, and that the unsupported
speculations, of which the pleadings abound, should be summarily dis-
missed.
Further applications-just to complete the story vev quickly-were
made on z February 1944 and on 21 September 1944 (A.C.M.,Chap. II.
Ann. 2, Doc. Nos. 13and 14, Vol. VI, pp. 153-157).On 30 September 1944
(ibid., Doc. No. Ij, Vol. VI, p. 158) the Institute wrote: "We regret to
inform vou that it is not vossible for us. for the moment. to authorize the
.saidplyments": .ig;iiii iiu liint tliat tlic rclusnl \vas duc tu l:~k uf iiifur-
mation Thc Uclfii:iii(;uv~rnincnt maintaiiis its position. In ~\iiiicx79 tu
note wilich clearly show rhat not only was there lack of foreign exchangetters :ind a
in Spain, but also that the Spanish authorities, when approached by
officiaisof the British Embassy, never once mentioned the lack of infor-
mation as a reason for the refusa1of exchange.
Now so mucli, Mr. President-and 1 regret to say that it had to be
much-on the first series of a~~lications.
(2) :\jregiirds the seconil serit:;uf ;ip[~li<::itioiirs~I:iting tu tlic peseta
t~oiids,b~~t\i.evitcptenit>er r<)loaiiil J:iriii:irryld tlii: Iiiititiite ii3ucd
sonle 10 auttioriz>tion to Ehru tu va\. tu 3uÿiiijh batiks suin, intciided
fi31I>:c?.nienot f tlic quartcrly iritcr,:>t'oii th;. H:ircïlun:i Tr:iitiun pc,et:i
lion& Sucli nutlioriratioris. uiic iiitij:isjumc, wcrc iicccss~r\,-l an1not
qiiarrelling about this-because a Companyresident for exchange control
purposes, namely Ebro, was proposing to make payments for the benefit
of a non-resident, namely Barcelona Traction, thus relieving the latter of
the necessity for paying the interest out of non-Spanish funds. Ebro's
payments were to be debited to the account of International Utilities.
(A.C.M.,Chap. II, Ann. 3, Vol. VI.) Their importance, Ur. President,for
the present p.rpo.e is twofold: first. Ebro eave exactlv the same infor-
iii:~t~u:taitg:ivc in relation to the::~l~l~li~~:itifounrscx:li;~ngcin rr5psct uf
thc iirst crie-. of :ippliiation.;. naiiiiltlicstcrliiig Loiid, :iiid tlie Iiiter-
ti:itioii:~IUrilitie~' ~~ccuuiit,aiid <,,tuii<I,tl~, ~~~<~II-I~ 1IC1jtitiitr \vils
satisfied with ttiis information.
Let me summarize these events as shortly as 1 can.
On 5 July 1940 (ibid., Doc. No. 1, Vol. VI, p. 175). Ebro applied for
authorization to remit to the Arnus Gari Bank sums representing the
amonnts due on I June 1940and to debit such sums to the International
Utilities' account. Thisrequest was acceded to in a letter of 6 September
1940 (ibid., Doc. No. 31, Vol. VI, p. 177).wheu the Institute stated that
the money could be remitted, but could only be debited to a provisional
peseta account of International Utilities. Their stated reason was that
the dollar account hadnot been authonzed andthat thev first learned of
it iii Eljru', Iettcr to thcm. 1'lio;c in clinrge of ISbrojvcrc. 1 req)r.:tfiill!.
siiggc.st, riglitly siirprised at tliis bes:iiijr tliry Ii:ic1:ilrznd!. nicntioiied
tliij account on man\, earlier occasions and in 1)articullr in tlieir lctter of
22 April 1940. ~hefso wrote to the lnstitute on 8 October 1940 (ibid.,72 BARCELONA TRACTION
there \vas a shortag~',ai the Brlginn Goveriimcnt says, and as the con-
temporary document, sliow. then the Spaiiisli Go\.ernment can h:trdlg
contradict the Uelaiaii aciourit of the rcnsons whv Iiarcçlona Traction
bonds were in arres.
The truth, 1submit, was stated by Professor R. S.Sayers in hisvolume
"Financial Policy 1939-1945". which is one ofthe volumes in the O@cial
History of theSecondWorld War, a volume which appeared in London in
1956, and where he said:
"The Civil \Var hadleft S ain almost destitute.. . Spain had little
chance in the conditions o?1~3~-1~~5to shake her economy free
from a hand-to-mouth basis" (pp. 447-448).

To conclude this section of my argument, let me make it clear again:
tion between 1931 and 1944. We have dealt with these events onlystra-
because, on the one hand, the Spanish Govemment has. as we believe,
misinterpreted them, and because, on the other hand, they show that the
Spanish Government did not, during those 14years, make any complaint
against Barcelona Traction or itssubsidiaries, had no reason to make it
and, in fact, made enquiries which, in June 1932and November 1940.led
to it being completely satisfied-the opposite was never suggested at
the time.

IV

This then, %Ir.President and Members of the Court, brings me to the
fourtb section of mv -rgu-ent which concerns the crucial period from
'945 to 1948.
were easily sufficient to provide the funds necessary to service the bonds
it was unable to do so because, as 1have explained, Ehro could not trans-
fer the necessary funds out of Spain.
What happened was that a Plan of Compromise was approved by the
Supreme Court of Ontario by which the holders of the First lllortgage
bonds and the Prior Lien bonds were to be paid off, both as to principal
and interest. Three methods of financing were proposed; al1 three, to a
..reater or lesser extent. re.uired exchane- control ~ermission from the
Spniiiîh :~iithoriti~j: tlicic. tio\vc\.cr. refuscd pcrn~isiiorder. :is \ve
suggcst, tosill tlie :ittrmptsof Spanisli fiiianiicrs to take over the Spanish
niietsof the Uarcrloiin Tractiori siil>sidi;iriIt im!, task to outline the
origin ofttirPl,in. svh:rtir pro\,idcd, wliitrcquircd to bz piit irito effect
and how and \vh\. the Sp:<nisli<;o\.ernment pre\.entcd itconiing iiito
o'The principal-these are unfortunately figures which it is necessary to
mention as background information-on the Prior Lien bonds was
~2,684,000 and the interest outstanding on I June 1945 was almost
~1,600,ooo. The principal on the First Mortgage bonds amounted to
L~,jGo,ooo; the interest outstanding on I June 1945 was a little over
~400,ooo.In addition, the Westminster Bank, as trustee for the peseta
bondholders, held First Mortgage bonds to the amount of ~2,640,000as
collateral security. But. as the Court knows, interest on the peseta bonds
had been paid for the war years and there was, therefore, no interest due
on the FirstMortgage bonds held by the Westminster Bank. The Plan of74 BARCELONA TRACTION

The Plan requiredBarcelona Tractipn to-have at its disposal some
~3,500,000.The explanatory circular pointed out, and quite rightly, that
the successful completion of an exchange transaction of such magnitude
\vouldrequire the consent ofthe government authorities and the co-oper-
ation of banking institutions. This would be dependent upon conditions
at the date at which the necessary transfer of sterling had to be made.
The board of the company, so the circular stated, believed that if the
Plan was agreed at the meetings and received the sanction of the Supreme
Court of Ontario, the necessary sterling would be made available. This
\vas no mere empty statement. For in June 1945, the Spanish exchange
controlauthorities had written that they had no objection in principle to
the proposed scheme (A.C.M., Vol. VI, p. 264, Chap. II, Ann. 5,Doc. 2).
It will be necessary to return to the very significantcorrespondence with
the Spanishauthorities, but at this stageit is sufficient to point out that
on the basis of a written application made to them in June 1945 they
gave what one may describe as approval in principle.
Now the meetings convened bv the Court were held in London on
19 October 1945. There were two meetings. The first was that of the
holders of the Prior Lien bonds. At that meeting, 170bondholders. repre-
sentina--.-zo8.0.0 aaareaate in ~rinci~al amoust. voted in favour ofthe
resolution approving tGe Pla;; and ten bondholders, representing
1;15q,oooagg--gat- principal amount voted a~ainst the resolution. The
second meeting wns that of the holders of the 1i;;rstMortaaae..unds which
irc.rc lield in<ii<ilIblocks in nurncrr8iiscouiitrivi .Ar rli;tniceting, 5.l.l
I~unJlioldcrs.rcl>reieiitiiigf1!3.+,oounggrcg:ite l>riii:iy31timsunt \.nicd III
f:~\,ourof the rcsolutit)n .ind 6 bondlioldcrs rçprdsenting jro,ooo aggrc-
ptc principal amount \,utcil ngninsl it. Thus, botli ni~etings ;,p[~ruvcd
tlic schc.meby large majorities. It is \\,orth csplainiiig21 tliis stage that
IIIthe list of ttiusc bondliulilçrs wlio !.oted :icairist th,: rr.joltitioii f:..C.\I
Vol. II, p. 408. Chap. 1, Ann. 114. Doc. 5,xpp. 1) appears the Rame of
Fenchurch Nomiriees Ltd. This compaiiy, about which the Court will
hear more, in fact was Juan March's nominee and, as the bonds held by
it accounted for more than 90 per cent. of al1the votes cast against the
Plan at both meetings, we know approximately how much Juan March
held at that staae, and 1 would invite the Court to remember therefore
t113tin Octobcr-rgqj .\larch owiicd nhout frgo.ooo Prior I.icn bonds.
\\!hich\icre rhcii \\.orth :ihoiit par. niid li:ircllgaiiy First .\Lortg;igrboi~ils.
1 ;ils(>\i,:int to dr.i\i. :ittention to Iiiclil\iianiticant f:icttlint\lnr<:li.
throngh his nominees, voted against aschemë which would have pro-
vided him with a sum suhstantially in excess of any price at which he
could have acquired the Prior Lien bonds (A.C.M., II, p. 787; A.R., II,
p. 44x) andalsowithasubstantialpart in thesharecapitalof the company.
On 19December 1945.the results of the meetings having been reported
tothe Court, the Supreme Court of Ontario sanctioned the Plan of Com-
promise under the act which 1 have mentioned. But, Mr. President and
Members of the Court, on the previous day the Plan of Compromise had
suffered its first major setback. 011 18 December 1945 RIr.Suanzes, since
August 1945the Spanish Minister ofIndustry and Commerce, announced
(A.C.M., Vol. VI, p. 287)that exchange control permission would not be
forthcoming in respect of the first method proposed by Barcelona Trac-
tion for the implementation of the Plan. It is, therefore, now necessary
to consider the three methods by which Barcelona Traction proposed the ARGUMENT OF MR. MANN 75
Plan should be put into effect and the reactions of the Spanish authorities
to each of these three methods.

TheCourtadjourned/rom rr.zo am. to11.40 a.m.
MI. President and Members of the Court, before the adjournment 1was
about to reach the problem of the three methods of financing the Plan of
Compromise, a subject which is difficult, which 1 am unfortunately un-
able to avoid and wliich it will be my task to simplify and shorten as
much as 1possibly can.
(a) The first method was one by which Rarcelona Traction would be
provided with the ~3,500,ooo 1 mentioned, by a Spanish company-
mostly owned by Belgians and Swiss-and by a group of S anish banks.
the Spanish banks were to provide ~z.joo,ooo as well as the 64 miilionand
pesetas necessary to redeein the peseta bonds. The banks in turn were to
obtain a temporary loan of ~1,500,000from an English bank.
It would be necessary for the Spanish banks to obtain the consent of
the Spanish exchange control authorities to the purchase of the[~ milliori
to be made available to Barcelona Traction and to the purchase of the
Lr,joo,ooo to repay the temporary loan. Chade and the Spanish banks
would receive peseta bonds, to be issued by Ebro, to a total of367million
pesetas.
The wav in whicli this ooeration was to be carried out was that Ebro
would issie 367million pesetas worth of bonds to Barcelona Traction and
Rarcelona Traction would aare- to the cancellation of the General BIort-
gage Ebro sterling bonds.
On II June 1945 the Spanish banks wrote to the Institute (A.C.M.,
1'01.VI, Chap. II, Ann. 5, Iloc. No. 1,p. 261).This was in thenature of a
preliminary approacli. The letter pointed out that the "arrears of interest
and repayments due were not honoured. as the Institute knows, because
of obstacles to tlie trarisfer of foreign exchange", and outlined the posi-
tion ofthe bond capitalof Barcelona Traction and the proposals for the
redemption of the three series of bonds. It explained how the proposals
would be financed. At this stage t-e total sum was thought to b-
~3,700,000.
The banks pointed out how favourable the operation would be to the
payment of a much smaller sterling amount. would be wiped out by the
The banks ended by saying that they did not think it was possible to
go further and enter into undertakings, even conditionally, "unless the
unoficial and private negotiations take on an official aspect and are
backed by the express authorizations of bodies representing the Spanish
Srate. Among these, in the nature of the case. the Spanish Foreign
Exchange Institute takes first place."
Two weeks Iater, on 26 June, the Institute replied (A.C.M.,Vol. VI,
Chap. II, Ann. 5, Doc. No. 2, p. 263). It noted the contents of the letter
from the bank and concluded with the following statement of funda-
mental significance:
"\\le have tlic Iionour to inforni !ou tliattliiIristitute dues iiot
for tlie time beirig see any ob~c~~tiii principlc to tlic carryiiig out
of this operation. l'ou may tticrefoie piirsue thc relevant iiegotis-
rions, andi1.2IIOIItliiiin due course yoii \vilsuhmit the fin31plan
Io us so thnt \ve mny study it and tnke n decision."76 BARCELONA TRACTION

This preliminary approval, by implication accepted, we submit, the
reasons given for the failure to service the bonds. Moreover, when in
August 1945 Mr. Suanzes became Minister of Industry and Commerce
he verbally confirmed that he saw no objection to the financing of the
Plan (A.C.M., Vol. VI, Chap. II, Ann. 5, Doc. No. 10, p. 288; A.M.,
Vol. 1,Ann. 40, at p. 224; A.C.M.,Vol. VII, Chap. III, Ann. 9, at p. 81).
Barcelona Traction and the banks, relying on these intimations,
entered into certain conditional agreements in August and September
1945 (A.C.M.,Vol.VI, Chap. 1, Am. 115,pp. 441 ff.), and 1can only add
that banks of such high standing would not have done what they did had
they not believed in the faimess and feasibility of the Plan and in the
likelihood of the preliminary approval becoming final.
After the Plan of Compromise had been approved on 19 October 1945,
thosein charge of the execution of the Plan provided the Spanish Minis-
try of Industry and Commerce with information for the purpose of
obtaining a final consent. For example, a note dated 14 November 1945
(A.C.M.,Vol. VI, Chap. II, Ann. 5,Doc. No. 3, p. 265)gave details of the
current position of the Barcelona Traction bonds and of the financial
plans for the execution of the Plan ofCompromise. It mentioned thatthe
Plan had been amended just before the separate meetings of the bond-
holders by increasing from two to five the number of Barcelona Traction
shares which would be issued and would ultimately be received by the
holders of every nominal ;51oo.It pointed out that any profit from the
operatioil would accrue wholly and exclusively to the participating
Snanish institutions and to the S~anish State. which would levv the
appropriate taxes on the operation in general and in particular on any

~rofitthat migbt result fromit. It would also liberate the Spanish econ-
b~~ 2r--~- sübstantial sterline debt.
It is clear from these letters and the notessubmitted to the Ministry of
Industrv and Commerce bv five Spanish banks of unquestionable and
unquesdoned integrity thai the p&moters of the scheme were anxious
to give full and frank explanations to the Spanish authorities. At the
beginning of December 1945 Mr. Ventosa, the Vice-President of Chade.
had a meeting with Mr. Suanzes.
On 6 December 1945 (ibid.,Dac. 6, Vol. VI, p. 274) Mr. Ventosa sent
to Minister Suanzesa supplementary note concerning the operation which
the Minister had apparently requested at their meeting and which euvis-
aged the participation ofthe Institute. He also supplied him with balance
sheets of Ebro and Barcelona Traction. (These are to be found in the
appendices to Document 6.)
On 14 December (Doc. 7, p. 284) the Minister replied. He mentioned
that in the note he had received it was shown that there would be a
nominal sumlus. the difference between the contributions and the con-
sidcr.ition gi\.eii for tliiofover 137 million piietas. Tlir iiute had said
rliat fronlhi.surplui tliere Iiad to br dediirted stnmy durics. iosts of the
r>iil>lissue, State t:ixes :ind interist chnrcci. Tlir hlii~iitrr rcquirvd a
aetailed break-down of these items and of how the surplus wàs to be
divided.
On 17 December Mr. Ventosa wrote a full and detailed reply (ibid..
Doc. 6, Vol. VI, p. 285). He explained that the nominal surplus produced
would accrue entirely to the Spanish participating institutions. The
distribution could not accurately be fixed before the part played and the
contribution made by each party had been settled. He concluded by ARGUMENT OF MR. MANN 77
saying that it was essential to know before anything was done whether
the Spanish.Government thought the operation expedient from the point
of view of the Spanish economy and whether the lnstitute was prepared
to furnish the necessary sterling and if so, on what terms. He offered to
discuss these matters with the Minister, to ascertain the attitude of the
Government.
On the following day, however. no doubt after full consideration of
Mr. Ventosa's letter, the Minister refused his approval. This letter
(A.M. 38; A.C.M., Chapter II, Annex 5. Document g, Vol. VI, p. 287)
merits careful consideration. The Minister stated that he was in pos-
session of elements which he considered sufficient to form a com~lete
opinion uii tliiiiiattei. .\ccording tu him. he took :tshi; h.,,ii th? neccssity
for rcscrvirig tlir iiscof forrigri ciirrc2ii<:fyuriii<)jurgent 1)uq)ojr. iiiid
~ominitmeiits. He e.uurcsîc<ltlic vicw that the o~cr;itiori did iiot iustifv
the heavy sacrifice Ôn the Spanish foreign excaange resources ihat ct
entailed. He concluded:

"Already. in our last interview, 1 had occasion totell you of my
opinion on the non-recognition in principle of commitments which,
from the Spanishpoint of view, might derive from the issue of bonds
on the internationalmarket by a foreign company domiciled outside
Spain. 1also confirmed to you the view that, for thetotal or partial
recognition of such engagements-as also for any operation of that
character, such as a nationalization of these undertakings, affecting
their shares (which 1 should always be disposed to consider)-it
would be necessary to make a complete and detailed study of their
history and development,methods of capitalization, plant and other
factors of the same nature."
If this letter stood alone. that is to sav if there had been no ~revious
intimation ofappru\>aliind ifthrre \vasno sub,equent Iii,tor!.. !IO.or \.Cr!.
little, critii:ijin coiibe Ic\+llt:d :igsiriit it, frlitpriiiiipal paragrnph
makes it<.lcarthÿr Sooin iv;issa short ai farciaii ciirrcnci. tliat 1u,e hïd
to be reserved, as Î have quoted. for the kost urgént purposes and
commitments. And the somewhat imprecise remainder of the letter could
easilv be considered as unim~ortant and remote.
Y&. iitiic spc~ih,:circiini~i:,niesofttiiiparticiii:arc:i~i.,four cominents,
four thingi, sliiiiildbr iii>tcdnljout tliis lrtter u.liicli. of course. lias been
tr.insl:itc.d fror~itlic Snanish hut does not rcad. if 1 in:.vsd. si>.too \i.cll
in either English or French.
First, it is a complete and unexplained reversal of the approval in
principle which had been intimated in June and August.
Second, reference to the non-recognition in principle of commitments
from the issue of bonds on the international market by a foreigncompany
domiciled outside Spain clearly contemplates and can contemplate only
Barcelona Traction's sterlingbonds, for this was the only such company
that had issued bonds on the international market.
What is obscure is whv the recoenition or non-recoenition of Barcelona
Traction bonds was relevant at aï1or, if 1 may sayso, was a matter of
concern to Mr. Suanzes, seeing that he had to deal with the partial
discharge of Ebro's sterling debts to Barcelona Traction.
Third, the Court will notice the wholly general reference, again con-
nected with sterling bonds, to a complete and detailed study. ,This is a
phrase which willrecur and to which 1willhave to return. At this stage it78 BARCELONA TRACTION
will suffice tu eiiipli;isiz~ thl. nLscnce ni!).requt-st for spcciii~ iiifor-
maiioii. the al>senceof ail\ qucstioii put tu tlic nppliiaiits or of an!,
indicatioii oftliLp;irtirul.ir prcp;tratur!. irtliitniiglit usçfiill!Iic dunc
by them.
Fourth, it is the first time that the Spanish authorities officially show
their interest in a possible nationalization of the undertakings. By
nationalization ismeant, here as elsewhere, not so much measures vesting
the undertakings in the Spanish State, but what has been called his-
panicization. namely ensuring that that theyare owned and operated by
Spanish nationals to the exclusion of foreign interests.
However. be that as it may. As 1havementioned, on the followingday.
19 December. the Plan of Compromise was approved by the Supreme
Court of Ontario (App. 1to Doc. IO in A.C.M.,Chap. 1, Ann. 114. Vol. II,
p. 419). and-if 1 might just give the Court a survey of the subsequent
development-foreseeing that there might be delays in implementation
of the Plan, the board of directors of Barcelona Traction resolved to
extend the time-limits, under clause 9 of the Plan. first to 28 February
1946, then to 30 April 1946, then to 31 October 1946, and finally to
14 December 1946. in each case with the approval of the trustee as
required (A.Rej., Vol. II, pp. 367 et seq.).
Now that, 1 believe, is al1that 1 need Say about the first method of
financing the Plan.
(b) The secondmethod of implementing the Planof Compromisewas a
variation of the first, and 1 am happy to Say that 1 will not have to
trouble the Court with a detailed recital. Again. Ebro's existing sterling
debts were to he cancelled and to be replaced by a bond issue in terms of
pesetas. The amount of ~3.500,ooowas to be advanced as to L3million
by Chade and as to L5oo.oooonly bythe Institute, but the details of the
scheme are, perhaps, unnecessarilycomplicated and need not trouble you
because it was again rejected by the Spanish Government. We cannot,
and we do not, suggest that such rejection. standing on its own. was
unreasonable, but in the light of subsequent events it is the reason given
forThe second method was put tothe Spanish authorities in June 1946,

Ebro to the Minister of Industry andcommerce (A.C.M.,Chap. II, Ann. 5,and
Doc. No. 12, Vol. VI. p. 291)T .he iiule went into considerable detail as
to the origin of the Ebro and Barcelona Traction bonds, and explained
why the Plan of Compromise had been accepted by the bondholders. It
made clear thatthe bondholders' sacrifice did not accrue to the henefit of
Barcelona Traction, because the bonds issued by Ebro to Barcelona
Traction would be cancelled. so that the Spanish economy would be
relieved of a foreign debt of nearly L7million, the sterling debt owed by
Ebro to Barcelona Traction.
The applicants were never given any full explanation of the rejection.
but there is now availahle the report dated 3 July 1946 which the
Institute made to the Minister for Industry and Commerce (A.C.M..
Chap. II, Ann. 5, Doc. No. 13. Vol. VI, p. 295). The apparent objection
was that foreign exchange could not be spared for such an operation.This
1s a point that. let me make it absolutely clear. is entirely free from
criticism. What is interesting is the suggestion that the sacrifice of
currency would be justifiable in order to carry out the nationalization of
husinesses. What is also interesting is the total absence of any suggestion ARGUMENT OF MR. MANN
79
of (1) lackuf iiifuriiwtioii(2)thc nccessit)' for a detailed study: (3) any
oI>jectionto th;rt p:irt of tlie silieme which iiivolvcd thc rctleniption of
19~rceloiial'r;ic~iori'speseta boridsout of Ebro's resourcci; (4)the default
heiiig due to nny iircuriistaiiccs otlier than the sliort:ige of cxcliarijir.
\loreuvc.r. as II~\..iIrca~l\~~didt,he rcoon rçiects rli..oniicahilitv of the
r\nglo-Spnnisli paymcnt.. agr,:einciit toihe ca;e tlieri untlcr consideration.
(c) 111tliese circumstances, \Ir. Prcsident aiid Ycmbers ol théCoiirt;r
third mctliutl \vasdcviscd wliiih \%.sadic:ill\, diffcrent in ritreariircd
no sacrifice by Spain in terms of foreign eGchange and it invol/ed no
recognition of the issue of bonds on the internationalmarket hy a foreign
company domiciled outside Spain (A.C.M., VI. pp. 287 and 300). May 1
just indicate the nature of the Plan.
outside Spain. L750.000would be supplied by Sidro. a Belgian companyy
well kriown to this Court, which of course is the princial shareholder of
BarceIona Traction; £1 million would come from Sofina, another Belgian
company and, as this Court knows or will hear, the principal shareholder
of Sidro; and the remaining ~1,750,ooowas to come from La Sovalles, a
Panamanian company in the Chade group. In return. those companies
would accept from Barcelona Traction ~6.joo.000 of Ebro General
Mortgage bonds which, of course, Barcelona Traction possessed. At the
same time however, the interest on these bonds would be reduced from
6'/ppercent. to 5 rcent and the 64 million pesetas required to redeem
the Barcelona ?peaction.peseta bonds would be supplied entirely by
Ebro out of its Spanish funds of which. as 1 said before. it had plenty.
lt is ~lai.lv..uuarent that this method involves no transfer of anv kind
of forrign t:xt:li;iiigcresourcei fruiii Spniii. The nc\v niçtliiiil \vtos i>ut
~heSpaiii.il.~iithoriiici. \vith îtjmc irrclcvant v;rriatioiis, I0itul)crcn
and ljecember 1946,to cover the one and only respect which required the
Spanish Government's consent. On 28 September 1946 (A.C.M..Chap. II,
authorization for the payment of the 64million pesetas to a Spanishhankt
for the redcmption of the Barcelona Traction peseta bonds. Authorization
was reqnested for payment to be made in exactly the same way as in the
case of the interest payments which had been. as the Court knows,
authorized for years; that is, i~zteraliah,y dehiting the amount of the
payment to the provisional peseta account ofInternational Utilities. And
1 ma . for the sake of precaution, perhaps be allowed just to recall that
al1 OYthe requests made after 1940 in connection with this interest had
been authorized, usuaiiy with the condition that it should be dehited to
the provisional peseta account.
In October 1946hIr. Ventosa had a further mecting with the hlinister,
hlr. Suanzes; on zr October Mr. Ventosa sent the Minister a note on the
conversion of the Barcelona Traction bonds, pointing out that it did not
affect the Spmish State or the Spanish Foreign Exchange Institute. At
this stage the Plan was that those companies which contributed the
L3,j00.000 and received Ebro bonds in exchange would, in turn, offerthe
Ebro bonds for sale to Barcelona Traction's shareholders.
limit at the end of which the Plan of Compromise was expected to la se
was 31 Octoher. This had been pointed out to the Minister. forhe saifin
hisletter (ibid.,Doc. 18,Vol.V1, p. 308)that the gentleman who had been
to see him "seemed to he very concerned by the question of legal time-80 BARCELONA TRACTION
limits". But as the Court has just heard, the time-limit was extended
finallv to 14 December.
In ilie result.tlicInstitutç wrotc to 13broon 30 Octoher 1946 (ibid..
Dot. 2s. \'ol. \'1. p. 322)réfus~ngpcrmissioi~to debit the pesetas needr.cl
to rédecmthe liarcelona 'l'ra~.tionbonds to thc nrovisional oeset:~nccount
of International Utilities, and on the very sake day, 30'~ctober 1946.
hlr. Suanzes wrote to MI. Ventosa refusing permission for the redemption
of those bonds (ibid., Doc. 29, Vol. VI. p. 323). Nonetheless. Barcelona
Traction and Ebro continued what appeared to be a hopeless struggle.
There followed on 5 November 1946 a further letter from nlr. Ventosa to
the Minister (abid.,Doc. 30, Vol. VI. p. 324). a meeting between nlr. Spé-
ciael and the hfinister on 26 November 1946. a most detailed and infor-
mative letter of 7 December 1946 (ibid.. Ann. 6. Docs. I and 2. Vol. VI,
pp. 327,328) and an equally comprehensive letter of the same date to the
Institute (ibid., Doc. 3, Vol. VI, p. 334). Yet both the Minister and the
Institute confirmed their earlier decisions by letters of the same date,
namely 14 December 1946,the date-as the Court perhaps willremember
-on which the time-limit for the Plan expired (ibid., Docs. 4 and 5.
Vol. VI. pp. 337. 338).
This, then, Mr. President and Members of the Court. is the end of such
part of thedrama as isnow under consideration. Had the Minister and the
Institute refrained from giving any reason for their decisions. were noth-
ina known about the cirEumsianCesin which thev were arrived at. had
th:ir background bcen obscure, th,: Brlgiaii ~ovL.rAnieiit\rould not fiiidit
casy to submit to tliiiCourt th31 tlic ~CCISIO~S of 30 Octoher ~iid 1.1
1)ecembtr 1016roii.ititutc unc of the must strikintr instances of rnisusc of
po\r,erand d'isrriniiiiatinn tli:;IIIirittrri:itivii.il t;ibiin;Ll \vas cver c:illed
upon to coniider. I:ortunatcl\~. such bizarre reasoni \\.CILyi\.cn for thcse
decisions, so much is known-about them. so much is confirmed bv sub-
sequent events. that that submission can be made with the full confidence
of establishing it tothe hilt.
MI. President, 1 have now reached the kernel of the case 1 am sub-
mitting to this Court and 1invite you, with great humility, to approach
it with an open. yet critical, mind ready to distinguish between facts and
appearances. betweeu true reasons and ~retexts. between realitv and
fiiiion. Moreparticularly 1invite you to aicePt seven propositions khich
summarize the main headings of-the ar~umen. 1shall venture to submit
to the Court.
First. the third method of financing the Plan of Compromise was
leave them intact and to justify its rejection by the Governmenttentonly on
very cogent and very special grounds.
Second. the third method was so closely in line with what had been
established practice since 1931 and. in particular. since 1940, that the
sudden refusal in December 1946 constituted a complete and unforeseen
and, 1venture to suggest. unforeseeable volte-face.
Third, in fact the reasons then expressed or later advanced for the
refusa1 are so tenuous as to lack any substance at all: 1 am bound to
suggest tothe Court that they were, and remain,no more than words. no
more than sham.
Fourth, the refusal wai accompanied and, indeed, motivated by a
purely political outburst against Belgium, which proves, we suggest. the 82 BARCELONA TRACTION

Mr. President. mav 1 ask another rhetorical auestion. 1s it not in the
highest degree remapkable that the redemptionSof Barcelona Traction's
peseta bonds by Ebro, which was a feature and indeed a condition of the
iwo preceding bersions discussed between the summer of 1945 and July
1946, was not then objected to by the Spanish authorities?
(2) The strength of the Belgian case, however, goes far beyond the
point implied in the question 1have just asked for, and this brings me to
my second proposition, the practice according to which Ebro would pay
the pesetas required for servicing Barcelona Traction's peseta bonds had
urevailed. as 1have said more than once. ever since the exchanee contr.,
;va> iiitrt,diiir.iii 1931. Ir \\.ai admitredl!., Ict nie onct- niorc repent ir,
ilightlv vliried in 1y4u \i.licit \\.as ordercd tliat Intt~rnationnl I'tilitics
slioiilclbc debited oii ucieta r;itlicrtli;iioii doll;~r;ii:iotiiit. I5tlii5ijan
immntcri:~Ipoint Iiccauje at no tinie clid itgivt-.ii;ttu ,II!iisii,.. llorco\.t.r,
iiiOctobcr 2nd L)eceiiiher 1946 it\ras,aypdrrrit ttiat tlitqucstion \vliicli
sccutiiit \vas to hr dchitcd \va- of no ,ignificnnci. 31 ;il1 1\.('.\1., 1.1,30.3,
328If, in.these circumstances, and in the absence of explanation, an
application of so innocuous a character is rejected, the Spanish Govern-
ment, wesubmit, makes sosudden and complete a breakulth the past and
acts so inconsistently with practice and precedent that its action supports
the general Belgian complaint of a violation of those minimum standards
of fairness and justice which international law impose.
(3) 1turn now to my third proposition. It is thatthe reasons expressed
for the refusa1 of exchange control permission for the third method of
financing the Plan reveal the arbitrary character of those refusals.
1 have already shown how the third method involved no sacrifice of
foreign exchange by Spain and that the permission sought from the
Institute was of a nature similar to many permissions sought after 1940
and, indeed, until1948. There is a very clear distinction between the first
two.methods and the third. Permission for the first two methods was
refused on the ground that foreign exchange could not be spared. There
was also, the Court wiil recall (see above pp. 80 ff.),some vague talk
about "non-recognition in principle of commitments . .. from the issue of
bonds on the internationalmarket by a foreign Company domiciled out-
side Spain" (A.C.M., Vol.VI, p. 287-letter of 18 December 1g45),but, as
1 have shown. the "comulete and detailed studv of ... historv and
dr.\~cloyment,methods of >apit.iliï:itiuii. pltint ,inci otlivr f.iitors of tlie
xiinc naturc" usai nit:ntioiicd IIIrriçrriici: tu rr.cogiiitiuii of Ijarcelonn
Tractioii'i ittrlin~ I>onds. I need harJIv uoint out that the tliird mctlio<l.
even less than th: preceding two. diddn6t involve any such recognition:
The first two methods of financing the Plan did require Spain to
sacrifice foreign exchange. They also involved the redemption of the
peseta bonds (see A.C.M., Vol. VI. pp. 266, 295), but as the promoters
pointed out tothe Institute "This redemption neither implies nor requires
foreign currency" (A.C.M.,Vol. VI. p. 295).
How, then. did the Spanish exchange control justify the refusa1of the
third method? The reasons make it clear that they could not, we suggest,
think of a really effective answer. The four letters of 30 October and
14 December 1946 al1Say, in different terms, the same thing. (A.C.M.,
Vol. VI, pp. 322,323,337,338.) Thus, theInstitutestated, on30 October:
"This Institute confirms its view that there is no objection to the ARGUMENT OF MR. MANN 83

provision of the pesetas necessary to pay the successive coupons on
as it does the'necessary information and expianations inthe'mattekine
what it cannot authorize is the provision by means of a debit to that
~rovisional account of the ~eseias neededior the redem~tion of the
ahove-mentioned securitie;, xvhichwere issued in Spain by a foreign
companv, becnuse of reservations which have already heen referred
to."-(Ib;d., p. 322.)

It is quite apparent from this letter that the Institute, in attempting
to separate the question of interest payments from the question of
redemption, is drawing a distinction without a difference. However this
may be, the alinister himself, on the same 30 October 1946,said: "We
are at presentnot suficiently informed about[the formation and develop-
ment of the companies in question and of their methods of capitalization,
their plant and othermatters of this kind] to be able to settle with a full
knowledge of the facts a serious question which may directly or indirectly
that the Minister's statement is an echo of what he had said in Decemberice
1945in relation to the recognition of Barcelona Traction's sterling bonds
which, I cannot emphasizetoo much, wasnot in issue either in December
1945 or in October or December 1946.
Extremely detailed information was given to the hlinister hy the pro-
moters of the Plan between October and December. In his letter of
j November 1946(A.C.M.,Vol. VI, p. 324). Mr. Ventosa commented on
the grounds for the refusal of October 1946,and mentioned that at the
meeting on zj October he had been asked to send a note on the effects
on Barcelona Traction's and Ebro's accounts should the operation go
through; this note had been sent on 26October. Rlr.Ventosa gave details
in his letter of 5 November of Chade's links with Sovalles. Sofina and
Sidro. On 7 December 1946 (A.C.M., Vol. VI. p. 328) the president of
BarcelonaTraction, followinghis meetings with the Ministerof 26Novem-
ber and 6 December, gave a great deal of additional information. The
letter of 7 December 1946from Mr. Spéciaelexplains that thedata con-
tained in it were largely compiled during one week in Harcelona. The
conclusions which this letter draws can be summarized very shortly:
Ebro had never repaid any capital to Barcelona Traction; Ebro had never
borrowed in Spain apart from the 64 million pesetas advanced to it by
Barcelona Traction; Barcelona Traction had invested the total produce
of the issue of its bonds and shares in Spain, some L22 million; Ebro's
debt to Barcelona Traction and International Utilities had continualiy
sums on interest. The letter concluded hv askine for ~ermission from the
SpanishGovernment to Ehro to pay to ~arceioG ~riction the sum of 64
million pesetas, either on General Mortaaee bonds account or on Inter-
nationai Utilities' peseta account. - -
The Spanish Government does not hesitate to cal1the statements con-
tained in Mr. Spéciael'sletter of 7 December 1946 "categoriques" and
"contradictoires" (Rejoinder, VII, p. 800). It does not hesitate to allege
that the letter could not fail to arouse suspicion. But wliat evidence is
there that itdid? 1submit to the Court that an objective reader will con-
sider MI. Spbciael'sletter fair, informative, precise and to the point. How
did the Alinisterreply toit? Both the Minister and the Institute gave,on84 BARCELONA TRACTION

14 Uecember 1946,the same answer in almost the same general terms as
on 18 December 1945 (A.C.M., VI, 337-338). At no time did either the
Ministeror the Institutedefine and specify theinformation which alleg-
edly was required. 1s such definition and specification not the minimum
that would have been provided by him had it been possible andhad there
been a reasonable and genuine intention to consider the matter on its
merits? The bare statement that undefined information has not been
fiivciiï.~iiii~~\riîiibniit, hccùiiii<lt:rc::is.Xi.iti~ii.:inilolijc~ti\.~.groiinJ
fur a ~l<~iiioii II\.:IIIiutliorit\ \vliiililias nor irqiie~tcd :II. .i~>~.cific
authority at all.
If Yack ofinformation" or the need for "a detailed study" was the true
reason for the opposition of the Spanish authorities, it is remarkable tliat
there is not the slightest trace of such a reason in the report of the Insti-
tute concerning the second method (A.C.M., Vol. VI, p. 298-3 July
1946). \Vhy did not the Spanish Government formulate the precise points
which needed clarification? If. for vears. the available information was
sufficient to permit interest paymeits, why was it suddenly insufficient,
for purposes of redemption? Indeed, to this very day, the Spanish Gov-
ernment has failed to give any such indication. It can be confidently
asserted that if any information had been lacking, the Institute could
hardly have failed to draw attention specifically to the explanations it
required.
But Belgium is in a position to submit that whatever the expressed
reasons were they were so lacking in substance as to prove the arbitrary
character of the refusal. For the Spanish Government has disclosed an
interna1 report of 21 October 1946 by an unknown government depart-
ment to the Minister of Industryand Commerce and a report of 24 Octo-
ber 1946bythe Institute to the same Minister (A.C.M.,VI, 310,311). and
1 must quote from these documents which perhaps will be used by the
Spanish Government before this Court to explain the background to the
refusais. The former document, that of 21 October 1946, refers to the
third version of the Plan in the following terms:

"This proposal appears at first sight to raise problems which in
some way lie outside the competence of the Government, since it is a
conversion of transferable securities issued in sterling without any
spparent arrangement; 1~1ththe Sp;iiii.;li~;~\.~riiiii,.iiifor tlicir srr-
vicing. This is nul '11nllthe case. \Ve \.iz\v tliiprt,pos31ai c\.,-nmore
disad\~aiitageoii.; tli.iitlic'ur.ginal onc. fur iIicil. rt,xsuiiî:
la) we should be. so to s~eak. officiallv acce~tine the conditions
und& which the ~arcelona ~r'ction (includi4 ~6ro) bonds were
originally issued, that being an essential point. Beforeaccepting the
ri-ht of the bondholders tohave their dicidends transferred initer-
liii#.it:ippi.irs 1iecesi;iryto cu:iniine tlie details of tlie issiie. tlie coii-
ditioni iii\vliiclittuok place oii th? 1.uiidonin.irket. tlie :i<tii:icoii-
tribution it represented-to the national economv. etc.:
(LI tlir Go\,;rnnit.nt \r~ouldbç iuiint~nancing,~\vitl&t sny sort uf
bciietit IO the Spaiiish ecorioiii!.. a strcngthcning of thc yu:iti,iii of
foreieners iiiUlrciloiia 'lrai:r;oii. since th,, ioiiv~r~iuii iiivolvrî a
distsbution among the foreign sterling bondholders of zIz.391 new
shares;
(c) the service of the bonds issued in that currency would be made
in pesetas; leaving aside what foundation there may be for the pro- ARGUMENT OF MR. MANN 85

hihition imposed by the Trustees upon paying the dividends of the
peseta bonds until the dividends of the sterling bonds have been
naid. it is clear that this mav ais0 suark offreauests for the transfer
Offorcigii ciirrency undcr thc ~ii~lo-Sy:inisli Payments Agreement.
3. In suin, \sehave the impression thnt tliosc wliohave suggested
this large-scale financial opefation have gone very far in thel<nego-
tiations in London and Toronto andare desirous at al1costs of being
able to carry out the Plan of Compromise for the conversion of Bar-
celona Traction bonds. And, of course, the financing can be done
entirely by CHADE, since Sovalles Inc., Sofina and Sidro are sister
companies." (A.C.M.,Vol. VI,p. 310. Chap. II, Ann. 5,Doc. No. 20.)
1 am afraid 1 must also quote from the second document which is
equally an intemal document throwing light on the background. It reads
as follows:

"It is the ouinion ofthis Institute that these ~ronosals are unac-
ccprable. sins: essentially they coiisist in withd;a\&iig froin atrroad
the Prior 1.iciiand 1:irsr Jlortgagc bonds aiid conrerting thern into
iiew borids which add arrcais of iiitcrc,t to tlie nriniioal. theretrv
gaining interest on the already existiug~-rincipal and on ihese arrears
of interest.
In addition, the issue circulating in Spain would be withdrawn,
the funds obtained being placed in a provisional account out of
which the interest on this issue would be paid. without previous
decision as tothe legality of a dollar account, which would have to
be used as a counterpart, which account has not been authorized by
the Spanish Foreign Exchange Institute.
Naturally, the proposa1 now put fonvard is, in our opinion, even
less advantageous than the earlier proposals." (A.C.M., Vol. VI,
.. -12, Chan. II, Ann. -.Doc. No. 21.)
It is iiot surprising perhaps tliat at the time noiic of thesc observations
wcre coii\.cycd to the Apylicants. for the? would have Iiad no diiliculty
whatsoever in refuting every single point.
The first was that the Spanishauthorities would. by eving thi autho-
rization, be accepting officiallythe conditions under which the Barcelona
Traction bonds were originally issued. What concern, it may be asked.
did the Spanish authorities have with that question? The "right of the
bondholders to have their dividends transferredin sterling" did not con-
Cern the Spanish authorities in any way at all, since payment to the
sterling bondholders was to take place entirely outside Spain with the
use of resources having their origin outside Spain and. as regards the
obscure reference to Ebro. 1 need hardly point out that if this contem-
plated the issue of bonds by Ebro this had been the subject of investiga-
tion on more than one earlier occasion.
The second reason exuressed was that the S~anish authorities would
he countenancinl; a strengtheriin7 of the pojiti;n of foreigners in Uarce-
lona Traction. Rut again. it isdikcult to sec wliy tliis should be n matter
of rele\.ance irithe contcxt. B:iri<.lonaTraction !vas eiitirely oirned by
non-nationais of Spain. and the sterling bondholders. most uf ufhomwere,
in rgq6. nlso non-iiationals of Spain, werc to recc.i\t sliaresiiiBarcelona
Tr:~ctioiiunder the Plan of Compromise. Thereforc itis obvious that the
P1:inof Compromise iiivol\,rd iicither a strength.:iiing nor n we:ikzning of
rlie position of fortiigriersin H;ircc~lo~aractiuii.86 BARCELONATRACTION

Thirdly. it seems to have been alleged that acceptance by the Spanish
authorities of this third method might spark offrequests forthe transfer
of foreign currency under the Anglo-Spanish Payments Agreement. This
third reason is even more untenable than the first two; for. in the report
by exactly the same body to exactly the same Minister of 3 July 1946. it
is said:
"Tlie transfer alnoad of the yield froni tlic esploit:itioii of business
and industries in Spain by forçigncompanit-S. islicre tlic iaie, only
takei [)laccat prejent under otficial agrccmcnts with the respecti\.e
countriej; nu sucli :igrcement çsisti\vit1C;,nndn. of \rliicli Ebro is a
iiatiunal;iii<[lie oper;iting coinp;iny in Spaiii; its fiii;~iicialIrrnnge-
ments with i3T.L.P. arc no coniern of ours. 1rlC.11.. \'#JI.\'l,
p. 300. Chap. II. Ann. 5,Doc. No. 13.)
As 1 hope 1have shown. the Anglo-Spanish Payments Agreement did
not a ply to Ebro, because it did not owe money to persons resident in
the dited Kingdom.
Lastly, iri the report of 24 October 1946 (A.C.M., Vol.VI. p. 311) the
Institute confirmed its view that the current proposal was even less
advantageous than the earlierones andsuggested thelegality of theInter-
national Utilities dollar account was in question. This was plainly not so.
In December 1946 no permission was sought to debit tbis account, but
even in October 1946the proposal for the redemption of the peseta bonds
was exactly the same as the earlier requests for the payment of interest
on them. The amount of the interest on peseta bonds was between 1940
and 1948 debited to a provisional peseta account ofInternational Utili-
ties. It was this account which was to be debited with the amount
required to redeem the bonds.
There was. Mr. President. however, one specific point which, as the
letters of refusal show, was never taken bv the AIinister or the Institute
in rejecting the applications. It was. in fa&, a false point. It was a point
which had no bearin~ upon the third method of financinn the Plan of
Compromise, nor wasitto have any bearing upon the faëilities to pay
the interest on them between 1945and 1948. It was a point which could,
and did, have relevance only to the question of transferring foreign
exchange for. the servicing of the interest on Barcelona Traction's
sterling bonds in the event of the failure of the Plan of Compromise-a
completely distinct matter which 1would invite the Court not to confuse
with approval or rejection of the Plan of Compromise. That point was
formulated in the Note annexed to the hlinister's speech of12 Uecember
1946 (A.M., Vol. 1, Ann. 40. p. 228), where it is said to be relevant to
know "the amount of foreign exchange successively withdrawn from. or
contributed to, our economy", so that one could "then draw up abalance
sheet". The Minister continued that thishad been "explained in detail to
the representative of Chade a year ago in our letter of 18December 1945,
and subsequently repeated" once more. The Minister's statemeut, Mr.
President, 1 am sorry to Say. was plainly incorrect, as any reader of the
letter of 18December 1945and ofsubsequentletters willreadily acknowl-
cember 1946 but well after the first refusal of 30 October 1946. the idea-
of a "balance sheet". of a comparison between investments and with-
drawals. or. in other words, the question whether in the aggregate Bar-
celona Traction had invested more in Spain than it had taken out of ARGUMENT OF hlR.MANN 87

S~ain. or vice versa. It will be necessarv to reveri to this oint. but here
1 bnl!.anticipate the conclusion: the amount in Spain wash r951 prn\.t.d
to cxc<.rdtliat taken out of Spain by not Iess 11i:inLzo million oii book
value aloiic In tlic naturc of tliinitshoiild a1wni.shnvc becn obi.ious
that the point must have been ill-founded, but to thisfrom records
going back almost 40 years was a difficult matter and required time. 1
would only add this: although, as 1have said, the letter of 14December
repeats the formula of the letter of 18December 1945t, hat formula had
a little more content in the light of an observation by the Minister about
investments and withdrawals which he had made just before, in partic-
ular on 12 December 1946 in his speech. He referred ta a long investiga-
tion which his officiaiswould make and which might take months. But
nothing in the letter could possibly have justified the belief that if snch
an enquiry were made, the refusal of 30 October would be revoked. Had
the hlinister not even refrained from "going any further into an analysis"
(A.C.I\I.,Vol. VI. p. 337) of the detailed material submitted by Mr.
Spéciael?

TheCourt rose at I p.m FOURTH PUBLIC HEARING (18 IV 69, IO a.m.)

Present: [See hearing of 17 IV 69.1

LE PRRSIDENT: Avant dedonner la parole àM.le professeur Mann,
je voudrais appeler l'attention des Parties surune question d'ordrematé-
riel. Il s'agit des référencesaux sources on aux faits citésque doivent
donner les Partiesdans le texte des plaidoiries ou dans toute communi-
cation adress6e à la Cour. 11est indispensable que ces référencessoient
à la fois exactes et complètes et la Cour saurait gré à Mill. les agents de
bien vouloir veiller à ce qu'il en soit effectivement ainsi de manière à
faciliter, danstoutela mesure possible, la tâchedes juges et du personnel
du Greffe. Au nom de la Cour, je les en remercie par avance.

MI. MANN: When the Court rose yesterday 1 was dealing with my
third proposition which is designed to suggest that the reasons operating
in the minds of the Spanish authorities in October and December 1946
were on the facts, not directed to the issue to be decided; that there was
no reasonable connection with those reasons and the problem.
It is at thisjuncture that 1 must deal finally and quite shortly with
two subsidiary points made by the SpanishGovernment. One can search
in vain in the contemoorarvdocuments ~o~ more than a hint of twomore
reccntly ad\.aiiced é<i.iiittsfui.rlic rrjection of rhr i.stii:iiig~ ct,a},-vl
plicaiioii. tmc is211;illcgcd îni.riiicby Ehro :aniltliotlier iiXIIrillcgcrl
incrihie I)vthr I,i>ndlioldt.r;.sicriii<.r. ",llt~vdlvinvol\iiitlitP1:ini,f
~om~rom~se.
The Spanish Government now complains that the Plan of Compro-
mise involved a sacrifice by Ebro. It now represents itself (Rej., VI,
pp. 160-163) as the protector of Ebro.This is an allegation which, 1sug-
gest, has been refuted in the Reply (A.R. II, 427). but let me Say that
first there is no trace whatever of any such concern in any of the con-
temporary documents.
There is no mention of such a reason in any of the three letters which
conveyed the refusals of exchange control consents in Decemher 1945,
October and December 1946.
Secondly, it was, we submit, no concern of the Spanish Government
whether there was or was not a sacrifice by Ebro. Ebro was a Canadian
company and al1 its shares belonged to Barcelona Traction, another
Canadian company.
Thirdly, and in any event, no such argument could possibly apply to
the thirdmethod offinancing the Plan. Under that method al1the finance
was to be provided by companies associated with Barcelona Traction.
They were Sidro, Sofina and Sovalles-a company in the Chade group,
Chade being a major shareholder in Sidro. If there was to be a loss on
Ebro, who was to suffer it? If therewas to be again to Ebro, who was to
benefit from it?
Next, the SpanishGovernment. as 1have indicated, suggests that the
Plan of Compromise involved a sacrifice by the bondholders (C.M., IV,
para. 257). Again this, we suggest, was not a matter whichcould possihly
concern the Spanish Government. But the real answer lies in the fact
that the bondholders themselves were well equipped to look after their ARGUMENT OF MR. MANN 89

own interests: in the fact that they themselves voted by so overwhelming
a majority in favourofthe Plan; in the fact that the amnunt they were to
receive under the Plan represented a fair value (A.R., Vol. II, p. 437); in
lawvers described as "the usual ~rocedure bv which unsatisfied bond-own
lioldcrs :ire fii\..cna11adeqii:SII~~C.in thc ccl;ity proportionnte to their
tiiiaii,.i:ilinter~.st" (Uliiuok, \'O].1, ioj,, aniliiithiscase tic knon
it\VJS Fi\%jli:<resfur (100: in thefsit t{;,r the ric ccfor the bonds offered
first by an associate of March in 1940 and lat& by his nominees in 1947
and 1948 fell far short of the amount offered under the Plan of Compro-
mise; and in the fact that the Plan of Compromisewas, on the insistence
of the National Trust as trustee, sanctioned by the Supreme Court of
-n..----.
How can the Spanish Government, which had not taken the point at
the time in rejecting the applications, now Say that it rejected the
methods of financing the Plan because of the prejudice it entailed to
bondholders?
To conclnde this oint. there is one areument which. one notices with
satisfaction, Spain kas not used to supp& therefusal'of 1~~61
In 1952 Ebro and certain of its officiais-not Barcelona Traction-
were &ed 66 million pesetas-at the officia1 rate a proximately
~I,~O?,OOO and at the commercial rate approximately fSoo,ooc-for
certain monetary offences (A.C.M.,Vol. VII, p. 31%)But, as Spain seems
to accept, the fact, had it been known in 1946,would not have had any
bearing upon the point to be decided by this Court.
During the war the larger part of a sum of approximately 33 million
pesetas was paid by Ebro to the British Secret Servicesin Spain to finance
purchases of wolfram, an operation which, at the time, was by no means
uncommon (A.Rej., Vol. II, p. 406; Blue Book, Vol.1.p. 107).At thecom-
mercial rate of exchange. about L367.000was repaid in England, largely
by the British Government (A.R., Vol. 1, p. 236). This, it appears, was
an offence under Spanish law. It attracted a penalty, but it could in no
case be a eround for the refusal ofconsent-nor would it be fair if it were
other\vise:nor was it, in fact, so used in the present case.
Exchan~e control consents, 1 submit, cannot be withheld as a matter
of ~unishment. or er-ntcd as a matter of reward. If this were not so.
rli& nroiildbt IWO pciiiiltics rnilicr tlian one. Sor. Ict me :idd, could the
p,:nnlty jiistiftlii:bankruptcy. i~r tlic [ncnaltyw;ij iinposcd upon I-l)ro
thc. iiion<-y'irom'~~ainand n&<i;cliiiglywds iiot prosecutid.di(\ not transfcr

tioii. \vliicli rclntes to tlie r)olitical note th31 cainr; to o\'ershadow the
objccii\.c assessrnent of fncis. Tliii asprct of tlie in;ittr.r has already hern
de;tlt ivith hy Professor 1Zolinand 1can bc cxtremely short, though 1clo
iiot \vishit to be ttiou~ht tliat the shortrieis of mv observations should
detract from the impo;tance which we attach to the point.
The Court will remember that 1946 was the year dnring which the
United Xations gave much attention to its and its Members' relations
with Spain. The details are conveniently summarized in the Year Book
of the United Nations 1946-1947 at pages 66-67, 126-130, and 345-348,
and it may be helpful to the Court if it re-reads at least that summary.
The Court will observe that on 9 December 1946 the First Committee
of the General Assembly adopted a Belgian proposal that the Security ARGUMENT OF MR. MANN 9I

Ann. 109, Doc. 8, p. 277). There follows a senes ofletters of 18December
1945, 3 July 1946 and October 1946 (A.C.M., Vol. V, pp. 287, 298 and
310). These are three letters to which reference has already been made
and which indicate that had nationalization heen involved in the Plan of
Compromise the exchange consent might or wouldhave heenforthcoming.
Next, 31 May 1947 (A.M., Vol. 1. Ann. 46, p. 242). This is a letter from
the blarquier-Maluquer correspondence which Professor Rolin has
already read and which 1 am not going ta repeat.
Then a letter of 16 Fehruary 1948 (A.M., Vol. 1, Ann. 46, p. 244),
another letter from Marauier to Maluauer'to which 1shall return a little
latMarch 1948 (Blue Book, Vol. 1, p. IOI), an affidavit of Mr. Duncan.
who reports about a meeting with Mr. Suanzes, who stated "the Govern-
ment would welcomethe conversion of Earcelona Traction into a Spanish-
controlled Spanish com any".
April to May 1948 ($Eue Book, Vol. 1, p. 5). a report of Juan March's
London Committee of bondholders about their visit to Spain where it is
stated that the Spanish authorities "do not conceal their desire that
the Ebro group should came under Spanish control, although Minister
Suanzes assured us with great emphasis that the rights of the Barcelona
Traction bondholderswould be respected and safeguarded", not share-
holders. .
20 February 19.51(A.C.M., Vol. VI, Chap. II, Ann. 8, Doc. 1, p. 366).
a letter from March tothe Institute recommendinghisproposals as heing
"in the national interest" because they would involve "immediate natio-
nalization".
II February 1952 (A.C.M.,Vol. VI, Chap. II, Ann. 8, Dac. 8. p. 37 )
a letter from Fecsa ta the Institute making the sarne recommenaa:
tion.
A letter of zo February 1952 (A.C.M.,Vol. VI, Chap. II, Ann. 8, Doc.
IO, p. 381), from March to the Institute:

"It is desirahle that you should be informed that, as 85% of the
debt of Barcelona Traction has already been acquired, the operation
that is now planned will complete the nationalization of al1 the
securities on the most favourable terms from the point of view of
the economy ofthis country."
And on the very next day, with remarkahle promptness, a letter from
the Institute to Mr. Suanzes in the same sense (A.C.M.,Vol. VI, Chap. II,
Ann. 8, Doc. II, p. 385).
1cannot, Mr. President and Members of the Court, conclude this part
of my proposition without mentioning in a slightly more detailed way
what is perhaps the most telling piece of evidence of the link between
Juan March and the Spanish Government. That is, a declaration which
Juan hlarch himself made before the Spanish Consul in Geneva either in
1946 or in 1948, it matters not, and which the Spanish Government has
produced (A.C.M., Vol. VI, Chap. II, Ann. 8, Doc. II,p. 382). A letter
dated 21 February 1952 from the Institute to the Minister of Commerce
and Industry quotes that declaration of 1946 or 1948 in the following
words:
"In the international group formed in London to acquire the secu-
rities of this Canadian Company, whose property and operations are
situated, as is well known, in Spain, 1[thisis Juan March]aminvolv-g2 BARCELONA TRACTION
ed throuah mv tradina oraanisations abroad. some of which have
beeii in cuistc;icc fur nior<thiii 30 !.t7;irs,fur3 minimum siiiii of
-~,ooo,ooo, rtprçseiitiiig tlie nominal !.nlur of6' Prior I.ien bond.;
:,iid tli512% Firît \lurtg4gc bonds of thiit coiiip:in!.. 'l'lieobjeit
of rhc. group in \vliicli 1aiii iiivi,lviiiacquiring th<,it.c.iiriti<if
R;ircclùiinTrnctioiiii,;istliSpanijh Govcr~iiiiciitii ;t\v;irc,to tarili-
tate the nationalization of elëctricitv undertakin-. ~resentlv owned
by fortigncrs.undernrr,tngrm~iitsii.lii~l\vill,;it rhe appropri:iL,:rimc,
bc subinittetl to the Spdnisli econoiiiic niid firianci11;iutlioritics for
approval. Consequentiy. my participation in the assets of the afore-
mentioned group is intended for the nationalization referred to, an
objective which doubtless merits the highest consideration by the
Spanish Government." (A.C.M., Vol.VI, Chap. II, Ann. S. Dac. II.
P. 385).
This is surely conclusive evidence of the design which, we say, was
common to the Spanish Government and March and was implemented
by the misuse of exchange control. It is, if 1 may respectfully Say so,
speaking on behalf of the Belgian Govemment, a tribute to the idea and
the ideals of the peaceful settlement of disputes that Spain has produced
a document which establishes in the most direct manner the case which
we are subrnitting. To the knowledge of Spain, Rlarch's objective, once
again affirmed vis-à-vis the Spanish Consul in Geneva and described as
worthy of the highest consideration of the Spanish Government, was to
facilitate the nationalization of Barcelona Traction, the implication
obviously being that the rest of the operation wasa matter for the Span-
ish Government itself rather than for March.
(6) 1 then turn to my sixth proposition, which is designed ta prove
that quite generally March could count on the political and moral support
of the Spanish Government and that, therefore, the suggestion of bene-
volent financial discrimination in his favour is strengthened by the law
of inherent probability.
May 1invite the Court, with respect, at this point, to stand back and
survey the extraordinary picture which this case must create in the mind
of any objective observer of the scene between 1945 and 1952.
Here was a Company which, according ta the Spanish case and as a
result of March's own manŒuvres, was bankrupt. Yet, March invested,
as 1have told the Court, something between £2 million and £3million
default since 1936and which could not possibly he paid off or serviced
without the concurrence of the Spanish Government and this approval,
in 1945and 1946h ,ad failed ta materialize. Moreover. when during the
same period an offer was made which would have provided the bond-
holders with highly satisfactory terms and a valuable share in theequity,
that is to Say the share capital, of the coinpany, March opposed it. In
December 1951 when Barcelona Traction's Spanish interests were about
to be destroyed, March makes a public offer for the remaining IO per
cent. of Prior Lien bonds at a price in excess of twice their par value
(Blue Book, Vol. 1,p. 70). Are these, if 1am allowed to ask the question,
the policies of a prudent and rational investor? Has anyone ever heard
of an investor who, with his left hand, procures the bankruptcy of the
debtor and, with his right hand. buys up the debtor's bonds with coupons
for ten unpaid years? No, 1 suggest that this policy is explicable only by ARGUMENTOF hlR. MANN 93

the fact that March whose friend, Alr. Suanzes, had become blinister in
:\ugujt rg.&î.kiiew tliat ttiiSp;irii:li Go\,rrnm<,iitin one \\.:ior ;iiiutlicr
iroul<lpl;>!'Uarcrluiin Tinction inro liis h~inds.
1 \vould ti~vc jiibmittcd thlit tliç infcrt:nc~s1 Jin :isliiiil:tli~.Cuiirt to
draw are so strong that no specific instances need be refërred to, but 1 .
propose, with your leave. to make my point good by giving a few telling
esamples.
Thus 1 would refer to the meriine which March had with Mr. Heine-
mann, who was a director 01both Siaro and Barcelona Traction in 1944.
The question was then asked, and still remains to be answered, how did
Marchexpect to obtain excliange control approval to carry out his expres-
sed intention of acquiring control over the undertakings of Barcelona
Traction? Jf'e suggest he knew ver? well that he would obtain it (1,
Belgian hlemorial, para. 61).
By December 1945 the National Trust Company itself had received
information to the effect that hlarch, "a wealthy Spaniard, has for some
time been ansious to acquire control of tlie Barcelona [Traction] prop-
erties. If he is in fact the o\vner of the bonds held by Fenchurch Xomi-
nees.. . this constitute[s] some explanation of the reason why he was
opposed to an offer which so many other large and knowledgeable bond-
holIn 1946 March's henchman, namely Carlos Montanes, a iormer em-
ployee of Ebro, who later very kindly would make a few First Mortgage
bonds available to the petitioners in the bankruptcy. and Buerguera.
who subsequently became a syndic in the bankruptcy, had advance
knowledge of the failure of the Plan of Compromise (A.C.M.. Vol. II,
p. 463; AR., Vol. II. p. 442; A.M., Vol. 1, p. 238).
In 1947, when negotiations ivith Barcelona Traction about a settle-
ment were proceedine. March himself said that he would not worry about
obtainiiig tiic <;overiÏtneiit'speiniiision tu rr:iriifcr thc srcrling ri&cecjar!.
fur ttie scrvicéof the bonds of the iiçwcuinp:iiiy (r\.ll.. Vol.1,p. 249)and
hc :ilau snid that tic :isted\vit11the surli>ortof the Spanisli (;overnment
(hlemorial, 1,para. 67). A A
In a similar vein, in 1948,March said to Heinemann that "he could not
conclude a deal concerning Barcelona Traction unless he were in a posi-
tion to inform the Spanish Minister of Industry and Commerce, Mr.
Suanzes, that he had acquired the controlling interest" (Ulz~eBook, Vol.
1, pp. 119-120).Also, in 1948,there was some revealing correspondence
between Mr. Marquier, an agent of March, and Maluquer, another agent
of March, and at the same time an employee ofEbro. This correspondence
culminated in a letter of 16Febrnary 1948from which 1 want to read one
short sentence:

"l'hc tiriic h;~ comc wlicii )ou c;in Iirlp iiifurtlicr turc.:iirtliéaim
\vliicli rq>reients cornmon grountl fin 111,:Sp:inish intcrests reprc-
sriited I>\.[tic Covcrnment niid for tlir iiitt:restj of the hondlioldr.rs
because ihis last action [namely the bankruptcy] is being undertaken
by common agreement in order to reach nationalization rapidly."
(A.M.,Vol. 1,Ann. 46. pp. 241 ff.)
There is another letter in that correspondence, Marquier to hlaluquer.
which isrevealinr. The Memorial of the Beleiau Government (Luara. 681
indicated the sucport which the Spanish ~Gvernment gave h.ia;h in,the
Chade affair and, in particular, how hlarch had foreknowledge of legisla-94 BARCELONA TRACTION

tion directed against that company, a company which had enjoyed more
than zo years of peaceful existence in Spain, but which had been joined
with Sidro and Barcelona Traction in the Minister's attack in December
1946. It would deflect the Court from its purpose, 1 am sure, if 1 were
even ta begin ta refute in detail the no less than 14pages which the Re-
joinder devotes to the Chade affair (VI,pp. 182-196). The Belgian Go-
vernment makes no complaint about it. It issirnplyrelevant becauseit is
a further piece of evidence of the link between the Spanish Government
and Marcb. Chade was a thorn in March's flesh because of the support it
had given and might in future give ta Barcelona Traction. The Spanish
Governmûnt changed Chade's status in Spain by a law on 17 July, pub-
lished on zz July 1947. which the Belgian Government believes was
passed on March's initiative, for before the law was signed, that is ta Say
on 16 July, Mr. Marquier announced it ta Mr. lllaluquer and added:
"These provisions will throw a complete spanner into the works of
Chade and they will thereafter no longer be able to he!p.. .[Ebro]
with Chade" (A.M., Vol. 1,p. 243).

In July 1948 Mr. Wilmers, a director of Barcelona Traction. partici-
pated in an interview with Mr. Suanzes, and discussed with him the
affairs of Barcelona Traction. During that interview the Minister stated
that "he regarded March as carrying the Spanish flag in the Barcelona
affair andthat he would refuse to allow him to piit it down" (Blue Book,
Vol. 1, p. 97). Or. finally, let Juan March himself speak in a cable of
8 January 1948 (A.C.M., Vol. II, p. 501):

"1 told M. Spéciaelin Janiiary last that he was wasting his time if he
' believed that my behaviour was persona1 and speculative when the
truth is that my attitude is exclusively a national and a Spanish one.
This is what 1 told M. Heinemann in Basle, emphasizing my duties
...the authorities today possess full knowledge of what is going on
and awakened nationalfeelings. ..Finally let me thank you for your
suggestions towards findinga solution to these problems and 1shall
bear in mind your good wishes towards the realization of which 1
shall contribute if they are in conformity with the interest of my
country, the only interests that justify my involvement in the pres-
ent conflict."

i7, ï'liis. \Ir. I'rrjidcnt. hriricj nIO iiitse\~ciitl;iiiiI.î>tprolioîitioii
\iliich i.un:criijrlivdis:rimin:itioiiire ;iit>i;i\ni pr.~ciiic(II!.tlic jp~ii-
ish xiitlior~tirsirif,~vuiirof Tii.i\l.irili .ilid ~rovid,:i tli.: tin;,l <:vidence
of the arbitrary exercise ocexchange contr8i powers by the Spanish
Govemment.
By way of introduction, let me Say that the Spanish Government has
failed to establish that March was resident only in Geneva and therefore
wholly exempt from Spanish exchange control outside Spain, and it has
failed to establish that none of his companies, such as his bank, Banca
March, were in any way involved or interested in the exchange trans-
actions under discussion in this Court.
Indeed, Majorca has been vividly described by the English historian.
Raymond Carr, in his book on Spain, as March's "fief". Moreover, he
undoubtedly had a sumptuous mansion in Madrid-the great majority ofy6 BARCELONA TRACTIOK
1s it not a reasonable inference that in substance March's funds in
England originated from his dealings with British representatives in
Spain during the war? 1sthere any evidence that Spain everinvestigated
whether there were so-called extractions of money from Spain, and
whether they were compatible with Spain's exchange control regula-
tions? If therehas not been an investigation, would it not also be obvions
that Spain looked benevolently upon its protegé's financialactivities in
contrast to its attitude towards Barcelona Traction and its group in
Spain?
In assessing the significance of the questions 1 have ventured to ask,
1would respectfully ask the Court to bear in mind that even if March Iiad
a second genuine residence in Geneva, and even if he disposed of con-
siderable fundsin hard currency, it is, aa matter of probability, difficult
to believe that between 1945and ryjr, when sterlingwas far from strong,
he transferred that hard currency to England to purchase the sterling
bonds ofa company which in hiseyes was bankrupt. In fact, it isadmitted
that he d'idnothing of the kind, but thathe bought the Barcelona Trac-
tion bonds "with sterlingavailable for investment and subject to United
KinIn ~yjr, March was given permission by the Spanish exchange control1).
authorities to do practically the same as had been refused to Barcelona
Traction and Ebro fiveyears before. He was allowed to pay off 64million
Barcelona Traction 6 percent. Peseta bonds (A.C.M., Vol. VI, p. 375).
He was allowed to do this without that detailed and exhaustive study of
the development, methods of capitalization, plant and similar matters
such as the Spanish Government had described as missingwhen it refused
consent to Barcelona Traction and Ebro to do this very thing in Uecem-
ber 1945and in October 1946(A.C.M.,Vol. VI, p. 337). It is thiscontrast
in treatment which illustrates how Spain discriminated in favour of her
protegé, acontrast in no way diminished by thefact that March procured
the pesetas by the sale of $2 million, the origin of which appeared to the
Institute open to douht, but which subsequently it treated as cleared up
(A C.M., Vol. VI, pp. 368, 370). apparently without inaking any investi-
gation of its own.
One of the objects of Juan March in paying off the peseta bonds was to
acquire the security for them held by the Westminster Bank, namely an
issue of ~2,640,000 First Mortgage bonds. When applying for exchange
control permission on 20 February 1951 (A.C.M.,Chap. XI, Ann. 8. Doc.
No. 1, Vol. VI, p. 366) March emphasized that the planned operations
involved the immediate-and again we have the same word-"nationa-
lization" of an important part of the bonded deht of a foreign company.
March knew well before permission was granted in August 1951 that it
would be forthcoming (A.C.M., Chap. II, Ann. S. Doc. No. 3, App. I.
Vol. VI, p. 372). The forma1 authorization by the Government (ibid.,
Doc. No. 5, Vol. VI, p. 375) gave permission for the peseta bonds to be
paid off, provided that the First Mortgage bonds, which March was
anxiousto acquire, were introduced into Spain. But as the Rejoinder of
the Belgian Government shows (V,p. 575) Juan March never introduced
the bonds into Spain and the Institute never took any action to rectify
the situation and so turned a blind eye to his failure to observe the con-
ditions under which the authorization had been granted. Thus. the
SpanishGovernment even failed to ensure cornpliance with its own con-
ditions. ARGUMEIVT OF MR. MANS 97

This, Alr. President. is no mere formality. for if the holder of the
~2,640,000 First Mortgage bonds should be able to recover against Bar-
celona Traction, it would be a debt due from Barcelona Traction; he
would not have to bnng the sterling into Spain where the bonds should
be but are not.
Finaily, the conditions of sale for the mock auction of the assets of
Barcelona Traction put forward by the syndics and confirmed by the
Spanish Court in November 1951 (A.M.. Ann. 201, Vol. IV, p. 767;
A.C.M., Chap. 3, Ann. 158, Doc. No. 1, Vol. VIIIp.351) will be treated
by my friend, Mr. Grégoire,but they gave rise to one point of exchange
way as to ensure that Juan March, and only he, could acquire the assets,
provided that one essential condition was fulfilled: that he would obtain
any governmental ermissions necessary to pay in sterling the principal
and interest of aliegedly about 15 per cent. of Barcelona Traction's
sterling bonds which were not then held by him. The conditions of sale
could not have heen framed in the way that they were if Juan 3larch
could not rely upon the necessary governmental permissions. These per-
missions he obtained. They entailed that Fecsa, the successfulbidder at
the mock auction. was required to deposit with the CouItmillion pesetas
and SI million. That deposit would have been entirely forfeit if Fecsa had
failed to obtain excliarige control authorization.
There can be no doubt that llarch would not have committed such a
sum if he had not known in advance that Fecsa would be allowed to
borrow the sum required to pay off the bondholders whicli, in the event,
was ~1,500,ooo. The Belgian Government notes with satisfaction that
the Spanish Government admits (Rejoinder, VI1,p. 806) that Fecsa knew
in advance that ~ermission would be forthcomine. The Court will note
that the ~panish Givernment does not explain what benefit to the Span-
ish economv the operation entailed. Less than two weeks after Fecsa's
application-inFeb;uary 1gjz for permission to borrow ~1,500,ooo from
instructions of the Alinister the Institute gave its permission (ibid., Vol.
VI, Docs. Nos. 12 and 13, pp. 387 ff.)having emphasized to him the
advantages involved in nationalization (ibid.. Vol. VI. Doc. No. II,
p. 382). Thus it was Minister Suanzes who had, in 1945. been unwilling
in principle to recognize the sterling debts of Barcelona Traction when an
application was made on its behalf,and it was the same Minister who was,
in 1952.recognizing tliose very same debts when the applicant wasMarch.
This, llr. President and Members of the Court, brings me to the end
of my fourth section. In the course of developing it 1 more than once
suggested to the Court that it should draw inferences from such facts as
are known to us. 1 do not apologize for doing so; on the contrary, 1
respectfully submit that Belgium is entitled to proceed as it did-my
authonty for this is derived {romwhat this Court itself said in Corfu
Channelcase and 1hope 1 have your permission for reading a short, but
very important, passage:

"On the other hand. the fact of this exclusive territorial control
exercised by a State kithin its frontiers has a bearing upon the
as todsuch ëvents. By reason of this excluçive coitrol, the otherte
State,the victim of a breach of international law. is often unable to98 BARCELONA TRACTION

furnish direct proof of facts giving rise to responsibility. Such a
State should be allowed a more liberal recourse to inferences of fact
and circumstantial evidence. This indirect evidence is admitted in
al1systems of law, and its use is recognized by international deci-
sions. It must be regarded as of special weight when it is based on a
series of facts linked together and leading logically to a single con-
clusion." (I.C.J. Reports 1949, p. 18.)

At this point 1might be expected to stop, for the Court is now in pos-
session of al1facts and arguments which we consider material. Yet the

story of the Spanish Government's involvement in the spoliation which'
Juan March achicved has a sequel which is not only remarkable in itself
but also throws light on the important events 1 have so far been dealing
with. This is in line, the Court may think, with the frequent expericnce
that subsequent conduct of a party contributes much to the proof of
earlier innocence or responsibilitg.
That sequel concerns the political activities between 1950 and 1952
and will, very shortly, be reviewed in my fifth and last section. It is
e~t~relv eermane to the issues in the ~resent case. and 1 shall deal with
ii iiii,l;.r';iu Iic;iiliiig>,iioiiicly: nriiliviuini;,tiuii of ttii:C'ui~iriiirt~oi~
Espcrrs :,ii,l its iiistruction;; scioiid, ri., ioiiipu:itii8iii#ftlic i'omniilrc~:
tltircl.11. iiitli~xloi work: fu~irrli,11srt.~mrt=;ritth, tl~rioint J~ci~ir.~tiui~
relat;ng to the reports; and sixth; the aitermath ofthe joint declaration.
The SpanishGovernment, Mr. President and Members of the Court, it
is true, âttempts to use these varions events as a shield in its own defence.
From this point of view 1have to emphasize three facts. First, the Com-
mittee, of which you will hear a little, was not a court: its report is not a
judgment and does not constitute res judicata. This was very clearly
recognized in the report of Messrs. Charles & Norman, to which 1 shall
turn: they stated that the Committee "was not and could not be consti-
tuted as a judicial authority" (A.R., Vol. 1, p. 231)-a paragraph which

deserves the Court's special attention. Nor does the report relieve the
Court of the duty to look at and investigate the truth. Indeed, today is
tlie first time that an independent tribunalhas looked at the whole of the
facts with the benefit of arguments by both Parties. Secondly, you will
not overlook, 1trust, that Belgium was excluded from the Committee of
Exuerts and has never acce~ted the totalitv of its findings. Hence, in
relation to Belgium, these fiidings are not nécessarilyrelevant or admis-
sible in evidence. Thirdly, 1 shall show that the Spanish Government's
present submissions relaiing to the Committee of Experts are not sup-
ported by a proper and careful analysis of the whole of the documentary
evidence.
On tlie other hand. the Belaian G..ernment relies on the events to
tiliizli niiiiiowgoing ro tiirii;xi:Ii\i.i,ril, ;is support fotlic III<-is\ilii:h
I I.:x\.t.\.ciiriir,d to J<-velopI~cfore rlii Cuiirr, ;I>:iiiiiiiuniti,ii siijt;iiiiiii:
11sart;ick, ;I,~\.irltrii,,of Si>.tiii'srt~iponsitiilit\~.Tlii,i> tli. r<ipccii~r
relevance of the matters no6 under di;scussion.'
I. 1therefore now turn first tothe Committee of Experts, its formation
and the instructions given to it.
In the Note of 26 September 1949 (A.M., Vol. IV, p. 983) which the
Spanish Government addressed to the Belgian Government, it was sug- ARGUMENT OF MR. MANX 99

gested for the first time that the refusals to permit transfer by Ebro in
the period after 1940, which resulted in Barcelona Traction's continuing
default in the service of its sterling bonds, were due to lack of proof that
exchange was required for repayment of capital genuinely brought into
Spain and for payment of interest on such capital. This was not only a
fresh turn of events, but also at variance with what one might almost
cal1observable facts.
Confronted with this develooment. and in the full confidence that the
suggestion was unfounded, the Relgian and Canadian Governments
aareed, in the course of the succeeding m.nths, to prop-.e to the Spanish
Government-

"the setting-up of an independent Committee composed of Spanish,
Canadian and Belgian experts, the terms of reference of which would
be to ascertain, with the help of supporting documents. the exact
amount of Barcelona Traction investments in Spain, and to provide
exact information about the measures taken by the Company with
regard to the transfer of foreign currency needed for service of the
bonds" (A.R., Vol. 1. p. 145, Ann. 37, App. 6).

The proposal. Illr. President, was supported by the United States of
America and by Great Britain. No note. however. was at any time deliv-
ered in these terms to the Spanish Govemment by the Canadian and
Belgian Governments, for by a most remarkable coincidence, five days
after the completion of the final draft of the BelgianICanadian Note,
another proposal was madeby the Spanish Government t« the Canadian
Govemment and to the British Government; and 1 do not pause to
enquire what locusslandi the British Government had.What 1do empha-
size is that the proposa1 was not made to the Belgian Government.
In the Note to the British and Canadian Governments of 16March 1950
(A.C.JI.. Vol. VI, p. 12)the Spanish Government alleged "that the Span-
ish economy did not owe an overseas debt to" Barcelona Traction, but
"that, on the contrary, it was in a creditor position towards tliem, and
that for a fairly considerable sum". The Note went on to state that the
-n,nish Government desired to establish the reason for its refusa1 to
;iiitliori~. iiy tr:iiidcul Lurrciic!..;iiiiin\.irzd eupfrts :ippuiiited 11)tlie
(;o\.crnm,-lits of c:niin(l:iiicGr, :itI<ril;iiittgcorn<to Spniii to ox;iriiiiit:
togL,tl.~r\i.itti S11:inislicspcri,tlcvnri.,.i>nry Jociiiiiciils.
:\ltrr,ilurtl~,:rcxcIi;iiigcof Sot<:;(.\.(:.\l.Vol. \'l, })p.[3-16 but $1111
ivitliour .in\. rcf~rciic10lJclgium, tliitlirc,.(;o\~c.riiniciits30iAIay 19,jo
agreed to have an enquiry oncerning-
"the investment of capital by the Company in Spain and the returns
realised on such investment and transferred abroad from time to
time" (ibid.. p. 14. Chap. II, Ann. I, Doc. No. 5).

It was a question which the Court may think should perhaps not have
been put at all. One can test its significance by asking what would have
been the position if it had been proved that Barcelona Traction had
taken out more money from Spain than it had invested in Spain. Plainly.
the nature and justification of pur complaint would be the same,It really
cannot be suggested, we submit, that the investor who in a foretgn coun-
try creates a great industry is not, in law or equity, entitled to derive a
profit from his investment-and profit naturally means an excess of100 BARCELONA TRACTION

transferred from Spain. bv wav of dividends. interest. discount. caoital
rep,iynieiiti ur utli;riviic., aincxieij of tlicoriginal iiiv~.iriii~iit.Spain
coiild nut <lr;iu.nn .~rbitrdry liniirlî;iytu Ehiu: No\v yuu have tr;Lns-
fcrred cnou~li. If tlii\ifan p~:riiii;iil~lrtioliit\vuiild inclin the tnd uf
al1foreign iivestment: but such a polit$ wodd be even less meaningful
if Spain was allowed to Say: Nowyou have transferred enough and cannot
even make payments of pesetas in Spain to Spanish bondholders in part
discharge of your continuing debt due to Barcelona Traction. For this in
1946was the issue.
The conclusion at this first stage of the development is that Spain,
when about to be challenged by the imminent Belgianlcanadian initia-
tive, countered with the well-tried move of adopting the BelgianICana-
dian suggestion so as to exclude Belgium and to secure the CO-operation
of a government which mightbe expected to be less interested than eitber
the Belgian or the Canadian Governments, namely the British Govern-
ment.

The Courtadjoacvned /rom 11.20 a.m. to 11.40 a.m.

Mr. President and Members of the Court, before the adjournment 1
was submitting how the question was to be put to the experts. It was put
under the control of experts appointed by three governments, only two
instead of three of which were interested in the affair, and that the
government which was primarily interested, which had pressed and
which might be expected to continue to press the point, namely Belgium,
was excluded.
2.This then brings me to the second stage in this story, uamely the
choice of experts.
Having defined the question to be submitted to the experts, the Gov-
ernments of the United Kingdom and of Canada appointed two experts
of undoubted eminence and integrity, namely Mr. Charles, a senior part-
ner of Messrs. Peat, Marwick & Mitchell in London, and Mr. Norman of
Messrs. Price, Waterhouse and Co., in Canada.
The Spanish Government appointed a Mr. Juan Manuel Rozas, who
Andany whose appointment and activity established the Spanish Gov-Mr.
ernment's policy of promoting March's financial interests.
The Belgian Government does not dispute that there is no abstract
duty in international law relating to the selection and appointment of
members of international commissions of a non-judicial kind (C.M., IV,
pp. 472-474).but it submits that the identity of an expert in fact selected
for an international commissibn provides an indication of the involvr-
ment of and the policy pursued by the appointing government.
Who was Mr. Andany? According to the documents before the Court
he made his first appearance in October 1948when, as the Spanish Gov-
emment admits (C.M.,IV, p. 185),the pseudo-board ofEbro, controlled,
of course, by March, proposed to the Spanish courts that an additional
expert be appointed to investigate an alleged fraudulent misuse of Ebro
funds.
This third expert was Mr. Andany, whose fees, as the Spanish Govern-
ment again admits, were paid by Ebro.
The next stage we know about Mr. Andany is that he produced a com-102 BARCELONA TRACTION

Government and Juan March. The minutes (A.C.M.,Vol. VI, p. 19)show
Andany produced a copy of the study which he had prepared in 1949, Mr.
and to which 1havealready referred, and he said that he would hand the
committee an additional study which he had drawn up regarding the
activities of the company.
The British and Canadian experts subsequently referred tothis report
as a "Report in two volumes, dated 20th June and 25th July, 1950,
raspectively, comprising four parts, with index and related exhibits, pre-
pared by Don Angel Andany Sanz, being his Study and Survey of the
economic and financial activities of the Barcelona Traction, Light &
Power Co., Ltd. and its Subsidiary undertakings, including investment
in and withdrawal of funds from Spain".
In their report (A.R., Vol. 1, p. 230) the British and Canadian experts
could hardly disguise their astonishment at this procedure. "We are not
informed," they said, "as to who instructed Sr. Andany to undertake the
work of preparing the report." They went on to Saythat "it is somewhat
unusual for a member of a Committee to complete a separate report
during its deliberatiousdealing to some extent with matters forming the
object of the Committee's enquiry".
In their view "many of the mattersdealt with in the report are outside
the scope of the enquiry which the governments concerned contemplated
would be undertaken by the committee they appointed, and we are of
the opinion that neither a committeeitselfnor any of its members should
use the opportunity afforded by an investigation to either report or
express opinions concerning matters outside the limits assigned to its
enquiry".
Nor could Messrs. Charles and Norman conceal their distaste for the
extravagant language employed by Mr. Andany and his unproven, irre-
clear from the minutes of 27 to 30 October 1950 (A.R., Vol. 1. Ann. 39, is
p. 148) that the Spanish experts were determined to have these reports
incorporated into the committee's work, and it is equally clear from the
final report of the British and Canadian experts (A.R., Vol. 1, Ann. 47,
p. 231) that they failed.
Both the Spanish Government and the Spanish experts were deter-
mined to limit the investigation to documents in Spain. For some reason,
the truenature of which can only be guessed at, the Spanish Government
and the Spanish experts were disiiiclined to take the opportunity of
inspecting documents in Canada.
The British and Canadian Governmeiits in their Notes of May 1950
(A.C.M., Vol. VI, Ann. 1, pp. 13-14) expressed the desire that the books
of the company in Canada should be examined. In the acceptance of the
Spanish Government of 30 May 1950 (ibid.,pp. 19-20) the British and
Canadian experts expressed their opinion that it might he essential to
examine documents abroad in order to achieve the objects of the com-
mittee. The Spanish members were in violent disagreement with this. In
the result, the final report of the British andanadian experts did avail
itself of-certain records in Canada and expressed disagreement with the
refusal of the Spanish experts to avail themselves of these documents.
Why were the Spanish Government and Mr. Andany so determined to
limit the investigation to such documents as were available in Spain? 1
cannot prove, but 1can respectfully suggest, an explanation. The SpanishI"4 BARCELONA TUCTION
In fact, these experts themselves "anticipated that the present-day
worth of the fixed or real assets comprising the Barcelona undertaking
in Spain may materially exceed their present accounting book value"
(A.R., Vol. 1,p. 242). In other words, the British and Canadian experts

had given an answer to the question which completely justified Barcelona
Traction's contentions, and squashed al1allegations on a point which the
Spanish Government had put forward in 1949 as an attempted ex fast
factojustification of its policy between 1940 and 1946.
There was on the other hand, the Spanish experts' report (A.C.M.,
Vol. VI, pp. 23-47). 1 do not think that it would be helpful for me to
embark upon a criticism of the substance.tone or characterof thisreport.
It speaks for itself. It reaches a conclusion diametrically opposed tothat
of the British and Canadian experts. Messrs. Andany and Rozas went so
far as to produce a further document which is a reply to, and ohserva-
tions upon. the British and Canadian experts' report (A.C.RI..Vol. VI,
pp. 64-82). 1 ask for the Court's indulgence to read one short, yet illumi-
nating, paragraph from this last-mentioned document (p. 67) in which
the Spanish experts expressed their views about the British and Canadian
experts' report as follows:

"Finally, the trend given to that report, diverting it towards a
conclusion outside the task entrusted to the Committee, and assigned
to it as its objective, crowns their work. \Ve do not know whether
this is due to a misconception of the above-mentioned task, or
whether it is due to their desire tha~ - - ~~~ w~~tev~~ ~the exDosure
of which would lay bare an irregular act or grave misconduct by the
Enterurise or its executives, should be em~hasized in the said report.

\fle presume that the above-mentioned interpretation as to what
the said experts think their task ought to be, even led them, perhaps
unwillingly, ta draw up a report which dims the irregular acts, which
refrains from bringing out others of great importance, palliates
certain others, and. in short, causes them to terminate their report
with the same conclusion as that sought after in the report of Messrs.
%rider, Hamlyn & Co., prepared in Sofina's officefollowing instruc-
tions and orders given bythe Board of Directors of Barcelona Trac-
tion."

The Spanishexperts, having thus addressed their colleagues, did suc-
ceed in having included in the BritishlCanadian report one paragrapli
which had no relation to the objects of the enquiry, was therefore irrele-
\Tant.was heavily qualified and, in any event, inserted on the footing of
such incom~lete material onlv as unknown Dersonshad made available
tu tlie committei. Tliii p:,raqr:ipli st:~t,:dthit tlic eup.rts Ii:iiiii1)i~tr.d
copie; oi iiiiilefiiiediorr<.,j>.,ndciici.wliicli y~jsed bct\r.cen tlie cucl.;iiig~.
tt8ii;r~I:iuthoritic.i:gnrlI'bra diirinr tlic \e:iri ICIJ<~ru rb$G iicoiiii~~~:tioii
with applications for permission tgtrkifer moRéyfro& Spain. and con-
tinued:

',...In this correspondence. certain information or explanations in
relation to the affairs of the comnanv were asked for bvthe exchange
autliurit!~. to u.liich thr uiidcrtkki& iiiSp:,in in:ikei rcply, but \\.e
are boiiri(lto state tli;itrhese n.i>lit:fnil io dcal ndequ?tel\~ \vit1tht:
reauirements of the exchanee aüthorities and unlesi there has been
other correspondence or c&versations which had made good this106 BARCELONA TRACTION

Government as regards the non-provision of foreign exchange to the
subsidiaries of the defendant in the past; and that the Canadian and
British Govemments hoped that the atmosphere created hy the
Agreôd Minute would be such that the private interests concerned
thatdawsuitable modus operandi for the future could be achieved with
the Spanish Government" (A.R., Vol. II, p. 405).

In the light of this explanation, it becomes. perhaps, a little easier to
appreciate the principal features of the joint declaration (A.M., Vol. III,
p. 655 and A.C.M., Vol. VI, p. 7) which overshadow a number of other
inaccuracies. There was, plainly. not the slightest justification for the
statement that the experts had been "appointed to investigate the activi-
ties of" the Barcelona Traction group. The Court knows the very limited
task assigned to the experts and fully appreciated by the British and
Canadian appointees. The joint declaration continues to record the alleg-
edly unanimous agreement of the experts that Ebro "had not made
available the information called for on various occasions to justify the
origin, destination and basis of the financialobligations claimed to be the
in the BritishICanadian report, which 1have quoted in full. that this was
very heavily qualified.

The Court knows that the origin, destination and basis of the financial
obligations claimed to be the ground of their applications would have
been wholly immaterial in 1946 since all that was applied for was the
Court knows that in any event information called for to justify the origin.he
destination and basis of the financial obligations had, in fact, been given
in 1932, in 1940and in 1945and 1946.There is a third aspect of the joint
declaration which 1 cannot refrain from mentionine: it is the statement
tli:ittlie Ijritiih aiid C:inadi,in rcpreïéntnii\.,:s hl\.,: b~éninfuriiied of
irregularitici oi:iIl kincls:isregartls tlie Sp;ini~licconumy :ind Inw:~lleged
b\. rhc S~:inisliYinisrcr of Industrv and Commerce 'l'liere\i.:is.rlie Coiirt
\\;il1not;ce. iio word in the juiiit heclnration ivliicli \vould indicate the
agreement of the Rritisli and Canadian rcprcsentatives witli tli~::irciiracy
of tliat inf0rrn:ition: the fsct ivnsstated. its trutli \vas left ownIt \rrould
irideerlIi;ivebceii diiliciilt for tlie Uritisli (;overiiiiierit tu exl>;cssits assent
ieeinc thnt itiSecrrt Scr\.icc wns a substnntial bcneiiciarv ofthe sile~e-l
irregülarities during the war period.
Finally, however, there is the significant sentence in paragraph 4 of the
joint declaration, that the Spanish Minister of Industry and Commerce
"gives his assurance" that the legitimate interests of those interested in
Barcelona Traction "will always fiiid the necessary protection within the
framework of Spanish legislation". We suggest that behind the careful
language of diplomacy lies the intimation that, in the words of MI.
Glassco, "the private interests concerned could work out a settlement of
their differences"-an intimation which, in view of the British Govem-
ment's Xote of 28 September 1951 (A.C.I\f.,Vol. VI. p. go, last sentence).
is strongly corrohorated and which the Spanish Government itself con-
firmed in its Note of 27 September 1951 (A.C.M., Vol. VI, p. 88) when it
stated that "there might in due course be considered, in the spirit of the
Spanish statement contained in the.. .Minute of the 11th July 1951, the
possibility of holding negotiations between the parties concerned in the ARGUMENT OF MR. h1ANN IO7

aifairs 01 Barcelona Traction and its siibji<liarir.s". Pertiaps thc Llritisli
and Canadian Goveriiriierits bclir\,~:(1951 tliat by softeiiing thc sevcre
Belgium believed iner1961hethat by herg désistementit would bring Juanas
klarch tothe negotiating table.
It would be ~ossible to devote much further time to a close analvsis of
tlie joint declaÎatioii, but 1belic\.c 1hn\ç suhmittcd enotigh to esidblish
the only puint upon \vtiiitit rliro\rb ligtit nÿmclv tlie dileriinia in \vhicti
the Spanish'Gofernment found itself. Ghich stenimed from the eventsof
19.4 <ind\vliicli it \vas nosr trying t~&~iure. but. in fïr:is ttiis Court
ij coiiccrii~d, 1rcspecrlully subniit ttlir]oint decl;irationsno aubsti-
tute for the indei>cii(lr.ntand iinuartial cvalu;.tioii of tlic rleci;ive c\.ents
and tbè decisivequestion which;aised them.
And this brings me tothe last stage.
6. Within a few days of the joint declaration, the Spanish Govern-
ment unilaterally issued a communiqué, usually treated iii these proceed-
ings as bearing the date 16June 1951 (A.C.M.. Vol. VI, pp.8 and 117).
and it is not without sienificance that it was hlr. Illarch's London com-
mittee tliat "in agreem;nt with the Spanish Embassy" made arrange-
ments for the publication of the Spanish Government's communiqué
(Blue Book, Voi 1,p. 89).
This communiqué contains a summary of the Spanisli case as it had
been developed in the reports of the Spanish experts and as it has now
been repeated at great length before this Court inthe Counter-3lemorial
and the Rejoinder ofthespanish Govemment. It isthereforenot neccssary
for me to deal with it at all, except that 1must drawattentionto a very
remarkable inaccuracy :the communiquéimputes to "the experts" ratlier
than to the Spanish experts only the findiugs of "irregulanties of al1
kinds" (A.C.M.,Vol. VI, Ann. I, Doc. No. 2,p. g and Doc. No. 34,p. 119).
The communiqué released by the Spanish Govemment, at a time when
vital issues were still pending in the Spanish courts, had an important
effect in tliat it provoked and expedited the sale of what the British
Government came to cal], somewhat euphemistically, "the duplicate
shares" (A.C.M.,Vol. VI, p.102).In sofar as the sale itself was concerned,
my friend, Maître Grégoire,will deal with the complaints Belgium makes
of the decision of the Spanish judiciary. It falls upon me to mention with
the utmostbrevity the attitude ofthe Spanish Governmeiit itself, for this
was clearly so designed asto enable March to complete the hispaniciza-
tion of Barcelona Traction's Spanish iuterests.
That attitude appears from the illuminating exchange of diplomatic
Notes which is printed most conveniently in an annex to the Counter-
made by the theu Chancellor of the Exchequer, Mr. Maudling, in theement
House of Commons on 5 March 1953 (A.M., Vol. III, Ann. 177, p. 682).
In these Notes the Governmeuts of Great Britain and Canada, in essence,
make four points ofprinciple. They expressed the hopeofanagreedsettle-
ment, such as had been the basis contemplated by the joint declaration;
they drew attention to the fact that "in this whole matter there are a
number of questions which shonld be the subject of a careful and impar-
tial enquiry, such as the creation of the duplicate shares, the authoriza-
tiou of the sale of those shares, andthe conditions of the sale"; they pro-
tested against the "distorted interpretation8'-it is not my word, MI.
President, it is a quotation-"of the.. . ljoint declaration] by the Sindi-108 BARCELOSA TRACTION
~~os"+li~torted because where th,, joiiit <Iecl:irationIind refzrrtd to the
British and C;in3diari Goverrimenri king "infonned" of alleged irregu-
lsrities, it \vas-and this is again quotçtl-"implied, ivithout ]ustiiica-
tiori, tliat those jtatçments are to be fouridin tlie z\grcctl 3liriutc and are
approvccl \)y Hii 3lsjeîty'î Government' . FiriaIl!., the diplomatic corre-
s,uii(1cni:esuresjcd "the strdnc .,ou.that théSn.,iiish Governnierit Iwho
are a\i;ir<:of ;lie rime f.ictor iiivol\.iviIItakc'urgcnt stcps to clcàr iip
tliis rc-grcttablc nii5:ippreticnjion" (:\.(:.\l., \'ol. \'l, Chat). II, r\1,ri.
DOC.%O.27, pp. 101 ;id 102).
As the Court knows, the Spanish Govemment did nothing to allay the
"regrettable misapprehension" which, as the Court will hear, led to the
shares being described as perishable goods and to a precipitate sale, alleg-
edly necessary for their protection. The Spanish Govemment, it is true,
replied on 3 January 1952.that is to Say on the day preceding the mock
auction (A.C.hf. , ol. VI, Chap. Il, Ann. 1, Doc. No. 29, p. 106), that it
was fimly resolved not to intervene in any way in a judicial question
vation was not really directed to the complaint made by the British obser-
Government at all; that complaint was that the communiqué of June
1951itself constituted an intervention in judicial proceedings, and it was
that intervention which the Spanish Govemment refused to withdraw.
Mr. President and Members of the Court, 1 have now reached the end
of my submissions. 1refrain from summarizing them in detail but perhaps
it will assist the Court if 1 state them in verv broad terms.
First, during the period from 1931to 1944&change controlwas admin-
istered in Spain in a manner which was entirelv in accordance with the
requiremenfs of the international standards of non-abuse and non-dis-
crimination. In particular, two investigations were carried out in 1932
and 1940; they satisfied the Spanish Govemment.
Second, after the Plan of Compromise in its first method of financing
had been approved in principle by the Spanish Government in June 1945,
a radical change took place after August 1945when &Ir.Suanzes became
ifinister. The first method of financing was disapproved in December
ro45 and the second in July 1946. The reasons given were far from con-
vincing but since Spain was asked to contribute foreignexchange and was
shoThird, the third method of financing imposed no sacrifice of foreignns.
exchange upon Spain at all. In essence it involved the acceleration of
vavments in vesetas made out of Ebro's ~eseta resources to Deseta bond-
iioid~'rsin s$lin. which, as interest pa!;iicnts, 1i:idbeen sinctioried by
Spain sinie 1940and continucd ro br sanctioncd up tn 1945.This iiicthod,
tlizrefure. affected Svanijti cschaii-c resoiirces in a sense \r.tiicli 1 have
described as purely t'echnical.
Fourth, when even this third method was rejected in October and
December 1946, it was done for reasons which disclosed the underlying
abuse of rights and discrimination against Barcelona Traction, for:
(a) the purported reasons were wholly inappropriate to the third method
then in issue;
.b, the real reason was the s~anish Govemment's desire. bv the medium
of eschange control, to kiîpaiiicize ilarcclona ~rnciiok and for this
purpose to extract it from Hçlgidn coiitrol and to play it into Juan
3larch's hnn(l5. Or. as \I;ircli piit it inttiç dzcl3rntion to liis o1i.n Government, the real reason was the objective, known to the Spanish
Government, to facilitate the hispanicization of the investment in
Spain:
(6) at the same time, the refusal arose from a political situation which
led to such violent reaction against Belgium that the cool and objec-
tive appraisal of Barcelona Traction's application w;is bound to be
missing.
Fifth, the activities of Spain on the diplomatic level between 1949and
12-2 .oint to Spain's desire and ~rovide confirmation of Belsian criticism
and.support the inference which the Court is invited to drcw.
The essence of the matter can he put in one sentence. It is that the
Court is faced with one fundamental question. In sum total, did the
Spanish exchange control authorities, in October and December 1946,
genuinely apply their minds to thespecific exchange control problem they
had to deal with, or did they, as Belgium suggests, pursue objects so
plainly outside the scopeof exchange control andshut their eyes sofirmly
to the real issue entrusted to them as to render their decision arbitrary?
Belgium rests its case on the illegality in international law of Mr.
Suanzes' rulings in Octoher and December 1946 and the circumstances
surrounding them. The Belgian case asserts that everything that pre-
ceded those decisions and everything that followed them, contirms their
illegality and discloses the underlying motive, namely Spain's determi-
nation to assist Juan March in obtaining control ofthe enterprise.
Mr. President and Members of the Court, it is amatter of quitepartic-
ular satisfaction to me that as early as December 1951 the British Gov-
ernment, in unusually forceful words, drew attention to what it des-
cribed as the "grave injustice" (A.C.AI.,Vol.VI, p. 102)wliich Spain was
then about to commit and which Spain today defends before this Court.
At the same time, and in the same document, the British Government
stressed the need for a carefuland impartial inquiry.
Mr. President and hfembers of the Court, it is the Court's carefulness
and the Court's impartiality to which Belgium is happy to entrust that .
inquiry. It is the submission of theBelgian Government that in discharg-
ing that task the Court will, in theend, feel bound to undo the injustice
which, for more than 20 years, has been a hlot on the international stan-
dards required and cherished by the community of nations.
&Ir.President. it remains at this moment for me to exmess to-vo~, Mr.
~resident and ti the~embers of the court, my gratitudé for the patience
with which vou have listened to an arcument which at tiines musthave
been inevitibly detailed and somewha? and PLAIDOIRIEDE M.VAN RYN
CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

M. VAN RYN: Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, mon es-
timécollègue,le professeurMann, vient de vous exposer ce qu'on pour-
rait appelerl'aspect administratif de cette affaire. Il vous a exposé lerale
joué par les autorités administratives espagnoles et les griefs que le
Gouvernement belge croit devoir formuler à cet égard.
Ma tâche, ainsi aue celle de mon confrère Me Marcel Grégoire.sera .~
d'cspoj~r ;iI;iCour cc qu'o11pi.ut .~p~),:IerII S?COII~<îsp<-cdti.ccttt.:~i-
iiiirc,l'nsli~.ctjti<lici,rrile ;ou; p;irccrr;iin~ritiiiii.~cjl>n<nuli~.tle;
xiefi <III(~uti~irncniciit belccà cet l'c;ird. II nous iiiionibér~en eifct di
?appeler à la Cour comment "Juan ~afch, avec le concours actif et l'appui
quasi permanent decertainstribunaux espagnols, a utiliséd'une manière
artificielle la procédure de la faillite pour réaliser son plan de conquête
des installations industrielles du groupe BarcelonaTraction en Espagne.
Nous devrons aussi, cela va sansdire, rappeler à la Cour les griefs for-
muléspar le Gouvernement belge surla base de ces faits, et nous devrons
également réfuter les nouvelles objections élevées à l'encontre de ces
griefs par le Gouvernement espagnol dans la duplique.
Tevoudrais tout d'abord. si la Cour veut bien me le ~ermettre. désaeer

la Courle sait par l'examen des kcritures, en plusleurs épisodes.
Quelle est tout d'abord la situation au moment où le rideau se lève,
c'est-à-dire au début de l'année 1948, au moment où Juan March va
déclenchercette procédurede faillite? A ce moment, nous ne craignons
pas.de l'affirmer et de le répéter, laBarcelona Traction est en pleine pros-
périté;comme l'atteste d'ailleurs le dernier bilan publié, à la fin de 1946,
bilan qui fait apparaître d'importants bénéfices.
L'analyse détailléede la situation financièreet économiquede la Bar-
celona Traction, l'examen approfondi des résultats obtenus par cette
sociétéau cours des exercices antérieurs ont conduit les experts compé-
tents que le Gouvernement belge a consultés à conclure qu'il s'agit d'une
entreprise parfaitement saine,solvable, tout à fait viable et rentable. Je
me permets à cet égardde renvoyer au rapport de MM.les experts Gelis-
sen et van Staveren (p. 35.37 et 53)et aurapport Arthur Andersen&Co.,
documents nouveaux que le Gouvernement belge a déposésau Greffede
la Cour (nouv. doc. nos6 et 15).
Je me garderai bien, Messieurs, de vous infliger la lecture, mêmepar-
tielle, de ces documents forcément ingrats à la lecture par leur nature
même,mais je crois cependant utile d'en extraire quelques chiffres parti-
culièrement caractéristiques.
En effet, ces rapports démontrent tout d'abord que de 1941 à 1947
l'ensemble des sociétésformant le groupe Barcelona Traction avait réa-
lisédes bénéficess'élevant à plus de zo millions de dollars, après avoir
d'ailleurs apuréune perte de l'ordre de 3 600ooo dollars qui était, si je
puis dire, un legs de la périodede la guerre civile (rapport Gelissen et van
Staveren, p. 32). PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN III

Pour la.demière annéeaui a urécédé la faillite. le bénéficeaétéd'en-
viruri 3 700 000 dullars, ai& il& hlCRolin l'a d6i.3signaléila Cour. Cr
niont:iiit est iunhrmc: par les rciiszignrmerits que \.ou=trouverez dari; les
rauvorts de MM. Peat. Manvick et-Mitchell, invoaués Dar le Gouveme-
mint espagnol à l'a pui de la duplique et mêmepa;le rapport de l'expert
Soronellas qui a étfétabli avant la vente qui s'est réalisée en1952(.~id.,
il033. p :wj.
\uii-. \,i.rr<.zég:ili!iiient<l;IL,documciit.~auxquels jc iiic sui; pcrniii
di. nic r;l;rcr. que 1c.sdisponibilités tripeser:ia du groupe cil Esp:igne
;~iir.~iiiitv,.rniis h tout nionlerit. si lts restrictions de c-aiic~ iivaient itG
le\.t?*:dc payer imm6diatcni<:nt et int>gr:ilemc.nt les iritértts arriGr;.;
~>~yatilescn li\.res sterling et ces nicnies dispoiiibilités auraient pernii,
a~~cs<iI'alirncntcrle fonds d'amortisscmcrit dïs obligations (tbid., no35.
=-" ,~.
Vous verrez aussi, Messieurs, qu'au point de vue industriel, si je puis
m'exprimer ainsi, de 1926i1947 l'accroissement de la puissance instal-
léeavait étéde 80 pour cent, tandis que l'accroissement desventes était
de l'ordre de izj pour cent, tandis qu'en contrepartiel'endettement de
l'ensemble des sociétésdu groupe se limitait A une somme relativement
modeste par rapport au développement des affaires dans leur ensemble:
46 millions de pesetas (ibid.,no43, p. qq).
Vous verrez aussi, Messieurs, que l'analyse des résultats des années
postérieures la faillite, 1948,1950et 1951.confirmela reiitabilité excel-
lente de l'ensemble de ces entreprises, même,je le répète, après ladecla.
ration de faillite.
Au 31 décembre1947,c'est-à-dire quelques semaines avant I'introduc-
tion de la demande de faillite par les comparses de Juan March, l'oncons-
tate, et ceci est une donnéesur laquelle je devrai revenir plus tard, que
les actifs de toute nature~.si I'onétablit..comme on le fait habituellement
&ns des sit~atio11sde cc genre. Uriesitu:ition conjoli<lC.ci.in bi13nconso:
lide <le1'erisriiil)lede; societésdu groupc, I'on coiiît;itc qiie ICSactifs de
toute iiaturt, di~a~~cntles ~assifsd'en\,iron SS millions de dollars. L'actif
net estdonc de i8 inillions de dollars. Voustrouverez cette indication dans
le rapport de MM. Gelisen et van Staveren (no 50, p. 53). mais VOUS la
trouvez également dans le rapport de MM.Peat, Marwick et Mitchell
(n038o)invoquépar le Gouvernement espagnol; et pour compléterI'indi-
cation que je viens de donner la Cour. je me permets de rappeler que,
ainsi que McRolin l'a mentionné, la valeur de rendement de ces mémes
sociétésatteignait A la mémeépoque92millions de dollars.
Enfin dernier élémentque je me permets de détacher de ces rapports
d'ex~erts. la situation de l'ensemble de ces entremises se cornvarait
a\'antnocuscnient i la sitii;ition de In rnoycnnc des' entreprise.î Pi~~,;c~
d'>lr~:triiire:~iiii.ris:~incsa.ii poiiivu,.(1% I. liquiditéetni1 poiiit de\.tic
du fondsderoulement Iraoobrt Arthur Andersen&Co.. .a. ,a12: .auD&.t
Gelissen et van Stavere'n.2 42,p. 40 et suiv.).
Que pouvons-nous conclure de tout cela? Nous pouvons affirmer, je
Dense. aue cette société.dont Tuan March va Drovoauer la faillite, est.
cliose p;rndouale, iiiie sociéréSaine, uiir soci~iéprospéré.La thCsc du
Gouv(.rncment espnjinol, la tlic'sedc la faillite Iatcrite qui existait depuis
toiijoiirs ct qui n'i fiit que se ré\+lcrnu grand joiir en févrierrgqS,Gttc
these cst diniciitir? p;ir Ics faits et par Ics chiffres.
Sià la mbmc époquedes difficultésdc pÿieiiient suhsist;iient eri ce qui 112 BARCELONA TRACTION

coiic:~.rii1. îïr\.ic<,il,:; empriiiircri liirci jtcrling, :'l'tait uniqlieniriit,I:i
Cour 1:<dit, p~ir Ic i*it rlc luîn llarch.
En ,:fier. cuniint 1':ilrinonrrt mon honor; ioll~~u~ ~I:prt#ft:i,,.iir l1;iiin.
i I'iii~tigntioiide ll~rch, uu en tourc Ii!.potlir:s,.,.II~)li.in:iiior.>\ci
Iiii,oii,. le5 nutr~ritii ~dmiiii.tr;iri\ ri eil>:i~iic,lcsont r:fniLI, salis itu~~~~~i:
raiiOn valable. les autorisations oui étaren-tnécessaires Dour exécuter ce
plan d'arrangement qui avait éié soumis aux obligataires, que ceux-ci
avaient approuvé et qui avait étésanctionné par les autorités judiciaires

canadiei~nës.
Ce plan d'arrangement, s'il avait pu recevoir son exécution, et rien ne
l'empêchait si ce n'est l'obstruction de March, ce plan supprimait pour
March jtisqu'à la moindre possibilité d'alléguer à charge de la Barcelona
Traction une quelconque cessation despaiements àl'appui d'une demande
de faillite. C'est ce que le professeur Mann a excellemment souligné, mais
je tenais à le rappeler car je crois que c'est un fait essentiel et M. le pro-
fesseur Mann, à juste titre, a mis en mêmetemps en évidence la respori-
sabilité du Gouvernement espagnol pour avoir précisément procuré à
March, consciemment et délibérément,le prétexte qu'il allait effective-

ment invoquer pour déclencher cette procédure de faillite illégaleque je
vais maintenant analyser.
Ce prétexte, March se prépare immédiatement à l'exploiter: au cours
de l'année 1947 et des années Suivantes, il ne cesse d'acquérir de plus en
plus d'obligations Prior Lien et First Mortgage et il devient largement
majoritaire dans le groupe des obligations Prior Lien (M.,1, p.36, note 1).
Cette arme qu'il a ainsi entre les mains, il essaie tout d'abord de l'uti-
liser - nous sommes en 1946 et en 1947 - pour obtenir au Canada, de
National Trust. le trzcstedes obligataires. la mise en vente forcéedu Dor-
t(-f:uillcCIL 1.1I(:ircelonï I'ractisii; purtcicuill~~coiiiiitii; ~.iig;~gcet cintiv
i I.<S:itiuii;~l Tni~t .AIprofit dc; ~Slig,ir:#ir~'
\I.,-> .'bi: C]IIC Ir (;n~i\.rr~~<.iiirntI)<,lgt.I'L:\~~osclii~iIc iii;iiioi~t~ 1,

par. 70. p. 3') ,\l,irili.:crendit coiiil>tr.qu'iiiie dziiinnili. d'<:.\~.cutiunfur-
IILV]jar III:,ilC;~II:L~ cI in\,u,]U~iiitIcaol>li<atiuns dont il ,;t.iipcirlviir,
une tells dcniaiide sr Iieiirt?r:iit i dei dilfic iiltCr trcs i;ri<.ii;ci. ;tant
donné que l'on ferait valoir à juste titre la situation saine
des entreprises en Espagne, le fait que les disponibilités en pesetas
étaient amplement suffisantes pour le service des obligations et le fait
qu'en réalité il n'y avait qu'un accident, un accident volontaire, à
l'origine des difficultésde trésorerie, c'était le refus d'autorisation, que
je puis, je crois, qualifier d'arbitraire, par les autorités espagnoles.
C'est au moment où il se rendit compte qu'il n'avait pas de chance
d'obtenir un résultat par cette voie au Canada que March se décida à

attaquer la Barcelona Traction en Espagne, se servant des obligations
acquises par lui pour tenter de faire déclarer la faillite.
Ici je m'arrêteun instant car ce projet de faire déclarerla faillite de la
Barcelona Traction en Espagne semble à première vue un projet peu rai-
sonnable. Il semble en effet qu'il n'y ait aucun intérêtà faire déclarer en
Espagne la faillite de la Barcelona Traction qui ne posskde aucun bien
dans ce pays. Que pourront donc faire les organes de la faillite puisqu'il
n'y aura pas d'actif dans le pays où la faillite sera déclarée? En effet la
sociétéBarcelona Traction est une sociétéholding, son patrimoine se com-
pose essentiellement, cela va sans dire, destitres de ses sociétés filialeset
ces titres se trouvent au Canada.
C'était donc au Canada, comme March lui-même l'avait jugéd'abord, PLAIDOIRlE DE M. VAN RYN II3

qu'il y avait lieu de s'adresser si l'on voulait provoquer la réalisation, la
vente, du gage constitué dans l'intérêtdes créanciers obligataires. Seuls
les tribunaux canadiens étaient qualifiés pour décider éventuellement
cette vente forcée.Ainsi une déclaration de faillite en Espagne - à sup-
poser qu'il fût juridiquement possible de l'obtenir en l'absence de tout lien
de rattachement de la sociétéavec ce pays et en l'absence, comme nous le
verrons, des conditions légales de la faillite - une déclaration de faillite
en Espagne devait donc, si tout se passait normalement, demeurer sans

effet pratique, c'est-à-dire sans utilité pour hlarch.
Mais comme les orinces du moven âge. hlarch " autour de lui des lé-
~istc,, <Ir,ci>nicillcrs.i,riiziius, qui i:i\.tiit (1uiiiit.oii ~III.roi~ni ::ivr,ir
duiiiici lin vi.tciiiciiriiiricli~~uc<,ii ilrsir dc Iciir3iiinitres Et r.:c :oii,ci.-
lers out cm trouver ie moyen de tourner l'obstacle. Certes tous les titres
appartenant à la Barcelona Traction sont à Toronto mais, se sont dit ces
conseillers astucieux, ne peut-on pas prétendre que le véritable patri-
moine de la société.ce sont les biens de ses filiales et non Das son Dorte-
iéuillc? 011 ti<io\rrxii :,iiii iiiiiiit?!cn <Ir11i~titwr In ~iiriilicti~ntiti tribii

ii:,iit.q>agiiols ti siirtoiit uii iiiovf.ii ,It: nicrtrI;iniiin .iir 5,; ~iist.~ll.i-
tic,ii>rn I<sI)~~K .It:It~c'rst rivtiiicnt, ~I~.ji~iir;, vouj 1,~J~CZ, l;>t1.C;~

galité Aagrantë: la méconnaissance pu~-ement arbitrake de la person-
nalité juridique des sociétésfiliales?
Mais les buts que poursuivait March exigeaient davantage. Il fallait
encore demander un effort suoolémentaire à l'ima~ination des conseillers
.i~tiicie~x. II rit iltir iorii.cnnir II:,que ~~~rtcL~~;.L~nil:~i~snli wIr 1..

~~~r~oiiii.iI~~ iiii(Iiquc tic, iiIi:t5tfi11p'ii,.t,. ju>qu':i +,s d~riii+r(s LGII-
çeoiieiic~- r.'c,,t-:$-<lirtiiisoii'I;i li~iiiid;iticnc.i>iiiiiiI,~nit<iutc ~:~illiic.
dei installations elles-mê&es.
Ce que March voulait, c'était acquérir le contrôle de ces entreprisesqui
étaient des entreprises en activité, des entreprises vivantes, des going
concerns. C'est là-dessus qu'il voulait mettre la main.
II fallait donc en réalité prendre la place de la Barcelona Traction, se
substituer à elle pour exercer les droits qui lui appartenaient àl'égardde

ses filiales et ce, en dépit dufait que ces droitsétaient incorporésdans des
titres qui setrouvaient au loin, au Canada, hors del'atteinte de Afarchet,
qu'il me soit permis de l'ajouter, hors de l'atteinte des juridictions espa-
gnoles.
Pour atteindre ce résultat il fallait un nouveau tour de force. Il fallait
obtenir des autorités judiciaires espagnoles qu'elles permettent aux or-
ganesde la faillite de disposer de ces titres qui se trouvaient au loin, qui
se trouvaient hors d'Espagne, qui se trouvaient au Canada.
Voilà le plan tel qu'il a étéconçu. Pour le réaliseril fallait évidemment

plusieurs conditions. La première, la condition essentielle, c'étaitde trou-
ver un tribunal, de trouver un juge disposé à prêterà l'exécution de ce
plan le concours indispensable. Et, Messieurs, vous le savez, Juan March
a pu trouver un tel tribunal, c'est le tribunal de la petite ville de Reus.
Mais March ne va pas s'adresser lui-mêmeà ce juge, et ceci est une
première caractéristique que je tiens à souligner. Juan March ne se montre
Das à découvert. Il fait aeir oour son comote des hommes à lui. des
hommes de paille ou, si l'ounpiut dire, des marionnettes dont il tire les
ficelles. Pourquoi? Pour la raison évidente que le scandale serait par trop

manifeste s'iligissait lui-même,car on connaissait depuis longtemps - ët114 BARCELONA TRACTION
l'exposéde mon coll&guele professeur Mann l'a montré à la Cour, l'intro-
duction de MC Rolin I'avait déjàfait apparaître -on connaissaitdepuis
longtemps le désirde March de s'emparer de toutes les entreprises des
filiales de la Barcelona Traction en Espagne.
Mais il va rester dans la coulisse. et il restera dans la coulisse jusqu'à
la fin de la tragi-comédiedont ilest-sije puisdire-le metteur enscène;
la fin de la tragi-comédie, c'est la mise en vente du portefeuille dela
Barcelona Traction, plus exactement du faux portefeuille, de ce que nous
appelons les faux titres. Cen'est pas lui qui va se porter acquéreurde ces
titres, ce n'est pas lui qui va se faire déclareradjudicataire, mais une cer-
taine sociétéFecsaqu'ilvient de créeret dont i'objet socialportetextuel-
lement, Messieurs, qu'il consistà ciprendre part à la vente des biens de
la Barcelona Traction aux conditions mentionnées au cahier des charges11
(M., 1,no'228 à 232, p. 102 à 105, et R.,.Y ,o 2x1, p. 125-126). Quelle
tranquille certitude et, je serais tentéd'ajouter, quel cynisme?

L'audienceestlevée à 13 heures CINQUIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (21 IV 69.15 h)

Présents:[Voir audience du 17 IV 1969.1

Le PRÉSIDENT: M.le coagent de la Belgique, Mc Rolin, a demandéla
parole pour une question préliminaire.
M. ROLIN: Monsieur le Président, Messieurs les juges, mon collégue
Me Van Rvn va êtreamenétantôt à faire étatde certaines dispositions de
la loi espagnole et, comme parmi les griefs formuléspar le Goüvernement
belge il y a, d'aprks le Gou\rernement belge, des violations flagrantes de
la loi espagnole, mes collègueset moi-mêmequi parlerons après MCVan
Rvn seront éealement amenés à diverses re~risesà faire état de disvosi-
ti8nsde la lorespagnole.
Je n'ai pas besoin de vous dire qu'au cours de la préparation de nos
vlaidoiries nous avons éorouvéde moss., difficultés à nous retrouver
rapiclemcnt parini ccsdispositions: ellessont reproduites partiellement en
tr:<duction dans le corps des écritiircsou dans des annexes, mais devoir
chaaue fois se référeraides volumes nombreux et divers nous a varu . .
cstr;onlinairement (lilficile. Sous iious soninies d'autre 11;irtassurésque
1:ibibljothhquc du ~31315 (lela Paix rlle-mrmc ne contient qii'iiicom])lite-
ment les traductions des textes auxauels nous nous référons,c'est-à-dire
de la loi de procédurecivile, du code de commerce de 1829; du code de
commerce de 1885, du code civil et de certaines lois particuli6res. Dans
ces conditions. nous avons cru au'il était utile ~our notre travail (et à
I'cxpirience cela nous a p:inl 6t;e un outil prCcieiix)<ler-iiiiiirclans une
I)rocliure les dispositions donilétait question toutXIIlong des &criturcs
Nous les avons ie~roduites en orie-nal'et. en reW.rd. en traduction fran-
qsise. de façon cl& I'ex;ictitiidc des trnduktions puisse Qtrt:\rérifi(.e:nous
etole nrofesseur Oli\~encia.de bien voiiloir vérifierces trndiictions. l'en ai
remis'un exemplaire à m'ondistingué collègueM. l'agent du GoÜveme-
ment espagnol; nous en avons remis un autre exemplaire au Greffede la
Cour; d'autres exemplaires sont à la disposition ou de la Cour ou de la
Partie espagnole si elle estime la chose utile.
Je sais que mon collègue M. l'agent du Gouvernement espagnol avait
manifesté certaines hésitations à l'égard de ce que nous considérions
comme tout de même uninstrument de travail.
J'espère et je suisconvaincu qu'à l'expérience,enconsultant ce travail,
il constatera qu'il estdans l'intérêt d'unbonne justice et pour la facilité
tant de son équipeque de la nôtre de pouvoir l'utiliser.
Nous avons du reste avant la clôture de ces débats encore un certain
nombre de semaines devant nous, ce qui en cas d'erreur éventuelle per-
mettrait sans aucun doutedes rectifications.
Je pense aussi que les membres de la Cour qui sont de langue espagnole
ou ui connaissent la langue espagnole auront intérêt à pouvoir ainsi
vériler aisémentles textes originaux qui,sans cela. ne seraient pasà leur
disposition'.
Voilà la communication que je désiraisfaire aux membres de la Cour.

'Voir X, Correspondancno898 et99.116 BARCELONA TRACTIOX

Le PRÉSIDENT: J'informerai la Cour du point qu'a soulevéM. le
coagent de la Belgique. Si, à l'audience d'aujourd'hui, M. le professeur
Van Ryn a besoin de citer quelques dispositions parmi celles qu'a men-
tionnées Me Rolin, il pourra le fairà titre provisoire; il n'y aaucunediffi-
cultépour le moment.

XI.VANRYN: A la fin de l'audience de vendredi ie m'étaisefforcéde
retracer dans sesgrandes lignes leplan dont Juan 1la;cli allait commencer
la rCalisation au d6but de l'année 1948.
1.edc't:iilde>rn;incru\,ressuccessi\,esaiixuuelles nous allons voir \1arcli
se livrer et pour lesquelles il ol~ticndral'app;i constanilcertaines niito-
rité; jiidiciaires esp~gnolej. ces manmuj'res succesiives vorit je dtroulcr
en quelque sorte en dëux temps.
Tout d'abord en declenchant une procédurede faillite de la Barcelona
Traction, sousle prétexte du défautde paiement de l'intérêd te certaines
obligations, hlarch va réussir à obtenir que les biens des sociétés filiales,
bien que ces sociétésne soient pas en faillite. soient placéssous la garde
d'un séquestre provisoire et sous le contrble d'un commissaire qui lui
sont tous deux dévoués.
II fait remplacer les administrateurs des filialespar des administrateurs
de son choix, et il va transformer les sociétéscandiennes en sociétés
espagnoles.
sont attribués, il est ainsi installé dans la place et il va alors entrer en
contact avec le groupe de la Barcelona Traction pour.obtenir, si je puis
m'exprimer ainsi, éventuellement la reddition de son adversaire en lui
disant: <Vous voyez de quoi je suis capable, vous voyez ce que j'ai déjà
fait, peut-êtrejugerez-vous qu'il vaut mieux vous entendre avec moi et
faire des sacrifices. Pavez-moi les intérêtsarriérés desoblieations et
transfr'rez-moi le çontrde dc I'eni:~.mbledes sociét;sdu groupe. * C'L.,~ie
qui cst esplique dcji d;iiis Iinémoire (1,noh73 $ 7j,y. 36 et 3,)).
(:rttç tïnt;iti\,e n'a DaSrcussi <:ts'est nour cette r:iison (lue .\larch a di
passer à la seconde étapede sa manceuv;e. Il va s'efforcerd'obtenir par la
force ce qu'il n'a pas pu obtenir par la négociation;il va s'efforcerde con-
solider cette prise de possession de pur fait qui lui étaitdéjàacquise; il va
obtenir àcette fin, une fois de plus, le concours des autorités judiciaires
espagnolesauxquelles il s'est adressé.
Comment consolider cette ri sede wssession de fait. alors oue les
titres de sociét6ifilialesappa;teiiaiiti Îa Ilarcelon:i Tr:icrion se tr;ii\.ciit
au Canada? )lessieurs. vous le savez par lei4criturei. 1larcli ira jiivlu'i
fnirc fabr.auer D.r les orc:ines de la failliiiiisoiit touiours d6\~>ir>si
ici iritt!iitiuii=,il ird jusqU;i faire I;itpJr les iYn<liR<icstitres <ici:-
tiiics 3 rrin[)lasvr prGtcnduiiicnt ct:us qui soiit nus in;iiiis(le la 1:~rc~~lona
Traction et il.les iera mettre en venté par les svndics à des conditions
telli:~qiic, corninele 1.31dGj3rappel; la fÔiideriii&re.jeu1legroupe 1larch
pourra pr;iti(liieineiSC porter ndjiidi<otaire.
Voilà-lerésumédu dé<eloppement de la manŒuvre en deux étaues.Te
croispouvoir conclure de ceSimplerésuméque nous ne nous trouvo'nspis
ici devant une procédure normalede faillite à l'occasionde laquelle aurait
pu se commettre l'une ou l'autre irrégularitéde forme ou de fond.
Il s'agit de tout autre chose. Ils'agit dèsl'origineet jusqu'à la fin d'une
mancsnvre gigantesque dont l'unique but. dèsl'origine, étaitdefournir à
March l'une ou l'autre occasioii de s'emparer des installations indus- PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN II7
trielles que possédaient en Espaene les sociétésfiliales de la Barcelona
'fraction. minwuvrc pour laqielïe a étéutiliséecomme instrument une
déclaration de faillite artificiellement provo<iuéeet la procédurequi a été
la suite de cette déclaration.
Chaquedémarche. tant des jiiridictions de la faillite que de, organes de
Infaillite, est en sorr61ationa\,ec cette finalit6 illicite et cliacune de cesdé-
marches doit être ap~réciéeen tenant comDte de cette finalité
D'autre part. la harcelon sraction et se sociétésfilialei ont &téillé-
galement misesdans l'impossibilité(lesed6fendre et d'escrcer des recours
efficacescontre lei décijioiispr0\~0~11iépesr Juan .\larcli. (:es socittésont
été fiiialenient \,ictimes d'uii acte de spoliation pur et simple, au proiit de
p;irticiiliers, au profit du groupe Ilarch. C'est dire que le rkultat de cette
faillite nrtificiellr. résultat recherch2. était é\fidemmentto3.fait étran-
geraii but norma1di.l.î füillitequi. ai-je bcsoindc~erap~eler. est la liquida-
tion du patrimoine d'un débiteiirqui est horsd'étntde faircfacei sesrnga-
gements, en vuedepartager le produit de cepatrimoine au marc le franc
entre ses créanciers, le solde éventuel revenant au débiteur lui-même.
Au cours du déroulement de cette procédurede faillite, nous verrons,
droit matérielauedu droit de'la orocédure.et une méconnaissancede ceant du
que l'on peut aipeler les principe; universels de la faillite. C'étaiten quel-
que sorte fatal. Le caractère anormal de cette faillite artificielle était in-
compatible avec le respect des regles légalespropres à l'iiistitutioii.
CesiIlégalit6sétaient indispeiisablcs pour ahoutir au résultat que Ilarcli
recherchait. Telles etaient lis ~ikes nécessairespour que la manŒuvre
réussisse.
En d'autres termes, je crois pouvoir dire que nous nous trouvons ainsi
en présenced'un casqui est à peu prèsunique dans lesannales judiciaires,
c'est celui de l'utilisation, par un particulier mais avec le concours des
autorités judiciaires, d'une procédurede faillite dans un but tout à fait
étrangerau but normal decette institution. etdans un but dont le carac-
tère iilicite n'est pas doutcus puisqii'il s'aggissait de rL:alisr.riine expro-
priation d'intCr2t pri\.é.sans indeninité.
:\préscette introduction. ic voudrsis espliquerA la Courcoiiinicnt nous
nous proposoris de déi~eloppcr devînt elle l'exposédes di\,ers actes que
iious reprochons aux :iiitoritésjudiciaires .sp.gnoles et Irs griefs que nous
formulons à cet égard.
Il nous incombe. à mon confrèreet ami Me Gréeoireet à moi-même.de
rappeler à laCOU; la succession et l'enchainemënt des faits, tels q"'ils
demeurent indiscutablement établis.
illegalit6~commisri, illcgalitésdoiit In Coiir pourr:~:i)>précicI:gra\,ité.
Ilon exposb personnel mr;i poiir objet <ledécrireet de critiquer. sur le
plan du droit. la mise cn scbne de la faillite, les cirsoiist:inces daris Ics-
c~udllesclle a ét6provo(liiéi.et déclarée,m:iis aussi les inrsures tàufait
estraordinaircs qui ont t'téor~loiinécpar le jiig<:riient<l@clnrxtieft 11arIcs
(lc~.isionrliiien oiit <téla suitc. Enfin. commcnt ces mesiires ont étti
esécutéesét les conséquences extrêmement graves également qui en
sont résultées.
J'arrêterai mon exposé des faits et leur critique au moment où va
s'ouvrir la phase finale de la manŒuvre, c'est-à-dire la préparation de la
vente de ce que nous appelons les faux titres, et la vente elle-mêmedu
portefeuille de la Barcelona Traction. Je laisseraià mon collègueet ami118 BARCELONA TRACTION
MCGrégoire le soind'exposer à la Cour ce que l'on pourrait appeler les
dernières péripétiesdu drame.
Pour la facilitéde la Cour~eut-êtreconviendra-t-il aue ie lui indiaue
ri>sà prGseritcoiiiriientsc rCpirtiia mon eui~o,i. et icet ;nard j'ai 5111
utilcdc I.iire Ctablir iiric jortc de t:il>ledes iii:itiCr~sque nous iloui effor-
cerons de fairemettre àla disnosition. bien entendu. di nos estimésadver-
saires, mais aussi des membFes de la.Cour.
Mon exposése répartira en trois chapitres, d'une longueur et d'une im-
portance d'ailleurs très différentes.
Le premier chapitre sera consacré à l'étudeet àl'analyse desdocuments
qui sont à la base de toute l'affaire: la requêteinitiale en vue d'obtenir la
déclaration de faillite, le jugement déclaratif et les décisionsqui l'ont
aiivi~.
1.edeuxièmecli2pitre stira~onglicrcà I'itude desgncfsdii Gou\,ernrrncnt
belet:contre ces diverics dbcijion; iudiciairei ct cacra de loinlc ch:iuirrc
le $us long. Non pas, Messieurs, Quel'exposéde nos griefs soit tellement
difficile,mais, cequi allongera inévitablement mon exposé à ce sujet, c'est
l'obligation oùjevais me trouverde rencontrer les innombrables systèmes
de défensemultipliésdans l'énormedupliquede 1164pages et ses innom-
brables annexes.
Enfin le troisième chapitre, qui heureusement sera moins développé
ue le deuxième,sera consacréaux mesures illégalesprisespar les organes
je la faillite dans l'exercice des pouvoirs exorbitants qui leur avaient été
attribués. C'est ce que l'on a appelé, c'est ceque le tribunal de Reus lui-
mêmea appelé((lanormalisation des filiales »et c'est aussi déjà la prépa-
ration de l'émissiondes faux titres. Bien entendu, je développerai en
mêmetemps, dans ce mêmechapitre, les griefs que le Gouvernement
belge croit devoir formuler à l'encontre de ces divers actes d'exécution.
Cet exposén'épuiserapas tous les griefs dont il a étéfait état au cours
de la procédure écrite.En effet, dans leur zele satisfaire aux demandes
introduites pàr les hommes de paille de Juan March, les tribunaux espa-
gnols -et je vise ici tout particulierement le tribunal de Reus - ont en
effet commis d'innombrables illégalitésqui se trouvent relatées d'une
façon détailléedans le mémoireet dans la répli ue
Mon intention n'est certes pas de les reprenlre 'toutes. Je crois bien
faire. au contraire. cn retenant seulcmcnt d;in$,iiioriexposé oralIr5 illC-
galitis le; plus graves, Ici pliii fon~lanient;ilcj.kllzs sufiscnt nriiplcment,
p~riîoiis-iioii:ijustifierI:I<Icmandcdii C.ou\~eriirment bclGv, et la Cour
pourrait, à notre avis, se dispenser mêmed'examiner les autres.
Cecidit, je nevoudraispas cependant quele soucideconcisionquim'ins-
pire puisse être interprétécomme une renonciation ou un abandon des
griefs qui n'auraient pas étérepris explicitement dans mon exposé.
Je puis à présent aborder, si la Cour veut bien me le permettre, le pre-
mier chapitre, c'est-à-dire l'examen de la requêteinitiale, déposéepar les
hommes de paille de March, du jugement déclaratif de la faillite et des
décisionsqui ont étéle complémentde ce jugement.
Cespremières décisionsjudiciairesont en effet, Messieurs, comme vous
le savez déjà par les écritures, une importance capitale. Elles sont en
réalité,sije puis m'exprimer ainsi, la source de tout le mal, elles sontA la
base de la plupart des griefs du Gouvernement belge. II importe donc
essentiellement, avant d'entrer plus avant dans la discussion, de savoir ce
qui a étédécidé, lesmotifs pour lesquels ces décisionsont étéprises et le
sens exact de ces motifs. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I1g

Cequi est caract~ristiqii~~.<:'çitque tous ces jugements. tous sans ex-
ireptioii,sotit renduisur desr~qii2tridé1>os;~~toujourjpnr lesIiomniesdc
inille de Iiian \I:ir(:li.et ces iii~emcnts font toiiioiirs droit nu deinancles
iormu1ée;dans cesrequêtes,chacunede cesdemandes ayant bien entendu
étéajustée pour servir au mieux le plan deJuan March, sans aucun souci
du droit ni de la loi, ainsi que j'aurai l'occasionde le montrer bientôtàla
C. .-
Ltt jiigcsaisi. le triburi:tl de Keuj. un juge uniquc, ne fait aucune ohjec-
tion i toiitCI:qui luiest demaridéet ilseconfornie jrri~tenient niiu de-
inandes, niètiicles plilscxorl>it;iiites.qui lui sont ainsi présentc'cs.
1.ejugement lc plus iriiport;irit. ci-liiiqui d6clenche to~itel'affaire, c'est
évidenimenrct,liii ,1112 fi'vrie1,.4S .ui lui aussi filit droiA unc lon-ue
requêteprésentéepar les hommes de paille de Juan Alarch.
Il faut évidemmentque je v(A.M.,vol. II, no49, p. 256)en effet est digne
d'un examen attentif, car nous y trouvons àla foisrévélés leb suts pour-
suivis, non pas par ces hommes de paille mais par celui qui les fait a ir
les obstacles isurmonter et ies mesures extraordinaires gu i?rch,n.té:
site pas à demander à l'autorité judiciaire, au mépris es dispositions
légales lesplus certaines, pour surmonter ces obstacles.
Tout cela est accordésans hésitation.
Que la requête soitprésentéepar trois personnages qui n'ont en réalité
aucun intérêtpersonnel Al'affaire et sont uniquement des hommes de
naille de "uan March. nous l'avons démontréet cela ne me ~araît uas
sc:rieuscmcntcontest6. Crî trois pcrsonn:iges sont,ilest \,r;ii. porrcurs de
ccrtaiiics ohlig;itioiis b'i.llortgu~?.in..i;ci:sont des ~bliji~tioiisqu'ils
ont acquises quatre jours auparaG&t, pour pouvoir les invoquer Al'appui
de la requête qu'onleur a demandé de présenter (M.,1,par. 76; R., V,
par. 4i8).
Celong document queconstitue la requêtea évidemmentét4rédigé par
les conseillers astucieux de Juan March auxquels j'ai déji fait allusion
précédemment:et ces conseillers ont fait du zèle,la lecture de la requête
le révèle.En effet, le document tel qu'il se présenteest rédigésur un ton
extraordinaire que le memoire du Gouvernement belge avait cru pouvoir
qualifier de cdélirant iiJe ne veux pas donner de détails, cela n'a pas
d'importance ici, mais si la Cour veut bien relire cette requête,je crois
qu'elle estimera que la qualification donnéepar le mémoireétait ample-
ment justifiée.
La tâche qui était confiée à ces conseillers était évidemment trk diffi-
cile. Le but est simole: hlarch veut mettre la main sur les installations
exp1oitl:esp:,r les soiiétci filiales iie In I<arceloiinTraction cri Espagne.
>lais contre ces so~iCt2.itilialç~clI~.;-inF~~il,ne petit ricn. Iiii cjtout
i f:iiimnoîsible d'en dem:inder 1s f;iillite: cllei sont nnrlnitement solva-
bles, elle; font toutes facà leurs paiements et de plucce sont des sociétés
de service public qui sont soumises à un régime spécial.
Par conséquent. rien à faire contre les filiales elles-mêmes.Mais ainsi
que je l'aidbj'iindique. contre InNnrcelona fractiori. \larcti s'est procuré.
dans les circonst:iiict-aquc la Cour connnit, uri préteste demander la
faillitt. C'rsid susDcnsion du scrvict des oblications en Ii\.res steriina.
refiis opposéaux demandes de (lerises et de transferts, refus suscité lui-
mêmepar Juan March.
Ceprétexte ne permettait nullement de dire - je reviendrainaturelle-120 BARCELONA TRACTION

ment sur ce point - que la Barcelona Traction était dans les conditions
requises par la loi pour êtredéclaréeen faillite. età supposer mêmeque
le tribunal passe outre comme il a cru pouvoir le faire, encore - ainsi que
je l'ai déjàmentionné vendredi - encore cette faillite ne pouvait-elle, si
elle se deroulait normalement, donner aucun avantage à March, puisque
tous les biens de la Barcelona sont au Canada. Comment les conseils astu-
cieux de Juan March surmontent-ils cet obstacle? En demandant tout
simplement dans cette requête par laquelle les demandeurs invitent le
tribunal à prononcer la faillite de la Barcelona Traction que la saisie ui
va résulter suivant la loi espagnole de la faillite prononcée-la saisie dles

biens du failli - que cette saisie soit étendue d'officeaux biens de la $0-
ciétéEbro, de la société Barcelonesaet des neuf sociétés filiales ousous-
filiales du groupe. Elles sont toutes énumérées dansla requête&laquelle
je me permetsde renvoyer sur ce point.
March demande ensuite que le séquestre provisoire et le commissaire,
qui vont être désignéscomme dans toute faillite en Espagne, aient la
facultéde nommer ou de destituer tous les employés ou administrateurs
de ces sociétés filialesdont la faillite n'est pas demandée et ne pourrait
Das êtredemandée. Et alors aue ces sociétéssont rérulièrement consti-
tuces. ont 1;1pi.rit~iiii:ilitt:jiiridiqu,', qiir c'r.rt:,iiit:idtl1r.iiunt ni;nic
de stntiit c;iiia<licn,nial,,r:, taiit i:<:<n dcniaiidc (IIITIr .r:<lufitrc provi-
O,
ioirc et Ic coniniiss;~ir<. :i 1.1fnillitr di 13:iricloii:. 'I'ra~tioriii.,oiv~.iiIc
pouvoir de nommer ou de destituer tous les employésou admihstrateurs
des sociétés filiales.Cette demande - il convient de le souligner tout de
suite - imuliaue une illéralité flagrante: la méconnaissance de la uerson-
nalité juridiqÙe des sociéTéfsilial&.
Mais en mêmetemps qu'il croyait trouver ainsi le moyen de mettre la
main sur les installations en Espagne, hfarch se préoccupait des actions
de ces sociétés filiales.Tout en prétendant ignorer la personnalité juri-
diquede ces sociétés,pour pouvoir saisir leurs biens, pour pouvoir les en-
glober dans la masse de la faillite de Barcelona Traction, il reconnaît
Cette personnalité juridique puisqu'il demande que les organes de la fail-
lite puissent disposer des actions de ces sociétés filialesbien qu'elles se

trouvent au Canada.
Sur ce ooint la reouête contenait une demande rédieée dansdes termes
qui ~>":,is'fiit sih\lliiii IL.lis t~~srii~ll~iii~ntIc ti.stt.dl l:, tr:~dii~.ti~~ii
fr3riq:ii-r- <~iini'a y;,; r:tr'<.oiirt.tCpaI.,I'.~rti~::~cl\~crie de cc pas'~g<.
«la saisie [sur les actions de l'Ebro] a le sens d'une saisie médiate, la

saisie immédiate revenant à celui qui a la possession physique,
laquelle aura le caractère d'une possession alieno nomine ii(A.N.,
vol. II, no 49, p. 265).
Je n'insiste pas sur cette formule cabalistique dont le sens est très
difficileà déterminer car le tribunal. lui. bien au'il aitstatué en auarante-
Iiiiit Iiciires, v:i sul.srituirrertz furrniilc iiiii.:aiitrnon inoin: ;inculicrc.
niais qui J Ic iii6iiir Imt,;iiivr~ii. iiivttrei I:Ldi,puiiriuii CIL ; rgsiici dc I;<

fîillitt<luisunt a In d&ution dc \l.,rt:li -ainsi tiiiri~:IViiii,iitrt.r.iliiis
quelque; instants - les actions des filiales, bien que ces actions soient au
Canada, et permettre aux organes de la faillite de se comporter en Espagne
comme s'ils avaient ces actions. Voilà pour la demande formulée daris
la reauête.Mais. i'oubliais de le dire. March demande aussi au tribunal de
s'en tenir, en cé'quiconcerne la pblication du jugement prévue par la
loi espagnole, à une tr&smodeste publication. La faillite de cette société PLAIDOIRIE DE M. VAN RYK 121

holding, qui a son si4geau Canada, ne sera publiée - c'est cequedemande
la requéte - qu'an Bulletoi ficiel de Tarragone, chef-lieu de la province
dans laquellese trouve le tribunal de Reus. Nouvelle illégalitésur laquelle
j'Autre circonstance toutenià.fait insolite et sineuliêre:cette reouêterédi-
ficeclans iiistyle tout a fait extraordinairr eii'accomPagnt?edii teste du
di~coiir~dont ila dtjA Ct( q,uestioiipliisivurs fuis, ]iiononcéaux Cortes le
rr d6ccrnhrc 1046. nnr 11 3u:inzcs. Ic 111iiii;trede I'industricct dii cum-
merce. La Cour se souviendra que Rolin a soulignétoute l'importance~ ~
et toute la signification de ce discours. La Cour a pu voir elle-mêmeque
ce discours est tout imprégnéd'uneardente hostilité àl'égarddes entre-
prises dans lesquelles des Belges étaient intéressés.En joignant le texte
de ce discours à la requête,et en s'yréférantdans la requêteelle-même,
que voulait Juan March? Sansaucun doute avertir le juge que s'il s'avi-
sait de ne pas accueillir la demande, il adopterait une position contraire
à celle qu'avaient adoptée d'unefaçon catégorique lesautoritéspolitiques
de l'Espagne.
Il failait évidemment déposerune requêteet une requêtecomportant
ces demandes extraordinaires dont je viens de parler. Mais il fallait bien
da\,anr:ig,., pour que le plail eiit ctianir. (Ir se rbnliser. II fallait
;i\.ui:iu di.p;irt, sert;iiiics :ti~iir:i.I f:ill:iit tout d nburd ;ivuir l';issu-
r;incz qiie Ir trihiinnl auquel cetti: rcquEte v<ritablement aberrante serait
rése ent serait dans des dis~ositioni favorables: uu.il ne mettrait Dasen
iluutr que lcs tril)unïiiu cili:cgnols:i\.;iivnt jiiridictioii pr~iirproriori(cr sur
.impie rr.iiuêrï1;if:iillitc d'une soci6tE cnnadiennc ayant son siége à
I'oroiito et nd iiojs&Jmt aucun 11it.n~n Eii,:.~-ie. Ce ii'6t:iit ivÿjIriune
demande banaie.
Inviter un tribunal espagnol, par une simple requête, à prononcer la
faillite de cette sociétéholding, dont les filiales assurent la production et
la distribution de l'électricitédans toute la Catalogne, c'est évidemment
une chose, disons, importante. Tout tribunal conscient de ses responsabi-
litéset des const5quencescraves d'une telle décisionn'aurait Dasmanuué
de faire preuve, avant dëstatuer sur une telle demande. d';ne circo~s-
pection particuli&re, d'autant plus qu'il s'agissait d'une procbdure sans
Contradicteur.
Dans cesconditions il fallait, pour queles plans de Juan March puissent
se développeret se réaliser, disposer d'un tribunal que les scrupules que
je viens d'indiquer n'arrbteraient point.
Il fallait encore une autre assurance. Il fallait que ce que je ourrais
appeler le personnel de la faillite fût un personnel de confiance. fl fallait
devoir désiener. s'il déclarait la failliter- iouissent de la confiance det
1larch et soirnt disposes à le servir.
\'oyons rn:iiiitenant, Messieurs, ce qu'il en fut en ce qui concerne cette
duuhlr asurance dont .\larcli avait besoin: Irtribun;il toiit d'abord.
Vuiisle savez. Xlessieurs.par les Ccritiires,le choix de Juan llarch s'est
portLisur le trihunal de Reus l'<eusest une petite \,ille de Catalo~ne ct il
n'v avait certainement aucune raison iuridi'aue de considérerce: obscur
tribunal de province comme Litanttemtonaiement compétent pour con-
naitrr dr crttr requete exceptionncllc et le Çoiivrrnement espagnol a dU
le reconnaître dans les écritures. -.
En revanche, ce que l'expérience amontré, ce que le déroulement des
faitsa fait apparaître, c'est qu'à tous égards,le choix fait par March était122 BARCELONA TRACTION

un clioix judicieux. eii cesen; qu'il a pli o1)tenirde ce trihun;il Icconcours
le plus riiil)rcj56. J'y revieiidr~i bicntî~teii vuus expohlnt dans queIl,-s
conditions Crtribunhi 3 iitatllCI dîlls au,:iFiilsila ,tiitu>.
En ce qui concerne le personnel de et
le commissaire: le séquestreprovisoire, d'aprèsla loi espagnole (l'article
1044 du code de commerce de 1829), doit êtreune personne ayant la
confiance du tribunal. Le choix du juge de Reus pour cette fonction s'est
porté sur un sieur Gambus qui lui était probablement inconnu puisque
Gambus était domicilié à Barcelone et non pas à Reus. Mais M. Gambus
était de longue date un collaborateur de March -il est déjàcitécomme
tel en 1932 ainsi que nous l'avons indiquédans une annexe du mémoire
(A.M.,vol. 1,no41,p. 230)-et ilfit dans ses fonctions de séquestrepvovi-
soire tant de zèle que March Yen récompensa plus tard en le dksignant
successiv,ement comme directeur généralde 1'Ebro puis de cette société
Fecsaqui-la Cqurs'ensouviendra - a étéconstituéeen 1952dans lebut
de se rendre adjudicataire du portefeuille de la Barcelona (M.,1, par. 76
et suiv.). Voilà pour le séquestreprovisoire. hlarch pouvait compter sur
lui ct ila eu sa Ïécompenie.
Quant au commissaire, M. AdolfoFournier Cuadros, c'étaitégalement
le candidat de Juan March. Il s'agissait ici aussi d'un personnage domi-
cilié à Barcelone, mais qui, chose assurément étrange, le jour mêmedu
dép8tde la requête,vient s'inscrire au registre du commerce de Tarra-
gone - chef-lieu de la province dans laquelle se trouve le tribunal de
Reus - en exprimant l'intention de commencer à Tarragone, dés le
lendemain, un commerce de parfumerie, sans aucune indication d'adresse
(M., 1,par. 95 et 96, p. 49-50). Que signifie cette comédie?Elle n'avait
d'autre objet - cela tombe sous le sens - que de mettre in extremis le
comparse choisi par March dans les conditions formelles requises par la
loi, pour qu'il puisse êtrenommé commissaire. En effet, pour pouvoir
êtrenommé commissaire,il fallait êtreun commerçant inscrit au registre
et établidans le ressort du tribunal. C'est ce que prévoit l'article 1333de
la loi de procédurecivile.
Par conséquent, sur le commissaire aussi, March pouvait compter:
c'étaitlui qui l'avait choisi.
Avant d'analyser le jugement déclaratif qui va êtrerendu sur cette
requête,et avant de mettre en évidenceles illégalitésdont ce jugement
est entaché,il convient, je pense, de rappeler les conditions surprenantes
dans lesqueiles il fut rendu, bien que cesconditions aient déjàétérelatées
dans les écritures (R , V,p. 8 à IO).
Tene feraiau'en donner un résumé.
1.3rt:<111Cd tu'<) fCvri?r IC,~S:ivait offt.r1.4IJrcuvc~3r tCiiii>iiisde st-r-
tains faits, 'isavoir I:,~>u,sc..:sioi:, d2tcniion p:ir lj;~r,:c.luniI'r.lctio<Ic
tuutes Icî ;iitiuns dc certniiic; iilialc;. I't le juge <IVKeiis rcnd dci le
lendcniainiiiie ordunnaiirr di,ilar:int qiie lei reqii?ran!i oiir jiiitiiiilc
leur i~ii:ilitdc crCriiic:irrict adrii<.rr;intI;iprcJ\e ~~r<>i><,sI;'r;.iiiJifii~n
des témoins étant fixéeau iour suivant. le ÏIfévrier.
i'uurtxnt, ;~\.~iidr dc'ciclcraiiiii qiir:Ici rcqi~>r.~ii;i\.;iiciirjiiitiii; ilc
lcur qii;,lir; ilc,cr&ancicr;. ICjugii';i\-.i{ns carinic iiCst..i%~irdrt3,:L:tirr
i~ro~luir,t.jhoril~re~iixd'ac(iiiiiition <IL.titrci, .linsi ou'ilcil uvliit It~hli-
kation comme le Gouvernemint belge l'a exposédans les écritures (M., 1,
par. 78,et R., V,par. 12 et 493) Et cette acquisition, la Cours'ensouvien-

qui n'empêchepas ceshommes de paille de déclarerdansla requete qu'ils. 6); ce PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 123

attendaient de~uis onze ans. C'estlà une erreur des conseillers astucieux:
ils n'ont ps-. iiiistoiit c<.l.<.IIcoiizord.iiicc; il;oni oubli; rluc Icj Iiomnicj
<le~':iill<.étni,~dnct.scrcancicri Jc rrA fraiclie<lateet i11ic.p:ir roiiîéqii~~iit.
ilnv Idlait iiai Iri i>risciitt*ri<>rtiriidei <:r<anricrsai.ant t:rnuizn6 d'une
patience qui aiir;iitndurc'peiidnnt des ann;,ci. on ne liciirp;is3uiigrr :ituiit.
L, aiirrc prt, >iIV jiifitde Reus s'étaitdoriri&la peinc CI< Iirc le; tirrt:j
iiiil>riiii<donr Icnr~c1ii;r:ints sc di;:iieiit ]>orteiirs,ilaiirait in;\irable-
iiivnt r.oii;tni<.qiie rlin;un de ccs titres yurttiit iiiir iiiriitioii iiiil>ririi;rse
rifcrniii csl>lirircmcnt aii rri,ildtrd 1,:tsi; IC1'' <ICcriilhri.11)ii entre la
Satinna1 l'rusr ct la Il;irct..uii;il'rnititiii, Irtrsld~.idcriertu cliiqiicll',!mis-
sion a\.ait 61; :~1110rir<r:te coi.iiieri3nt lér-dii.;titre; :iiiusril)iil:irioiis
dii rrlrsrd?id. LsïI:iii;r :II;i<liit~ljr iiierGf;,re Cinit libcll<:eroninic suit:

iiToutes les obligations de cette émissionauront droit, pari passu,
au bénéfice et seront soumises aux stinulations contenues dans ledit
acte » (de1911).

Par conséquent, l'examen préalablede cet acte semblait indispensable
et si le juge de Reus avait demandé - comme tout juge consciencieux
n'aurait pas manqué de le faire - la production de ce contrat, il aurait
constaté qu'en vertu de l'article 35 decet acte de trust, le droit
(d'intenter un procèsou une procédure quelconque en vue d'une
exécution oud'une vente fondéesur le présent gageou pour I'exécu-

tion desengagementsfiduciaires qui y sont prévus, ou pour le recou-
vrement de toute somme en principal ou intérêtsreprésentéepar les
obligations II,
ce droit d'intenter une action était réservéau trusteeet ne pouvait être
exercépar les obligatairesindividuellement quedans le cas où le trustee
aurait refuséd'agir ou négligeraitd'agir aprèsenavoir étérequis par des
porteurs du cinquième en valeur des obligations en circulation.
Par conséquent, le droit d'agir des requérants était des plus contes-

tables et le juge aurait pu le savoir s'ilavait voulu s'informer.
Le juge de Reus, qui n'est pas du tout curieux, ne s'est pas non plus
préoccupédu fait quela preuve par témoinsqui lui étaitdemandéen'était
pas légalementadmissible,étant donnéla nature des faits invoqués,que
j'ai indiquéetout à l'heure à laCour. Cesfaits sortaient nettement du ca-
dre de ceux prévuspar la loi, ainsi qu'il est expliquédans les écritures
(R., V, p. 326 et 327). 11n'a attaché aucune importance non plus, lorsque
I'enquétea eu lieu, au fait que l'un des témoins était le sieur Montafiés,
vendeur des obligations acquises quatre jours avant la requêtepar les
requérants, Montafiés,agent avéréde March, ainsi que cela résulteen par-
ticulier d'un document déposéau Greffepar le Gouvernement espagnol et
reproduit dans ce que nous appelons le Blue Book, vol. II, p. I.
Voilà comment le juge instruit cetteaffaire, ou plutôt, ne l'instruit pas.
Dèsle lendemain de l'enquête,le jugemept est rendu. Et ce jugement
entérinepurement et simplement les allégationsde la requête; il fait droit
purement et simplement toutes les demandes formulées,y compns la
demande d'extension de la saisie qui résulte de la faillite aux biens de

l'Ebro et de la Barcelonesa.
Le juge fait cependant une réserve,toute provisoire ainsi que nous le
velm-.~-car lesdécisio~~a~i vont suivre .eu aurèsétendrontla mesure de
saisie a& autres sociétés.'1f1ait une réservepurement provisoire pour le
cas des autres filiales, au sujet desquelles ildoit êtreinformédu point de124 BARCELONA TRACTION
savoir si tous les titres de ces filiales appartenaient égalementàla Barce-
lona.
Il fait droità toutes les demandes y compris celles tendant àdonner au
commissaire ce pouvoir exorbitant de procéder à la révocation. destitu-
tion et nomination du ersonnel dirigéant des filiales dont -je ne puis
assez insister -la failEte n'est pas demandée et ne pourrait pas l'être.
Et enfin, iladopte, mais en lui donnant plus de précision, commeje l'ai
déjàsignalé-sous quelle inspiration, on peut sele demander, parce qu'il
n'a eu que quelques heures pour rendre ce jugement -, il adopte la der-
nièredemande formuléedans lestermes sibyllins que j'ai indiquéstout à

«implique»la possession médiate et civilissime des actions de cette so-nner

ciétéquiseraient en la possession de la Barcelona Traction. Cesont les ti-
tres qui sont au Canada. Je répète:le juge décideque la saisie des biens de
1'Ebro - qu'il vient de décider - «implique »la possession médiateet ci-
vilissime des actions de cette sociétéEbro qui sont en la possession de la
Barcelona Traction, et ce sont là destitres qui sont au Canada.
Par cette formule étrange,sur laquelle, la Cour s'en doute, j'aurai à re-
venir plus tard, le juge de Reus prétendait en réalité donneraux organes
de la faillite, leur donner lui-même,cette possession impossible: la posses-
sion destitres des filialesqui sont au Canada. C'est égalementce qu'avait
voulu March lorsque, plus maladroitement ou tout au moins plus obscu-
rément.dans la requêteil demandait la «saisie médiate IId~ ~ ~ ~itres.
Ainsi, cornrnc vous le YO).CLd,ari, Ic rnEriiejugcmeiit, Ic tr,l~utiil dc
Krus és~rtr, igiiure I;I~~ersonnditt?juridiqii~ des fili:ilcs ct ordoiiriï 1;)
saisie de 1éui.sbiens, nuis rçconnnit ccttc verionnalité iAiiisAiii'i;littril>iic
la possession de leurs'titres aux organes déla faillite.
Dans cette première décision noustrouvons donc une contradiction
flagrante. Pourquoi? Parce que les deux décisionscontradictoires ser-
vaient, l'une et l'autre, les intérêet les plans de March. Maisla présence,
dans une seule et même décisiond .e ces affirmations contradictoires, in-
conciliables, n'est-eue pas la preuve la plus décisiveque nous puissions
souhaiter de la complaisance de ce juge, du caractère arbitraire de ses dé-
cisions?
De cette complaisance, Messieurs, du fait que March savait pouvoir
compter sur le juge de Reus, M. Carlos Andreu, nous avons aujourd'hui
une preuve supplémentaire. Elle nous a étéfournie par le Gouvernement
espagnol lui-même.
Le Gouvernement espagnol en effet, comme la Cour le sait, a jugéutile
de déposerau Greffe de la Cour une piècerelative à un procèsqui a été
engagé à Londres par la sociétéSidro contre le comité des obligataires
Prior Lien dont March avait ~rovoouéla constitution. Cecomitéétaitné
d'une inti3tii.c de .\l:irctiy ;idonc eu un proiésentre Sidro et IV:riit:rii-
bres de cornit6ct lesI>I&CL.de ce procé nrlt étéd<il>0~;~ au5Grctic de la
Cour à l'intiative du Gôuvernemeni espagnol.
Dans ces pièces,nous relevons deux déclarations, faites sous serment,
particulièrement significatives. L'une est celle faite par M. Wilmers, à
l'époqueadministrateur de la Barcelona Traction, dans un afidavit dont
MsRolin a déjà fait étatdans son introduction. Au cours du même procès
-et c'estledeuxièmedocument -un autre administrateur de la Barcelo-
na Traction, M. Donald Duncan, a déclarésous serment qu'il a rencontré
plusieurs fois March à Madrid en mars ig48 - le jugement, je le rappelle PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 125
àla Cour, est du 12 février 1948-et qu'au cours de cesrencontres (jetra-
duis à vue de l'anglais):

«March a dit que la faillite de la Barcelona avait étéobtenue par
lui d'une manière et par une méthode au sujet desquelles nous
n'avons pas besoin d'en diredavantage [about which we need say no
more] et que, si la procédure était levée,il ne pouvait être certain
qu'il pourrait obtenir un nouveau jugement de faillite et que, pour
cette raison [therefore the bankruptcy must remain] u (Blue Book,
vol.1, p.100).
Cesdéclarationssepassent de commentaires.
Mais elles me permettent assurément de conclure quele juge de Reus

étaitbien, comme March y avait compté,un instrument entre ses mains.
Son attitude et ses décisions elles-mêmen sous en avaient déjapersuadés.
J'aborde maintenant, Messieurs,le chapitre leplus long de mon exposé,
les griefs du Gouvernement belge àl'encontre du jugement déclaratif et
des décisionsoui l'ont suivi.
1.r(;oii\,ernciiii:nt bclgSCcruit cil nic,iire de dl:iii<iiitri.rque sert;iiiic>
:tiitnriti.s csp;ignoles et. en tout premier lieii. Ic tri1)ritRciii. des Ic
drhui~de~cette uroc;<liire dc faillite nrtifi:i~:llcmriit i>ro\oau;tt svbt6-
niati,lti,.~iim~l~furriidans ses efleti. sc sont rviidui ~oii~i;l>lde nom-
brriix ;ictc.:.~.oiistitu~nttles dinis dc iusticc cnracr$ri,~;s:linsi qu~J':icres
constitiitif; d'usurpatioii de compéten~.e,Içs lins et Ivsniitres éng;igc.ant
la rçsponsnbilitéde 1'l:t;tt espagiiol.
(:cs difl;rerits rricfs forment d'autre i~:irtla tr:iint, d'un grief d'eiisem-
ble: le ~ouvernëment belge reproche a'ces mêmesautoriFésespagnoles
d'avoir d& le début, et ensuite au cours de la procédure,prêtédélibéré-
meut, volontairement, la main aux manŒuvres ourdies par March. On le
voit dès le début, cette requête, quicontient toutes les demandes illé-
gales que hIarch avait formulées,est accueillie sans la moindre dificulté.
Cegrief d'ensemble, c'est d'avoir permis que la procédurede faillite, qui
répond àdes nécessitésbien connues partout, se transformât, dans le cas
que vous avez à connaître aujourd'hui, en un procédéd'expropriation
sans indemnitépour cause d'intérêts privés.
Voila la définitiond'ensemble de nos griefs.
Quant aux actes reprochés à cevaines autorités espagnoles, dénisde
justice, usurpation de compétence, je crois qu'il faut les répartir en deux
catégories:la premisre catégorie comprend les cas dans lesquels on relève
à chargedesautorités judiciaires une violation flagrante ou une applica-
tion manifestement erronée des rkgles Légalesexpresses de la faillite,en
droit esa - .l. ou encore des orincives universellement admis en matière
de fdillitc ct qiii font p;irtir iniégrantc du droit <.ipagnul.
D:IIIScette ~,reriiiCrcc:itcgorie (\~iolatioii11;i~rnntroii ;Lpl)li<;iiisnni;i-
nifestement erronéedes rèelës lépalesde la faifiite) fiaure tout d'abord le
reproche au juge de Reus dY'avoipdécid étort qu'il a;ait juridiction pour
déclareren faillite cette sociétécanadienne ayant son siège à Toronto, ne
possédant pas de biens en Espagne et n'exetçant pas d'activités en Es-
pagne.
Deuxièmegrief, le juge de Reus a déclarécette faillite alors que les con-
ditions légalesde la faillite en droit espagnol n'étaient pas réunies.
Troisième grief, les conditions de la publication du jugement telles
qu'elles ont 4téfixéespar le juge de Reus étaient illégales.
Voilà pour la première catégorie. Mais nous pensons qu'il y a une126 BARCELONA TRACTION

secondecatégorie de griefs. et c'est danscette seconde catégorieque se
rangent les actes les DIUS graves. les actes dont on ~ourrait dire ou'ils
sonr encore bien plus'fond~mentdement. illicites, en'ce sens que ce'sont
cette fois de pures créations du iu~. -e Reus sans aucun lien avec la
lé-islation existante.
II s'agit de dkiiions purenierit arbitraires, doniianr 3 la faillite des ef-
avec les règles du droit espagnol. La seule explication qu'on puisse don-tiblcs
ner de ces décisionstout à fait arbitraire5 c'est qu'ellesétaient indispen-
sablespour permettre AMarch deparvenir à sesfins et c'estbien pour cela
que March les avait demandéesdans sa requête initiale.Cesdécisionspu-
rement arbitraires donnant a la faillite des effets tout Afait exorbitants
ont un caractére tellement extraordinaire que l'on a parfois parlé après
1952 dans les milieux universitaires espagnols du adroit nouveau de
l'écolede Reus ».Le ,u.. de Reus a fait écolemais ie ne crois Das. .~ce
suit iine kcolcbieii glorieuse ci dçsiirié~. un trCsl>Aa\.enir.
Eii quoi coiisistent les illégalitésou plus exactemerit Icsgriefs que nous
riineeons darii c~ttc deusiCriie~.aticorie? Tout d'al>ordle iuce dç Reus a
in&oiinii d'une fayuii tout ii fait ar6itraire lprr\~iriii:ilit~'jukdiqudont
sont dotéesI'Ehro et In 8arcelonesa. cri 6tciid:int lassisic rlsultant de la
faillite dr In H:ircclonaaiix hicns de ces dziix sori6ti.s oui n'ctaient Dascri
f:iillitc.tla inénieillégalité - saisie (les bieris d'iiiic'soci~tcdisti;icteet
iii(ionn;iisarii~!<Icsa persoiiii;ilitéjuridiqu- v:i Grrecommise i l'égard
des aiitres ociL:t<.ifili:iIes~>ardei iii~'cmcntsi~bsC:~iic,ritjlui \.ont étrc
rendus au cours des semaines et de; mois qui suive& le 12 iévrier1948.
Ceci,Messieurs,est aux yeux du Gouvernement belee un mief absolu-
ment fondamentalsur lequel il insiste tout particulièrekent.-
Deuxièmegrief:le juge deReus a statuéarbitrairement en donnant aux
organes de la faillite le pouvoir de révoquer le personnel dirigeant des
filiales qui ne sont pas en faillite. Ce grief, la Cour le comprend immé-
diaEnfin, troisiéme grief, qui est égalementaux yeux du Gouvernement
belge un grief essentiel et fondamental: le même jugede Reus a statué
d'une façon tout à fait arbitraire lorsqu'iladéclaréparcette formule ma-
gique, sur laquelle je reviendrai, que les organes de la failliteseraient con-
sidéréscommefictivementen os sessiondestitres de 1'Ebroet de la Bar-
celones:~qui se trouveiit ;tuCanada.
\'oili le tableau génL'radle nos gnefi tels qiie j'iiurai I'tionneur de le3
di.vclupper, si la Cour veut bien me Ic perniettrt.; m.iis avnnt d'entamer
lcur exposéje dois,jc pense. attirer 1':itteiition(lI:Cour sur dcus circoiis-
taiicrî (lui vieniit:rit uiicore, sije puis m'exprimer ainsi, :ifigr:iv~.rles cho.
sts. Tout d':ilrord. aiiisi qiic je l'ai dcjn suuligni tout i 1Iieure, les déci-
sioiis du luge de Rcrii ne soiit y~ssculern<.iitnrhiir:iirrj. maiscllessont
coiitr3dictuircs. II iiiécunn3itet il reconnait dans 1<:iii8iiie jugement In
prrjoniialitc: des soi:iétéfilialesuniiiiieiiic.ntarr; dcj intcrCti d.; \larcli
bt siiiunt cc qiii luiest demaiidé. L; dbiii de juîtice :ipparait d'uiie iiia-
nière p~rticiiliçreriicrit flagrante eii ~>rdscns~d'unctel1c:ittitude. D'autrc
part, seconde circonstancë amravante. le iuge de Reus. tout en uronon-
<;a11u1n? dL'ci;ioiiillL:galeet-:rbitrnirg.n'û fias déduithe cette décision
inériieIci coiiséquencesqu'il aurait dUeridéduireiiivant la loiespn~nole.
Tem'exvliaue. Dans la th& du iueement du 12 février1048.les biens des
filialesdoi\,'tinten réalitéètreenglGbbé dsaris le patrimoincde.1a Uarceloria
Tractioii. II 11')a qu'une seule masse forméedes biens de la Rarctlona PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 127

et des biens des filiales. S'il en est ainsi. si l'on rét tendconsidérerou'il
ii'yaqu'iine seule société.alorscettesoc &iirtconoidtrée ell;-&&&
somme unc socictk de scr\qce public et Ics socir't.6de service public -
je reviendrai sur ce point -soit soumisescomme teiles à un régi'mpearti-
culier dont le juge de Reus n'a absolument tenu aucun compte. Par con-
séquent, il a commis dans son propre système une illégalitéen n'appli-
quantpas à cette sociétéunique qu'il prétendait exister le régimespécial
qui aurait dû lui êtreappliquk.
bien qu'en m'efforçant d'êtreaussi bref qu'il est possible sans cesser d'être
clair, les différentsgriefsque je viens d'énonceren suivant l'ordre que je
me suis permis d'indiquer la Cour. mais en m'attachant ceuendant aux
plus grai.r3. c'est-3-d&à ceux quc nous avoris rangr'sdans'la <IïiisiCiiic
catcguric. Et ilme fau<lr;tii:iturcllcmeiit. .!lesjiciirs, jc l'ai déji aiinonc<:.
iluur cti~çuide ces gricfs, rencontrer Irs syst&mesde défense - ilisunt
parfois extrêmemenï nombreux, ce qui n'est peut-êtrepas un indice de
solidité -les syst&mesde défense développéd sans la duplique.
Commençons,si la Courle veut bien, par la premikre catégoriede griefs
et tout d'abord l'absence de juridiction des tribunaux espagnols pour
prononcer la faillite de la Barcelona, sociétécanadienne ayant son siège
àToronto et ne possédant aucun bien en Espagne.
Le Gouvernement belge -outient aue le tribunal de Reus. en accueil-
Iniila requCte et en ic.r~.connxissantjiiridiition puur d6clarcr,l~ foillirt
<IL3 R;ircelon;il'i.nc~ioii.a iisiirri-lin i)ode.iuridictioii qui ii'iiv~~ii-
tenait pas aux tribunaux espagiols.
Etant donnél'importance de ces griefs d'usuipation de juridiction, im-
portance qui a déjàété soulignéepar McRolin dans sonexposéintroductif,
étant donnéaussi qu'un grief de ce genre est formuléégalement à I'occa-
sion des mesures d'exécutionet de liquidation dont Mc Gregoire et moi-
mêmeauront à entretenir la Cour, le Gouvernement belge a penséqu'il
serait de bonne méthode de confier l'examen d'ensemble de ces divers
griefs d'usurpation de juridiction à l'un de ses conseils et, hl. le Prési-
dent le veut bien, c'est M. le professeur Mann qui s'en chargera au cours
d'une audience ultérieure.
Ici1cequi concerne cc premier grief. jc me home donc à poser ici unc
pierre d'attente,Inijr:<riàmon honoré collègue Ic~~rofesscur.\lann lesoin
de démontrerque les tribunaux esnaenols nëuouviient Dassereconnaitre
compétents prononcer la fiilcte d'un; sociétéde droit canadien
ayant son sik~eau Canada, ne possédant aucun bien en Espagne -t-n'y
exerçant aucune activité.
Reus a déclaré lafaillite de la Barcelona Tractionalors que les conditions
légalesde la faillite selon le droit espagnol n'étaientpas réunies.
C'est ce qui nous a permis de dire que la faillite que March a réussià
déclencherest une faillite artificielle.
Pourle démontrer et pour rencontrer les obiections qui nous sont ODPO-
sées,je me vois obligéLet je m'en excuse vii-à-vis dêlaCour, je ne vou-
drais pas avoir l'air d'un pédant et faire ici coursélémentairede droit
commercial - derappeler trésbrièvement,pourcomprendre la sigiiifica-
tion des dispositions legales du droit espagnol quisont a~plicables, lraie
que joue normalement dans le droit des différentspays institution dela
faillite. Cette institution, Messieurs, tout le monde le sait, réponà des
nécessitésqui sont les mêmespartout et les conditions requises pour128 BARCELONA TRACTION

qu'elle entre en action sont aussi très semblables dans les différents sys-
tèmes juridiques.
La faillite s'applique en cas de défaillanced'un débiteur, lorsque cette
défaillanceest définitive,sans remkde, de sorte que les droits des créan-
ciers sont irrémédiablementcompromis. Il ne suffit pas, bien entendu,
au'un débiteur manque à ses ohii~ations: dans ce cas. les créanciers le
a.~oiirrÿindront1I'ix6ciitiuii. I.J l?illitiii'rnrrc en jciiLI~ILlorsqiit>1011 SC
trouvc <.ilpr;.jciict d'iine sitii,itiuii gr:i\,c, cnr;srt~%riiGplerfliti~iirIra
druiti (IcscrL:aricicrsJt~nsIcur eii;eiiil>lcsunt irriin~~~liabl~~iiicc iiotninro-
mis, c'est-à-dire que le débiteur est dans l'impossibilitéde les payer ious
inté~-alement. Lorsque cettesituation se présente,il faut veiller à ce que
I?i .:ii.iiiiiers ordiiiaiit11iiine pourr<iiit lr~is,p~r hvl~orhc'i:.6trc tou;
[>dyC's ,oiriit dii iiioiiij pl;iiis 1111piçd al'l:gnlitct le but t-siriiticl dId
f:iillitcd il'asiurer 1.cr;siilt;it. 1.r patrimoine du di,l)itcur ,:tarit d<:sor-
mais affectéexclusivement au désinféressementde tous sescréanciers.ce
patrinioiii<rclcvr:iGtrcrL:.:lliiip.t<Ir..rnand.it:lir<.<ile jiisticr 11.procliiit
r?p.,rti i)ruportionncllenit:~~t,j;iiiiinii.rv<iiti~n d iin C-oiicurdnr,eiirrc le

Telle est, je pense, brievernent résumée,ce qu'on peut appeler la phy-
sionomie généralede la faillite dans les principaux systemes juridiques
actuellement eu vigueur.
L'organisation détailléede la faillite souleve danstous les pays la même
question fondamentale. Quand y a-t-il lieu de déclarerun commerçant ou
un débiteur en faillite? En d'autres termes, quand se présentera cette
défaillanceirrémédiable,cette défaillance définitiveet cette mise en péril
des droits de l'ensemble des créanciers? Partout l'on est d'accord pour
admettre au'une défaillance momentanéeou une défaillance nartielle ne
sunit p.%> m.iiisIt5 cntCr<,i :,I~XI~~L .1CSI filit'III~CpIolir tr,inclicr icrte
<~~ic.,rioqnui s~:p~j..~1,:irtuiit varient il'iirp3ys â I'.iiitrc. Uani I<.iiyi-
t;me.? iiiridi~iiic.~nclonnic:ric:iiiis. critbri. >ont ci;ciiticllerneiit coii-
crets; certains faits:les actsO/ ba7tkruptcy, sont considérés comme révé-
lateurs de la défaillancedu débiteur. Dans les autres systèmesjuridiques,
au contraire, il est faitappel à des criteres plus générauxet plus abstraits,
c'est l'insolvabilité endroit allemand, c'est la cessation des paiements en
droit français eten droit belge notamment.
L'insolvabilité al'avantage d'êtreune notion à la fois claire et simple.
Est insolvable celui dont le passif dépassel'actif. C'est presque unesimple
question de comptabilité.
La cessation des paiements, aucontraire,requiert quelques précisions.
On est d'accord pour admettre, dans tous les pays où la cessation des paie-
mentsest le critèrefondamental,que la cessation decertains paiements ne
suffit jamais. Il faut davantage. Il faut une cessation telle qu'elleplace le
commerçant, comme l'enseignent MM.Ripert et Roblot dans leur Traité
de droit commercial (II, no2758). dans une situation sans issue ou déses-
pérée - ce sont les termes employéspar Mhf. Ripert et Roblot - ou
bien il faut -ceci est la solution du droit belge, qui est consacréepar la
loi - que la cessation des paiements s'accompagne de l'ébranlement du
crédit. Il faut qu'en outre le débiteur ne trouve plus de créditchez per-
sonne, le refus de tout créditattestant le caractkre grave de la situation.
Bref, il faut que la carence, la défaillance du débiteur ait un caractère
généralet un caractère irrémédiable.
Qu'en est-il en droit espagnol? Le droit espagnol s'inspire des mêmes
idées,ce qui n'est pas surprenant puisque, comme je l'ai dit, les besoins PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 129

sont les mêmespartout. Malheureusement, le régimelégalde la failliteen
Espagne est plus compliquépar suite de certaines modifications Iégisla-
tives, qui obligent lesinterpr&tesàcombinerdiversesdisposie ttionsIégales
à les interpréter les unes par les autres. Il exiàtce sujet des divergences
de vues entre les auteurs, divergences de vues auxquelles il a étélongue-
ment fait allusion dans la répliqueet dans la duplique. Plais je puis immé-
diatement rassurer la Cour. Nous n'allons certes pas lui demander de se
faire juge de ces controverses. Il est toutà fait inutile d'y pénétrer,elles
ont indifférente~~ans le casactuel.
En cff-t. quelle que soit 1interprr'tatiorà I:iiluellc.on se rnllir.r;iit, oii
3l)outit enCC <luiconccrn~.le c:isdc liHLriel<>1i 3i1rn?iner6sult;it.
La discussiôn porte principalement sur l'interprétation de l'article 876
du code de commerce invoqué précisémentpar le jugement du juge de
Reus. Selon les uns, le Tribunal suprêmeinterprete la loi en ce sens que la
faillite suppose l'insolvabilité du débiteur (arrêtdu 29 décembre 1927).
Suivant les autres, ce mêmeTribunal suprêmeadécidéque le critere de la
failliteest la cessation despaiements, mais en précisant,cequiestcapital,
oue cet état ne doit nas constituer. et ie cite textuellement l'arrêtdu
fribnnal suprêmedu i7 février196~;«un étatsporadique simple ou isolé,
mais êtredéfinitif.pénéralet complet ».C'est d'ailleurs ce que l'on admet
ra-~~ut où le critère de la faillite est la cessation des vaieménts
Or, Messieurs, je crois être enmesure de vous démontrerquequel que
soit le critère adopté,insolvabilitéou cesiation des paiements présentant
les caractkres reqÙispar le Tribunal suprême,il esicertain ne pou-
vait pas trouver d'application dans le casde la Barcelona Traction.

L'audience, suspenduea 16h zo, estreprisea 16h40

L'insolvabilité tout d'abord. Elle est certainement exclue. Mêmele
ra..ort établiDar MM.Peat. Marwick et Mitchell à la demande du Gou-
vernenieiit ~s~;~nol ne tente 1x1sde Jcmonrrer que l'entreprise dans son
cnscml>le,si l'on cn fait le bilai1si>iisoli<licommeilest de r&Ic dans des
situations de ce eenre. aue I'entre~rise aurait étéinsolvableet oue son
passif aurait été&$rie& à son actif (A.D., vol. 1.p. 379).
Au contraire, il résultedu rapport de ces experts consultéspar le Gou-
vernement esuaenol et il résuliêéealement dis ravDorts établis Dar les
experts consdtéi par le ouv verne G belgn,RIM.d,lisseii et vançtave-
ren et MM. Arthur Andersen & Co., que l'actif consolidéde l'entreprise
dépassait largement le passif au 31décembre1947,puisque, je rappeile ce
chiffre quej'ai déjàeu l'occasionde citer, l'actif socialnetpr&sdéduction
du passif envers les tiers atteignait 88 millions de dollars (rapport Peat,
Marwick et Mitchell, no 380; rapport Gelissen et van Staveren, no 50 et
rapport Arthur Andersen& Co., no 18; nouv. doc. no'6 et 15).
L'insolvabilité est donc certainement exclue. Néanmoins, MM. Peat,
hlanvick et Afitchell, à défaut de pouvoir démontrer l'insolvabilitépro-
prement dite. à savoir que le pas;if scra~t sup&ricitr i 1':ictif.ont nean-
moini tentéun effort considér:il>lepour c'tablirqiic legroupe aurait eu. au
moment de la faillite. ceoue ces exverts a~~elleit un [fonds de roulement
njgntif )$de queltltie 9 3(ioooo doilars: fbAdsde roulemerit nég:itif.,cela
sigrtifil que les actifs irtim6diatement r6;tlisalilc.sdu groupe étaient infc-
rieurs au i);issifimmCdi:iternr.titc- .rible.ces a~,tifsrr'alisablesne suKisant
pas à fair; face au passif exigible.
En réalité,comme l'ont démontréMM.Arthur Andersen & Co., apres'3O BARCELONA TRACTION

avoir d':iilleurs soulignt le ~.aractéreincertain et :irbitrairc dei apprr:cin-
rioiiîds hl\l. Pear, \I~niickct hIit<.tieIcfoiidsdc roulement Jeisoci(.t?j
du groupe au 31 décembre1947. loin d'êtrenégatifde quelque 9 380 ooo
dollars, étaitpositif de quelque 2 346 ooo dollars; et ils ont ajouté que ce
fonds de roulement positif pouvait se comparer avantageusement au
fonds de roulement de la moyenne des entreprises privées d'électricité
américainesdont les résultats sont publiésparla Federal Power Commis-
sion des Etats-Unis (rapportsn" 23 à 33 et n035; rapport Gelissen et van
Staveren, nos40 et 41). *
En outre, les experts Gelissenet van Staveren ont montréque l'étatdu
fondsde roulement est dénuéde toute signification lorsqu'il s'agit d'ap-
précier la solvabilité des entreprises de production et de distribution
d'électricité.Il en est si bien ainsi que de 1956à 1966,comme le démon-
trent ces experts, età la seule exceptiond'une seule année,1962,le fonds
de roulement moyen desentreprises privées d'électricité américainedsont
les résultats sont publiés, commeje l'ai dit, a été constamment négatif,
sans bien entendu que jamais personne ait prétendu en déduireque ces
entreprises étaientinsolvables et devaient êtredéclaréesen faillite (no'42
et suiv.).
Dois-je rappeler aussi àla Cour qu'il résultedes rapports des mêmes
experts que le Gouvernement belge a consultés et des chiffres incon-
testables qui résultent des écritures comptables que la sociétéa réalisé
constamment de 1941 à 1947 des bénéfices considérables, puisque, après
avoir apuréuneperte héritéede la guerre civileet qui s'élevait à 3600ooo
dollars, ellea pu réaliser enviro20 oooooode dollars de bénéficess,omme
qui doit êtreramenée à 19 250 ooo dollars si l'on veut faire un compte
exact et rendre en considérationla diminution des charees accordéepar
1,:~ouv~~;ii~iiientîpngiiolaux ciitrsprisi.ç qui a\,aiciit <!CS11crtcib~r
lesfaits dc la guerre civile.
fout cel:~.t:tiit ixis en considcrntioii. il subsiste uri L.cn;ficctotal in-
discutable de 19 2io ooo dollars. Et ce qui est particulierement caracté-
ristique, àla veille mêmede la faillite, pour la dernière annéeentièrepré-
cédantla faillite, le bénéficepeut êtreévalué à environ 3 700 ooo dollars
(rapport Gelissen et van Staveren, no 33, p. 30). MM. Peat, Marwick et
Mitchell faisant dans leur rapport des prévisionsextrêmement discuta-
bles-etque jen'entendspasexaminer iciparceque ceserait horsdepropos
-MM~ - ~ -~t. Manvick et Mitchell admettent eux-mêmesnue le bénéfice
mo!.cn de I'eiis,:niblr dr l'entreprise pour Ici pro cl id ^;iic;çs pourrhit
Ctrede I'ordrcds 1 niillions dc dollnrs unr an no'l34 ;4101.
Tout ceci confirhe ce que nous savions déjàpat'ii comparaison de l'ac-
tif et du passif: qu'il ne peut êtrequestion de parler d'insolvabilité dans
lecas de iaBarcelona Traction.
Qu'ilne puisse êtrequestion d'insolvabilité nousen trouvons encore une
confirmation, s'il en était besoin, dans un de ces documents déposés
par le Gouvernement espagnol au Greffede la Cour et qui concerne tou-
jours ce mêmeprocès de la Sidro contre le comitéPrior Lien dont j'ai
parlétout à l'heure (Blue Book,vol. 1,p. 87); ilest ditdans cesdocuments
que le Dr Rodriguez Sastre, avocat espagnol de ce comitéqui avait été,
comme je l'ai signalé, élupar les votes du groupe March, qui était néde
l'initiative du groupe March, l'avocat Sastre a déclaré - je traduis de
l'anglais à vue : oque l'entreprise en Espagne n'était pas insolvable
et que depuis la désignationd'un receivmespagnol son revenu a grande-
ment crù en dépitde la sécheresse ».Par conséquent,voilà un élément,une PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
131
appréciation non suspecte qui vient confirmer qu'il ne pouvait pas être
auestion d'insolvabilitédela Barcelona Traction.
De même,dans leur Joint Advice on Evidencedu 16mars 1951, tou-
jours dans la mêmeprocédure,les avocats anglais de cecomité,MM.Settle
et Wheeler, mentionnent que les bilans de la Barcelona pour les années
1935 à 1946 inclusivement montraient indiscutablement o Barcelona as
being solventn (BlueBook,vol. II, p. 8).
Par conséquent, je crois qu'en cequiconcerne le premier critère il ne
peutpas y avoir le moindre doute: iln'était certainement pas applicable.
Or, Messieurs, ceci est important, car lorsque vous relirez le jugement
déclaratif de faillite, vous verrez que c'est essentiellement l'insolvabilité
prétendue de la Barcelona Traction que le juge de Reus a cru devoir re-
tenir.
Passons maintenant au deuxième critère: la cessation des paiements
avecles caractères qu'elle doit avoir suivant la décisiondu Tribunal su-
prêmeque j'ai citée.
La cessation des paiements ne subsistait en 1948que dans la mesure où
sation des paiements partielle due'àvcette cause accidentelle, totalement
étrangère àla société elle-même q,ui empêchaitle paiement du service
des obligations en livres sterling. Et cette cessation des paiements aurait
d'elle-mêmepris fin en 1948,sile Gonvernement espagnol n'avait pas fait
obstacle, à la demande de March, la Cour le sait, à l'exécutiondu plan
d'arrangement qui avait été approuvépar les obligataires et sanctionné
par lesautorités judiciaires de l'Ontario.
Mais, mêmeen ce qui concerne ces obligationsen livressterling, l'inter-
ruption des paiements due à cette cause accidentelle touà fait étrangère
à la sociétéet imputable an Gouvernement espagnol lui-même,cette in-
terruption n'étaitni définitiveni surtout irrémédiable.
En effet, les restrictions de change espagnoles, par leur nature, comme
toutes les restrictions de cegenre, étaient temporaires. Il est exact qu'elles
étaient en vigueur depuis plus de dix ans mais on s'attendait,à l'époque
où nous nous tsouvons, à ceque leur application fût assouplie.
1.erapport du conseil d'administration de la sociétépour 1946, que le
requérantavait joint leur requêteet que le juge a donc eu sous les yeux,
expliquait qu'un plan d'arrangement avait étéproposé,avait étéaccepté,
avatt etéapprouvé(A.C.M.,vol. VII, no7,p. 45).
Cesrenseignementsdonnés par leconseild'administration et qui étaient
parfaitement exacts faisaient apparaître que les obigataires n'avaient
nullement perdu confiance dans la société.11n'y avait certainement pas
cet élément quel'on appelle en droit belge l'ébranlementdu créditet qui
est essentiel pour qu'on se trouve en présenced'une cessation des paie-
mentsentraînan~~-~~ -~~ -~~--~
Les créanciers obligataires n'avaient nullement perdu confiance dans
la société~uisou'ils avaient acce~téde recevoir. en échan-ed'une ~artie
de ce qui lêur&ait dû, desactions de la société'
D'autrepart,le tableaustatistique joint aurapport faisait apparaître que
le groupe disposait de liquidités s'élevanàprèsde 14 millions de dollars
en monnaie espagnole. L'existence de ces liquidités,mise en balance avec
lesintérêtsarriérésquiatteignaient 9millions de dollars, montrait que dès
que la réglementation espagnole des changes serait assouplie la situation
serégleraitsans la moindre difficulté.
Cesliquiditésen monnaie espagnole, immédiatement disponibles, sauf132 BARCELONA TRACTION

les restrictions contre lesquelles nous ne pou\.ions nen, ont d'ailleurs
existéde maniérïconstante depuis 1940ius<iu'cn1447;c'est cequi rksulte
encore des ramorts d'ex~ertL~rodtiitsüaÏle GouGrnement beiee. Les
sociétésdu gr8;pe de la Barce~ôna~rac'ion ont, à tout moment, possédé
pendant ces sept années desdisponibilitésen pesetaslargement excéden-
taires Darra~üort aux besoins de leur ex~loitâtion. sous Torrnede liouidi-
tésen 'banq&: se sitiiaiit entrii million; dédollar'sen 1941et I j37 '5o
dollars en 1947 (rtipport Çelissen tt van Stavcren. p 33) dors que le
iliontant dcs iotérétsarriérésétait constamiiiciit irilérieur.et de loin,A
ces chifires. Pour 1946,par excmple.année particuliérenicrit importante
A reteriir. les disponibilitit:iicntde 14900 ooo doll:irs alors que Icj in-
térctsarricrds citaient deIO 500ooo dollars. Si mèmeoii aioiitait ices iri-
térêtsla dotation à faire aÜfonds d'amortissement des obligations, soit
3 500 ooo livres sterling suivant le rapport de MM. Peat, Manvick et
Mitchell, en toute hypothèse, la sociétéétait toujours à mêmede faire
face instantanément à cespaiements.
paiements <,définitive,généraleet complèten, comme l'exige l'arrêtduon des
Tribunal snprémedu 27février1965?Il me semble qu'on ne peutpas dou-
ter de la réponse. C'estnon. Il ne pouvait donc pasètre question de faillite
sur la base de cesecond critèrepas ~lusaue sur labase du ~remier.
ï'clle étant la situationvéritabl cerifiil,coriiiiient le t;ihunal dr Reus
va-t-il essayer dt:jiistificr s:id<'cis(An11..vol.II.noj6.)
lene vais Das \.eusrelire celle-ci. Jlesiicurs. ie nie bornàrla résumer
an& objectiGement que je lepuis. .,
Je crois que les motifs du jugement peuvent se réduire à trois: le juge
fait valoir tout d'abord que la cessation généraledes paiements résultedu
bilan de 1946qui révèledes intérêtsen retard s'élevant à 8 426 ooo dol-
lars. Cemontant important, dit-il, accumulédepuis onze ans, révèle,je
citetextuellement, un nétatdéficitaire iic'est-à-dire l'insolvabilité.
Deuxikme motif: le plan d'arrangement que le juge qualifie erroné-
ment de cprojet d'arrangement »;cen'étaitpas unprojet,c'était bien plus,
c'étaitun plan acceptéet approuvé. Ce prétendu projet constitue, dit le
juge, un aveu de l'impossibilitéde payer. L'impossibilitéde payer, c'est
encore l'insolvabilité.
Et enfin troisième motif qui est, si je puis m'exprimer ainsi, un motif
d'ordre plus technique: la Barcelona Traction a laissépasser le délaide
quarante-huit heuresprévu à l'article871 du code de commercepour pou-
voir se déclareren état de suspension de paiements - ce qui, d'après le
tribunal, entraîne automatiquement pour les créanciersla possibilitéde
demander et d'obtenir lafaillite.
Voilà lestrois motifs de la décision.
La Cour remarquera immédiatement que le jugement ne tient aucun
compte de la cause, pourtant clairement exprimée dans les documents
dont le tribunal a étésaisi, de la suspension par la Barcelona Traction du
paiement desintérêtsdesobligations Prior Lien et First Mortgage.
De même,aucune allusion à l'existence de disponibilités en Espagne
suffisantes pour couvrirtousces arriérés; aucune allusion non ~lusau fait.
pourtant remarquable, que l'exercice 1946 s'est clôturépar Ln bénéfice
net de z 374ooodollars.
Par conséquent, indifférencecomplète &l'égardde la situation finan-
cikreréellede IaBarcelonaTraction. indifférenced'autant DIUS étonnante
que, comme je l'ai soulign6, c'est la'notion d'insolvabilité'quiest retenue PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I33
Darle iuee. 11relèveaue la sus~ension en da ntonze ans et demi du aie-
knt deyintérêtscoktitue unétat irr&uiicr et "deficitaire ».L)eniéAie il

interpréte le plan d'arrangement comme ré\félateurde 1'simpossibilitédt-
'av,Î B.Et c'étaitd'ailleurs aussi sur cette notion d'insolvibilité aue les
requérants. les Iiommes de paille de Juan .\l:~rcli,~'2taiciit fondésdans
leur requéte. Ils faisiient état dans cette requéte de la situation d'insol-
vaKitéque nous avons signaléeplus haut, ajoutant, et ceciest un écban-
tillon du style bizarre de la requête:
le capital qui est lj.pour les bénéficesne veut pas étre lipour le3
perte5 et veut les faire retomber sur lecréancier a.

C'estdoncl'état d'insolvabilitéqui était invoquéet c'est l'étatd'insol-
va~ ~~ ~ ~iest retenu.
Or, 11~ssieur.i,je crois\'OUS rivoir niontré,d'une m~niére j'ai la fni-
blesscd~~croircirrl:futable.qu'il nepoii\.:~itp.îsêtr~q .uestion eparler d'un
etnt déficitniri.(le In H;irceloiiaA cc moment. 11!. a\.ait simplerneiit une
interruption momeiitan+e, une interruption tvinl~oraircdu service de ccr-
t;~ineîoblicntioiis p:ir I'cffctdt l-.pplication de la I-~islatioisp- -ole drs
changes.
D'autre part, il est singulier que le juge retienne à l'appui desa décision
le bilan du dernier exercice sans tenir compte du rapport joint à ce bilan
et annexéégalement à la requête,rapport qui, comme il est de règledans
les sociétés par actions, éclairaitla portéeet la significatioii du document
lui-même.
En agissant ainsi, le juge ne se conformait pas à ce qu'il aurait dû faire
suivant la loi espagnole et le professeur Garrigues n'a pas manquéde sou-
ligner cette irrégularitédans sa consultation. page 15.
De mêmeaue de nombreux autres svstèmes iuridiaues, le dr.it e.Da-
gnolîonn~ir l;r>glc selon laquelle l'a\.<u,In rec&nnaissnnic faite par une
partir, ne peiit pas ètre Ji\.isi. contre elle; cette régleest coris:~cri.~ par
l'articleir?0- 111c1ode civil et. comme le dit le ~rofesseur C;:~rrimu ,IDic-
fanien, p. 15).cc ri'est qu'ail prix d'une grave ~écoiiiinisiaiiced? cc prin-
cipe fond;imentnl di1droit de 1.1prou\%!que l'on peut considcrer le bilan
de la SOCIP~ conimc constituant I'aveude lacess3tioneénéralede ses Daie-
ments; il faut pour cela faire abstraction du rapport Quiaccompagnait ce
bilan et qui en éclairaitla signification.
-~ d~~ ~ ~emotif est déduit du ~land'arraneement.Del'existencede
ce plan, qu'à tort le juge de Reus Considèrecomme un simple projet, il
prétend déduire encoreune fois un aveu de l'étatd'insolvabilité.Cecire-
Dosesurune erreurerossière: en effet. si une oro~osition faite Dar un dé-
heur à sescréancierspeut êtreconsidérée cÔmmeun aveu d'ui état d'iri-
solvabilitéou de cessation des paiements, en revanche lorsque cette pro-
position est acceptéepar ceux & qui elle est faite, lorsqu'un-accord intef-
vient, la situation est toute différenteet la preuve est faite que ce débi-
teur n'a pas perdu son créditet qu'il ne peut êtrequestion de le déclarer
enfaillite.
I'arconscquent. I:Iméconnai~saricedes f:iitsciitr:iiii:iit é\~ideriiiiieiitnc
erreur dS:ippr;ciation nianifcste.
lx troi.iiCmemotif vst ce motif d'ordre DIUS techniouc que i'ai rcsumé
ily a quelques instants. Il n'était pasmoini choquant. . ..

Suivant le juge de Reus, la faillite résultait ou devait résulter auto-
matiquement, en droit espagnol, du seul fait que la Barcelona Traction
n'avait pas fait usage de la facultéque reconnaît au débiteurl'article 871I34 BARCELONA TRACTI0.V
du code de comnierce de se dcclarcr eii suspension de paiements Jans le
dl'lai de qunrnnte-huit heures sui\,ant I'écliénricd e'une obligation qii'il
n'aurait pu reml~lir.Voicile tcstt. (lecct article:

uLe commerçant qui possède des biens suffisants pour couvrir
tout son passif pourri rg;ilcment ie constituer cn Ctxt <Tc siispeniion
de p;iicriieiitstl;iiisles qii:ir;iiite-liriit 1i~ure.ssuI'C~liC:iiid'une
obligntii,ii i 1;iquellil ii';iur.tit p:is ;:itisf.iit.
C'estunedeces dispositions, Messieurs, à propos desquelles il existe des
controverses. II y aurait beaucoup à dire sur la question de savoir si cet
article est encore en vigueur depuis la promulgation de la loi du 26 juillet
1922suria sus~ensiondespaie~ents. Iiv aurait beau cou^ à dire aussi sur
I.;I>~rtCrreelléde cette (li;po~itioriii:.iicette foisencore'.je puis rassurer
In (:OUT1 , 1011lsie de\'rons pxi I'in\itt.A faire ce qii'elle nc souhaittr:iit
certainement pas, à se sur des controveises de droit espagnol.
carcette disposition étaitsans aucune application possible à la Barcelona
T...-i.- ...
Eii i:fietà quel titrc cette sociStcqiii ii't:n Ejp:~giieni ion sit!gzsocial
iii;iiiiun SiCgci1'cxpluit;itioii:irliiel titrc aiiriiit-c<lif:iire eii I<jpiigiie
uiic (1ccl;ir;itiondu genre de celle que préviiitI':irticl<:871.une d6cl:ir;i-
tion de suspension des paiements! Devant quel tribunal pourrait-on
imaginer que la Barcelona fasse une telle déclaration en Espagne? Ceci
suffit déjà à démontrer qu'il ne peut êtrequestion d'appliquer cette dis-
position en l'espéce.Ajoutons, pour êtrecomplets, que l'article 871sup-
pose qu'un délaide quarante-huit heures se soit écoulédepuis l'échéance
d'une obligation. Sur ce point, ily a eu une interprétation pasticulière-
mentautoriséeduTribuna1 suprême-27 février1889 :pour que com-
mence à courir le délaide auarante-huit heures ilfaut oue I'obliea-ion non
iculeinciit ,oit veniir. i Cclié:ina:em. ;iis rlu'cll;kitfa;t 1'ot)jt:til'urie dr-
mande cffc.ctivede paiement. Qu'interprCtant corrcctement, dit cet rirr2t.
1,:st:iiietI:i~ortécde I'articlt:S71. il s'cndïiliiit <iiic»Our<iu'uriconiiiicr-
Gant puisse Sedéclarer en état de suspension depaiémenk, il n'importe
pas que quarante-huit heures se soient écouléesdepuis l'échdanccd e'une
qui ii'a pas étéréclamée,car ce n'est que [orsque son exécutioii
et qu'elle ne peut êtreobtenue que I'onpeut dire en rigueur
qu'elle n'a pas étéremplie. Et cette doctrine est confirméepar un arfêt
postérieurdu II février 1895,qui est tout aussi net, qui exige la réunion
de deux conditions: que l'échéance soit arrivéeet que le paiement ait été
réclamé.
Or. .amais lescréanciersde la Barcelona. titulairesde criiancesenlivres.
ii'oiirC~l.~iiile p:iiciiient dt?;iiit~;rCt:irri<rcj de la seule f:iqondolit ils
a\,.iicnt Ic(Iruit dc Ic f:iire, c'cjt-'i-dirc cn prCsentaiit <iour>onj I'rii-
caissement. Le sim~lefait que ces cou~oniétaient échuset aue la société
ne les a pas payés ie suffisdt pas, d'ai>rèsl'article 871 interprétécomme
ie l'ai dit, pour que I'on dût appliquer la sanction que le juge.de.Reus
prétend applique; (R., V, par. 499):
A cet égard, le Gouvernement espagnol a fait valoir dans une annexe
au contre-mémoirequ'il y avait eu présentation en bonne et due forme en
1940par M.Montafiés(A.C.M.,vol. VII, no 24, p. 135). Il s'agit de tout
autre chose. LeGouvernement espagnol fait allusion àune tentative pure-
ment privee que M.Montafiésa faite à cette époqueauprèsde M.Lawton
en vue d'obtenir que l'intérêtde certaines obligations First Mortgage
qu'il détenait lui fût régléen pesetas. On lui a donné des explications au PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
135
sujet des difficultésjuridiques que soulevait cette demande et il a renoncé
à poursuivre ses efforts. Ce n'est pas là réclamer lepaiement au sens où
l'entend la jurispnidence qui interprète l'article 871.
Je pense, Messieurs, que ces quelques considérations qui sont d'ordre
juridique mais qui sont aussi commandéespar le simple bon sens suffisent
à démontrer combien était exorbitante la p~étention émisepar les re-
quérantsdans leur requêteet accueillie par le luge, que la Barcelona Trac-
tion n'aurait pu échapper à la déclaration de faillite que si elle s'était
présentéeen état de suspension des paiements en Espagne. Tout cela est
purement artificiel, purement imaginaire.
J'ajoute une dernière observation au sujet de l'absence de réuniondes
conditions légalespour que la faillite pût êtreprononcée.
La faillite d'un étranger quin'a pas son domicile en Espagne ne peut
rationnellement êtreprononcéepar un tribunal espagnol ques'il constate
un état de cessation des paiements en Espagne (R., V,par. 499).Il en est
ainsi dans tous les pays qui adoptent en matière de faillite le principe de

la territorialité, C'est le cas pour l'Espagne, c'est le cas aussi pour la
France. Or, comme le font remarquer des auteurs, on ne voit vraiment
uas auel intérêtil v a à prendre en considérationdes manquements d'un
débi{eurrelevésài'étraiger aussi longtemps que le débiteir exécutecor-
rectement ses obligations à l'intérieur du pays. Des manquements à
l'étranger n'intéressentpas les créanciersnationaux et c'est àinsi qu'un
auteur qui fait autorité en la matière, et spécia!ementen ce qui concerne
les faillites en droit international,Travers, enseigne,dans un passage déjà
citédansnotre réplique(R., V,p. 353),que la faillite nepeut êtredéclarée
en France et, pour les mêmes raisons,en Espagne, puisque c'est aussi un
pays qui adopte le principe de la territorialité de la faillite, que si la ces-
sation des vaiementss'est manifestéeen territoire français.(Tr.ité de drozt
co,>rmrrrirrii~rtrrnatio>~alr,. 'Il, f. 1, p. 127) ..i.<.ç.,:iriuri.<d<apaic-
nienii qui nc rçn~l~liii<-iit ccttc conrlition, dit 'l'rî\.crj, son1ssns iiit;-
rêtpou; l'économiefrançaise.
Or, Messieurs, la Rarcelona Traction n'a certainement jamais cessé ses
paiements en Espagne. Les intérêts desobligations en pesetas ont eté
réguli&rementpayés. Sans doute les versements quj devaient êtrefaits
au fonds d'amortissement avaient étésuspendus mais cela avait étéavec
le plein accord du trustee,la Westminster Bank, à l'égardde qui cette
obligation de faire des versements au fonds d'amortissement avait été
contractée. Il ne s'agit donc pas là d'une inexécution (R., V,p. 354).
Quant au paiement des obligations Prior Lien, il devait se faire en
Grande-Bretagne et non en Espagne,desorteque la suspension du service
de ces oblie<,ions ne uouvait uas êtreconsidérée à aucun éeurd comme
iiiic cuspcn.:ion dcj I,:,iemcnts t-n L;ipn<ii+.
I?cjtcnr .il31 1c;ol>lig.nriu~i~ i~>r.IIo~rqtqrclont 1'iritCr;Gtdit dl? .ru
chi,is di1Dort<ur cn I<ivadni..en (;i:iriil~-l~ri!r. ci~F~~!,ice oucn H<I-
gique. ~&r ces obligadogs-la aucun porteur nr;vait jamais présenté ses
coupons au paiement en Espagne ni d'ailleurs dans d'autres pays. Or, la
préientatioi était la condition préalable pour que l'on pûtdire que la
sociétéétaiten défaut depaiement et il est bien évident, dans ces condi-
tions, que l'on ne peut parler d'une cessation des paiements en Espagne,
ce a,i. abstraction faite de toute autre considération. devait exclure la
i~illiipour ivrtc zocii't<i:tr.ingirt- ii':i\-1nî ion donii:ilc en I7qri:rlt,.
1lSinc siI'oiifaitabîtrnctiurl rleic quc ]'aiclilail juj~r (le I'inixiîtîn~e
dz 1'iri;r~li.ahilct de la c~-si:~tii~drris p;ii~~mriirsl,e f~itqu ils'agis- BARCELOSA TRACTION
136
sait d'une sociétéétrangèren'aytnt pas de domicile en Espagne et qui
n'avait en tout cas pas cesséde paiements en Espagne,devait suffirepour
fairerejeter la demande.
Je crois pouvoir en conclure que le tribunal de Reus, en déclarant
néanmoinsla faillite de la Barcelona Traction, a manifestement fait une
application grossièrement erronée desdispositions de la loi espagnole.
Je passe maintenant au troisième grief de la premihre catégorie: les
conditions dans lesquelles a étéordonnéepar le juge de Reus la publica-
tion dujugement déclaratifde faillite.
Ici également nous sommes en droit de reprocher à ce juge une illéga-
lité grave. Les prescriptions de la loi espagnole en ce qui concerne la
publication du jugement déclaratif de faillite sont claires et précises.
L'article Io44 du code de commerce de 1829 énoncetoute une sériede
mesures qui doivent êtreprises après la déclaration de faillite et parmi
elles, sous le quinto, figure la publication du jugement. Dans les termes
que voici, le tribunal doit ordonner- je cite le texte en traduction fran-
çaise:

«La publication par annonce dans la localité du domicile du
failli et dans les autres localitésoù le failli a des établissements com-
merciaux ainsi que l'insertion dans le journal de la place ou de la
protlnce, s'il y en a. »

Cette publication, Messieurs, présente à toute évidence une grande
importance pratique: d'une part, elleinforme les tiers, elle porte àla con-
naissance des tiers le fait de la faillite, d'autre part, elle fait courir le
délaidont dispose le débiteur déclaré en faillite pourfaire opposition au
jugement.
La Cour remarquera immédiatement que l'article 1044 du code de
commerce dont j'ai citéle texte ne fait aucune distinction selon que le
domicile du faillise trouve en Espagne ou à l'étranger.
Où était le domicile du débiteur dans le cas de la Ba~~~~-na Traction.
soiiétéenregistréeau Canada et soumise au droit canadien? Ce siègesi
trouvait à Toronto. C'est donc indiscutablement là où se trouvait le do-
micile de la sociétéqu'aurait dû avoir lieu la publication par annonce
imposéepar l'article 1044 quinto.
Et pourtant, chose surprenante, lejuge de Reus, suivant toujours doci-
lement les indications de la reouêt,. n'.rdonne nas la oublication du
jugeincnt p3r an1101ice à 'roronto. II ordonti~ a; contrGrc, ce que lui
demanditit la requCtc. 13 piiblication du jugement au UII~FIIII 08ciel de
Tarraeone.chcf-lieu de I:i)ro\,incc oùsc trouve le tribun:il. en iustifiant
cette décisionpar les mots'suivants: «Vu que le domicile de'la sbciétéest
inconnu »: et, le même jour.ila suite d'une nouvelle demande présentée
par les requérants, sans d'ailleurs qu'aucun motif fût invoqué à l'appui,
le tribunal prend la décisiond'ordonner également la publication dans la
province de Barcelone (A.M.,vol. II, p. 293).
Les deux extraits oui furent effectivement ~ubliésdans le Bulletin
oflciel dc Tarragorie ei dans celui de la provincéde Barcelone invitaient
routes les personnes au pouvoir desquelles se trouvaient des perleneir-
cins de 13 société faillidc le dkclarer Darune note ou'elles remettront au
commissaire, M.Fournier Cuadros a.
Mais pas un mot, dans ces deux avis de publication en Es agne, au
sujet des dispositions du jugement qui ordonnaient l'ocupaci cn'et, par PLAIDOIRIEDE hl. VAN RYN
'37
voie de conséquence,l'inclusiondans la masse faillie de tous les biens des
sociétésEbro et Barcelonesa.
Cette omission est d'autant plus surDrenante aue ~ratiauement tous

les biens de ces deux sociétés & trouvsent en ~S~agneetaque de nom-
breux tiers avaient évidemment intérêt & connaître la décision prisequi
allait se traduire-comine j'aurai l'occasion de le montrer à la CourA-
quelques jours plus tard par la prise de possession effective de leurs
actifs.
Mais c'est surtout le motif invoquépar le juge qui doit retenir notre
attention.
L'affirmation suivant laquelle le domicile de la sociétéétait inconnu,
e~-~tout àfait inadmissible.
Les rcquér:~ntjavaient signale au jugc dans I;ircqui-te que la sucietr
n'avait pas clc ~lomi~.ile cn Espdgne. Le liige repreiid cïttc iiidic:ttion
~ ~ ~~~ ~ iiiutifi dess décision.niais il1:iI;iisiii\.rt:dans le diii>ositifde I;i
coiist;itation que le domicile de la soci6tL:est inconnu. C'est 13.\.r..~irncnr.
f;iire preu\~ de be;iiicoup de <Itsin\.oltur<:.
Le moiiidre seti.;de ses r~s~)unsal~iliil:n~~r:iiJ til. nous st.niblc-1-11i,wn-
duire le juge à se faire indiquLr par les requérants le domicile de la société

à l'étranger,si du moins il n'avait paseu le temps de lire les piècesqui lui
étaient remises par les requérants. Car s'il avait ouvert le dossier, il au-
rait constatéque le domicile de la Barcelona Traction étaitparfaitement
connu puisqu'il figurait en toutes lettres à la premièrepage durapport du
conseil d'administration, produit par les requérants eux-niêmes.
On y lisait en effet: «Head Office, 25 King Street West, Toronto,
Canada. »
Mais on comurend l'intérêa tu'avait Tu"n hlarch à ce aii'au lieu d'une
public.ttioii rCg;lierc :lu ji2gc <lela soiict<:,le ]ugc ordoiin~.;eu1~.111c nIC
oublication plu.;discréie,dans la proviiice de l'arragoiie rt dans ccllr dr
~-~ ~lone comme il le lui demandait.
En omettantde publier les mentions relatives à la saisie des biens des
sociétés Ebro et Barcelonesa, onespéraitéviterque ces mesures sans pré-
cédent reçoivent un retentissement plus grand encore par la pub1i;cité
qui leur serait donnée. Sans doute aussi, comme les événementsulté-
rieurs l'ont démontré,hlarch comptait-il amener la société faillie à penser

ox~ ~n i'absence de nublication du iuee,ent au Canada. le délai ~'O..O-
jition n'l\,nit pns c;>ninieiicé i coiiiir, :ilt,IIILVIiii-niCni<::oinprnit hiin
faire ~czepter la thhsi:i>l>l>oj< yclr lei trihiin.iii~, bie<IIIL~:ett~tl~cscii~t
c~~i~l~!iniiiciiit ,iic~vtnblc cl1 ~>rt:s?nce,lc 1'1ir~c1iI:~rit~~vi~leiite cl2 l;,
put>licntioii, iiiiiti\.i.;: p.ir iine :itliriii.iriuii quc le <Ic\:iit.;:i\,$>111-
exacte. L'netellepiib1ic;ltionn':ipuCvideiiiiiii.iiti;iirccoiirir Icilcl:~id'oppo-
iitiuri C'rt iiiinoint trhs iniDort:iiit siIr Icaii<:IIlc l?uliii revi~iidriic:;r-i-
sairement lorsq;'il traitera dela quatrième exception.
Une violation aussi évidente de la loi espagnole, dont le prescrit est
formel, violation reposant surune contre-véritéaussi manifeste, tout cela
ne pouvait manquer de susciter de la part du,Gouvernement belge, dans
les écritures, des critiques parfaitement justifiées.
Ces critiaues varaissent avoir embarrassé, on le comprend. le Gouver-
nement esiagn61 et cet embarras s'est traduit par la présentation de
diverses thèsessuccessives que le Gouvernement belge a relatéesdans les
écritures (R., V, no'506 et 507).

Il y a encore dans la duplique une ultime variation: il semble en effet
que désormais(VI,no 202), contrairement à ce qui avait éti:exposk dans13~ BARCELONA TRACTION

le contre-mémoire (IV,p. 329) (R., V, no~II), le ~ouvememeni espagnol
n'entende plus justifier la régularitéde la publication par la considération
que la Barcelona Traction aurait eu en quelque sorte un domicile réel en
Espagne. Le Gouvernement espagnol avait essayéde soutenir cela dans
le contre-mémoirepour justifier, par des motifs tout à fait différentsd'ail-
leurs, la décisiondu juge de Reus. Cetteprétentionsemblantabandonnée.
il n'est plus nécessairede l'examiner.
Le Gouvemement espagnol a commencépar venir au secours du juge
de Reuspour tenter d'expliquer cette décisionapparemment inexplicable.
Maisl'explication que tente le Gouvernement espagnol est bien décevante
(C.M.,IV, no134,p. 328) :il parait - nous dit-ou - que lorsque le juge de
Reus, après avoir eu connaissance des documents de la procédure, et
avoir su par la seule pièce qui lui était soumise que l'emplacement du
siège social était au Canada, ilparaît que le juge a voulu simplement
indiquer que la sociétén'avait pas de domicile connu en Espagne. Cette
explication n'est pas admissible. Il suffit de relire le texte du jugement:
«en vista de no ser conocido el domicilio de la sociedad quebradan; rrno
ser conocido eldomicilio 8: étant donnéque n'est pas connu ledomicile.
Il est im~ossible d'intemréter ces mots comme simifiant iiétant donné
que In ;oEir:tt:n'? pli dc'doniicilc c<iiiiiu,:IIE..~>.I~I.I.;.
Le Guu\.ern~.incntcip~gnol, se rciidan~ conipti: \~raii;einblableincntcle
ic que c?trc ~~i[~rprt!tatiu~ iit difficilement;outeiiible, j'cjt citurc4 loii-
g~iciiieiit, d:tiia les ébritiirra, de sut~~tittic<Lce motif d':iutrcj niotif>
auxquels le luge de Rcusn'a ccrtei ianinii soiic&- CI qui d'iiillcursmanquciit
de tout fondement en droit.
L'argument di.rnicr cn date, iii\,oil1i2.iin;i par 1,:Gouvt rnement capci-
gnol, con,istc i dire ,]ticIdpiiblication prescrite pr I'lrticlc ro4ddu cuilc
clc coinriicrcr de idzc, ;oii,tittie uiic i~i,iiiiics:,~tiuiide I'in~hrriwn. b:t
I'imperium ne peut sémanifester qu'en territoire national, en sorte que
le iuge ne pourrait ordonner de publication que sur le territoire national
ICrM:.IV.2 138.D.370, D....I; .o. .,4,,Dèilors - conclut le Gouverne-
nient cipagnol - aucunt: pul~licntion nc poii\.~it iiinc cle\.nit crrc ur-
donn?c iu lieu dii domicile CI< la H;,rccluna I'r~ctiun.
C'est la une affirmation matuite: l'affirmation selon laauelle les réeles
relatives à la publication des jugements de faillite ne pourraient sortir
leurs effets en dehors du territoire national ne repose suraucune démons-
tration mais sim~lement sur des alléeations.
Le Gouvernement espagnol se botne à affirmer que toutes les mesures
imposéespar le jugement déclaratif de faillite. en vertu de l'article 1044
(toute la &rie démesures et non pas seulement la publication prévueau
quinto decet article), ont nécessairementun caractère temtorial.
Ici encore l'affirmation est purement gratuite et l'on peut ajouter
qu'eue n'est pas conforme à la raison et à la logique: la publication du
jugement, étant donnéson but et étant donnésa nature - que je me suis
permis de rappeler tout à l'heure -, doit, au contraire, avoir lieu, le cas
échéant, à l'étranger, du moment que l'on admet qu'un débiteur ayant
son domicile à l'étrangerpeut êtredéclaré enfaillite en Espagne, ce qui
est la thèse du Gouvemement espagnol. Si l'on soutient cela, il faut nor-
malement en déduire que ce débiteur. comme tout autre. a le droit de
voir respecter les dispositions de la loiespagnole an sujet dela publication
du jugement au domicile du débiteur failli.
Mais je voudrais ajouter encore une observation au sujet de cet argu-
ment: il est étrange que le Gouvernement espagnol soutienne ainsi qiie PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I39
toutes les mesures prévues par l'article 1044 auraient nécessairement un
caractère territorial. Je dis que c'est étrange,parce qu'il me paraît qu'en
se prononçant ainsi le Gouvernement espagnol verse dans une contra-
diction. En effet. ..armi les mesures rév vueD sar l'article 106.. f-mire la
N svisie.~(ociipacian).Or, le ~ouveriiei;ient zspngnol souticnt longiil-ment
que I'ociipucrdnordoririéep:ir Ic juge cspagnvl en vertu dc I'.irticle 1044
puuvait et dcv;iit porter 3USSl sur les bieii~se trouvaiit ;<IIC:inrid;t.Ptir
cons>quént.:ipplicatioii cri deliors dii territoire eip:ignol. II y ;1 Ii uiiç
coritrttJiction qui iiie parait. quant j.niui, diificilemcnt explicable.
Le contre-memoire-insistait aussi sur une distinction à-faire entre la
publication d'un jugement et sa notification et il reprochait, avec une
certaine véhémence.au Gouvernement belge de confondre ces deux no-
tions, s'efforçant de démontrer que la première - la publication - et la
première seule, serait un acte d'une portéestrictement territoriale (C.M.,
IV, no 138, p. 330).
Nous avons répondu dans notre répliqueque personne n'avait jamais
songé à soutenir que la publication du jugement et la notification de ce
jugement par l'une ou l'autre voie prévuepar le droit judiciaire interne
ou par le droit international seraient une seule et même chose.
Bien au contraire, nous avons soutenu que le jugement déclaratif de
faillite qui devait êtrepubliépar annonce au domicile du failli aurait di3
aussi faire l'objet d'une notification (R., V, par. 512 à 514). et que l'ab-
sence de cette notification était égalementune illégalité.
Mais quoi qu'il en soit, on n'aperçoit pas pour quelle raison, du fait
ou'il s'agit dedeux institutions différentes (publication et notification) il
~udrniïcli.duire qiic I'iine- la publication'.- rie pourrait avoir lizii ijue
dniis Ii:trrritoire ii.itioii;il dii juge qui l'ordonne, t;iridis que I'au-r1:i
notiticatioii- ~ourrait êtreex;ciitçe en <Icliorsdu trrritoire national. II
s'agit en effet dans un cas comme dans l'autre de formalitésde même
nature correspondant à ce que l'on appelle en droit espagnol, si nous
sommes bien informés,des rtactes de communication II.
tème de publication du jugement déclaratif de faillite en vigueur en Es-
pagne seraitidentique à celui en vigueur dans d'autres pays et notamment
en Belgique, ce dont on paraît vouloir déduire qu'en Belgique, aussi,
dans des circonstances semblables, il nepourrait pas yavoir de publication
à l'étranger.
Ceci est tout à fait inexact en ce qui concerne le droit belge. Aucune
disposition du droit belge n'impose la publication du jugement déclaratif
au lieu du domicile du débiteur. Comme l'indique d'ailleurs le contre-
mémoire,la publication a lieu dans les journaux que le tribunal choisit
librement, eten outre dans le Moniteur belgequi est un journalofficiel. Il
n'y a donc aucune similitude entrela regle suivie en Belgique et la règle
suivie en Es~, ": m~.s nous sommes trèsheureux de cette allusion faite
au droit belge. L.nrcela noiis clonne I'occnsiondc sigiia1t:r 3.In Cour qii'rn
droit belge Icipiibliciti. Jcï jugeniéiitsdéclnratifîde f:lillitei1'Gtr;ingcrest
irorisiJ>rcecomm,?norniiil~. Zcttc ~iil>licit;>est DT~~UL' c~~~essC(ineiip tiir
diverses conventions conclues par fa Belgique (Cloquet, ~àilliteetconior-
dut, n" goo à 903. p:376). et dansla pratique il est fréquentque le tribu;
nal, faisant usage du pouvoir d'appréciation que la loi lui reconnaît en lui
laissant le soin de choisir les journaux, ordonne la publication du juge-
ment dans desjournaux étrangers.
Je voudrais ajouter encore que si le Gouvernement espagnol n'est enI4O BARCELONA TRACTION

mesure d'invoquer, à l'appui de sa thèse, ni une décisionquelconque, ni
l'avis d'aucun auteur, ni aucun raisonnement fondésur des dispositions
légales précises,en revanche le Gouvernement belge est en mesure d'in-
voquer deux cas de failliteinternationale, à propos desquels se sont pro-
noncés lestribunaux espagnols et dans lesquels le juge espagnol a effec-
tivement ordonné la publication du jugement au siègesocial de la société
étrangèremise en faillite, ce qu'il aurait dû faire aussi pour la Barcelona
Traction.
Ce sont les seuls précédentsespagnols que l'on invoque de part et
d'autre et c'est la raison pourlaquelie, étantdonnéqu'ils ont fait l'objetde
discussions dansla duplique, je croisdevoir donner quelques explications
à cesuiet à la Cour.
unepremière affaire concerne une société anonyme Minera de Moncayo
déclaréeen faillite sur aveu en 1>.*Dar un iu.em-nt aui contient le dis-
positif suivant:

R que l'on annonce la déclarationde faillite dans les bulletins officiels
de cette province et de celle de Navarre et Logrono, ainsi que dans
les endroits publics habituels de ...[suit toute une sériede noms de
localitésespagnoles] ainsi que dansla GacetadeMadrid et au Journal
oficiel de Belgique ii.(A.R.,vol. II, no88, p. 447.)
Voilàdonc untribunal espagnol qui,prononçant la faillite d'une société
dont le siègeest en Belgique, ordonne la publication au Journal oficiel de
Belgique, et cette publication a effectivement eu lieu dans le Moniteur
belge(A.R., vol. II, no92,p. 456).
Que répond à cela le Gouvernement espagnol? Il seborne à dire que la
sociétéfaillieelle-même,au moment où elle a faiten Espagne l'aveu de sa
cessation de paiements, avait demandécette publication et que l'avisest

rédigésous la forme d'un avis de ladite sociétéaux intéressés.(D., VI,
no 197,p. 316).Mais il n'en demeure pas moins, et c'est cela l'essentiel à
nos yeux, que c'est lejuge qui avait ordonnécette publication et que, par
so,ii.~>qu~rii. ,jiijir n a\.nir nullcincnt consici;.rJ qiir, ~i>iiiiiic-1ciou-
ticiit Iri;oiiirrn~,rncnt espagnol aujourd hui, la niicssit; de ccttr publi-
cation, 13poisibili16de cette public~tion ç liniitaicri;XItcrritoirc ii;~tiu-
na1sur lequel le juge exerçait son imperium.
En effet, les limites de l'imperium ne peuvent pas dépendre de la vo-
lontédesparties.
Sil'exercice de I'imperium est limitéau territoire national et si, comme
le soutient le Gouvernement espagnol, la publication constitue un acte
d'imperium, la circonstance que le requérant aurait lui-mêmedemandé
une publication à l'étranger,c'est-à-dire une mesure sortant des pouvoirs
du juge, n'aurait évidemment pas autorisé le juge à accomplir cet acte
,i~ ~~ ~i..~~.~ ~nterdit
Psr coiiît:qii~iit. crdii qii'cn d;pit de l'ol,ji.r.tioiidii i;ou\~ern~~iiicnt
c:ip.igriul,liforcc ci,>cc préc>dcritsiihiiste iiitt<grnlemcnt U;iiis cc caj-I:i
1,:ju.:~,c;l>:igno3 f31tt:,ilii';iiir.di1 f.,irIr juge de Rcus tl:tiis le c.~sde
la Barcelona Traction.
Le second précédent concerneune société, Niel-on-Rupell,ayant son
siègeà Anvers et qui fut déclaréeen faillite par le tribunalde Barcelone le
12 avril 1934. Cette affaireest particulièrement examinéedans une an-
nexe à la réplique(no 102) et dansla répliqueelle-même(R., V, nosjog
et 5x1).
Le jugement du tribunal de Barcelona contient l'attendu suivant: PLAIDOIRIE DE hl.VAN RYN I4I

.que l'on publie la déclaration de faillite au moyen d'avis qui
seront affiches dans les lieux publics habituels et seront insérésdans
la GazettedeMadrid et dans le Bdle.?inoficiel delaGéicéralid 16Cata-
logneet dans le Journal des avis de Barcelone u
et plus loin:

iipour la publication des avis correspondants dans les journaux
officiels de Bruxelles et Anvers, que l'on expédiela commission ro-
gatoire requise à l'autoritéjudiciaire compétente pour Anvers par la
voie diplomatique ».

Voilà donc un second cas où le juge espagnol a parfaitement reconnu la
nécessité,lorsqu'il prononce la faillite d'unesociétéétrangAre -il s'agis-
sait d'une sociétéqui avait son siAge à l'étranger,mais qui avait une ac-
tivitéet des siègesd'exploitation enEspagne - considerecommeallant de
soi que la publication du jugement de la faillite doit être faiteau lieu du
si<!ede cette société.
bue répond, au sujet de ce deuxieme précédent,le Gouvernement es-
pagnol dans la duplique? II accuse le Gouvernement belge. et je cite tex-
tuellement, «d'avoir pris grand soin de ne pas dire »que le jugement n'a
pas étépublié en Belgique et ce parce que les autorités belges avaient
refuséd'ordonner la ~ublication de ce iuee,en- a~rèsavoir recu la com-
mission rog.îr<iin:11~I~.icpl;cr ILjiigc e3pagnol,ct i;n conclut : !.ou, i.ui~z
bicii,Irs ;iutorit$s belficsont considcré qii'ils':ifiii;:iitJ une maiiifestatioii
d'imaerium qui ne ~ouvait vas .rodu.rè seseffets en dehors du territoire
espagnol. A
Mais, hfessieurs, il suffit de se reporter aux documents qu'invoque le
Gouvernement espagnol, c'est-à-dire à la réponsefaite par les autorités
belges à cette commission rogatoire, pour constater quela véritéest exac-
tement à l'opposéde ce que le Gouvernement espagnol prétend y voir.
(A.D., vol. II, no67, p. 536.)11estexact que le présidentde la cour d'ap-
pel de Bruxelles, qui reçut la commission rogatoire, a refuséd'intervenir.
Et pourquoi? Parce qu'il se serait agi en l'espèce, comme lesoutient le
Gouvernement espagnol, d'un acte d'imperium ne pouvant, pas avoir
d'effet en Belgique? Pasdu tout, bien au contraire, parce que suivant le
principe unanimement admis en Belgique de l'universalité de la faillite
et de I'unitéde la faillite. les svndics etraneers ou toute autre autorité
;igi>s;iiit;tu noni (Iiimiissef:iiliiel~uu~oiciit"pro<:~clc <r:iix-mCme; 'lcctt~.
~)~ibli<:nfioncH nc:lgiqiics;iiis:iuciirieinrçrv~~ntionrlc: ,iutoritis ]udici:iircs.
a:ommed'aillt iiri. :,iiisi auc icl'.aiiicnalc tout a I'lieui<:.le [ait cour3m-
ment le curateur lorsqueie t;ibunal :ordonné lapublication du jugement
dans un journal étranger.
Par conséquent,loin de contester que l'ordre de publication piit avoir
quelque effet en Belgique, on reconnaissait au contraire le droit de l'exé-
cuter de plein droit, purement et simplement, sans aucune intervention
quelconque de l'autorité 'udiciaire. Il aurait suffi, en d'autres ternes,
d'adresser au Moniteur belo bel'extrait à publier, ce que le Moniteur belge
auraiteffectuesans lamoindredifficulté.
hIessieurs, je vais vous donner la preuve précisede ce que j'affirme. Je
vais vous lire. en m'excusant de cette lecture Darce aue la traduction
fr:injiiie qiii figure dans Icj :irincxesde la dupli<;ucest ;,raiment trk irn-
pnrf:iirc,uii p;,ss:,gcqui \.eus nii>iitrer:iqiic Ici cliusc, sont Inen telles que
JI:vims ci, \,oiii les direI):iiiI;irel:itiiiii qiii e.t i.,itc. dans ce docuni~.iit142 BARCELONA TRACTION
émanant d'une autorité espagnole, de la réponsefaite par le ministère de
la justice belgeà la commission rogatoire, il est dit ceci:

N Le ministère de la Justice a informé celui des Affaires étrangères
qu'il ne peut pas autoriser l'exécution de la commission rogatoire en
question. Suivant le principe unanimement admis en Belgique au su-
jet del'unitéet de I'indivisibilit6de la faillite, le syndic étrangerpeut
dans ce pays effectuer certains actes en vertu du jugement déclaratif
de faillite, car ce dernier a en Belgique l'autorité dela chose jugée.
Par conséquent,les syndics espagnols possèdent à fortiori le droit de
faire publier en Belgique le jugement déclaratif de faillite mais sans
que cette formalitépuisse êtreaccomplie par les autorités judiciaires
belges. 1)
On n'a donc pas besoin du concours des autorités judiciaires belges. Et
les autorités iudiciaires belrres refusent d'intervenir Darce au'elles n'ont
p:is Ir poiivoir clcaf:iirç, riiai; rlli:; oiit soindc clireyiic leur intcrvciirion
est inutil?çt qu'on pciit dc plcin clruitfaire I;Ipiihli;ation. 1)'aiitrc p:irt.
:iffiririeledit dEpartement de ju;ti<:e,ilii'entrt, pas dans1i.çat~iibiitiuiis
du poiivoir 1uJicidirc il':issiiri.rcctti. publicntion et cn cuns;quencc aucun
niagistrnt <IIIRoyauiiic lie PCII~donner siiitv :iunc ~urniiii~~i(iirii,g:.toirc
aui-réclame l'aciom~lissement d'une mesure de ce caractère. Il'aurait
rioni iiili que les organe; cl?1:I:iillitveri\.(iieiit,ou qut. It:tribuii.~l<.iivuic
I'a\.isApublier du .~lu~iil~~hterlgcpour que 13publicatiun ciit licu.
Par Gnséauent. ie crois auela forcede cëdeuxième ~récédentautant
que la force'du premier démeure intacte et, je puis &me ajouter, se
trouve renforcée par les textes que le Gouvernement espagnol a cru,
bien à tort. ouv voirleur opDoser dans la du~liaue.
Le GouveÎncmçiit espngi;r;lnjoutc encore ciue ;i le jiigc de 17t.iis:ivait
orclonnéI'çiivoid'une comrnis;ion rog:~toire :,il\:iiitorit&îçaii.idiziiiiesrii
vitr <l'ohttmir13 uublicatiun <1ii.iia~inciità'I'iiroiito.il sc serait ii>cessai-
rement heurté àÛnrefus.
En d'autres termes, le Gouvernement espagnol croit pouvoir attribuer
tout gratuitement aux autorités canadiennes la distinction qu'il fait lui-
mêmeentre les actes d'imperium et les autres etla qualification qu'il pré-
tend donner d'«acte d'imperiumn à la publication du jugement par an-
nonce. Le Gouvernement espagnol invoque à cet égard des correspon.
dances échangéesavec les autorités canadiennes à propos d'autres com.
missions rogatoires.
Messieurs,sivous voulez examiner cette correspondance vousverrez que
comme nousl'avons déjàsoulignédans notre réplique,ellen'a pas dutout
la portéeque lui attribue le Gouvernement espagnol. 11n'est pas ques-
tion dans cette correspondancederaisons tenant AI'imperium du juge. Il
s'agissaitenréalitédedemanderauCanadadesmesuresqui n'entraientpas
dans la compétence des autorités qui en avaient étésaisies et qui impli-
quaient au contraire la permission d'un tribunal saisi d'une autre action
(A.C.M., vol. VII, no78, doc. 2 et 3, p. 408-409, 410-413). Tout cela n'a
rien à voir avec la question et je dois ajouter qu'on peut parfaitement se
demander s'il était nécessaired'envoyer une commission rogatoire pour
publier le jugement déclaratif par annonce à Toronto.
On peut se demander si au Canada comme en Belgique il n'aurait pas
suffid'adresser l'avis àpublier au Canada sans aucuneintervention d'une
autorité judiciaire quelconque.
En tout cas, la supposition du Gouvernement espagnol suivant laquelle PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I43

la publication au Canada aurait ététotalement impossible est une sup-
position purement gratuite qui ne repose sur aucun élémentprobant.
J'ai signalé à la Cour cette circonstance curieuse que la publication
confidentielle faiteen Espagne n'avait pas portésur lesordres de saisie en
ce aui concernelesbiens de la Barcelonesa et de 1'Ebro.
I:V i;~iu\~crii,~tii~ns,tpagnul noils rcpuii,i qiie In lui espagnole tir pics-
<rit pis Iryut~licatioiiiiitt:gr;ill:(IIIjiigcmcnt. J;iiiiriis noiii ii':i\.uns suii-
tciiiile iuiitr.iire \lais IItuiiil~ ioiis Ic >çni qiit-Ics inesurci dispositivc,
r.iiiiti<:llc~ ordoiinCes p;ir Ir.jiigciiicnt cloi\.iiit étrc conipri,~~ d;iris la
~>~~t~li.:;itii,tiique pirtiii ces nicsurrs <I~spoiiti\~es cssciitielle~ riguiait
cc,ttc chose iiiuriiic, iiiouïc. ISiritCgr:itioniIn in;isse. I'ocr~pucrd~I t.n ,ai-
,IV <le-..ii:til,.In I<nrceloiies;ict ~lcI'Ehru.
1.;ipul>lic;itioii11cictic p'irtie LIUdispuaitif s'impos:tit de toute Gvi-
(leiicc:pui.;(lu'ellciiitéressnii;lupliii; liriut poiiit les tiers et que, siiiv;liit
la thhjc dit Zo~i!~errieineiiteipagiiol, ces actifs t;t;iieiit conipris parnii Ics
p~~rlr.~rd~ic(iIVI:isoci2tL:faillie. I'ar coriiL:qiirnt.sur ce puirit, noire ol>jer-
bation est demeuréesans aucuneexplication et sans auëune réponse
Et je crois pouvoir ainsi conclurê,en ce qui concerne l'irrégularitéet
l'illégalitéde la publication. Cette publication au siècedu tribunal ou au
chefrlieu de la piovince du tribunai, ne pouvait certahement pas rempla-
cer celle qui, conformément à la loi, devait avoir lieu au siègede la société
pour faire courir le délai d'opposition. Le siègede la sociétéétait certai-
nement connu du juge de Reus en dépit de son affirmation contraire,
affirmation certainement inexacte étant donné les documents qu'il a
eus sous les yeux.
Aucun auteur espagnol. aucune décision.aucune disposition de la loi
cipagnole ne pcr~iict <T c"nsid6rttr qt~'eiiordoniianr In publication du ju.
~eiiiciitiI'étraiigcrle juge aurait esc6dé1,:sliinitcs de ses pouvoirs
- La pratique espagnole, nous l'avons montré, atteste au contraire que
l'interprétation que nous donnons à l'article 1044 a étésuivie dans les
deuxcasque les Parties ont pu relever.
Dans ces conditions, la violation flagrantede l'article 1044est établie,
-~~~ublication du iurrement n'~ ~aseu lieu dans les conditi~ ~ ~ rescrite es
par cette disposition.-
J'en ai ainsi terminé, Messieurs, avec ce que j'ai cm pouvoir appeler la

première catégoriedes griefs. Et j'en arrive à la deuxième catégorie, ce
sont les griefs les plus graves, comme je l'ai dit à la Cour, ce sont les
décisions-arbitraires, plus encore qu'illégales.
Première décisionarbitraire: le tribunal de Reus a mécorinuarbitraire-
inent I:ipcrsunnalitï juridique clcssocii.i,~sEbro et Uarcaloiiesa. puis cclls
clcsriutr,?ssoci~itisfilinleset sous-filialeî eri s;tisisiant leurs biens pour les
incor~orer à la masse de la faillite Barcelona.
voyons tout d'abord les faits dans leur ensemble.
Les mesures ordonnées par le juge de Reus, tant dans le jugement dé-
claratif de faillite du 12 février 10,.. .u, dans trois décisionssubsé-
quentes. la premi~~re du 25 févrieret les deiix autres du 27 inars, ipropos
dc cert;iirirs desSOCI~L~S i~uxiliaires litR3rccIona. ces mesures sont ccr-
t:iincm~~nrparnii les plus clio~liiantes,parriii les pliis mnnifesteniznt injus-
tifiables.iii;iis aussi parrni les plus révélatricesdes butsqui étaient pour-
.~ui\~is la faveur de la procédurede faillile dorit In Harcelons Tractiori
étaitl'obiet.
Ces mesures illégalessont chaque fois, Messieurs, et je ne puis assez y
insister, celles-la mêmesque les hommes de paille de March avaient de-I44 BARCELONA TRACTION
mandées.La complaisancedu juge de Reus à cet égard paraît véritable-
ment inépuisable.
Le but de March, je l'ai dit plusieurs fois, était avant tout de mettre la

main sur les entreprises du groupe. Il fallaitau plus tôt avoir la maîtrise
matérielle, si je puis dire, des biens des sociétésauxiliaires, sociétésauxi-
liaires qui sont tantôt des filiales, tantôt des sous-filiales.
La déclaration de faillite de la Barcelona par elle-même,et si on se
bornait à lui donner son effet normal, selon la loi espagnole, ne pouvait
pas procurer ce résultat. Il fallait aller au-delà de ce que la loi prévoyait
et permettait. Il fallait faire ce que les hommes de paille de March n'ont
pas hésitéà demander dans la requête, il fallait demander cette chose
exorbitante, l'extension de la saisie résultant de la faillite aux biens des
sociétés filialesnonen faillite et le pouvoir de révoquer le personnel de ces
sociétésnon en faillite.
C'est ce qu'a ordonné le jugement déclaratif du 12 février 1948: il or-

donne la saisie (ocupacidn) non seulement des biens de la société faillie
elle-même,ce qui est normal-cela c'est ce que prévoit l'article 1044-
mais aussi de la totalité de l'actif des diverses sociétés filialeset sous-
filiales de la Barcelona. Le jugement du 12 févriera pris cette décision
pour 1'Ebroet pour la Barcelonesa; les trois jugements subséquents, ren-
dus également sur la requête des mêmes hommes de paille de March,
ont étendu cette mesurc. c'est-à-dire la saisie de tous leurs biens. aux

des membres du uersonnel de toutes cesmêmes sociétés
,J';,iir,Io.cniion dc nioiitrtr iiI:iCuiir <.uriiiii<.r,:urgnii,?. dc ln fail
lit,. oiit,\;~iit; ~ffc~.ri\~cniiiitt .ait:iqiitllf rig.isur et qiicllc prC~il'it.~-
tion ces saisies. Comment ils se sont mis~uremënt et simülemeit en-uos-

de son pouvoir, et dès le 14février, pour révoquer les cinq employés si-
périeursde 1'Ebroet de la Barcelonesa (A.M.,vol. II, no 64).
Néanmoins, et c'est cela qu'au point de vue juridique je me permets
d'appeler l'énormité,le juge de Reus s'abstenait de déclarer la faillite
de ces sociétés filialeset sous-filiales. Il s'abstenait aussi de toute autre
décisionquellequ'elle soit à l'encontredes sociétési,l n'y avait quela pure
et simule saisie de la totalité de leurs biens. Le iuge de Reus se conten-

ne peuifaire de doute, et je crois qu'il suffit pour s'en convaincre de se

référerà cet égard à la consultation du professeur Garrigues que nous
avonsdéjà citéeet qui traite d'une mani&relumineuse cette question aux
pages 29 à34. Voici ce que dit M.le professeur Garrigues àce sujet:
ciDans aucun texte de la loi ni de la Littérature commercialiste
universelle il n'est dit que le patrimoine d'une société filialepeut
êtresaisi simplement comme conséquence de la déclaration de faillite
de la sociétéprincipale et sans qu'ait précédéla déclaration de

faillite de la première des deux sociétés [c'est-à-direde la société
filiale]. Soutenir antre chose - comme on l'a soutenu et comme on
l'a réalisédans le casde la faillite de la Barcelona Traction - revient
dénier la personnalité juridique des sociétés filiales,thèse qui est PLAIDOIRIE DE 11.VAN RYX
I45
presque unanimement repousséepar la doctrine,commenous avonseu
l'occasion de l'établir. Une fois admise au contraire l'existence de
ileiix personnes juridiqiies, II<,sr~I:iirqil1'011ne pcur saisir Ic p;itri-
iiioineJe l'unede ies pirsonnvs p;tr II Lit di 1:idCclar3tiondc 1;iillite
de l'autre. En dCliiiitivili.t~xcicst éIAnientairemms nuaji es~critii.l],
Ic ~).~triiiioincest Ic rcfl~t <:c~inonii~urlcI:ip~r~oriii.ilitCj~iri,liqiic.
I.'iiidépenJanic <IV ~>~rï,i~i~nlijt<tr:icliiitcriiiidcpc.iiJnncil< ~iitri-
moineêten conséqienceen séparationde responsabilité. »

C'est à cesprincipes à la fois simples, clairs et de bon sens que le Gou-
vernement belge seréféreraessentiellement dans la suite de mon exposé.

L'arrdienceest leude à 18kezires SIXIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (22 IV 69, IO h)

Présents:[Voiraudience du 17IV 1969.1

11. \'.\S HïS: .4 1;itiii de I';iudicnccd'liier, la Cour s'souviendra.
i'av:iis ;il~url'examen de Ind,-usiéiii,:t::,ti.curiil<rriefs (lu Guii\~eriiï-
ment belge. -
Il s'agit des décisions judiciaires que nous avons qualifiées d'aarbi-
trairesn,et, en tout premier lieu, les décisionspar lesquelles le tribunal de
Reus a méconnuarbitrairement la personnalitéjuridique des sociétés Ebro
et Barcelonesa tout d'abord et ensuite lapersonnalité juridique des autres
sociétésfilialeset sous-filiales.
Cette m6connaissance de La personnalité juridique de ces sociétésse
manifestantpar la saisie pure et simple de leurs biens et l'inclusion dans
la masse de la faillite Barcelona Traction des biens des sociétés filiales,
alors que ces sociétés nesont pas déclaréeseu faillite, que personne ne
demandait leur miseen faillite, leur personnalitéjuridique étant purement
et simplement ignorée,écartée,par le juge de Reus.
J'ai indiquédéjàd'une manière très brève à la Cour que cette décision
était absolument dénuéede toute base légaleet j'ai invoqué à cet égard
l'opinion expriméepar hl. le professeur Garrigues dans sa consultation.
Le Gouvernement espagnol est certainement embarrassé,et on le com-
prend, par l'absence de toute justification sérieuse dans les jugements
eux-mêmes àl'appui de ces mesures tout à fait extraordinaires et en pré-
sence de la nauvreté. de l'absence Dresaue. ~ourrait-on dire. de motifs. le
ou verne m espea& iiola dû sreff0rce; déirouver lui-mêmecette justi-
fication que l'on ne trouve pasdans les iucements. Ainsi. il a étéamené à
~rêterai i,e~,de Reus. avec un recul di ~ïusde auinze ans. des raisonne-
;nelits. <\esarribrc-pensc'csm&metout iLl;iit iiiiaLiiidirca.
II faut rçcoriri;iitrcque IcGou\~crncinentcjprignol a fait preuveà cetir:
ocz;isiond'uiic trhs cr:indz inaéniositédans ILIr~clicr~.ticdcs iustilicatioii3
juridiques des décisons du Gge de Reus. ~lalheureusemen't, toutes ces
tentatives d'explication ont le défaut d'êtrecomplètement absentes des
décisionsau'elles rét tendentiustifier. Elles ont même ledéfaut, DOUE
certaiiies d'entre c'1lc.. l'Crrci~i~onciliablavec 1,:stcrmcs inkmesdeccs
tout, i'aurai l'occasion d'v revenir assez loneuement. elles manquent.. et .<Ur-
eu;~riiiRirsenelles-mCmc;.d<:toiit fi~ridvriirntlik.il.
1.3 niul~iplicitL'iiii.iiicJc ces ~xl>lic.~tionstrnliit ~n~li~~ut:~I~I~eiitin
embarras tÏèscom~réhensible
C'?SI ainsi, 1lç;jieiirs. yuï nuus vcrruiis le Goiiv~rii~iiiciit csp~gnol
soiitciiir tuur Atour. toiit d'iihord ,I\II,p. p?-4jul (lue lui11de iiiCccii-
naitre 1:'pcrsonnalitL mornlc (Icss~ciétC:asiixilinireî do111ICSbic11i r:~ieiit
sniiis, les jugenieiits en qiiestion ont aii contraire rccoiinu ccttc p~xisniin-
lit6 etIiiuiir tlonnéseseffets norniaux.
Puis nous entendrons soutenir ue les saisies ordonnéespar le 'uge de
Reus, ence qui concerne lesbiens les filiales,étaienttout à fait di érentes
de la saisie des biens de la socien faillite. Il s'agirait, en cequi concerne
les biens des fùiales, d'une sorte de séquestreprovisoire, temporaire, con-
servatoire, bref, d'une mesure différente par sa nature de la saisie qui PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
I47
frappait, conformément à ce que prévoit laloi espagnole, les biens de la
sociétéBarcelona Traction elle-même.Cette interprétation, Messieurs,
j'aurai l'occasion d'y revenir, ne trouve aucun appui danS.la législation
espagnole qui ne prévoit aucune mesure spécialede cette nature. 11n'y a
rien d'autre dans la loiespagnole que la saisie, conséquencede la faillite et
du dessaisissement du débiteurfailli.
Nous verrons ensuite le Gouvernement espagnol soutenir qu'en réalité
ces mesures de séquestreprovisoire et conservatoire se justifiaient par -e
prétendus abus commis par la sociétéBarcelona Traction dans ses rap-
ports avec lesfiliales.
Nous verrons encore le Gouvernement espagnol soutenir bue le con-
cept des pertenencias -des appartenances, traduction littérale - con-
cept auquel se réfkrela loi espagnole, justifiait en toute hypothèse les
comme desn capertenenciasde la sociétéBarcelona Traction en donnantérés
simplement à l'expressionpertenenciaune interprétation particulièrement
extensive (D.,VI,p. 422 à 430).
Dans la duplique, nous verrons un nouveau déploiement de subtilités
(D., VI,no 350, p. 426à427).On nous propose cette fois,on vous propose,
Messieurs, de distinguer entre la personnalité morale idistincte» des
sociétés filiale, ui aurait étérespectéepar le juge de Reus, et la person-
nalité morale «indépendante» des sociétés filialesqui, elle, aurait été
écartée,à juste titre,dit le Gouvernementespagnol, par lemème juge.
II y alà, n'est-il pas vrai, de quoi laisser l'auditeur perp!exe. Comment
la personnalité juridique d'une société peut-elleêtredistincte sans être
indépendante, comment peut-elle êtreindépendante sans être distincte?
Quant à moi, je dirai modestement qu'à mes yeux il en est des personnes
morales comme des êtreshumains: tobeor not10 be;iln'y a pas de milieu:
on existe ou on n'existe pas. La personnalité juridique existe ou elle
n'existe pas.
A d'autres moments, l'embarras du Gouvernement espagnol se traduit
par une certaine perte de sang-froid. Dans la duplique (VI,par.354. 360
et 366) apparaissent en effetàl'occasion des développements concernant
la matiéredont ilest question pour l'instant, des termes peu usuels dans
lesprétoireset spécialementdans un prétoireaussi éminentque celui-ci.
Cetteperte de sang-froidse manifeste aussi par certains termes agres-
sifs toutà fait in'ustifiés. Ainsi, leGouvernement belge est accuséde se
livrerà ce que ld ouvernement espagnol appelle,curieusement d'ailleurs,
des «tergiversations de texte» (D., VI, par. 370). Pour établir ce qu'il
sente comme étant des traductions d'articles de lois espagnoles préten-
dument à l'en croire «tergiversénce qui est en réalitétout simplement
l'exposéde la thèse du Gouvernement belge et ce qui n'est pas du tout
présentécomme étant le texte d'une disposition de la loi espagnole.
C'est ce qui est notamment relevédans une annexe de la duplique, no 107
(vol. III, p. 5g et suiv.).
Ou bien encore le Gouvernement espagnol affirme qu'il y a deux para-
graphes dans un considérantdu jugement du 12février1948et ilreproche ,
avec véhémenceau Gouvernement belge de ne pas en avoir tenu compte,
alorscependant qu'avec la meilleure volontédu monde et mêmedans la
version présentéepar le Gouvernement espa nol, le considérant dont il
s'agit ne comporte qu'un seul paragraphe (A V.I, par. 370, et A.C.M.,14~ BARCELONA TRACTION
vol. VII, no30, p. 168;A.M., vol. II, no 56,p. 284 et p. 288). Pourquoi

nous chercher cette mauvaise querelle?
Ou bien encore, le Gouvernement belge est accuséde trahir grossière-
ment la penséede M.le professeur Garrigues, àl'autorité duqueld'ailleurs
les deux Partiess'étaient référéesa,lorscependant que les précisionsque
nous donnions au sujet de la penséede M.le professeur Garrigues venaient
de cet éminent professeur lui-même (D., VI, par. 362, note 2,et A.D.,
vol. II, no74). Cesprécisions,nous les trouvons dansla consultation que
nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises (p. 27 à zg).
Enfin, on prêteau Gouvernement belge desthèses qu'il n'a jamais sou-
tenues, pour se donner le plaisir de les réfuter ensuite. Par exemple, le
Gouvernement belge est accuséd'ignorerou de méconnaîtrele concept de
l'inopposabilité.Il est accuséd'avoir soutenuque ce concept est inconnu
desdroits d'originelatine (D.,VI, par. 366).
Tout cela, Messieurs, il suffit de seréféreraux écritures pour s'en con-
vaincre, est tout à fait imaginaire.
Mais, Messieurs, le Gouvernement belge n'attache guère d'importance
à ces procédés. Nouscomprenons fort bien et la Cour le comprendra sans
nul doute aussi, qu'ils relèvent d'une tactique de diversion dont le
seul but est de dissimuler l'embarras.
II convient maintenant, Messieurs, que, si la Cour le veut bien, j'exa-
minedevant elled'une façon plus préciseque je ne l'ai fait jusqu'à présent
les circonstances de fait et les motifs invoquéseffectivement par le juge
de Reus, à l'appui des décisionsque nous critiquons.
II conviendra aussi d'examiner, avec quelques détails, comment les
mesures ordonnées par ce juge ont été exécutéeesn ce qui concerne les
sociétés filiales. Cetexamen quelque peu attentif des faits est indispeu-
sablepourservir de base, si je puis dire, à la discussion desaffirmations du
Gouvernement espagnol. Nous pourrons ensuite très aisément justifier
notre point de vue, qui correspond à l'opinion lumineusement exposée
par le professeur Garrigues et nous pourrons ensuite répondre, et c'est
cela qui sera malheureusement le plus long, aux innombrablesobjections
du Gouvernement espagnol.
Je commencerai donc, si la Cour le veut bien, par l'examen attentif des
faits, des décisions,de leur exécution en ce qui concerne les sociétés filia-
les et en dernier lieu de certaines autres mesures prises, qui sont en con-
tradiction, comme la Cour le verra, avec les mesures d'exécution des
saisies.
En premier lieu, les décisions elles-mèmesqui ont ordonnéla saisie des
biens des filiales. Il importe de se référerau texte de ces décisions,de
vérifieravec soin auelle en est la portéeet auels en sont les motifs. C'est
~II~~I~~~LII.~~~n~~~cc sera <1itlis11ptour ~iui; pt,rrIlrttrc <l'<s..~r11,11ite
ilei iiiterpr?tntioiii rnariif~;tc.ni~nrindr:iiiiil:it~le;.ci-qui prêteii.u.e
des intentions qu'il n'a certainement jamais pu avoir.
Commençons par le premier jugement, le plus important, le jugement
déclaratifde faillite du12 février1948(A.M.,no56, vol. II, p. 284et suiv.)
Comment cejugement s'exprime-t-il en ce qui concerne la saisie des biens
des filiales? Tout d'abord, le tribunal relate, résume plusexactement, la
demande telle qu'elle a étéintroduitepar les requérants qui sont les trois
hommes de paille de Juan March:

iAttendu ...que les demandeurs ont alléguéd , ans larequêteintro-
ductive d'instance et dans la premi6re demande complémentaire.les PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I49
arguments qu'ils ont juggs utiles, à l'égarddu fait que 11totalit; des
actiotis de cEbro., app~rtient iet se trouve en possession de 6Rar-
celona Traction P. rëoüérant ou'on ordonne la sàisie locuban'dnl de
. ,
de ceux deie«Ebro in,de lacNConip~iilaUarcelonç~dde Electricidadsri(L!etce
des autres sociétésappartenant à leur groupe industriel et mention-

néesdans la premièredemande complémentaire, àsavoir [suit l'indi-
cation de toutes ces sociétés];et qu'on donne pouvoir au Séquestre
provisoire (Depositario) et au Commissaired'accomplir tousles actes
matériels et symboliques de saisie (ocupacidn) et de gestion pour
l'administration des sociétéssusnomméesa,vecfacultéde nommer et
destituer leurs employéset fondésde pouvoir, ainsi que tous ceux
qui accomplissent des actes de gestion et d'administration Aun titre
quelconque. a (A.M.,vol. II, no 56,p. 286.)
Tel est le résuméde la demande formuléedans la requête. D'aprèsle
juge lui-même,et c'est conforme au texte de la requête,les requérants se
bit fondésuniquement sur la circonstance oue la totalité des actions
d'Ebro appartie<t à la Barcelona Traction et si trouve en possessionde la
Barcelona Traction; et sur le fait que la saisie de tous les biens de cette
société,ainsi que ceux de la société Barcelonesade Electricidad, doit
avoir lieu Darvoie de conséouencede la saisie de tous les biens de la Bar-
celona ~raction.
Comment le jugement va-t-il statuer sur la demande qu'il a résumée
dans ces termes? Voici les motifs:

n Considérantque, encequi concerne Riegosy Fuerza del Ebro.sans
~réiudice à sa fonction. il v a lieu de ~rocéderAla saisie locubacidnl
;leiz totalité de son actif in rilisondi fait que toutesjïjictions soit
la propriétéde la -liarcelon:~Traction O,et que pour Içmemc motif
ily .ilieu de saisir l'actif de Coinp~6i;iB:~rcelonesade Electricidad o
pour ~utaiit qu'il puisse app~rtenir i u Ibcgos y Fuerza del Ehr0.uet
à ttI(aric1on;iTractioiio ct en ce qui concernç les sociét2s;iu~iliaircs.
filiales ou connexes, il y a lieu de procéder à la saisie (ocupacidn)
de tous les droitsinhérents aux actionsde cessociétésquiseraient la
propriétéde oEbro net de uBarcelonaTraction n,commeconséquence
légalede la déclaration de faillite suivant l'article 1334du Code de
ProcédureCivile. n (A.M.,vol. II,no56, p. 287 et 288.)

Par conséquent, comme vous le voyez, I'ocrcpacidnde la totalité de
L'actifd'Ebro, de tous les biens d'Ebro, est ordonnéeen raison du fait que
toutes les actions de cette sociétésont la propriétéde la Barcelona Trac-
mêmemotif.asaisie des biens de la société Barcelonesaest ordonnée pour le
Il n'est donc nullement question. dans aucun passage de ce jugement.

ni de l'existence d'une prétendue simulation ni de l'affirmation que ces
société BarcelonaTraction, ou en vue dépermettre pareils abus; ifn'esta
pas question davantage d'une reconnaissance prétendument partielle de
Eette personnalité juzdique. toutes choses nous verrons cependant
soutenir par le Gouvernement espagnol.
Il suffit de lire pour constater que le seul argument invoqué est la
réunionentre les mains de Barcelona Traction de la totalité des actions

des deux sociétés filialesE. t pour constater aussi que les actifs de cesdeuxI50 BARCELONA TRACTION

sociétéssont joints aux actifs de la Barcelona et,font l'objet, avec les
actifs de la Barcelona, de la mêmemesure de saisie. Le juge préciseIiii-
mêmequ'il s'agit de la saisie que prévoitl'article 1334du code de procé-
dure civile «comme conséquencelégalede la déclaration de faillite II.
C'est donc cette mesure-là et pas une autre que le ju~e a .n-endu or-
donner.
Si besoin en était, le dispositif du jugement confirmerait encore ces
élémentsd'interprétation. Dans le dispositif de sa décisionnous lisons ce
qui suit:

«La société iiBarcelona Traction 1est déclaréeen état de faillite et
p~rconiéqiient est ordoiinbc 1i saiw (oct~p~:i~i!i,de tuui svs biens.
;ictiuni et druits. Ii\.re.. d<:ïuinpr;ibilité. p.ilii~rjét docuiiiriirs rlr
t~>iitçssortcs. Ori s,iiiira ;galéiiiziit tuut l'actif dr I;Iso;ir'tr'liliale
cEbrou. ~loiit I;i totalitC <Ica:iction; :ipp:irticiit vn ~>ri>pri,:r (. I:I
joii2t&hilliz et, plr coniéqiieiir.tous ici bi~iis.li\.rcs, papiers ct di,-
cuments de toutes sortes de mémeet Dour ,.s mêmesmotifs on
s;iisir,i les l>icet l'actif social, lit rea, p:~piers,d~,iiiinei~tj,drc-,it>~t
actir,iis de It1Conipaiii.~U~rceloiii,,:~Jc lil<,<.triiidad t,..Pour (:<:qiii
concerne les autressociétéssubsidiaires, on saisira, avec leurs droits
inhérents, toutes les actions qui seraient propriétéde «Barcelona D,
«Ebro u et aBarcelonesa .o.Est nommécommissaireM.Adolfo Four-
nier Cuadros, commerçant, pour qu'il assume les fonctions que lui
confèrele Code de ~rocédurecivile aui a incornorél'article Ioar. du ,"
Codei~ccomiiicrcç de r~zq;cettv iioAin~tioii srra n0ritiL.cd't~fii~.ç
iiiiiii(.diltt iiiriit comme prlvuà I'articl~,I:<V du Cod,:dc pro:cdure
civile Dour au'il com~afaisse aux fins deDrenare ~ossess?onde sa
ch;irgiet de2rr.ce\.oir 1.1saisi<:jiiJiiiairi. (lr.'toutl& 3pparteii;inies
JaiisIc: limitci et 1+ tcrmé;ciCcrit- .>.liliiut ;s'ilI'I:F~~IInI.c~ciiairr..

ilDourraorocéder à la révocation.1; destitution et la nomination des
&criilirej'du pcrsuriii~l,employéset gérant;, de toiitc catigorie ct <IL-
tout rdiig. mhi: dc Ii~utc dir,.çtiuii, d.ini Ici soci;.t;s apparti.iiaiit
totalenierit i 13 socict;. faillie. du fait uiic cclli.-cioos,i.<letout,-; Iii
actionsreprésentatives ...u (A.M.,vol. 11, no56, p: 288.)
Vous voyez que dans le dispositif, comme dans les motifs, il est précisé
aue la saisie norte sur tout l'actifdes sociétés filiales odont la totalité des
a'ciiorisapp.irticiit eii propribtià I;so:iCtl failli,J ct icrtc sni;ircst ;ibsu-
lumziit g6ii;rdle. clltporte siir toii; le51,ivn;.Ii\.r,-S.p,ipicraet dociimcntc.

Et \,oiis I'a\.ezcritciidu. .\leîii~~iiril1. 1 un<-iii~ii\~cllr;i;rcnce il'ai -
ticle 1334du code de procédure civhe.Éffectiveme?t, toutes les saisies
ordonnées ne sont présentéesque comme l'application de cette disposi-
tion légale. Ni dans le dispositif, ni dans les motifs. l'on ne trouve la
moindre allusion à l'existence d'un prétendu abus par les sociétés filiales
de leur personnalité morale, ni la moindre allusion au caractèrepréten-
dument conservatoire ou exceptionnel de la saisie, ni à son caractère
prétendument temporaire.
En un mot la saisie des biens des filialesest traitée exactement comme
la saisie des biens de la Barcelona. Voilà pour le premier jugement.
Le 25 févriersuivant intervient un second jugement, également rendu
sur requêtedes mêmestrois hommes de paille, et qui fait droit, une foisde
plus, à la demande. Ce jugement étend le dispositif du jugement du 12
février à six autres sociétésqui font partie du groupe. Cejugement mar-
que une légèreévolutiondans les motifs, qui sont un petit peu plus éla- PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
IS1
borés,mais qui se fondent toujours sur la mêmeconsidération unique. à
savoir la réunionentre les mains de Barcelona Traction de la totalité des
actions des sociétés filiales.
Quelisons-nous dans cejugement? Tout d'abord lejuge résumela nou-
velle requête quivient de lui êtreprésentéepar les mêmestrois person-
nages:

(Attendu que l'avouéJuan Torrents Sarda. agissant au nom et en
représentation de [suivent lesnomsde cestroismessieurs], demande
que, du fait qu'appartiennent à la société faillietoutes les actions de
Applicacioues Eléctricas [pIusles noms de cinq autres sociétés],pro-
priétéqu'elle détient par l'intermédiaire de 1'Ebro. de Union Eléc-
trica de Cataluiïa et de Saltosdel Segre, dont la totalitédes actions à
leur tour appartient à la Barcelona, l'on applique à ces sociétésles
mesures ordonnées dans le jugement déclaratif de faillite et qu'à
l'appui desa demande,il présenteles documents suivants: un schéma
faisant ressortir l'interconnexion entre lesdites sociétéset la société
en faillite; une lettre adressée le16 janvier 1948 par le trésorier de
1'Ebro à M. Graydon, secrétaire généralde l'Ebro, lui envoyant les
originauxcorrespondant aux copiesphotoeaphiques présentées, d'où
~ ~ ~ ~ ~lairement la détenti~ ~ ~ ~actions ~ ~ ~ ~ravers les &verses
iuciit6s iii~in,:iition~cs;que tout ceci 3% trouve contirmép3r 1cray
port du priii<Jcnt de I'Ehru f;,it Unrsïlonc Ic 15octdlire ry47.. iinsi
qiic p.ir 1,:i;~pportde la sociC.12en f~illitr elle-inéine1

Ici, Messieurs,je m'arrêteun instant pour signaler àlaCour une circons-
tance assez particulière. Vous voyez que les requérants, cette fois, ont
joint à leur requêtedes documents dont le juge fait état et qui, d'apr&s
leur contenu, proviennent des archives de 1'Ebro dont les biens ont été
saisisquinze jours auparavant. Comment les requérantsont-ils cesdocu-
ments? Evidemment Dar l'intermédiaire du séauestre ~rovisoire et du
coniiiiisinirt~, (lont nius \.o!.oiisiiniii&tli;itciii,1'r.xt;i.nioohligcaiicr
qu'il; iiinnifcstent .i I'Cgardde Juitn \I:irr.li cri,ses Iioinm~j ile pxille.
>l;irclii'eini)reiic (1,:fiire riréiciitrr;lu tribunal nnr ie3 Iioinnies de odillc
les documents que le séquistre provisoire et le Lommissaireont prllevés
dans les archives de 1'Ebro.
Le jugement continue:

<<Considérant qu'il a étéprouvé, par les documents qui ont déjà
étéprésentésdans ce proc&set par ceux fournis en annexe à l'écrit
sur lequel il est présentement statué qiie le capital desdites sociétés
n'est pas réparti en diverses mains, puisqu'il appartient à la société
en faillite et qu'il n'y a pas pluralité de personnes: qu'il en résulte
donc que Barcelona Traction étant le seul possesseur des actions
représentatives du capital, c'est comme si la personnalité juridique
de ces mêmes sociétédsisparaissait du fait mêmede l'inexistence de
l'un des deuxsujets exigéspourconstituer toute société commerciale,
selon l'article 116 du Code de commerce; que, partant et pour les
mêmesmotifs que ceux qui sont à la base du jugement déclaratif de
failliterendu le 12 courant, il y a lieu de faire droit à la demande
formulée ... (A.M.,vol. II, no60, p. 294.)

Ici cncoic. hlc~jicurs.ilsuffit dc lireles inotifs du jugciririit pour cons-
tltcr tout d'ahord qu'il décl:ire s< r?f6rcrniix motifs dii jiigenient 1116~6-
dent - Ics<luzli.je l'ai rnontr?à In (:our, Gtaicnt ~xcliiii\~rn~t~nftondés152 BARCELONA TR4CTION
sur lecaractère" unipersonnel »dessoci~tésfiliales.Onconstateenoutreque

dans ce nouveau jugement, c'est uniquement l'inexistence de l'un des
deux sujets exigéspour constituer toute société commerciale etl'absence
de pluralité de personnes quiconstituentla base de la décisionrendue par
le juge, lequel précise: .le capital desdites sociétésn'est pas réparti en
diverses mains a.
Dans cc iecoiid jiigeinenr, comiiie d:iris le prcinicr, aucune trace de
l'existence d'iiiie pr6tenJuc sai.;icd'iiiic ii:itiirc ~inrticulitrc, cii cc qiii roii-
ccrnc les Ibicns Jcj iilidcs et <(,II>-filinlei.aucuiic nllusiuii noii i>liisd <Ic
prétendus abus qui auraient étérelevésdans les rapports eiitreia Barce-
lona Traction et ses filiales.
Voyons maintenant le dispositif de ce deuxième jugement:
. -
«La partie dispositive du jugement déclaratif de faillite de In Bar-
celona Traction ...se référant auxsociétésqui ont leurs actions dans
les mains d'une seule personne, est étendue à la saisie l.cuf.acidn)
desactiunj,droitsct hi.11' CICrout~:;c.itijioii~s- <liii:i~>p~rri~:i~~~ i~it
I;1sociétéf:iillie - dei sociérCsA~i11cacioiic.E il>ctris;iî [iiii\.~.iit Ics
nonis désautres ;ori;t<il: qiie I'oiii>roc&tle i la s3i~ic(ocitp~ciS11(/I<.F
actions de toutes ces sociétés.de le;rs biens ~t dr~itsaveë les mêmes
cons~queiic~:-e .t effcts iluc it,u.s qiii oiir 616or<loiiiil'spour [I-:bru: ct

[Barcr.loncs:i]ct, en cg:q111 con~~rneles :iutrcs sucictc'sil;iiis 1t:~;liiclles
une ~nrtic iciil<!iii~ntdci actions ai~n;irticndrait à Insociitéen I:iillite.
que 'l'on procède A leur saisie (ÔCzcpacid?ttr )avers les
statutaires réglementant la gestion de ces socibtés...» (A.M., vol. II,
no 60. p. 295.)
Deus ol>~cr\.:irions {Ipropos <Ir t.cdispositif.
'l'outd'abord. iiiic foisJe plus, le juge souligne que les actioii.;. dioit.; et
biens de toutes c:it6goriei des so~it;r&ifiliitlci appartieniicnt i la ;oci;tG

faillic. cc qiii d;:iiioiitrc bien <lu,juge eiitciidait faire unc rnnsit: tiiiique, .
,311sf:iirc iiiiciinc distiiictiuii cntre les bicrii de 13:ir;clon:tTrncrioi,:r~:viix
dei sociét;~Tili:ilc;.coiiforn~C(~~it ~(ri2.~ ~ ~ ~ 1~~~~,\,nit dcii 612coiisacr<
dans la première décision.
Deuxibme observation:pour d'autres sociétés,pour celles dans lesquel-
les- comme dit le juge - ciune partie seulement des actions appxrtient
àla sociétéen faillite >i,on ne procédera i leur saisie qu'à travers les pou-
voirs statutaires réglementant la gestion de ces sociétés;ce qui confirme
aussi au'aux veux du iuee .',,émentdéterminant Dour iustifier la saisie
directCdes Iic':ni<Icstiliales 6t:tit i~ffi~r.ri\,cmciiItn ~,ssesi'ioripar I5nr;clo-
nl de Intotnlit; clrsnctions~I~c~sso~i~~t~. ilinlei.

Il v a encore deux décisionsà examiner. Ce sont celles rendues l'une et
I'niirie1c 27 nilrs 1<,43. 1.2 prctiiiLir<:unccrnL.I:IsocicitéC.LI:LIUII~L :IIud
et l'autre 1;1sociét6Elcctrici;t;t C;it;il;ina 1.esecoii(ljugciiieiit de I:iniCiil<:
date concerne la sociétéIntcrnntioii.il Ctilitics IA 11..vol. II. iio6iI. Cette
dcrnicrc dccision jc Iiornc i.e r;fercr aux niotil; dcs dcsiiions nntCriciirr.s:
il n'ya donc pni lieil ile procfdvr .;un camen detaillé de son contcnii.
Cesdeux décisionssoit l'une et I'autre. encore une fois. rendues surdes
requêtesprésentéespar les hommes de de Ifarch.
La première décisionmérite d'êtrerelevéeà raison des motifs qui s'y
trouvent.Elleest conçue comme suit:

«Considérant que partant du principe établi dans le jugement du
12 février ..et confirmépar le jugement du 25 [de ce]mêmemois, que
si une sociétén'a pas son capital réparti en diverses mains, qu'au PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
$53
contraire il est prouvéque la totalité de ses actions appartiennent à
la sociétéenfaillite, la réalitééconomiques'impose par-dessusla per-
sonnalité juridique que possède la filiale, puisque la société faillie
est détentrice de toutes les actions de sa filiale, absorption qui im-
plique nécessairement que la société filialeaura à subir les consé-
quences dela faillite, son patrimoine étantconsidérécommemassede
la faillite: et attendu que d'aprèsle graphiqueproduit àl'appui de la
présente requête ...graphique qui est pris d'un état descriptif, daté
du 31 décembre 1946,de la constitution et de la structure financière
du groupe ..il ressort quede mêmeque les autres sociétés dont ilest
question dans le jugement du 25 février,Catalonian Land et Elec-
tricista Catalana présentent une interconnexion d'intérêtsfonction-
nels avec la sociétéen faillite, d'où il résultequ'il y a lieu de faire
droit la demande présentée II.(A.M.,vol. II, no61.)

ic tr.xt<tît ciiior~ pliii <I;~ir.\oiii Invcz cnrrnJu, qiic ICi1)r6i:;?lt.iits;
le jiiçc lc Hcu; ,L-foiide 1i11toi; de plu, .:xclusi\~ciiicnrsiIr tüIi.ur\ :ert'
nii.iiic.C-irconsrliiccqii'il r+pCt:1 întiGrG:IL,,.iitioii, de, ,ucit:tcî iilinles
et i;uiis-iilinlcsn'&tliciit pn, ri:p~riii:i t:n di\.t,rie; rn*ini; 1.1ti.faillie
;,t:iid;i<niri~:~,ilirv,ttiiicrit su par I'intcnii;cli.iirr $1iiii,.ici iiliales.
de toutes les actionsde la sociétéconsidérée

comme nmasse de la failiite IIEnfin. une fois de ~ius. les mesures --don-
néessont uniquement justifiéespar'l'article 1334di code de procédure
civile, qui prévoit lasaisiecomme conséquencedeladéclaratioiidefaillite.
En depit de toutes ces évidences nous verrons cependant le Gouveme-
ment espagnol contester cette interprétation qui se dégage du texte
lui-même. Nousverrons le Gouvernement espagnol soutenir que l'ocupa-
tout dàsfait différent de l'ocupacidn prévuepar l'article 1334 du code de
procédurecivile. Nous le verrons soutenir aussi que les biens des sociétés
filiales n'ont pas étéconsidérés commefaisant partie de la masse de la
faillite- le jugement dit le contraire - et que ces décisions nesont pas
fondéessur le seul fait de la réunion entre les mains de la Barcelona
Traction de latotalité des actions des filiales dont ils'aeit. Nous verrons

Îl soutiendra encore -contrairement au texte des décisions-que la
saisie ne portait pas sur tous les biens des filiales mais seulement sur cer-
tains biens particulièrement susceptibles d'étre ifrauduleusement
soustraits » (C.M.,IV, no 106).Tout cela est le fruit de l'imagination mais
rien de tout cela ne présente un rapport quelconque avec le texte des
décisionsqu'ils'agit d'interpréter.
Par la suite, Messieurs,d'autres décisionsvont encore être renduesau
cours de cette longue procédure,dans lesquelles nous trouverons des allu-
sions à la saisie de l'actif des filiales et aux motifs qui justifient cette
saisie.
Ces décisionsvont confirmer les arguments invoqués par les quatre
décisionsque je viens de mentionner et d'analyser.
Ainsi, par exemple, une décisiondu 17mars r948(A.M., vol. II, nogr.
p. 359), par laquelle est rejeté un recours introduit par la sociétéEbroI54 BARCELONA TRACTION

contre le jugement déclaratif du 12 févrierparce que ce jugement ordon-
nait la saisiede ses biens. Lerecours d'Ebro estreietéet le tribunal à cette
occasion précise que Barcelona Traction étant le seul Dossesseur des~ ~ ~
actions rc'pri.scnt;iii\.e.idu c3pit;il. c'rît coiiiriicsi II licra&inslitémor&lc
di. IJ soci>t; ~ppclantc Jisp<iraizjait du 13it dc I'iriexijt~iicdc l'un des
deux suiets quidoivent exkter au minimum dans toute société commer-

nement espagnol comme preuve de ceque le juge de Reus aurait reconnu
la personnalité morale des sociétés filiales,alors que le jugement, vous
venez del'entendre, dit exactement le contraire.
Une ordonnance du 9 mars 1948 (A.R., vol. 1, no 22, p. 70) rejette un
recours formépar deux employéssupérieurs de 1'Ebro qui avaient été
révoqués.Dans cette ordouuauce, le juge de Reus. à nouveau, confirme
que les actifs des sociétés filialesétant des pertenencias - des sapparte-
nances r - du failli:
iiil faut les saisir [dit-il] avec toutes les conséquences que cela
implique, sans qu'ait la moindre importance la personnalitéjuridique
apparente sous laquelle eues vivent; si l'on admettait cette fiction
cela reviendrait à laisser sans protection le crédit de la Barcelona
Traction; celle-ci domine certaines sociétés commercialesparce que
latotalité deleurs actions luiappartient [toujours lemêmeleitmotiv] ;
dans notre pays on ne lui reconnaît pas d'autre contenu économique
que celui-là; onl'adéclaréeen failliteparce qu'elle a sursis au paye-
ment généralde ses obligations, et lorsque arrive le moment de sai-
sir ses biens, ces sociétés surgissenten invoquant leur personnalité
juridique dans le but d'évitercette saisie; d'où il résulteque si l'on
omettait la réalitééconomique cela reviendrait à les convertir en
sociétésde protection de la faillitecréant ainsi une couverture d'in-
demnitévis-à-vis de sesrisques financiers ,(A.R., vol. 1,no 22,p. 70).

Danscette ordonnance également, vous le voyez, la personnalité mo-
rale de 1'Ebroest qualifiéede a purement apparente uet de <fictionn: mais
pourquoi? En raison du fait que la totalité des actions de cette société
appartenait à Barcelona Traction et au nom d'une prétendue réalité
économique que le juge estime devoir prévaloir sur la personnalité
iuridi~ue des sociétés considérées.
' En Fevanche,pas plus ici que dans les décisionsprécédentes,la moindre
allusion à de prétendues fraudes que la Barcelona aurait commises ou
qu'elle se seraTt disposée à commeitre, et cette constatation est impor-
tanteparce quele Gouvernement espagnol (D.,VI,p. 430)acruprécisément
trouver danscette ordonnance-làune preuve que le juge deReus en réali-
téne se serait pasdutout fondésur le caractère unipersonnel de la société
-bien qu'il l'ait répétécinq fois- ou sur une prétendue réalitéécono-
mique qui s'imposerait au-delà de la réalité juridique,mais bien - dit le
Gouvernement espagnol - sur des fraudes commises par Barcelona et
ses filiales.
, Vous avez entendu le texte de la décision, Messieurs,il n'y a pas la
moindre allusion à une fraude auelconaue.
J'en ai terminéainsi, ~essiiurs, avécl'examen du texte des décisions
que nous critiquons, mais je crois que cet examen détaillé,bien qu'aride
et peut-êtredésapréable à suivre. était indispensable: comme est indis-
pensable aussi, étayerles démonstration; que nous aurons faire par PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I55
la suite,l'examen de la façon dont ont étéexécutéesces mesures prises i
l'éparddes sociétésfiliales.
L'cs~~urioiide cri jugcinçnts. pariiculiCrenient l'exicution du premier,
2 ;té ~~,ursut\,icnv,,cInpliisgraiiilc c?l<:riti6.
Imiiiédinteiiiciit. uiie coniini;îioii ror:iruire est <l;livr:i I'x\.ou; de,
requc:':intj.et envo)t't:}>:irleisainsde ccd?rnicr iUlrccl,,iiir:.Si hieri qua
(li!Ic:1cridr;iiiainm..tin. lc coiniiiiss.t<?Icsét111c:trp rruvi>oir<.,d;;ignr:s
dans les conditions que nous avons vues, accompagnésd'un avoué muni
de la commissionrogatoire, se présentent au juge doyen de première ins-
tance de Barcelone et obtiennent la désignation d'un juge qui. lui-même,
dès midi quarante-cinq le même jour,est en mesure de se présenter A
l'immeuble qui abrite l'administration des diverses sociétés auxiliaires.
Sont présents à cette opération: le commissaire M.Fournier, le séquestre
provisoire M. Gambus, un huissier, l'avoué desrequérants porteur de la

commission~r~ea~"ire et le iu,,,"-i,~~en~ ~'êtrecommis.
Lcj rc~[irr'iciit.ii<lei>oc.i<.rifili:ilvic \oirnt noritier:A cctre ocr:isiun
Ir ji;geiii:iit dcclaratil d13faillite ~r.iiialgrr:leiirs prutcît~tions, Insaisi,?
dc Icnscinl>lr<Ir-.liicriitI+<:CSsoi:i;tis. IiOroet I~.irceloncsa(.\.Il.. volII.
no63. p. 300et suiv.).
En revanche, aucun bien de la Barcelona Traction - et pour cause, il
n'y en avait point -n'est saisi. C'est ce qui résulte notamment d'une
lettre adresséepar le séquestreau juge no4 de Barcelone chargéde l'exé-
cution des saisies (A.R., vol. 1,n"4, p. 13).
Les procks-verbaux de saisie font foi du caractére absolument général
des saisies auxquelles il est procédé, conformémentd'ailleurs aux dis-
positions dujugement. Leprocès-verbalde saisie du 13février1948 (A.M.,
vol. II, no63, p. 300)démontrebien par son énumérationce caracthe tout
à fait généralde la saisie. Nous y lisonsen effet que
<<leséquestre provisoire est en possession de tous les biens qui se
trouventdans cet édifice[celuide la Plaza Cataluiia où sedéroulaient
les opérations] et dans les autres locaux de la vilie, biens qui
constituent l'actif des sociétésmentionnées [et les sociétésmention-
néesce n'est pas la Barcelona Traction, la faillie, c'est l'Ebro et Bar-
celonesa], c'est-à-dire l'argent liquide et les effets publics, les fruits et
revenus, les valeurs, les créances [on ajoute même lessemouientes:
les biens qui se meuvent par eux-mêmes.ce qui désignegénerale-
ment, me dit-on, le bétail;assez inattendu, mais enfin on a voulu être
complet], les biens immeubles et les biens meubles et titres de toute
autre sorte, sans préjudice de leurs énumération et description
éventuelles des actes postérieurs)) (A.M., vol. II, no 63, p. 301).

Effectivement, lesdéléguéd su tribunal vont procéder à des saisies com-
plémentaires;iln'y a pas moins de trente-six procès-verbaux de saisie, ce
qui démontre, Messieurs, et c'est cela que je voulais faire apparaître, que
l'on a saisi absolument tous les biens se trouvant dans les locaux où se
transoortaient lesdéléeu., ...uel'on avoulu saisir tous les biens des filiales.
IIt:;ttout 3 fUitinexact, par con;;qiieiit, que ;culs les doeumerit; et les
bieiii juscq~rihlcs d'ctr~.fraudul~ii;c.nicnt v~iistraits :,iir:iient fait l'objet
dc la sni& Eii flit. t~~ut~:î;ort,.;il'obi~r~de bicnsmaiirielsont ;t5a:urn-
pris dans les procèS-verbauxde saisie'.Mais on s'est abstenu d'établir des
procès-verbaux pour les usines et pour les installations industrielles,
comme nous l'avons signalé dans la réplique.Li, les plans de March
etaient différents.15~ BARCELONA TRACTION
Le séqueitrc provisoire prend Ggal'mcnt poses'ion des inim(:ubl, î dans
lesquels Ics sociEtCssuxililircs poursuivent leurs acti\,ités. Et il a pris

possession, Ikn cnrcndu,de I'ar~<n-liquidcet <le>rirrcsqu'il a trou\+s au
kiè-edes deux sociétés.
Naturellement. .\lesjieurs, la gr:~nclrpartie drs di>poiiil,ilitCscn argeiit
de ces dcux sociétésse trouvait di.poiéc en banqut.. Lei dirigç:,iits dci
socictc'sriliales, .\l.\l. 3lcnsctixcrt et I'uig Uomeiiecl~,en vertu des poli-
vairs dont ils (.taient rcvîrus, nc maiiqu(.rent pas. en raison de I'inipor-
taricc et deI:igravite de l'ntteint~~porté~;~iixdroi~sdt:sioci~tC~.iiixili:iir~s,
d'avertir les banau. .au'en ce auiies concernait ils ne ~ouvaient marauer
1e11arccord sur ces iiit!siireîi.xtraordimiiéi.11sallaient d'nilleiirs iiniiiébi;i-
tcrneiit eniuitc Are r&voquCspar les organes dc la faillite d3ns des condi-
tions tout i fait irr..uli(.rcisur IcjaucUes ic rc\.icndr&i. et (IciI<.iirni<,-
miirc vcllCit; de rAijtancc. C'rat bien entendii ce iltic vuiilait 3larcli: én
f:<iiaiit attribuer au coiiiriiiiiairc Ir. pouvuir de révocatioii doiit il:ifait
usase immédiatement
&clle a Lit6 IL rkiriioii dri hniiqueî? Ceci est fùrt iiit~resi.iiit. 1.c~
baiique" y compris iii6nie Io I<.iii]iie d't:sp:tgn?, ont tout de iiiite iii:i-
nileste dc tik îérieuîeî Iiéiitaiioiis criprCsaricedu c:iraitérc \~erit:ibl<~int.iit
extraurdiii.iire dcs incsures dont I'Eliro ct Ir<R;iriclonçsa 6t:tieiit I'ol>]ct.
C'C.;~,?Ieffet. coriiiiis jc nle 4s pcrriiiî dt1sdiit. hi~r, du droit IIOII\.~~:LII.

c'est le ..druit nuu\'c..iudc I'Fiulc dc 17cui 1.et s,i prcniiCrc <ipl)lii:,tioii
pro\,oquc à juste titre uii ,çiitiinent dc stupeur tl;injIcs Ct;il,lii,cint.ntj
b;inr:<irc$i qiii on f;iit soiiii.iitrc ~:c:t,ic. \~;ritihl~iiit.iit injiistiii;,I)lc.
Vou; trou\.eréz notamnicnt dani lé;~ikei une lettre du Ij~nio Esuhfiol
de Crédito au sujet de la Barcelonesa qui témoigne en particulier'de la
surprise des dirigeants de cette banque devant l'application de l'ar-
ticle1175 du code deprocédurecivile àune sociétéqui n est paselle-même
déclarée enfaillite. La Banque d'Espagne aussi marque une vive répu-
gnance à reconnaître au séquestre provisoire des droits sur les avoirs
que possédaient à la Banque d'Espagne l'Ebro et la Barcelonesa. Et
la Banque d'Espagne persiste dans cette attitude, mêmeaprès qu'on
lui a donné des informations et des précisions sur le contenu effectif
des décisions judiciaires prononcées par le juge de Reus. C'est ce qui
a permis au Gouvernement belge d'écrire dans sa réplique (R., V, no 44)
que le séquestre provisoire fut contraint d'adresser en avril 1948 au
juge de Reus un véritable S.O.S.parce que la Banque d'Espagne faisait
encore àce moment des difficultéspour lui permettre deretirer les sommes
d'argent déposéesaux noms d'Ebro et de Barcelonesa. Le séquestre fai-
sait savoir au juge qu'il avait besoin d'un ordre exprès du tribunal de la
faillite pour chaque retrait (A.R., vol. 1, no II, p. 24). Le séquestre de-
mande alors au juge qu'un ordre soit expédiéau directeur de la Banque
d'Espagne, pour que, dit-il (et ici vous sentez une imtation caractéris-

tique qui n'est probablement pas le fait du séquestre mais de celui qui le
dirige,soit March), pour que
sij;in pr;t~stc ni escuîc qut:lconque, il esccute cc dircctcur] le inan-
dcmcot judiciair,, ;iiitorii:iiiIvilitsiqii<-îtrt:pri>\.iioij.pr+l<ver en
une ou plusieurs fois les sommes qu'il croit opportunes du solde du
compte susdit de 1'Ebro ».

En un mot, Messieurs, vous le voyez, cette saisie des biens d'Ebro et de
Barcelonesa et ensuite la saisie des biens des autres filiales et sous-filiales
a porté sur toutes sortesde biens et d'élémentsd'actifs et non pas sur cer- PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I57

t;~iiisd'entre <,usseulement ct i~tt<~saisie s'est Iit:~irtéplus d'unc fois
I'in~r;.diilit; coml)icii coiiiprr'henjiblc rlcs ticri qui t'taierit irivitr's ?I sc
conformer aux décisionsdu juge de Reus.
Pour terminer cet examen détaillé des faits, il me reste maintenant à
dire quelques mots A la Cour de la suite des mesures qui ont étéprises à
l'éeard des filiales et des contradictions caractéristiaues aue l'on reléve
cb~iiîIÿ po>itioi~:icloptCetour i tutir p.,r les ;tiitorirCse-pagnolca.
-\prés ces prcmi;rej iiiriurt:; d'ext.:utii~ii dcs d;,cijions rçiiiliirs par 1,:

juge <lé1'2cus.les orçnnvs de 1.if.,illii< i:t le jug(1" I<r11slui-rneine vont
prciiclrc d'autrïs iiir:urrs qui, clic?, iiiipli(lucnt ;IIcoiirrnire ILrcconnsi,.
s.iilci(Ir.ici1>crsorrri3liti:ridigu?. dts 1ili;i~ri\.ïr..aiif ainsi ciaiulic kri~.
de contradiEtions auxauélles nôus attachons une très grande im"ortance.
.\lcsjiciirs. carrllcisut; ?Int~s !.CU\ p:irticiillCr<:nit:nri.~~~liitr~5 (11car3~
tbre ar1iirr;iirc que noiij rvl)rochoii; i ces d+ci,i<gii,.
L'ex~lication ~s.cb.loëiau-.de ces contradictions. nous devons natu-
rcllciiir-Atla C~I~~LI.iCllie ioi; d~ plu, rliiriles but; ~i~i~riui~.i1121 'Lniinti-
tu ri O :: :cl: qui c I I 111. Iiiiiic >'t:nib~ri;<sar1~1i dv
,< riiiiiil~iiiritli~iiir~.0ii;iiid la ocrjunn.#lit;, distiii:r~ di!; s~.ciitcs rili.ilrj
le &e, il &donne à seslégistes privésde ne pas en tenir compte et ceux-ci
à leur tour invitent le juge de Reus à ne pas en tenir compte davantage.

Mais d'autre part il entend mettre la main sur ces sociétésqui sont en
activité, sur ces going concerns, et pour y arriver il faut maintenir ces
sociétésen vie; il fallait bien les asphyxier provisoirement, dans une cer-
taine mesure. mais il fallait les maintenir en vie. Il comptait - et il v a
réussi-se faire attribuer tous les droits appartenant aui actionnaireide
cessociétéset ainsi supplanter purement et simplement la BarcelonaTrac-
tion.
Cette tactique de Juan March va ainsi contraindre les organes de la
faillite et le juge de Reus à adopter au fil du temps, et parfois même
simultanément, des attitudes tout à fait inconciliables, d'ailleurs au prix
de continuelles Iiésitations qui témoignent de leur embarras. On les fai-

sait tout le tempssauter d'un pied surl'autre, si je puis m'exprimer ainsi.
C'est ainsi aue les organes de la faillite vont d'une Dart commencer Dar
exercer, à l'égard desfiliales, les pouvoirs exorbitants que le juge Îeur
avait accordésau méprisde la personnalité morale de ces filiales. Ils vont
t rendre oossession -nous l'avons vu - des actifs de ces sociétéset ils
;.(,nt[Li& 11,igr ~ I pnii\,oir c~tr~ior~Iii~.~~ dru:iii,(IIroiiiniij,.~ir(CIL ri-
\.uqtic.rLIT; riiinibrc, rlii11crsoniieldirixi ant dL, <.<; tili.,lci; iii:tis, d'diitrr.
pad et mêmeen mêmetemps, ils vont prendre des mesures qui impliquent
au contraire nécessairement la reconnaissance de la personnalité morale
de ces filiales. Par exemple, le séquestre provisoire va se fonder sur la
possession fictive qui lui a prétenduement étéaccordéepar le jugement
des actions de la sociétéEbro pour affirmer, dèsle 20 février1948, qu'il

pouvait d lui seul former l'assembléegénéralede cette société.C'est dnnc
qu'elle existe! Comment une sociétéqui n'a pas de personnalité juridique
pourrait-elle tenir une assembléegénéralede ses actionnaires?Le séques-
tre provisoire déclare qu'il forme à lui seul l'assemblée généralede la so-
ciétéparce quele jugement lui a donné la possession fictive des titres et en
cette qualité d'assemblée générale - si je puis m'exprimer ainsi - il va
révoquer lesadministrateursde la sociétéEbro.Tout celasupposeévidem-
ment qu'il s'agit d'une sociétéayant toujours la personnalité juyidique.
Un peu plus tard, le 16 mars 1948, le mêmeséquestre provisoire p~é-
tendant toujours exercer les droits attachésaux titres dont la possession19 BARCELONA TRACTION
fictive lui a été attribuéepar le jugement, va désignerde nouveaux ad-
ministrateurs Dour 1'Ebro. d'abord. et ensuite uour d'autres sociétés
filiales. Ce soit d'ailleursdes administrateurs de tout repos, en qui
March peut avoir entiére confiance, nous le verrons, et ces administra-
teurs vont s'emoresser de révoauer les uouvoirs aui avaient été donnés
priccdtmmeiit i des a\.oiiL:spoiir rcprt:st?rilcrcc, r;ci8tïs dans Icsrecoiiri
qii'ellesexerqlient contre Irjiigçmcnt dii ir f;.vrirr. 'l'outcela, eiicore un?
foi;, inipliqiie qiie l'unreconnait Inprrsonnaliti jiiridiqii~.dc ces soci6tés.
Enfin. toiijoiirs en prétendant exercer lesdroiti ;itt:ictiésaux titrcs. les
syiidicj dc 13failliti: cqiiivunt Gtrenomiii6sdans I'inter\.alle \.ont prcten-
dre. ler.(ctézeml>rctr)+), modifier les itntuti de; swikt&sîilialc!,,dcn 30-
ci6té.ifilinles de droit canadien, pour les tr:insforrncr en sociC.tc's espn-
anoles Encore une fois tout ceci iriipl.que-ntcciiaireiiitnt 13recoiiiiüij-
&ce de la personnalité juridique.
Ainsi. Messieurs,presque simultanément, les biens des filiales sont sai-
sis et restent saisis, restent soumis au pouvoir des organes gérantla fail-
lite de la sociétBarcelona Traction et d'autre pari l'onprenddes mesures
ui impliquent au contraire la reconnaissance de la personnalitéjuridique
8e ces mêmes sociétés.
Pour tenter desortir de cette contradiction, le Gouvernement espagnol
soutient que les mesures de saisie avaient en réalitéun caractère tempo-
raire et il précise même qu'elles ont pris fin déjàle 7 avril 1948,date &
laauelle le commissaire à la faillite a rendu une ordonnance aui a étécon-
firice par le juge dc I<eiis,et le Gouvcrneni?nt c,p.i,gnol Croit pouvoir
dire qu'Ap~rtir de ce moment. critout cni, laper;onn~~lit& moralzdistinctc
des socictés filiales a ét2 rejpectce. Tlit!~ étrangt:, iiiterm~diaire, qiii
implique qii':ivnnt ccla la perioiinalitG moral? ii':ipi, 212recpi!clée.tlihc
dont on prc'tcnd d6duire qii'il n'y a <IIcontrndictioii inais qii'il y
aurait eudeux attitudes süccessives dans le temus, ce aui n'enlkverait
rien - reinnrquonj-lc -ail car:ict&re critiqii.it,le'dc la mcconnAI,siince
de 13personnnlitc jiiridi<lucpendant Icifircmi2rep5riode que diitingiie le
Gouvërnement esÜaaeno1.- -
\lais ccttc eul~l;c.;tionne correspoiirl niilleinrnt ila rC;ilitGdcs choi~:î,
noiisI';ivoiisddj3 iiioiitr~d;inslei~zriturzs(I<..V,nmqSi .;5);I'ordonn.incç
du 7 avril 1046 s'esthoriiCr rejtituer ci:rt;iini a\.oiàila so~i4tGEbro
mai'sl8ordonRince elle-même précise que la saisie est maintenue pour le
surplus. Il ne peut donc êtrequestion de voir danscette ordonnanceune
décisionmettant fin à la saisie tout à fait généraledont étaient frappés
tout au long de la procédureet ne cessera, Messieurs,qu'aprèsl'acte final,
après l'adjudication des titres (des faux titres) au profit de la société
Fecsa. La saisie avait tellement peu cesséantérieurement que, même
après l'adjudication, les syndics & la faillite ont dû solliciter une ordon-
nance du juge spécialpour que celui-ci mît fin aux mesures de saisie qui
continuaient à ueser sur les sociétésfiliales.
Je iiie r;fbre3 cct Cgnrd i I'ordonnanct. ilutrit>tin:,lspici:il dit 16aoiit
r962 cirbc (Inn5I:idii}iliqué(VII, 11.469) rt qiii ~'~\-lirimecomiiie iiiit:

. ce; ;ictioii< ;i).:ikt; ~liéiiC~.(scelles dei suci<tésausquellci se
rnpportc IlIugcmciit d5cl:ir:itif de faillite) ct les:droits qui pourr~iicnt
ai.iistcr 1:if;iilliesur lesdites :ictianiinz tierce vcrsonnt?aiZ:intétt
transférés,il y a lieu de prononcer la levéede la saisie et duContr6le
sur les sociétésen question ..n (D., VI,p. 469,note 2). PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I59

L'obiet de cette décision&ait donc bien, vous l'avez entendu. de lever
I:isaisi&.1-L' ouvernement espagnol le conteste cependant dans la dupli-
plique. II siifit pourtant de lire leplssdge qiie je viens d'exposeà la Cour
your const3ter <lutle juge pronori& la lévCediiIn saisie.
C'est bicn ainsi d'iiillçiirj q11.Garnbiij. l'ancien séquestrï provisoire
devenu. vous lesavez -c'est solibiton dï m<ir?chal-. dirrcteur gSiiGral
de la Fecsa, l'a compris, puisque trois jours,aprks ce jugement, so?t le 19
août 1952 ,t en exécutionde ce jugement, il a fait opérerla radiation de
l'inscription qui avait étéfaite en1948 au registre du commerce de Barce-
lone au sujet des biens de 1'Ebro et de la Barcelonesa. Cette inscription
que M.Gambus, directeur généralde la Fecsa en 1952 ,a faire rayer, re-
produisait la partie du dispositif du jugement déclaratifde faillite concer-
nant la saisie des biens de I'Ebro (A.R., vol. 1, no 21, p.69). et elle ne
traitait que de la saisie et non pas de prétendues mesures de contrôle.
Cette saisie, qui avait étéinscrite au registre du commerce, est rayée au
moment où elle a étélevéepar cette décisiondont je viens de parler.
blêmealors lejuge spécialavait refuséde libérerune dernikre somme de
81 millions de pesetas qui demeurait toujours saisie. Et cette somme-là
n'a étélibéréede la saisie que par un arrêtde la cour d'ap. .de Barcelone
du 22 cii.cemt>r1qj4. I):inicei arrêtI:icour, aprèi voir constat6 quc In
soriiiii,.rCclarné:t6tCI'uhjet d'iine saisii-sur13soci(>tCEI>roer~s:iqiiiilité
dc lilialedc I;isociétéf:iillic.dc'cid~ensuit'~IIÇ1):"I'c1fcte I;Iveritt:de 1:i
propriit;, I>oiir.siiuiiet ;ilil~artcn;ii(Ir~I.tilinliii l:ecsn, 1..ilicu dc
1ihért.rIns:ti<i,:iiiitialc. cl';,iiiiiilerlsedrroiiv;iiit i 1.1C:iissi:gc'iiéralc
de, <Ii:i)i,tsiiiariclone c~Ic rumertre I;IioiiiriiedeSi niillioiisde Desetas
aux sfndics afin que ceux-ci la remettent à leur tour à la société proprié-
taire (A.R., vol. 1,no20, p. 66).
Comment peut-on, en présencede cesdiverses décisions,soutenir que la
saisierelative aux biens de I'Ebro. et en ~articulier de cette somme. aurait
pris fin leavril 1948?
La these du Gouvernement espaen.l - à cet é-ardne repose sur aucune
base dans les faits.
Le Gouvernementespagnolinvoqueaussi un arrêtduTribunalsuprême
du 22 juin 1954 (A.R.,vol. III, no100, p. 15). Bien à tort, car cet arrêtlui
aussi confirme que lalevéede la saisie n'est intervenue que par suite de la
vente des actions des sociétés filiales à un tiers et par suite du transfert
à ce tiers des droits qu'avait auparavant la sociétéfaillie, ce qui explique
quela mesure devenait inutile. La saisie avait donc bien duréjusqu'à la
vente. Que dit cet arrêt:

«Considérantque la saisie et le contrôle des biens, livres et docu-
ments de certaines sociétésayant étéprononcéscomme mesure de
précaution ou de garantie, du fait que la sociétépropriétaire des ac-
tions du capital des sociétésprécitéesaété déclaréejudiciairementeii
faillite, la décision,quisur la demande des syndics de la faillite, Lève
la saisie et le contrôle par suitede la vente desdites actions et le trans-
fertà un tiers des droits aui pouvaient setrouverrattachés à la faillite
lcur siij~>,e borne à liiiss6rs:ins eiict unc iiicsurcdt:pr6caution qui
~'nvér2it SU~C~~~UC du momcnt que dispnraii;.init I:ii:iuse qiiiI;mo-
tivait. t,(r\.D.,vol. III. n" roo, p. 16,.

1.eTribiinnl supr2mc coiist3tédonc qu'il y a cu une dtkision i~ii'iiiter-
prétc Iiii-mCmccomme ayint levC I:is:ii;ij.In dei~iniid,:[les syndics et 160 BARCELONA TRACTION
après la vente. C'est donc bien que la saisie avait subsistéjusqu'à ce mo-

ment. Comment le Gouvernement espagnol peut-il le contester?J'ajoute,
Messieurs, et je suis obligéde mettre la Cour en garde sur ce point, que la
traduction decet arrêt,telle qu'elle figure dans une annexe àla duplique,
ne corres~ond Dasexactement au texteintémalaueie viens delire (annexe
no 100) ênce sênsque le mot cisaisie» a étgomi;: Lève le contrôie »,non
pas «lèvela saisie et le contrôle 1,.
Avant d'aborder l'examen en droitdes motifs du iueement. avant d'en-
trzprt!iirlrc la cririqiit, d:c; motifs et cnjiiitc I'iuariicii Jcs inotifi <lue IV
c;ouvcrncnient c.q),ignolcroit pouvoir y iubctitucr, jt:crois poiivoir rCiu-

incr i:i,iiimc suit Ici laits tcls c]ii'ils,c JCgngciit (IcI'cx;initii d;.t..illC ;lu-
cliiclJCni? siiisetfore; dc yrocC.dcr.
'l'outd'abord. lei >;iisicsJcs bicnï (Icsnlinles oiit i~vri;:siIr tou, Icïbiens
des filiales et non Dassur une ~artie de ceux-ci. CesSaisiesn'ont Dasétéa ~ ~ ~ ~ ~ ~
toiil liini1;vj;iiiu <uiiilitrj:LI';<rgïiitrt ficerttiiii.; ~locunii.iit-ticrt'iins
bicni, msij ont port2 .Ur tous les bicns de.; lilialé;. i vstcc:oiii ;iv,iit d'ail-
leurs été ordonné.Deuxièmement, aucune décisionn'est jamais intervenue
pour constater soit l'annulation des sociétés filialespour quelque cause
que ce soit, soit leur dissolution et la confusion de leur patrimoine avec ce-
lui de la sociétémère. soit leur inou~osabilité aux créanciers de la société
. .
I I . 1.~3 iili:gl<:an'<,iitnihic p.ii it;, considr'i>ss ct~riiiiic:I>.,rtiesi cc5
~>roc;%Jiirc<ilek~illitcet c'est lc iiioiifpour l't~iitI1" rrirliirs forinCs par
,.IIt~îii,ntri. 1tcîd;i.iiioii il12,iGvrivr, ?- f;\.ricret 27 I~I<~I,xit :.t;d<:t.1:1-
réesirrecevables.
Troisièmement, aucune des décisionsque j'ai analysées, en vertu des-
quelles les actifs des filiales ontétésaisis. ne fait la moindre allusion à une
fraude quelconquecommise oucombinéeiors de la constitution de cesfilia-
les ou un autre moment au préjudice des droits des créanciers. Toutes
ces décisionssont fondéesexclusivement sur une considération uniaue. la

Quatrièmement: les saisies ordonnées n'ont nullement eu un caractère
temporaire, que d'ailleurs le jugement ne prévoyait pas. Elles n'ont pas
pris fin le 7 avril 1948, elles ont subsisté jusqu'au mois d'août 1952 et
même,en ce qui concerne la dernière sommëde 81 millions de pésetas,
jusqu'en décembre 1954.
Enfin, et en dernier lieu, ces saisies n'avaient nullement un caractère
suigeneris; elles ne s'analysaient nullement en une simple mesure de con-
trôle, elles avaient lieu, suivant lejugement même,en vertu des textes qui

organisent la saisie eii matière de faillite (art. 1334 du code de procédure
civile, citépar les décisionsjudiciaires elles-mêmes).Et les organes de la
faillite ont, à plusieurs reprises, soulignéque les biens saisis faisaient par-
tieintégrante de la masse de la faillite Barcelona Traction.
Le terrain étant ainsi déblayé enfait, le moment est venu d'aborder la
partie juridique de notre critique de ces décisions.Notre grief, c'est essen-
tiellement la méconnaissance arbitraire de la personnalité juridique des
filiales. Que cette méconnaissance ait eu lieu, cela n'est pas un instant
douteux en dépit des dénégationsdu Gouvernement espagnol. Le juge-
ment du 12 février 1948 dit explicitement que les biens sis en Catalogne

rrappartiennent de façon irnmediate iiàla Barcelona Traction. Comme des
biens ne Deuvent Das faire ~artie la fais du natrimoine de deux sociétés
distinctes, cette &le phrise démontre que ie juge entendait bien faire
complètement abstraction de la personnalité propre des sociétésfiliales. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 161
Pas de doute sur cepoint. Cette méconnaissancede la personnalitéjuridi-
oue des filiales constitue certainement une violation et une violation

r;ianifejte et grossièredes dispositions du droit espagnol et. j.ce titre. nouj
poii\.ori; lesconsiderer comme un dériidl!jiisticc flngraiit.
Notre démonstration portera sur les uoints suivants:
I>remi~\rcmentl,ejuge'de Reus dc\,aiirespcct~r I:ipr.rsonnalitt2juridique
des socictésfilialesparce que ledroit espngriolc~>iii;i<r:iiitndul>itablcnient
l'existence de cetter>ersonnalitéiuridiaueet la conséauenceen devaitêtre
évidemmentque chicune de cesiociétisavait et consérvaitun patrimoine
propre et distinct.
Deuxièmement, les vrais motifs invoquéspar le juge deReus pour écar-
ter la personnalité juridique des filiales ne sont aucunement justifiésen
droit espagnol et ne constituent qu'un prétexte qui d'aucune manière ne
~ouvait iustifier la décisionprise.
' ~nlin.'troi.~i6nieriieiit.les'mntifs iiii;igirii's;il>r;scoup p.lr 1,:i;nii\,criic.-
iiient c;pagnol pour jiistificr les (1;cisioiisdu ju~c de I<<iii;iiitr~mcnt que
i:,jiig,:lieIavait fait Iiii-iiiCine,ce> riiotiis~~iis-mfmeiiorit dériiir'sdctuiit
L~iiiilcmeii t~u.;si icn cri(:litqu'en droit

ici iiiutiis, i'ni dCiA CU I'occ:isioiidz IC,i.iiali:r, ,uiit (1.iill~:urscoiitro-
dictoiresentrëeux.
Tantôt le Gouvernement espagnol nous dit: iLe juge de Reus n'a pas
méconnula personnalité juridique des filiales. u
Tantôt il nous dit: iEn réalité,le juge de Reus avait le droit de ne pas
tenir compte de la personnalité. »Cequi est évidemmenten contradiction
avecla premièrethèse.
.l':int<'~tt:,iifilessaie de moritrçr (liie, tout en rcspcctant la persnrina-
lit2 juridiqiie dcs nliales, le jiigc puuvait cependant ordoiinçr I:Isiiijie de
1,:uii bisiis au iiiéinetitre que la saisie dci Iiii:n, (le 1;iiociit2 faillie elle-
même. Nouvellecontradiction avecla deuxièmeposition.
Cescontradictions et cette multiplicitéde thèses font comprendre à l?
Cour que, malheureusement, il me faudra plus detempsque je ne l'aurais
souhaité pour discuter ces différentes explications imaginéesaprès coup.
Je vais maintenant, si la Cour le veut bien, aborder successivement les
trois ordresd'idéesque je viens de me permettre de luiindiquer.
Tout d'abord, lejuge de Reus devait respecter la personnalité juridique

des sociétés filialee sn vertu des dispositions du droit espagnol qu'ildevait
appliquer aux faits de la cause.
Il y a une distinction à faireparmi les filiales dont les actifs ont étéen-
globésdans cette saisie ordonnéepar le juge de Reus. Les unes sont des
sociétésanonymes de droit espagnol, tandis qued'autres sontdes sociétes
canadiennes.
~-~ ~ibien le droi~ ~ ~aenol aue ,edroit canadien affirment la Dersonna-
litCdijtinctc iI'l:garcl dç toiit IGmoiide dei iiici6tr'îniiori)mii:îr~iides 50-
siCtC, p;ir :titions ;i\.cs 1;.coiis;:cliieiii~l:lLmcntairc que Ic:i>.îtrinioiiic
cessociétés nepeut pas êtresaisi ni par les associésnipar IesCréanciersdes
associés, cepatrimoine étant exclusivement réservéaux créanciersde la
sociétéelle-même.
Tout cela, Messieurs, est élémentaire. Je m'excuse de rappeler des
choses aussi élémentairesmais ilsemblequ'elles aientétésouvent perdues
de vue par le Gouvernement espagnol.
Ouant à la loi es~aenole. la sociétéanonvme était rbie à I'é~oauePar
le code de comme~cedont'i~articie 116 pr&oit que lessociétéScornmer-

ciales constituéesconformément aux dispositions dudit code sont dotees162 BARCELONA TRACTION

de la personnalité morale à dater de leur constitution et, parmi elles. fi-
gurent les sociétésanonymes.
L'article 116 ooursuit en son alinéa deuxième: cUne fois constituée. la
société commer~ialeauralapersonnalitémoralepour tous ses actes et con-
trats ii,et l'article 174du code de commerce déduit de la personnalité
morale la conséquenë&naturelle que je rappelaisil y a un instant:

«Les créanciersd'un associén'auront vis-à-vis de la société.même . .
<!II<::i11%f:iillit<Iic.?r;issot.i;.<I'.iiitrdsroits qiic wlui de ;:iizirt tcl.:
pcricvoir cc.qui rc\.ient I':iwo,,iCd~;bitt-tir;oiii forine dc b;ii.ti;cGU
de boni de liquidation ».

Donc les créanciersde l'associéne oeuvent oas saisir les biens oui font
partie du de la société. A
Ici je m'arrêteun instant parceque, dansla duplique (VI,par. 429). on
nouscherche encore une foisquerelle sous prétexte que nouÇn'aiois pas
cité lesecond paragraphe decet article 174N .ous ne l'avons pas cité,Mes-
sieurs, parce qu'il est tout à fait étranger aux questions que nous débat-
tons. Il est précisédans ce second paragraphe que la saisie par les créan-
ciers d'un associédes bénéfices ou du boni de la liquidation revenant à cet
associéne peut avoir lieu en casde société anonyme que sil'action est no-
minative ou si le légitime propriétaire en est connu. Tout cela est l'évi-
dence meme, mais tout cela n'est pas en question. Alors;encore une fois,
pourquoi nous chercher cette querelle?
Le texte de l'article 174 aui réserveles biens de la société à ses créan-
ciers cst tout i fait cl:iir, il 11,.rr<]~iirrtp.t> cI'int~r,~r~t.,tiuiiil l~r(:vuir,
coiilnied;iii, tuus Icapays qui cunn:,iii<,nrl:~5oc1L\ta ?iionyntt: OU I;,iocietC
Dar actions. aue les ëréan6iers de l'associén'ont Das d'autres droits aue
~'~ - - ~ ~ ~ ~~~-~~~

Qti;xiit;LUX auii;t;j ~dn:~dir.nnci.IL.i;ouveril~meiit cipa~nr>ln'a pas SC-
ricuiemcnt contes16qu'elles sont r,;giesp.~rleur lui ilurigiiir.C'i it (,<tqiic
~xe\%it Ir.codt: dti<:oiiiinrra:c~51,:ignolIiii-niCnivd:,ns Icj dis~)o,itiunsqiic
noui avons ~.itGcs dniis In r6pliqtie ,l<..V,par. 5171.1.1droit c\pngiiul pi.>-
voit que 1cssoci;.tci étr;iiijir:ri.isoiit r<gizsp:tr IC.iirlui d'origiiici.r il II'%-it
11:~csoiit<'st~qut: cette loi cl'originc, 12 droit canadien, prcvuit qu'iine su-
ciet,; in<.orp<,rr'oiiit <ILl,a per~oiinalit2ni<#r.ilcC. 'estla réglcd;gagCc par
la iurispntdciicc an~l.tiic d:ini I;ii;l;tirc iiffairv Sd/lini~,n1..Selu1n1.n <-II
rSj7 (AC 92.42, ci'c'c;t cc qu'ciiîeigiii.IR,loctrinc c;irindieiiiir, ainsi que
<:t.lart!stilte dci inrliiatii~nï quc iioiis :i\.oiii dotinLes dnii: notre r>-li-uc
(V,par. 517).
Pas de discussion possible sur ces points de droit tout à fait élémen-
taires. Et, en droit canadien comme en droit espagnol et comme dans
tous les droits d'ailleurs, la personnalité moralesignifieque ni les associés
ni lescréanciersdes associésn'ont une action directe sur le patrimoine de
la société.
Tout cela sans que l'on fasse cette distinction entre la dépendance ou
l'indépendancede la personnalité morale.
L'existence d'un patrimoine distinct réservéaux créanciersde la société
est un attribut essentiel de la personnalité juridique. Quiconque mécon-
naît le principe du patrimoine distinct de la personne morale en permet-

tant aux associésouaux créanciersd'exercer leurs droits sur le patrimoine
.<O<1.11mCionn:iit par Ii iti?iii<~e,t ri?a>î~iri:nieiit, 1.îp,:r~oiiii:~iitr: orale
di 11soci6tc. Tou>Icî rnurti dc sutrilitr: nc pcrmetrront l>:is <Ir ni-.c<,II-
n~~itrïcerte \.;rit(. 4l<nieitt:iirr. i.\.i<ltni<I:giijtoiitti Icî ICjiiîl.itioii:qui PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
163
connaissent la personnalité morale. C'est d'ailleursune auestion de Dureet

..
F:iut-il xjour~r, n les sieur.^. e 1.1p~rioiiiialir~ nioralr Jt ;s~cict~iano-
n!inci. ~t riut.triiii.t.iit clc; gr:iiiilcs ,u~<lttc:q>it.iiix<III<i..oiis i:uiiiiaij-
sons.constitue le fondement mêmedu fonctionnement dëces sociétésdont
le raie fondamental dans l'économiecontemporaine n'a pas besoin d'être
souligné?Par conséquent, il ne peut êtreportéatteinte à cet élément fon-
damental du fonctionnement d'une sociétéanonvme que ~our des inotifs
que le droit reconnaît, qui sont soigneusement
et'juctifiés.

L'audience, suspendue à II h 20, estrefirise à Ir h 50

J'espère avoir montri: àla Cour que le juge de Reus devait respecter la
personnalité juridique des sociétés filialesen vertu des dispositions du
droit espagnol dont il avait à faire application.
Je me propose d'examiner maintenant la valeur des motifsinvoqués par
ce juge pour écarter, ainsi qu'il l'a fait, la personnalité juridique de ces

mêmessociétés.
(:ci iii~tifi,\l~isi~.urj. vous les c~nti<iii,~%.1.c juge .CS SIr;p<fi.j <1:8ii5
pI~i~i<;iir(sIici~ioiict tiioi-ni6illc je le; ai, ?pr&j lui, r;,p;,t<,;<Ic\,;irirvous
:LVV,~ ~i~ ~iiuiioruiii~.IUII~v III'<.x~-II><.. iiiut---5%.r!~Iuiscrit~ ~~~- -l: le
caractère unipersonnel dis sociétés filiales,la circonstance que tous leurs
titres se trouvaient en possession de BarcelonaTraction, soit directement,
soit par l'intermédiaire de filiales dont la Barcelona Traction possédait
tous les titres.
Dans aucun des jugements que j'ai eu l'honneur d'analyser tout à

I'heure,dans aucun de cesjugements quiordonnent lessaisies des biens des
filiales, il n'est fait allusion l'existence d'une fraudequi aurait étécom-
mise par la sociétéRarcelona Traction; encore bien moins trouve-t-on ca-
ractérisés les élémentsde cette rét tendue fraude. .u'.l s'aeis<. d'une
fri~i I dit 1. ~r;aiiiiers, d une fr~udc ;,II\clroirs rlini<, ou <l'iiii+
frhud~ :,II\droit, <IVii'iiiil~~rrqu~ll~. .iiitrt>~c.~~J~IIIc.;.
1.:iiliii)liiii15iii.Ïirri~:ii.~cii<lniCI iiii1.11ienrinienr cl'irrir~rioii :Lc-t.
sujet. II 9 eit dit que ïe ou Ger ne m beleget en soutenant ce que je viens

de dire, fait preuve .d'audace ou d'inconscience » (VI, p. 431). Il ne faut
pas s'irriter. Un adage bien connu dit: ccelui qui sefâche a tort 11.11nous
sufit,pour que nous justifiions ce que nous disons, de lire, comme je l'ai
fait -et je me garderai bien de recommencer - les motifs mêmes des
décisions,sans au'il soit besoin d'aiouter aucun commentaire.
J';<jc,iitt:<~n'.~ii\.ii~c cc- d&iii<>n>nc L~it .i:<\~iir~gc :~lliiiioii i Il
circoii?tancc quc Icj so~i;r.; fili.ilcs .,ur.iicnr Sr; siiiiiil;cs oii i111'<.1ati:ls-
r.iiiiitCtC di.; nr;tc-ii~ni; J<. 1.ii~,.i;,t;~nicir ouiiii'cllciiiir:iiriir 616leur
mandataire ou leur agent.

Rien de tout cela ne figure dans les décisionsdu juge de Reus. Il ne re-
tient que le seul fait de la possession par la Barcelona Traction desactions
des filiales.
II en est ainsi mémedanscette ordonnance du g mars 1948 que j'ai lue
également et dont j'ai signalé A la Cour que, bien à tort, le Gouvernement
espag~iolcroyait s'en prévaloir. La duplique (VI, p. 431) ne cite A cet égard
qu'une partiedesmotifsde cette décision (A.R., vol. 1, no 22).Si on la rer
prend dans son entier, comme j'ai eu le soin de le faire tout àl'heure, l'on1~4 BARCELONA TRACTION

con5tate quc c'est xpréia\.oir r~ppcI&13r:lisoii ]lutir I:iqiicl~t~~~ ji-srincilt:
aiitérieurs ont kart: la i>rrsonnalité des fili:tlcs- ;i.av~ir, touioiiri Ici
même:ladétention de tÔutes leurs actions par Barcelona -, c'eit après
avoir rappelé cette raison que le juge en conclut que cette personnalité,
si on l'invoquait, ne serait dans cesconditions qu'une fiction.
Tel étant le seul motif par lequel le juge de Reus prétend justifier ses
décisions, voyons quelle en est la valeur. Je crois pouvoir affirmer que la

seule circonstance que toutes les actionsdessociétés filiales ont appartenu
àlasociétéBarcelonaTraction -ce qui n'était d'ailleurs pas tout à fait
exact pour certaines d'entre elles - cette seule circonstance est totale-
ment insuffisante pour justifier la mesure de saisie de leurs biens. Et ce,
~our deux raisons essentielles aueie vais avoir l'honneur de déveio~~er.
La première, c'est que tantle droit canadien que le droit espag;iol re-
connaissent et reconnaissaient à l'é~oa&ûde. faits la validité de principe
des sociétésd'une nersonne.
1.a dciixitinc, c'est qii'i siippu>cr m;nit iliic l'un c(itrclusÏ di. rcroii-
nlitrrt 1,:in:iiiiticn envif., j~.1,iiim'cxpriiiirr :linsi. dessocictci tilinle?
pour luaisoii qu'cllc; ii:rni<.iitdrs socif18.i (IVc:ir,iit;rt: unipcrionnc.l,€11-
<:or<:.iiirait-il f.1<'IIce cas proiitiii<:~rrF.ll~bl<iiic:iiI~iir<lisiolution ou

ioii-rtitrr .l'tint- iiini.it'r~riuclcunqiic l,iii .iniiul:itinri 1.1urduiiii~rIi-ur
quidation.
En d'autres termes, d'aucune manière et mèmesil'on refusait de recon-
naître le maintien normal en vie de la sociétéparce qu'elle n'avait qu'un
actionnaire, d'aucune manière ne pouvait se justifier ce qu'a fait le juge
de Reus, à savoirla confusion immédiate et deplano des patrimoines.
Examinons successivement les critiques qu'appelle le motif unique in-
voquépar le juge de Reus.
Tout d'abord. comme je l'ai indiquédéjà,tant en droit espagnol qu'en
droit canadien, l'on admet la validité de principe des sociétésd'une per-
sonne.

En droit canadien, cela ne fait aucun doute (R., V, par. 239 A 245, et
523; A.R., vol. 1,no 42). En droit canadien comme dans tous les droits
anglo-américains, la circonstance que toutes les actions d'une sociétésont
réuniesentre les mains d'une seule personne et mêmele fait que la société
dès sa constitution n'avait, suivant l'intention de ses fondateurs,qu'un
seul constituant, cette circonstance demeure sans la moindre incidence
sur la vie normale de la sociétéet ne peut justifier en rien la méconnais-
sance de la personnalité morale.
Sans doute la circonstance que la société mère possèdetous les titres
de la société filiale souligned'une manière particulièrement frappante la
solidarité économique qui existe entre les deux entreprises, mais cette
solidarité sur le plan économique n'emp&chepas qu'en droit il y a deux

patrimoines distincts, qui restent distincts et qui demeurent affectés
chacun à un passif propre.
Bien entendu, ilpeut sefaire que le recours àdes sociétésd'unepersonne
s'accompagne de certains abus, auquel casil sera possible de faire ce que
l'on appelle elever le voile de l'incorporation »,c'est-à-dire de passer, si je
puis dire, au travers de la personnalité juridique. On peut d'ailleurs,
Messieurs. et ceci est une observation dont la Cour com~rendra l'im~or-
tance, ~n'~eut d'ailleurs lever le voile de l'incorporation non seulement
dans le cas des sociétésd'une personne mais aussi dans le cas de sociétés
qui possèdent très normalemint plusieurs actionnaires, lorsqu'o.! releve
l'existence de certains abus. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 1~5
Mais. et ceci est l'élément essentiel.Dour arriver à ce résultat. Dour
pouvoi; écarterla personnalité juridiq;< il faut constater et caractkser
les abus dont il s'a&. En revanche, la seule et unique constatation du
caractère unipersoinel de la société,la seule et unigue constatation du
fait quetous ses titres sont entre les mains d'un seul actionnaire, ne peut

en aucun cas justifier quesa personnalité juridique soit contestée.
Je me permets, pour le surplus, de prier la Cour de bien vouloir se re-
porter aux écritures; nous avons démontréque telle est la solution en
droit canadien, mais que telle est aussi la solution admise dansla plupart
des droits, à l'exception du droit français et de certains autres droits qui
en découlent (R., V,par. 239.245; A.K., vol. 1, no+; R., Y, par. 523). Si
en droitfrançais et en droit belge notamment, la réuniondetous les titres
en une seule main est encore parfois considérée commeincompatible avec
lemaintien en vie de la société et desa personnalité juridique, ilest permis
de dire que c'est là une conception qui de plus en plus est considérée
comme archaïque et qui se rattache à cette idéeaujourd'hui largement
dépasséeque la sociétécommerciale doit s'analyser en un contrat et sup-
pose par conséquent, comme tout contrat, au moins deux contractants.
Aussi, les droits qui s'en tiennent à cette conception demeurent-ils
isolésdans le cadre de l'évolution contemporaine. Il s'ensuit que le juge
de Reus, en ce qui concerne les deux filialescanadiennes, violait manifes-
tement le droit canadien, qu'il aurait dû appliquer en vertu du droit
espagno1,et cette violation n'est pas sérieusementcontestable.Envio1ant
le droit canadienquis'appliquait àcessociétés comme étantla loide leurs
statuts, il violait le droit espagnol puisqu'il se refusait à appliquer à ces
sociétés ledroit qui, d'après les règlesdu droit international privé espa-
gnol, régissaitla capacité et l'organisation des deux filiales dont il s'agit.
La portée des dispositions de droit espagnol auxquelles je fais allusion
n'est pas contestée dans la duplique et je crois donc superflu de m'y
étendre davantage.
En ce oui concerne les deux filiales de droit canadien. l'illéealitécom-
mis~est ,vrr,~inc: IIinotif invoqu; II?ycrmvrt:iit p.,. :ilui scul.CI çiiI'.,b-
sence de to.itc autrc ;orist:~t.,ti~iiioii corihidtl~~tio,Irlu>ririerl:, nir...uri-
naissance de la personnalité juridique.
Quant aux filialesde statut espagnol,le Gouvernement belge avait pris
soin dans la réplique (R., V,par. 519 et suiv.) d'exposer d'une manière
complète l'état du droit espagnol sur cette question, en faisant toute la
distinction qui s'impose entrele régimeantérieur à l'importante loi du
17juillet 1951qui a modifiéle rkgime des sociétésanonymes et le régime
postérieur à cette loi.
Lrt;uuvçriiviiienr Ii~Igc:iv,tit clt'ni~ntri~I.~iisnr>pliqur:rii iiivor]ii;iiit
I'cnse~gncineiitdcs autcurî cîp:igriols Icsplus ,.uiiii<l.rnbl\:syu< I'upimon
cloiiiiiiiiitc bit f:ivur;il,l;,1.ir.~~.oiiii;~is.~(1~la vnli<lit<z:t du m..iii-
tien en vie des sociétés d'une Dersonne.soit ari'ils'ae<,se de la sociétéoui
dci.icnt iiiiipt:ri~>iiiiciii;,,;ri: tii ~ t..si'tr.iicr.,oit qu'il i'.igis,c di. ic
quc I;doctriiis espjinole appcllr 1' unipcriuiiiinlirr prt?orclonn<' e.c'est-
A-(lirerlGiiJ;s entrs 1t.sfondatcuri di.<xv,iiir I:,cuii;titution dv 1.1socifct(..
Le Gouvernement belge avait montré aussi que sans doute cette solu-
tion n'était pas unanimement admise en droit espagnol, qu'il existait
certaines opinions divergentes et il avait soulignéque la conception espa-
gnole de la sociétéunipersonnelle était différentede celle qui est généra-
lement admise dans les pays de droit germanique ou dans les pays de
droit anglo-américainoù la sociétéd'une personne fonctionne de la ma-166 BARCELONA TRACTION

nière la plus normale, la plus aisée,sans aucune restriction, comme toute
autre société.
Le Gouvernement belge avait également indiquédans sa réplique que
la jurisprudence espagnole s'est ralliéeau principe de la validité des so-
ciétésd'unepersonne et nous devons souligrier à cet égardque, eu dépitdu
ton très polémiquede la duplique au sujet de ces questions, la duplique
s'abstient de son côtédeciter la moindre décisionde iurisvrudence ensens
contraire, sauf un arrêtancien du Tribunal suprêmé du Î3 juin 1891que
nous avionsd'ailleurs citénous-mêmes,mais quiest dépassépar plusieurs
décisionsultérieures.
En ~articulier. le Gouvernement belee s'étaitréféré dans sa rénliaue à
une dZci~ionimportante et qui fait auyoritéen Espagne, émanaut de la
direction générale des registres du notariat, décision presque contempo-
raine du jugement déclaratif de faillite puisqu'elle porte la date du II
avril 1945C .ette décisionréexamine endétailleproblèmeet conclut d'une
manièretrèsnette à la validitéde la société d'une personne mêmes'ilfaut
considérer qu'il s'agit là d'une situation quelque peu anormale. Cette
décision, comme nous le relevionsd'ailleurs nous-mêmesdans la réplique,
en dépit du reproche que l'on nous fait bien injustement sur ce point,
cette décisionfait éea-ement une réserveaui se concoit aisémentoour le
cas où iiii~hus niirait ;,récommis p.ir 1':~c;it~iiii.iireiiiquc.
II s'.iyit, Ycs.;iciirs.d'iiii~.tl~&isiuntrCi iiiiport:i.c'est I'oliiiiiudeli
dwrriiic ~:ji~~rnole.Ellc .:st reni;ir<iuül>lenicntni,iti\.tir etiz iiu'rllc
méritede ;et& votre attention. C'est la raison pour laq;elle je me per-
mettrai d'en lire quelques extraits.
La décisionde la direction généraledes registres du notariat commence
par souligner que le code de commerce

cn'établit point comme cause de dissolution des sociétésanonymes
le fait que les actions viennent à appartenir, soit de façon momen-
tanée. soit de façon permanente, à-Üne seule personne; [que] l'ar-
ticle 221 av. .cable à toute sorte de société~'ét~blit comme causede
Iciirdi.sùliiiirjn r\~taleqiit la \.vn(lu rernic :fixé:.lanii Jc I'uLjet de
I'ciitrcyriic, ln pcrti-riciiti<.tdii c~liirnlct 1;ifaillite deI;i,»cict;. ..
Et la décisionpoursuit:

(<Attenduque, sans ignorer ni sous-estimer les inconvénientset les
daneers aui Deuvent découlerde la coexistence du oatrimoine indi-
vidÜel [de l'ictionnaire unique] et dupatrimoine s&al, lesquels ne
sont vas d'ailleurs supérieursaux dangers et inconvénients éventuels
naissant dans les soiiétésanonvmes dans lesauelles il se trouve. de
façon réelleou simulée,deux ou plusieurs achonnaires, il convient,
malgré le silence à l'heure présentede notre systkme juridique eu la
mafière.de retenir comme ion conforme au droit en une mat'ièreaui. . .
pJr i:i ii.itiirtest J'intcrpr6t.iti~,ii r$..trtivc, <I';ttii<lreumcieuj~~-
iiir:iIvirlir<,sc.iiis<(Ir<li..ioliitiuiiIIio;iC-t<iet de dl:~.larertitrintv
ipso ~,IC~C:i;ot-ic:t<;,nonynie C'onip.iïii,iFiii.,iici,.r:~~i~iul~iliu.ri
l'ar coiis$~~u~~i it,n'y 2 pl> Iiciicil droit ~~sl~a~ii cdl,d;.~.l:ir~r6teitite,
coiririir n';,!.:in[plus de ~)criuniialir~flijtincte. ln jociCti dont il s'agiisnit
pour la seule raison que toutes sesactions seraient en possession d'un seul
actionnaire.
Vient enfin la réserve à laquelle j'ai fait allusion - réservetout à fait
naturelle et qui s'impose - pour le cas d'abus: PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 1~7

«sans préjudicedu fait que si le titulaire unique cherchaià profiter
de cette lacune de la loi pour commettre desabus de droit, les tribu-
naux pourraient, lejour venu, sur les instances des parties ou d'office
pondantes~. (A.D., vol. II, p. 598-599.) imposer les sanctions corres-

Voilà cette décisionimportante qui se prononce d'une façon particu-
lièrement nette en faveur de la solution que j'avais indiquée. Dans sa
répliquele Gouvernement belge s'étaitaussi référéM , essieursà l'exposé
desmotifs de cette loidu 17juillet 1951qui aréformé enEspagne lerégime
des sociétésanonymes, dans la mesure où cet exposérendait compte de
l'évolutiondu droit es~aenol en vieueur antérieurement au suiet de ce
problème et dans lamisGe où cet exposécomplétait ainsi la dlcision de
la direction nénéraledes renistres du notariat de 1945. Deux arrêtsdu
Tribunal suÜrêmerendus ultérieurement - ? octobre et 14 novembre

. .
espagnol&- '
Le Gouvernement espagnol, sans pouvoir contester l'exi5tence ni la
portée desdécisionsainsi invoquées, fait valoir qu'une partie de la doc-
trine était d'un avis différentet il faàtcet égard diverses citations (D.,
VI, p. 435; A.D., vol.II, no 74). Le Gouvernement belge non seulement
n'a jamais contesté qu'il existait quelquesopinionsdoctrinales contraires
à la jurisprudence qu'il avait citée,mais il y avait fait lui-mémeallnsion
en termes exprès et très précisdans la réplique (R.,V, no $21. p. 379).
Toutefois,contrairement à ce qu'écrit le Gouvernement espagnol, c'est
bien l'opinion consacréepar la loi de 1951aprèsla décisionde la direction
générale des registresde 1945,c'est bien cette opinion-là quiest l'expres-
siondu sentiment général,enEspagne, ainsi que cela résultedesréférences
contenues dansla répliqueet en particulier, Messieurs,du rappnrt officiel
espagnol au congrès de l'Académie internationale de droit comparé
est citédans la réplique (V,no521. p. 379).ur Jordano et dont un extrait
Si nous voulons tirer la conclusion de ces observations, je croisue je
puis dire tout d'abord que le juge de Reus a incontestablement violé le
droit espagnol dans la mesure où cedroit renvoyait au droit canadien pou;
les sociétésfilialessoumisesau droit canadien, dans la mesure où il arefuse
d'appliquer la règledu droit canadien unanimement admise et sans con-
testation ~ossibie. selon laouelle la sociétéd'une Dersonne conserve son
patrimoi& distinct.
La décision priseen ce qui concerne les biens de 1'Ebroest donc incon-
testablement illégale,d'une illégalitémanifeste car les dispositions légales
a..iicablcs étaient d'une sim~licitéet d'une clartéélémentaires.
En second lieu, je crois p&voir dire que le juge de Re. a méconnu
également, sans motiver autrement sa décision ni !a justifier, la règle
adoptéepar la jurisprudence espagnole et par la majoritéde la doctrine
espagnole quant aux sorjétésd'une personne, lorsqu'il a méconnul'auto-
nomie patrimoniale des filiales de droit espagnol- autonomie formelle-
ment consacréeen droit espagnol par les articles 116 et 174 du code de
commerce.
Mais, Messieurs, il a ,comme je vous l'ai indiquétout àl'heure, une
deuxième raison essentielle qui nous permet de dire que l'unique motif168 BARCELONA TRACTION

invoquépar le juge de Reus est totalement insuffisant pour justifier les
mesures ordonnées par lui.
Si mémela Cour estimait, en ce qui concerne les sociétésde statut
ment parce qu'il y avait quelques opinions dissidentes que nous avonsimple-
mentionnées, encore demeure-t-il certain que le juge de Reus, dans son
propre système, a commis'une illégalitélorsqu'il a déduitde la réunionde
toutes les actions aux mains de la Barcelona Traction la confusion immé-
diate du patrimoine des filiales avec celui de la Barcelona Traction.
Encore aurait-il dû préalablement prononcer leur dissolution et ordonner
leur liquidation.
C'est cette seconde raison essentielle que je me propose d'examiner
maintenant. Supposons que le juge de Reus ait cru devoir s'écarter de
cette décision,qui faisait cependant autorité, à l'époquesurtout, de la
direction généraledes registres de1945 ,t qu'il ait voul- il ne s'estpas
exprimé à cet égard - s'en tenir au point de vue contraire. Je rappelle
encore que tout ceci est indifférentà l'égarddes deux sociétés filialesde
droit canadien, pour lesquelles l'illégalitéest flagrante. Il ne s'agit plus
maintenant que des sociétés filialesde droit espagnol. Mêmûalors, la
décisionde saisie illégaleetde filanodes biens des filiales était toàtfait
injustifiée.Pourquoi? Parce que, suivant mémela doctrine la plus rigo-
riste condamnée en 1045. écartéeDarla décisionde la direction générale.
mémesuivant cette doctrine rigiriste, la réunion de toutes les actions
entre les mains d'une seule personne n'entraîne iamais la confusion immé-
diate des patrimoines et nepeut pas avoir cettéconséquence.Mêmedans
cette opinion, la seule constatation qu'il n'y a plus qu'un actionnaire a
pour seule conséquencela dissolution de la société.
La dissolution de la sociétéentraîne bien entendu sa mise en liauida-
toutes les actions sontentre les mains d'une seulepersonne, doit constaterue
ou prononcer cette dissolution et que c'est seulement après l'achèvement
de la liquidation que la personnalité morale de la sociétédisparaîtra et
que les biens qui constituaient son patrimoine se confondront avec les
biens del'actionnaireunique, en l'espèceavec lesbiens de la société mère.
Or Messieurs, vous le savez, ce n'est pas du tout ainsi que le juge de
Reus a procédé.Le juge de Reus a décidéd'une manière tout à fait som-
maire, sans la moindre explication ni tentative de justification, qu'il y
avait lieu de saisir immédiatement les biens de ces filiales et de les con-
fondre avec les biens de la sociétémère,sans se préoccuperdes règlesde
droit qui s'imposaient dans ce cas.
Pourquoi a-t-il ainsi admis et ordonnécette confusion immkdiate des
patrimoines, cette saisie immédiate desbiens des filialesqui devaient être
englobésimmédiatement dans la masse de la faillite? Pourquoi? Quand
nous nous interrogeons sur les mobiles, nous revenons toujours la même
source, ce sont les intentions, ce sont les volontés de Juan March. Une
mise en liquidation était incompatible avec ce que voulait Juan March,
c'est-à-dire la mainmise immédiate sur les actifs des filiales. C'est cela
qu'il voulait, dans lesquarante-huit heures, dans les vingt-quatre heures.
II fallait que les organes de la faillite, qui étaient des homàesa dévo-
tion puissent pénétrerdans la place et s'emparer de tous les biens des
filiales. Voilà ce qu'il voulait et c'était incompatible avec une décision
judiciaire régulière,dans l'hypothèse où nous nous plaçons, constatant ou
prononçant la dissolution et ordonnant la liquidation des sociétés filiales. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 1~9

La nécessitéd'une décisionpréalable et d'une liquidation préalahle est
:idini>c ri, ciruit rspagnol, m&ne p.tr 1~3 sliitriirs qii, ex;tinii.intIL,queh-
tiuii ilc1' iiiiil>cr;~~iinalipr;orJuiiiii-c . prupu,erit il :ippliqiirr d:ins ccrtr
Iiyl~uti.;:scl',ili~oric dv ILsiini~I:~tioi~01 ~C.II~~Ii~~:iiicrii.ii,jc ,.roi, qii'.I
i<:raittout :if<iifiii<q>p~tiini<.t;:ln int6ri.t qiic jé ni'engag<.ici d:ini cittc
dii~iiiii III. ><.IIplreil ~.<i ilpcut Lrrr iliie5tiiin iI':ilq)li<liivr1:.tliCorrli
la simulation et-si cette thkorie peut-trouver nolamment a. .ication
lorsqii'il s':igit di I:i ~:on;liliitioii ci'unc soci;,tc {)Ir actions, yeii iiiiport~.
En ruutc liyputlit:i. :< lisqiii ;i~inirtr~nt .'lpl~licitiundc 13tri;r,ric dc 1.1
siiiiiil.itioi1 r~:conn.ii~iciiSIIIL. lll~lllï:~l>ll.i%::~tiodilt. <.rtttllciuri<11,.

~~<:riii<q.taj (1, r;.,li.~r.r iiiii: ciiiifu~ioii iiiinil:diltc, clci p."iiiiioii.i
1 LI;I<PJCIJ>I,11 i.iiiid<:i:,;tifs JC li SVC~;~;. pritriiJii~~i~iit ,iiiniilCie,
J'en veux pour preuve ce qu'écrit le professeur Verdera A ce sujet.
Examinant ces questions spécifiquement, le professeur Verdera dit dans
un article que nous avons déjAcité dans la réplique (R., V, par. 522,
p. 380)et dont je me permets de lire un extrait parce qu'il me dispensera
d'autres développements; il est tout à fait clair. Le professeur Verdera
examine la situation qui se présente si tous les titres de la sociétésont
entre les mains d'une seule personne, et si l'on peut décideraue dans ce
cas il n'y a plus qu'une socikté simulée. II n'en ;este pas moins que cette

sociétéa une existence extérieure et, en particulier, qu'elle est inscrite
au registre du commerce. Voici ce que dit le professeur Verdera:

ccMêmesi l'écriture publique et l'inscription consécutiveau registre
n'ont pas une vertu purificatrice, elles créent une apparence légale
de véracitédu fait inscrit, qui survit tant que n'est pas rendue une
décisiondéclarant la nullité de titre.
C'est là la cause pour laquelle la sociéténe peut être déclarée
inexistante avec effets ex tunc et la décisiondéclarant la simulation
respecte les droitsdes créanciers sociaux qui auraient étéacquis de

la sociétéapparente à une époque antérieure et de bonne foi..
Dans cette voie. nous coniidkrons comme la solution la DIUS iuste
[luiqui est de la théorie la plus rigoureuse] afin d'éviter,les
inégalitésentre les créanciers satisfaits au moment de la déclaration
d'inexistence et ceux qui n'ont pas étépayés,celleconsistant à con-
server les biens sociaux formant un patrimoine séparéet l'existence
et la capacité juridique de l'êtreapparent comme s'il n'était pas
simulé. en vue de la liouidation de son nassif. La déclaration de
nullité'n'affectera pas lei opérations réaiiskesdans le passé avec des
tiers de bonne foi au nom de la sociétéapparente. ,,[K., V, par. 522,
AA . ~
P. 380.)

Ainsi donc, mêmedans l'hypothèse où l'on considère qu'il y a simula-
tion lorsqu'il n'y a plus qu'un seul actionnaire, il faudra, suivant, I'ensei-
gnement de ce professeur qui a examiné spécialement la question, une
décisiontout d'abord constatant la simulation, décisionqui sera ren$e
normalement dans le cadre d'une action en déclaration de simulation.
Il faudra donc une décisiondéclarant la société simulée et cette décision
aiira pour conséquencel'inexistence de la société ex nunc sans effets rétro-
actifs, mais il faudra ensuite procéder à la liquidation de la sociétéappa-
rente, laquelle, pendant toutela duréede cette liquidation,doit conserver

son patrimoine propre séparé,son patrimoine n'étant pas et ne pouvant
pas se confondre avec celui de l'actionnaire unique.I7O BARCELONA TRACTION

Cette formule -et nous sommes toujours dans le cadre, si je puis dire,
de l'opinion la plus défavorablede notre thèse - cette formule exclut en
sociétéapparente, même non déclarée personnellemenetn faillite, comme de la
conséquencede la prétendue simulation que l'on déduirait du fait qu'il
n'y a plus qu'un seul actionnaire.
Je vous rappelle, Messieurs, que le juge de Reus ii'esLpas entré dans
toutes ces considérations. Pour lui, il s'est borné à ce que j'appellerai
une décisionbrutale, une décisionsommaire. II a dit: «Touteslesactions
sont entre les mains de la Barcelona Traction, par conséquent, les biens
de cette sociétédoivent êtreconsidérés commefaisant partie du patri-
moine de Barcelona Traction et c'est tout. II
Certains auteurs, citésdans la duplique, et qui se trouvaient d'ailleurs
déjà citéspar le Gouvernement belge dans la réplique, sont d'avis que
l'ondoit,dans l'hypothèse où il n'y a plus qu'un seul actionnaire, comme
on le fait par exemple en droit italien en vertu de l'article 2362 du code
civil. considéreraue la réunionde toutes les ac~io~ ~entre les mains d'un
actionnaire unique permet peut-êtrede maintenir la personnalité morale
de la société, maisentraîne la responsabilité uersonnelle de l'actionnaire
unique pour toutes les dettes so&ales. Il y-a là, dit-on, une situation
anormale et l'actionnaire unique doit êtreconsidéré comme personnelle-
ment responsable des dettes sociales. C'est la thèsenotamment défendue
Dar M. Gav de Montella dans son Traité hratiaue des droits des sociétés
;?nonymes(p. 531). L '
Maisici encore - et c'est celaseul qui nous importe -la personnalité
morale des deux sociétésse maintient. Les deux uatrimoinesrestent dis-
~iiict~.1.c; actifs ilc la uiictirili~lJcrncuréni ltLgagc(lc. ,rj cri;inciirs;
Ieî cr@aiicierspcrjonotli dc I'.isjoci&unique &arct.lon3'l'iiction ne peu-
vent pas exercer leurs recours sur le patrimoine social de la société fifiale.
La seule conséquence de l'opinion que j'examine ici c'est que l'associé
unique doit êtreconsidéré commeun codébiteursolidaire de la sociétéet
rien ne Dermet d'en déduireaue les svndics à lafaillite de l'associéuniaue.
In 13:i1&lon;id.1n5notre c.i;, I~uurriicnr saisir pur?nit-nt et ,iinylcn;cnt
l<-.;it.ii, dç 1;.suiiCtCtili.dr. P.ir coii,&liiciit, c~ttc opiiiil>liiqur les
:tiitrc; con?idCr.ttion,.iic,i'airencr>ritr&;lieikrinrr JC iustiticr I.,d;ci*ion
du juge de Reus.
C'est ce que disait d'ailleurs le professeur Garrigues dans sa consulta-
tion, paragraphe 30, lorsqu'il constatait que le juge de Reus n'a certaine-
ment pas pu appliquer cette théorie,car les conséquencesqui.en auraient
résulté eussentétécomplètement différentesde celles que le juge admet-
tait et auxquellesl'adoption de cette théoriene pouvait pas conduire.
Je puis maintenant déduire,je pense, de ces diverses observations au
sujet del'étatdes lois espagnoles ce qui suit: aucune des opinions hostiles
à la société unipersonnelleen droit espagnol ne permet d'éviterla nécessité
d'une constatation par le juge d'une cause de dissolution de la sociétéet
la mise en liquidation de la sociétéou la constatation de la sociétéappa-
rente en suite d'une décisionconstatant expressément son inexistence.
Commel'écritle professeur Garrigues dans le passage que j'ai déjà cité
de sa consultation, aucune opinion de doctrine espagnole ni aucune
décisionespagnole n'a jamais admis que la conséquencede la faillite de
l'associéunique d'une société,même espagnole, puisseêtre la saisie de
plano des patrimoines des sociétés filialese ,n vertu des règlesde la saisie
propre à la faillite et ce sans autre forme de procès,sans constatation de PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I7l
la dissolution de ces sociétésfiliales ou sans constatation de leur propre
faillite ou sansconstatation de leur simulation, sans même qu'ellesaient
été parties à la procédure sous quelque forme aue ce soit
Cg iie sont pl! I:Isculemcnt le; coii~6~iiciicesiec~ini~iies,sjcpuis dire.
de réglcsde droit, c'rit aiiîsi uiie application éI(.mentnire(IIIdroit de I;I
défensereconnu à toute personne physique ou morale. La société, même
si elle n'a plus qu'unactionnaire, existe, comme le souligne le professeur
Verdera. Elle existe parce qu'elle a étéconstituée et publiée aussi long-
temps qu'une décisionjudiciaire ne l'a pas fait disparaître: elle a le droit
de sedéfendre, ellea ledroit de démontrerqu'ellepeut continuer àexister.
Dans ces conditions, Messieurs, je crois que nous pouvons dire que les
motifs invoquéspar le juge de Reus et, je préciseune fois de plus, les
seuls et les vrais motifs qu'il a invoqués sont tout à fait impuissants,
certainement suivantle droit canadien dansla mesure où le juge de Reus
devait l'appliquer, mais aussi suivant le droit espagnol, à justifier les
mesuresprises àl'égarddespatrimoinesdes filiales.Et. dansces conditions,
nous croyons pouvoir relever à l'encontre de ces décisionsdu juge deReus
une violation caractériséedu droit qu'il devait appliquer.
Premiérement, lejuge de Reus decait en tout ci;, ei de toute évidence,
appliquer la loi canadienne àI'Ebro et àla Catalonian Land, c'est-à-dire
au* deux sociétésqui avaient étéincorporées selonla loi canadienne et
aui avaient leur siéeeau Canada.
Or,selon ledroit canadien la whollyownedsubsidiary constitueune entité
iuridique complètement distincte de la société mére. cela suivant une
i-eie oui ne souffre oas d'exceotion.
~eixièmement, m'&mp eour <essociétésespagnoles,la seulecirconstance
r:conoiiiiqiieentrvIV.einnins cl'iinscul actionnaire, cett~.SCUICirioiistaiii~
ne pouvait pas justifiçiIriirdijsulutioii auruinatique.
A supposër mêmeque l'ou sefiit trouvédevantl'une des circonstances
p~rtici;liéresjiijtifi;iuiic telle diasolution- circonstnnce qu,: lc jugc nt
rel~\\,cpas - ciicurc.riit-il fallu une sctiun en dissolutioii (lirig;r: cuiitrc
ces sociétésdevant les tribunaux compétents. Encore aurait-iïfallu que
1ésdemarid~uriJ;ins ccttc action d;nio;itrent l'esistencc des circonstances
]>:irticuliér~in\,oquc'c; 1;ij)piiide Ieiiraction et encore ciit-il f;.lluqii'un
ji!gement iritt!rviiit suit pour <IL:clnrelres soci2tésdissoutes, soit, sui\.ant
(1autres tliCorics,pour d6~larc.riju'ellcsétaient simulées
Qu:ttri2mcment. menit! eii c:ii de SUCC~S d'une t~I1e:ictioii prLia1ablc
indispensabl<:.iiiéiii:iirrtcnctiunnl>outisjnit hune dissolution iiidici:iirt:
ou àune déclaration iudiciaire de simulation. encore les Datrimoines des
sociétés défcnderesie;nc puii\,;iient-ilsen aucun L.aj;tre c;>nlon<liiirrinié-
diaternent et de fiInno a\.ec le patriinoinz de I'<ictionri:iirïiiiii<lue.Cc
patrimoine. ;lucontraire, de\.ait êtreliquidéet d,:meurer distinct pcnrlciiit
Ici1)ériodenc:c~:s;iir<:3 cette liquirlarion, en partiiiilier i 1'i:g:irddis
crllnnciers de bonne foi qui a\,aiciit tr:iita avec ces socil'i6s.
P:<rconsé<iucnt.d'auciiii~ iii:ii~iCrçle iucc dc Rvii, II*~ouvait. à I:I
faveurdes considérantsénoncés par lui dansÏes jugements q;e nous avons
critiqués, ordonner purement et simplement, comme il l'a fait, sans pro-
cédurepréalable,et en dehors de la présencedes sociétés qu'ilvisait, cette
extension du droit d'ocupacidndes organes de la faillite de la société mère
sur lesactifs des filiales. ,
En présencede cesirrégularitésflagrantes,on comprend que le Gouver;
nement espagnol n'ait pas cru pouvoir prendre à son compteles motifs si172 BARCELONA TRACTION
pauvres que le juge avait donnés à l'appui de sa décisionet I'on com-
prend qu'il ait éprouvéle besoin de substituer à ces motifs d'autres
~~~ifs~
Cesont cesmotifs-là,qui nesontpas dans lesjugements, que nousallons
examiner maintenant et je suis donc obligéde convier à présentla Cour
bien vouloir s'engager avec moi dansle dédaledes argumentations sup-
plétives développéed sans la duplique et dans le contre-mémoire.
Quelssont lei motifs autres ceux qu'on trouve dans lejugement par
lesquels, suivant le Gouvernement espagnol, I'on pourrait justifier la
saisie immédiatedes biens des filiales?
Le Gouvernement espagnol, à la faveur de ce qu'il croit pouvoir appeler
une a interprétationa des décisionsdu juge de Reus, tente de justifier dans
la duplique lesdécisionsde cejuge de la manièresuivante.
Il rét tendtout d'abord oue le iuee de Reus s'est en réalité fondé sur
des fraudes qui auraient éiécom'mrsespar la Barcelona Traction à la
faveur de la constitution des sociétés filiales oà la faveur de leur fonc-
tionnement et ce serait, à I'en croire, pour sanctionner ces fraudes, voire
mêmepour prévenirces fraudes,que le juge aurait,dit le Gouvernement
espagnol, déclarénon pas nulle, dit-il, mais inopposable la personnalité
morale distincte des sociétés filiales.
i70ilàla premikre prétention que je serai obligéde rencontrer.
Le Gouvernement espagnol soutient aussi, non sans contradiction, que
le juge n'a pas méconnula personnalité juridique des filiales et, pour le
prouver, il affirme que la saisie de leurs biens n'était pas unevraie saisie,
n'était qu'une mesure de contrble, une mesure provisoire, une mesure
conservatoire purement limitéedans le temps et dans seseffets. II ajoute
enfin qu'en toute hypothèse il étaitloisible au juge espagnol, qui n'a rien
dit de semblable, de considérerque les actifsdes sociétés filiale,u même
titre d'ailleurs que les actions de ces sociétés filiales,constituaient des
pertenencias (des appartenances) de la sociétéf.aillie. Par conséquent,
dit-il, c'esà juste titre que ces pertenencias, comme toutes les autres
appartenancesde la Barcelona Traction, ont étéenglobéesdansla masse.
Et, ajoute-t-il encore, si les sociétés filn'avaient pas été de cet avis,
il leur appartenait d'exercer une action en revendication, telle que celle
qui est prévue par l'article 908 du code de commerce.
Voilà, Messieurs, résuméesaussi brievemeot que j'ai pu le faire, les
trois argumentations supplétives qu'il me faut à présentrencontrer.
La premiere consiste dire qu'en réalitéle juge de Reus, lorsqu'il a
purement et simplement ignoré la personnalité juridique des filiales et
ordonné la saisie de leurs biens et leur inclusion dans la masse faillie, en
faisanttout cela le juge de Reus a voulu tout simplement réprimer ou
prévenir, dit-on dans la duplique, une fraude ou des fraudes imputables
à la Barceloiia Traction. C'est pour cette raison, dit le Gouvernement
espagnol, que le juge a considéréla personnalité juridique des filiales
comme inopposable. et le Gouvernement espagnol nous fait de vifs Te-
proches parce que, à l'en croire,nous n'admettrions pas cette distinction
qu'il fait entre l'inopposabilité et la nullité ou l'inexistence. Reproche
bien mal fondé;ladistinction, nousn'avons jamais songéàla méconnaître,
mais nous sommes persuadés qu'elle ne peut aucunement rendre à la
these du Gouvernement espagnol le service qu'il en attend.
Voyons toutd'abord, pour nous débarrasserde cette question particu-
liére,en quoi consiste cette distinction entre l'inopposabilitéd'une part
et la nullité. PLAIDOIRIE DE 11I.VAN RYN 173

C'est à propos de la fraude aux droits des créanciers que la doctrine en
Espagne, comme ailleurs, a dégagécette notion de I'inopposabilité.
Techniquement elle n'a rien de mystérieux; elle ne permet pas d'expli-
quer les effets extraordinaires que le juge de Reus a prétendu attacher à
sa décision. L'inopposabilité,c'est tout simplement l'inefficacité juridique
d'un acte dans les rapports avec les personnes étrangèresà cet acte. C'est
trèssimple, c'est élémentaire.Tandisque la nullité, c'est l'inefficacitéd'un
acte juridique aussi bien dans les rapports entre les parties à cet acte qu'à
l'égard des tiers. Ceque je dis Ià,Messieurs, ce n'est pas moi qui l'invente,
c'est ce qu'enseignent les auteurs qui se sont plus spécialement consacrés
à l'étudede cesproblèmes, et notamment M. Vidal dans son ouvrage déjà

classique intitulé Théoriegénérald ee la fraude en droit français.M. Vidal,
suivant d'ailleurs la doctrine déji enseignée par le professeur Japiot, le
spécialiste bien connu des nullités, s'exprime comme suit:

La nullitéaboutit àla suppression de l'acte viciédans les rapports
des parties comme à l'égard des tiers; I'inopposabilité au contraire
laisse subsister l'acte entre les parties.
On Deut donc distineuer I'ino~..sabilitéde la nullité. mais la dif-
iereiii; n'est pni uiic cliifirciic,:~li.n;,turc iii~isd'6triiiliic. I.'inoppoin-
bilitCt.>t I'iiivlfit.:at.it;.:iu rclciitir-r>,tandi; que 13 niilli!iest
I'iiic~ficxciti :,u r~,rîrcl dei o3itici. I.'inuriiios:iIç*tiuiie iornic
atténuéede la nulfité dont ?existence se iÔnde sur un «principede
bonne économiejuridique. » (P.391.)

C'est ainsi que, en matière de fraude des droits des créanciers, l'astion
que depuis le droit romain on appelle l'action paulienne aboutit, suivant

une opinion souvent enseignée, à une inopposabilité de certains actes à la
masse faillie, de mêmel'action en déclaration de simulation, de mêmeles
autres actions particulières prévues sous diverses formes dans les droits
occidentaux en vertu desquels certainsactes accomplis par un fail? avant
la déclaration de faillite sont annulés, dit-on, à l'égard des creanciers
représentéspar le curateur.
Ainsi donc, et c'est cela, Messieurs, qu'il faut je pense retenir de l'en-
seignement que je viens de rappeler, la différenceentre l'inopposabilité
et la nullité, différence dont le Gouvernement espagnol fait tant état,
n'est pas, suivant ce que dit le professeur Vidal, une différencede nature,
mais tout simplement une différence d'étendue dans leseffets.
Par conséquent, pas plus que la nullité, l'inopposabilité n'autorise les
incotiérenceset les contradictions dont s'est rendu coupable le tnbunal de
Reus.
cette question spéciale écartée,que faut-il penser de cette hypothkse,
inrrénieuseincontestablement. suivant laquelle le tribunal de Reus, sans
enrien dire, aurait entendu sanctionner, Goire prévenir, par sa décision,

les fraudes de la Barcelona Traction et de ses filiales? Ce serait cela qui
expliquerait et qui justifierait le refus de reconnaître la personnalité juri-
diaue des filiales et la saisie immédiate de leurs biens.

-.
fraudé quclconque. A
La deuxième c'est que les motifs du juge de.Reus ne comprennent pas
le moindre attendu, pas la rnoiiidre constatation qui permette d'étayer, I74 BARCELONA TRACTION

de quelque manikre que ce soit, l'interprétation supplétive, l'interpré-
tation arbitraire du Gouvernement es~ae~o~ ~ r ~~ ~
1.2 troi,iCiiic i'c4 qu'en tuutc IiypotliL\sc i.1i supposer iiiLiiic. cf.iliii
ii'cst p,is, qii'ylci11iinc fr:iii(lc<~iirlconque, Iîrfl)rc,jiion <II;crtc iraud,.
riurcnicnt Ii\~uorh~riuucaiirnit (IIIse r6,~lictrsliivant di.; Ivriiic; ;.~~u~ic~ ~i
avec précisiohpar la'loi espagnole.
Le juge de Reus n'a eu recours à aucune de ces procédures.
Et, enfin, quatrième et dernièreraison, parce qu'en toute hypothèse ces
motifs fondés sur l'allégation d'une prétendue fraude à réprimer ou à
prévenir,ces motifs sont en tout cas impuissants à justifier les contradic-
tions que nous avons relevéesdans les décisions siiccessives du juge de
Reus.
Je vais me permettre, si la Cour le veut bien, d'examiner successive-
ment cesauatreraisons ~ourlesauelles. ànotre avis.le Gouvernement esDa-
gnol s'estAengagé ainsi dans uni voie sans issue. '
Premier motif: comme ie l'ai dit, dans la réalité deschoses il n'v a ia-
mais eu de fraude auelconaue.

:\cet c:g:~ril.uiisiiuuj jorniiicj &ji, \Ic>;icurs, ct l:iCour Icsait, :iinpl<:-
inent cupli<lu;i daiii le; c'irituir.;.
S\'i~iiavons <Icrnontr: I'irimitt? cornpl;te <Iciaccu,ations Jc Irnudc.
nornùrcu;e;. forniiilé<.sp:<r Ic(~oii\~rriit.ni~.iietsp,igii<il,:ici~iiiiiili.~jpar
Iiiiuinrnv iplnisir dans 1i:spoii, L:\,id(iiinii.ritrlrd~coiisid;r<,rniix !.ciix
ilç 1.1Cuiir lcj intcrtlts dont Ic Goiivcrncnieni bt-lgc a pris I:Ld2feiisc. Ji.
lai; nlluiiiiii aiix loiigs d;vclul>licnicnrj quc nuiii avons cunsairGs i ces
(liir>tioiij d:iniIirlpliqne (K. V.,1,.1-2 A 2-8, r.1aiinéxcsauxiiut~ll~~ cîti
passages se réfèreno. -
En réalité, pourprétendre décelerdans le fonctionnement de la société
Barcelona Traction et des sociétésde son groupe deprétendues fraudes, il
a fallu aue le Gouvernement es~aenol témoiene d'une méconnaissance
complètêdes pratiques univer&ll&uent utilTséesdans les groupes de
sociétés. C'estainsi qu'il a étéamené dépeindre sous descouleurs défa-
vorables -pour emülover un terme mod&é - et à rés entercomme des
maiiifcitnti6rii d'un; inicntion fraudulvu~c,ycrinan[ntc dcpui, I:iiunjti-
tiitiun niGnicdc.I:isut:iCtt;.cuiiiiii~un \ricecung~riit;il,le; acte:; (.Iré.ilité
les plus simples. les opérations les lus bandes. Te n'en donnerai aue
queiques exêmples. -
Le Gouvernement espagnol croit devoir stigmatiser le fait que les let-
tres patentes d'une sociétécanadienne aient étésignéespar des solicitors
agissant pour les fondateurs (C.M., IV, p. 16) alors qu'il s'agit là d'une

pratique constante dans les pays anglo-américains.
Le Gouvernement espagnol s'élèveavec indignation contre le finance-
ment par l'émissiond'obligations. C'est - écrit le contre-mémoire (IV,
p. 54 et 56)-un mode de«financement par déficit»entraînant d&sl'ori-
gine un étatde faillite latente. LeGouvernement belge n'a paseu de peine
à montrerque le choix des modes de financement obéit à des impératifsde
technique financièreet qu'aucune appréciation défavorablene peut en soi
s'attacher à un financement par l'émissiond'obligations suivant une
méthodeparfaitement usuelle (R., V, p. 191et suiv.).
Le Gouvernement espagnol critique aussi avec indignation le fait de
confierla défensedes intérêts des obligataires au moment mêmede I'émis-
sion des oblieations à un trustee.désienédans un Trust Deedet chareé de -
la mise en ceivre de leurs droit; collectifs et, en particulier, de la mise en
Œuvre des sûretésconférées.Tout cela est cependant parfaitement con- PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
I75
forme aux pratiques bien connues dans les systèmesdedroit anglo-améri-
. cains.
Le Gouvernement espagnols'indigne encore de la complexitédu groupe
des entreprises de la Barcelona Traction. De cette complexité il déduit
immédiatement que tout cela est certainement frauduleux intrinsèque-
ment (D., VI, p. 37; R., V,p. 176 à 187);accusation purement gratuite
que rien ne permet de justifier, qui est, peut-on dire, touà fait déraison-
nable.
Et, poursuivant dans cette espèce d'acte d'accusation bien mal étayé,
le Gouvernement espagnol ne s'avise pas des contradictions dans les-
quelles il tombe: en déversant pêle-mêld ees imputations de ce genre on
toC'est ainsi que le Gouvernement espagnol soutientr 5-5)tout cela bien en-
tendu n'est pas le moins du monde fondé,mais c'est la contradiction que
je veux marquer ici -que les actions quiont étéémisesen représentation
desapports faits par la Barcelona Traction àses filiales, ainsi que les obli-
gations attribuées aux fondateurs,avaient une valeur très supérieure à
ces apports (C.N., IV,p. 52et suiv.). Par conséquent, ce grief signifie que
les sociétés filialesont étéisous-capitaliséesn.Dèslors on comprendrait
que l'on étendeles passifsdes sociétés filiales,n casde fajllite de celles-ci,
à la sociétémère, coupable dene pas avoir donnéaux,filiales des moyens
d'action suffisants. C'est ce qui a étédécidédans certains cas par diverses
décisionsaux Etats-Unis. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici, c'est
exactement l'inverse. Il ne s'agitpas d'étendrela faillite des sociétfilia-
les àla sociétémère; il s'agit de saisir les biens des filialespar le seul effet
de lafaillite de la sociémère.
Et cette prétention que je viens de relater- qui ne repose sur rien -
est en complète contradiction avec une autre, égalementformuléepar le
Gouvernement espagnol, suivant laquelle les spciétésfiliales,auraient au
contraire êtéconstituéesdans le but de soustraire aux créanciersde la so-
liser les filiales, on aurait au contraire grossi d'une manière inconsidérée
leursactifs pour frauder les droits des créanciersde Barcelona Traction.
Il faut choisir; nous n'avons pas pu faire les deux en mêmetemps. Peu
importe, cela fait toujours bien dans le tableau et on ne s'inquiètepas de
- la contradiction. Ily a longtemps que l'on a dit: calomniez, il en restera
toujours quelque chose.
Dans ce mêmeacte d'accusation, nous voyons que le Gpuvernement
espagnol s'efforcetout au long de développements auxquels il consacre de
nombreuses pages des écritures, d'établir queles société?du groupe de la
Barcelona, à la faveur de manŒuvres tortueuses, auraient conclu entre
elles ce qu'il appelle des «autocontratsu (C.M., IV, p. 60 et 78). Par ces
autocontrats, l'essentiel des bénéficesdes sociétésd'cxploitation, dit-il,
notamment lesbénéfices de l'Ebro, auraient ététransférés 31Barcelona.
En d'autres termes, le Gouvernement es agnol prétend ainsi démon-
trer que les sociétés filialesauraient étévi&es de leur substance au dé-
triment de leurs propres créanciers et du fisc et au profit de la société
mère.Nouvellecontradiction dont nes'avisepasleGouvern:ment espagnol
puisque, lorsque ce gouvernement prétend justifier la saisie des biens
sociétésfiliales, le mêmegouvernement prétend que celles-ciavaient ete
forEnfin, toujours dans lemêmeaFte d'accusation, nous voyons le Gouver-
nement espagnol consacrer plusieurs chapitres cette fois du contre-me-17~ BARCELONA TRACTIOX
moire (IV,p. 69 à80 et p. 229 à 236) à affirmerque la Barcelona Traction
aurait fraudéles lois fiscalesespagnoles et la législation sur les changes.
II est évident, hlessieurs, que si cette violation avait existe, elle aurait
sans aucun doute pu donner lieu à l'application des sanctions prévues
dans ce domaine par leslégislations particulières, voire mêmeà une action
de la pait des autorités publiques compétentes. Mais il n'y a aucun rap-
port entre ces prétendues violations des lois fiscales ou de la législation

sur les changes et la saisie des biens des filiales, la prétendue inopposabilité
de la personnalité juridique des sociétésfiliales.
Ces prétentions sont d'autant moins admissibles que jamais le fisc n'a
fait valoir le moindre droit à l'égard de la masse faillie, ce qui forme un
curieux contraste avec les accusations démunies de toute aménitéfor-
mulées sur ce plan à l'égard de la sociétéBarcelona Traction et de ses
filiales.
Je crois donc pouvoir dire que sur le plan des faits ces accusations de
fraude ne reposent sur rien. Ce sont de pures et simples allégations dont
le but essentiel - comme je l'ai dit - est de tenter de jeter le discrédit
sur les intérêts dontle Gouvernement belge a pris la défense.

L'azddienceest levée à 13 hezrres SEPTIkME AUDIEXCE PUBLIQUE (23 IV 69, IO h)

Présents:[Voiraudience du 17IV 1969.1

M.VAN RYN: Ala fin de la dernière audience i'avais abordé l'examen
de la premiire ~splic:~tiunirii:igiiit!ep;t1,~oiiv6rnement rjl,afin<,lpour
siipplkr aiix niotifi; cirtaineinr.iit illçgaiix iiivoqiic'ipar le jiigc (Ic Reus
A I';ii~t)dii iiiecincnt dCil.irntif d~1.f;iillitc
SÙibant cet& première explication le juge de Reus, en ordonnant la
saisie des biens des filiales, aurait eu l'intention, mais sans le dire, deré-
prlnier. votre iii&niede pr5vcnir <les;tgi.iicmentj Irnudiileuz rlc I;part de
In 13.îrcclon:il'r.iction. Et jc m'rtiis permis d'iiidiqucàId Cuiir1t.squatre
r;iisons pour lesquéllcsle Gou\.t.rii<:m~iiiI)e-x~.sonsi<lc:iciir:ccttc expli-
cation hest vas défendable.
1.a~~reiiiiircr:iiioii c',:,r qur.Ici av<.ii.,tioni <lefr:itiil~pr~iir;<,j rt rCpC:-
tr'cs[xiili Goiivcrricnit.iite,l>.igiioliünr ~lle,-iiiCiiic~J6niii.e~(1,:roiit fuii-
dement. Je crois m'enêtreexpliquéhier.
La deuxième raison, c'est que les jugements que le Gouvernement es-
pagnol prétendainsiexpliquer ne contiennent pas le moindre attendu qui
sol! de nature hpermettre d'étayerl'explication que l'onessaiede fournir
aujourd'hui, ceci en dépit d'une affirmation catégorique en sens opposé
que nous trouvons dans les écritures.
Cetteseconderaison nedevrapas, je pense, nous retenir bien longtemps.
Lorsque je me suis permis de lire et d'analyser les quatre décisionsqui
ont prononcécette saisie des biens des filiales, l'ai pu signaler à la Cour
qu'aucune d'entre elles ne fait allusion au moindre abus que la société
Barcelona Traction aurait commis soit au moment de sa constitution.
soit dans la gestion de ses sociétésfiliales.
Or, si, commele prétend aujourd'hui le Gouvernementespagnol,ce juge
avait entendu fonder sa décisionsur de telles fraudes ou sur ce que l'on
peut appeler un abus de la personnalité morale, il est évident qu'ilaurait
dû non seulement le dire mais caractériser et préciser les agissements
frauduleuxauxquels ilseseraitréféré.
C'est, me semble-t-il, le simple bon sens qui impose cette nécessité,
mais sur ce point je crois que je puis utilement me référer à la jurispm-
dence américaine invoquéelonguement dans les écritures par les deux
Parties, jurisprudence qui concerne précisémentles cas dans lesquels des
juridictions américaines ont refuséde reconnaitre la personnalité morale
distincte de certaines sociétés, particulièrementde sociétésfiliales.dans
leurs rapports avec la sociétémère.Ce sont les cas dans lesquels, suivant
l'expression anglo-américaine, on a ilevé le voile de l'incorporation r
(A.C.M.. vol. VII, no 49, p. 274.287; A.R., vol. II, no 93, p. 457; A.D.,
vol. III,no108,p. 70et suiv.).
Toutes les décisionsauxquelles les Partiesont jugénécessaireou utile
de faire allusion prennent le soin d'indiquer d'une manière préciseet mi-
nutieuse toutes les circonstances de fait qui justifiaient dans le cas
qu'elles avaient Q trancher la <<levéd eu voile" de l'incorporation des
sociétés filiales.
Ces sociétésapparaissaient comme étant soit constituées pour frauder17~ BARCELONA TRACTION
les crisnciers, cc.quihait déniontrcpar de .s.circon~tan~es,p;iiiiquzi. coii-
ciéte*,longueniciit ~~~~~~~ p:ii lei dt:t.ision,, soitcoiiiiiie Ct:,nt d, s in<-
truments ou encore aes agents entre les mains de leur actionnaire uré-
poiid>raiit. Toutes LYS ~~~~~ioiis ibiit Isiigiiriiient ni~ti\.tcs ct d'uiitiii.i-

riir'ietutir ifait ririunitniici;e
Or. comme le Gouvernement belge l'a d-montréet comme le Gouver-
ncni,:nt eipagiiol liesciiiLlep~î le cont6srcr. I:Isçulc ~.ircoiist3iit.c,la icul~.
c,tunique ciriiiiist:incc ~IIÇ IItor;.litt[Ica actioiiiqi entic IV,iiiaiiis
cl'iii.ictiuniiairc scvdit tout i fikiIIISIII~~~:~II-uiv.~iirl.,juri;pr~icI~ci~~ .~c
I:~qucllt c f.iis;illusioii puur ]ustiii<1.1.lc\1<.dii voil~..,lt~I'iiii~rpor.~tioii.
Sctt< juriil>riitl~iice rriluiert tc~~ij,iirsen pl115 l:tdi~niuiisrr;irion cl,-
I'csiirrii~c d'unc fraiid,. oi~inat au nic>iii; In r;unioii \l'lin ccrt:,iii iiunil,i-c
de ci.it~~r~~s<d~ iiiiiiioiitrcnt 1'~Ihrii.ctotal<:il'i~~~l~p~iidn~ct re 1011~tii>ii-
nïincnt norrn.11dcs soci,!t&;nli,~Ics. Crs CI~ni~iit~(Ic init qiii iustiticnt
l'application de ces critères sont toujours caractérisés avec beaÜcoup de
précision.
Quant à l'énoncé de ces critèreset quant à leur discussion, je crois pou-
voir me permettre de meréférerauxécritures.
Il suffit pour l'instant de constater qu'aucun de ces critères, aucun des
élémentsde fait, aucunedes circonstances admises en droit comparéou en
droit espagnol pour justifier l'application de la théoriede la fraude ou de
lathéoriedel'abus dedroit, ou mêmede touteautre justification quelcon-
que permettant la rlevéedu voile 1,de l'incorporation, aucun de ces cri-
tères, aucun de ces élémentsde fait, aucune de ces circonstances n'ont été
invoquéspar les requérants et pas davantage invoqués par le tribunal
dans aucune des décisionsque nousdiscutons ici.
Le seul motif invoqué-je l'ai dit et je ne puis assez y insister - c'est
la réunionde toutes les actions des sociétésfiliales entre les main~~de la
I{arc,:loiia 1'rï:rioii et une pr;iciicluc rt4:ilitc';~c)noniiqiii que Ic jo~e
~ICcluidti,ci.s~iil faitCt, s~ul niotif. iecroiîI'.ivoir d;niontr,;.nc peur d'ati-
cune ma -nière justifier les décisionstout à fait exorbitante4 par le
juge de Reus.
Par conséquent, les motifs que le Gouvernement esuaenol prétend
substituer à'ceux des jugements eux-mêmes ne troûvënt pas plus
d'appui dans les constatations de ces jugements que dans les faits de la
cause. Il n'y avait pas de fraude, je crois l'avoir montré hier (supra,
p. 154) et il n'est d'ailleurs pas question de fraude dans le jugement ni
mêmedans la requête.
J'en arrive à présent à la troisième raison pour laquelle l'explication

donnéeDarle Gouvernement es.a-nol ne nous ~araît Das admissible.
Une objection majeure- nous paraît-il-s'oppose à ce que puisse être
retenus les motifs sue le Gouvernement espagnol croit pouvoir ainsi
substituer à ceux aie nous trouvons dans leiiüeemen, ,.htiaués.
En rffcr.mêni,. sjnous :,~liiictt~~ii1~,,jiiuiiiiict.iiir, p,~.!~~~~tli;~i<.II<.
l'on ait d;ni<>iirr;quc 17.hociCt+i fili:ilLoiit ?t: le, iiistruiii<-litsil'ngi:jc-
meiits fr;iudulcux ~onmiisp.ir In H:irc,>lon:i1'r:~iiioii;lu dCtrim<-ntil,. ;r.s
crtaii<.icrs,cncurr cst.11ct-rt.tin que- lejiige dc RPIIL,s:ii,i de la r~qu<.tepu
1c.iIionini,i di.~~:~ildlirJii:iii .\l.ir<iicp<iuv:<irI.>uiircette r:tiioii<IC I~lcr
di plntio ct ,:in.ünr ~>rocl'rliiricoi~tcidicroirc prL:ilnL>I< 1:.~~iirct siniplc
1 onliision des p:itrim~ii.~~.
En effet, la protcctiori dcj crc:iiirirr:. iuiitrc Ic; ;.rt<!i.~iirliilrudont
leurdébiteur piut serendrecoupable est assuréeendroit espagnol,comme
dansla plupart des autres droits d'ailleurs, par des règlestechniques pré- PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN '79
cises. Ccirc 11rote~ti~iiiiiipliqiie l'introduction d'aitiuiis cri juiticc dont
Icj cuii<iitiori:.les rn<iJ.ilititt Ic, cifctj joiit détcrniiii., d'tiiir fn$,i,d<-
tailléepar la loipositive.
-r e~ I'esnèce.aucune de ces actions ~récisémentdéfinies.commenous
IL.\.~.rruni,clans1~J.roit cîp:igii«l t:iipariiciilirr, n'a Ctt;iiit~iitrit Icjugc
$1,:l<~iisn'a vti.,stxtuci sur :IU~.III~ deCs nicsiir~,~<~titc.oiin:,iIV Jroit vj-
naenol nour le cas de fraudeaux droits des créanciers.
'~'Cc II-II 1. prorc~tioii priivciit a,>iirliiient truii\,,,r npl>li~:~rioii
dÿnj Ic :.,s cl<:joci4t;., iiiiilh.r;oiinrllci. iioii p3i y.,r le sciil fdt <lu'clli.i,
surit iinii~~~rs~iiiicllci;i.iiii.;Inr>ticstI d$ni<,nrr(:au'vll~ionr servi Jin.-
trimentpour fraude; les droits des créanciers.
C'estce qu'exposait, avec l'autoritéqui s'attache à son opinion, le pro-
fesseur Garrigues dans un article qui a étépubliédans uiie revue espa-
gnoleen 1947,antérieurement au jugement que nousdiscutons ici.
Le Gouvernement espagno1,nous a accusésd'avoir je reprends son
expression - «tergiversé »l'opiniondu professeur Garrigues. Je vais donc,
sila Courle veut bien, lire lespassagesessentiels dont nous nousprévalons
et qui figurent dans cet article.

Le professeur Garrigues va souligner - vous al!ez 1,'entendre - que la
solidaritééconomiqueet l'étroitecollaboration qui existent trèsnormale-
ment entre une sociétéprincipaleet ses filialesne font nullement qbstacle
à ce qu'au point de vue juridique cesdeux sociétés demeurent distinctes.
Voicice que dit à ce sujet leprofesseurGarrigues dans cet article:

«Du oint de vue iuridiaue et bien aue les décisionsde la société
soiiinis6à iinc ;iiitrz ;oierit n~loyrc~icn'r~aliri par cc~rt:deriiiCre,oii
nr peut nicr IC]Iiersuiiii.ilitCdc la prcmii.re. quaiit à I'cnscniblede sçs
~CICS çr c.oiitiiit.. Douri<iir.~ii<iu'.îi<,ntté objcr\,;.cs Ici ci,iiditions
pr;vuei p:arI';irtii.lr:iio du cudr Ji. ioniincr, r.[qui dCrcriiiirir1t.icori-
ditiu!i iremplir pour ioiistitii,.r une ,uci&tt anon~in~.], n\.cc I'auto-
noniic pïtrirnoni:ilc qui <ICcoulcC . cttc ~utorioriiicinipliqiie Iiircs-
poriintilit: dircctc ct à;p.irécJc 1.1soci>téfili;ilcpoiir lei dctt~s con-
tr:gctCc.s;rlii~riqu~~iii~nr iiiln sociét.iiibrcne rFpoiiddci dettcs %leIn
,uîiLitLililixI<!,ni <ell~-cd~s d~tl~sJC celle-I:L.I'utir 13 niénierdisuii,
la f,iillit~,JI;IsuciétLd ioniinaiire ii'riitraine~>.isI:f.iillitc(1,.In socil:-
ti doriiiiit.~.Ioiirei~ij, d:~iiiInprati<liic, 1c.iclioscs X> 1)assGritiiiitri--
ment. U'iiborJ. ii I:jociLtCJnminFc'l.~tilillc a une tcUeiinport.incc
économique que ses actions constitbent une part considéÎable de
l'actif de la sociétédominante, la faillitede celle-là [c'est-à-dire,la
faillite de la filiale]peut donner lieu àla faillite de celle-ci[c'est-à-dire
de la sociétédominante]. D'autre part, lorsque la sociétédominante
fait faillite, les s ndics peuvent demander, le cas échéant, que le
patrimoine des fi ialessoit joint à la masse de la faillite, s'ilsprouvent
que la constitution de ces filiales n'a eu d'autre objet que de rédiii-
la garantie des créanciers de ladite société.En dernière analyse, ?l
s'agit d'un probleme de preuve: si l'on prouve que la sociétédomi-
néeconstitue une simple apparence de société(prête-nom),derriére
laquelle secache la sociétédominante, et que cette sociétéinterposée
est utilisée pour éluder l'accom~lissement de contrats ou pour
r r 1: I>;i,prc g;irîiitii \,is-à-;,i; dcs <:rc'.,ncicr..les triliiii:iu.x
J,:\,rniriit p~sar i,iirrc :iiiuohst2.4ej juridiques ftiriii?lj cr ét.tblirI;i
~oiiiiniinic:~tiond, rcj~oiijil~ilit; eiitrc Icj dcux sociité.. o(Revisl~de
DerechoMercantil,1~47,p. 67 et suiv.)180 BARCELONA TRACTION

Par conséauent. Messieurs. vous l'entendez. le ~rofesseur G.rrigues >.
coniiiience p;r rapprlcr quC juridiquemciit ii;aciéré domin;ints .vt 50-
ciéti.fili:tliirdemcureiit distinctes; ilen\.i,ngc ensuite dniisquelles circi,iis-
taiices II iaillite dc l'unc osut entraiiitr la f:iillitcile l'autr<:.Il cuinnicri,.e
par ~.n\.is:tpcr 1 hyp~tli~ic~ dc I'ext~:nsionde 13 failliti: dr 1;tsotiii6 dunii-
II& i I:I3oci;tidomiiiniitc. cette: Ii\potli>s,: ni:iii>iiiiit;rea>c p:ir Eiisuite,
ilexamine l'autre hv~othèse.celle qui nousintéresseici. à savoir le cas où
la sociétédominant; fait faillite et où les syndics demanderaient. le cas
échéant, quele patrimoine des filiales soit joint à la masse de la faillite.

Pour l'obtenir, les svndics à la faillitedoivent vrouver. enseirne - le pro-
fejjçur i;arri)uei, ~IIC.la mn.tirii~~~iides iili:4lc%11':1va1pt3i eii <l'aÛtre
obiet que de r;duirc 11g.ir:iiitic drs cri',incicri dt:ssucii.tïs. que la susit:t~
doiminkeconstituait une simple apparence de société,un prête-nom der-
rière lequel se cachait la sociétédominante. Lorsque la preuve d'agisse-
ments de ce genre accomplis au détriment des créanciersest rapportée,
les tribunaux, dit-il, «doivent passer outre aux obstacles juridiques for-
mels et établirla com~nunicationderesponsabilitéentrelesdeux sociétés ».
Mais comment les tribunaux doivent-ils établir ce que le professeur
Garrigues appelle la scommunication de responsabilité i,?
Suffit-il, comme paraît le soutenir le Gouvernement espagnol - pour

venir au secours du juge de Reus - d'ordonner purement et simplement
la saisie du patrimoine des sociétés filialess ,ans aucune forme de procès?
Certes non - et c'est ce que nous enseignera encore le professeur Ga+-
gues dans sa consultation, cette fois, où il a préciséla penséequ'il avait
ex~riméedans son article de 1,4.. Nous nous sommes bornés dans les
écri1urt.j i repro<liiir~I.ccoriiiiirni;iirt:qiie hl.Ir,profi.sicur (;:irrigiici a\.:.it
fait de soli;lrrii:lcdaii.. <:ctieconsult;ition, niai; iiC;~tiiiioinr ;ctte scule rc-
productioii nous :t\.:,ludes nppr~- Atioiis fort d~5sulili~cant- ~<Ic 1;iiurt Ju
Gouvernement es~aeii2l.<,
Voici<:cqii'Gcrivnit Ir profciicur (;arrigiiei <I.inis.i ~oii~ultation (p. 2b
et29) SC rGft5r:uiti I'articlr alontje \'i<.i(le iircr un p:iisrigc:

ciDans cetteétude nous nous référions égalemenatu cas où les syn-
dics pourraient demander que le patrimoine des filiales soit attiré
parla masse de la faillite lorsqu'il seraitdémontréque la constitution
de cesfùiales aurait eu exclusivement pour objet de réduirela garan-
tie des créanciers de la sociétédominante. Ce sont en somme les
h,oothèses de simulation d'une ou de n~us~~ ~ -sr~iétésanonvm~~
qui, en réalité,sont dessimples apparences de sociétés ou
derrière lesqueiles se cache la sociétédominante. en utilisant cette
société ou ces sociétésinterposéespour éluder l'a~c~rn~lissementde
contrats ou pour réduiresa propre garantie vis-à-vis des créanciers.
[C'estle rappel de ce qu'ilavait écritdans son article.] Il est clair que
la démonstration de ce oue la filiale n'est ou'une Dure avvarence de

sociétédevrait être étaMiepar les syndicSpar uRe procidure judi-
ciaire ap--oprAéeétant donnéqu'il neveut suffirede leur simple affir-
mation pour comprendre dans la maise de la faillite le
d'une filiale de la société faillie. Lessyndics devraient exercer [pré-
cise-t-il], en un mot, une action judiciaire de réintégration à la masse,
soit vour cause de rétroaccidn nbsolutala, ~ ,78du codedecommerce).
i~ir psr 13 voi~dci :t~~ioni<Icr~ mp~rq>idcir'p>iC t viir [,:IrIcj articlls37q
rr 6ij2 Eii iIcriii;.it::iri;~l\~-c1.,ilii<lit.j:,iir:iicnt touioors ;?Ir.ii(11,-
posi&ionl'action civil; pour pouvoir combattre les actes PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 181
que le débiteur aurait accomplis en fraude du droit des créanciers
(art.1x11 et1291 nos du codecivil). D

Commevous le voyez.,c'est en recourant aux moyens techniques appro-
~riésurévusDarlaloiesnamole elle-même,et exclusivementen recourant
cesmoyens techniques ~ppropriés,que les syndics peuvent dans le cas
envisagépar le Gouvernement espagnol, celui d'une fraude établie, dé-
montrée, écarter la personnalité morale de la société filialeamès avoir
iait c:t.iblircoiitr:~ili$oircnieni quc cellC61;:constituCc ou ifonction-
116en frnudc 117sdroit, d,:s crGlncierJL.I;iri;,is,:cn faillit?.
I.':i~~rl:licnsiudei hicii; JLStililles uûr les s\~iidiirsdc la jociét; .:~,rin-
cipalesera la conséquencenormale de l';ne de césactions des
créanciers,mais il n'est pas possible de sortir du cadre précisinstitué par
ledroit positif pour assurer lasécuritéjuridique indispensable.
Ainsi, comme le Gouvernement belge l'avait exposédans sa réplique.
il était exclu, mêmedans l'hypothèse où se place d'une façon que nous
considérons commetout à fait artificielle et arbitraire le Gouvernement
es~aenol. dans l'hv~othèsed'une Drétenduefraude. il étaitexclu aue Son
piissuesedispense; he cesrecours spécifiques.
Ces recours, lorsqu'ils sont exercés,aboutissent effectivement, comme
l'indique le Gouvernement espagnol d'ailleurs, à reconnaître l'inopposa-
bilité des actes attaqués, inopposabilité à l'égarddes créanciers, mais
celane signifie pas quecetteinopposabilité puisse êtrereconnue ou consa-
créesancaue yon Gt recouru d'abord aux conditions s~écifiauesréA.vues
par ledroii positif.
Le Gouvernement espagnol est d'ailleurs dans l'impossibilité - et ille
reconnaît - d'invoa.er un seul Drécédeno t ù l'on aurait. sans recourià
I'uiir.de ccs :LL~~OIIqu'énui~~&I re.yrofessr~~rG3rripu~s. ;ipprL:hcndPle
d;~iisIn inaiScf.,illic.uiivniil!<sociCr&cil iiii.soiinnissant la nersonnalité

morII est égalementdans l'impossibilitéde citer une seuleopinion d'auteur,
une seule opinion doctrinale, qui justifierait sa these. Je précise,aucune
opinion doctrinale émisein tempore nonsuspecta.
Quels sont ces moyens qu'offre le droit positif? Cesont ceux que décrit
le ~rofesseur Garrimes et ils sont ~arfaitement suffisants Dourvermettre
acx syndics, en ca'çd'abus carac&riséet démontré,d'aslurer la protec-
tion des droits des créanciers.Cesmoyens, ces actions, existent d'ailleurs,
Messieurs, vous le savez, sous une forme plus ou moins analogue, dans
tous les autres droits positifs. Nous en avons faitla démonstration dans
les écritures (A.R., na 93, vol. II, p. 457et suiv.; R., V, no 237et suiv.).
Commedanstous les autres pays dont le droit est issu du droit romain,
la protection des créanciersest sanctionnée en cas de fraude par l'action
paulienne ou révocatoirequi peut êtredirigéecontre tout acte par lequel
le débiteur s'appauvrit au détriment de ses créanciers.Cette action est
subordonnée à l'existence de conditions très précises, aussi bienen droit
espagnol qu'en droit français, en droit italien ou en droit belge.
Les créancierspeuvent aussi, comme l'indique le professeur Garrigues,
et romme nous l'avons indiquéaussi nous-mêmes,introduire l'action en
déclaration de simulation. Cette fois encore cette action suppose la
démonstration par les circonstances de fait particulières de l'existence
d'une véritable simulation.
En cas de faillite, la protection des créanciersestencorerenforcéepar182 BARCELONA TRACTION
les textes spéciauxqu'invoque égalementle professeur Garrigues:l'action
en rétroaction absolue en vertude laquellele juge peut assigner àla décla-
ration de faiüite des effets rétroactifs, lesaccirmesde impug~tacidn organi-
séespar les articles 879 à 882 du code de commerce qui permettent de
poursuivre mêmel'annulation de certains actes accomplis par les faillis
en fraude des droits des créanciersavant mêmela date laquelle la fail-
lite produit ses effets.
L'exercice de ces différentes actions im~iique l'introduction Dar les
organes dila faillite, devant le tribunal, d'uie procédures1)Zcialciéridiint
a cette fin.Cctte pruic'diirese tcrmiiic par un jiigcm~sntrciidii cuiitradic-
toircriient a I'trard de tous les int;resds. à 1'é~:irirlioriimmciit dç seiix
qui ont acquis'ies biens que l'on prétendfaire réintégrerdans la masse.
Or. Messieurs,vous le savez, rien de pareil n'a étéaccompli en l'espece.
Le i,e- de Reus n'a étésaisi d'aucune action de ce eenre e.. dès lors. il
ne pouvait pnj. sniisstatuer practrr Iqem, saris priver <letoute base IFgale
sa décision. appliquer de plano aus socictésfili:ilesuri~sanctioii. la confu-
sioiides pntrimoincs. l'inclusiuridu vatr~nioi~i~ dt:î filiiilesdan.; crlui de la
sociétémère, une sanction quine pouvait étrequela conséquenced'une
décisionjudiciaire préalable rendue dans I'une ou l'antre de ces procé-
dures,sur l'une ou l'autre de ces actions et aprèsconstatation que les con-
ditions Iéealesde ces actionssetrouvaient réunies.établissant l'existence
d'une fraide ou l'existence d'une simulation.
Une derniéreobservation me permet, hfessieurs, d'affirmer que le iu~e . -
de Reus ne songeait certainement pas à sanctionner desfraudes.
En effet, s'il y avait songé, iln'aurait pas manqué de recourir à une
mesure tout à fait usuelle et qui, en cas de fraude, s'imposait. C'est la
fixation de la date de la cessation des paiements à un moment antérieur
au prononcédu jugement déclaratif. La loi espagnole, comme d'ailleurs
reDorter dans le ~asséla date de la cessation des ~aiements. Siréellement
le'jugc de Reus av~it coiisi<lGrés,ui\,ant l'iiitziitkm que lui prCtt:le Gou-
\.erncniciit e.il>agnol,que ln socictr:I3iircclona'1'rn~:tiniie trou\.;iit depuis
touiours. car c'est ce uu'il affirme. en état latent dc faillite. s'il :avaition-
sidéréq"e la ~arcelona ~ractioiavait pris toutes sorteçde dispositions
pour frauder ses créanciers, il est évident que la premiére mesure à la-
auelle ilaurait dû soneer. et ou'il aurait certainement ri sec'étaitdefixer
la (late d~.Iacei~ifioii des p:iieiiiriiisune diitc iiliisiCloignecquc possible
dans le p:isséOr, il ri'eiia ricn fait. Iii'irien dit et. iui\,aiir II.droit cspa-
-ol. coinmc d':tilleurscri dr~it b~lli-. j.d6f;iiitilc dccision ~articuli8rc siir
CC point. la ccsjation Jes pai~iii<~iirnse rcmoiitc:p:ra i unc hntc nntcricur?
iccllc du prononc; du iuct:int.nt (nrrci du 'ïril)iin:~ljupréiiicdu iq .<\,ri1
1905, CL tomo XIX, <oi: II de 1905, p. 172 et suiv.).-
Le silence du juge de Reus à cet égard condamne une fois encore la
these actuelle du Gouvernement espagnol selon laquelle c'est l'intention
de sanctionner une fraude aui serait rét tendu menlte motif réeldu iuee- , .,
nit:nt ordoiinoiit 1;.s:iisic de'sbiviis ilcs !ilinles.
LcGoii\'erncincritcspogiiul invoque aiisii ic,qu'ilappellc I'iJCcgenCrale
dc 1:fr~~ideiI:cloi. Il ri'!, p.1~st~~ilc~ii,:~diirt,-II, 1:tir;ili,druic~xti~,,
crGancicrj. il ya aussi, bciiucoup pliiî g6iier~lcinenr. la fraude iln lai.
En ré:iliré,dans I'étntdes fait;, oii ii'iinigiiic p.i autre c1io.i~qu'uiic
C\.entuelle friiude aux droits des criniicii:rs. .tuetin pr;ccclcnt ii'csr d'ail-
leurs ci16par le Gouvcrnemerit ~sp3giioIet lei tiois décijiuiij;ii~x~~ueIIi~ ls
i1et; fait allusion dans les écritures (R.. \', no 530) n'ont aucun rapport PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 1~3
avec la question de savoir si le juge de Reus pouvait dans le cas présent
invoauer cette idéeeénéralede la fraude à la loi.
~e;ecours à cette"idéegénérale,aussi vague que généraled'ailleurs, de
lraude à la loi. se heurte au surplus à la mêmeobiection que le recours à
l'idéed'une fraude aux droits des créanciersen ce sens aùe. si l'on veut
~ ~ , .
ltijtiiicr1.1confusion <les p:itrimoiites pnr 1't:xistenccd'une prttc.n<lue
iraudc :I1.1loi, il faut que cctte fraude i 1:slui, tout autant que la fraude
cvçritii~:llcaux droits <lescrinri.:icrs, nit fait I'otilct .it~)r>:il;~l)ld'iine
constarstion judi~inir~:clans le cadre d'uiic prucediirï oppropriCe.
1-c c~~iitrc-inéinoirlce contearc et il faittiiiçdi;tii~ction qui nous parnit
étrange.
Suivant le Gouvernement espagnol,
ulorsque la communication des responsabilités est, si l'on peut dire,
descendante et va de la sociétém&reaux filiales, on peut pénétrer
dans le patrimoine des sociétés dominéessans qu'il soit besoin
d'éteindre la personnalité de celles-ci[jene faisque citer le texte du
contre-mémoire]ou sans qu'il soit besoin de formuler à leur encontre

une déclaration de faillite ».
E~~rev~nc~ - ~ ~ ~ -contre-mkmoire. lorsaue la communication des
responsabilitéséstan contraire ascendante et va des filiales à la société
mhe. alors une décisionpréalable ankantissant la personnalité juridique
ou déclarant la faillite eit nécessaire.
Cette distinction est assurément originale, elle est nouvelle, mais je ne
vois pas, quant à moi tout au moins, les motifs pour lesquels la solution
doit êtredifférentedans l'un et dans l'autre cas.
~.ISn toiitc liypottiist., cette distinction n'est :il)l)uy>ed'~iicuiiccspPccde
r6iCrcn~.eni iloctrin;tle ni iiiri.l>riideiitiellc,clle cst. c:uminvla Cour l'aper-

.o~t immédiatement. en ComÜlèteouposition avec les enseiauementi du
professeur ~arri~ues auxquefs, asse; >aradoxalement, le ~Ouvernement
espaanol prétend cependant la rattacher. Elle est même,et ceci est plus
cakactérictiaue encore. en contradiction avec les enseinnements des-au-
teurs qui oit dévelopy&en Espagne cette notion de IrGide ila loi.
1.e (;ou\.erneiiitiit espagnol s'appuie i cet cglrd largement siir les
ensciunemc~nr-d .u viufeswur l'IdCastro. LeGoui~rnc.rrirritbrl~ca niontré
au contraire dans in réplique(V,par. 531) que,suivant l'enseignement de
ce jurisconsulte et suivant M. Puig Pesa, la constatation d'une fraude à
la loi implique, avant que des sanctions puissent se produire, une décla-
ration de fraudequi doit évidemment indiquer en quoi et comment la loi
a étéfraudée.Comme l'indique M.Puig P.fia:

1.c.s:It<.si~rInii<ilrnilr,gz&en effet. ont une ri.:ilit;.qui prima tucie
cst p:irf:iitcmc.iitlicitect ilsïr:i donc n;c~s>air<.d'obtenir 1.1dL'c1;irn-
tion judiciaire pour que soit établie,par les preuves correspondantes.
la fraude à la loi.u
Par conséquent, l'obstacle subsiste toujours. Jamais on ne peut justifier
par le simple recours à l'idéed'une fraude possible la confusion pure et
simple et deplunodu patrimoine des filialeset de celui de la société mère.
Et I'oiicomprend trèsbien qu'ilen soit ainsi,hlessieurs. Cette obligation
d'une procédure préalable, contradictoire, en vue d'établirs'ily a simula-
tion. s'il v a fraude aux droits des créanciers ous'ilv a fraude à la loi. se
justifie par desraisonsévidentes. Il s'agit,dans touskes cas, de mettre'un

terme à l'existence de la personnalité morale d'une société commerciale184 BARCELONA TRACTION
qui se trouve régulièrement inscriteau registre du commerce et qui jouit
par conséquent de l'apparence, au moins. de la personnalité morale aux
yeux de tout le monde.
N'e~-~il Das normal aue l'action ou la demande aui a Dour obiet de
contcstcr cctte persnniia1itEdoi\,e erre dirig& contre la sociitécii s':<use?
s'est-il p:<Snoni1;iiqil'ciie ioit pJrtir ;il1Jugemciit qui aur;i hjt:itiier siir
urietcll<:action? Ilest ~rldiizkiis;iÙlcaiissi zwur~IUZ Ies(1roitsde la d4fcnse
soient respectés que cette société puisseitre eitendue lors de cette pro-
cédure, qu'ellepuisse faire valoir ses justifications, qu'elle puisse ainsi

assurer la ~rotection de ses pr. .esdroits et de ceux de ses actionnaires.
La suppr~.;sioiidc;1:1~>r:r~i~iin:~iliii~r:ilc il'iinc zoci&tet I:i<.oiiiiiioii
des pstriinoiiicj qui v&eii rCîiilter, t~ut ccl:ilit zxtr;incmciit grnvr, tutir
celâpeut causer des perturbations et des préjudicesextrém~~ent impor-
tants. Des décisionsde ce genre ne peuvent pas êtreprises ainsi dans la
précipitation, d'une manière unilatérale, sans que la protection élémen-
taire ait été assurée à ceux qui sont menacéset en l'absence dcs princi-
paux intéressés.
Je n'en ai pas encore fini,et je m'en excuse, Messieurs,mais je n'en suis
pas responsable. Je n'en ai pas encore fini avec cette premi6re tentative
d'explication fondée surl'idéed'une prétendue fraude.
En effet, le Gouvernement espagnol, embarrassépar l'absence de base
légalesusceptible d'êtreinvoquéepourjustifier ladécisiondu juge deReus,
a imaginédans la duplique (VI,p. 431) de présenterle refus de reconiiais-
sance de la personnalité morale non plus seulement comme une sanction
pour des fraudes ou desabusdéjà commis par la Barcelona, mais comme
une mesure préventivedefraudes qui pourraient êtrecommises an préju-
dice des créanciersdans l'avenir.
Je crois que l'on peut évidemment, et l'on peut m&medire à fortiori,
opposer à cette argumentation nouvelle les mêmesobjectionsqu'à l'égard
de l'argumentation initiale.
Aucune dis~osition de la loi esDa.ol.. aucun précédentdans la iuris-
pmdcncc e~~s'~nolen .e ~>cii\.<.iiittrc. invoquep;i;le Couvcriicnicnt Lspa-
gnol pour démoritrcr qiie 1:iperi~riii:iliti: morsle d'iinc iùciktC pi8iirr;iit
étrcL.cnr1L.p eour In si:iile r:iisoii que c,:tt,: >ociéserait ~~vc~itu~lleiiiciit
susceptible (le <levenirI'initriinient d'iiii abus oii d'iinc fraudc ct cc. en
l'a1>ieiicciniiiieJe toute prr,c6diiic. sans que Insoci6t; doiit I;iIivrioiin:i-
litéest ainsi menacéepuke mêmese fairë entendre.
Dans les autres droits, on ne trouve pas davantage d'exemple de
l'application d'une telle théorie. On ne relève aucune décisionqui ait
admis une mesure aussi grave et aussi extraordinaire sur la base de la
simple affirmation qu'une fraude ou un abus pourrait êtrecommis dans
l'avenir.
Est-il besoin d'ajouter que les décisionsdu juge de Reus ne contiennent

pas plus de constatations nidemotifsqui témoigneraientde l'intention de
prévenirune fraude, qu'eues ne comprennent de motifs ou de constata-
tions d'où sedéduirait que cejuge aurait entendu sanctionnerdes fraudes
ou des~ ~us~ ~ià~,~m~- ~ ~
J'en viens n>aiiitt:nrnt ;ila quatrihnt. et (IerniPrerai>onpour 1:iquelle il
[:lut certairi~ment. k notrc avis. rcieter cctte premiCrctentative d'espli-
cation du Gouvernement es~amol:
De toute manièreet mérnésfi'onpouvait suivrele Gouvernement espa-
mol lorsqu'il invoque cette théoriede la fraude àla loi telle qu'il s'efforce
de l'accréditer,encore les mesures prises par le juge de Reuiresteraient- PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 185

elles entachées de ce vice irrémédiable,la contradiction entre les décisions
n-,-~l ~ mises.
1.t:~esplicatioiis tciitées prir le (;ouvcrneniciit eapagriol nr lui periiict-
tcnt absoliimciit pas d'elimirier cette cuntradiction qui est. cornine je me
suis permis de l'indiquer dçjh à la Cotir. le signc Ic plus niariilcstc dc
l'arliitraire :\ partir du momeni où le juge eonsid;rait 13 personnalité
niur.il<!dcî socictésfiliales comme inov~ui;..le :I I:i rilasje (Ics crcanci~r~
pour opCret la saisie imi1iédi;itede leurs biens. il nr pouvait i.\,idtmnient,
j;inj \..;rscr (lani iinç contr~dictiori que 1:isiinl)lc loiiqtie rl:prou\,e. cunsi-
dérerquelque temps plus tardet mêmesimul<anémëni quece patrimoine

néanmoins pouvait êtreconsidéré comme unpatrimoine distinct. Nous
verrons en effet que quelques semaines plus tard. et i'ai eu l'occasion de
vouz 1cfdirc ~<~~~ir.iiird e:ja, il :idiii~trri qu~ ce patriiiiniiic rcprviid son
:tiitoiiuriiict (111~I'iiiopl)ojibiliiC\~~COIIII~IC1:11f;\.ri~r 1913ii'cmp2chait
i>nslx re:oniiîisxincr. rl'tiii>:itriiiiuinc ilisiiiict cIE fn~ii~~o~i~ieiii~d 'et
:es sociétésen avril de la mgme année. Bien oins. le iuee,ne ,"uvait Das. 1 -.
sans verser dans la même contradictiori, admettre tout et dans le méme
temps cette fois que le inéinePatrimoine était à la fois com~ris dans la
masie des biens saisis et. d'nitre oart. autonome lorsou'il ç'aeissait de
,
f;iii, iiomnicr :i<liiiiiii;tr:itciir, ILSIioiiimi.~rl,:;~>iili.i(1,.\l:ircli
I'.li pliis~IIC la nullit6 ,811I'iiic\istcncc. 1 inopp~iabiliié iic pt,iit ëtre
i i.i.li~ii:?iI'Cc;iril(Ics in?ni?s ucrsoniii i et i A .oim, %lesinimes rziriAoAts
patrimoniaux.-c'est l'un ou c'e'stl'autre, mais ce ne peut pas êtretantôt
l'un et tanthi l'autre.
Ainsi, d'aucune nianière. les motifs invoauésDarleGouvernement esDa-
gnol ne peuvent justifier les décisionspris&. E; je puis conclure, je
de la manière suivante: tout d'abord nous constatons que le Gouverne-
ment es~aenol n'a Das DU secontenter d'endosser et de re~rendre h son
coinl)te les motifs grosiiCremeiit erron?.; cn tlroit et tout i fait soniiiiaires

d'ailleiirs du jiigc Je f<eus 1Snsecond lieii, les pr;t~>nilusabus. la preten-
duc fraiide aux droits des cré:incicrsou In prétcridiiç fr:itid.: i 1:iloi iiivo-
qii& IYJ~ le Gouvt!rii~~iiieiitsp:igriol. J 'ailleursiiir~~iit;iii<*rifciit,sorit cn
outrc totïlement absents des motifs et dei ionitntnt1oiis (Ics cliflérentes
décisionsdu iue, -e Reus
I'roisi~ineiiie~it,CLS prétciitliisiittus et fr~udri peu\.viit (l'autant nioins
.<,r\.iriIçliisrification i posteriori i ce><Iéci>ii,nq siic litfr;iu<lctitis(lroits
dei ir~ai~ci~rs.ji clle ;ivait Gt;.;t;iblic. ri'aiir;tit nii >rrc s:~iictioiiriu'en
respectant lesrègles du droit espagnhl, sur lesquelles je me suis éièndu,
qui exigent une dbcision particulière, préalable et contradictoire en vertu

de laquelle l'acte accompli prétendument en fraude des droits des créan-
ciers ou de la loi est déclaré inopposable, c'est-à-dire nul à l'égard des
créanciers.
Aucune décisionde ce genre n'a étéprononcé?, ni mêmedemandée.
Quatrièmement, le Gouvernement espagnol a cherché refuge dans cette
théorie de la fraude à la loi, dont il n'existe aucun exemple d'application
dans le sens qu'il voudrait lui donner en l'espèce,et en toute hypothèse.
même pourles partisansdecette théorie,une déclaration defraude préa-
lable était également indispensable et elle fait complètement défaut.
Cinqiiièmement, même sion avait dû avec le Gouvernement espagnol
admettre que par suitedes abus et des fraudes la personnalité morale des

filiales pouvait êtredéclarée inopposableaux créanciersde la sociétémère,
encore cette inopposabilité ne pouvait-elle êtreque définitive. En consé-
quence. la masse des biens aurait dii êtreréunieune fois pour toutes A la186 BARCELONA TRACTION
masse de la sociétéfaillie; la reconnaissance ultérieure de l'autonomie
patrimoniale de ces sociétés filialesà l'égard des mêmespersonnes aux-

auelles leur ~e..onnalité aurait rét tendu men t tédéclaréeino~~o..bie.
iettc: rccoiin~i;;lricc. iilr?riciirc i.r.,ir conrrlkrtout<.I<igiquçet ille irnl~li-
(ludit uiir. \,ic,l,irion f~iidimcnt;.lc du druir çjl~.ignul; ~lle Cinit siirtuur
l'indice d'un traitement Durement arbitraire.
Jc \,ais cx:,iiiiiier iiininieiin,si InCuur Icveut bicn, 1.Jviixic'iiictcnin-
tivc I1'~xpli~it~;ndu ZOU\~~III<II~< e,pII~iiol
Le Gouvernement espagnol invoque lë prétendu caractère purement
provisoire, purement partiel, purement conservatoire des mesures de
saisie, pour en déduire, en contradiction avec ce qu'il a soutenu dans la
première explication, qu'en réalité le juge de Reus n'a pas méconnu la
personnalité des filiales. On avait commencé par iions dire pourquoi il
i'avait méconnue et pourquoi il avait pu la méconnaître; on va mainte-
nant tenter de nous cx~liauer au'en réalité ilne l'a Das méconnue. Pour
le diiiiuiirrcr,b iïouvcrncni,.iit ;-.ipagtiol .'t.ifvr~,cilc ;<duirc lport;<: dv.

niciurc.3di. sxiiii: i:il \..i--i.i).riI'it.il,lLIU= ce; sai;i,:sOIII pi1.~!.~irlicii
tout cn rcii1:sr:int 1:l~:r;orinîlit; 11iur.11d~c'j ~~iiitL:sriliai,'II .~ltiriii~I
cet égard que ces saiiies étaient des saisies d'un genre trèsparticulier, de
simples mesures de contrôle, des mesures provisoires purement conserva-
toires et partielles.
\leîsi<,bis, s'c.~t~~r;cii;~inciirpour iGpondrc ?I l'.~\..iiii cctrc ~firml-
tiun que ]'ni cri1nG:csi.iir<,, i uilr df; :tuli~iicc~ l>r;~l:d~ntei,d'~:sl>usçr :z
I;i(:<>II1:uiniiIeiitle, s,ri;iei ur~lonii<:a\.aieiit ,.x;iii~+~s: 13 ('OUI SC
souvi~.ndrn que l'on a i~it pr,:iiiJeil'un z2Iccxtr;iordiii.îir~,C]II<. t<,CCtqiii
pouv;~itétrc,siisi I'..Cr;,.IL.ne dois di>iit.p.1; rv\.ciiir siivL ~>,iiir.3l.i~.
sur Ir.plan juridiqiii., j,: piii; :~iliriiitr. siiii irJintc d':trr ii;.nieiiti,1.1e
loi t~sp.~giiull iç ~.oiitienr :iu:unc Jispoiitioii pi$\.u!.aiit ntic nieiurc de
cerrc espCcepartisiilierï, iiiicsaisir<Iiigciirt-de ceIl<-qur Ir(;uiivcriicmeiit
espagnol prétend avoir étéordonnéepar le juge de Reus.

Pour tenter de justifier son point de vue, le Gouvernement espagnol en
est réduit à se livrer à ce que je me permets d'appeler des exercices de sé-
mantique, d'ailleurs tr&ssubtils, et dans lesquels, à mon grand regret, je
me vois contraintd'inviter la Cour à me suivre.
Le Gouvernement espagnol s'empare notamment de deux mots conte-
nus dans le jugement du25 février 1948. Cejugement (A.M., vol. II, no60,
p. 2941,déclareque par suitede la réunion de toutes les actions des huit
sociétesauxiliaires qu'il visait,

commerce 1,
et IL-iIouvt:r~~eni~>n etjp:,gnol dr dire: SIle trll~tin.îIn dit tuiiiiiir s...c.c.I:~

signiti~.qu'il :ivnit1 iiit<:iiti~iieffc~ri\.t-iiiriit nuil point (Ir iiir:coiiii12ti,c
~ërsonnilité morale des sociétésm . ais au contraire d'en tenir comDte
\lesieiiri, ji: inc cuntvnterai d uilr iculr r;pori?v: i.r iiii:iil;i#riiir:iit
ordoririt*1iric.urporatioridi; I,irri.*iles iiIi:il:Il:, innjx de la fa11111 Jc 1,i
H.ir~.clonaTnctiun. Cuninicnt ccitc rn;.ronn3ij.;niici cvid~iit,. çr fl.-zr..iitr
du pntriinoinr., attribut ,.>it:iitirl al1.pt~rii,iin.iliri, scr:iii-cllc conip31il>lc
:i\,ci la recoiiiinis~iin~dc cette iiiAm<p : crsunnnlit;? L iiii11,. V;p.ii i.tiis
I'aiitre.Lc ~?trinioiiie distinct est l'attribut cjsénriel dc In 11,:r~orinnli12
juridique. S:le juge ignore le patrimoine distinct, s'il prétend l'écarter et188 BARCELONA TRACTION

3L:iij.\lessieiirs. ces ~luercllesd,, iiiots iic pcrinçrtcnt certxi~i~~riizn i ;is
au Goii\~ernenierit eiii.-gn-l ~I'Gch~ppcraux coiiit;it:ition, <ju'iiiipose le
sim~le bon sens.
~brnmc I'ocirpu~idnprc'vuepar In loi ejpsgiiolc cil cas de fnillirc nc peiit
portt.r - c'i.st uii poiiit sur lcqucl je re\~ir:ii<lr.ii';iillcurj -- qut! 511r1"s

bic~isIppartcnant nu f;.illi, cel:~ va (le soi,l'ordre (1ocrrpaci&nCtziidii i (lcs
biens n'appdrtçii;iiir p.15lu failli, npp.irreii;irit i uiic ;,utrc +oci?tC.im])li-
(III<.iiéctssairi.iiiriit qiir l'on ni;voniiait II p~rii~iiii.,lit; mor.ilt: il.. <.crtl
autre so~.iiti. soit uu'on la déclnrl irni)liiitc.mçnr incsiitniirc. nulli uii
inopposable.
Tous les efforts pour éviter cette contradiction sont vains et il est im-
possible d'expliquer la mesure d'ocupacidn sans admettre nécessairemeiit
et simultanément, comme le disait d'ailleurs expressément le juge, qu'il
fallait passer outre à la personnalité morale distincte des sociétés filiales,
car certaines des décisionsle disent exbressis verbis.

C'est en vain, dès lors, que le ~iuvernement espagnol soutient que,
malgréque leurs biens aient étésaisis en vertu d'un ordre d'ocufiacidn, les
soci6tésfiliales ne pourraient pas se ~laindre de ce uue l'on auràit mécon-
nu leur perjoiiiinlii6. L'iiiiiii~~;li.~iiautre; l'un c'~..'1 :,iirr<..
Jc piii 1~85srrh prIscnt, i\lesiie~iri. :i I;truisiiniv tcnt..tivi .I'i-sl,li~:.i-
tioii dii (;oii\'i.iiiiiiiciit c:p:igno(: tit cvllc >tiiv;iiitI,~~~uell1e,:sbiviiîcles
lili.île; poiivnicnt ,de tuiitt. indnikrc, Ctrc i:iiîis p.ir :il>plic;,tionou pai iiiiç
intC~rprG1:itioq niielquc pcii extt:iisivv dc, la iiotioii clt>~c,YIc,?zL 1~L- .~CI:(-
duction littérale enfrançais :les appartenances.
Le contre-mémoire (IV,p. 299) soutient la thèse que voici.

En principe, dit le Gouvernement espagnol, les biens des filiales n'ap-
partiennent pas à la sociétémèreet. dansla mesure où elles conservent la
i>triunn,xlit< juri<lirlue, c.i. I)irnï cunstitu<iit :i~)p~r~-ni~ii~i1 itIII],:<tri-
moine. i\lais,ioiiiiiir 13 l~:irc~lun;~Trn~~ti~~ii~~xir~i.iiii~infliicnced~niin~iitc
sur ses filiales - ce qui est, remarquons-le,naturellement toujours le cas
-et ne formequ'un avec elles, il doit y avoir une situation identique en
ce qui concerne la responsabilité. Si le patrimoine des filiales est soumis au
pouvoir de la Barcelona Traction, ce patrimoine doit répondre en contre-
partie des obligations assumées par la Barcelona Traction dans l'exercice
CIPson noiivoir
~-~
Eii quiniiic. du fait dc I'iiiiitt;i.oiiuiiiii~iicde I'~ntri.pri;i.. 1,.Gniiviriic-
ment cspngiiul d<;tliiitque 1,.pntriiiioiiit. ile5 hli,il~i ~onsritiic 1 ;qnr(l <le
I'csploitatir~n poiirsiiivi? l>ir Id snciétr'niérc.iiiir p?rlc~~r~,rir dic ~cllc-,i,
au senstechnique du mot.
Si l'on g"néralisecette thèse. elle consiste à dire aue lorsau'une ver-
sonne exerce en fait un pouvoir de domination sur certains biens, ces
biens doivent répondre des actes que cette personne accomplit relative-
ment à ces mêmesbiens.
C'cît uiir t.oiiirl)tion rCvolutioriii;iirc. C<.ii'c,tII:.~ainsi ilue 1 titn <oiii-
pris iiiiqii':~prisent It:pritririi~,iii<.vci t<iiitcs1,:siiiiplia:~ti~,iiîqii~.cette

Lotion comporte.
Mais sans qu'il faille entrer plus avant dans une discussion qui serait
tout à fait oiseuse, je crois que cette construction, qui a certainement le
méritede l'originalité,se heurte àdeux argumentsqui suffisent pour qu'on
l'écarteimmédiatement.
Tout d'abord, les biens de la Barcelona Traction, c'étaient les actions
des filiales et non pas les actifsdes filiales. Personne n'a iamais soutenu
que le patrimoine d'une sociétéanonymeest une pertenencla de ses action- PLAIDOIRIE DE M.VAN RYN 1~9

naires. Il ne leur appartiendra éventuellement qu'apres ladissolution de la
sociétéet le paiement des créanciers.
~<usi&inéobjection: le Gouvcrnïiii~iit espagnol doiiiie i celte cxprcs-
sion perfcne~iciauii scii.; tout :I fait iii:idiiiisiiblc ct qui n'est pas conipa-
til~le:<\cc la sianinc~tiun cour.iiitc ct normale du mot. I'crleiiencia. c'est
le substantif qÜi correspond au verbe eapparteniru et aapparteni;», en
espa~nol aussi bien qu'en français, équivaut à êtreen relation de pro-
priés ou de possessioi. C'est dans ce sens que je puis dire: .ce livre m'ap-
partient, il est ma propriété a. Cela ne signifie pas que j'ai un pouvoir de
domination sur ce livre.

Or la saisie des biens en cas de faillite. I'ocufiacib?~ urévue Dar la loi es-
p:ignolc i l'ailicic lu.++.tcrtio. du code d,.i32tj. sc ri,fCrr])r&i:isiinl.ntA1:'
notion de pcr1eaerici.1cornprise de cettc rnani;.rc
Il v est question des 6vtenencias du failli, c'est-à-dire des choses oui
appa;tiennént au failli. ia saisie est le moyen de déterminer la masse,'et
c,t....asse ne comprend que les biens perteiiecientes - appartenant - au
lailil.
I.cs pcrlfi~e~~c~% ~~rist dotic le.;<lio<c,et Ici cli<iitsqui sotiIL proliriCti:
du failli.011 ne coii(.oit1);~ . u?c': soiciit des ilio,rs qiii soriI:iprupriCt6
(I'iiniiutrç siijct <ledrsir. comme IL.voiiilr:iit 1,(;ouvcrncnicnt cii):igiiul.
et on ne conçoit pas que, grâce à ce concept de pertenencia auquelinpré-
tend donner un sens tout nouveau, on puisse saisir des biens qui n'appar-
tiennent pas à la société failliemais à d'autres sociétésqui ont évidem-
nient leur personnalité propre.
C'est tout à fait vainement que leGouvernement espagnol invoque à ce
sujet l'autorité du professeur Garrigues (A.D., vol. II, p. 613) pour soute-
nir que l'ocupaci4n des pertenencias prévue par l'article 1044 du code de

1829 pourrait porter sur n'importe quels biens qii'il plairait au juge de
désigner, sous prétexte, dit le Gouvernement espagnol, que l'ocupacidn
ne préjuge pas la question de savoir qui sera finalement jugépropriétaire
des biens.
II suffira d'une brève mise au point pour dissiper cette nouvelle confu-
sion. Sans doute, comme dans toutes les législations, les organes de la
faillite ont l'obligation deprendre possession - c'est ceque signifie ocupa-
cidn- del'ensembledes biens constituant lamasse du failli et les organes
de la faillite,uourront ultérieurement ~~~ntéere, ,ns cette masse des biens
qui cn scrnierit sorti; iridiiinent p.ir Itiiii,!.cii nut;iiiiiii(1:tct:i~ctioiis
de relrorrrcid>iou CI=ii>rprt*.iracid~druiitI':,p.irl; tuiit i I'lirure.
Et en sens inverse, 'il se pourra au& iue des biens qui auraient été
occupés par erreur, alors qu'ils appartenaient à des tiers, puissent être
revendiqués par ceux qui s'en pretendent propriétaires. C'est en ce sens
que l'on peut dire que l'ocupacidn par les organes de la faillite ne préjuge
pas de la composition définitive de la masse faillie; c'est ce qu'expose le
professeur Garrigues dans son Cours de druit commercial (t. II, Madrid,

194Mais cela ne signifie évidemmentpas que le tribunal pourrait de plano

ordonner la saisie de biensqui, dès l'abord, apparaissent comme apparte-
nant des tiers et comme faisant partie d'un patrimoine autre que celui
du failli.
11ne s'agit pas alors d'une erreur, il s'agit d'une décisiondélibérée;on
va urendre des biens aui ne sont Dasau failli mais aui sont à un tiers. C'est
b\.idçinmer,t inipo;ji61e et i'~,îti.'que nuiis c,giiiirr;ii,saii<Iiiiious ayoiiî
Iicu d'cri étresurpri>, le profc,seiir (;:trriguci d:ini 1.1çnnsiiltatioiii la- ' BARCELONA TRACTION
190
quelle j'ai fait allusion (p. 23) oùilconfirme ce qu'il avait écritdans son
Couvsde dro<tcommercial,en le précisant. Je cite la consultation du pro-
fesseur Garrigues:

(<lette activité d'ocubacidn est. var conséauent. une activité de
pur faitet, à cet égard:elle ne p&i avoir de portée juridique en ce
oui concerne la véritabletitularité des biens: biens qui auront étéoc-
Apds mais qui plus tard pourront sortir de la massëpar la procédure
de l'article 908du code de commerce: d'autres biens quin'auront pas
étéoccupés(par inadvertance, par dissimulation dolosive, par suite
d'actes simulésavec un tiers) devront ensuite entrer dans la masse
Comme appartenant au failli. L'essentiel est que l'ocupacidn soit
régiepar le critère de l'appartenance des biens au failli ...l'article
1044 parle de aappartêînance du failli)). Le paragraphe 1046 se
réfère à l'ocupacidn des biens et papiers du commerce du failli. Et
la mêmeformule possessive sdu n se réphteau long de tout l'article
1046où apparaît en outre dans le numéro3 la phrase: ciappartenant
à la masse 1)qui corrobore ce que nous avons dit plus haut. L'ocu-
pacidn est le moyen-préliminairede constituer la masse de la faillite
et cette masse ne se compose que des biens appartenant au failli.
Il n'y aurait pas de sens que l'ocupacidns'étendeaux biens de tiers
qui, par définition, ne peuvent êtrecompris dans la masse de la
faillite. Pour cette raison, et comme l'ocupacidn ne préjuge aucun
problème de droit, le code de commerce prévoit un mécanisme
complémentaire que nous appelons réintégration à la masse et le
mécanisme inverse que nous appelons réduction de la masse (les
articles 879, 882 et 909 du code de commerce). ii

P;ir roiis;qucnr il.I. n pls nlovcn d').icliapper: si I'oii\.oiil:iit iiisliirc
dani, la 111aascdes IIICII:~~~~~~ar~cna ]nrti~liqucmenr 1 de; Liirî,c'cqt-i-
clireciil'csphc Izî ;ictifs furiii:iIr~~,irrirnoincdes fili:ilcilaurait fnllu,
comme ie l'ai indiuuétout à l'heure.ies v faire rentrer Darla voie des me-
sures s;éciales degtinées à assurer la pr6tection des cr'eanciers,action de
retroaccidn, acciones de impu~nacidn; sans préju.ic. bien entendu du
droit commun del'action piulrenne.
Quoi qu'il fasse, le Gouvernement espagnol ne peut pas échapper à
cette objection décisivequ'il retrouve à chaquepas.Dequelque manière
que l'on prenne les choses, il apparaît qu'il n'étaitpas permis au juge de
Reus d'ordonner la saisie d'actifs qui appartenaient à des tiers. En le
faisant, il méconnaissait nécessairement l'autonomie patrimoniale qui
est la conséquence essentielle de la personnalité morale, et il commettait
ce que nous pouvons appeler unepure voie de fait, un acte arbitraire.
J'en ai ainsi terminé enfin - je m'excuse d'avoir dû êtreaussi long,
Messieurs - avec ces explications tentées après coup pour justifier les
décisionsdu juge de Reus. Et je reviens ainsi à ce que je me suis permis
d'appeler, lorsque j'ai annoncéle plan de mon exposé,une circonstance
aggravante pour le juge de Reus. La Cour se souviendra peut-être queje
lui ai signaléque mêmeen seplaçant dans la thèsedu juge deReus, même
en admettant, comme il l'a fait, qu'il fallait confondreen une seule masse
les biens des filiales et ceux de la sociétéBarcelona Traction, mêmealors
séquencesqui légalement endérivaient.as avoir déduit de sa décisionlescon-
En effet, si le patrimoine des fiiiales doit ètre englobédans celui de la PLAIDOIRIE DE M.VAN RYN
=gr
Barcelona Traction, comme le décide lejuge de Reus, il en résulte que
Barcelona Traction étant en réalitéla seule sociétéexistante, elle doit
elle-mêmeêtrealors considérée comme une société de servicepublic.
Or, les sociétésde service public sont soumises à un régimeparticulier,
que le Gouvernement belge a décrittrès complètement dans la réplique
(V,par. 538 à543)et je mepermets, pourabréger, de me référerpurement
et simplement aux écrituresen cequi concerne les détailsde cerégime.
Maisle Gouvernement belge avait égalementsoulignéque l'application
de ce régimespécial(R., V, par. 545) aurait rendu prati uemeut irréali-
sables les mesures que March voulait prendre à l'égardles biens des fi-
liales. Or cet obstacle s'élevait nécessairement devant leiuee de Reus à
partir dii iii~iiii.iituiiz (:i~iiforiii.i.?I:<leiii.iiidi.luriiiiiIi~I;rc(1ii;tc.
IIfaislit abitractioii di-1.1PC-rioniinlit<d:cs ti1inlc.ict ~r;tciid.~it iic coiisi-
dérer qu'uneseule sociétéâvec un patrimoine unique; la Barcelona Trac-
tion.
Constatant que les filiales n'avaient pas de personnalitédistincte, pour
le motif erronéque le droit espagnol ne reconnaîtrait pas la validitéde la
sociétéd'une personne, ou pour tout autre motif tel que ceux qu'invoque
à présentle Gouvernement espagnol, le juge de Reus admettait nécessai-
rement ainsi l'existence d'une seule société,comprenant à titre de patn-
moine unique l'ensemble des biens de Ia sociétémèreet des filiales. Il au-
rait dû alors constater en mêmetemps qu'il s'agissait d'une société de ser-
vice public. II aurait dû relever alors que les conditions requises pour la
déclarationde faillite d'une telle société n'étaientpas réunies;il aurait dû
ensuite, mêmesi les conditions s'étaient trouvéesréunies à un moment
<]u~lisiiqu~., 5111\.1unc ~lro~.;<liirejp;.ci:ilc prFvue en 1:.m:iri2rc, et i:cla,

11ii.nciit~ntlu, quel; qiiv fussent Ir; inçm\,t'nic nts puiir le çruiipe .\l:ircli
(Ir ccrtc prucirlurv. IIiicI'n p;i;f;iirct (n nc IVf&i~~ntp;is, il;i,J;iris suri
propre système, comrnis un6 grave illégalitésupplémentaire.
pue répond à cela le Gouvernement espagnol? Il répond queles dispo-
sitions que nous invoquons ne s'appliquent qu'aux sociétés de chemins de
fer et de tramways, et non pas à toutes les sociétés exploitant des services
publics (D.. VI, par. 427, et A.D., vol. III, no 107).
Et le Gouvernement espagnol a relevé une sériededécisionsappliquant
effectivement cette procédure spéciale à des compagnies de chemins de
fer et de tramways. Il déclareavoir relevédeux décisions,anciennes d'ail-
leurs et émanant de juridictions inférieures, relatives, la première à une
société d'électricité et la seconde à une société de distributiond'eau, dans
lesquelles la procédure spécialen'a pas été suivie (A.D., vol. II, no 107,
app. I et 2). Mais,ces deux décisionsne paraissent guéreconvaincantes
~récisémenten raison de leur ancienneté. Celle uui concerne une société
~t'~lccir~c~tr<c.iiiui~r<,1913, ~,'<jt-;~-dirI une <l;oclucuil cril?q~:ggn~ sri
L't:iitnu d;btit du d~vcloppsniciit di 16iicrgis Clcctriqiic - le i.ir;i:rr'rt:
dt. sr.rvii:piil>li.:dt:I:ipiodiicriun <I';l~.,.trii.iii'$t:iit <ertaii?cnie:nrp.i,
cii:urc r<:connu ;tivttt. ;p(><luc.ni~,i.iln'.>nrit pctid< inéiiic cii 1540, r'cln
vn sani dirc:qu;iiit i 1'1cl;ii;iuri rcl:ltive iuiicoci;rGdcilijtrihiirir,iid'i.:iii,
elleremonte à 1894.
Mais, de son côté,le Gouvernement belge est en mesure de compléter
cette documentation produite par le Gouvernement espagnol, et le Gou-
vernement belge s'est permis de déposerun document nouveau, étant
donnéqu'il s'agit d'un jugement inédit, c'est la copie d'un jugement ren-
du par letribunalde Barcelone le 19juin 1936.
Cejugement approuve le concordat présentépar la sociétéd'électricité192 BARCELONA TRACTION

Productora de Fuerzas Motrizes, sociétéqui à cette époqueétait tout à
fait étrangèreau groupe de la Barcelona, mais oui a été incornorée dans
le groupe>lusieu~ anhées plus tard.
Lors de cette procédure il a indiscutablement, cela résulte du texte
mêmede la décision. étéfait application, très normalement, des règles
applicables aux sociétésde service public.

Nous pouvons donc affirmer, à l'appui de ce précédent,qu'en 1948 en
tout cas, aucun doute ne pouvait exister à ce sujet puisque la procédure
en ouestion avait été aonlia.Ae daAs le cas d'une sociétéd'électricité
dèsig36.
Cette application de la procédure spéciale prévue par le code de com-
merce à toutes les sociétés concessionnairesdes services oublics ne doit

-
instituées.
C'est ce que le Gouvernement belge a expliqué dans la répliqiie (V,
par. 544). et pour ne pas allonger inutilement mon exposé, le me per-
mets dedemander àla Cour de bien vouloir se reoorter àces exolications.
'isii,~ldiitc,ce? Lliilioiirioii~rr\,iivi.iit k:ur source <I:inIIIIVlui ;~nc.it.niii.
Je rYC<j >,an>doute :iu,,i, cr c'y-1 treï n:,turLl .i rcttc i'l~~il~ic 1,;lui iiv
\.is.iirrliitIci iuii2r;i i:ii1i?~.;iioiii13ir1sr.iliri~iiii.di. li:r: iii:ii.<rii>iiit<.
le ~I,:riiir)(I'appli~.:triu(1%w.ttc IIIC~IC Iti ,>t:r;;tf.i~<litvtSC.;cIi~po;it~,~iis

ont CI: rz.pri,,.s,laira lt:c,~lcLI,,~.oniiii<.rc.dIA>~, <~rtr:Icj 40 VI ~UIV;~III;,
et. n~ta~ment. l'e.oosédes motifs du code nrlcise aue <ont soumises à
ce régime spécial cales entreprises qui ont obtenu la concession d'un
ouvrage ou d'un service dans l'intérêtde l'Etat ».L'article Q30du code de
commërce oarle. de son côté.des «sociétéset entre~rises dë chemins de

une loi du g avril 1904 et à une loi du z janvier 1915, cette derni6re
réglant les conditions du concordat «des sociétéset entreprises de che-

mins de fer et autres ouvrages d- servicepublic général, provincial ou lo-
cal
1.c btit cl<cc; ~l~~yo~irioi r~I t.~;c~it~(lI~:~nc< nt';.vit~rSIIIQ.,2r (lc;Ilil-
lit15 -uiiinijrj .IIri~iiii,. dii rlroit corninuriIr fi~iiitior~iicni~~dtc.. >vrvicr-.
publics ne soit entravé: cela tombe sous le sens. II va de soi auecette ratio
iegis s'applique aussi bien à des sociétésde chemin de fer, des sociétés
exploitant des canaux, qu'à des sociétésdistribuant l'éner~ieélectrique.
C'est ce qu'enseignent d'ailleurs certains auteurs que nous avons dtés

dans la réplique (no 544) et nous nous sommes prévalus notamment de
l'opinion de M. Ramirezqui dit textuellement:
«[qu'il n'est] pas question de limiter aujourd'liui l'application de ce

régime aux sociétés concessionnairesde chemins de fer. Sociétésou
entreprises, le législateur ne distingue pas ou ne précise pas. Com-
merçant collectif - société - ou idividuel, c'est donc la même
chose. Chemins de fer ou autres ouvraees ou services nublics: le
lC;i..latc.t~rt.r,itsirICrrcuinmr i~lriiti~~~rt~~ss ILS~~ivr;,s,,>;II %LI \i;v<
lxihlic>. Il 11%di~ti~igncmcme lvxs %,Ionque I'ii~t;.rCtcurrt-;poncI
1'Et;it.:iIn provinc: ou :i1.iiiiiiiri<ip.tliiii(R .Y, ri" 544, 1'.-101.)

En revanche, Messieurs, le Gouvernement espagnol n'a pu citer aucune
référencedoctrinale quelconque en faveur del'interprétation restrictive
qu'il propose. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN I93

1,. :rois ~luiiiqiic lcs ol>j~~i.tiori~ilu.ioppi~>Cei.lu rcprorli<!p3rticu-
licr.liic. 11"adrcs%m% cl..iiIci cirt.onit.int.<.>1111,'':.aiiiidiqli~es, :III111gi:
(1,I<<.usc,e3objections nc ri,isrc.i6t p:~.iI'euanicn ct ne ~~rii!'cipns Ciré
accueillies

L'audience,sus$endue à II h 20. estreprise àII h50

Dans la deuxième catégorie des griefs dirigés contre les décisions ju-
diciaires espagnoles, le Gouvernement belge a rangé en premier lieu,
comme étant une mesure purement arbitraire, la méconnaissance de

la jlersonnalité juridique des filiales se traduisant par la saisie de leurs
biens.
Je me suisefforcéde démontrer à la Cour le bien-fondéde ce grief et j'ai
dû ensuite longuement rencontrer les moyens de défenseinvoquéspar le
Gouvernement espagnol.
- Je puis à présent -et je suis heureux de pouvoir dire à la Cour que ce
sera beaucoup plus bref - aborder l'examen du deuxième grief que nous
avons également rangédans cette catégorie où nous plaçons les actes pu-
rement arbitraires.
Le Gouvernement belge se croit en mesure de démontrer que le juge de
Reus a statué d'une manière arbitraireen donnant, ainsi qu'il l'a fait, aux
organes de la faillite, le pouvoir de révoquer les dirigeants des sociétés

filiales.
Cegrief se rattache étroitement -la Cour lecomprend tout de suite -
au grief précédent. 11s'agit de ces pouvoirs tout à fait exorbitants que
le juge de Reus, dans le jugement du 12 février 1948 notamment, n'a
pas hésité à attribuer au commissaire qu'il désignait, ces pouvoirs
exorbitants ayant d'ailleurs étéexpressément deniandés par les requé-
rants.
Sansque l'on trouve sur ce point ia moindre explication ou la moindre
justification dans les motifs du jugement, l'on constate que le juge de
Reus. dans le dis~ositif de sa décision. confèreex~licitement au commis-
saire le pouvoir - je cite textuelleineiit- de nprocéder A la ré%.ocation,
a la destitution et à la nomination des membres du personnel. employés

et gérants, de toute catérorie et de tout ranz. mêmede haute direction.

Ainsi: bien que les sociétésEbro et Barcelonesa ne soierit~asen faillite,

duleuses, bien que ces sociétésexistent en toute hypothèse ne fût-ce que
pour les besoins de leur liquidation, bien que ces sociétésconservent in-
discutablement leur patrimoine propre et leursorganes, le tribunal confère
à untiers, par rapport à ces sociétés,à l'occasion d'un mandat de justice
qu'il donne 21ce tiers dans la faillited'une autre société - la Barcelona
Traction - .le tribunal donne à ce tiers les pouvoirs qui normalement

sont ceux qu'exercent les orranesréeulièrement nommésou constitués de
ces sociétés.C'est le conseil aadminiitration, normalement, quiaurait dû
exercer les pouvoirs dont il s'agit, révoquer, destituer ou nommer des
membres du Dersonne1de l'Ebr6 ou de laBarcelonesa
ir psiivoir'li~i est purciii~iit ci siinplrnir:iit rct~>,iIc jugc (1,.1it.11.
d:liiIt.~~~ficikiiq11i(lrcl.irv 1.1f.,illits dc I<nrrr.'I'nction
II i13g1td'~irli.~llL,gnl~C.~niic~src,;r.,r~tdonriL'que itic~lti:~rc.st:iietitI94 BARCELONA TRACTION
in bonisct conrinuaiziir à jouir dc I:ip~.rjonn,ilit2juridique que leur con-
ICrnitleur iralut - la loi c..ii.idiennr aussi lien qiie la luicip~giiulcCc,
~o;i&tt~qsui dci1izur;iient~b-uluincnt 1iit.tctcs.e \.<iici:linsiI'olijt,td'iiiic
voie de fàit, leurs organesnormaux se voient privésde leurs attiibutions
au profitd'un tiers: le commissaire àla faillite Barcelona Traction.
Aucune disposition du droit espagnol ne pouvait justifier cette mesure;
aucune disposition du droit espagnol ne permettait d'étendre à d'autres
sociétés les pouvoirs du commissaire désignédansla faillite de Barcelona
Traction.
Et le Gouvernement espagnol, d'ailleurs, s'est vu dans l'impossibilité
d'indiquer comment une pareille décisionpouvait se justifier au regard du
droit espagnol.
Mêmedans le cadre de la société faillie elle-même,l'article1045du code
de commerce de 1829 ne permet pas de conférerau commissaire un tel
pouvoir à l'égarddu personnel de la sociétéfaillie (R., V,par. 69 et 503).
L'article 1045du code de commerce ne permettait mêmepas au tribunal-
de Reus de donner un tel pouvoir au commissaire à l'égarddu personnel
de Barcelona Traction.
Or, non seulement le tribunal attribue ce pouvoir mais il le donne à
I'éeard du ~ersonnel des sociétés filiales. à l'éeard d'autres sociétés.
P; conséqient l'on peut dire qu'il y a là "ne doible illégalitéincontes-
table. Pourquoi cesillégalités?
Messieurs; une fois de plus, quand nous cherchons le mobile, c'est tou-
jours dans la mêmedirection qu'il faut aller: ce sont les intentions de
March. Cequi importe, c'est tout d'abord de mettrela main sur les biens
des filiales; cela, la saisie pourvoit; c'est ensuite de désarmerles filiales,
de les décapiter,plus exactementde décapiter leur personnel dirigeant, de
les paralvser en retirant leurs pouvoirs à ceux qui y exerçaient des fonc-
riun>. . .
Et effecti\~einent,coiiiinc j'.ii ileji cii I'ucca<ionIcV..ignnlcr:rI;C?ur:
Iccoiliriiijjairii ne ~3i t:trkIca ic jer\.idr I'srmi.qiie 1'01a illii~:iln,l

entre ses mains: daniles quarante-huit heures, plusiéursdirigeants vont
être arbitrairement révoqués,destitués (M., 1,no102,p. 53; R., V,par.66;
D.,VI,p.3xr).
Arrivé à ce point de mon exposé,Messieurs, peut-êtreest-il opportun
que je dégagedéjàune première conclusion au sujet des griefs que nous
rangeons danscette deuxième catégorie :les actesarbitraires.
Je croispouvoir résumer lesconclusions qui sedégagentde l'exposéque
j'ai eul'honneur de faire de la maniere suivante.
Tout d'abord le juge de Reus, en ordonnant la saisie des actifs des fi-
liales, sans avoir constaté ni prononcé la dissolution, la simulation de
leurconstitution,leurcaractèrede sociétéprête-nomou leur nullité pour
quelque autre motif, sans avoir rien fait de tout cela, le juge de Reus a
certainement méconnu l'autonomie patrimoniale et. par conséquent, la
personnalitéjuridique de cessociétés.
11s'est placéainsien marge des dispositions du droit espagnol. 11a sta-
tuépraeterlegem;il a fait ce qu'aucune loi,cequ'aucune dispositionlégale,
ne lui permettait de faire et il a en mêmetemps méconnu les dispositions
légalesque j'ai indiquéesqui consacrent la personnalité juridique des so-
ciétéscommerciales.
Dciisiinienir-iir,IV jugc dc l<t,iis;i \.cri> d;,iis une coiiri.tdi:tiun dont
j':idCiiiontrc qu'rllt Ctait irrlmc'di.<hlr- It (;oii\~~rn~mi.nteip:~gnoliic
11~1vicnt pas IIL l'expliquer III5 1';liiiiint.r lurrliic. toiir cil dcniins 11 PLAIDOIRIE DE M. V.4N RYN 195
effets de la personnalité morale, il a prétendu d'autre part reconnaître
celle-ci.
C'est en vain -et c'est ma troisième conclusion - que le Gouverne-
ment es~aenol s'efforced'éviterces obiections et ces critiaues en soute-
nant qu'il 5eserait agien l'espèced'uni mesure d'une nat&e tout à fait
spéciale,mal définied'ailleurs, d'une saisie à caractère tout Afait ~arti-

&er aui serait autre chose aue la saisie du droit commun en matisre de

a..ui dans lesloises~aanoles.'
Quatrièmement, 1;jgge de Reus, illogique avec lui-même,s'est abstenu
d'appliquer à l'entrepriseunique dont ilprétendait reconnaître l'existence
-Ce; fiiiales étant cousidéréëscomme-inexistantes - les règles s~éci-
I'I~II,lt,1, I:~~IIII<; ~o,i;.t;:j(1,.st.rviceput~li.
I:r t>iinn.ciiiqiiiCnit.in~nt,eii doiin.int iu suiiiiiiisi.iirï I( poiiv~ir1:-
v<,quir Ici iiiciiibrej (IIIl>.r;,>iiiilldiri&c;,i.t<l;s nli..le juge de Kcuj :a
commis 111nouvcl ;i<.ir;irbitr:iir~,qiicII~~Iionirnr; rridroit ri?d(.noricrr.
\',8~lCL,clur Croispouvoir d&Iuir~lc I'vYIK,:>que 1':t,.Il'liuiiiIN de
faire au suiet des deux~remiers gri"fs aue nous raneeon- dans la caté~orie "
des actes arbitraires. A
Je voudrais pouvoir maintenant, Messieurs, aborder l'examen du troi-
-iG. .<g.ricf~III rapport,. !iJcs fiit. :str;mciii~iit grdvei ;,fi.ilcniriit,
iii:11lt, SUIoI~lig<d, iaii-~ 1111drrici+rt~.I~grc+iori,jc.iti~jt.t!i~tr.~i~1r,:lc
i..ir1)ir<.r<]iij< ~lsisIiivrii<*iiioiitr~t~iitC< qui noui rit O~I>UI> d.îri.Ji1

neSont pas des arguments de droit, c'est quelque Choseque l'on pourrait
appeler un cargument d'analogie ».
Voici ce que nous dit le Gouvernement espagnol: de quoi la Barcelona
Traction et les sociétés filialeset, après elles, le Gouvernement belge, se
plaignent-ils? En réalité,au Canada, la sociétéBarcelona Traction et ses
filialesont ététraitéesexactement de la mêmemanièrequ'en Espagne, et
ellesne s'eosont pas plaintes (A.D.,vol. III, na181, p. 412).
A l'appw de ces observations, le Gouvernement espagnol invoque une
consultation qu'il a demandée à un spécialiste américainéminenten droit
international, le professeur Briggs; c'est à l'appui de cette consultation
aue le Gouvernement esuaenol.s',fforce de démontrer ou'en réalitéles
ioluriuii. i~iicrioui r,,l)ru:liiiiii .~iix~i.ibtin.iii\~sy.~gii~,ln:ur.ii,.iit it; ;iilol)-
1. nui : I r- 1 ninitsu I I .A1. 1. III, II" II.
P. 412).
Cecim'oblige, naturellement, donner tout d'abord àla Cour quelques
explications.
1.etrusteedésignépar les Trust Deedsrelatifs aux différentesémissions
d'obligations, enexécutiondes clauses de cesTrustDeeds,a naturellement
étéinquiet en présencedes mesures extraordinaires qui étaient prises en
Espagne. Les juristes que le trzcsteea consultés luiont dit qu'à leur avis
ces mesures étaient parfaitement illégales. Quoiqu'il en soit, en présence
de cette situation tout à fait exceptionnelle, le trusteea jugéqu'en exécu-
tion des clauses de Trust Deeds.il v avait lieu Dourlui de demander la
cour d'Ontario la désignation daun receiverconformément à la loi cana-
dienne. Suivantcette loi, le tribunal peut. dans certaines circonstances,
désignerun receiverand managerchargé,conformémentaux instructions 19~ BARCELONA TRACTION
que lui donne le tribunal, de gérer une sociétédans l'intérêt de tousles in-

téressés,c'est-à-dire desactionnaires, des obligataires et des créanciers.
En l'esp&ce,à la demande du trustee, lui-même,mis en mouvement -
si je puis dire -par tout ce quis'était passéen Espagne, un receivera été
désignépour gérer les actifs de la Barcelona se trouvant au Canada et en
particulier pour prendre toutes les mesures utiles à la protection des in-
térêtsdes obli~ataires et de la société.compte tenu des mesures extra-
ordinaires qui avaient étéprises en ~s~&ne. -
Le receiverest choisi, habituellement, dans la pratique canadienne,par-

mi des personnes tout à fait iridkpendantes connuespour leur compétënce
et d'une intégritéindiscutable. En l'espèce, le receiveraura étéchoisi par-
mi les senior partners d'une firme d'accountantsde grande réputation,
tout à fait indépendante des parties et non point comme le dit le profes-
seur Briggs - qui a certainement étémal informé à cet égard - parmi
les auditors de la Barcelonn Traction
' Le receiverjouit des pouvoirs d'investigation les plus étendus, il peut
rendre oss session de tous les documents et de tous les biens de la société

claiii Ir.ioii~litiuiis dChnit,; 1r1rIctrit,iiii:tlcr il s'ciitoiir~,111be'nin (1,.toiii
lt5 .oii.ciIj i~icI~~~j~-i~rlq:iiiiil,vstini,- dc.~uiit1~111.~11~l~r.
En 1'-liiit,,coiiiiiiicIts iiirGriti cl<,1.1i,dci;ti.er Ii., intt?r;rs(Iri iqblig;~
tnircs n';.tai,.i~liliill~ni~~itc,ppost3 i~i,,i,~~t;~ivn:,icoiitr:~ir~~:oii~nrdniir.,
Ic tiibiiii.,ln'h pni rluiiii; I'ordrc iI., S.iiitiii.~l'riisr Jc ti.ti~sfi:r~rLIU Y:-
ceiver les actions aui étaient enreeistrées au nom de National Trust et
polir Içului.llt,~~:iiiun.,l 'l'ruct titiil.iirilvi ccrtiticnts: hicn ~nr<:iirlii
si li YC~CL,II~l'avait, p<,ur~lii~lqucral<oii,t%sti~~~ i~tilc,il aurait pu d~111.iii.

(lrr cc tr,$ri-f~rrnidis 1,triI,~iii:~lne I'.iv:,ir pa* ~I~IOIIII <,ci Iiii :i\.:i11,ti II
suprrflii ICiif.iit,ti)ii,Ici ;laes rrI:,tifs :,II fiirriiiioin~ 3rit (1; :tt.roniylii
Ixir Ic IPCC~IIPI OU par S:itioii.~l'I'rusragir;3i1t ~l,i~~ t.. ~I~riii~crxi d'a. ~~1.i1
avec le receiver. Ii n'y a donc pas eu dë conflit et normalement il ne pou-
vait pas y en avoir, il n'y avait pas de raison qu'il y en eiit.
Le Gouveriiement belge, lorsqu'il a eu connaissance de la consultation
du professeur Briggs, a soumis cette consultation à ses conseils canadiens

et en particulier à son conseil-expert en droit canadien, le Queen'sCounsel
Mr. Pattillo. Les opinions exprimées par leprofesseur Briggs au sujet du
droit privé canadien apparaissent pour le moins contestables et on peut
relever, ainsi que l'a fait M. Pattillo, de nombreuses erreurs et des erreurs
dont certaines sont fondamentales -ce qui s'explique d'ailleurs fort
bien par le fait que M. Briggs, comme il le reconnaît lui-mêmetr&ssincè-
rement, n'est aucunement un expert en droit canadieu, eu droit privé
canadien; il n'est nullement expert en particulier dans la matière si spé-

ciale du droit des sociétks. et en outre il résulte des citations ou'il a
faitesdans sa consultation qu'il n'a pas disposéde toutes les de la
procédure de receivership.
On relève dans cette consultation des erreurs relatives au droit de la
procédure, par exemple la prétendue impossibilité pour le comitédes obli-
gataires Pn'or Lien de faire connaître dans le cours de la procédure son
opposition àla désignation du receiver - on relève aussi deserreurs depur
fait: ainsi l'affirmation que le receiveraurait étéautorisé à introduire des

actions eu justice au nom de National Trust, ce qui ne repose sur aucune
base et qui n'a jamais eu lieu. Au point de vue du droit fiscal, on a relevé
des considérations tout à fait erronées sur lesquelles il serait oiseux de
s'étendre ici mais qui ont fort choqué les juristes canadiens qui les ont
examinées. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 197

Mais surtout, et c'est cela qui nous importe, Messieurs, les prétendues
analogies dont seprévaut aujourd'hui leGouvernement espagnol àl'appui
de la consultation du professeur Briggs, ces prétendues analogies entre les
mesures prises au Canada d'une part et celles qui ont étédécidéesd'autre
part par les organes de la faillite en Espagne reposent, elles aussi, sur une
grave méconnaissance tantôt du droit canadien, tantôt des élémentsde
-..-~-t~~e~la ~rocédurede receiuershib.
~~' ~ ~ ~
Ainsi, le professeur Briggs soutiént que la Cour suprêmede l'Ontario
aurait donnéau receiver des instmctions aui auraient imdiaué la.mé,on-
n;iii:iiic~ dc la p~rioiin~~iit~ nior.ilc iiitli.l);nii:intc iIrs nli;llvs; II 5oiit1,;rit
quc Ic r,.c,.li.s.jiir.iit pris pi>:r.a;itii~dvs.<clil; ;l~; s<ic:i:tc.;1ili:8ls.1qii'il
a11r;iitxc.:c>iiiplitlc? ;,<IV;LI<zrstion it l'c':c:trd <Ir tif> ;;in5 tcnir ?u-
ciin comote deleur nersonnal'itédistincte:

qui étaient situéesau Eanada. Et c'est exclusivement à triveps les droits
que ces actions conféraient que le receiver a exercéses pouvoirs.,
C'est touiours dans l'exercice de ses droitsde vote aue le recezuer a ae~.
II .ii:x~r~:C :IIIit<.nicnt l<-i ~Ir~iti<IL \.etc :ijfCrciits:III\.titrcs dunt li'ircc-
lonî av:iit I;ipo;,c>siun ~rcliii '.r;ii~rir.iir~fi.i,r.ailiit~i~idi.;ctti~di:riii~r<.,
[:indis qiiv S.iti<)ii;il'i'iiii, :,\.cil'.irct,rtl dur.~r~it~~r,c~~i~tinun itcsvrccr
1t.sdroits (1,-vr,t,: ~iit;.rt,n:III\titre, dont S;ttiui~:il I'rii,t ;tv;iit po,,~;.

sion. C't,atccuiii s'c,r iiot,~iniiirriti>rucliiitAI':iis<-iiihlt~*ciii<:r:ilrdt I'Ebni
société canadienne, je le rappêlle à la Cour - du 30 avril 1949, où
National Trust a voté pour 24 840 actions ordinaires enregistrées à son
nom. taridis aue le receiverandmanaper votait pour 125 000 actions enre-
gistrées au nÔm de Barcelona. Ceci démontre bien, n'est-ce pas, que loin
de méconnaître la personnalité morale de 1'Ebro et les règles de son
fonctionnement comme sociétéindépendante, le receiver, comme il le de-

receivership.
Les sociétés filiales,au surplus, étaient pourvues d'organes de gestion
parfaiteineut réguliers et tous les actes ont constamment étéaccomplis
en leur nom àl'intervention de ces organes et non point par le receiver qui,
comme l'affirmele ~rofesseur Briees~,.e serait substitué à eux.
I.Pproliiieilr l<;ixgi :1cct ;fi:iril i.iit Ct:(1,.ci.qiic lz r<.ir.ii<nv.iit ils-

ni.iiidi:.III rril,iiii.ct :ii..iitiihtcriii I'autori~litioti (le 1:iire f.,irr. irrtiiiiis
t>.iicmcii!; nii Ehrs ;,1ntirn.iriuii:il Citilitic, VI i,.ir cvrtt clcii.ii.r~.hoci;ri

donne la peine de le faire, on constate que le rheiver ne demandait
nullement l'autorisation de faire lui-mêmedes transferts pour le compte
de cessociétés.mais bien au contraire de faire usage des pouvoirs que lui
- je Cite -
conférait sa q;alité d'administrateur de la sociétékère
cicause Ebro to pay to International Utilities such sterling funds as to
which the receiver-may from time to time approve, and cause Interna-
tional Utilities to pay such funds to Barcelona Traction i,.Ceci,encore une
fois, est loin, de traduire une méconnaissance de la personnalité morale
distincte de ces trois sociétés, bien au contraire, puisqu'il en résu!fe
nécessairement que des paiements devaient avoir lieu entre ces socie-1g8 BARCELONA TRACTION
tés, ce qui serait incompréhensible si eues ne formaient qu'une seule
entitéjuridique commele soutient le Gouvernement espagnol.
Le receivern'a d'ailleurs iamais demandé ni obtenu l'autorisation de
faire liii-iii?iiivd,,snLtcj jiiridiquii qiirl.:~nrlucj poJr ct>iiiptt.d<;siucit?t6-.

lilnlcs. Il surlit (Ir:lirIt.trxre rnhe citépar le proicrseur Urigys pour
Z-onstdrerquc le #dr?i:?rd~v:iit iaire en sorte que ce.; sociCtC;<-riçctutnt
ces - c to cause the companies to pay >-, ce qu'il faisait en
intervenant en sa qualité d'administrateur de la société mère titulaire de
la trèsgrande majorité des actions des filiales et pas du tout en se subs-
tituantaux organes sociaux des sociétés filialesL . a pratique suivie par le
receiverdans cette circonstance est d'ailleurs tout à fait conforme aux
usages qui sont en vigueur dans les groupes de sociétéset est tout à fait
raisonnable. elleest tout àfait~nat~relle.
Conir.iiii.iiiciir ciiI,JUY nllrig:~tioiisdii proiejscur Urigq,. Ic ,vuci dc
rcjliec.rcrI;i~er.ioiiil.îiiléiiior.ilc dijtinclc liî piiii\.uirdei orgaiieî dc
châoue socigtéétait exoressément manifestédafis les mémoraniiums du
recezver.
C'est à tort, enfin,que le professeur Briggs croit pouvoir soutenirque le
tribunal d'Ontario aurait autorisé le receiver à reconstituer les conseils
d'administration. les boards, des sociétés filiales -alors que, dit-il, ce
pouvoir aurait étécontesté, à tort, au séquestreespagnol.
Rien de pareil, Messieurs,ne serencontre dans laprocédure du receiver-
ship. Le receiver,en sa qualité d'administrateur de la Barcelona Traction
pouvait évidemment exercer les droits de vote attachés aux titres des
sociétés filialesqui appartenaient à la Barcelona Traction et qui se trou-
vaient localiséesau Canada. cequ'il afait au coursd'assemblées générales
parfaitement régulièreset sans qu'il ait, pour autant, reconstitué, comme
on le prétend, les conseils d'administration puisque les membres de ces
conseils en fonctions lors de la faillite n'avaient pas étélégalement ré-
voquéssuivant la loicanadienne.
Ainsi, cet espèce d'argument d'analogie ne résiste pas davantage à
l'examen que les arguments de droit. Cette prétendue analogie entre la
proc!dure du receiuershipcanadien et la procédurede la faillite espagnole
n'existe Das si l'on veut bien redresser les erreurs er,,es commises dans
~'.i~~~~~ci~,tdiu i~irciit<.:in.i.lierl'uiicp:irt<.tjiirtoiit,l.in, lésil;.nicntj
dt* f:iit qiiç I'IIYII~rclc\.t:rilaiil:piuccdur~ puur;uivi: cri0iit:iriti.
:iucontr.iirt-. dii~is-IV,1,ii~:iriiit~rt5?111,11i~tdr~ui)k~irions laites au
Canada forme Ln con<raste >rappant avec les voieS.de fait auxquelles
nous avons vu selivrer les organes de lafailliteen Espagneavec, si je puis
dire, la bénédictiondu juge deReus.
Jepuis à présent, Messieurs, aborder le troisième et dernier grief que
nous rangeons dans la deuxiémecatégorie.
Ce grief se rapporte à l'extension arbitraire de la saisie résultant de la
faillite,l'ocupacidn,aux actions des sociétésfiliales setrouvant au Canada.
Nous nous trouvons ici, Messieurs,je n'hésite pas à le dire, devantl'une
des anomalies jutidiques les plus extraordinaires du jugement déclaratif
defaillite.
Aprèsavoir niél'existence juridique des filialespour étendrela saisie à
leurs biens, le juge deReus, dans la même décisionv ,a au contraire impli-
citement mais certainement reconnaître que ces sociétéssont des entités
distinctes puisqu'il prend soin, dans le mêmejugement, d'attribuer la
possessionde leurs titresaux organes de la faillite. -
Cejuge est vraiment un homme extraordinaire. D'un coup debaguette PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
*99
il fait disparaitre la personnalité juridique des filiales, d'un autre coup de
baguette, il la fait réapparaître. Ce n'est pas un juge, c'est un prestidi-

gitateur!
Cette contradiction, ce tour de prestidigitation, s'explique fort bien si
l'on se rappelle le plan dont March poursuit la réalisation.
La première décisionillégale, à savoir la saisie des biens des filiales, et
aussi les pouvoirs exorbitants donnésau commissaire, cette première dé-
cision présentait pour March l'immense avantage de soustraire d'une

façon immédiate à l'action de leurs dirigeants toutes les installations en
Espagne et de les mettre à sa disposition à lui, March, par l'intermédiaire
d'un commissaire et d'un séquestre sur lesquels, je l'ai montré, il pouvait
compter.
Ces décisionsavaient obligéle juge de Reus à méconnaître purement et
simplement la personnalité juridique distincte des filiales - les conseillers
astucieuxde Juan March l'avaient demandé dans la requête - et, la Cour

le sait, le juge a obtempérésanshésiter.
Mais March et ses conseils savaient aussi aue cette mainmise. cette voie

~ ~ ~
ell< nt, ~iuii\'aitdrvcnir d~iiiii;iv~:,~lli. iti.1)ou\ait prc>n;lrciinc ;,pyir:iiic

I;fiirime -- dn 11,puii\,ait pas 2onrinucr i \.i\.rc il.,iisi~ttr. sirii.,riuii d- piir
f,iit que si \I.ir<.lirCu,ais::~itqtit~lq~~C eIIO~cC l! hicri plus .!iffi~~ilccn:oic:
:tcquCrir la ~~~,S;,~~.:~,:tILi proprir r;, IV< iitrr~ (les sü,:i6!6sti1i~It.sci811;ti.
tic;,iirIrpurtilcuillcde I;iI:,irc~luiin 'l'rai~tion.
~n ~ii~;t. CII Jroit. ct cc13Ivsiuiij?iIl~:rstic 11i"tn>l.~rc:l i,:s:~v<ticntv~tr-
I.ti~t~il~t:i~IV;titill:tirt, dvcc; actions .iv.\i~nt ?VII!~]~~ridi~~i~ci~~ qvihiirt6
I>otiril&:idi,r<lusoit des iri~t.ill.~riiris, pour en di,[.oar IWIII ~I;jigiicr

lei:,ilmiiii;rrnt<-urs de ces soriit~.stili.iIr.i.
II I;.ll.gidsiic i'cfidrct,r <1csoiiîulidi.~en cc sen; l'imiiirn:~ :iv;iiit:igr dv
filit,lii'il \.cnair ~l'obtciiirninii nv?c Ic concours ;icrii ct cuiiiplaisniit (lu
juge deReus.
Cette nouvelle tâche, imposée encore au juge de Reus, semblait parti-
culierement ardue, voire mêmeirréalisable, puisque les actions convoi-

téespar March se trouvent presque toutes au loin, au Canada, enla pos-
session de la National Trust, c'est-à-dire certainement hors de l'atteinte
de March et hors de l'atteinte des organes de la faillite.
Comment a-t-on tourné la dificulté? En recourant à un artifice uarti-
culièrement audacieux et cynique. On a demandé au juge de Reus'd'at-
tribuer lui-même,par sa propre décision,auxorganesdela faillite- c'est
ce qu'il va faire-dans le jugement du 12 février 1948 -ce qu'on

appeUe la possession, médiate et civilissime, des actions des sociétés
filiales. Et c'est en invoquant cette miraculeuse possession médiate et
civilissime que les organes de la faillite vont ensuite prétendre exercer
tous les droits d'associédont la Barcelona Tractioii étaittitulaire.droits
d.j..,u.ic. CIIII, ~~~iiin13 Cour 1,. \,,aiii~iiii;,ii;ini-III, ic rruiiv;~i<~iiitiicur-
i>arl:jtl.tiis dt-, ritrci oui <iix-iiiirii,:-L tiuiivnicnt ;it,i.liiiiiviit 1ior.cd'nt-
ieinte des organes de li faillite.

Le séquestre étant ainsi supposé mis en possession d'une façon tout à
fait fictive des actions des filiales, le commissaire et le juge de Reus vont
lui ~ermettre de se comDorter comme s'ilétait vraiment. réellement. DOS-
sess'eiirde,ces sociétésdont cette fois, comme vous le v&ez, la personna-
litéest pleinement reconnue et va êtreinvoquée.200 BARCELONA TRACTION

Le séouestre utilisera cette rét tendue oss session .omme i'aurai I'oc-
clsion di le montrsr h la CO&. poiir .;'irigc.r en aiscnit,l& g6nL:rnlc.
iioiiiiner des :idrninisir;iteuri. modifier 1t.sstntiits riiirnr <lessociétésdont
il s'agit.
:\lors qiic. loriqu'il s'agissait dr jii5tifirr Ir; jaisirs 6t de les maiiitenir
- et on les maintieiidrn. je le r:i~>pclle i I;I Cotir. j~ii<lit'ila \,t'iitc en
r,.. -. .In .ersonnalité iiioi<iledi:s soci;t;s tili.ilcs est iiiCcsous le ilré-
textr qiie toiiteslriirsactioriss~tnt ail&rii;iiiisde la l7:irccloiiaTr:iztion. nit
contraire, cl?; <Ikisinnj iiltérieurcs vont fait,, allosion a11functioiiiieiiie~it
des oreanes de ces personnes morales: ce sont les décisions aui vont

aurons& ou ratifier ce que Ic jiigc dc Rrtis al>l)ellrciiririi:cment In ciiiur-
ni;ilisatiorin des sociL:tc'sIilialcj. 1.1d+iignatioii de nouvc;iiix :i~lministrn-
r,:iir: et la niodificotion dcs statiiis. Çiir tout I.II;<.i'aiirai 1ucc:,sioii dc
revenir dans le troisiéme et dernier chapitre de moLesposé mais il était
nécessaire, je crois, d'y faire allusion dès à présent.
Cette nouvelle doctrine, qui repose surla renaissance des sociétés filiales,
se précisedéjhdans l'ordonnance du commissaire du 7 avril 1943 (A.hf.,
vol. II,11' 67). confirméepar un jugement du 10 avril, ?Ilaquelle j'ai déjà
fait allusion. Cette ordonnance confirme dans ses considérants la saisie
des biens de I'Ebro et des autres sociétés filialeset précise que ces biens
.appartienneiit à la masse de la faillite. Et le commissaire, sans reculer
devant l'effrovable contradiction. précise d'autre part que les sociétés

cil causc ,,,ni des suciCtesanon!,iiici ct dtoiii rliiI~~~~ii~riiinior;ilt-5tloitt
I'acti\,ité si. d6roiile noriii;ilernentt.C'i,:t Ir cuinrnissnir,: qiii ilitcela cil
n\,ril1946 I-t il :,ffirmait eiiçurc qtie1.1r:iisic av.<iri:t;.orilonrié<~
cisans préiudice du fonctionnement normal des sociétés saisies.les-
<liielles,cijinrne il a étt!dit, poisCilcnt leiir proyrt: prrioiin;ilitc cI:iiis

le d2vcloppeincnt noriiial de Iciirj activiri.i çt de It>iirs;ifiairci B..
Et le juge de Reus. trois jours après, le IO avril, confirme cette ordon-
nance en prenant soin de souliirner qu'elle s'inspire des mêmesprincipes
aue le iuèement déclaratif. -
On tiozve desmotifs analogues dans l'ordonnance du commissaire ren-
13avril 1448, où l'on voit affirmer cette fois -
due troisiours plus tard, le
je cite teituellèment - queiesdites>ociétés
suiit <le;socii.16,niionynics a\,aiii iiirepcrioriri;ilirf juridirlirc propre
ct iridCpc:n<lnntc.fi>nctionnariret mcnaiit Iciiri afi.,irzs nornialcineiit
et au'en conséauerice. le bon ordre de ces activités sociales. aui est
r16zCjs;iire que le fon~tioiiiii.nit.iit ii,~irn:~l,Ic c<:s t~iitit;~soit

cilic:icr, conforni+iiiçnt nus ~,rZccpteiI!g:iiix et st:itiit:iir~.ç,rsigc rliic
l't~~lin~iii~ir:~ti<oleces suci&tCss'c!ffc~ctu cI,IIIriirs orc:,ii,dc xciti~~ri
normaux [et il ajoute] mais ceci sans pr'ejudice de ïa saisie locupa-
cidn) 1,(A.M., vol. II, ann. 104).
Celd iir II.gtnc niillc.ineiir. C',..,r;kidcniiiirnt inioiiip.itil)lc. Cc:l:iiie Ic
~Cii,:lins le iii~irisdii moiid,:. C'cst'Ic1 iiouvcaii adroitdt. I'r'ci)Icilc licus
Et il~st:isscz piqii;iiit clc~:oiijt;iter. <l:tnjceitr aIt.rni>rcd<'.<.isioiqi,iI;i

pt.rsoiindit6 iiiornle des suciCtCs Ist yrfiprr et iiidCpcri<lantcalors <~iic,la
C~iir s'cri sou\,iendr:i peut-étre. le (;uiivcriit-niciit csy-i$iiol nous propose
aujoiiril'liiii dans I:i diiplique iine îiil~tilç<listiiictiun entre Ilipersonne
morale distincte qui selon lui :ilirait Ci6;irquise ct ;idmise pour lei soiir'tis
tili.ilei et la personnalité niorale indépeiidliit,: clite,(I'aprr'i le i;ouv?rnc-
ment eipsgnol, 11faudrait leur rcfiiscr. Eli bien, tvl n ;tait p:i; l'avis du PLAIDOIRIE DE M. VAS RYN 201

commissaire qui, au contraire, déclarait leur reconnaître une personnalité
propre et indépendante.
Ainsi, dans le mêmemoment où l'on affirmait la personnalité morale
distincte des sociétésfiliales. même à l'égardde la masse, pour justifier
cette fois la désignation d'orgaiies de gestion normaux, c'est-à-dire des
administrateurs à la dévotionde Blarch, en mêmetemps on continuait à
méconnaître l'un des attributs essentiels de cette personnalité morale, à
savoir l'existence d'un patrimoine distinct, pour cette fois justifier la
saisie.
Jlessieurs, je croispouvoir dire que lacontradiction estaveuglante mais
l'arbitraire l'est tout autant.
Avant d'cxaiiiincr dniij IL.détail le stratagCnic jiidiciairi. iiiinginEpar
>larcli.il~uii\~ieiirdc r;ipptlei CG qui nornialeniciit :tutnit di1 :iilvciiiren

c;i-,di! f:iillite r>ruiiuiiccri Esi,;irne des bieiii de I., iocir't; I3;irctlon;i
Traction se trouvant au Canada.
Le Gouirernement belge s'est expliqué à ce sujet dans la réplique (V,
no' 574 à 579)et je me permettrai de prier la Cour de bien vouloir se
reporter à l'exposéqui s'y trouve. MeRolin, d'autre part, dans son exposé
introductif, a clairement rappelé à quelles conditionsla faillite prononcée
dans un Etat eut ~roduire des effets relativement aux biens du failli
sitiiéid:iiii uii:;iitrEt:it. CornineIn 1;iillitccjt siirtGu1unc niejiirc d'cxc-
curion, scs eii~ti sont cil priricipc tt.rrituri;~iix.I.'ctrn,iun <IVses çffcr.;3
I'6rr:iiigcr~it. coinine 1n exposé.\leI<olin,subordr,niir'r à I'aiitariiation de
l'+:i:,r$tr'itiger et clle n'est ~Jni~scqiic .i la cotiipCtt,,i,:lu tribi1n.11qui
3 pr~~>i~ull ,.i:faillite est reconniic dans le .a.'i ou ~'es~cutioii r'jtpoiir-
siÏivie
Cela étant, ct si l'on tient ci>riipti:.corniiicil f.iiitf:iirr,<If.rr'glirî(lu
droit eipiignol et du droit i::iii:idien,dont I';ilq)lii:irions'inil)uwt, o~iest
ariiené le Denseaux conclusiorii sui\~:iritiis,qiii ioiit iI';tillrursdé\,e-.ppr:es
dans noti'erépliqueet que je ne fais que résumer.
Tout d'abord, le jugement de Reus du 12 février1948n'a pu, par lui-
même,conféreraux organes de la faillite aucun droit quelconque sur les
avoirs de Rarcelona Traction au Canada. Deuxièmement. siles orcanes de -
I:IfiiilliteclGclrtrcn Esp:igiie voiil;iiciit prendre pu;,risioii de ccs n\,oirs.
il lzur fcillait:tu ~réalnbledeni;inder I'escuiistur (lu iiigcriiçritnus jiiridic-
tions canadier~nbs~-Sur ce ooi.t ~ ~ne oeit.~.s v a;o. de discussion. Te
ii'eriveux pour prcu\,,: qu,i cc qui: rioiii trotivoiisiI:iiiiird~>cunicntque
fort oppc~rtiiiiéiiient 3 nos \'eux le (;su\.ernemc.nt espagnol :i<Il:po-C;III
Greffë.ë'est un document iue nous relevons encore dini cette procédure
du mené à ~ondres par la sociétéSidro contre lecomitédes obliga-
taires Prior Lien, institué à l'instigation de March. Cecomitéavait envoyé
une délégationen Espagne qui a fait un rapport le 8 mai 1948et. dans ce
rapport (Blue Book,1,p. 7) -il n'est pas suspect,il émane de gens qui
étaient à la dévotion de March -, il est dit ceci - je traduis de l'an-
glais:

ciLeséquestre provisoire [depositario]reconnaît qu'il ne peut pas
faire valoir ses oouvoirs en dehors de 1'Esoaenesans aller devant un
tribunal étr&&r, tribunalqui peut reconaaiTrel'ordre de saisieespa-
gnol comme valable ou ne pas le reconnaître en ce qui concerne les
avoirs situésen dehors de la juridiction espagnole. »-

Tel est. .\ltssieiirs, l'avis expriinépar le séquestre provisoire! lui-inéme,
qui, dc\s cc inomeiit. était pnrf:iitemerit conscient de son iinpuissancç202 BARCELONA TRACTION
totale à l'égarddes biens de Barcelona Traction au Canada. Il lui fallait

inévitablement passer par la juridiction canadienne et faire entériner, si
la chose était possible, l'ordre de saisie dans la mesure où il prétendait
l'étendreou le faireétendre aux avoirs situés au Canada.
Par conséquent, les conseillers de Afarch savaient tout cela pertinem-
ment et c'est bien pour cette raison qu'ils avaient demandé au juge de
Reus son assistancepour réaliserun nouveau coup de force qui lesdispen-
serait, pensaient-ils, de toutes ces difficultés:fairereconnaître par le juge
lui-mêmeaux organes de la faillite cette possession desactions au Canada,
possession qui ne pouvait &treévidemment que fictive, cela va de soi,
mais qui allait autoriser les organes de la faillite à se comporter comme
s'ilsavaient en la Aos~ ~ ~ ~ ~réelleet matériellede ces titres.
Voilàle tourde passe-passe auquelon va procéder.Et c'est cette posses-
sion fictive que le inge de Reus se croit en droit d'attribuer au séquestre
par ces mots magigüis: cpossession civilissime B.

Qu'est-ce que cette upossession civiiissime »? C'est une notion dont je
n'avais pas la moindre connaissance avant d'aborder l'étude de cette
affaire exceotionnelle. ~'e~t une notion dont on ne nade Das dans la
plupart des'droits contemporains, endroit français, endroit beige en tout
cas. Elle existe en droit espagnol. Il convient de la définirtelle qu'elle est
consacréedans le droit espâg~ol,cequi nous permettra immédiatement de
voir l'usage anormal et tout à fait illégitime qu'ont prétendu en faire
March, le juge de Reus et les organes de la faillite dans le casde la Barce-
lona Traction.
Cette possession civilissime est une notion de pur droit civil. Elle est
définied'une façon fort claire par le professeur Castan, dans son Traité
de droi ctivi (t. II, zCéd.,p. 440) comme étant une possession fictive ou
présum6e. Voici comment elle est décrite et définiepar le professeur
Castan, sousle titre.<(La possession fictiveou présumée (possessioncivilis-

sime) >):
iiSur labase du droit ~ermaniaue, la doctrine médiévaleet moderne

sion.
Ainsi a surgi le concept de la possession appelée a civilissime »,qui

est considérée comme acquise envertu de la loi indépendamment du
fait matériel de l'appréhension et de la détention matérielle et qui
s'est appliquée surtout aux acquisitions à titre .héréditaire, pour
éviterque ne puisse exister une solution de continuitéentrela posses-
sion du de cujus et celle de l'héritier. »
Ln (I'niitrcs tcrni,.s, si je cuinprcnd, I,irn, cdrc norion jous !I p$u pr&s

Icnihic rùlt iluc louc tré; siiii~~leiiieii t:IIdroit fr~nqsis cr vn Jroit hcl~r
la reele résumée var l'adage ilëmort saisit le vif 1).
Er lc proirssciir CX;~:#;I j)~~ir>iii<,IIi~~.liqiiii~qne les sciilj cas <l:sii-.
Iesqiirl 1.1loi - --rt<:'~ir1.1lai it-ulic'\.iJcninir.iitqui piut coi.îacrir un=
rcllc fictioii. Ic urofr.îs~ur C',:r:,ii Ir.I,,cnt, ndrr, - lcs .culs c:,sJaiis
I~s<~uclIsolui:iclmetcette pos,c>jion iiiti\.c,ou pr&umec sonr ceux prL.vila
11.1Icsarticlt-i MO, 45" ,:t.~ti(III:i,;lcsivil- IL<:sa 1)riiicip.ilirint i.cliii
de la transmission successorale, article 440.
Or, Messieurs, et ceci est essentiel, la législation espagnolede la faillite
ne contient aucune présomption ni fiction de cegenre. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
203
C'çst Ic jiigeOc Reo; qiii. pour I:i~>n.mi;rcloir il:iriIf-.#nii;il~~udi-
ciaire;cip.îfiii<>l.>\?,(1,.s:i .;t:iilcautorit;. rt:~siiii;iitrcaux nrga(leIL<
faillitla voi-t ision rictivcde; action; dt iiili:i1?si:rrou\.anr ;LU(';xii:,d.i.

nombreux arrêtspostérieursqui auraient repr'iscette jurisprudence. Mais
il suffit de lire le texte de cet arrêt(A.C.M.,vol. III, p. 190) pour cons-
tater qu'il ne coinporte aucune disposition à laquelle il serait possible de
donner une telle portée.Et d'ailleurs c'est à juste titre, pensons-nous, que
hl.le professeur Garrigues dans sa consultation (Dictamen, p. 40) a
souligné lecaractère tout à fait nouveau de la thèse adoptée par le juge
de Reus et l'absence de tout précédentet l'absence de toute justification
de cette décision.
L'ocupacidn que prévoit l'article 1046 du code de commerce espagnol
s'entend au contraire d'une prise de possession matérielle des biens du
failli. 11en est d'ailleurs de mêmedes mesures du mêmegenre, I'apposi-
tion des scellés,par exemple, qui existent dans d'autres droits en cas de
faillite; c'est encore ce que démontre lumineusement le professeur Gam-
gues dans sa consultation (p.34 à 37)et ce que le Gouvernement espagnol
semble avoir effectivement admis dans la duplique (VI, p. 446, no 378).
Or, ce qu'a prétendu faire le juge de Reus sans titre ni loi, c'est réaliser
une ocufiacidnsans possession matérielle,cette possession matérielleétant
remplacéepar une possession fictive qui, je vousl'ai montre, en droit espa-
gnol ne peut résulter qued'une disposition légaleinexistante dans le cas
de la faillite.
Dans les écritures le Gouvernement espagnol s'est livré à de ,grands
efforts, non pas pour justifier la décisiondu juge de Reus, mais pour
minimiser la portéeexacte de cette décisioninvraisemblable. Le Gouver-
nement espagnol doit se rendre compte qu'elle n'est pas défendable en
droit espagnol. Etant donné cet effort pour minimiser la portée de la
décision, je croisqu'il est malheureusement indispensable que nous véri-
fiions de vrès ce aue le iuee de Reus a effectivement et certainement
décidé.J< crois la sik$e lecture du passage où il est qyestion de la
possession médiate et civilissime dans le jugement déclaratif,et les déci-
Cons aui l'ont suivi. ~ermet de constateÏaÜe cette notion a iouédans le
raisoniement du jugéun rôle abs~lument'ca~ital. Nous la ;encontrons
pour la première fois dans le dispositif du jugement déclaratif où je lis
ce aui sÜit - ie suis confus de devoir re~rendrëcette lecture. mais cesont
des'passages sur lesquels je n'avais pasinsisté précédemmeiitparce qu'ils
étaient étrangers à la partie de mon exposé à l'occasion de laquelle je
faisais cette Ztation:
«La SociétéBarcelona Traction, Light & Power Co. Ltd., est

déclaréeen état de faillite et par conséquent est ordonnée la,saisie
de tous ses biens, actions et droits, livres de comptabilité, papiers et
sociétéfiliale Riegos y Fuerza del EbrnégalemSA.,todont la tota?ite desla
actions a~~artient en ~ro~riété à la société faillieet. Darconseauent,
tous ses Kens, li~res,'~a$ers et documents de tout& sortes,-étant
entendu que la saisie (ocufiacidn) implique la possession mediate et
civilissimé(posasidn mediâta y civzlzs~ma)pour ce qui,concerne ses
actions [lesactions de I'Ebro] qui seraient en la possession de Barce-z04 BARCELONA TRACTION

lona Traction, Light & Power Co. Ltd.;de mêmeet pour les mêmes
motifs on saisira (ocdfiese) les biens et l'actif social, livres, papiers,
documents. droits et actions de la Cornpafila Barcelonesa de Elec-
trisidnd, &tant çntendu également que h s:ii;ie (octtpucidn) des ac-
tions qui se trouvcr:iient en possession de Barcelon:~Traction, I.iglit
8: 1-'o!verCo. 1.td.. a aussi le caiai:t+re dç médiate et civilissinit..*
(A.i\f.,vol. II, no 56, p. 288.)
Voilà le raisonnement tel que nous le trouvons dans le texte. hlèrne
raisonnement pour la saisie des actifs de la Barcelonesa pour les mêmes
motifs,dit le jugement; par conséquent,en raison de la réunionde toutes
les actions de cette sociétéentre les mains d'un seul associé,ceci entraine
également la conséquence que la saisie des actions Barcelonesa qui se
trouveraient entre lesmains de Barcelona a aussi le caractkre de médiate
et civilissime.
Pour les autres filiales et sous-filiales en revanche. le juge, dans cette
première décision. nedécrétepas la saisie de leurs actifs et ne précisepas
que leurs actions font l'objet d'une possession médiate et civilissime.
Il se borne à ordonner: «On saisira, avec leurs droits inhérents,
toutes les actions qui seraient propriété de Barcelona, Ebro et Barcelo-
nesa a.
Ces quelques citations font clairement apparaître que la possession
des actifs des sociétésfiliales, laquelie,àjson tour, résultedu fait que lessie
actions de ces filiales sont toutes détenues par un seul actionnaire. Il ne
s'aeit donc nullement de l'effet normal du iueement de faillite. Il ne s'ad
nullemeiit d'une consiquence qiii se produit ope legis. mais nu contraire
d'une consi.quciicc qui rCsulte d'un prononc; e.x~)rès qui est IiriiitCiaux
actions des Gciétésdont il est acauis: au iour du h~,m-nt. aue la Barce-
lonn Traction cn est Ir.titiilaire uriiqur.
IIapparaît aussi de ce; testes, rti:'cstimportniit. que lejuge n ordonné
la saisic des actions des filiales eiiviu:ixécsen tant aile doc~iinenti incor-
porarit ICSdroitsdes ïssoci,;j. C'est celn qu'il:saisi. qu'il a déclaré saisi,
ct dont il:iattribd la pos;eisiori ci\.ilissimcaux organes de la faillite. Ce
sont les actions tellesait'on les concoit ordinairement. c'est-à-dire comme
dcs d~cunierit~ ~I~riiic,squcli se troii\.ent iiicorp1ir6scerttiin; ~lruit.. II
n'a pas du toiit siisi. coiirr:iiremc.ni cc qiic plnidcrn Ic Goii\.zrrii.nit>iit
espagriol, les droit, rl'associ5, cuiijicICrr'sconiiiie détaclit:sclcstitres eux-
rii~incs. LIn'a pas s:,i,i, contr:iireiiix3,cc qii,!\.:p1:iidcr ILGou\.erne-
ment espngriol,cette cliosecutraordinaire. le pou\.uir dc Jominatioii doiit
B:irccloiia 'l'r:iztiondisi~oinitsur ccrt:iincs dSL'~filii~l~- c:ir i:'<:t 11r1e
des interprétations le Gouvernement espagnol essaie de faire ad-
mettre. Cette conception singulière de la saisie d'un pouvoir de domina-
tion, d'ailleurs, paraît tout & fait difficilà admettre, et il n'en est pas
question dans le jugement.
Les constatations que l'on a faites à la lecture de cette première dé-
25 février et 27 mars 1948qcii, comme la Cour le sait, ont étendu ledes
dispositif du jugement déclaratifaux biens des sociétésauxiliairesautres
qu'Ebro et Barcelonesa.
Le jugement du 25 février conclut qu'il y a lieu d'étendre

«la partie dispositive du jugement ...du 12 [février],seréférantaux
sociétésquiont leurs actions dans les mains d'une seule personne ... PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 205
aux actions, droits et biens de toutes catégories[deceshuit sociétés]~
(.AM. vo,l. II, no 60, p. 295).

Et il est préciséqu'il doit êtreprocédé à la saisie des actions, biens et
droits de cessociétés uavec les mêmes conséquencee st effetsque ceux qui
ont étéordonnés pour Riegos y Fuerza del Ebroet Barcelonesau (ibid.).
On nepouvait indiquer plus clairement que seulesles actionsémisespar
les sociétés dontBarcelona et ses filiales étaient les actionnaires uniques
devaient êtresoumises à la possession médiateet civilissime.
Enfin le premier jugement du 27 mars étend la saisie des actifs aux
biens des sociétésCatalonian Land et Electricista Catalana enprécisant
que
cetle 5:iisicser:~r&ilijic rlnnï Ir.,niCsoiiditioiii ;,\,ccIcimCnies
c.ffctqiic celles qui ont Ci; ordoiin~t:spoiir Ic:;iu.ii:t6j dont il cit
<1iiejtiond;~ii>les .~IL.jigementi :~>ri~+dciits:(:\..\I.,\.<Il,noi>i,

P. 296).
se référantainsi sans aucun doute, entre autres, à la possessionmédiate
et civilissime.
1-edernier i"gciiient est intCrcs;ant parie qu'ilcipliiîexl~licitc~11cur~1.
C'eit celiiiquietcnd 1:î:iisir:ailt>ii.ni(I'lnternarioiinl Ctilities I'inanie
Corporation. Les requérants demandaient
<<que,du fait que les actions de l'International Utilities appartien-
nent à la sociétéen faillite, on considèreque la saisie avec possession
médiateet civilissime s'applique aussi à ces actionsn (A.hf.,vol. II,
no 62, p. 297).

Voilà ceque demandaient les requérants. Et bien entendu, le jugement
fait droità cette demande, comme toujours; il prononce l'extension de la
saisieaaux actions, droits et biens de toutes sortes appartenant à l'Inter-
nationalUtilitiesz (ibid., p. 299) et un peu plus loin, il précise:
«par voie interprétative que la saisie avec possession médiate et
civilissimeà laquelle ou a procédéou à laquelle on procédera en ce
qui concerne lesactions,obligations, bons ou valeurs qui seraient aux
mains de la Barcelona ... est considéréecomme ayant étéfaite, [et
on ajoute] même si cesvaleurs étaient déposées à la National Trust
Company de Toronto ou auprès de tout autre établissement pour
répondredu paiement desdettes du failli 1(ibid.).

Ici, c'est encoreplus flagrant, c'est encoreplusaudacieux, puisque cette
possession fictive, on prétend qu'elle doit prévaloirsur les droits incon-
testables qui appartenaient aux détenteurs véritablesdes titres.
Que cette constmction du juge de Reus soit juridiquement indéfen-
dable, voilà qui est tellement évident que le Gouvernement espagnol ne
paraît mêmepas enclin à soutenir le contraire.
Maisje rappelle qu'elle a en outre le défautd'êtrecontradictoire.
Si l'on admet que la réunionde toutes les actions d'une sociétéentre
les mains d'un seul associépermet d'ignorer lapersonnalité de la sociétéet
d'englober ses biens dans la faillite de l'associéunique, il n'y a évidem-
ment plus de raison d'attacher une importance quelconque àla possession,
qu'elle soit réelle ouqu'elle soit fictive, peu importe, des actions repré-
sentant le capital de cette sociétédont on vient de dire qu'elle n'existe
pas. Si cette sociétén'existe pas, si elle n'a pas d'existence propre et206 BARCELONA TR.4CTION

distincte, si ellc n'a pas de patrimoine, ses actions sont dénuéesde toute
signification juridique, de toute valeur et il n'y a aucune raison de se
prononcer sur leur possession.
Cette contradiction, ce nouvel aspect de la contradiction que j'ai déjà
relevée sisouvent, révèleune fois de plus qu'il s'agit de décisionspure-
ment arbitraires, conçues uniquement pour complaire à ceux qui for-
mulaient ces demandes tout à fait fantaisistes pour le compte de March.
Reste à expliquer cette décision sil'on renonce à la défendre par ses
propresmotifs.'
LeGouvernement espagnol, dans la duplique (VI,p. 368 à370) renonce
définitivement. semble-t-il..à .ustifier la décisiondu ,u-e de Reus Darses
proNous lisonsen effetdansladuplique qu'en réalité, c'estsans utilité, dit-
on,sur le plan juridiquequele juge de Reusa faitappelàla notion depos-
sessionmédiateet civilissimeet I'oncroit ainsise débarrasser de cette no-
tion qui, aujourd'hui, dans ces débats, paraît assurément encombrante.
A en croire la duplique (ibid.),la «possession civilissime i,des actions
n'était pas nécessairepour permettre aux organes de la faillite d'exercer
le droit de vote dans les assemblées,car, nous explique le Gouvernement
espagnol

failli et la mise en possession desorganes de la failli,,(ibid.,p. 368);

de sorte que-si l'on comprend bien -les droits inhérents aux actions
pouvaient êtreexercésde plana par les organes de la faillite par le simple
effet de l'ordre d'ocupacidn,cet ordre portant sur toutes les appartenances
de la Barcelona Traction, sans mêmeque les organes de la faillite doivent
avoir la possessionphysique des actions.
Mais qu'est-ce que le juge de Reus a alors voulu dire en attribuant
expressément cette possession civilissime ou cette possession fictive des
actions aux organes de la faillite?
C'est très simple, Messieurs, on l'explique dans le coutre-mémoire (IV,
p.282) :
uune fois qu'avaient étésaisies les actions en tant que droits, il fal-
lait dire quel était le statut juridique des récépisséq sui étaient la
preuvede ces droits n.
Et le Gouvernement espagnol paraît tellement satisfait de cette formule
énoncéedans le contre-mémoire ou'elle se trouve re~roduite telle aueiie
dans la duplique (VI,p. 370).
Ainsi donc, les actions dont le iuge de Reus se préoccupait tellement,
ce n'étaient quedes récépissés. .
Cette interprétation, qui témoigne encoreune fois d'un effort d'imagi-
nation remarquable, se heurte à plusieurs objections décisives. Tout
d'abord, elleest inconciliable avec le texte des jugements que l'onprétend
interpréter. Elle méconnaît complètement les notions de dessaisissement
et d'ocupacidn, telles qu'elles sont conçues et interprétéesen droit espa-
gnol, et d'ailleurs partout, car ils'agit ici.de principes universels de la
faillite qui sont les mêmespratiquement dans tous les pays. Et enfin,
troisième objection, cette interprétation attribue gratuitement au juge
de Reus une conce~tion des actionsde sociétéaui s'écarte absolument de
céllcqiii+:jtuiiivcrsellcriir?iitadmije aujourd'h;ieii Espnznc, mais :iussi.
peut-OHdirc, dans tous 1,:spalz,du nion<lc. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 207
Je vais, si la Cour le veut bien, reprendre brihement ces trois objec-
tions.
Première objection: la thèse du Gouvernement espagnol est tout à
fait inconciliable avec le texte des décisions.Je ne vais pas revenir sur
l'analyse de ces textes, mais laour a pu voir qu'en attribuant aux or-
ganes de la faiU'itela possession civilissime des actions des filiales, le juge
de Reus n'a nullement voulu parler pour ne rien dire ou, ce qui est la
mêmechose, pour réglerle sort de simples papiers auxquels il n'aurait
reconnu que la valeur desirnplesrécépissés.Cequ'lvoulu. effectivement,
c'est mettre les organes de la faillite dans la m&mesituation que s'ils
avaient étéréellementen t os sessiones actions et il crovait réalisercette
espèce de miracle par 1; moyen de cette soi-disant possession fictive
qu'aucune disposition légale espagnole ne lui permettait d'attribuaux
organes de la faillite.

L'audience eslevéeà 12h55 HUITIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (24 IV 69, IO h)

Prdsenls: [Voiraudiencedu 17IV 1969.1

LE PRÉSIUENT: Avant que RI.le professeur Van Ryn reprenne sa
plaidoirie, jedonilerai la parole à RI.le juge Jessup qui désire poserune
question à N. Van Ryn ausujet d'un point concernant sa plaidoirie d'hier
matin.

al. JESSUP: Professor Van Ryn yesterday made adiscussionof the opi-
nion of Professor Briggsonpoints ofCanadianlawand at page 196, strpra,
it is recorded that he relied on the opinion of the Belgian counsel expert
on Canadian law, Rlr. Pattillo. 1would like to put to Professor Van Ryii
the question whether he would be good enough to inform the Registrar,
forthe convenience of the Court, of the preciseplacein thedocumentation
ofthe Belgian side in which the Court can examine the text of the opinion
given by Mr.Pattillo onwhich Professor Van Ryn relied.
Il.\'AN RYN: Je présume qu'ilconviendra à la Cour et à AI.le juge
Jessup que je differe de quelques instants ma réponse pourque j'aie l'oc-
casiond'en parler avec mescollègues.
Messieurs, l'audience d'hier, j'avais rappelé à la Cour que le Gou-
vernement es~aanol a en réalitérenoncé à défendre cette décisionDar
Inquelle Ii:ju&: dc Reus :i\.aii yri!tcndu conf<:rcrIiii-iiii.inI:ipv.,j?si'ion
fictiverltstitr~.s~I~sfili:ilt:îiiux~irganesdéla fnilliic.
C'est d'une manière superflue - dità peu près leGouvernement espa-
gnol - que le juge de Reus s'est référé à cette notion originale de la pos-
session civilissime. Car, ajoute le Gouvernement espagnol, dans la réalité
des choses, les oreanes de la faillite ~ouvaient ~aifGtement exercer les
droits attachés àces titres sans posséderceux-ci.'~t ce, par la seule vertu
de I'ocupacidn-de la saisie- , des pertenencias - des a.p-rtenances
- de Barcelona Traction.
J'avais commencé - la Cour s'en souviendra sans doute - à indiquer
les trois objections décisivesque, selon nous, l'on peut opposer à cette
argumentation.
Première objection: cette argumentation du Gouvernement espagnol
est inconciliable avec le texte mèmede la décisiondu juge de Reus. Je me
suis expliquChier sur cepoint.
Deuxihme objection: la thèse de la duplique est en contradiction ma-
nifeste avec les principes les plus certains eu matière de faillite, tant en
droit espagnol que dans lesautres droits.
Suivant la thèse du Gouvernement espagnol, ce que l'on appelle le
dessaisissement (desapoderamientojdu failli, qui est prévupar la plupart
des lois, tout au moins en Europe continentale, et qui est prévu en casde
faillite par l'article878 du code de commerce, ce dessaisissement du
failli entraînerait- s'il faut en croire le Gouvernement espagnol - la
mise en possession simultanée, corrélativeet automatique des organes de
la faillite. C'est là une affirmation purement gratuite et qui ne résistepas
un examen quelque peu attentif.
Le dessaisissement du failli, dans tous les systèmes juridiques, signifie
que le failli, par le fait de la déclaration de faillite, est désormaisinaptà
administrer ses biens. C'est ce qui résultedu texte mêmede l'article 878 PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 209

où nous Lisonsque «le failli est privéde (inha6ililBdo para) I'administra-
tion de sesbiens n.
C'est ce pouvoir d'administration des biens du failli qui passe aux or-
ganes de la faillite et qui leur sert de titre pour prendre possession d'une
manièreeffective des biens par le moyen d'une procédure spéciale,qui est
l'ocupacidn.L'ocupacidr~q , uiest aussi un effet de la faillite, c'est I'appré-
hension physique, matérielle,la saisie effective et matérielledes biens par
lesorganes de la faillite.
A aucun moment, dans aucune disposition de la loi, le code de com-
merce ne fait allusion à cette rét tendue etransmission automatioue A ~ - ~ ~
possession u, qu'il s'agisse de lapossession matérielleou d'une possession
symbolique ou de la possession dite ucivilissimen. Nulle part il n'est
Gestion-d'une transmÏsion automatique de la possession au séquestre
provisoire.
Sans doute peut-on considérer - c'est une thèse qui peut se défendre
- oue la d4claration de faillite confèreaux organes de la faillite ce au'on
*eu; appeler lejus possessionis-le droit àlapo<ession. ledroit de réclamer
la possession; mais ce droit, pour se transformer en possession effective.
dott êtreévidemment cornpiétépar une prise de possession réelle dei
biens du failli- au besoin par l'exerciced'actions particulières, d'actions
possessoires, comme la dupliqued'ailleurs lereconnaît (VI,p. 348).
Nous trouvons la confirmation de ce que je viens de dire dans certaines
dispositions de la loi espagnole elle-même.En effet les organes de la lail-
lite -d'après la loi espagnole - sont légalementobligés,ilsont le devoir
en vertu de la loi mêmede procéder à cette appréhension pliysique des

biens. C'est ce que prévoiti'article 1334de la loi de procédure civilequi
dispose que, dès sa désignation, le commissaire doit proceder à la saisie
- l'ocupacidn - des biens et papiers du failli, à leur inventaire et à leur
dépUt,tandis que l'article 1046 du code de commerce de 1829 précise
comment matériellement cette saisiedoit s'effectuer.
Une fois aue les biens ont étéocriz5ado- ssaisis - il va lieu. en vertu
<le1';irticléijjj (lela loide procédukci.ii.ile,<ILI,:iirclcii; iii\,entnir<.ct di.
Ici remettre ;iiissvndics I.csmod;ilitcs dc ces opérations font I'ohiet di.
dispositions précises:les articles ro79,xoSo et 1081 du code de cominerce
de 1829.
En revanche, aucune disposition légale ni directement ni iiidirec-
tement, ni expressément ni implicitement, n'autorise les syndics à se
dispenser de procéder à cette appréhension matérielle. Aucune dispo-
sition ne leur permet, par exemple, de mettre en vente des biens qu'ils
n'auraient pas préalablenient pris en leur possession matérielle et cette
regle s'applique bien entendu également lorsque les biens sc trouvent à
l'étranger.En ce cas, pour remplir leur mission, les organes de la faillite
devront s'efforcerd'obtenir l'inclusion de ces biens dans la masse et pour
t:cI;isolliciter l'exequntiir (ILIjug<;niriiil?faillitc~d;iiis le plys ~:tr:ii;~t:r;
ils iipurent 1):~se contént~"~I'IIIIp Co;~w;iuii piirement théori<]iic dont
ils urétenilr;iii:ntn\oiretc invcstiîeri vïrtu dii iiicemcnt d6cl:irntil.
il tombe sous le sensd'ailleurs que ces dispo<tions de la loi espagnole
que je viens de rappeler, qui prévoient ainsi l'obligation de procéder à ce
ue j'a pelle <l'appréhension-physiquedes biens du failli o.àl'inventaire
je ces tiens et à le~~~dérbt~.out~ ~ ~ n'aurait évidemment aucun sens si
l'onpnuvalt ionsidC:rtr (]tiICS orgail,.idl.I:Ifaillite nccliii2r~.nt,p:~ri~til
Init dii jiigcmcnt ~1;~l:ir;~tiiinc ~iu.sessi~iid'un jicnrc s),r'ci:iléiluii~alaiit
11.1pos;~.isiunrnnrCriell<i;lci hicrisct p.ipi<.r du i:iilli.210 BARCELONA TRACTION

Nous trouvons encore une confirmation de tout cela dans l'article 10~6. , .
~xto 111ru<lrrlccomni<.rcc<le1J2<).l)';tpr$scette diiposition, lcj org;int.;
Je 13 iaillité(luivent cnvoy~crdvs comniibiuni rnxntuires pour poiivuir ic
mettre en oss ses do dnes biens au..rtenant au fayllidèslëmoment où ses
hiriij se t;uu\.enr. en Esl>.igncniEriic.mïii d:iii, riiic autri. proviiicc qiir
ccllédii trihiiiitil qui a proiionc; la f.iillirc. Cwi ilcjniontrr <I'iiiicinanihe
Lien cliiircqlic ]aIIl~i>itirput ktrt!q~ic~liorp i onr lesorg:tii,.j tlcla faillitt,
(le se contenter tl'iine pr;trii~liic phsession iicti\c- oii civilisiiiiic. A for-
tiori, iiiie tcllc oI)li~,itiui~cx~~t,~-t-~Ilursqiir IVS bicns wiit IucaIisCs riUri
pas dans une autre province en Espagne, mais dans un pays étranger.
Dans ce cas, la procédure de commission rogatoire est organisée par
l'article 300 de la loi de procédure civile.
Et. bien entendu. les droits du failli. aussi bien les droits de t os session
qut. lts droits <ILp.ropii;t;, nv pùurrimt Are eu<:icii I).irlei orfi',iicsIIC 1.1
faillirc.qu,: tels ilii'il, csi.iinicicr d.ii.i IrsiiiCiiit-iuiiditit,ns qiic s'ils
?t.iii.iit rxtrc:s var Ir failli. 51ct,rr;iin.sbiciis ;trierit errv;;ii? rlroits nu
profit de tiers, [es organes de la faillite, bien entend; - c'est élémen-
taire - devrontrespecter ces droits.
J'en viens ains~,Messieurs, à la troisième objection que j'avais indiquée
hier et qui s'oppose à ce que l'on puissesuivre le Gouvernement espagnol
dans son argumentation.
Le svstème aui consiste à dire aue les oman.. de la faillite ~ouvaient
cxcrcer les droits attaches aiix titrii d<:ifilidlc; 311sétrcci1P~&f,ii<l~ ~Ir.
;cs titres mC.coniiniti:umpl?t~:rrirnr11 iiatiirc juridique d~; .iitions dc
socil'tk, dts ;ii.tionj nico-:i:il~lci.oi.'il j':-eii;c d':ictiuiij 3u »nrti:iir 011
d'actions nominatives.
Les actionsdes sociétés anonymes ou des sociétés dites par actions sont
ceaue les auteurs apuellent des-«ua~iers'valeurs » oudes «titres-valeurs il.
L'on entend. par &;te expression peu élégante,que les droits que con-
fèrent ces titres sont inséparables de la possession régulièredu document
constatant cesdroits.
Certains auteurs expriment cette situation par une formule frappante,
qui est actuellement répétéeun peu partout dans le cas des actions de
sociétésan porteur ou nominatives: les droits qui appartiennent à l'ac-
tionnaire sont ccincorporés ildans le titre. Ce qui signifie essentiellement
que l'on ne peut pas exercer les droits sans avoir les titres et que si l'on
n'a plus les titres, on ne peut plus exercer les droits.
Cette théorie a étéimaginée,non pas simplement par plaisir, cela va de
soi, maisparce qu'elle a paru utile surleplan juridique pour rendrecompte
de la fonction si importante que remplissent en pratique les actions de
sociétésdans la vie économiquemoderne. Cette conception que je viens
de me permettre de rappeler est, Messieurs, vous le savez certainement,
peu près universellement reconnue et consacrée, et cela est vrai en
Es~,en-.aussi bien au'ailleurs.
lacbc>ii\.erncinini ht.1~~ n IIII'iiri.:isiond'cil f:iila.<li'iiionjtration\l'<.,
\',p:ir. j53 i 5641 et je crois qiit:<.cscrîit vr:~iiiiriit;il~uac~Iiiteiiips de la
Coiir de rcprtiidre icitoiit qui a ,:t; 'li.i cc prolias rl.iiiI+sciri~iirvi.
Je inc borii~rni dunc irappeler iiriiplziiicnt qu<~lqiics doiiii+cs ;.I;iiivii-
taircs qiii suffiront. ie pense, .?rénconticr \~ii:toricusr:mciitI., tl.Csc dii
. .,
I'our e.veri:crles droits attîili:~ i dcs ac~io~is :Ir -o;it't;i i<nori\nlr3i.
il falit en avoir la pt>sejiion r$#i!liCrc.Dniis I:pr.iriqiic. ilc;t cep ,ridaiil
fr<qu,-nt qiie des :ictions de socictéianonymci soimt d6rciiiio in.itirirl- PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 211

lzment 11x1d'autres persoiinej que leiirs proprictaires. II 5iiffitdv songer
.iiinr:Iiypotlic'jebarinle, ccllc du propriétaire d'sctiun, ile suciétttiqui les
con& i sa b:in<liic,1:iquellcles conscri,e t:n dr:p0r, trien r~iit~~iiclii,io ,iir IL.
comDte du ~roü.ié.airë. Dans ce cas. l'actionnaire conserve la ~o&ession
de 5;s titres. m:~isc'est ct.OU'OII ;~ppelloparfoi-, iiii<1>0~;t:siionniédisi,: u
pnr I'interm<dinirç d';iutrui, par I'iiit~rnicdinired'un d2rcnteiir qui a In
ili.ientioii iiiatérielle mais pour le cr~riiptedi1 ~Crirable puijrsjeur. I.L.
baiiqiiir:rdctient, ji jepuis y~rler coiniiie oii 1':iurdit ftiirri droit roiii;iin.
n/rzno?roniitre - poiir 1,coiiiptc (1'alitrlli.
Tout cela est ëxtrêmemeni simple et ne porte évidemment aucune at-
teinte au principe suivant lequel. pour exercer les droits attachés aux
actions, il faut avoir lapossession réguliére de ces actions.
Dans la pratique, on rencontre aussi des situations un peu plus com-
plexes, par exemple lorsque les actions ont étéremises par leur proprié-
taire en garantie, soit à uii créancier, soit Aun tiers convenu entre le
créancieret ledébiteur.
En ~>:trcic las. 1:isitiiition e3t uri petit peu plu, ~oiiiplitlii;!~c:il cc sens
que c,:lui qiii;iIn dkteiitiuii iiixtCricllc <lu titre iir &tient pas c.s~.lusi-
v~iiierirpour Iç pri>pri?t;iireiiilis, sic'est un crc;iiiiierfi.igistr',l>3rcxcmpIe.
ililétienraussi pour lui-niènieclaiisla incîiire ou lngarantie qii'il ;i,ledroit
ile gagc qu'il poss2ilc.lui en donnc ledroit. 'l'elle .br I,isitu:criaJiidu crcaii-
cier~gigistcen droit franqais et en droit belge not:iiiinirnt.
Ihns cette dernitire tiypothése, les droits nttncliés au titre, eii pnrti-
ciilier le druit de \.ote, sçront alors exercés laniil par IC~ropriétnire
tantôt par le créancier,suivant leurs conventions, O< s'il enexiste, con-
formémentaux dispositionslégales.
Mais,encoreune fois,cette situationun peu pluscompliquéenemodifie
pas le principe: pour pouvoir exercer les droits attachés aux titres. le droit
de vote en particulier, il faut êtrepossesseur des actions. Soit qu'on les
détienne matériellement soi-même,soit qu'elles soient détenues par un
tiers qui accepte de lesdétenirpour le compte du propriétaire.
Cesréglestout à fait élémentairesétant rappelées - mais je crois qu'il
fallait le faire pour rencontrer la théseoriginale qui nous est opposée -
quelle était,avant la faillite, la situation en cequi concerneles actionsdes
filialesde Barce~ ~~ Traction?
Cette sitiiation. .\lessieurs. résultetrb claircrncnt cl'iiritablcaii qiie I;i
Cour trouver:i wirrni lesanntxcs ;tumémoired5posépar Ic Gou\~cmemeut
belee 1A.M..vol. 1.nozol.
6n ) voit que la situation se présente comme suit: les certificats pour
les actions nominatives des sociétéscanadiennes et les actions pour les
so~.icri.s~~sp:~giiolc(sitioiis au portciir) étaient soit d6teiiues plr ~;itiuii:il
Trust soir (IL:pos<e .ribanqiiz ;,IIrivni JL S:~riuri~I'I'rustqui Irs dctennit
poiir siirçti.<tt:s droits Jc; ditfcrcnrcs cat6coric.s <I'ol,lifiataircs.oii t>ieii.
fes certificats ou ces actions étaient déposés en banque au nom de Barce-

loua Traction ou au nom de l'une ou l'autre de ses filiales. Le Gouverne-
ment belge a également exposédans sa réplique (A.R., vol. II, no 106,
q. 528;R., V,p. 343 et suiv.) la manièredont le droit de vote étaiten pra-
tique exercéavant la faillite dans les assembléesgénéralesdes sociétés
filiales et l'on peut constater que toujours l'exercice du droit de vote a
été lié- commecela devait être - Ala possessioneffective des actions.
Sans qu'il soit nécessaired'entrer ici dans de grands détails, il nous
suffira d'indiquer que l'exercice du droit de vote, dansla situation où se
trouvaient Barcelona Traction et ses filiales, dépendait évidemment des212 BARCELONA TRACTION

stilxilationi clc ï'ri~sr I)e?dsqiii trr's ii.etiirellcincnt réfl;iicnt les coii~li.
tioiii de I'aHccr:xtioir des ritris ?ila gJrantic ubli~~ti<iris.
Ces clauses étaient un petit peu compliquées, mais enfin je crois qii'on
peut les ramener à une distinction relativement simple. Dans certains cas

lorsque la garantie consistait simplement en ce que l'on appelle en droit
américain une floating charge, la garantie n'impliquait aucune déposses-
sion et, par conséquent, le propriétairedesactionsconservaitla possession
et exerçait le droit devote en vertu de celle-ci. Effectivement, danscette
hypothèse, nous voyons que c'est Barcelona, ou éventuellement l'une
de ses filiales - lorsqu'il s'agissait des titresd'une sous-filiale - quiexer-
çait le droit de vote par des porteurs de procuration ou, commecela arrive

souvent, par des prête-noms.
Dans d'autres cas, lorsque la garantie impliquait la dépossession du
propriétaire, lorsqu'il s'agissait de ce que I'on appelle en droit américain
une specificcharge ou une fixed charge, la situation au point de vue du
droit de vote était évidemment différente.
Certaines des actions soumises à ce régime se trouvaient déposées en
banque au nom de National Trust ou se trouvaient entre les mains de

National Trust ou encore enregistrées à son nom. Pour toutes ces actions,
National Trust exerçait le droit de vote par des porteurs de procuration
ou par des prête-noms.
Certaines actions étaient enfin enregistrées au nom de Barcelona et ce
avec l'accord du trustee, le trustee détenant d'autre part des certificats
endossés en blanc qui lui permettaient à chaque instant de demander
l'inscription des titres à son nom s'il le jugeait utile. Pour ces actions-là,

le droit de vote n'a jamais étéexercépar les porteurs de procurations ou
par lesprête-nomsdésignéspar Barcelona Traction qu'avec l'autorisation
èxpres& du trustee et suivait lesinstructions que ceiui-ci pouvait donner.
Dans tous ces cas, et c'est cela qui est la chose essentielle à retenir, I'on
constate que personne n'a jamaisprétendu exercer un droit de vote sans
êtreen oss session des actions. o. ~ ~s être nant~ ~'une nrocuration ou
d'iiiit :iiituri~ltioii 6iii:in~iit dii posit!iseur dc>action$. 2

Lt: C.vii\~criiviiientcipagnul, il? r-oiicSt;.. n 3 psi rciiiii i 61 ll~lir.bien
qu'il 1211 xrliriiiC,qii'uric 1~er~uiitic :lit].in1:41<pu ~xt:rcvr 1,:(lroit ,le \wtt:
triiie ,112 cii;:~rit(Ir la pt,i>c5sion ~lt:.tirrc.;. niCiiitiiihli.ir~~ct cii se coii-
tentnrit %runepo>sr.s,iun iictivr ou iniis :i\oir ot~tciiii riiuiii une ~>rocu-
ration ou une autorisation du Dossesseur.
Voilà quelle était la situation en ce qui concerne les actions des filiales
avant la faillite. Cette situation était tout à fait conforme aux principes
que j'ai cru devoir rappeler et il va de soi que la faillite ne pouvait pas

légalement modifier cette situation.
Les organes de la faillite n'avaient, en aucun cas, plus de droits que la
société elle-mêmeS .i les orrranes de la faillite voulaient exercer les droits

faire reconnaître leur aualité Dar les iuridictionscanadiennes et cous vous
?i>ii%.cncq ziir noiii .q\.~ii;iur ci. I)uinr. oiijuiir<l'liii:i iiutrc di;pssition,

grAr,: *u (ïoii\.crncniriit c+~x;iiol <I'.,illciiii, I'.L\.~adia .;qucitrc yrovi-
ioirc Iiii-rncnit<iiii ir<coiiiiu uii'ilciit'tait I~iiii .tiii-Il :iiiriiir di1uI,tciiir
tuut d':il)ord ~'~..~t.c~iixiduiri Il;h.cnxrirt:t I:iircniiiiiicci,iiii.,itr~.,:I tl~i:ilité
et il :ii~rxi~ tlii obtt:r~ir vn>uitt , ,le cm 111:rils :ji~rurit;,<~~itii~i~Ii:nnc~,
~iii'cllcîc~riluiirieiirniix b:~niiiiieridr'n.>sir.iirci-- dr'tciitt ur;iiiitrii~l: dc i
fitres- dedétenir désormak ces tities pour compte de la faillite. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN z13

Quant aux actions nominatives, ils auraient dû faire reconnaitre leurs
droits àl'endossement en leur nom descertificats, cequi leur aurait permis
de reauérirensuiteleur inscri~tion dans le ree-stre desactions nominatives
dcla ;ociéti..Et enfinde tout'enianiércil ne leiir ;tait pds permis. pas plus
Ir; droirs ;ir)n:trteii;<i13iiYari<~r~îi'irlrist. (Iroits rcculjclrrment ;iisnrdCs
à la Nation'il Trust en vertu du Trisi DE&. " ~~
Par conséquent, les organes de la faillite n'auraient pu prétendre
exercer le droit de vote relatif aux titres crevésd'une earantie imoliauant
la dépossessionau profit de la National frust, qu'ave~l'autorisat;onde la
National Trust ou, à défaut d'autorisation, movennant une reconnais-
sance judiciaire préalablede leurs droits par un iribunal canadien.
Voilà, tout d'abord, la situation telle qu'elle existait avant la faillite et,
ensuite,ce quiaurait dû normalement se passer siles organes de la faillite
avaient prétendu exercer d'une maniere réguliereles droits de vote atta-
ch~~-à t.-.s ces titres~
Quelle est I'attitude qu'adoptent respectivement, en présencede cette
situation. le tribunal de Reus tout d'abord. le Gouvernement es~aenol . -
ensuite?
Ce qui est frappant, c'est que l'attitude du tribunal et l'attitude du
Gouvernement es~ae.ol\.ont en oo~osi,i.n absolue l'une avec l'autre.
1.etribunal de IZeiis.Iiii,rit.'insurgr :iucuneinciit contre la curiseption.
dcvcnu~ classii]iie :iujourd'hui. clrs titres-\,aleurs. II lie Songepas irori-
tçjtcr ou'effccti\~cment les dr"it%sont incornorésdans les titr~s niais il
ilrcidi:.'~ceci est préciiénii:ritla d6ciaiorIO; hardie dont j'ai 1iarlCIiier.
ment au-deli de I'ocQn. nus m:iirisde tiers détcriteurs.titII(lécidede rJiisjer
outre aussi A I'obst:iclcrssultnnt dcidroits qui iippartieririent incon'resta-
I)larn~:ntila Sat.ionalTru~t. Et. pour passer outre. le iu~ese contente de
décréter.vous le'savez. Messieurs.de si seule autorité: oie les oreanes de
la faillite seront censé;êtreen des titres etAque,prvoie de
conséquence nécessaire, ilsauront qualité pour exercer les droits qui y
sont incormr&s.
Eii d'xitrc.':tcrinvi. 1,:jiidr:Ri:iii cri:?une fictioii, snn3qiir iicn le lui
permcttc. sans qu iiticiiiieJiipu-ition I6gnlcle Iiipernicttv et. nio!~iiiiant
ccttc fi<.rion.il cnjit nue 1coriricine dt. I'incori>or;<tidc5 flroits ii~iis Ir
titre va êtrerespect&et q;e, les organes de la faillite ont été
déclaréspar lui fictivement en possession ils pourront naturellement
exercer les droits attachés aux titres.
C'estlà, évidemment,comme je me suis efforcéde le montrer déjà pré-
cédemment, une violation flag~antedu droit espagnol, mais, en tout cas,
ce que I'onpeut dire, c'est que lejuge de Reus, lui,n'a nullement refuséde
considérerles actions des filiales comme des titres-valeurs au sens habi-
tuel de l'expression. Aii contraire, il juge implicitement, mais d'une ma-
nière certaine, que la possession des titres est indispensable pour l'exer-
cice des droits mais. sans aucune justification et au méprisde la loi espa-
gnole, ilsecontente d'une possessionfictive de ceque I'onpourrait appeler
session sans prise de possession. saisie sans saisie, d'une prise de pos-
Quant au Gouvernement espagnol,nous voyons dausla rocédureécrite
qu'il fait en somme table rase des motifs du tribunal de geus et qu'il va
s'efforcer de démontrer qu'au contraire les organes de la faillite étaient
investis de plein droit de l'exercice des droits d'actionnaire, comme de BARCELONA TRACTION
214
tous les autres droits de la société déclaré en faillite et ce, indépendam-
ment de toute possession matérielle, indépendamment de toute saisie
effectivedes titres eux-mêmes.
Par conséquent, c'est le Gouvernement espagnol qui écarte arbitraire-
ment la conception classique des titres-valeurs. Sile Gouvernement espa-
gnol croit que la décisiondu juge de Reus étaitinutile pour la raison que
je viens d'indiquer, il lui incombe naturellement d'enfaireladémonstra-
tion et de justifier comment, en droit espagnol, les organes de la faillite
pouvaient exercer le droit de vote attaché à des actions qu'ils ne déte-
naient pas, qui se trouvaient au Canada,qui setrouvaient en la possession
de tiers, aucun de ces tiers n'entendant détenir pour le comptede ces re-
présentants d'une faillite déclaréeen Espagne.
Comment le Gouvernement espagnol va-t-il s'efforcer de justifier cette
thèsequi est tout à fait différentede celle qui a étéconsacréepar le juge-
ment de Reus?
Son argumentation, chose assez étrange, se présente sous une forme
presque purement négativeet elletient, sije puis la résumerainsi, en trois
éléments.
Tout d'abord, le Gouvernement espagnol soutient que les actions de
société nesont pas de véritables titres-valeurs.
II prétend ensuite qu'en tout cas, et quoi qu'on décidesur le premier
point, la possession du titre n'est pas toujours une condition indispen-
sable pour l'exercice des droits.
Et enfin, en dernier lieu, et c'est le seul élémentpositif, il invoque à
l'appui de sa thèse un arrêtdu Tribunal suprêmequi, à l'entendre, se
serait prononcédans ce sens.
Avec la permission de la Cour, je vais examiner successivement ces
trois prétentions.
Le Gouvernement espagnol s'efforcetout d'abord de $montrer que la
notion de titres-valeurs n'est pas, dans l'ordre juridique espagnol, une
catégorielégaletypique avec un régimeuniforme et il s'efforced'établir
qu'en particulier les actions d'une société anonyme sontdes titres-valeurs
sui generis, ayant des caractères propres.
Mais, Messieurs,les opinions doctrinales citées à ce sujet dans l'annexe
no 89 de la duplique (A.D., vol. II) ne conduisent nullement à la conclu-
sion que le Gouvernement espagnol veut en tirer.
Ce qui ressort de ces opinions doctrinales c'est uniquement, ce qui est
certain d'ailleurs, qu'il n'y a pas dans la loi espagnole,pas plus d'ailleurs
que dans la loi française, ni dans la loi belge, une théoriegénéraleau sujet
des titres-valeurs. C'est la une conce~tiondoctrinaleetdessituationsde ce
genre sont frL:,lii?it...la Coiir lei.~;teii dr~iit1x5 ;ictiuna d'une soci;tf
:iiion).m.?rie r$uiiiiscrit1x.s tout<> Ici caractL:iistiquis du titre-val,.iir
p:irf aitIVtitrc-\snlt:iIJIIi;<it,iiivani Iesaui<:~ir~,c'~:~tl<'ttriIt~l~iiii#t:
qui lr2st:ntc ;III ~I~X~IIIUICIcarncti.rc <l'untitre dont on pi-iitdire qti1,-5
droits !. ;oiit iiicorpor:.\l:tien ~oiirisi, cc qui ést certain, c'est que Io
actioiis rlc ioci6t;. iiois~.le1;icnrnit6ri;tiiiiic ciscnticllcdc: titr~s-v;i-
leurs, à savoir qÛe leur possession matéRe11eest indispensable pour
l'exercice du droit.
Et cela,le Gouvernement espagnol ne peut pas le contester car c'est ce
qu'a décidé, à plusieurs reprises, le Tribunal suprême, ainsique nous
l'avons déjàindiquédans notre réplique (V,p. 414)J. e me réfAre,en par-
ticulier,à un arrêtdu Tnbunal suprêmedu 5 juin 1945 dans lequel nous
lisons: PLAIDOIRIE DE DI. VAN RYN z15

iidans les sociétésanonymes, le titre représentatif des actions au
porteur est le document adéquat pour faire valoir les droitsd'action-
naire et pour les transmettre à autrui; l'exercice de ces droits est lié
à Lapossession du titre in.

IIn'y arienlàde bien nouveau. C'estcequel'on admet partout. II n'y a
rien de surprenant à voir le Tribunal suprêmese prononcer en ce sens.
Un autrearrêt, quelque peu postérieur, au 30 janvier 1947 (Rev. leg. y
Jur., 2' série,t. XVII, p. 350 et suiv.). démantre mêmeque, contraire-
ment à ceque la duplique affirmedans l'annexe laquelle je me suis réfhré
tout à l'heure 1A.D..vol. II. no80,,.il existe dans la iuris~riidence et dans
litdo<:trinzeihgrioks. sinon dans 13loi &rite. uiiç thcorle gériér.et des
notions trls 11rcci;c;~iiinritails titres lu portetir. iiotioris et tliiorie qui
corresmndeit à ce au; est admis dans la . .~art des svstèmes iuridiauës.
Cet :t;r~t, ~les~icur;. est loiigucment motiv6, il est t;és c1air:il est'tr&s
frappant. et ilrnarqiic une 3<lhésionsiirisr6;i:rvcdu 'Tribunalsupr2me aux
idéëi oue i'ai l'honneur de dévelo~oerdevant vous.
Je me Grmets d'en lire quelquéSextraits parce que je crois que c'est
un arrêt qui mérite une attention toute particulière.
.Consi,lL'r:intque dnris I'csamen dc ic tltèiii~il est nbczss3irc de
partir dc la prL'misscqu'en mntiire 11~titres dc commcrce compri;
ioiisI:iruhriiiiie ~'iiidr:iIcde <iocuiiierits.(le crt:diti. i.;ilcurs ct ~ifets
ou iiires-valeurs, le droit in1il:rc;IItitri. se trouve intimcmrnt liL'
au documcnt qui 1ç conjtiite et cettr liaison [le mot espagnol est
Irubardn] du droit et du document acquiert un degre maximum en
préîciiced,: \,;ilcurs ct effets au porteur. coinrne ceux qui font I'objct
dii litige, dan; It.si]ut.ljI'incurpuration <ludroit ?IIdoctiriient produit
pratiquement la subordination de iclui-là icclui-ci dc telle sorte <lue
13siiiiple ~)osses;iondu dociinicnt 16gitimc.I'ex~.rcicedu droit et sa
tr;tns.mission,cunRrent mêineuri caract>rc d'nirre\rendicnt,ilité u au
titre ou cffct n6gociécn Boursc. AI'intcrv~.iitiond'un agent ou d'lin
riot~irt:ou d'iiri courtier, et qucotiunrio IIn'j.n pas de possib'lit&
d'excrccr le droit s:ins lpossession du <locument,ainsi qii'il résiilte
de la nature propre du titre au porteur, lequel matériafise le droit
d'une manière indépendante du sujet et ainsi ue cela résulte aussi
destermesdans lesquelssont conçuslesnuméros euxièmeettroisième
deI'article545 duCodedecommerce, plusadéquats mêmeque ceux de
l'article 464 du Code civil, et ceci indubitablement parce qu'il est
nécessairede conférer àla circulation des titresde créditla souplesse
maximum exigéepar le trafic commercial, ce qui a conduit le légis-
lateur àétablirune presomption énergiquede propriétéen faveur du
possesseur, le libérantde toute autre preuve pour imposer la charge
de la preuve & qui se considéreraitvéritable propriétaire,renversant
ainsi la regle généralesur l'onrrs.probandi.n (P. 362-363.)

Maisvoilà, Messieurs.une théorie complètedes titres-valeurs, la consé-
cration toticAfait formellcdc ceque jevoiiscxpoj;~iitout il'heure. c'cst-
3-(lire Icdénientii ce qus pl:iide au]our<l'iiuli Gou!~ernenicntt:sp:igiiol.
Coriicit.iit ~iroI~:il~ltrnendI:if:iiblcssde 3.1position à cet 6g:ird. le
Gouvernement es~ae.ol<.at ~rudemment en retraite sur le orincbe et il
soutient, c'est 1,:second blémentJe sa di.iiionstratiun. quc si iionnnicmznt
In po,icj~ion (lu docuni~.ntest unc cwiditinn siiffis.~iite,nc:,nmoins. Jans216 BARCELONA TRACTION
certainscas, on peut admettre l'exercice des droits sans qu'il faille justi-
fierdelapossessionphvsiaueou matérielle destitres. Et tout cas. dit-il. on

peut se Contenter dune oss ses siéd iate, comme par exemple celle'du
propriétaire des actions déposéesentre les mains d'un banquier qui les
détient alors pour compte de ce propriétaire. Dans cette dernière hypo-
these, je crois l'avoir montré à la Cour tout à l'heure, l'on ne s'écarte en
rien du principe; il est évident que dans ce cas, comme dans la possession
médiate, que, sans le titre, on ne peut pas exercer les droitsattachés à ce
titre.
Ceci dit, il est exact que dans certaines hypotheses, tout à fait excep-
tionnelles, on pourra se prévaloir des droits attachés au titre sans avoir
letitre,par exemple si le titre est perdu ou si le titre est volé. Letitulaire,
celui qui démontre qu'il a été titulaire, mais que le document a été perdu
par lui ou qu'il a été volé, celui-làpourra obtenir des duplicata et, lors-
au'il aura obtenu les duvlicata. la situation normale sera réta~~ie: il
poiirr;~çucrccr IV, ~iroiti ;le vote ;itt:<chéi:IIIritrr niriai rcioiisrituCCc

soiit la tics cas t~k<:çptionri~l~~,ustilii., p1r di:; r;iiioii? E\.iil~nt,:ICÏ-r
quc.llcsjr iii\.oudr.îi\ iiiirne pas iiijisi~.r,rniiii qui i(~iiir;tocit.nngrlit
rien ;IIIpriiicipc.Cc; ;itii:itii,ft,iig;~iCr.ilrinciit I'<il>iie diqwjirioni
l?jialcs t-xiir~%irCIIIIurLcis~~iii~~dnit.icrinin~:iir <iLtn;f~uc!llejcondi~iuiij I..I
reconstitütion du ^titreperdu ou volépourra avoir lieu.
Quant au fait que la possession peut êtremédiate, comme dans le cas
du banquier dépositaire, il est, je le disais il y a un instant, tout à fait
indifférent. Celui au; dévoseses actions dans une banane le fait Darce au'il

incorporéau titre. Cette pratique du dépôt en banque et de la délivrance
par la banque de billets d'assistance a un but de sim~lificatiou. elle
disriense l'actionnaire de i'oblieation nui serait vraiment irès eênante en

pritique pour lui d'emporteruses tit;es pour les présenter lui-même à
l'assembléeet de justifier de sa qualité. Mais il n'en reste pas moins que
seul le possesseur des actions, qui les a déposéesen banque, peut se f&re
délivrer une tarieta de asistettcia par la banque qui détient les actions,
document qui lui permettra d'exercer le droit de vote attaché aux titres
dont il est possesseur.

nominatifs comme les titres au porteur sont soumis au régimegénéraldes
titres négociables, ce sont aussi des titres qui présentent la caractéris-
tique que les droits y sont incorporés: la seule différence c'est que la
possession matérielle est remrilacée.mais avec le mêmecaractèrede néces-
sir;: t.onitiit, concli~i~lt1 t'scrcic,<IL Iroit, p:ir~iiitiiiscripii~,cl;iii<IL,
rcoiîrrc .Jt::i<.tion>iioiiiinativrs iii-criptioii .lt~t.iti:i I>,,riin ct,r1.2ii.gt.
sciilr diff;rciirr c'ci1 (III<l.'on ilir;i ccttciiiic,cul ci.lii{iiie't insirit

peut exercer les droitsattachés aux titres et obtenir un certihcat. Il s'agit
donc d'une différencenon pas de nature, mais d'une différencepurement
technique. Nous nous sommes d'ailleurs longuement expliqués à ce sujet
dans les écritures et il est donc superflu que je m'y étende davantage (R.,
V ar. 555).
'!en arrive maintenant. Messieurs. au troisièmeélémentde la démons-
tration tentée par le ~ou"ernement espagnol et qui est basé uniquement
sur une décisionrendue par le Tribunal suprêmedu 17 avril 1917 dont le PLAlDOlRlE DE M. VAN RYN 2x7
Gou\,ernement espagnol fait grand état II s'agit d'une décision isolée,
d'une d6cision justifiéepar des circonstnnces dc fait trésparticuliéres.que
i'exooserai dans auelques instants à la Cour. et qui surtout n'a pas-du
ioiii la ~i~iiiticatiàii le Cuuvernement cspagrihl prétend lui (ioririer.
II suffit polir s'en reiidre compte de lire attt:ritiveinent. mais c'est rn:il-
Iieiirriiicment fort long, le texte dr cette Jccision (r\.lt., vol. II, no <)8,.
Ji.ii? vais pas infliger à la Coiir cettr Iccturc. Jc crois poii\,uir riiccuii-

telit%-rd'un résiiiiiéque je f~.raiaussi ohjcrtivrmcnt que je le puis, al>rPs
avoir moi-même,je puisen assurer la Cour, examinéle texte à la loupe.
Le Tribunal suprêmesouligne que I'on se trouve dans cette espèceen
présenced'un débiteurde mauvaise foi qui s'efforçait, avec la complicité
de la société,de faireéchapper à sescréanciersles actions de cette société
dont il étaitpropriétaire. II s'agit donc d'un débiteurde mauvaise foi qui
veut frauder ses créanciers. II est actionnaire d'une société. ila des ac-
tions et, avecla complicitéde la société,il va s'efforcerde faire échapper
-~s a-tions aux cré~nc~ersaui s'efforcent de mett~e l~ ~ ~ri dessus. Vous
\.oyez immi~rli;itcintr~q tue. comme je lc dis:iii. il >';igitd'un cas 116sparti-
culicr. Quelle <.taitII sitiintioii en fait? Le; titre; d6tiiiitifdk cetle sosiiti
n..i\..t:iit pas encors 616dC:Ii\.rép s:ir rllct i cc nioment. nv:iiit doricqiir
les titrci <I<;finitif!l';lient dclivrr's, 1,:crr'aii~irrcommcnce une pro-
c;<liirï il'cuéciitioiiet pr:itiqii, siisic sur Icsdroit; d'nttrihutiuii dcs titrcs
;ipp;irtenaiit ison rlChiteur. 1l;iii. jc rie puis assez y insister. 1t.s:iciions
n'.tv.,ieiir pas cnLore Ztç ~iniscs.l'.ir c~iij~~q~~eiu it, ne pou\.nit pas s~isir
le; actims - uii ::ai.-itleJroit idei actiorii.\I:il~ri i:ettc jaisie oui 11ort:iit
non passur desactionsinexistantes, maissurunxroit à de futur& actions,
la sociétéprétend avoir remis les titres définitifsqu'elle a émisentre-
temps à d'autres personnes dont elle refuse de révélerl'identité, de quoi
apparaît, de toute évidence,sa complicitéavec I'actioiinaire, et I'oncon-
çoit fort bien que tout cela a étéregardépar les juges avec bien peu de
sympathie. Le créancierqui était entre-temps devenu adjudicataire sur
saisie de la participation de son débiteur dans la société assignealors la
sociétépour obtenir que les titres que la sociétéavait ainsi délivrés à des
tiers prétendument inconnus soient déclarésannuléset pour que la so-
ciété soit condamnée àdélivrerdesduplicata de cestitres au créancieren
sa qualité d'adjudicataire. 11a obtenu gain de cause.
On se demande, Messieurs, ce que le Gouvernement espagnol croit
~ou\~oirdéduirede cette décision. Comment eut-on déduirede cette dé-
>isionqii'ileit permi; d'cxc.rc<:I rf-.droits :iit;;(.li!<(les:i~tiorisde soci;ti
s;iiiî .ippr6hçnsioii in:itCricllc,sJn' possci;ioii rnntCiii.lli.d,: ceux-ci?
Ce@Ïicaractérisele cas tranché par cet arrêt,c'est précisémentque,
lors du début de la procédurede saisie, la participation du débiteur était

représentéenon pas par des actions définitives,mais par des récépissés
provisoires donnant droit à la délivrance ultérieured'actions. Sur ces
récépissés provisoires la saisie avait porté, mais non pas sur les actions
qui n'existaient pas encore. C'est pour faire échec à cette saisie que la
sociétéurétendait avoir ensuite crééet délivréles actions. d'ailleurs dans
des coiiditi(~ni:issez douteusej, pi~~~qi~'elrle ~f'iij~it tl'iniliqiier les tiers
aiixquel, cllc :iiir;iiprctendiiiiient dr'livréles titres qi1.ire\~cnnienti,cc
débiteiir. 1.aCour a\.ait coniidér; uuc le JGbitcur. en devit de cette deli-
vrance manifestement faite en frhdant les droits des 'créanciers:était
resté propriétairede ces actions, qu'ilcontinuait à y avoir droit puisqu'il
ne justifiait pas qu'il les avait transmises d'une façon réguliereàun t~ers.
Et c'estainsi que, tr&snormalement, la courd'appel d'abord, avec I'appro-218 BARCELONA TRACTION

bation du Tribunal suprêmeensuite, a décidéquecette propriétédemeu-
réedans le chefdu débiteur avait pu valablement êtretransmise à l'adju-
dicataire par l'effetde la saisie. Cette décision,vousl'entendez, Messieurs,
n'avait nuilement pour portéede permettre aux adjudicataires d'exercer
ceux-ci, indEpciidnmmeiit de toiitr':ipprt!liïnsiun rn:itériclfedc ceux-ci.de
Xii cuiitr;iirc. le but cti~itdo ~~crmcttrcaux ndjudicat?irc's. aux crCi.i~ici~-rî
adiu,licnt;iirc, siir slisie d'obtenir des diii,li<;lt;idtaititrzs i,iIçît1C.l~i-
teÜrrefusait de les re~résenteretaue ~eÎsonne ne ~ouvaiîsavÔir où ils se
trou\~aiciit. Et c'est gricc Aci.; ilii~>lis:~ui ~ll~ientêtrecIClivr6squ'en-
suite l'ad~udic:itairc :illait pou\.oir txcrcer Ics droits att:icliEs ;tus titres
dont il était reconnu ~ro~zétaire.
Si, ail contr;iird. I'cniplacemeiit des titrc; :iv;tit étEsoiiriu. si 1.1io<:ii.tc'
II....it p:is adopté cette :ittitiidc singuli2rc. sujpccte, nmbi~wç..consis.
tniit i dire: . J'ai déli\~CIcs tities .ipp;lrt~iiant votre clCl,iteii;i dcs
personnes dont )c ne \,oui révèlepas le iioiii n,si, au contrnirï. oriii\';iitsii
oiiSC truuv:iicnt It,titrcs.:Iqui iIsa\,aii.rit ;tédélivrés.oriaurait1111iaiiir
les titres matériellement, on aurait pu les revendiquer directement et,
naturellement, dans ce cas il n'y aurait eu aucune nécessitéde créerdes
duplicata.
En d'autres termes, on se trouve en présenced'une espèce trèsparticu-
lièrequi a une analogie évidente avec le cas du titre perdu ou volé.C:est
unesituationun peu plus compliquée,mais qui ressemble icelle du titre
perdu ou volé oùil est aussi néce~~a~rede se faire délivrer un duolicata.
l'nr conséquent,cet arrét que I'uiipciit, ILcrois, iluiilifier inclisi:ut:ihl<-
nient d'arrit d'espkcc.ne j'i.carte iiullcment de la jurispriidcncr. constante
du Trihun;il suprêmcen matiixc rie titrcs-v;ileurs. II nï riiCconiiaitnulle-
ment I'idécque les droits sont incorporGsdans les titres, au contr;iirr. il
rrcoriri;iit irnpliciteinënt la n~!cesjitL\d'avoir les titres pour exercer lcs
droit.; ~uisoueI'obiet csseiitiel dela décisiondont ilaixit A ionriitirrr Ctait
la déliGrancedediplkata au créancierqui prétendait êtrele titulairedes
actions.
Par conséquent, je ne crois vraiment pas que l'on puisse trouver quel-
que argument que ce soit dans cet arrêt; cet arrêt ne s'écartenullement
de la ligne généralede la jurisprudence, jurisprudence dont vous avez
entendu avec quelle clartéet quelle fermeté elle s'affirme dans les deux
arrêtspostérieurs que j'ai cités: celui du 5 juin 1945 (R. ,, p. 414) et
celui du 30 janvier 1947 (supra p..215).
Mais, Messieurs, le Gouvernement espagnol ne se contente pas d'invo-
quer cet arrêten lui donnant une portée qu'il n'a certainement pas. Il
montrémoi-même,qu'il s'agissait en l'espèced'un débiteur de mauvaiseeje ],'ai
foi. Et leGouvernement espagnol enchaine aussitat et dedire: «Maisc'est
tout à fait comme dans le cas de la Barcelona Traction, c'est exactement
la mêmechose u,et l'on consacre de nombreuses pages de la duplique à
dire que la Barcelona Traction, elle aussi, est une debitrice de mauvaise
foi.
N'osant tout de mêmepas aller jusqu'à accuser la BarceIoria Traction
d'avoir elle aussi Kcaché n ses biens, car enfin, les biens de la Barcelona
Traction, tout le monde sait où ils sont; ces biens, c'est le portefeuilledes
actions des filialeset ilestau Canada. N'osant pas aller iusque-li. le Gou-
vernement espagnol répète cependant i de kultiplei r&mises que la
Barcelona Traction a «soustrait »ses biens - je citetextuellement - nen PLAIDOIRIEDE M. VAN RYN 219

refusant de les remettren aux organes de la faillite, ou encore en les
adétournant n.
Il est toujours facile de lancer de telles accusations, encore faut-il les
justifier. Et quand il s'agit de justifier tout cela, nous ne trouvons que
l'invocation d'un cprincipe,,, un principe que l'on affirme cévident et
universel iià savoir que «le faillia le devoir de remettre à la masse tous
[les biens dont il est propriétaire] ii.
Certes, le Gouvernement espagnol doit ajouter que ce principe qu'il
ap..lle ((évident et universeln n'est Das formulé Dar l'ordre iuridiaue
esplgiiol, iii:~is,dit13duplirliie. c'est parce que ce ii'e,t y.1~n6ccs;airc. i.
'Toutcela, .\lcssi~i1rs\.OIISI'crit~i~~leet vous Ici<>iiipr<,ri<ii,i/iiiiidi:<te-
ment, est assurément bien singulier.
Si l'ordre juridique espagnol rie forniule pas explicitement ce principe,
c'est pour la raison fort simple que ce principe n'existe pas. Le droit espa-
gnol, il est vrai, oblige les organes de la faillità saisir (ocu ar) les biens
du failli, seslivres et sespapiers; maisle droit espagnoln'ob ge nullement
le débiteur à les leur remettre. La seule obligation du débiteur est de les
tenir à la disposition des organes de la faillite.
S'il manque à cette obligation, il pourra êtredéclaréfailli frauduleux.
par application de l'article 890 du code de commerce. Mais la loi ne
l'obli-. Das à prendre les devants et à rendre l'initiative lui-mêmed'aller
reiiiettrc. lei bicns eI:Ipochcssiondcs urg;iri< di: l:f;iillite. IIiic pciit pas
!.avoir le iiioir.ilr~.iloutc3.cet égardcri pr;'scnccdu tc~te0e 1':irticle1048
dii cod? de commerce i1c rSz9 Sous lisons &in, cette disposition quc

i lc cuiiiii.iji;iirc, nvcc I'assistnnc(liidepositairc, polirrd exariiiner
;is:i voloiit&,tous les livre; ct papiers ds I;hilliti..;:gilt..iet1ri:rdu
bureau. pour y rcl<:i.cIrsiiidic;itl<~ijt riotes iiCccsiaircs5 1'~~sercIse
dcs ;i~.tivitbsqui lui sont conliCes ).

Ainsi, loin de contenir un principe implicite obligeant le failli à remettre
d'initiative tous ses biens aux organes de la faillite, le droit espagnol
énonceun principe tout i1fait opposé:ce sont les organes de faillite-qui
ont le devoir de prendre possession des biens du failli, le seul devoir du
failli étant de ne pas les soustraire, cela va de soi, à l'action des organes
de la faillite.
Par conséquent,qu'on ne vienne pas reprocher à la Barcelona Traction
de ne pas avoir remis spontanément ses titres d'actions et d'obligations
aux organes de la faillite espagnols, titres qui sont au Canada, titres qui
ne sont pas soumis à la juridiction destribunaux espagnols, qui nesont pas
soumis à l'action des organes de faillite aussi longtemps que le jugement
n'a pas étéexequaturé et que les pouvoirs que prétendent exercer les
oreanes de la failliten'ont Dasétéreconnus Darla iuridiction canadienne.
~iyres, enfin, qui étaient affectéscn gage dans les'conditions que la Cour
connaît et dont certains étaient détenus pour cette raison par National
Trust.
C'étaitaux organes de la faillite qu'il incombait de se faire remettre
éventuellement la possession de ces titres au Canada; si aucune tentative
ne fut faite Pour in b rendre oss sessionDar les voies Iéeales.c'est sans
aucun doiitrl~src<iqu<:les orgiiiei de la faillite sav:iiciit bieri <;lieces tcn-
tatives se seraient lieurtées A Jts refus et i un Cchec
Mais comment imaginer qu'on prétende nous rendre responsables de
cette situation? Comment est-il concevable qu'on nous présente comme220 BARCELONA TRACTION

un débiteur de mauvaise foi, comparable à celui dont le cas a fait l'objet
de cet arrêtdu Tribunal suprêmede 1g17?
Le Gouvernement espagnol fait encore valoir un autre argument en
faveur desa thèsequi consiste à dire que les droits de la Barcelona Trac-
tion sur ses filiales.les droits attachésaux actions des filiales.auraient~ ~ ~ ~ ~
saisis indépendamment de la possession des titres.
Le Gouvernement espagnol se fonde à cet égardsurcertaines décisions
judiciaires rendues dans-d'autres pays dans-des litiges compl6tement
différents, des litiges relatifs à la validité de la confiscation ou de la na-
tionalisation de droits appartenant à des actionnaires.
Le Gouvernement es agnol prétend voir une analogie, ce qui est assez
choquant, entre la déciaration de faillite d'une part et d'autre part la
confiscation ou l'expropriation, par voie d'autorité. des droits d'action-
naires. Cette analoei~.n'existe évidemment Das.Le fait aue la failliteest~~~~--~ ~
principalem~.nt une pruc~,<lure<l'cxisution nc pcriiiet p:is d':iRiinier son
;iri;ilo&ieavec uiie procL'dursdc con~i~cationou de nxionalisltion.
En cffet. contrsircinciit au c:is où lçs actions cl'uiic.suciet;: foiit I'u,~ict
d'une mesure de cuiifi~cationoii <leii;ition;ilis;itioii.dsiis ILc.as de f;iillitc.
ilne s'opéref\~idcinriii:iit;tiiciiii,-riiodilication d:trisla n;itiirc dcs dr~iit;di.
l'actionnaire iiidu rl'cime interne dc la sociét;. Les orcanes de In faillitc
n'ont pas plus de drGits que le failli lui-même.Rien n'est changé à ces
droits, ils restent ce qu'ils étaient.
Lorsau'elle se ~roduit au contraire Dar voie d'autorité. mesure de con-
fiscatioRou denationalisation, il en va naturellement tou'tautrement.
En cas de faillite, l'action saisie par les organes de la faillite, considérée
comme un bien meuble. seravendue en vente oubliaue. l'adiudicataire
de\.iendrn actionnigire avec Its inCiiieîdroits que ceux qiii appartenaient
au dfbitcur. II poiirra Itrsrxrrcrr eii respectaiit les nihnies conditions quc
celles que Icd$bitcur 6t;iit tenii de respecter, notniiimcnt en prL'scntantIc
titre; ilpoiirra traiisfertr \.alableiiierit les actiuiis par lsi ni pl.cmisr du
titre, tout comme led&tiit<iii riv:intI:if;iillite p~uv;ii1,f:iirc. En un mot,
le droit qu'il acquiert est soumis exactement'aux mêmesconditions qui
celui qui appartenait au débiteuravantla faillite.
Mais il eu va tout autrement, cela tombe sous le sens, lorsque 1'Etat
dont la législationrégitla société décide de s'approprier par une dispo-

sition spécialeet expresse tous les droits ou une partiedes droits qui ap-
partenaient jusque-là aux actionnaires. Il arrive que I'Etat dont la Iégis-
lation régit la sociétéordonne ainsi que ces droits lui appartiendront
désormaisindépendamment de la possession de ces titres.
II s'agit d'une mesure de nature tout à fait différente.En pareil cas, on
voit I'Etat dont la législation régit la sociétéintervenir dans la vie
intérieure de la société;il décrkteque dorénavant l'exercice des droits
d'associéne sera plus lié à la détention du titre, mais que ces droits lui
appartiendront exclusivement à lui, Etat.
Il est évident que seul 1'Etat dont la législationrégit lasociétéest com-
pétent pour prendre une mesure aussi grave qui bouleverse aussi profon-
dément le régimedes actions de société.
II est non moins évident qu'une telle mesure suppose nécessairement
l'intervention du législateuret qu'ou ne peut pas imaginer un seul instant
qu'un juge prenne une telle mesure en l'absence d'une disposition légale
qui luien donne le pouvoir.
Ainsi, le juge qui prononce la faillite d'un débiteur propriétaire d'ac-
tions d'une sociétén'a évidemment aucun pouvoir pour faire ce que le PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 221

Gouvernement espagnol invoque, pour procéder à ce que je pourrais
a~~eler une adésincorvorationii des actions, une séparation des droits
d';ne part etdu titre d'autre part.
Ce que le juge ne pourrait pas faire à l'égard des actions d'une société
nationale, à fortiori, ne pourrait-il le faire s'il.prétendait atteindre ainsi
des sociétésétraneères.
Je crois pouvoir conclure de toutxela qu'en permettant l'exercice en

Es~agne des droits attachés aux actions des sociétésauxiliaires de droit
c~i;n~lit.i- Ebro i~ir?loiii.iit c:t1ritern~tion;il Utilities - cr rn isnglol~ÿnt
crî droit, d;cii; 1.1ninhsc fi~illiiir I;I H:iic<li~ii.iTrnctioii, alori ~cy~,nclant
que lei orgxici IIC litf<iillitcii':,v?icnt (Icm;iii(lz,ni:Ifurriori i>l)ri.iitIin,-
cription LI^ Iqiir cIiialit; rlnns Icj rcgijrrcs il'nctioni (1,.,:es soci>rc;, eii
;igii;ant :~iii;i <.npcrinitr.~nt I'<.i,rt:iri.Ji . droit; dms ct aao:i;tF, han,
avoir ~YIIIX~IJ nCi ot>rt.t~1i:if~ornialit6~s.;cnri~Il(.Jv l'ins<ril>tiun ~,III,Ir,

Seuls les tribunaux canadiensauraient pu, éventuellement surdemande
dcs org.inc.>dc I:tf.iillir,., ordoiiner I'iii;iriptir,i;Iti titr,:s LU num dth
org~il~i<IrI:Ii.41lliti.d:mj IV,rrgi,tit.; ioii,iiix. Et <.IIv~rtu JU clroit C:~II:I-
Jicn ~IIIIr>zi>.<aiti~tdis~~it~~l~l~i~~ ct:~it t:i&ti.;,cvitc ins;ri~>tiuii,:r.!irla
condiiion ;ne qua non pour que Von pût exercer les droitsattachésaux
titres.
Par conséquentla décisiontelle que l'interprète le Gouvernement espa-
gnol est une décisiontout aussi illégaleque la véritable décision prisepar
le juge de Reus. Car, Messieurs, je dois le rappeler, il y a deux plans à

distinguer. J'ai montré hier ce qu'avait vraiment décidé lejuge de Reus;
c'est très simple, il n'a pas du tout discuté, ni mis en doute, la théorie de
l'incorporation des droits dans les titres, il l'a implicitement admise, mais
il a décidé: « Te vous donne, à vous organes de la faillite. la os session
fictive des titres et par conséquent vous iouvez exercer les droi& attachés
à ces titres. 1,C'était très simple.
L'autre plan, c'est celui où se place le Gouvernement espagnol; il est
beaucoup plus compliqué, il préte au juge de Reus une décisionqu'il n'a
pas rendue. Le Gouvernement espagnol prétend que le juge de Reus

aurait pu dire que les organes de la faillite exerceraient désormais les
droits attachés aux titres.sans avoir la oss sessio~ ~ ~es titres
i:t.rr,iI;ii..i<ii'IIIiiri;iqiuc IV(.<iiivi-rn;iiiciit ,%sp~gn,l+rr.,ir iùiitr;iirv.
inili-~.iit.ililriiit~~.~iis di~puîitioni li~.,lrs IIIIVlc 111g.vtiurtiir (1" 3ppli-
qiicr. Et 11vn cit nii.mc.pour Irs nctioii; clri juiii't<:s .iiisiliairJc diuit
i?pîh'iiol. b:n \.ertii du droit csp,igiii,l qui leur ;t:iit ;ipplirnhlc, Ici droits
quc Ics riun. ,II.ici su~ii)r>~ urit conicrCj iir IN>II~.:+~UICtr~LXC~$.s I:lis
la possession matérielle des titres qui les consistaient.
Certes, lorsqu'il s'agit des sociétésde droit espagnol, la loi espagnole

aurait pu, comme cela est arrivé dans d'autres pays, désincorporer les
droits des titres et attribuer les droits. Dar une dis~osition exDresse. à
Juan March par exemple. On se serait albrs trouvé devant une Situation
claire et nette, mais qui sans nul doute aurait autorisé les actionnaires
étrangers dépossédés a réclamer une indemnité corres~ondant au oré-
j1rt1it.cqui I~,ur,iiir;iit .tC.c..gii.;p<et :<t.t(IV I'Et.it< sp.igiiol.
\lai> vairs .s:g\.tilti,tout cvla n',~rit>ri i \,*?Iavc(: l:>r6:aliti,CC n'vît p.^,
du tout 311151i111'011 ptro;r:Ji Ici i~i~türitisc~}~,lgnuIsl :\ illieun lnomenr il
n',i ti. question, pour lcj sociir;~ fili;,l~sJc ilroit cipagnol. (le ~>ri,cr'drr i

ccttt (Ié~iii<.~>rlii>r:itioi~i~(Iri~itdont sr prévaut leGouvrriir.riierit cs{>;igiiol222 BARCELONA TRACTION

aujourd'hui. C'est le juge de la faillite qui seul a statué dans le sens que
nous avons vu.
En réalité,le juge de Reus n'a pas pris les décisions illégalesque le
Gouvernement espagnol lui prête aujourd'hui, que le Gouvernement
espagnol soutient que ce juge aurait pu prendre et qui auraient abouti
pratiquement au mêmerésultat. II n'a pas fait cela. Il n'a pas, comme le
Gouvernement espagnol tente de le faire, méconnu le principe de l'incor-
poration du droit au titre, qui est reconnu par le Tribunal suprême en
Espagne, mais il en a faussél'application. Il en a faussél'application par
ceprocédérudimentaire qui consistait àconférer illégalementaux organes

de la faillite une possession purement fictive, dont ces organes allaient
immédiatement se prévaloir pour s'érigeren assembléegénéraleet, à ce
titre. nrendre toutes les déci-~~~--ouhaitées DLr T.,u March.
~a;ces explications, au sujet des moyens de défensedéveloppéspar le
Gouvernement espacnol dans les écritures, i'ai enfinterminé, Messieurs,
l'examen du troisit&e erief au'~~-~~ avons ianeé "ans la deuxième caté-
gorie: les actes arbitraires. Il me restera maintenant pour en
terminer, àexaminer dans le troisième et dernier chapitre de mon exposé
ceque lejuge de Reus a appelé Nles mesures de normalisation des filialesn,
et cette opérationnon moins extraordinaire dont j'ai déjàeu l'occasionde
vous parler, l'émissionde ce quenous appelons les rfauxtitres ».

L'audience, suspendue à II h zo, estreprise à II h 40
Je voudrais en premier lieu répondre à la question qui nous a étéposée
tout à l'heure par M. le juge Jessup.

M. Arthur Pattillo, Q.C., membre du barreau d'Ontario, figure parmi
les conseils du Gouvernement belge ainsi que la Cour pourra s'en assurer
en consultant la listequi figure en têtedes comptes rendus des audiences.
M. Pattillo, lorsque lui a étésoumise la consultation du professeur
Briggs, nous a naturellement donnéson avis par écrit.Nous n'avons ce-
pendant pas jugé nécessairedeproduire cet avis que je me suis efforcéde
résumerd'une manièretrès complète dans mon propre exposé; mais il va
de soi que l'avis écrit que nous a donné M. Pattillo n'a aucun caractere
confidentiel et nous en déposeronsla copie au Greffede la Cour, l'original
se trouvant à Bruxelles. Et, si nos estimés contradicteurs n'y font pas
d'objection, ce document pourra éventuellement constituer le nouveau
document no 17.
Le PRPSIDENT :a Cour donnera à ces points la suite prévue au
Règlement et attendra la réponsede M. l'agent du Gouvernement espa-
enol.
u
M. VAN RYN: Il me reste à faire connaître à la Cour ou plus exacte-
ment à lui rappeler quel est l'usage qui a étéfait par les organes de la
faillite de cette possessionfictive destitresdes filiales que le juge de Reus
leur avait conféréedans les conditions que la Cour connaît.
Cet usage a étéentièrement conforme aux désirsde Juan March, ce
qui montre quevraiment cette possessionfictive étaitutile,contrairement
à ce que soutient aujourd'hui le Gouvernement espagnol. Et dans,cet
usage nous allons voir se commettre de nouvelles et flagrantes illégalités.
Le but essentielpoursuivi par les organes de la faillite est tout d'abord
de faire échecaux recoursexercéspar 1'Ebrocontre les mesnresillégi~imes
frappant les biens de cette société.C'est ensuite d'&carterles administra-
teurs des filiales et de les remplacer par des hommes dévoués à Juan PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 223

\I:irch. C'cstciifiict îurtoiit - j'cn ai cupligu&les raisons ?ila Cour - dc
iiiettrcà 13diipositiuii du groupe \liircIi de IIUII~~CJIItitres des soii>t;i
filiales rem*.acant ceux sur le<auels on n'a Das . .U mettre la main. uui.
st:roiit f:iliriquAdc ti>utcspiC:e, s:~iis.tiicuii droit. et qui svrunt [nia cii
vcntc dans Icscuii-litioiisrliicln Cour connait d6ji par IcsCcriturcs.
\'ovon; tuiit CIabord comm~,ntlçs orx.8iir.sdt- 13 1a11Iir~\..ont ~ruciiclrr
pour ;emplacer les administrateurs desfiliales et faire échecau; recours
de la sociétéEbro.
Le jugement déclaratif a étéprononcé le 12 février; il ordonnait la
saisie de tout l'actif d'Ebro et de Barcelonesa. La saisie est pratiquée le
13février.
Des le 16 février,la sociétéEbro, représentéepar son véritable conseil
d'administration, introduit deux actions, l'une en récusation du juge de
Reus, l'autre tendant à faire rapporter lejugement de faillite en tant qu'il
et 78, p. 326 ets335). Ces deux recours introduits le 16févriersont rejetés77
immédiatement par ordonnances des 17 et 18 février. Pour quel motif?
Parce qu'Ebro n'est pas partie au jugenierit de faillite 1
Ebro intente alors un autre recours, un recours en reconsidération.
L'introduction de ces recours risquait de contrecarrer les plans de Juan
March. aussi les oreanes de la faillite vont-ils s'efforcer de les arrêter.
I)é;Ir 20 li.\.ri<ry.lb,Ic ;r:qucitre yrovi,uiic dccide dc rGvo<lii+rtous
Icc.idniiiiistr,iteiiri d'L'br«,ùci<rC ilii- ji'ni'i.\-cuj<de Ic-r:rpp-lcr une
foi, eniure --n't-sr11.1sn f:iillire.Poiir ~rciidreicttv d(!ciiionIr>F<iiiejtre
pruvistoircpr;tcri<l:;it, 6t.iiit ~ictivcmcn;~,nyu:îe,sioii dei titres, iirnicà
Iiiiroiit sri111':isîeniblCcgl:nl:r:,lctI'El~ro.Et iiiir ordonii:iiicc du conimii-
saire amrouve immédiatement la révocationdesadministrateurs Dronon-
céedan; ces conditions (A.M.,vol. II, no 65. p. 306 et 307).
Ebro se trouve ainsi placéedans une situation pire que si elle avaitété
déclaréeen faillite. car sielle avait étédéclaréeen failliteson conseild'ad-
riiiiiiîtrntiion .irr,iit Jciii211tfoiiction.
Conimciit le curniiiii,:iir,- jiistific-1-11sidii:,pprr>bntionde cctte mc,urc?
TIfxit t;iloirci.ou'il ~vucllc I'intirct ucinl uu'il 1, a.1'11I'iratdr f;iillite.
à ce que ~l'acti6n duAionseil d'administrat;on ét d; comité consultatif
local [soitexercée]prèsdu centre desactivités de la société » (ibid.p. 307).
En effet. Ebro a<& son siéee so~.al à Toronto. le conseil è'adm'inktra-
tioii st réuiiiss~ittoujours i 'forontu. oC'cst troyiloin -dit le lomnii;saire:,
il vi(utI~I~CIIque ICconscil <l':,<lmiiii.trnt~onse ri<.rinii:exerce srs fonc-
tions près du Centre des activités de la société. »
Et, d'autre part, le commissaire rappelait qu'il avait le devoir de
«veiller à ce que les appartenances (@ertenencias)...du failli [lesapparte-
nances du failli, ce sont lesbiens d'Ebro] soient bien gérées »(ibid.).
Ces deux motifs, bien entendu,n'étaient que des prétextes, ils n'étaient
pas sérieux: 1'Ebro avait Barcelone des administrateurs qui avaient
tous les pouyoirs nécessairespour diriger les affairessociales. Cesadminis.
trateurs étaient assistés d'un comité consultatif local qui, comme sa
dénomination mêmel'indique, était prés du centre des activités de la
société.Quarit à la gestion, elle n'avait jamais fait l'objet de la moindre
critique, mêmede la part du séquestreprovisoire.
Par conséquent, tout cela ne justifiait nullement cette mesure brutale
consistant à révoquer tous les administrateurs de 1'Ebro - ce que d'ail-
leurs le séquestre n'avait aucun droit de faire; je me suis expliqué à cet
égard. BARCELONA TRACTION
224
En réalité,cette révocation n'avait rien à voir avec le prétendu intérêt
social que l'on invoquait et c'est si vrai que le séquestre provisoire, après
avoir ainsi révoqué-tous les administrai-eurs, n'a mêmë pas jugé Ùtile,
poursuivant sur sa lancée, d'en nommer d'autres à leur place, laissant
ainsi cette sociétédont il avait les intérêtstellement à cŒur sans conseil
d'administration pendant plusieurs semaines (R., V, n" 82, p. 49). Bien
entendu, le véritable conseil d'administration continuait à exister, cela

va sans dire, ii Toronto.
Mais on s'avisa bientat aue cette révocation en bloc de tousles adminis-
trateurs n'était pas suffisahte pour atteindre le but que l'on poursuivait
qui était d'empêcherl'exercice des recours d'Ebro. Les administrateurs
Ô.~l'on~venait de révoauer avaient. en effet. ris les disvositions néces-
saires pour l'introduction de ces recours, ils a"&ent notamment constitué
des avoués pour représenter la sociétéEbro dans ces différentes procé-
dures. Or. ces avouks conservaient leur ouv voir de revrésenter en kstice

(D:. VI, P. 399):
Le fait que l'on avait révoquéles administrateurs n'empêchaitpas que
les avoués. aue.ces administrateurs avaient dési.,s antérieurement.
rleincura~rnt rlu.îlitil:;, ciiiitir~ii:ii~ritrl'avuir qiialit;, liour rcpr:icntcr Ebro.
Pui.i ;illerl,\illoin, II f3111i1r<:1111)1,1it)llt <i':ll>urdIci .,~iministr;i-
tcurs ouc I'ui:.v:iit iC~i,oiicî. Et Ir,rii iiirq?S :~i)r;.:ddn< uii internithle

Comme hous l'avons montré dans le mémoire; je ne reviens pas sur ces
détails que la Cour retrouvera aisément si elle le désire. (A.M., vol. II,
no 66. v. 308: A.C.M., vol. VIX. n" 71. doc 7.,.. 1-2.)
an; 1; résolution' même&i dé&e les nouveaux administrateurs
d'Ebro, le séquestre provisoire prend soin d'insérer un mandat spécial;
il char,e s..cialemeni I'un d'eux de révoauer les avoués aui avaient été
<Ic:sigi~;,p~r IcCOIISL d'I<lniiiiiitr;ltinn l~;i.i~;il~<>iir,-i)ri,s~i~t(rI<bro
en iuiti?~. Et tuiit ccl,cil apl)rn11vC ,111I'l~ruii.illiiiir par li.rionimi;i;,irc.
(A.%.. vol. II. no 66. D. ?oii

auxiliaires, soit pour révoquer ët remplacer tous les administrateurs - ce
fut le cas pour Catalonian Land (A.C.M., vol. VII, no 73, doc. IO, p. 388)
-ou certains d'entre eux - ce fut lecas pour Electricista Catalana (ibid.)
et, ainsi que le reconnait le Gouvernement espagnol,pour Saltos del Segre
et Energia Eléctrica de CataluEa (D., VI,note I,p. 392) -soit seulement
pour révoquer certains administrateurs, laissant à ceux qui restaient le
soin de pourvoir aux vacances ainsi créées - ce fut le cas pour diverses
autres sociétés filiales (D., VI,p. 392. note I, etA.D., vol. 1,no 87).
Dans chaque cas, les nouveaux administrateurs désignéscomprenaient
cesmêmesquatre personnalités entièrement à la dévotion de Juan hfarcb.
Les nouveaux conseils d'administration, de 1'Ebro notamment, une

fois mis en place, s'empressérent de remplacer les avouésdésignéspar les PLAIDOIRIE DE Al. VAN RYN 225
anciens conseils d'administration afin de paralyser la défense de ces
sociétés.
Et c'est ainsi, Messieurs, que le 23 mars 1948, nous voyons qu'un

nouvel avoué se présente devant le juge de Reus au nom de 1'Ebro et de
huit autres sociétésauxiliaires.
On luiadonné des instructions formelles. Il se présente pour faire, en
quelque sorte, amende honorable; il se présente, dirais-je, presque en
chemise et la corde au cou commeles bourgeois de Calais, et voici ce qu'il
déclare, au nom des sociétésqu'il représente. II déclare se désister ilde
toutes demandes faites dans les diverses branches de cette procédure
universelle de faillite n iA.M.. vol. II. no 4,. .-,7621.Les motifs au'on lui
;Ienjoint de donner mé>iteiit(1'Ftre1;s.
Voicicc quc l'avouédesignépar Iéî h~~rniiiesdeconfiance de Jii:iii \lnrcli
vient <lécl;ircr;aurioriides tiliïles et Jes sous-filiales dc la Uarcéloiial'rac-
tion qui avaient été traitéespar le juge de Reus comme la Cour le sait:

cOu'il ne les intéresseDasd'intervenir dans la orocédure de faillite
.. dnris I:iqiiellçil>rçcoiin;aij,cnt iicp:is :ivoir le droit d'Erre partit...
CIII'IInS'ol~jcctcnt rien i In i,îiiic(ootpi~cidn, di: I~iir. hieii puia<lu'il'.
,ont iinc :aDi);artcii.incr.ili;di:~tCL ci~iliii~iii~~encore <IIIiijill... ct

qu'ils dési& rendre patent qu'ils n'ont à fa'ireaucine opposition
ou objection, mais bien au contraire [écoutez ceci, Alessieurs] qu'ils
promettent l'obéissance la plus absolue et la plus loyale aux actes
de saisie (ocupacidn). ii(A.M., vol. II, no 92. p. 361 et 362.)

Cette manŒuvre im~udente - c'est le moins ou'on ~uisse en dire -
iilliitréussir une fois di: pluî. ('oriiiiit:iit? Gr3ce:;cet esprit dr <:uriiprc'-
Iiçii,ioii dont le juge Je licui a dniiric rnrit d'ésértil)lesdttj.2.1.ademons-
tr;ltioii en str;i filitDIUS tard au couri dc I'e.voosé0:lr 11' b<oliridu bio-
cage des recours doiyt ont étévictimes ~arcelona fiaction et ses filiales.
Voyons maintenant, Messieurs, comment les organes de la faillite, tou-
jours en se prévalant de cette possession fictive des sociétés filiales,vont
procéder à ce que le juge de Reus appelle iila normalisation des filiales II.
Voyons aussi comment ils ont procédépour en arriver à créerces titres
qu'ils n'avaient pas: les titres des deus filiales canadiennes et les titres
de quatre sociétésespagnoles dont les actions se trouvaient également au
-l-.......

Ceci 1lesïieurs. c'est CC, que I'on peut nppclér I;Igraiid< rn:inci:iivrc
clestinCe i prïpart.r I'.ict~.findl <lIcispoliation. j.savoir la vcntc rliiportc-
f~~uille<lel(:ircelona 'i'r:~ctii>:I,.<;Irejvcibt6 I:c~.saqui. vous \.oiis (.Isou-
venez, Messieurs, a étéconstituée avec pour seul objet social de se faire
déclarer adjudicataire de ce portefeuille.
Cettegrande manŒuvre va sedérouler au sein des sociétés filialesparal-
lèlement à celles qui vont se développer dans le cadre mêmede la procé-
dure de faillite et c'est ici que nous allons voir les organes de la faillite
faire a nouveau preuve de beaucoup d'irnaginat'ion.
La vente que I'on projetait et dont la société Fecsadevait êtrela béné-
ficiaire. devait bvidemment Dorter sur le ~ortefeuiiie de titres de Barce-
lona. C'est cela que ~arch voulait ce portefeuille constituant
l'unique avoir véritable de la sociétéDui.que c-lle-ci.comme vous le savez
étaitÜne société holding.
hlais, pour que cette vente du portefeuille de la Barcelona pût effec-
tivement se réaliser, pour qu'elle pût avoir un effet utile, il paraissait226 BARCELONA TRACTION

kvidemment indisuensable de la faire uorter sur des titres Quel'on Dour-
r.it ni;~t>ri,-ll?riitnt<IGlivreCi 1'nc<~1;6rr:iir iioii p~i su; dis v;;lr:iir,
iiiubiliC.rcic rroiiv-~iii 'l'oroiito<.tdont les vriiilri~rs dcclaraicnt q~iils
:~v;~ilitla l~oj>~~,jioctiiviIis;iiitC8i:t:i&viclcniiiie~iftort ir;,gilv
I'oiir nbuiitir Ace, r<iultnri, le.;orgiiiiej dt, la Idillit<.vont lairc pr~iidre
par lcj iunicili ~l'i~diiiii~i~tr~tiunniii eii p1:isqt.11i~i;rtsavril i-.4d1i.s
aécisionsles plus hardies.
L'on va ensuite tenir de nouvelles assemblées générales (c'esttoujours
le séquestrequi constitue l'assemblée générale à lui seul) et I'on va faire
adopter par ces pseudo-assemblées généralesles mesureslesplus surpre-
riantes: l'hispanisation des deux sociétéscanadiennes et l'émissiondes
nouveaux titres en remplacement de ceux dont les syndics n'ont pas pu
obtenir la possession regulière.
Voyons les faits.
Le 19 septembre 1949, l'assemblée générald ees créanciers, convoquée
par le commissaire, procède à la nomination des syndics. Mon collègue,
MCGrégoire,indiquera à la Cour, lorsqu'il exposera les mesures prépara-
toires à la vente, les illégalitésqui ont dû êtrecommises pour parvenir à
cette nomination.
A peine nommes, dès le 28 septembre 1949, les syndics établissent, en
vue de lavente, ce qu'ilsappellent iil'inventaire ...desbiens, effets, livres,
documents et papiers saisis (ocupados) dans la faillite de la Barcelona
Traction i,(A.M.,vol. III, no 160, p. 626). Et cet inventaire souligne le
fait gênantqueI'onne pouvait pas ignorer, àsavoir quetoutes les actions
ou obligations des filiales directes qui composaient le portefeuille de la
Barcelona sont au pouvoir de la National Trust à Toronto, on le dit dans
l'inventaire, ou au pouvoir, iiprobablement n dit-on dans l'inventaire, de
la Barcelona Traction à Toronto. L'inventaire indiaue aussi au'il en est
<lemcnic pour le. ni:tiunj de ccriniiiei iuiii-fili:ll(11, 1, no 177).
Cotte diffiïiili;, que I'i.t hien ol>ligCde s.~i~.~l<ir,f:ill;iiti.\i<lcniiiiciit
la surmonter.
Le juge de Reus avait bien conféréau séquestre provisoire cette
merveilleuse possession civilissime, qui n'est qu'une possession fictive,
mais il faut bien reconnaître que cette possession civilissime est vraiment
trop insolite, trop fantomatique, dirais-je, pour qu'elle puisse procurer
à l'acquéreur des titres une situation juridique solide et une sécurité
véritable. Sion voulait vendre, il fallait pouvoir délivrer à l'acheteur des
titres matériellement.
Comment va-t-on procéder? Il y a eu quelques titonnements. Tout
d'abord, pour la forme (je reviendrai sur les raisons pour lesquelles je dis
d'embléeepour la forme »),le commissaire fait signifierle 8 octobre 1949,
aux avouésconstitués devant le juge spécialpar la Barcelona et par la
National Trust, une sommation de remettre aux syndics les titres énu-
mérésdans l'inventaire (A.M.,vol. III, no 161). Sommation à l'avouéde
la Barcelona Traction et de la National Trust de remettre aux syndics les
titres énuméréd sans l'inventaire qui sont à Toronto.
C'était pourla forme, Messieurs, car les syndics et le commissaire ne
pouvaient se faire d'illusions sur les résultatsde cette sommationqui a été
faite à des avouésqui n'avaient pas qualité pour la recevoir, ni pour y
donner suite. C'est ce que les avouésont eux-mêmesfait remarquer le
27 octobre 1949 (A.M.,vol. III, no 162, p. 632 à 633).
Les syndics en étaient certainement conscients. Pourquoi faisaient-ils
cela? Selon toute vraisemblance, mais cette explication n'a étéfourniecepeiid.irit que trt'st~rd par le Goutvrnemc.nt csj~.ignol.ils i.<iiilaieritniiisi
se r6xrver un s~riiihl:intd'çxcuic pour I'opïrnrioii nsrz extrnordinaire a
laouelle ils:illaient vroci,dcr ni~r. sa\,oir I'iini;iioii de rirrcsrciii»l.i-
cehent de ceux su; lesquels fis étaient dans l'impossibilitéde mettie la
main.
Cesont ces titres-là qui, une fois émis,allaient êtrevendus par les syn-
dics au groupe March, ce qui allait couronner toutela procédure.
Poursuivons l'examen des faits dans l'ordre chronologique.
Le 1'' décembre1949 se réunit un pseudo-conseil d'administration de
YEbro, qui décidede convoquer une assemblée générale extraordinaire
en vue d'apporter aux statuts toute une sériede modifications (A.M.,
vol. III, no 163, p. 634). Une fois de plus, les syndics se constituent le 14
tent deux ordres de modifications aux statutsde cette société. Lesunes
ont pour objet de la transformer en une sociétéespagnole; les autres con-
sistent à décider l'émissionde nouveaux titres en remplacement des
actions existantes.
\'o!.ons iiiccc~;i\~ementccs deux ordres dc.nioditication,.
Tout d'abor<l, 1'.Iii;p:iriis;iti1de I:soci;t<! I.'l?liro, In Coiir le sait.
6r;iit uiir sosi6tCdc ilroir inna~lieii, constiriicc d'utie mnni<'rctouà kiit
réeulièreet conformément aux lois canadiennes Dar lettres ~atentes de
irËtat canadien (A.M.,vol. 1,n'a, app. A, p. I~;), ayant son siege pnn-
cipal à Toronto, où se réunissaient les conseils d'administration et les
assembléesgénérales.
Cette sociétécanadienne avait cependant crééen Espagne une succur-
sale, cette créationfaisaitl'objet d'un acte notariédu 14 décembre1911,
transcrit au registre du commerce de Barcelone (A.C.M., vol. 1,no 7,
doc. 2,p. 73 et 74) Quel était le statiit légalde 1'Ebro dans ces condi-
tions? La société elle-mêmd ee droit canadien restait, en vertu des lois
espagnoles, en vertu des règles du droit international privé espagnol,
soumise à son statut personnel, mais pour ce qui concerne l'établisse-
ment qii'elle avait créé enterritoire espagnol, elle était soumise aux dis-
positions du codedecommerce. C'estceque prévoitl'article 15dececode.
Sur la proposition du pseudo-conseil d'administration, la pseudo-as-
sembléegénérale constituéepar les syndics va changer tout cela, et voici
ce que l'on décide:

«le domicile social de la sociétéest établien la ville de Barcelone au
lieu où elle a actuellement son siège principal, c'est-à-dire dans
l'immeuble no z de la place de Catalogne de cette ville (4'résolution)
droit espagnol, qui est régiepar ses statuts inscrits au registre du
commerce de Barcelone, pour autant qu'ils n'enfreignent pas le code
de commerce espagnol et sa législation complémentüire (5' résolu-
tion) ii(A.R., vol. 1,no 18, doc. 6, p. 59.)

Bref, les syndics décident donc de transformer la sociétécanadienne
en une société espagnole.
Le Gouvernement belge a montrédans les écritures,Messieurs, par des
références précises la doctrine et à la jurisprudence, que cette transfor-
mation, que ce changement de nationalité, était une impossibilité juri-
dique suivant le droit canadien (R., V, n" 601, p. 452 et 453)qui, en vertu
mêmedu droit espagnol, constituait le statut de la sociétéEbro. Et.
Messieurs, il en est tellement ainsi que le Tribunal suprêmed'Ontario a 228 BARCELONA TRACTION

décidé,à propos du cas qui vous est soumis aujours'hui, à propos de la
Barcelona Traction et de l'Ebro, que, comme il s'agissait d'une société
canadienne, les modifications qui avaient étéprétendument apportées
aux statdts de cette sociétépar les syndics étaient nulles, en sorte que la
sociétéEbro restait bel et bien une sociétécanadienne, soumise au droit
canadien, ce qu'elle est toujours, je n'ai pas besoin de le dire, à l'heure

actuelle (A.M., vol. IV, no 245, p. 959).
Voilà ce qui a étédécidépar le Tribunal suprêmed'Ontario, et ce qui
confirme ce que le Gouvernement belge avait déjà indiqué dans les écri-
tures.
Sans contester que telle est effectivement la situation en vertu du droit
canadien, sans contester cette impossibilité juridique du changement de
nationalité de la sociétéen droit canadien, la duplique (VI, n" 338) parait
vouloir soutenir que cette opération était cependant justifiée selon le
droit espagnol. C'est perdre de vue que, comme je l'ai déjà dit et encore
rappelé il y a quelques instants, les sociétésde droit canadien, les sociétés
régulièrement constituées au Canada, jouissaient en Espagne de leur
statut canadien, en vertu de l'article 15 du code de commerce espagnol.
Par conséquent, en vertu mêmede la règle espagnole de conflit, il était
indispensable d'appliquer la loi canadienne à ces sociétéscanadiennes, et
si la loi canadienne interdisait le changement de nationalité, cette inter-
diction devait étreresvectée en vertu du droit es~aenol lui-méme.
Aii aiirl>luj, .~uzuri,-iliq~o,itioii 1..111 c,p;,qn~iltTIL.pcrm<.tt;iit,i

I'?poqu<.uu iiuiis iunimr;, dr. iiiuiliri1.iii~ti~iii.tld uiic suciil; <:irai.-
~>re l'nt o<iét? iirr ;ULIS1cnii>irv(I'unc loi i~r;~i~L"\.<Icnici~raitnice>-
Sairement soumise, conformément à l'article 15 udu Code de commerce.
C'est seulement plus tard, par une loi du 14 décembre 1956 , odifiant
l'article6g du règlement sur le registre du commerce, qu'il a étépossible
d'envisager la possibilitépour une sociétéétrangèrede devenir espagnole.
Avant cela, c'était tout à fait irréalisable juridiquement et d'ailleurs le
Gouvernement esvaenol ne DeutAinvoauer aucun nrécédentde ce aui a été
fait à l'égardde i'~bro.
Comment LeGouvernement espagnol tente-t-il d'expliquer ces mesures
tout à fait aberrantes? Le Gouvernement esvaenol a d'abord tenté de
soutenir que les décisionsdes syndics, en réal;té:s2étaientbornées - je
cite le contre-mémoire - .à éclaircir certains points qui découlaient de
l'acte notarié du 14 décembre 1911 ,ar lequel Ebro s'était installée en
'Espagne n (C.M.,IV, no 166, p. 530). C'est l'acte par lequel Ebro a cons-
titué un établissement en Espagne.
Le Gouvernement belge, Messieurs, a démontrédans la réplique que,

loin d'<,éclairciin,comme le dit le Gouvernement espagnol, l'acte notarié
du 14 décembre 1911 ,a résolution prise par les syndics constitués en
assemblée eénéraleétait diamétralement contraire aux énonciations de
cet ;~crc \.ertu dii<liii:lI;l)rù, îri::iii:iilici, .,\-.iit .iiiiplcniciit ciCC
iiric.u~.~.urincn I>pn$iii l<,\', 11'6<io,Ili~'iT:~ipn; ,{~~~sti~iu rr.tri>-
foriiier Ebro àii.ttco~.t:aiiori<in>oii;t; eA "erii>.r. cL oiii ct:8it d'~ill<?iiri
impraticable.
Le Gouvernement espagnol n'a pas insisté sur cette première explica-
tion, mais dans la duplique nous voyons s'amorcer une retraite prudente.
On explique ceci -je cite la duplique:

«le besoin d'éclaircir certains points de l'acte de 1911 ne provenait
pas du contenu de l'acte lui-même considéré isolément, mais [dit le FLAIDOlRlE DE M. YAK RYN 22g

Gouvernement espagnol] des réalitéssurvenues postérieurement à
l'acte lui-même i,(D., VI, no 336, p. 418).

Ainii donc oii r~coiinait que l'acte de rt)ii.coiitrairement j.ce qii'on
avait suutenu d'al~oril. n impli<lu;iitniillriiirn[>IrIiii-iiiPniequ~1'Ebro
soit devcnuc iiiit: sociaté csp.igiiole, chose juridiquem~iit ini[~os~il~lc
il'aillciirs. \lai:Icn croire la nouvelle tll>szili(;oiivcriieinent ,:spagnol.
cet ;it:t*,dcI~I r. c.:iir eilui-niCinr,iii: iurr<~jl>urid.iitplu.iiirC.ilitCs
survenues po<térieurementet, nous dit-on, «lessyndics déslors, devaient
adapter l'acte a à ces réalités nouvelles(ibidj .
Quelles réalités?A en croire la duplique, depuis 1911,nous dit-on - je
cite textuellement: .la réalitédémontre que [le] seul établissement réel
et unique [de I'Ebro] étaiten Espagne r (ibid.,p. 419).C'estcomplètement
inexact. Le domicile, le siègeprincipal de 1'Ebroétaiten 1949,comme en
1911, et n'a jamais cessé d'être, à Toronto, comme l'indiquait l'acte
constitutif de la sociétéC. 'étaitlà que se tenaient notamment les réunions
du conseil d'administration de la société,c'était donc bien là que se
trouvait le siège réelde la société,c'est-à-dire le centre principal de la
direction et de la gestion de ses affaires, comme il est dit dans la résolu-
tion de l'Institut de droit international, que bien imprudemment le Gou-
vernement espagnol croit devoir invoquer (A.D., vol. II, no43).
Par conséquent,rien ne permet d'affirmer que le seulétablissement réel
et unique de 1'Ebroétaiten Espagne, si l'on veut dire par là que le domi-
cileréel,lesiégeprincipal, le centre principal de direction et de gestion des
affaires aurait ététransfbréde Toronto en Espagne (article 5de larésolu-
tion de l'Institut de droitinternational de septembre 1965(ibidj. L'arti-
cle3 decette résolution,dontla duplique tente detirer argument (D.,VI,
p. 420, no338, in @ne),vise le cas où la sociéténa son si&e réelet l'objet
principal de son entreprise hors du territoire où est en vigueur la loi de sa
constitution a;tel n'était pas le cas de l'Ebro, qui avait gardéson usiege
réel »au Canada.)
Le commissaire lui-mêmed'ailleurs a soulignéque I'Ebro était effecti-
vement gérée à Toronto. Vous vous souvenez, en effet, Messieurs, que
lorsqu'il a voulu révoquer les administrateurs et justifier cette décision
il a prétextéqu'il fallait que l'action du conseil d'administration soit
désormaisexercée présdu centre des activitésdela société(supra, p. 223).
Il faut bien s'incliner devant la réalité, ~3savoir que la direction, la
gestion des affaires avait lieu à Toronto.
Rien ne permet donc d'affirmer, comme paraît vouloir le faire le Gou-
vernement espagnol, que le siège social de Toronto serait devenu fictif
aprés 1911 (D., VI, no 337, p. 419) et c'est bien en vaiii, comme nous
l'avonsdémontrédans laréplique,que le Gouvernement espagnol invoque
à cet égard Ics motifs d'une décisionde la cour de Barcelone du 8 février
1950 (R., V, p. 452, note I: D., VI, p. 419, note 1).
Eu conclusion, il ne fait aucun doute que 1'Ebroétait bien restée une
sociétécanadienne en décembre1949, tant au regard de la loi espagnole
que de la loi canadienne, et que sa transformation prétendue en société
espagnole est une nouvelle voie de fait, une nouvelle mesure arbitraire
qui se trouvait en opposition complète tant avec la loi espagnole qu'avec
Laloi canadienne.
Pourquoi les syndics ont-ils jugénécessairede procéder à cette opéra-
tion tout à fait irrégulière?Pourquoi ont-ils voulu faire d'Ebro une
société espagnole?C'est que I'hispanisation de I'Ebro leur paraissait in-230 BARCELONA TRACTION
disvensable pour donner au moins une auparence de léga-ité à la seconde
meure -et 13plus iml>urtantcqu'ilall;iientprendre - à savoir. lacr>a-
tion d'un noii\,cau rcgistrc d'actiuns noiiiiiiativà;Barcclone, en rein-
1>1a<:ziritiiiti r5gistrr reiTororiio, rt I'~misiioidcIIOU~I:IIT:Sctiolis.
11leur est apparu qu'i<v.~iitde crc'ercd iiouveau registre et tl'cmcttre
ces nnuvuu'r titres ili;illsit traiiifor~lits~iiitl; c~nadicniiCIIsuciLt6
espagnole et, dans leur systkme, cela peut paraître en effet logique. Cela
n'est pas pour autant' justifié, celava sails dire.
J'en viens maintenant à cette fameuse opération: l'émissionde nou-
veaux titres. Les actions de 1'Ebro étaient toutes nominatives: eues
ét~ieiitdonc tvutes iiiscrites Jaiiiiiregistre tenuà I'oroiito et ICStitu-
laires des di\.crses actioiis .iv;iieiit. coniriiecela est normal, reçu d~s(Cr-
Sur présentation des certificats éventuellement endossis, ceuxosàequi les
actions étaient cédéespouvaient obtenir le transfert à leur nom des
actions inscrites dans le-registre.
D'apres le proc&s-verbal de la pseudo-assemblée énéraleextraordi-
naire du 14 décembre1949 (A.R.,vol. 1, no 18,doc. f p. 58) les syndics
ont décidénotamment ce qui suit:

<Que le livre-registre des transferts d'actions ... sera désormais
viennent dcd2cidr.rd'2tablirsàcIjarcclont1:isoci>ti ne re;oiiii;~i;,.iiit
coniiiie 1itul;iircs d';ictionj ci des rir~its rkli sur ce(1112cctix
qui seront mentionnés dans ledit livre de registr».

Ce qui veut dire que l'on tient pour nul et non avenu le registre tenu à
Toronto. Et on décideen mêmetemps d'émettre les actions ordinaires
représentatives du ca~ital social. ce.oui i.~l.riue tout aussi évidemment
que l'on ticrit puiir niillcs et nori :i\rniici lesactions qui aéttr;p-iit
Iiérciiieiitéini;rs et rt?guliércniviitinscrites daris 1s registre de Toronto
ainsi sue les certificatsrevrésentatifs de ces inscriptions
livreoà souches et on décide enfin «d'autoriser le président du conseil
d'administration àmettre en pratique de la maniéréet au moment qu'il
jugera opportuns la résolutionvisant l'émissiondes actions de la sociétén
(A.R., vol. 1, no 18,doc. 6,p. Go).
En d'autres termes, on met ainsi au point tout un dispositif d'action,
mais on donne au président du conseil le pouvoir de déclencher le méca-
nisme, de pousser sur le bouton lorsqu'il jugera le moment venu.
Voilà ce qui se passeen 1949et, en fait,cXestseulementen juin 1951que
le pseudo-conseil d'administration d'Ebro jugera que le moment est venu
de passer à l'exécution desdécisions prisespar la pseudo-assemblée géné-
rale du 14décembre 1949que je viens d'analyser.
Nous sommes à ce moment en juin 1951, à l'époque despréparatifs de
la vente. A ce moment, on va effectivement créer ce nouveau livre-re-
gistre d'actions. on vale faire légaliser,car on est respectueux des formes,
par le tribunal municipal de Barcelone et on va inscrire au premier feuil-
let, sous la mention « iiom de l'actionnaire» ceci:u Barcelona Traction,
Light and Power Co. Ltd., représentéepar les syndics de la faillite ».
registre, dans le registre original, certaines des actions étaient inscrites
au nom de National Trust; les droits de National Trust sont donc pure-
ment et simplement piétinés, ignorés. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYS
231
Un peu l~lust;ir<l,le 17juin ry52,on indiquera ;tu registre Incession par
1,.si)i~ili<:i3 I.'ucrr.ii,ElSctricas déint.11iiii:t. <:'<.st-i-dJ.t:r.cs;i.
Ccs iiiwlalit6s sont dccrites. \le.i~ieuri.&II; It,cas de Cataloliian Land.
par un constat de notaire qui est produit par le Gouvernement espagnol,
c'est une annexe à la duplique (A.D., vol. III, no95, p. 5).
Ainsi, en annulant purement et simplement les vrais titres et en émet-
tant ce que nous a~..lons de faux titres. les svndics ont cru au'ils avaient
toiirn; 1'i)hjt:iilc nppnrcninicnt insiirmoiir;il;lc i.;.~iilt:~ntdi; fait qiic Ic,
;ictionj clestili.il~.ct <le1'Lbi.u cilp~rtiiuli~r, si: troii\.iii~nt au C;iii;i~I~.
Le jiinplt. i:iit~ii<I<,sf.iitI:iitnpparditre iiiiniï~liatt:ment Ic c;ir;i~tire
fa1l;icit~iiiIv 1.1~iijtific:itiuCL: trfiiti.s ces n~r~tliii<::itiatutairés qui.
ii I'C~~oclii;i, 12pr;.seiitl:~par Icpjciiilo-roiiicil <l'adininistr:itiuii.
1)'anrC.sle ~iruir\s-\~crh;illc I:ri:iinion du r" iIt:ienibri: i,,.*. le.vr;si-
dent àu conséild'administration a invoqué,

aqu'étant donné le caractère vague des statuts sociaux qui régis-
sent la société.dont le neu de orécisionurésente un inconvénient
constant qui s'accentue dans ies'circonstakces actuelles affectant ia
sociétéi,l convient de précisercertains points de cesstatuts ainsi que
d'en développer d'auires, en faisant usage des autorisations qu'ils
contiennent » (A.M.,vol. III. n0163. p. 634).
Ce lan~aee. auuaremment si raisonnable. ne faisait eri réalitéau'ex-
primer un prétexte qui n'avait aucun rapport, cela va sans dire, a;ec le
contenu mêmedes decisions et en particulier avec l'émissiondes faux ti-
tres. Aussi le Gouvernement espagnol a-t-il jugé nécessairede donner,
après coup, une autre justification, mieux en rapport, du moins en
apparence. avec l'opérationextraordinaire qu'il fallait justifier. On nous
dit, dans le contre-mémoire. qu'en 1949 1'Ebro n'avait pas encore ses
titres définitifs: <(iln'y avait encore que de simples certificats ... provi-
soires ...au lieu destitres définitifs*(C.M.,IV,n0zrg, p. 385).
Il est bien curieux que le président du conseil d'administration n'ait
pas parléde cela lorsqu'il tentait de justifier les mesures en question. Mais
on le comprend très bien, car cela n'est pas exact. Le Gouvernement
belge n'a eu aucune peine à démontrer,notamment dans le casde I'Ebro,
qu'il y,avait bel et bien des certificats définitifsdes inscriptions figurant
au registre tenu à Toronto; il nous a suffipour cela de produire In photo-
copie d'un de ces certificats d'inscription pour chaque type d'action
émisepar 1'Ebro et comme ces certificats portaient certaines, mentions
manuscrites ou dactylographiées, le Gouvernement belge a pris soin d'y
joindre une consultation d'une firme de solicitors canadiens établissant
formellement, pour chaque certificat, que iithe typing and writing re-
ferred to do not in any way invalidate it or make it an interim certificate »
(A.R., vol. 1, no29,app. I, p.go).
Le Gouvernement espagnol lui-même, Messieurs,a fini par laisser
apparaitre la vérité,malgré luien quelque sorte, au sujet du but de I'émis-
sion des nouveaux titres, dans un passage vraiment remarquable du
contre-mémoire, reproduit d'ailleurs dans la duplique (D., VI, n" 333.
p. 415)et que jecite textuellement àla Cour:

«Lors de la déclarationde faillite de Barcelona Traction, !es droits
furent saisis, mais on neput pas saisir matériellemeiit les titres, qui
se trouvaient à l'étranger. Rien de plus logique donc que d'émettre
de nouveaux titres ..i>(C.M.,IV, no 219, p. 385).232 BARCELOSA TRACTION

Rien de plus logique, en effet, si I'onentredans les vues de Juan March
qui voulait se procurer le contrôle des filiales de Barcelona Traction.
Mais, comme nous avons cru pouvoir l'écrire dans la réplique (R., V,
no 104). doit-on admettre désormais que l'adage qui semble inspirer le
passage que je viens de lire, à savoir «la fin justifie les moyens», que
cet adage doit prendre place désormaisparmi les principes du droit gé-
néralement reconnus? Va-t-on approuver, en vertu de cette manière de
voir,celuiqui, n'ayant pasl'argent dont il a besoin, décide,cariln'y arien
Banque d'Espagne?de fabriquer pour son usage personnel des billets de la
Si les syndics avaient eu le souci de respecter la loi espagnole, ils au-
raient dù serappeler que le code de commerce espagnol ne permet I'émis-
sion deduplicata avecannulation corrélative destitres primitifs que dans
deux cas et dans deux casseulement: le premier, c'est le cas de vol, larcin
ou perte de titresau porteur (art. 562du code decommerce), le deuxième,
c'est le casoù il s'arritde titres aui nesont Dascomnl&tementlibérésDar
l'actionnaire qui le; a souscrits.'~n cas de ion-libéiation de la souscAp-
tion, l'article 164 du code de commerce permet égalementd'émettre des

vas dans l'une déces deux hv~othèses. Par conséuuent. les svndics ne
pouvaieiit pas ignorer qu'ils~6iolaient d'une manfère flagrante la loi
es.a~-oleenprocédant àcette émission.
Ce mêmeÏ4 décembre 1949, les syndics se constituent en assemblée
généraleextraordinaire de cinq autres sociétésauxiliaires: une filiale
canadienne (Catalonian Land) (A.R., vol. 1,no 18, doc. 5, p. 54). deus
filialesespagnoles (Union Eléctrica de Catalufia et Electricista Catalana)
(A.R., vol. 1, no 18, doc. 3 et 4, p. 48 à 53) et deus sous-filiales espa-
gnoles (Barcelonesa et Saltos del Segre) (A.R., vol. 1,no 18. doc. I et 2,
P. 41 47).
En ci qui concerne Catalonian Land, la sociétéfit l'objet des mêmes
mesures que I'Ebro, pour les mêmesraisons on l'a hispaniséeet on a rem-
placéle registre tenu ?+Torontopar un nouveau registre tenu &Barcelone
et l'ona decidél'émissionde nouveaux titres.
Quant aux filialeset aux sous-filialesespagnoles, il s'agit- les sociétés
dont j'ai parlésont toutes dans ce cas - de toutes les sociétésdont les
titres se trouvent en totalité ou en partie au Canada et il s'agit exclu-
sivement de ces sociétés-là.Pour elles, comme pour 1'Ebro et la Cata-
lonian Land.et Dourles mêmesraisons. et ie vais ici renrendre le lanrr--e
q1ivt~t!nIc(;oii;~criiciiientcip:i~iiol.1;~'log;cluceoiiiii1:i;idaiidr rcniplaccr
p:ir<leiiou\.eaus titre, cciis qiic les s\,ndics iir pouvaient ;tttïintlrr.. Et.
àcette fin, les svndics vont insérerdans les statutsde chacune de ces so-
ciétés.dont les actions étaient jusque-là au porteur, un article créant un
ront inscrites lestransmissionsdes actions et lesdroits réelsqui lesgrèvent.
Tel est l'objet du nouvel article 9 prétendu des statuts de Unibn Eléc-
trica deCataluiia, du nouvel article 6des statutsde Saltos del Segre et de
Electricista Catalana, tel est l'objet aussi de l'article12 des statuts de
Barcelonesa.
Puis. sous le vague prétexte que les titres multiples existants ne repré-
sentaient pas tous le mêmenombre d'actions. on décidede créerde nou-
veaux titres et I'onprécisecien substitution des titres actuel». PLAIDOIRIEDE M. VAN RYN 233

On ajoute que les nouveaux titres devront êtreremis
raux ;~ctioiiiiairesoià leurs reprc,erit;ints IGgaux,;iprCsjustification
de leursdroits jet on doniic un a\,crtissemeiitCt;intbien eiiteii<liique
la sociéténe reconnaîtra à l'avenir comme actionnaire que leporteur
Iégitiemdesnouveaux titresinscritsdans lelivre-registredesactions)).
-~i encore le Gouvernement es~aenol a tenté d'ex~liouer. sinon de
jiistiiier. ces iiicsur<.je.utr;i<~rdinaires.II a 1i:is;trdr'ciicorç ilne fuis ccrtc
idGeque Ics iili;ilcsdc la Barcel<?ii;i'fr;iitioii doils'agit n'a\.aierit p:is
-~~~~~L.Linusleurs titres d;rinitifs iiii'in'! a\.ait zilcore uudr siiiii>les
certificats ou récépissép srovi~ires.'(~.~.,*~~, p. 385,no ;x9 et no& 2;
A.R., no 29, app. 2-4.) C'est à peu près la même histoireque tout à
l'heure. Le Gouvernement belge a démontré par la production des
titres des sociétésen cause qu'une fois de plus il s'agissait d'une affir-
mation inexacte - on l'avait démontrépour 1'Ebro. on a pu le démon-
trer aussi pour trois autres filiales directes, pour les trois autres filiales
directes de la Barcelona, que le Gouvernement espagnol avait citées.
En duplique (VI, no 332). le Gouvernement espagnol veut bien conve-
nir que les titres d'Electricista étaient définitifs maisil persiste à con-
tester ce qui nous parait véritablement incontestable à propos des
titresde Catalonian Land et de Unibn Eléctrica.
Tene veux Dasentrerdans ledétailde cesdiscussions oui sontvraiment
st&Iles et ilm, suffirade prier la Co.urde lire l'extraordikaire annese na97
de la duplique pour apprécier combien est peu justifiéel'obstination que
marque 'surcePoint IëGouvernement espagnol.
Cette discussion ne présente d'ailleurs plus guèred'intérêt aujourd'hui
puisque, comme nous l'avons vu, le Gouvernement espagnol paraît iie
plus contester que le seul motif réel de ces mesures c'étaitque lestitres
se trouvaient hors d'Espagne, qu'il n'y avait pas moyen de s'en saisir et
que, par conséquent,ilfallait en émettred'autres (A.C.M.,vol.III, no107,
p. 215et suiv.,doc. nOz).
Mais le Gouvernement espagnol s'indigne de voir le Gouvernement
belge parler à cette occasion d'annulation de titres et d'émissionde faux
titres (A.D., vol. II, no 57, p. 496, spécialement deuxième obseryat)on;
voir aussi p. 502).11fait valoir que leprocès-verbaldel'assembléegenerale
ne contient pas la edécisiond'annuler les titres ou certificats existantsa
et que icl'onne trouve nulle part la décisiond'émettre de faux titres,),
qualificatif que le Gouvernement espagnol, dans la duplique, juge tout à
faitabsurde (D.,VI,n0344, p. 415).
Quant au premier point, il mesuffirade quelques mots.
C'est le Gouvernement espagnol lui-mêmequi, dans une annexe a In
duplique (A.D.,vol. II, no57, p. 498,spécialementdeuxièmeobservat?on;
déterminés p... pour y substituer d'autres>,. Telle est bien la portée des
mesures qui ont étédécidéeset il ne peut pas y avoir la moindre discus-
sion sur ce oint. Le Gouvernement esvarrnollui-mêmel'a reconnu, mais
ilparait lla;oir oublié. . -
Quant àl'appellation «faux titres n,le Gouvernement belge: Messieurs,
croit devoir la maintenir. Il ne désirevas enrrarrerdevant vous. ce serait
tout à fait vain, tout à fait inutile, uie disc;s<on sur le point de savojr
si les agissements des syndics constituaient, dans leur chef, et par appli-
cation du droit pénal espagnol, l'infraction de contrefaçon punissable
d'aprèslesarticles 293,295 et 296du codepénal espagnol.234 BARCELONA TRACTION

Ce qui ne souffrepas le moindre doute. c'est que leurs agissements
étaientincontestablement illicites tantpar leu objet que par leur but.
Le séquestreprovisoire qui amisen placeles pseudo-conseilsd'adminis-
tration et les syndics qui ont décidéla création des nouveaux registres
d'actions et l'émissiondes nouveaux titres n'avaient manifestement pas
qualité pour exercer le droit de vote d'actions qu'ils ne possédaient pas.
C'était dès lors altérer la vérité que de présenter comme émanant de
~h~ ~ ~.. ~ sociétés filialesdes~~ee~-tres d'actions et des titres oui n'en
émanaient pas. C'est ce que le Gouvernement espagnol appelle lui-même
fort iustement la faussete vis-&vis des auteurs. Et c'était.nous paraît-il.
commettre une falsification supplémentaireque d'inscrire danslenouveau
registre de Catalonian Land les xooo actions de la sociétéau nom de la
Barcelons Traction (A.D., vol. III, no gj), alors que dans le registre
véritable tenu à Toronto, 990 de ces actions étaient inscrites au nom de
la National Trust (A.M., vol. 1, no 29, p. 180-182; voir aussi certificat
d'inscription au nomdela National Trust, A.R., vol. 1,no29, app. 2,p. gr).
C'est ce que le Gouvernement espagnol appelle cfausseté vis-à-vis des
titreseux-mêmesn,et ce que nous appelons « caractere illicitede l'objeo.
Quant au caractère illicite de l'intention des syndics, il résulte à suffi-
sance du but poursuivi par cespseudo-conseils d'administration et par ces
pseudo-assemblées généralesà,savoiréluder l'obstacle qui, juridiquement,
s'opposait à l'obtention des titres légitimes,éviter de recourir à la seule
vox normale qui était la voie judiciaire appropriée en s'adressant aux
juridictions canadiennes, tout cela pour parvenir en dépit de tout à
vendre au groupe March ces titres, que les syndics ne possédaient pas.
il est bien possible, Illessieurs, que les auteurs de ces agissements assu-
rémentrépréhensiblespuissent, en Espagne, sesoustraire à despoursuites
pénales.C'est ceque s'efforcede démontrerle Gouvernement espagnol et
nous n'entendons pas contester cela.
Ilfais je crois que l'une des raisons qui permettraient aux syndics
d'échapper à des poursuites pénales est une raison dont le Gouvernement
espagnol lui-même nepourra pas tirer beaucoup de fierté.
Les auteurs de ces actes illicites pourraient en effet invoquer comme
excuse que, s'ilsont agi ainsi, c'est en se fondant surune décisiondu juge
qui les avait investis de cette possession fictive des actions. C'est en vertu
de la décisiondu juge de Reus que les organes de la failliteont exercéles
droits inhérents aux actions qu'ils ne possédaient pas. II est bien possi-
ble que, sur le plan du droit pénal espagnol, cette excuse soit de nature
à disculper les organes de la faillitede leur responsabilité pénale mais il
est évident, d'autrepart, qu'elle met en pleine lumiere la responsabilité
de 1'Etat espagnol lui-même,en raison des agissements arbitraires de
sesautotités judiciaires.
J'ai ainsi terminé, Messieurs, l'expoçéenfait de l'usage qu'out su faire
les organes de la faillite de cette possession fictive qui leur avait été
donnéearbitrairement par lejuge de Reus.
Il me reste à indiquer à la Cour quels sont exactement nos griefs à
l'é..rdde cesdernièreso~érations.
1.3 mise en place de n;iii\.t!aiiua(lininistratcurs des sociCtés:~iixiliaires
et Ir remplacement des titres rlr'cillhplr les syndics iI'ini~iaiive<Icssoi-
disant nouveaux administrateurs, tout cela; Messieurs, a joué un rôle
essentiel dans la réalisation du dommage dont se plaignent les action-
naires belges de la Barcelona Traction. En effet, il n'y a aucun doute,
en dépitdes dénégationsdu Gouvernement espagnol, quela vente. qui a PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 235

eu lieu en 1952, a bien porté,entre autres, sur les faux titres, et c'est la
ve~te~ àvil ~rix de ce ~ortefcuille de la Barcelona Traction oui a e"eendré
Is iii;~jcurei>articdu (iomma6e (II,V,noboS)
U'uii I'iiiiportancc clesgriefs quc iious diiigcoiis coiiics mcsiircs <Ic
soi-di,:siit iiuriiialijûrion des filill~s.cAr. nou, l- iiic,: d<:Reus tout wI:i
C'estla normalisation des filiales.
Dans la réplique(V,nos588 à 593).le Gouvernement belges'est attaché
tout d'abord à mettre en lumière les irrégularitésqui entachent l'exercice
mêmepar les organes de la faillite du droit de vote afférentaux actions
des sociétésauxiliaires.
Sou; :~\,oiiség.ilemcntsouligiiélesirri.giil,iritCspropres rcspcsti\.~inent
;tus r&\.ocatiori;et nominations d';idriiiriijtr:itrurs (RV, no' 594 ;i5@)
ct ails rnoditic..~tionjdes statuts (f. .n" ji,qi bcjj.
D'une manière généralej,e crois pouvoir~pour nepas abuser du temps
de la Cour, me référeraux développements qui figurent a cet égarddans
les écritures pour m'en tenir ici à quelques points particulièrement im-
portants.
Tout d'abord, nous faisonsgrief aux autorités espagnoles, aux organes
de la faillite et aux autorités qui les contrôlaient,d'avoir permis I'exercice
du droit de vote attaché aux titres en l'absence de la possession des
titres (R., V,no588, p. 442 et notes 1-3).Nous voyons là, commej'ai déjà
eu l'occasion de l'indiquer àla Cour, une usurpation de compétenceet un
dénidejustice.
La décisiondu juge de Reus, attribuant cette possession fictive, était
déjàentachéede cette ursurpation de compétenceet de ce dénide justice
(R., V,p. 443et note 1).
L'usage, lesmultiples actes d'usage que j'ai relatés,l'usage fait par les
organes de la faillite de cette prétendue possession, ces actes-là sont éga-
lement entachés de la même usur~ation de com~étenceet constituent
également desdénisdejustice.
naissance, contrairement au droit qui aurait dû être appliqué, par les

organes de la faiiiite et par les autorités qui les contrblaient, des clauses
duLes mesures qui ont étéprises impliquaient, entre autres irrégularités.
une violation certaine des clauses desTrust Deeds par lesquellesles actions
avaient étéaffectées à la garantie desobligations et par lesquelles avait
étéinstituée National Trust en aualité de trustee(R., V, no Sqo, et A.M..
vol.1, n029, p. 1801). -.
Le Gouvernement espagnol, dans la duplique (VI, p. 382) reproche au
Gouvernement belge de ne pas avoir précisé lesstipulations du Trust Deed
dont la violation est ainsiinvoquée.
Nous avions pourtant produit le texte intégralde la clause 12 du Trust
Deed du I" décembre 1911 (A.R., vol. II, no 97, p. 497), qui règle la
ouestion de l'exercice dudroitdevote.
Selon cette clause, tant que la société nese trouve pas en défautdans
l'exécutionde ses oblipations et tant que le trusteen'a pas décidéde ien-
forcethe security u -

Kthe Company shall be entitled, under proxies to be given by the
Trustee. or other holders of said shares . . .in that behalf to exercise
al1 votiRg powers conferred by the shares . . .forming part of the
rnortgaged premises in such manner as the Company shall seefit, and236 BARCELONA TRACTION

from time to time the Trustee or such other holders shall forthwith
rxecute and deliver to the Conipniiy,or itj riuriiineçs,suitable proxiés
fortlieaforesnid purposes u (A K., vol. II, n'y7, y 4971
:\ partir nu coiitraire du monient ou des iiirsiires d'exécution sont
prijcj p'ir ILt.ruslee.la sociétI~C pourra plus exiger dc tcllci procuratioris
et A dater de ir iiioriieiit. dit I':icttlicTriiitvr .linIlIinve tlie r-aht to
vote upon the said shares i(ibid).
La procédure de receiuershiPconstitue une des mesures d'exécution
prévuespar le Trust Veed,et d'ailleurs par la loi, et cette procédure aété
entamée,la Courle sait, dèsle I juillet 1948.
Mêmesi l'on devait suivre la théseinexacte du Gouvernement espagnol
selon laquelle le Trust Deed n'a pas institué un gage, un droit de gage, au
sens de l'article 918 du code de commerce espagnol, encore est-il certain
que ceTrustDeed,quelle que soit sa qualification, estparfaitementvalable
en Espagne (R., V, p. 456, note 1) et doit donc êtrerespecté, ce que le
Gouvernement espagnol ne conteste d'ailleurs pas.
Par conséquent,les clauses du Trust Deeds'imposaient aux organes de
la faillite,de toute mani&re,méme s'ilsprétendaient exercer, à la faveur
de quelque artifice que ce soit, le droit de vote attaché aux titres.
En vertu du Trust Deed, les organes de la faillite, avant le 15 juillet
1948, ne pouvaient exercer ce droit de vote qu'à la condition expresse
d'obtenir une procuration de National Trust, au besoin par un recours
préalable en justice. Après le 15 juillet 1948, ils ne pouvaient même plus
requérir la délivranced'une telle procuration puisque seul le lrustee dis-
posait du droitdevote.
Dans le cas de 1'Ebroet de Catalonian Land, le droit de vote de Natio-
nalTrust était encore confirmépar le fait que les actions ou une partie de
celles-ciétaientinscrites au nom deNational Trust au registre des actions
nominatives(A. fil.vol.1,n02y, p. 180 à 182).Lespseudo-conseilsd'admi-
nistration et les syndics pouvaient feindre d'ignorer les clauses des Trust
Deeds, mais il leur était plus difficile de tenir pour rien les mentions du
registre des actionnaires.
Aussi, hfessieurs, lorsqu'ils décidèrent la créationde ce nouveau re-
gistre d'actions et l'émissionde nouveaux titres d'Ebro et de Catalonian
Land, voyons-nous les syndics insérer dans les nouveaux statuts une
clause qui est tout expres rédigéepour faire échecau droit de National
Tmst. Voiciceque nous lisons danscette clause extraordinaire:

cEn tous les cas, I'exercicedes droits d'actionnaires appartiendra
exclusivement au nropribtaire des actions. Le crbancier eauiste ...
ou n'importe quel àutie porteur en vertu d'un titre autreuq;e celui
de propriété, seratenu de permettre l'exercice de ces droits en pré-
sentant les actions à la sociétélorsaue cette condition sera nécessaire
iictterin. ii'iliic~c <:CIII~<I~1II1~i;'i<:rrdI~lig:,fiun[I,::r?:in~i~.gil-
gisrc:, I'.tctioniiairc ati nom duqii,:Ic.3;i;riuii, joiit iriscrit~s(1;insIL.
li\rc-rcxistre .:iiirCsavoir rcciiiii de maniire airliiantç de l'avis dii
conseil d'adminis'tration, le c;éancier gagiste ou le possesseur en
vertu d'un titre autre que celui de propriété, [l'actionnaire] pourra
faire usage de son droit par la présentation de l'attestation notariée
(A.R., vol.'1, no18,doc.erj et 6, p. 56et 60.)requête mentionnée. u

Cela signifiedoncqued'aucune manièreun créanciergagisteou Xational PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN
237
Trust ne pourra faire échec à l'exercice du droit de voteparl'actionnaire,
I'actionnaireétant. dans lathèsede cesmessieurs. lessvndics.
Pour tcnter <lérbpundre i ses griefs, Ir ~ou\.eriiçr;icnt eipngiiul n in-
\'u<l11Ic5fit -- 1.1ils'est longuciii~nt ;It<.ridusur ct: point-- quc I:tHnr-
celoiinTr:ii:riunelle-nieine n\.aiit 1.if;iillirc

«n'avait pas la possession matérielle des titres-actions, [qui] se
trouvaient aux mains de la National Trust ii(C.M.,IV, p. 324, a));
et de dire:

a si la non- oss sessiondes titres ou documents ne faisait Dasobstacle
<Il'exerci:,~~dcses droits pr 1~3rctIuii:i.I'r;ictiùn,I~~~~rqu ct~rniniéj
~lroirs n'3iirdir:rit-ils puCtr~.ewrci~ p:1r les organes substitii;~ i
1J:irc~luri:i'r;,ctioii..,lbrd., 1325. c,,.
J 31 dkji r;lx>ridu ,'cettc objcctiuii ct ]'ni niùritrC J la (:uiir iluc ln
Ij:~rielunn 'l'rac~in~ :t ses iiliiilrs :i!.aicnt t:if~cti\.enI<ipoisesiioii (Ic
certains titres pour lesquels elles exerçaient donc le droii de vote en
qualitéde possesseur. J'ai montré à la Cour que, quant aux titres grevés
de specificou de fixedcharges,si National Trust en avait la possession, le
droit de vote n'a jamais étéexercéqu'en vertu de procurations, d'auto-
risations ou d'instructions données précisémentpar National Trust qui
avait la possession des titres.
Vainement, Messieurs, le Gouvernement es~agnol cherche-t-il à échaD-
per à sa responsabilité, en alléguant que les Gdics dont je viens de ch-
tiquer l'attitude

<<exerçaientdes charges privées dans la mesure où ils représentaient
les créanciersdu failli; de ce fait [du Gouvernement espagnol], leur
activité ne pouvait pas engager la responsabilité de 1'Etat » (D., VI,
no323.P. 406).

Nous avons déjàrencontré cet argument dans la réplique (V, nm 610
et 611). En tant qu'organes de la faillite. les svndics sont soumis la sur-
veillance du comkiss~re; le commissaire est iommé par le juge, c'est un
«délégué de l'autorité judiciaire i,comme le qualifie très exactement le
contre-mémoire (IV, no 249, p. 402)et il est spécialementchargéde iisur-
veiller toutes les opérationsdu séquestreprovisoire et des syndics »et de
Hrendre compte au tribunal des abus qu'il reléverait i(codede commerce
de 1829,art. 104j, 5').
LeGouvernement espagnol nepeut donc pasdire detout cequ'ont fait les
organes de la faillite: iiJe m'en lave les mains. inLesorganes de la faillite
doivent rendre compte de leurs actes au tribunal. Ils ne sont que les délé-
euésdutribunal.
" Le commissaire a approuvé toutes les décisionsprises par le séquestre
provisoire qui se constituait en assemblée eénéralepour révoquer les ad-
ministrateurs ou en nommer de nouveaux:& il a DI^ soin de notifier aux
sociétésauxiliaireslanominationd (es.Ms.:ndI.III,n0 164,p. 637).
A un moment donné,il semble avoir été effrayélui-mêmede l'usa~efait
par les syndics de leurs pouvoirs et il s'est disormais abstenu de rendre
des ordonnances approuvant les décisionsprises par les organes de la
f:tlllitG.
\l:iisie ii'est pas i>:ircequ'il n'eut-r<~rlus sa niisji~n que 53 rcsponsa-
hilitC disl~;irait. Soii iii:iction engage, tuiit aiitniit qiit: ses faiites tl:ins
I'esercic<!<Irses fonctioiis, la rcsl~ons~bilit6ileI'Etat e~pagiiol.~3s BARCELONA TRACTION

Lorsque les syndics vont livrer à Fesca les faux titres, le commissaire
seraprésent (A.M., vol. IV, no224, p. 8jo). II a ainsiimplicitement admis,
lui aussi, que ces titres «constituaient la totalité du capita» des sociétés
auxiliaires et le texte qu'ilapprouvait ainsi a ététransmis au juge spécial
qui en a ordonnéla jonction au dossier de la procédurede faillite (A.M.,
vol. IV, no 225, p. 851). Par conséquent, il n'a pas cesséd'y avoir une
collaboration entre lesautoritésjudiciaires et leur délégué.
Arrivé peu prés au terme de mon exposé, Monsieur le Président.
tablement le plus grave du Gouvernement belgee fois quà l'encontre du Gou-
vernement esuaenol est déduit du caractère manifestement arbitraire de
toutes ces déc'isigns.
Selon quel'intérêtde hfarch l'exige,nous voyons les autorités dont j:ai
~arléado~ter. à DroDosdes mêmesauestions de droit. des solutions dia-
hétralemênthpp'oséêd s,s solutions Contradictoires. '
Le tribunal de Reus, nous l'avons vu, a commencépar considérer à
plusieurs reprises que la personnalité juridique des filiales n'existe pas ou
a dispam. Le but était alors de justifier la saisie des biens des filiales en
Espagne.
Mais lorsau'il s'aeit d'ouvrir la voie Dour mettre entre les mains de
.\larcli iles t;trci qu~rcnil)l.ici:ioiit 1,s ;ici~onsli.gitiiiiesd&posc;c::stu Cana-
da, In prrsonnilir: jiiridiqur. de c<>isoiiCti.s Tili:~rcprirriit coiiimc par
eiiih:~iitcment et 1'0iitrouve tout n~tiir~l ~IIC !CsLquestre de 1:ifaillite,
a qui Ion riattribué ln po.;scssionficti\.e 11çsZictionsdes fili.1.onjtituc
lui ;CUII'ssseniblCegentirnlt.<Icc; mCiiicss1ciCt6s.
1.cprofesseur Gnrrigiies, \lessir-urs, ii'a pa5 manquéde soiiligner cette
contradiction, et j'njoutc. de 1s stigin~tisrr comme assurément ellr le
mérite (consultation;p. 60).
Autre contradiction: les syndics - et les autorités judiciaires qui les
approuvent - considérent qu'il n'estpas nécessaired'avoir la possession
matérielledes actions pour exercer le droit de vote, puisqu'ils ont le pou-
voir d'exercer les droits attachésaux actions. D.r le seul effet de l'ocufia-
cidn ordotinCepar le jiigr d<.l<t?ui.
.\lais lorsqu'il s'agit de mettre en vcntt. les droits d'sssoci; de 13arce-
lonn. on iiieç indisor.ns:il~lcil'iiiicttrr. de nouvelles actionsirtFont ces
titre;-l~.>fnon leidroits d'actioiinairzs d6t;tchtis(lu titre et. en <~iit.lque
sorte. flottant dans I';,ir,qui vont faire I'o1)jet(1I: vente organijt:~ p.ir
IL-s;!.iidics.
Troi,i$mc coiitr;idicrion. les iii6mi.sqndics qiii sç cùiisidciaieiit coiniiic
qualifiéspolir a;sistcr et votcr dails d~.~iritcridiics assemblée.;g;nt;ralcs
<!esfilinlts. sans i~osséderrnntiricllririerit les actions dont iSC disaient
titulaires, kt sani déposer ces actions, vont faire voter par ces assem-
blées - c'est-à-dire décidereux-memes - que désonnaison ne pourrapas
assister aux assemblées sans le dépôt préalable des titres. (Décisions
prises sous le no 9 des assemblées généralesde l'Ebro et de Catalontan
Land le 14 décembre 1949; modification de l'article 28 des statuts de
l'Union Eléctrica de Cataluiia, mêmedate; modification de l'article 36
des statuts de la Barcelonesa, par une soi-disant assemblée généraledu
17 décembre 1949; modification de l'article 21 des statutsde Saltosdel
Segre, ar une pseudo-assembléegénéraledu 14décembre1949et de l'ar-
tiEn d'autres termes, ils avaient dérogéarbitrairement à leur ava@,age
et sans aucun motif valable aux régleshabituelles en matiére de societés PLAIDOIRIE DE hl. VAN RYN 239

par actions, qui supposent que ceux qui veulent assister à l'assemblée
soient possesseurs des titres et les déposent, mais ils s'empressaient de
consacrer eux-mêmes,dans les statuts nouveaux ou dans les prétendus
statuts nouveaux, ces mêmes règles pour pouvoir les opposer a'ceux qui
se prétendraient actionnaires ou qualifiéspour exercer le droit de vote,
enparticulier, pour pouvoir s'opposer à une intervention éventuelle de
-at~ ~ ~ ~ust.
Toutes ces contradictioiis, Messieurs, révèlent, me paraît-il, d'une
manière éclatante, le caractère nettement discriminatoire et arbitraire
d~~-d~ ~sionssuccessivementurises.
Et c'est ce qui nous a pe;mis d'affirmer que dans toute cette affaire,
l'institution de la faillite a étévéritablement détournéede sa fonction
normale et mise au service d'intérêts uarticuliers
Cette f;iillitç:iétl:pro\,oquCe ;iriilicicllrriieiit. ella 6té systéiiiati-
qiicmt nt f;iiiisét..srs cfiets ont -212arbitraireinent t.ungGrc'sau pris des
coiitradictioiis ct dcsillC~alit~sque j'ai11i1souligner dt:vant la Cour.
J'esp8rt- \.oiii :avoirdernoritré..\lcsjicurs, qiiI:ijustice rendue par %

tribu1131déReus ii'est nssurl:nierit pas la juitice qiie l'un attend ICgiti-
rncment <l'uneiuridictisn con5cicntc (1~ 3r5 clevoirs.C'est une iuiticc.d6-
risoir,:, uiic juiii,:< 11nrtiqui cunimc.tclle, iiic~~ritz~tnlileme~tc .ngiigt.
I:I rcjl)onsal>ilit$ inlerri:itioii;ilc de I'Etat ilccirtriburi:il JCpcrid, c;ir
cette iustice dérisoireet partiale éauivaut, sans aucun doute. un véri-
table &ni de justice.
La démonstration que je me suis efforcéde faire sera poursuivie et
achevée, Messieurs, par mon collègue, Mc hlarcel Grégoire.Mais aupa-
ravant, il convient que soit exposé à la Cour - et c'est MeRolin qui a
bien voulu s'en charger - comment furent systématiquement bloqués
tous les recours exercés par les sociétésdu groupe contre les décisions
arbitraires que j'ai analysées.C'est là en effet un des élémentsessentiels
de la machination de hfarch, et cette foisencore, vous le verrez. il a su
obtenir un concours singuli6rement complaisant de diverses autorités
espagnoles.
Je me rends compte, Messieurs, qu'un exposé aussi longet aussi com-
plexe que celui que j'ai étéobligéde faire à la Cour pendant quatre
audiences entières est inévitablement de nature à fatiguer les auditeurs.
et je suis d'autant plus reconnaissant aux membres de la Cour de I'atten-
tion et de la patience avec lesquelles ils ont bien voulu m'écouter.Je tiens
à les en remercier tout particulièrement.

L'audience est leuéeà 13 heures NEUVIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (25IV 69, IO h)

Présents:[Voir audience du 17 IV 69.1

PLAIDOIRIEDE M. ROLIN
CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

M. ROLIN: Monsieur le Président, Messieurs les juges, mon collègue,
le professeur Van Ryn, a présentéi la Cour. pendant les dernières au-
diences, les nombreux griefs formulés par le Gouvernement belge contre
le jugement de faillite. les jugements connexes et les décisionsjudiciaires
qui avalisèrent les actes d'exécution accomplis par le séquestre provi-
soire et le commissaire.
Cri grit:fi sont principalt-riit]c,\.oui Ic rappcllc
l.'ujiirpation di: juridictdenla part des cours et tribunniis espnjinols
loraqii'ils jttitiiCrcnt sur I:iillitc cle l13arcelona Triiction et au'ils
ordoinèrent des mesures d'exécution qui porteraient atteinte aux biens
situésen territoire espagnol.
La constatation dans le chef de Barcelona Traction d'une insolvabilité
et d'une cessation de paiement qui n'existaient ni l'une ni l'autre.
L'extension des saisies aux avoirs des sociétés auxiliaires.
L'attribution au séquestre provisoire de la possession médiate et
civilissime des titres des sociétésauxiliaires appartenant à la société
faillie et se trouvant au Canada.
L'absence de publication du jugement de faillite dans le pays où la
sociétéfailliea son siège social.
Le pouvoir attribué au conimissairc de révoquer le personnel des so-
ciétésauxiliaires et l'usage qu'il eu a fait.
L'usage enfin fait par le séquestre provisoire des droits attachés aux
titres fictivement saisis pour révoquer les administrateurs des sociétés
auxiliaires, pour en désignerde nouveaux; enfin pour reviser les statuts
des sociétésauxiliaires et remplacer les titres qui échappaientà la saisie
par de nouveaux titres émisen Espagne, ce que Mc Van Ryn a appelé
les efaux titresn.
Inutile de dire que ces diverses mesures firent tout de suite l'objet de
tres nombreux recours.
Il est vrai que Barcelona Traction n'intervint pas elle-mémeau cours
des premiers mois; elle avait la libertéde surseoirà intervenir puisque le
délai d'opposition n'avait pas commencé à courir vu l'absence de publi-
cation régulièredu jugement de faillite dans le pays du siège social.
Barcelona Traction. d'autre part. entendait contester la juridiction
des tribunaux espagnols; or ses conseils lui signalaient que la jurispru-
dence espagnole était telle que la moindre manifestation d'une partie
contestant la compétencepeut êtreinterprétéecomme une acceptation
de cette compétence,et c'est pour cette raison que la société faillieestima
préférablede commencer par mobiliser les sociétésauxiliaires et d'autres
personnes également intéresséespar le jugement de faillite et qui exer-
cèrent divers recours.
Ils avaient comptésansla mise en action par des hommes de paille du PLAIDOIRIE DE hl. ROLlN 241

groupe .\larcli d'un iiombrc estraordinaire de niuyt-ni Ir. plus &\,ers pour
bluqucr lçî recours qui st:rnicnr iiitrudiiits. Avec ce r;sultat inuuï que,
tant Ics recours dc 1.sosil:ti f:iilli<:~ntroduits 5 r>;<r Ilimoisde iilillrr
1948, que les recours introduits antérieurement à partir du mois de
février 1948, furent invariablemen:, ou rejetés comme non recevables,
ou ajournés,ou avortéspar des décisions du jugede Reus, [lujuge spécial
ou de la cour d'appel de Barcelone, voire mêmeparfois du Tribunal
suprême.
Ce qui n'avait étéqu'ajournéfit l'objet de décisionsen 1963.
Dans l'intervalle, dés le 4 janvier 1952,tout le portefeuille de Barce-
lona Traction avait étéadjug. - à la sociétéFecsa, constituée à cet effet
par le groupe March.
II était assurément paradoxal, il était manifestement injuste, il était
vraiment intolérable que la procédure de faillite ait étéconduite ainsi
jusqu'i la spoliation totale des intéressésbelges sans qu'il leur ait été
possible d'obtenir une décision finalesur les nombreux griefs formul6s
contre le jugement de faillite et son exécution.ni mêmesur la juridiction
et la compCtence, et que cette situation se soit proloncée~-.dant dix
311sencor<.~p1i.s 13 \er~t+:.Et II fr;ippant <lesuri-t:itt3rque. nihic en
iy0j. Iorsqii'il liit statut piir Ic.1i1ge~j16ci:tlen foiicri;i I'bpoqiicuii
i>;~rla iuur d'n~vel tic l'iiirr<.loncI:ii)liipnrt dcs <l;ii>ioiisreiidu~s sur
les recours qu{ haient encore penda'nti déclarèrent ces recours non
recevables en sorte que, mêmeaprès la vente, aucune des questions
soulevéesdans les griefs ne reçut de décisionquant au fond.
Le Gouvernement belge a vivement dénoncéles décisions judiciaires
qui avaient conduit à cette situation assurément choquante. Il y a vu
non seulement des violations ar-ssiéresde la loi es.a.,ole mais des dénis
(Ir:justice nu sen, étroit 111mut. des manilc.>tatiuiisdc pnrtialitd ct dc
<lisiriniiii;ition, pour toutclir<ruii rn;inqiiciiieiit gr;i\.:III\garifi~itif:~
~ss~.iiri~:llsiic. siiiv:iiit le droit iiiicrnationnl. I';iiliiiiiiistratioI:Idc
justice doit issurer aux ressortissants étrangers et à leurs biens. droits
et intérêts(M., I,,p. 171et suiv.; R., V, p. 461et suiv.).
Les movens oui furent mis en Œuvre avec succèsDar leArroune-.larch
pour obtéoir cc'rfsultat sont au nombre de trois.
Il y eut les déclinatoiresde compétenceet de juridiction.
Ily eut lescontestations aux auteurs des recours dela qualiténécessaire
pour les introduire et il y eut les substitutions d'avoués.
Les divers procédéset les décisionsjudiciaires qui en consacrèrent le
succéseurent tous nour but et pour effet de faire obstacle à l'examen des
les jugements connexes et les mesures d'exécutionde ces décisions.llite,
Du- moins, dans les premiers quatorze mois, Barcelona Traction
pouvait êtrerelativement rassurée puisque, si ses recours étaient sus-
pendus, était arrétéeaussi, dans uiie large mesure, la procildure de la
faillite. En effet, la convocation de l'assembléegénéraledes crilanciers,
nécessairepour l'électiondes syndics ayant seuls le pouvoir de vendre,
appartenait à une section qui était frappéepar la suspension; en sorte
que si, d'une part, Barcelona Traction se trouvait dessaisie et ne par-
venait pas à se faireentendre, d'autre part le groupe llarch lie voyait
pas la possibilité,danscette situation, de transformer en un titre définitif
cette c os sessionde fait. ou'à travers le sfauestre ~rovisoire et les nou-
veawadministrateurs il éxerçait sur les biénsdes faillis.
Et c'est cette situation qui, au bout de quatorze mois, prit fin par une242 BARCELONA TRACTION

décisionqui, dans l'ordre de la gravité - suivant nous - prend place
cour d'appel de Barcelone duent7 juin 1949 (A.M.,vol. II, no 113,p. 421)
par lequel on rouvrait les portes en ce qui concerne le déroulement de la
procédurevers son dénouementfinal, c'est-à-dire l'adjudication publique
des avoirs des faillis, tandis que l'on a maintenu jusqu'au bout. jusqu'en
1o67. le blocaee des recours.
Il'autre de bonne lieur^,les promfiteurs de la faillit< üvaicnt
obtenu di1juge de I<cusdes drci,ions ;ittribiiant au jiigeiiient de faillite
force de chose jugc'c.Cr5 dGcisioiisfureiit utilisees dans la suite comme
une justific~tioii coinl~l;nient;iire de la vcnte. lilles priîeiitcnt donc un
rapport de conncsitC ccrt:iin avec les d;~.i,ions ri:lntivcs nu I>loc~gcllts
récours.et seront h cc.titrc 6esl~.mcntdii-ciitcesJsns cette ~l;~idoiric.
~nfii, il m'a paru indispekable de montrer à la Cour, 'au terme de
cette plaidoirie traitant des vices de procédure, comment il fut jonglé
avec l'attribution d'un ou de deux effets aux appels interietés contre
1,:silbcisions de prcmiére instaiice. L;i cour d'3fi;el tcmoiba de crttr
dGsinvoltirre la prcriiiirc lorsque, le m6me 7 juin 1949, elle reiidit dctis
arrêts.dont l'un ndmrttÿit iii;IDD~3I.deus eficts. t~itdisaile 1,'J~i~siCnie
reconnu vàel'appel.rler dimin& cet effet suspensif qÛi venait d'être
D'autres fois.~resau'eut étéainsi assuréela sus~ension des recours
relatifsA la valiaité du jugement de faillite et des premières mesures
d'exécution, aprhs qu'eut étépar contre rouverte la porte aux mesures
préparatoires la Gente, lejuge spécialapprouvépaila cour d'appel ne
se borna pas à rejeter les recours dirigéspar Barcelona Traction contre
ces mesures, mais se refusa accorder un effet suspensif aux appels
interietés Dar Barcelona Traction en ce aui concerne les déusions rela-
ti\.es'~la \:ente et permit aiàsl'irrérnbdiiblede s'accomplir sansretards
dans les délaissoiiliait;s par Juait >larcli.

Premicrmoyende blocage
Voyons le premier moyen de blocage, celui dont l'effet va se prolonger
presque sans interruption de 1948 jusqu'en 1963 C'est l'effetsuspensif
prouenantdes déclinatoiresde juridiction et de compétencd ee Garcia del
Cid et de Boter. Garcia del Cid introduisit son déclinatoire de compé-
tence - qui étaitune forme de recours - contre le jugement de faillite,
Garcia del Cid,sans dénierla juridiction destribunaux espagnols, estimait
que l'affaire devait êtreportée devant le juge de Barcelone et non pas
devant le juge de Reus.
Boter, au contraire, contesta la iuidiction de l'ensemble des tribunaux
es~aenols et. suivant les conseils eioaenols du Gouvernement belge, c'est
ab'u<vement que contestGiA fut présent6esous la for&: d'un
déclin3toire de comp6tcrirc alors qu'elle aurait dii I'2trc soit coriime un
moyen de fond soit Sousune forméqui n'entraînait pas la suspension de
procédure.
Du reste, quand Barcelona Traction comparaîtra dansla procédureet
contestera à son tour la juridiction des tribunaux espagnols, elle le fera
le18 juin 1948 en tête de son opposition au jugement (A.M., vol. II,
no 125 p,. 440).
Quant aux effets de ces déclinatoires, ilsfurent très différents.La sus-
pension de procédureposéepar Garcia del Cid ne dura que vingt jours. PLAIDOIRIE DE hl. ROLlN 243

En effet, le déclinatoire présentéle 13 février fut reçu par ordonnance
du 14 février,rejetépar ordonnance du 27 f6wier. Garcia del Cid frappa
cette ordonnance d'appel mais il s'en désista le 5 mars (A.hl., vol. II,
noAu contraire, le décliuatoire Boter présentéle 30 mars 1948 et reçu
par le juge de Reus par ordonnance du 31 mars, fut rejetépar le premier
juge spécialpar jugement du 12 février 1949, qui fit I'oblet d'un appel
de Boter sur lequel il ne fut statué que le 15mars 1963.
Les deux déclinatoires p rés entaientce trait commun d'êtreen au-
parence - mais en appareice seulement - dirigéstous deux contre les
~romoteurs de la faillite et d'avoir uour obiet le dessaisissement d. -upe
de Reus.
En réalité,ils émanaient tous deux d'hommes de paille et ils pour-
suivaient un but sans rapmrt avec leur obiet apparent dont ils devaient
au contraire, favoriser1':Chec.Ce n'étaieni ceriàinement pas - et vous
déclinatoires de bbnne foi.ontestation sur ce poin- ce n'etaient pas des
Quc les deus requL'riintsfussrnt dei hommes de pnillr.,des coniparses
de c,-ii.uqu'ils préteridiiient combnttre ct qui ét;iient les rcqu;rants h 1;i
f.iillit13chose ne r121ioaî itrc doutcuse ct ne nouvnit ~3.;l'êtrern6me
pour le juge de Re&.
Nous avons relevédans le mémoiredes circonstances trèsparticulieres
qui devaientêtre connues du juge de Reus. Je passe sur le fait que Garcia
del Cid, comme Boter, étaient en réalité desconcitoyens de Juan March,
tous les deux domiciliés à Palma de Majorque; cela pouvait paraître
n'êtrequ'une coincidence, mais, ce qui ne pouvait pas êtreune coinci-
dence, c'est que Garcia del Cid fut en mesure de présenter son déclina-
toire de compétence le 13 février1948. c'est-à-dire le lendemain du jour
où le jugement avait étérendu à Reus, alors qu'il n'y avait eu aucune
publication encore. Ce qui n'est pas une coïncidence, c'est que Garcia
9 février 1948,lejour mêmeoù cette procédureallait commencer par lee le
depat de la requête.
Quant àBoter, lui, plus fort encore, il a donné pouvoirà l'avouéqui
a comparu en son nom, le 7 février1948, deux jours avant le dépôtde la
requête, pour intervenir dans une procédurequi n'avait pas encore com-
mencé. Avait-il un don de vision, de prévisionde l'avenir? Ou bien, c'est
la conclusion qui véritablement s'impose, ou bien avait-il étéinformé
par les auteurs de la requête,les promoteurs de la faillite ou par l'ins-
pirateur de la requête - qui était Juan hlarch - que ce procès allait
commencer et a. .lv avait intérêt à ce .ue..Donr des raisons auià Dre-
miirc vue appnraiisent mystiricusrs, sans aucun retard l'on conteste
prércnrii,cmcnt lacompétence dtiluge niiilueon illlajt s'a~lres-rret que.
six semainesplus tard,-on remplaie cette contestation par une contesta-
tiDu moment que nous sommes forcésde constater qu'il y eut concert
entre les auteurs de la requêteet ceux qui vont accepter de combattre
la compétenceou la juridiction du juge, nous avons la certitude que, en
réalité, l'objetapparent de ces déclinatoiresn'était pasleur objectif réel,
car on n'imagine pas que ceux qui ont déposéla requêteaient pu avoir
un intérêtquelconque à ce que l'on conteste d'abord la compétence,
puis la juridiction du juge auquel ils vont s'adresser.
Nous nous trouvons donc en présence de deux déclinatoires qui244 BARCELONA TR4CTION
n'étaient pas des déciinatoires loyaux, qui étaient des simulacres.
Nous verrons tant& si, dans ces conditions, il était admissible que ces
déclinatoiressoient reçus par le juge de Reus et, comme nous le verrons,
qu'ils soient encouragéspar le juge de Reus.
Nous avons eu le plaisir de découvrirdans les documents déposésau
Greffe par le Gouvernement espagnol une curieuse confirmation de ce
concert préalable. tout au moins en ce qui concerne Boter.
En effet, M. Steljes, un dirigeant de la banque I<leinwort, rendant
compte su comitédes obligataires Prior Lieft de la situation de la procé-
dure en Espagne, déclara que Juan March était derrière le déciinatoire
Boter et il donna de la présentation de ce déclinatoire la curieuse expli-
cation que voici: le déclinatoire, dit-il, avait été introduitpour prévenir
que la société faillie puisse poserun retard infini en soulevant une ob-
jection semblable à celle formuléepar Boter (Bkie Book, vol. III, p. j)
-vous comprenezcecalcul compliqué?
Ainsi on craint que Barcelona Traction puisse soulever un déciinatoire
de juridiction et, comme on suppose qu'eue s'en servirait pour faire
traîner la procédure, on va se substituer à elle, ou plus exactement la
devancer en déposant le.mêmedéclinatoire, avec ce résultat étonnant
que ce désirde célérité se traduira par quinze ans de procédure.
L'explication de M. Steljes n'est évidemment pas sérieusepuisque.
la conduite de Boter le prouve, il désirait si peu empêcher lesretards
que la première chosequ'il fera - et nous le verrons dans un instant -,
à peine aura-t-il déposéson déclinatoire, sera de le corser d'une autre
contestation qui lui fournira un prétexte pour demander un délaiextra-
ordinaire de preuve de huit mois afin qu'il ne soit plus question de son
déclinatoire pendant ces huit mois.
Le Gouvernement espagnol, dans sa duplique (VI, p. 194, note 3), a
également fourni une explication du déclinatoire, qui n'est pas la même
que celle de M. Steljes. -
Il explique que le but de la présentation du déclinatoire Boter fut
de faciliter les négociationsque hlarch comptait reprendre avec le groupe
de la Sidro et qu'il reprit effectivement.
En quoi est-ce que la présentation des déclinatoires facilitait les
recours? Il semble qu'il faille comprendre que March estimait opportun,
après s'étreassuréune position de force par la déclaration de faillite de
la Barcelona et par la saisie de ses filiales, de bloquer les recours par
avance, de bloquer préventivement ceux que Uarcelona Traction ou les
sociétésauxiliaires ou d'autres pourraient introduire contre le jugement
de faillite, afin de s'assurer pendant une période assez longueune position
de force qui lui permettrait ou, comme le dit le Gouvernement espagnol,
qui lui faciliterait lesnégociationsen amollissant quelque peu la résistance
à laquelle il devait s'attendre de la part du groupe de la Barcelona.
On va se demander tout de mêmeen examinant cette situation, qui
est donc entièrement une situation artificiellement ~rovoauée Dar le
groiipc .\larcti. pourquoi le groiipc Jlnrcti ;ieiirecoiirs'successi~~ement j.
un dcclinatuire Garcia del Cid ct puis, sis semaines aprés, i un :iutre
d(,clinatoire portant cette loii sur In juridictioii, pourquoiila nbniidoiiné
Ir prriiiicr pour y substituer le SCCUIIe Jt pouri~uoi.entre Ics clcur, ile
In,sst.3erouler vingt-cinq ]ours: (Iij mars 1948;tu 30 iii;irs 1943il n'\.
n p3.i eii (le d~ilinatoiret il n'v airis ru CI<susociisioii dc 1;~r<iié<liirc;
et&puis, le 30 mars, tout a reCo&encé. La sùspension a dénouveau
tout bloqué. PLAIDOIRIE DE hl. ROLIN 245
Sur cepoint, je ne trouve pas d'indication dans le dossier. Pour pouvoir
répondre à cette question que la Cour seposera sansdoute, comme je me
la suis posée,nous aurions dù avoir actes à la correspondance, certaine-
ment abondante, qui s'est poursuivie à l'époque entre les nouveaux
n~m~reux conseils du erouDe March et le erouDe March lui-mêmeet son ~ ~ ~
princip31 teiiïnt, coniiii,: nos nd\.crsÿires ont vu tolite pussit>ilitépour
piii"r clans les archii.es dc 1Ebro. !. cunipris In corrcspondnrice des
soci2tésiiuxililirdset <leI~iirscoiiieili. Sous avons 61; r6duits. Adéfaut
de cette source d'information. chercher dans les actes ult&rieurs du
groupe March l'explication de ce revirement, mais je pense, Messieurs,
que cela ne présente qu'un intérêthistorique et je ne reviens donc pas
sur les supputations que nous avons faites dans le mémoire (1,p. 64,
no 133) quant à l'explication du changement de tactique qui caractérisa,
à un moment donné,l'attitude du groupe March.
Peut-êtreva-t-on se demander aussi s'ilest bien nécessaireque j'entre-
tienne la Cour, non seulement du déclinatoire Boter qui jouera un rale
de longue durée, mais également de cet éphémeredéclinatoire Garcia
del ---?.
J'ai cru, à l'examen, devoir maintenir celui-ci à mon programme
fût-ce pour tréspeu de temps. Le déclinatoire Garcia del Cid a en effet
revêtuune signification particulière du fait de sa date, comme je viens
de l'indiquer à la Cour, du fait de la preuve additionnelle qu'il a porte
du caractere artificiel du déclinatoire Boter et du concert pr alable
existant entre les auteurs des déclinatoires et les requérants de la
faillite.
J'ajoute que le déclinatoire Garcia del Cida exercépendant les br&ves
semaines de son existence un effet réelsur les premiers recours qui ont
étéintroduits par le groupe de la Barcelona Traction, notamment en ce
qui concerne un recours de la sociétéauxiliaire Ebro et un recours du
directeur général d'Ebro, M. Menschaert, contre l'ordonnance du com-
missaire à la faillite qui l'avait révoqué(A.hl.,volII,nos 82 et 86, p. 340
et 347). C'est pourquoi je n'ai pas pu renoncer à en entretenir la Cour.
Ceci dit, les griefs formulésAcharge des autorités judiciaires relative-
ment à la suspension résultant des déclinatoires m'ont paru pouvoir
è~ ~ ~istineués de la maniéresuivante.
Primo, nous reprochons au juge de Reus d'avoir reçu a trdnzitel'un et
l'autre déclinatoire alors qu'il devait se rendre comptede leur caractére
artificiel et déloyal.
Secundo, nous reprochons au juge de Reus d'avoir reçu a trdmite la
demande incidentelle de Boter contestant la qualité de créanciers des
requérants et d'avoir accepté de joindre cette demande additionnelle A
son déclinatoire.
Tertio, nous reprochons au juge de Reus d'avoir accordé à Boter un
délaiextraordinaire de meuve de huit mois.
Qii:irto, iiotis rcprocli;ns i In cour i1';sppi:ldc Barcelone <l':ivoillb-
c:<lcmtiit limitéles f:ffeii de cette siispcnsion en d&cl;iraiitqu'ylavait
li,.id'en exccntcr In ronvocntion de 1':isseniblée c(.nGrnlrdes créanciers
pour la nomiiatio? des syndics, nécessaire pourpermettre plus tard la
vente des avoirs saisis.
Quinto. enfin, nousreprochons à la même courd'appel saisie de l'appel
du lugement qui avait rejetéle déclinatoirede Boter, d'avoir admis une
demande incidentelle de la sociétéGenora contestant la qualité pour
comparaître de Rarcelona Traction et d'avoir suspendu de ce fait246 BARCELONA TRACTION
l'instruction du déclinatoire Boter et prolongé d'autant la suspension
de la procédurede faillite qui en résultait.

Premiergrief: l'admissiondesdéclinatuires

Le premier grief ne me retiendra pas longtemps. Le juge de Reus ne
~ouvait Das acceDter de recevoir a Iramitedes actes aui. comme nous
;.enons déle voir,'L'tair.iitmanifestement déposésen vu; de produire <les
r6sultats jans aucun rapport avec leur objet naturel, c'est-à-dirc avcc
celui qui s'v trouvait énoncé,et dans le seul but de Drovoauer d'avance
la pa;alysiie des recours qu.i n'avaient pas encoreApu êtreintroduits,
tout au moins lorsque Garcia del Cid a agi, puisque le jour mêmeoh, à
Barcelone, Ebro reçut la visite du juge de Barcelone avcc sa commission
rogatoire qui venait saisir ses biens, le déclinatoire de Garcia del Cid
était déjà introduit devant le juge de Reus.
Ainsi que la Cour l'aura vu dans les écritures (RI.,I,p. 44. note I),
cette réception a trdmite est une notion courante du langage juridique
espagnol. Dans la procédure espagnole, le juge qui se trouve saisi d'une
demande, qu'elle soit principale ou qu'elle soit incidente, doit accepter
ou refuser d'y donner cours par une décisionpréliminaire. Il refuse de
recevoir si la demande est manifestement irrecevable. Le fait qu'il la
reçoit n'est qu'une décision provisoirede recevabilité.
En l'espèce, placédevant des actes qui manquaient de sérieux. qui
manifestement sentaient la manŒuvre, qui ne pouvaient pas répondre
A leur obiet amarent. ie crois oue dans tous les D.>s du monde un
magistrat'se re%lant cbkptc se moque de la justice en I'associaiit
à -Quenous iépohd leà cela le Gouvemement espagnol?cevoir pareil recours.
Tout d'abord, il ne nie pas. comme nous l'avons vu. que Garcia del
Cid et Boter fussent des hommes de paille ni que le juge de Reus ait dii
s'en rendre comDte. mais. dit-il. Barcelona Traction elle aussi a mis en
scène.a fait iiitgmehir di\',erjobligataires. par exemple Anrlrcu, Sagnier,
Lostrie, Ulumental, qui agiss:iirnt de coiiccrt avec elle et qui Ctaient des
Iioinrnesde uaille edc toute facoii.ilii'v avaiVAS lade raison ni mime
de possibilit'épour léjuge de refuser la ;éceptio; de ces déclinatoires.
En ce qui concerne l'argument de fait, oui, il est tout fait exact que
Barcelona Traction a fait intervenirà diverses reprises des obligataires
qui s'adressaient à elle, qui étaient en rapport avec elle, mais ils pour-
suivaient le meme but qu'elle et s'efforçaient réellement d'obtenir ce
qu'ils annonçaient dans leurs écrits. II n'ya donc aucun rapport entre
les recours que l'on-nousoppose et qui furent effectivement assez uom-
breux et ces déclinatoires qui. comme nous l'avons montré, étaient en
apparence directement dirigéscontre l'action entreprise par les deman-
deurs à la faillite, alors que, nous le savons avec certitude, les auteurs
des déclinatoires ne désiraient à aucun prix aboutir et poursuivaient
donc un but tout à fait différent.Quant l'argument juridique, c'està
tort que le Gouvemement espagnol nous oppose en l'espécece fameux
principe dispositif dontilva fréquemment faire usage au cours de ses
ecntures, suivant lequel un juge espagnol ne peut jamais statuer que
sur des moyens qui lui ont étproposéspar unedesparties. Celaréduirait,
si,cela était vrai, la réceptiontrdmiteà une opération purement méca-
nique, puisque, par définition,il est impossible qu'une fin de non-recevoir
quelconque soit soulevéetant qu'une demande n'a pas 6téreçue puisque PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 247

jusqu'à ce moment elle n'est pas connue desautres parties à la procédure
(R.. V,P. 469. 470).
Au surplus, nous verrons dans la suite du procèsque de trèsnombreuses
fois les magistrats et les tribunaux espagnols, dans ceprocès-ci,ontrefusé
a trdmite des demandes qui leur étaient présentéeset qu'il n'y a donc
aucune possibilitéde justification pour l'interprétation du principe dis-
positif qui vous est proposée.
Il y avait du reste pour le juge de Reus, indépendamment de ce carac-
tère artificiel et, disons-le, frauduleux de ces déclinatoires, des raisons
additionnelles de ne pas accepter tout au moins l'incident Boter. La
première, celle que j'ai indiquéetantôt, c'est qu'une contestation de la
juridiction des juges espagnols ne peut pasêtreprésentéedans les formes
prévuespar l'article 72 de la loi de procédurecivile pour les déclinatoires
de compétence (R., V, p. 466-468). Sur ce point, je me réfèreaux argu-
ments longuement développésdans la réplique.Je ne crois pas qu'il y
ait étévalablement répondudans la duplique. Je ne vetix pas surcharger
la Cour inutilement de détails de la loi espagnole. Je passe donc à la
déclinatoireBoter: c'est lefait queBoter étaitde nationalité espagnole et le
que. d'npr;.j la loicspngnole,iln est 1x1s~~cmriiisun national dé c6ntéstcr
In juridiction de ses triburiaux. Qu 11cil sut :linai cri drolt cspagriol, ce
ii'cst pi15iuiitest6 p:ir iius :irlvers:~irrs,niais iopposent I'argiimcnt
déiàrencontré aue le juge ne uouvait uas se servir de movens qui ne lui
uii pes étéproposésp;ir iiiicr1i.spartie; au procilsct <]11;I I'a1~seiicde
prol>oaitions <luclconques, il devait purcinent et simplement rece\,oir.
ouel3 que soient les doutes au'il avair sur la sincéritc des décliiiatoires
etmCmeéventuellement sur 'lanationalité de I3oter.
Puis l'on nous oppose une consid6r:ition de fait qui est plus singuliére.
].'on i~ou dit: le iuaz de Reus ne devait pas savoir que Boter Ctait esDa-
gnol. 11s'appelle];an Boter et il était domiciii6à Palma de MajorqÛe.
Alors, il ya là tout de mêmedes présomptions sérieusesqu'il fûtespagnol
et si le ince avait le moindre doute a;>il ~ouvait ne as en êtreahsi.
assurémé$ il de\,ait. ce que ferait n'importe qucl t6buiial daris cette
circonstance, interroger I'a\.ouéct demander i I';<\,ou6:.Dites donc.
votre mandant, ila bien l'air d'êtreespagnol, est-ce que vous pouvez
me montrer qu'il n'est pas espagnol? n Et l'avouén'aurait pu que con-
fesserla réalité.
La preuve qu'en réalitéil était espagnol sans qu'on ait besoin de
piècesadditionnelles, c'est que, en 1963, lorsqu'il a étéstatué à ce su'et
par le dernier juge spécial, le 8 juin 1963, après que la procédure 1ut
demeuréeen souffrancependant quinze ans, on a b~squement découvert
que le déclinatoire Boter n'était pas recevable parce que Juan Boter
étaitespagnol et il n'y avait pas une piècede plus dans le dossier (A.C.M.,
vol. IX, no 197, p. 284-285).
En ce qui concerne l'objection tirée du principe dispositif. je trouve
aussi dans ce jugement de juin 1963une indication précieuse.Dans ledit
jugement le tribunal statuait sur l'admission a trimile de la demande
incidente en nullité aui avait été introduiteDar Barcelona Traction Dar
ses actes tks 5 ct31 ~uiliet 1948,et au sujet Ae 13qiie1tciln'avait j>as;tc
stntii6 IYar>iiitï<leIn suspension de la ~)rocr:dure.1.e juge refus:, d'ad-
mettre l'incident de nullité soiile\,éDar Unrcrluna Traction ltbtd J et.
bien entendu, nous n'approuvons cette décision: nous airons en
parler plus tard.248 BARCELONA TRACTION

Mais en ce qui concerne la question de la réception, le tribunal s'ex-
prime d'une façonque nous ne pouvons pas ne pas approuver. 11dit
uque la faculté accordéepar la loi aux juges de rejeter de $lano les
recours incidents auxquels se réfèrel'article742 [de la loi de procé-
dure civilel a clairement pour but d'éviterqu'à l'abri de la faculté
accordéeaÜx~arties de former ces recours ne fasse obstacle. n'em-
pêcheni ne rétarde l'instruction~normale des procédures en cours
lie suppose qu'ilfaut lir- je lisla traduction qui nous a étédonnée
dans 1:s annexes au contre-mémoire - <pour éjiter que, à l'abri de
la faculté accordée aux parties de former des recours, les parties
fassent obstacle, empêchent ou retardent l'instruction normale des
procéduresencours~i], et que c'est pour cela que l'examen initial des
requêtes[demandas) doit être minutieux et concret afin d'éviter
qu'on déclare recevables a trdmite des questions qui ne s'ada~tent
manifestement pas aux limites propres déce qui piut êtreconSidéré
comme une question incidente, et à plus forte raison, dans les cas
où, tels que-celui qui nous occupe,-étant donné que la requête
qualifie la question de "nullité d'actes de procédure ii[nulidad de
acluaciones), ces questions font obstacle à la suite de la procédure
principale et que cette précaution doit êtreportée à l'extrêmedans
des procéduresspécialestelles que les procédures universelles où il
est habituel de rechercher des raisons et des arguments plus ou
moins spécieux afinde retarder leur cours et leur développement.. . ii
(A.C.M.,vol. IX, p. 284 et 285.)
Est-ce que je ne peux pas considérerque si tels sont les principes dont
à tort ou à raison le juge spécialen 1963 s'est inspirépour rejeter une
demande incidente de nullitéintroduite par Barcelona Traction. le juge
de Reus avait le devoir de faire application de ces sages considérants
pour rejeter les déclinatoires de Boter et de Garcia del Cid, et de ne pas
se prêterà une manŒuvre purement dilatoire?

Deuxièmegvief : Boter ne se borna pas à présenter nu juge de Reus le
30mars un dbclinatoire de juridiction qui fut reçu a irumitele 31mars;
le2 avril. Boterprésenta une demande plus sinbxlièrcencore (A.R., vol. 1,
no 30, p. 101) contestant la qualité des trois demandeurs à la f:lillite et
demandant que sa contestation de qualité soit jointe à son cléclinatoire.
La Cour se rend compte, je pense, du caractere vraiment stupéfiant
de cette nouvelle demande.
Tout d'abord, Boter était particulièrement mal venu A contester la
qualité d'obligataire des demandeurs à la faillite vu quc ceux-ci avaient
justifiéde leur qualité d'obligataire exactement de la mémefaçon que
Boter lui-mêmeavait justifiéde sa propre qualité d'obligataire. Et c'est
ce que le premier juge spécialconstatera dans son jugement du rz février
1949 (A.N., vol. II, no 109, p. 411) lorsqu'il rejettera le déclinatoire
Boter et la contestation de qualité.
D'autre part, il s'agissait encore une fois et toute évidence d'une
demande qui ne pouvait pasétresincereni donc sérieuse,car imagine-t-on
au'un cornDarsedes demandeurs à la faillite intervienne au bout de six
<cin:iiitesp8iir leur coiitcitI;<~iialitriécei,aircpour inirodiiire et pour
deposcr cette rcquétr i 1.1faillitr? (:'t-it iiiirn;igiiiiliie ~)oiiv:ap:ts
desirzr al~outir. 11nc fit dii rc.tà.aiiciiii nioni~.iitlin effort riiielcr,iiqiic
pour réussirdans cette contestation de qualité. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 249

Le Gouvernement espagnol nous réponddans sa duplique (VII, p. 537)
ue des cointéressésde Barcelona Traction, notamment MM.Andren et
gagnier, ont en 1953 (nous en parlerons plus tard) également introduit
devant la cour d'appel, et précisémentdansla procéduredu déclinatoire
Boter. une contesiition di aualité de diversec~arties. dont les demau-
deursà la faillite, et qu'il en éstrésultéune pro16ngation de la suspension
de la procéduredu déclinatoire, et par voie de conséquence,de la procé-
ùdre de faillite. Et ils nous disent: de quoi vous plaignez-vous, puisque
vous avez fait la mêmechose?
Notons, hlessieurs, que cela se passe en 1953, cela se passe quatorze
mois aurès la vente. Nous nous ex~liauerons nlus tard sur les motifs de
wttc ~Aitiativ~m ' :iis. daiis le cas (jur'jc traitEII est encore un fait qui
aurait dù suffire i coiivnincre le jiigc de Reus de I'impossibilitt!de hire
droit 3 In dem:iiide additionnellé de L<oter.c'est [iu'unc contestation de
i;iqii;.litC des demandt:urs 3 1:i f;iillite et;iit iiian'ifestement totalenient
6trniifiCrc3 l'»bjet du di~c1in:itoirc.ct ne corrcsiion[lait 3 niiciin (les cas
pour iesquels la-loi espagnole de procédurecivile prévoit la jonction.
Au surplus, tout cela fut constaté par le premier juge spécial lorsque,
dans son jugement du 12 février1949. il rejeta la demande de Boter de
déclinatoire de iuridiction et de contestation de aualité. aualifiant la
contestation dedqualité et la demande de jonctioh de manifestement
téméraireset imposant à Boter les frais de l'incident (A.M., vol. II.

Troisième grief:l'octroidu délaiextraordinairedepreuve dehuit mois

Pourquoi Boter avaitiil voulu forcer son déclinatoiredecette contesta-
tion de qualité? A toute évidence, parce que la contestation de qualité
seule lui permettait d'obtenir, d'après la loi espagnole, un délaiextra-
ordinaire de Dreuvedehuit mois. Et s'ilobtenait la jonction de la contes-
tation de qualitéau dbclinatoire. le déclinatoire lui-mêmeallait bénéficier
de ce délaiextraordinaire de preuve de huit mois et la suspension serait
'ro~one~,d'autant
1.81>reni,:,31t:sîietirs.que tel fut le hiit de ct:ttt ci~iitestntioii:iddition-
n+lle,c'est qiie IL.13a\.ril 194S,Rot,.r introduiiit effecti!wnent une noii-
vellr d,~rnan<l<dc d2l;ii estr:<ordinnin. (le vreuie de huit mois
Et le comble, c'est que cette nouvelledemande fut appuyée par les
demandeurs à la faillite. Comment le juge de Reus n'a-t-il pas sursauté?
Voilà des demandeurs dont on conteste la aualité: cela susuend la
prt,r/di~ri. qu'ils ont inrrotliiitc ct, loi-qii'il est deniand6 lin &lai cxrr;t-
ordinaire de preuve de Iiiiit iiiuis qiii va piolongcr I;i~iroi~diire,lys de-
ninndeiirs i Inf:iillitdij~iit: c'?it rrésbicn. :Iccordc.~.-lc.
Le juge de Reus, imperturbable. accorde,'dèsle lendemain 14 avril, le
délaidemandé: la requêteet le jugement sont reproduits en annexe au
mémoire(A.M..vol. II, no' 105et 106, p. 404 et 405).
Ainsi, hlessieurs, une fois de plus, le juge de Reus avait fait la preuve
qu'il n'avait réellementrien A refuser au groupe March.
J'attire l'attention de la Cour sur la datede cette dernikre décision:
elle est du 14 avril; le lendemain, le 15 avril, le juge de Reus va cesser
ses fonctions de juge de la faillite de Barcelona Traction.
En effet, le Tribunal suprêmelui a désignéun remplaçant, un juge
spécial,qui aura la responsabilitéde la procédurede cette affaire partini-
lièrement importante.
J'ai déji attiré l'attention de la Cour dans mon introduction sur la250 BARCELONA TRACTION

différence, qu'en toute objectivité je croyais devoir faire, entre le juge
de Reus dont la Cour vient de constater l'extraordinaire complaisance
aux désirsdu groupe hlarch et le magistrat Garcia Gomes qui'fut désigné
comme le premier juge spécial par le Tribunal suprême.
Messieurs, cette désignation d'un juge spécialavait étédemandéepar
Ebro dès le 17 février 1248 (A.M.,vol. II, no 107, p. 406). Le 16 février,
cette sociétéavait intro uit unedemande de récusationmais, le 17février,
prévoyant qu'elle aurait grand-peine à obtenir que lui soit fait droità
sa demande de récusation, elle avait considéré commeayant plus de
chance d'aboutir, vu le jugement qui avait étérendu, une demande de
désignationd'un juge spécial.Cette demande fut renouvelée le 26 février
(A.M., vol. II, no 108, p. 408). Et le Gouvernement belge, de son côté,
(LI., 1,par. 135,ip. 65). Il y fut fait droit, mais malheureusement trop
tard, et si le ju e spécial désignémanifesta à diverses reprises sa répii-
gnance à se con7orner à certaines suggestions qui lui étaient faites dans
les écritsdu groupe Marcb, il n'eut pas l'énergiede mettre un terme à la
situation que le juge de Reus avait crééepar ses décisionsavant sa nomi-
nation.

L'audience,suspendued II h IO, est reprisà II h 35
Quatrièmegrief: l'admission a tramite de la contestation parGenoradela
qualitéde BarcelonaTraction

Notre quatrihe grief, relatif au déclinatoire de compétence et à la
sus~ension aui en résulte. atraità l'arrêtrendu Darla deuxièmechambre
dc Ilcour J'lippel de Birceloric 1ç7juin I ~ ~ :ui 3 considCrabl~meiit
aggravéles effetsde la suspension des recours résultant du dbclinntoire
Roter. cri rendant la con\.ocation dc I'nsserntiléer2nérale des crc:aii<:irrs
pour l'électiondes syndics possible, alors quSelle"nel'était pas jusqu'à
ce moment, et en permettant ainsi à la procédure de s'acheminer vers
la vente malgréla juspension qui continuait à peser sur les recours.
Pourquela Cour puisse comprendre la portéedu grief, il est nécessaire
que je lui rappelle sommairement les données fondamentales du droit
espagnol en ce qui concerne la procédure de faillite. Cela s'est trouvé
déjàdans notre mémoire(A.M.. vol. II, no xoz, p. 401). je me bornerai
à l'essentiel, mais ie crois pourtant qu'étant donnéle vocabulaire dont
je doisme servir. cela est nécessaireour la corn réhensiondemon exposé.
Un dossier de faillite, en Espagne, comprenf, suivant l'article1322 de
la loi de procédure civile,cinqsëctions:
u[La premi6re comprend] tout ce qui est relatif à la déclaration
de faillite, les dispositions quien résultent et leur exécution, la
nomination des syndics, ainsi que les incidents concernant leur
destitution et leur remplacement, et le concordat entre les créanciers
et le failli qui mettrait fànla procédure.
1.a Section II [comprend] Ics formalités<lesaisie (orrrpucid~r)ilr!j
biens dii 1:iilliet tout ccliicoiicerile I'administratiun il13faillite
iuîuu'à la Iiauidntiuii totalc ct la reddition des cornmes des svndic;.
. .
La Section III [comprend]les actions auxquellesdonne lieu l'effet
rétroactif de la faillite sur les contrats et actes d'administration du
failli antérieurà la déclaration de faillite.
La Section IV [comprend] la vérification et la reconnaissance des PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 251

créancescontre la masse, la détermination de leur rang respectif et
le paiement des créanciers.
La Section V[comprend] la qualification de la faillite et la réhabili-
tation du faillin

Comme la Cour le sait, dans la singulière faillite dont nous nous oc-
cupons il ne fut jamais question de la section III fixant une date pour
l'effetrétroactif de la faillite; quaàtla vérificationetà la reconnaissance
des créancescontre la masse, eile n'eut lieu qu'en 1963, elle demeura
suspendue jusqu'alors, tandis qu'il y avait plus de dix ans que la masse
faillie était vidée de tout contenu. suite au paiement des créanciers
obligataires.
Quant à la section relative à la qualification de la faillite, elle ne fut
ouverte qu'en 1964,et le juge spécialde l'époquen'hésitapas à qualifier
la faillite de Barcelona Traction de frauduleuse.
Ce qui doit nous intéresser en ce moment, c'est de savoir lesquelles de
ces sections et des opérations qui s'y trouvent énumérées devaient être
atteintes par la suspension de la procédure résultant du déclinatoire
Boter, du moment que ce déclinatoireétait assimilé à un déclinatoirede
compétence. Quant au texte légalqui gouverne la matière, je ne crois
pas qu'il y ait de divergences de vues entre les Parties, c'est un article
trèssimple, trèsclair. de la loi de procédure civile,l'article 114. qui com-
prend deux alinéas ainsi libellés:
Les inhihirori~s et les dec/t>~alori~issuapcndroiit les proc2dures,
sauf dans Iccas auquel se réfi-rrI'iirticlr pr6cédeiir.jiis<]u'aunioiiieiit
où la question de compétencesera résolüe.
Durant la suspension. le juge ou le tribunal requis de s'abstenir
pourra accomplir. à la demande d'une partie quaMée. tout acte qui,
à son avis,serait absolument nécessaireet dont la remise à une date
ultérieure pourrait entraîner des préjudices irréparables. »

II a étéfait,à diverses reprises. application de ce deuxième alinéapar
lejuge de Reus. pour la dernihre foisdans son ordonnance du 5 avril 1q48
\~ ".. , ,
teurs de la faillite. déclarait excepter de la suspensionedes trois promo-

<les actes A exécuter dans la 2' Section qui dérivent de l'exécution
du jugement ...de faillite et des décisionsposténeures auxquelles
celui-ci a donnélieu: le Greffierfera une mention suffisante de cette
décisiondans la 2' Section pour qu'elle y produise ses effets ».
Ainsi, Nessieurs. était seule exceptée de la suspension par le juge de
Reus, comme suite au déclinatoire, la deuxi6me section de la procedure
de faillite, et encore pas tous les actes de la deuxième section puisque
celle-ci comprend oles formalités de saisie des biens du failli et tout ce
oui concerne l'administration de la faillite iusau'à la liaiiidation totale
r'tInre<l<lirion(Ir.<:omptes»;Ir )tige n'cxcept:~itpar-la liquidation totale
et I:Ir~ddiiion des comptes (R.. V. no 702). Et cil tout cas,ilétait tout~3
fait clair que la premiérestctioii entier,.. sans coniptcr les sections III,
IV ci \'.n';tait pas cxcept6e de la suspension. elle était fr2ppi.c par la
susr>t~nsioii:r elle comprend 1;iiiominarioii des syndics.
Cette situation subsiste sans rote station d'aucune des ~arties du
groupe March, jusque vers la fin de 1948.252 BARCELONA TRACTION
Le 3janvier 1949 cependant, une sociétédu groupe March, la société
Namel, s'avisa de demander qu'elle soit modifiée.Elle s'adressa au iuge
spécialpour qu'il convoque les créanciers en vue de la nomination des
syndics (A.M., vol. III, 144, p.559).
La sociétéNamel niait que l'article114 fût d'application. Dans les
considérants de sa requête,dans les motifs qu'elle donnait. elle estimait
u'une contestation de juridiction n'aurait pas pu recevoir la forme d'un
~éclinatoirede compétenceet que dans ces conditions l'artic114, que
je viens de vous lire, n'aurait pas dû être appliqué.
Celane manquait pas de fondement, mais étaitsurprenant étant donné
qu'il y avait presque un an que cette suspension avait étéappliquée de
très nombreuses fois, tant par le juge de Reus, que par le juge spécialet
au'elle avait étévoulue et urovoauée Dar le mouDe March. La société
Namei brusquement déclariit que'c'était une-erreur, qu'il n'aurait pas
fallufaire application de l'arti114 de la loi de procédurecivile mais,
a~rès avoir-formulé cette thèse assez radicale. efie aioutait au'elle ne
dkandait pas qu'il soit mis &ila suspension, mais iu'elle démandait
seulement que l'exception admise pour la deuxieme section soit étendue
appuyait essénticllem~nisa;leiii;ihle sur divers':irticles du iode de com-
merce de:162~: IOM. 1062,io0-rqui prévoientque I'asjeriiblézdes srGan-
ciers est con6oquéedans le jugement de faillite, pour une date qui ne
doit pas être distante de plus de trente iours dela déclarationde faillite.
La requête deNamel fut repousséepar le premier juge spécial.Celui-ci
rendit une ordonnance le 12février1949 dans laquelle il donna comme
motif que ale cours de la procédure principaledans laquelle doivent être
réalisés lesactes IdilipenciasJsollicités se trouve sns~endun (A.M.,
vol. III,na145, p.'564):
Namel introduisit un recours en reconsidération (A.M.,vol.III146,
p. 565) . ais cette fois elle cmt devoir jeter du lest et, pour ne pas être
accuséede vouloir acheminer la faillite vers la vente des biens du failli,
alors qu'il n'avait pas été statuésur la validité du jugement de faillite
et sur la iuridiction destribunau. -spaanols. ellecrut nécessaired'aiouter
dans soi recours que
«Pour plus de clarté, nous nous permettons de proposer au Juge
qu'il pourrait souligner, dans la décision que nous sollicitons. la
limitation de ce qu'en ce qui concerne l'activitédes syndics [elledoit
êtrelimitée aux actes d'administration1.r (A.M., vol. III, n146,
p.566-567.)
Le juge spécialne réponditrien et il se débarrassa de la façonsuivante
de la question qui probablement l'ennuyait car il se rendait compte que
son rejet de la requêteNamel avait été malvu dans certains milieux.
Le 12février,juste après avoir rendu son ordonnance qui rejetait la
demandede Namel, il avait renduun jugement qui, lui, rejetait ledéclina-
toire de Boter. Ainsi, le jour mêmeoù il ajournait le recours de Xamel
par suite de la suspension il y mettait fin. Mais, comme on pouvait le
prévoir,Namel demanda le 15 la reconsidération de l'ordonnance tandis
que, le 16février, Boter intejetaitappel du jugement. Ainsi, le juge
spécial setrouvait dans cette situation complexe d'avoàrstatuer àla
foissur l'admission de l'appel Genora par Boter du jugement qui avait
rejetéson déclinatoire, et sur la demande de reconsidération par Namel
de l'ordonnance qui avait rejeté sa demande d'ordonner la convocation PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 253

de l'assembléeen l'exceptant de la suspension. Le juge spécial dénoua
cette situation de la façon suivante. Le 25 juin, il admit à deux effets
l'appel de Boter, c'est-à-dire qu'en plus de l'effet dévolutifsaisissant du
déclinatoire la juridiction d'appel, il maintenait la suspension qui en
était résultéepour la procédurede faillite à l'exception d'une partie de la
deuxieme section (A.M.,vol. II, no 111,p. 416).Et le lendemain, 26mars,
il rend une nouvelle ordonnance à l'égardde Namel (A.M., vol. III,
no 147, p. 568)déclarant ne pas y avoir lieu de statuer sur la demandede
reconsidération de Namel parce que la juridiction du tribunal se trouvait
en suspens. Ayant constaté la suspension résultatit de l'appel, il envoya
tout le dossier à la cour d'aD..i à I'exce~tion de la deuxième section.
Aiiisiilc~ii~r;~t:~<III'1,.nouveau IV~<,III<icSanicl SCtrou\ ;lisiijpciidii
A nouvciiu, sii~pi.iidiiiornnie lor, csspremièreoriluiiii:inse tli12 f;viicr.
mais il demeurait saisi de ce recours. -
Namel se trouvait dèslors paralysée; elle devait attendre que la cour
d'appel ait statué sur le déclinatoire Boter pour que le dossier puisse
faire retour au juge spécialet que le juge spécial puisse statuer sur les
divers recours demeurés en suspens. notamment sur la demande de
Samel.
Maiscette foisl'affaire \,arebondir devant la cour d'appel, précisément
devant la chambre qui est saisie du déclinatoire Boter, et ce n'est plus
Kame1qui s'adresse à la Cour, c'est une autre sociétédu groupe, c'est Ia
sociétéGenora. Elle comparaît le zj avril 1949 devant la cour d'ap el
dans la procédure relative au déclinatoire (A.),., vol. III, no 148,p. j$).
Elle expose dans son écritqu'elle partage les vues de Samel mais. ne
Douvant inviter lacour àstatuer à cesuiet et à luiaccorderla convocation
;le I'ajscml~li.~poiir 1;iiiomiiiation <ID .!ii<lics piiisqiic ci:ttv question
est Ilcmcurécperidniitr d,-\,ant le luge jpeci:il q;i$tés:,isidt.Indemande
eii rccoiiîidrr:itioii di- S;,meI;i-o~iit6 (;,:iiur;i ini:ig(12di:niaiidcr
Incour .I .estitution Ju Joi-ier;IIItiihiinal sp>ci~l.quc ILcour <I';ipprl
r~.iivoicIV dossier i la s~i.irit; I;cnor:, ou Ih:<~ii'cllcilf;i+i: faire (Ivs
conies Dar le ereffier et ou'on envoie des conies certifiéesconformes au
juges;écial iiafin qu'il irenne copie de ce<documents pour connaître
de la reconsidération de l'ordonnance du 12 fbvrier n.C'étaitune procé-
dure singuliere: comment le juge spécialaurait-il pu considérer que le
retour matérieldes piècespouvait changer sa manière de voir?
Genora en tout cas se rendant compte que, comme Xamel, elle se
mettait dans une situation délicate et voulant dans une certaine mesure
apaiser les critiques dont son initiative pouvait faire l'objet, elle déclare
dans son recours

s Avant de terminer, elle désire faire [noter]que sa seule intention
en formulant cettedemande, c'est de régulariserl'administration en
lui donnant les garanties légalesétablies en faveur des créanciers,
mettant fin ainsi à une situation tempooire telle que l'est l'adminis-
tration par le séquestreprovisoire (deposrlario) qui ne peut en aucun
cas se prolonger. 1,(A.hf., vol. III, no 148, p. 571.)

Et, Messieurs, ce qui vous montre l'importance attachée par le groupe
March à cette initiative de Geiiora, il la fait appuyer par les autres séides
du groupe: par le comité des obligataires PrioL rienp .ar Heliretia et par
Samell (Cf.l'écritde Rarcelona Traction du 13 mai 1949, A.M., vol. III,
no 149, p. 573.) Ainsi Namel qui est bloquéedevant le juge spécialse dit:154 BARCELONA TRACTION
rTiens, cela n'est pas une mauvaise idée,peut-être que le dossier pourra
faire retour et que le juge spécialva êtreforcéde se prononcer. »
C'estsur cette requêteque la cour rend l'am& du 7juin 1949sur lequel
je dois attirer l'attention de la Cour. Non seulement la cour d'appel fit
droit à la demande de Genora mais eUe alla bien au-del& de ce qui lui
&ait demande. Elle ne se borna pas à ordonner

([qu'il soit fait] copie certifiée [dediverses pièces de la procédure
pour être]remise au juge a quo pour qu'il procede, dans le cadre de
sa compétence,et s'ill'estime pertinent, sur le recours en reconsidé-
ration (reposicidn) pendant » (A.M., vol. III, no 150, p. 582).
c'est-&-diresur le recours de Namel.
Dans le dispositif, elle déclare

uexceptés de la suspension qui affecte la première section de la
présente procédureuniverselle de faillite, tous les actes qu'il y a
lieu de faire pour la convocation de la première assembléegénérale
des créanciers et la désignation des syndics avec les effets qu'ils
doivent produire dans la deuxième section (relative à) I'administra-
tion des biens saisis (incautados)u(ibid., p.581).

«Exceptés de la suspension de la convocation de l'assembléepour la
désignation des syndicsi,: on se trouve bien devant une véritable réfor-
mation de l'ordonnance du 12 févrierdu juge spécial,lequel avait déclaré
au contraire que la convocation de l'assembléeétait couverte par la
suspension.
Quant à la limitation provisoire des pouvoirs des syndics qu'avait
suggéréeNamel et qu'avait reprise en une forme extrêmement vague et
équivoque Genora, il n'en est plus question; la cour d'appel au contraire
marque bien la gravité de la décisionqu'elle prend en décidantquecette
convocation de l'assembléefait mention dans son dispositif des effets que
la convocation de l'assembléedes créancierset la convocation des syndics
<<doiventproduire dans la deuxième section ».
Cette section, nous l'avons vu, comprenait la vente.
De làl'émotiondes dirigeantsde Barcelona Traction,quin'épargnèrent
aucun effort pour obtenir de la cour d'appel qu'elle annulit sa décision.
Mais la cour d'appel mit au contraire une hâte particulière à assurer la
remise au juge s écialdes copies des documents qui devaient le mettre
en mesure de re cfeçser ce qu elle considéraitcomme une erreur.
Un recours de sdplica fut dirigépar Barcelona Traction contre l'arrêt
du 7juin; il fut rejetépar la cour d'appel le 30 juin: puis la cour d'appel,
sans attendre'que fût expiréle délaide pourvoi en cassation, rendit le
7 juillet une ordonnance d'exécution prescrivant'la remise à l'avouéde
Genora des copies de pièces destinées au juge spécial ainsi que d'une
commission rogatoire dans laauelle il était invité & se Drononcer sur la
demande de N&nel.
Barcelona Traction. qui s'était ourvue en cassation contre les deux
un incident de nullitécette procédure précipitéeLe. etexte de cet incidentr
se trouve reproduit dans lesannexes àla duplique (A.D.. vol. III, no I3q.
p. 222). - -.
Barcelona Traction ne se bornait pas à y réclamer l'annulation de la
mesure d'exécution ordonnéevu le pourvoi dirigécontre les arrêts des PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 255

7 et 30 juin, elle demandait l'envoi au tribunal spéciald'une nouvelle
commission rogatoire l'invitant à suspendre la procédure sur l'incident
Namel jusqu'à l'arrêtdu Tribunal suprême.Mais il suffit de trois jours
la cour d'appel pour rejeter l'incident; un arrêt fut rendu le 14 juillet
1949 ilfut confirmépar un arrêtdu g août et le pourvoi dirigh contre ce
dernier fut rejetépar le Tribunal suprêmepar arrêt du gseptembre 1949.
Tout cela, Messieurs, se passait pendant les vacances judiciaires. Les
deux arrêtsde la cour d'appel sont reproduits par extraits dans nos
nouveaux documents (no" et 2).
Dès le22 juillet 1949.le juge spécial nepouvant faire autre chose que
de s'incliner devant l'arrêt de la cour d'appel, rouvrit le dossier relatif
à la demande de Namel et rendit le 28 juillet un jugement déférant à
l'opinion exprimée par la cour d'appel, rétractant l'ordonnance qu'il
avait rendue sept mois plus t8t et ordonnant la convocation de l'asseni-
blée(A.M.,vol. III, no 153, p. 600).
Les termes de ce jugement prouvent à toute évidenceque le juge ne
rendit son jugement que contraint et forcépar la décisionprise par la
cour d'appel qui se substituaitàlui sans avoir étésaisi- ellene pouvait
pasl'être - de la demande en reconsidération de l'ordonnance qu'ilavait
rendue.
de la disposition de l'arrêt quiexceptait de la suspension la convocation
de l'assembléedes créanciers, continua par le considérant suivant:

«l'obstacle légal qui, de l'avis de celui qui statue, empêchait au
moment où ont étérendues les ordonnances en question - celle du
12 févrieret celle du 26 mars- d'accéder la demande, a dispam a.
Texte très clair;àson avis, il y avait un obstacle légalqui empêchait
la convocation de l'assemblée, cetobstacle légalavait disparu parce que
la cour a déclaréexcepter de la suspension la convocation de l'assemblée
des créanciers.
Les illégalitésqui frappent cette décisionsont, je pense, multiples et
graves. Tout d'abord il est clair que la cour avait, première illégalité.
statué le 7juin horsdeslimitesdesacompétence I.l résulte desexplications
que je viens de donner, en effet, que la cour d'appel n'était passaisie de
la demande oséepar Namel que le juge spécialavait rejetée par une
ordonnance $u 12 février,dont la reconsidération lui était demandée et
était toujours pendante devant lui.
Il est vrai que dansla duplique (VII,no520)le Gouvernement espagnol
émetl'avis que dans son arrêtdu 7 juin 1949,la cour d'appel n'avait pas
décidéla convocation de l'assemblée, et cela est vrai puisque la cour
d'appel invite le jugeà statuer dans le cadre de sa compétence,mais la
cour avait levéle seul obstacle qui s'opposait à cette convocation, à
savoir la suspension qui frappait la première section. La constatation
de cet obstacle avait étéle seul motif donnépar le juge spécialdans son
ordonnance du 12 février14,,.,.our reieter la demande de Namel:
comment, si cet obstacle venait à dispardtre, pouvait-il refuser de con:
voquer l'assemblée?Il v avait donc, assurément, une décisionréformant
sonordonnance, or la cour d'appel ne pouvait pas réformerune ordon-
nance dont elle n'était pas saisie.
Deuxième grief relatif à cet arrêt,c'est que la cour d'appel a statué
ultra petita.
En effet, nous l'avons vu, les conseils de Genora, tout en poursuivant256 BARCELONA TRACTION

le mêmebut que Namel, n'avaient pas cru pouvoir pousser l'audace
jusqu'à présenter à la cour la demande de convocation de l'assemblée
généraledes créancierssoumise par Namel au juge spécialni luidemander
de trancher la question de savoir si cet acte devait, ou non, êtreexcepté

de la procédure; ils s'étaient bornés à demander que la cour renvoie au
juge spécial, en original ou en copie, les pièces nécessairespour statuer
et dont. par suite des deux effets de l'appel de son jugement rejetant le
déclinatoire, le juge spécials'était dessaisi.
En déclarant que la convocation des créanciers était exceptée de la
suspension, la cour a donc manifestement étéau-delà de ce qui lui était
demandé; Barcelona Traction, du reste, n'a pas manqué de le lui faire
observer dans le recours en reconsidération (szlplica) qu'elle a adressé à
la cour d'appel le 14 juin 1949.

La cour d'appel a rejeté le recours dans son arrèt du 30 juin. Elle
écartait la fin de non-recevoir tiréede l'ultra petita par un considérant que
la duplique reproduit (D., VIX, p. 571. note z) suivant lequel la décision
du 7 juin avait été motivée par la considération

« au'il serait difficile d'extraire la co~ie des ~ièces demandées .. r---r
instruire le recours en rétractation (repos;cidn) formé devant le
tribunal a quo sur la convocation de l'assemblée aénéraledes créan-
ciers et la'dé~i~nation des syndics demandée, ;ans maintenir au
préalable qu'il était pertinent de l'excepter de la suspension de la
procédure ».

Si ie comorends bien. Messieurs. ceci n'est Das une iustification. c'es~.~ ~ ~
uii:,\?II,t.riiii ;IYNq111\.3:II'ctiionir~ SICI'ardunieiii prL'iciitciidiipliiliir
p;ir Ic Gou\.<rn<iii,:iit t.;~:afiiiiI~II <l'.au~it-sr~iriics, l., i:uilr (l'~,pl~c
titi1116iic II:~Ilouvoir f~irc droit i la d-ni;,ndc Je Geiior.~î:i~is :!Ilr:rii-
delà de cequéile demandait et sans dire dans son dispositif, dire pour

droit ce que Genora n'avait pas osédemander, àsavoir que la convocation
de l'assemblée générale étak exceptée de la suspensioi.
Troisième grief: la cour d'appel s'est mise le 7 juin 1949, lorsqu'elle a
statué de la sorte, en contradiction avec un autre arrêtrendu par elle
le même jouret par lequel elle avait confirmél'ordonnance du juge spécial
du 25 mars qui avait admis à deux effetsl'appel de Boter contre le juge-
ment qui avait rejetéen première instance son déclinatoire (A.M., vol. II.
no 113, p. 421).

C'était Barcelona ~iaction qui avait demandé que cet appel ne soit
pas admis à deux effets mais à un seul effet. Si cet appel était admis au
seul effet dévolutif. il en serait résultéaue Barcelona Traction aurait DU
poursuivre devantle juge spécial la di'scussion de ses recours des 5'et
31 juillet 1948;mais la cour d'appel avait rejeté cette demande de Barce-
lona Traction et maintenu les deux effets. Les deux effets, Messieurs,
nécessairement, tels qu'ils existaient lorsque le juge spécial avait admis
à deux effets l'appel interjeté, c'est-à-dire que la suspension atteignait

notamment toute la première section de la procédure.
Genora ne s'était pas trompée sur le fait qu'une confirmation pure et
simple de cette admission à deux effets de l'appel interjeté par Boter
allait à l'encontre de sa demande de modifier cet effet suspensif. Elle
indique elle-mêmedans son écrit que sa demande était en définitive
(rune limitation de l'admission à deux effets du présent appel ».Barcelona
Traction de son côtéconibattit la demande de Genora en faisant valoir
que la demande de Genora tendait à réduireI'admission de l'appel à deux PLAIDOIRIE DE DI.ROLIN 257

effetsà une uadmission Aun effet et demi o.puisque l'on voulait réduire
l'effet suspensif tout en le maintenant, ce qui seraitnesingulièreinno-
vation en droit espagnol (A.M.,vol. III, no 149. p. 572et suiv.).
La cour d'appel n'a pas voulu suivre Genora dans son attitude pourtant
logique, elle a fait cette chose toutà fait contradictoire, c'est qu'elle a
d'une part maintenu l'effet suspensif sans modification par un arrêt
purement confirmatif de l'ordonnance du juge spécialqui avait admis à
deux effets l'appel et, d'autre part, par une décision du mêmejour,
diminuél'effet suspensif qui avait étéainsi reconnu à l'appel.
Quatrième irrégularitéet non la moindre: je vous ai dit tantbt que les
effets suspensifs étaient régléspar l'article114 de la loi de procédure
civile. Or, l'article14 de la loi de p~océdurecivile n'admet l'exception
de la suspension que pour lesactes qui
cseraient jugésabsolument nécessaireset dont la remise Aune date
ultérieure pourrait entraîner despréjltdicesirréparablesa.
Or, quelle nécessitéy avait-ià remplacer par des syndics le séquestre
provisoire qui assurait la conservation et l'administration de la masse
faillieà la satisfaction sinon de tous, tout au moins de Juan March, et
quels étaient en tout cas les préjudicesirréparables qui auraient pu être
entraînés par le retardà procéder à cette désignation et sans lesquels 11
n'était pas admissible d'après l'article 114 que cette désignation soit
exceptée de la suspension? C'est au contraire cette exception qui était
susceptible d'entraîner et qui entraîna en fait des préjudicesirréparables
puisque c'est elle qui a ouvert la voie qui allait conduàrla vente avant
qu'il n'ait étéstatué sur les recours relatifs au jugement de faillite et
procédure.
II est bon, au surplus, de constater en quels termes embarrassés la cour
d'appel rencontre, dans son arrêt du 7 juin, l'argument tiré de l'ar-
ticle114, alinéa 2,de la loi de procédure civile par Barcelona Traction.
Aprèsavoir rappelécette disposition, elle ajouta:

«cela n'empêchepas que dans des cas comme celui qui se présente
actuellement, du fait qu'il s'agit d'une procédureuniverselle où il y a
un grand nombre de créanciers intéressésu .ne considérable massede
biens et tout un com~lexe d'affaires eu activité, il soit fait une
exception pour les procéduresqui ont trait à la manière de réglerla
direction dans la gestion et l'affectation des biens de la masse, du
moment que la loiélle-mêmereflèteune urgence dans ces prévisions
l'exécutionde celles-ci». bien ainsi l'importance qu'elle accorde à

Cela n'a aucun rapport avec l'article 114. alinéa 2, et, comme nous
l'avons dit dans notre réplique:
"La Cour n'aurait pas pu, avec plus de candeur. conlesser, d'une
part, l'énormité desobstacleslégauxqui emprchaient qu'aboutissent
les desseins de Juan Narch et, d'autre part, sa volontéA elle d'en
venir àbout coûte que coûte, au prix mêmed'une interprétation de
la loi la moins com~atible avec son texte et avec son esnrit. et en
contradiction avec la pratique qui jusque-là avait toujoÛrsété la
sienne comme cellede toutes les juridictions .sp.gnoles»
Enfin, toujours au sujet du mêmearrêt, la Barcelona Traction a
dénoncé, à juste titre. dans son recours, l'injustice qu'il y avàipour-
suivre la procedure de faillite au-delà de ce que requièrent l'exécutionTL3 BARCELONA TRACTION
des saisies et l'administration de la masse saisie et d'ainsi ouvrir la voie
vers la vente des biens du failli alors que le jugement de faillite fait
toujours l'objet de recours sur lesquelsin'a pas étéstatué.
Il n'y a, il est vrai. pas de jurisprudence sur cepoint. Le Gouvemement
espagnol a toutefois relevé à ce sujet deux cas où des tribunaux ont
procédé à la nomination de syndics alors qu'il n'avait pas encore été
statué sur l'opposition du failli.
Mais dans aucun de ces deux cas il n'y a de décisionmotivéetouchant
la auestion Dosée.dans aucun des deux cas il semble qu'il n'v ait eu
oppbsition dépersonne à cette con\~ocation de l'assembiéegén&rale,ce
qui me paraît enlever toute autorité à ces décisions auxquelles nous
pouvons- opposer une doctrine non contredite et particulièrement
autorisée.
Nous avons citédans la réplique(V,p. 5'5 à 516) un auteur considé-
rable: Rives y Marti. et nous avons re~rodiut Ionmement ce qu'ildéclareà
ce su,~t ~ ~oie ie nevais asr reliràl~ ~ ~r.
Son avis kt ;epris par;n autre éminentspécialistedudroit procédural:
De la Plaza. ancien résident de la ~remière chambre du Tribunal
suprême.Je n'aurai non plus besoin de lirelonguement les dé%-eloppe-
ments de De la Plaza. L'essentiel de l'approbation qu'il donne à Rives y
Marti se trouve reproduit dans la réplique(V,p. 515.516 et note).
Je note que la cour d'appel de Barcelone, saisie dei'objection, n'a
rien trouvé à y répondre, du moins de valable. Muette à ce sujet dans ,
son premier arrêt, elle fait allusion dans celui du 30 juin 1949 (A.R.,
no 110. p. 582)à la citation faite d'un auteur connu mais estime pouvoir
l'écarterpour le motif que, suivant l'article 1330 de la loi de procédure
civile,

«s'il est fait oppositioà cette déclaration [la déclaration de faillite]
et qu'elle [l'opposition]est repoussée, lerecours [d'appel] n'est admis
qu'a un seul effet, l'effet dévolutif, et en conséquence ce qui est
prévu dans la décisioncontenant cette déclaration demeure exécu-
toire avec toutes ses conséquenceset ses incidences...i(A.R.. vol. II.
no110,p. 582.)
Je ne conteste pas l'exactitude de la citation del'article 1330mais j'en
conteste la pertinence car, en l'espéce,il n'avait pas été statuésur
l'opposition de Barcelona. Par suite, aucun appel n'avait été interjetéet,
dans cesconditions. l'article1330de la loi de procédurecivile ne pouvait
àtoute évidencetrouver application.
Dans la duplique du Gouvernement espagnol, on ne retrouve pas
l'argument de lacour d'appel du w juin 1949.Le Gouvernement espagnol
se borne à contester (D., VII. p. 575)l'exactitude de notre traduction de
l'extrait de De la Plaza. que nous avons cité;il dénieque cet auteur ait
approuvé l'opinion de Rivcs y Marti et il nous impute une erreur de
traduction.
Je ne suis pas un expert en langue espagnole mais néanmoinsje laisse
la Courjuge de la querelle qui nous est cherchée.
II y a cinq mots. Le texte espagnol dit: razo on able mente estima
Rives y Marti". Nous avons traduit: "Rives y hlarti estime uavec
raison». Suivant le Gouvemement espagnol, nous aurions dii traduire
aRives y Marti estime raisonnablement n. J'avoue que je vois mal la
nuance. Et je la vois d'autant moins que De la Plaza ne se borne pas à
approuver Rives y hlarti, il ajoute un argument, qui n'est autre que celui PLAIDOIRIE DE hl. ROLIN =59

que nous avons déjàtiréde l'article 114,deuxièmealinéa,delaloidepro-
cédurecivile et qui n'était pasdans Rives y Marti, àsavoir que lanomina-
tion des syndics un'est pas, en réalité,nécessaire à la sécurité desbiens
dont l'administration est confiéepro\.risoirementau séquestreprovisoireu.
Ainsi, Messieurs, aucun doute, De la Plaza est cent pour cent d'accord
avec Rives y Marti, il n'y a pas d'autres citations d'auteurs divergentes
de cette opinion, je ne crois doncpas qu'il y ait un doute possible: le juge
s.écialavait eu raison et. à tous oints de vue. la cour d'aouel..en.lui
eii\.oyînr sun uli;~,~:igr:ivcnicnt contr<:\.ciiii:lu druit.
Et quc dire, >liisi,:iiri;. 1:1prc'cipitatiori.cicc l;iqii<:c.s~cutioiifut
<loriiii:<unc d;.ci,i<,iii>risçd..ii>(lyscuii~\iiiuiis:iiisii it,iitc>talci111çt
iioy\..iit :ivoir d'aiijii jira\vs ~~oiis,!~lui:nces?
Loniiiiz nous \.u, avsnt nieme que fusjciii cupir(j les dCl;iijde
cassation. la cour av3it ordoiiii~?le, ,uillet la remiià I'avuu;'~Ic(;eiiortil.
à I'iiitention di1juge spccial, des pi2ceset de la coiiiiirissioiirugntoire qui
(levaient 1'anicnc.riordonner 13 cunvocatiun de I':iîst:riil>geénr'rale.
Guoi Je i)lii~i;~turel.dci lors. oue l'incident dc nullit2 de vrocr'dure
que alors, leIr juillet, Éakelona Traction pour tentepd'obtenir
l'arrêtde l'exécution de cette procédure et l'annulation des décisions
prises. Il est inconcevable que la duplique (VII, p. 545 et 556)prétende
y voir une manŒuvre dilatoireanalogue à celle que nous dénonçonsdans
le chef du groupe March. Celui-ci, en effet. multipliait les obstacles de
nature à retarder ou em~êcherl'examen des enef- oue la société faillieet
Icsaiitrt*sper.i,miicsattrintcs multipli;iiciit contre 1; lugcrnt:iit <Icfaillite.
I5nrcclona 'l'raction, su coiitraiie. d'iiis suii iiicirlçiiILdjuillct Igig.
s~ct-~rrnit (l'Cvitcrdue I'irréiii6~li:il~lsc':iccuiiii~liî;ea\.aiit au'il ;,it 616
statué'sur les griëfs'qu'elle et d'autres avaient'soukis aux t;ibunaux et
surla juridiction des tribunaux espagnols.
Or, il ne fallut que trois jouàsla cour d'appel pour repousser l'incident
de Barcelona Traction, alors qu'à la mêmeépoquel'incident de contesta-
tion de qualité présenté parGenora, dans les conditions inouïes que nous
avons décrites,étaittraité avecdeségards tout particuliers et réussissait
à occuper la scènependant quatre ans.
Ce qui a paru au Gouvernement belge heurter le bon sens comme
l'équitéla plus élémentaire,c'est ce paradoxe dramatique d'une liquida-
tion des avoirs d'un failli alors que sont pendantes les contestations
relatives à la validitédu jugement de faillite.

J'en arrive ainsi au cinquièmegrie! relatif à la suspension résultant des
déclinatoires. Il s'agit cette foisd'une décisionprise un peu plus tard par
la même deuxieme chambre de la cour d'appel de Barcelone, qui après
avoir libéréde la suspension la partie de la procédurerelative à la convo-
cation des créanciers,aggrava encore la situation de la sociétéfaillie en
accueillant un incident de Genora oui. à son tour. allait sus~endre
siondela $remièresection dela$rocddurecontenant lesrecours de Barcelo-pen-

na C'est donc encore Genora qui. après avoir obtenu la modification des
effets suspensifs de l'appel dirigécontre le jugement du juge spécial.c'est
encore Genora qui fut chargéepar le groupe March d'obtenir indirecte-
ment un ralentissement de la procédure relative au déclinatoirede compé-
tence.Le moyen employéconsista à contesterla qualitépour comparaître
à la procédurede la société faillieBarcelona Traction, qui s'étaitportée260 BARCELONA TRACTION
partie à cette procédurele même jourque Genora, le 23 avril 1949. et
avait été,en mémetemps qu'eue. le IO mai, reçue par la Courcomme par-
tieà la procedure.
Cela paraissait une Eageure. Comment pouvait-on contester la qualité
de la sociétéfaillie? S'ily a quelqu'un dont la place paraît indiquéedans
la procédurede faillite, et à laquelle du reste nos adversaires reprochent
de nepasêtreintervenu plus tbt, c'étaitassurément lasociété faillie.
Voici qu'elle intervient dans la procédure du déclinatoire devant la
cour le mêmejour que Genora.Genora contestesaqualité pour intervenir.

était présentéeau jÜge esj>agnol, mais elle manquaitcontestatàonce point de

fondementquedeux fois déjàle juge spécialavait étéanienP à la rejeter.
le 5 août 1948et le 12 aoùt 1948.La cour d'appel de Barcelone elle-méme
avait rejeté une telle exception le 7 septembre 1948, reconnaissant la
qualité de Barcelona Traction pour intervenir àla procédnre.On trouve
dans le contre-mémoire (IV. p. joo, notes r et2,et p. 501. note 1)I'indica-
tion de ces diverses décisions.
Ily avait de la part de Genora plus que de la témérité semblait-il,une
naïveté, à exercer pareil recours. Et le fait est que la cour d'appel de
Barcelone le rejeta Presque aussitôt, le zr mai 1949, donc dix ]ours
seulement après le depôt de la sdplica de Genora (A.N., vol. 1,no 112,
P.417).
Jusque-là, Messieurs, il ii'y a évidemment aucun reproche à adresser
à la cour d'appel en ce qui concerne la prolongation de la suspension.
Au surplus, Genora, dans sa contestation, n'avait pas ralenti la procédure
puisqu'il avait suffi de dix jours pour quesademande soit repoussée.
Maisles choses vont se gâter lorsque la même société p,eu de mois plus
tard -le 4 aoùt 1949 - va introduire dans la mêmeprocédurela même
contestation de qualité de Barcelona Traction, mais cette fois sous la
forme d'un incident préalable de nullitéet. à la surprise générale,Genora
est, peut-on dire, cette fois accueillie bras ouverts. Les conséquencesde
l'incident vont êtrede la plus haute gravite, Ear l'incident va êtrecause
d'une suspension de la procédure relative au déclinatoire qui va durer
jusqu'en mars 1953.c'est-à-dire jusqu'à quatorze mois après la vente et
qui vaêtresuivie d'une autre suspension qui va durer plus de dix ans.
Après avoir admis contre toute attente l'incident de nullité par une
première ordonnance du 12 août 1949 (A.hl., vol. II, p. 422) ,- et ceci
explique en partie la longueur de la procédurerelative à cet iiicident- la
Cour fit plus: elle rendit le 13septembre 1949une <leuxiémeordonnance
(A.M., vol. II, no 115, p. 423) qui accordait à Genora lin délaiextra-
---i-~--. -. X~~~e. -
Voilà donc. Messieurs. la cour d'appel qui par deux fois a reconnu le
manque de fondement d'une contestation de la qualité de Barcelona
Traciion et qui, cette fois, non seulement le re~oit mais accorde presque
immédiatement un délaiextraordinairede preuve dehuit mois.
AprésquoiL'affairede l'incident, fixéepour plaidoiriesau 3 juillet 1950,
subit diverses remises. L'arrêt fut rendule zgjanvier 1951(A.D.. vol. III.
no 141,p. zzg), ce fut encore une fois un arrêtde rejet, mais deux années
furent encore prises par les recours de Genora en rétractation et en
cassation, de sorte que c'est le3 mars 1953seulement que put rep~ndre
la procédure relative au déclinatoire Boter. qui elle-mêmetenait en
suspens la procédure relative aux recours de Barcelona Traction contre
le jugement de faillite. Le 3 mars 1953.il y avait quatorze mois que le PLAIDOIRIE DE nr .OLIN 261

tour étaitjoué puisquec'étaitle4janvier 1952que lesbiens de Barcelona
Traction avaient étévendus.
Avons-nous raison de dire que la deuxième chambre de la cour a
encouru une grave responsabilité en témoignant des égards extraordi-
naires pour une contestation dont, à diverses reprises, lemanque total de
fondement avait été judiciairement constaté?
Que nous répond aujourd'hui le Gouvernement espagnol? Il s'efforce
de disculper la cour d'appel de Barcelone et de rejeter sur Barcelona
Traction la responsabilitédes retards que subit le règlement de l'incident
Genora. Nous n'avons pas compté dans la duplique moins de cinq
ar umeuts qu'il emploie pour s'efforcerde défendrecet arrêt.
$remier argument: la cour d'appel ne pouvait faireautrement que de
suspendre la procédurerelative au déclinatoirepai suite de la coutesta-
tion de la qualitéde Barcelona Traction soulevéepar Genora du moment
qu'elle recevait a trimite l'incident de nullitéque Genora avait présenté.
Elle n'agit du reste pas autrement lorsque en 1953.c'est-à-dire après la
vente,un incident de nullité semblable fut présenté danslamême procé-
dure de déclinatoire de compétence par deus obligataires du clan de
Barcelona Traction: MM. Andreu et Sagnier (D.,VII, p. 554a)).
Notre réponseest aisée:première réponse,la cour d'appel ne pouvait
présentait; elle devait le rejeter étant donné qu'elle venait déjà de il se
statuer sur la mêmequestion.
Et puis, blessieurs, il n'y a aucune comparaison avec l'incident de
nullité d'Andreu et Sagnier; Andreu et Sagnier, lorsqu'ils avaient
contesté la qualité de Boter et des autres obligataires, avaient invoqué
une situation nouvelle résultant de la vente qui devait avoir lieu et en
vertu de laauelle. en vertu du cahier des charaes. l'adiudicataire devait
rembourser ies obligataires; Andreu et ~a~nieÏavaieni donc des raisons
de croire qu'en1953Boter et d'autres avaient étérembourséset que, dès
lors. ilsne pouvaient plus êtrepartiesàla procédure.
Nous verrous plus tard dans quelles circonstances et pour quels motifs
ils ont introduit leurs raisons, mais ce qui est certain aussi c'est que la
suspension de la procéduredu déclinatoire Boter. qui a résultéde l'inci-
dent de nullitéd'Andreu et Saguier, étaitune chose logique et inévitable;
puisqu'ils contestaient la qualité de l'auteur du déclinatoire, il était
normal que I'instmction de ce déclinatoire soit suspendue. tandis que
dans lecas qui nous occupe.Genora avaitdans la mêmeprocédurecontesté
la qualité de Barcelona Traction. elle n'avait pas contesté la qualité de
Boter. En quoi est-ce qu'une contestation de la qualité de Barcelona
Traction pouvait-elle interrompre laprocédurerelative à l'incident Boter?
Deuxièmeargument,quiest formulédeux foisdans la duplique (D., VII,
p. 545 b) et p. 556 b)): Barcelona Traction aurait pu recourir contre
l'ordonnance du 12 aoùt 1949par laquelle l'incident Genora fut admis
a trdmite; elle ne l'a pas fait et s'est boràése défendrecontre la con-
testation dequalité qui étaitarticiiléecontre elle.
Cette dernier? ob&vati~n en fait ii'csi pas p:<rfnitcmr.nt esncre. Eii
effet. rians I'Firit (lu r srptri1919 qui est reproduit d;ins Irs aiiiiescj.
l<1rci:loiiaTr:ictioahcl et bien coiitestà;1:fuis1:1r,:cc\.:ibildcCI'iiiii-
dent Genora et son fondement.
Ce qui est vrai, c'est qu'elle a traité les deux questions simultanément
dans le mêmeécrit. mais elle a eu raison de le faire et elle n'aurait pas
gagnédetempsen procédantcomme lesuggèreleGouvernement espagnol.262 BARCELONA TRACTION

Au contraire, elle n'aurait fait queperdre du temps, car à supposer qu'elle
ait obtenu que Genora soit considérée comme nonrecevable dans son
incident de nullité, Genora n'aurait pas manquéd'exercer les recours de
sziplica et de cassation avec le risque de voir finalement l'ordonnance
c.oufirméesur le point recevabilité et les parties invitées à s'expliquer
sur le fond de l'incident, ce qui eût donnélieu à une nouvelle procédure.
Etant donné quela procédure concentrée,ramassée,a déjà duréjusqu'en
mars 1953, il est tout à fait certain que si Barcelona Traction avait
procédéen deux temps, laprocédureeût durédavantage encore.
Troisièmeargumnt (D.. VII, p. 546. no 499 et p. 556 c)): il est dit
encore. à propos du délai extraordinaire de preuve de huit mois. que
Barcelona Traction aurait pu éviter cet octroi d'un délaide huit mois si
elleavait produit les documents quiétaient viséspar Genora et que celle-ci
désiraitse procurer à Toronto par voie de commission rogatoire.
Cette remarque, Messieurs. est vraiment naïve. Il appartenait aux
organes de la faillite de saisir les papiers du failli. Si, en l'espèce. ilsn'ont
saisi aucun d'entre eux, c'était le résultat inévitable du fait que le siège
de la société faillieétait à l'étranger. On n'imagine pas comment la
société faillie,qui contestait la juridiction des tribunaux espagnols,
aurait pu être amenée à faciliter l'exécution d'ordres de saisie qui,
normalement. eussent dû demeurer inexécutables.
Il n'est pas vrai. au surplus, que les documents réclaméspar Genora,
dans sa demande de délaiextraordinaire de meuve, aient éténécessaires
pour st;iruïr siir la ionrcstntion de qualit6 de l3.1rrelonnTr~ction. 1.:~
preuvt: rn est <]iieiorsiliIL cour d':il>lirldc L3;ircr~lilii.9cjaiivirr 1951.
sr.itii;i au foiid .iir I'incideidc Gciiorn, rIIç n'eut rins tl'tiisitation n
rcconnnitre iiiie ioii dt! pliis que Uarcelon;, 'i'rniti~i;\.nip.îrf:,itt~iiicnt
<~wilitcpour iiiteri,cnir iInprucCdiirc t7qiic C;~,iiorîli.;liitrï dC\t)oiit6r;
et pourtant aucun des documents urétendumeut nécessairesn'avait été

' On nc coniprriiil I)nj.déslori. (lu'clle3it<:nipou\'oir ;~~~i:i>riinrdél~i
exirnoidiii:iire ilc pr,:ii\.c pour uiic d,.iii:indc ~llc.ivait dei&~lusiçurs
fois appréciéle manque de fondement. , A
Quatrièmeargument du Gouvernement espagnol (D., VII, p. 547 et
556 d)): un autre reproche qui est fait à Barcelona Traction est de ne pas
avoir fait usage de l'article 1786de la loi de procédurecivile en sollicitant
de la cour d'appel l'exécutionde la décisioncontre laquelle Genora s'était
pourvue en cassation. Ceci aussi, Messieurs, est manifestement dénuéde
fondement. Il suffit de lire l'article 1786 reproduit en note dans la du-
plique dans une traduction que je me suis permis de légèrementcomger
pour éviterune équivoque:

«Mêmelorsque le recours en cassation a étéformuléet admis. la
cour d'appel pourra décréterl'exécutiondel'arrêt à la demandede la
partie l'ayant obtenu, si celle-ci verse une caution suffisante, de
l'avis de ladite cour, pour répondre. au cas où l'arrêt seraitcassé,
de tout ce qu'elle aurait reçu. »(D., VII,p. 547, note 2.)
Ceci, à toute évidence,vise les décisions judiciaires ayant pour objet
un bien physique ou un droit économiqueou le paiement d'une somme.
S'agissant d'un arrêt qui rejetait une contestation de qualité dirigée
contre Barcelona Traction et de nature à permettre la réouverture de la
procédure relative la contestation sur la compétence des juridictions
espagnoles, on se demande où la cour d'appel de Barcelone aurait pu PLAIDOIRIE DE hl. ROLIN 263

trouver des élémentslui permettant d'apprécier si la caution proposée
éventuellement par Barcelona Traction devait ou non êtreconsiderée
comme suffisante.
De l'avis de nos conseillers-experts,l'article 1786de la loi de procédure
civile ne se rapporte certainement pas à pareille espèce.
Et enfin, cinquièmeet dernier argument(D., VII, p. 546 et 547). il est
alléguéencore.et cet argument aussi a les honneurs de l'italique dansla
y compris ceux du délaiextraordinaire de preuve n'a duréque onze mois,
nous dit-on, la date des plaidoiries «fut fixéeau 3 juillet 1950sP.La cour,
d'appel, est-il dit aussi, ne peut êtrerendue responsable des remises que
demandèrent les coiiseils des parties, et la duplique laisse entendre, sur
base, je pense, d'indications mal comprises fournies par lecontre-mémoire,
que ce furent, en l'especc, les conseils de Barcelona Traction qui deman-
d&reutdes remises et que donc, si la procédure ne put étrereprise finale-
ment sur le déclinatoire qu'en mars 1953. ce serait à Barcelona Traction
quela chose serait due.
C'est une erreur de fait certaine; vérification faite, il y eut trois
remises ~rononcéesdans la procédure orale relative à l'incident Genora.
deux foisles rcmiscs furciit colisentics a la deinande dit conseil du Genora.
une fois. 3.la demaiide dc celui dr 1lotr.r.
Il n'entre évidemment pasdans ma pensée d'enfaire un reproche à ces
avocats; les remises dans la vie judiciaire sont une chose fréquente et
normale, mais nous sommes en droit de considérer que lorsque la cour
d'ao~ei recut l'incident de Genora eile devait se rendre comDteau'indé-
pcr;d'animéntdu délaicxti;iurdinaire dc I,reu\.ede huit moisqui aggravait
I:isituation. un certain tznips s'6coulçrait nicessairtinent insqu'i cequ'uii
arrêt~uisseétrerendu. sais comDter les recours dont cetie dkcision allait
faire i'objet, pas de la part de Barceiona Traction mais de la part du
groupe March - ce qui expli. . que la procédure sur le déclinatoire ne
fut rë~rise au'en mars IO=,?.
Je crois donc pouvoi;"&re qu'aucun doute ne peut exister quant à
l'erreur grave que commit la deuxième chambre de la cour d'appel de
Rarcelone en provoquant une prolongation de près de quatre-ans de
l'effet suspensif du déclinatoire Boter par l'admission de l'incident
préalable et spécialde Genora du 4 août 1949. dont elleavait déjàcons-
taté le manque defondement, et par l'octroi du délai additionnel de huit
mois.
Et cette erreur est d'autant plus grave qu'un mois auparavant la
mêmecour, comme nous venons de le voir, venait d'excepter de la
suspension de la procédure la convocation de l'assembléepour l'élection
des syndics quiallait au bout de peu de temps conduire à la vente.
Blonsieur le Président, Messieurs les juges, je ne m'attarderai pas en
plaidoirie à décrireles combats de retardement qui furent encore livrés
pendant les dix années qui suivirent en vue de faire obstacle à la disper-
sion des avoirs dans le cas où. par impossible, une décisionjudiciaire
interviendrait, balayant celles qui avaient conduit Barcelona Traction et
ses actionnaires à la spoliation.
]'csao;!re. ils~iirerii1ivrl:s )cncl.iiitIcsyrcmiircs :iiii;~esde ccs<lix:iniiL:es.
jiisqu'i cu<~iiei3arcelona 4.riiCNoise >oitreiidu compte CICla \,ariitéd~;i
poursuite de ses efforts coiitcux en vriscnce de I:Idispersioii iles bieris
ayant appartenu à Barcelona TractiÔn.a64 BARCELONA TRACTION
De même.je crois pouvoir ne répondreque brièvement à l'accusation
qui est faite dans les écritures du Gouvernement espagnol suivant
laquelle la responsabilitéde cedélaide dixans qui prolongea la suspension
après la clôture de l'incident Genora fut dû à une initiative - cette
initiative des deux obligataires Andreu et Sagnier dont j'ai déj~ p-usieurs
fois parlé.
Il est vrai que ceux-ci intervinrent le 23 avril 1953 à la procéduredu
déclinatoire pour contester la qualité des promoteurs de la faillite, de
Genora et de Boter lui-meme,-en invoquant que ceux-ci avaient été
remplis de leurs droits par suite des conditions de l'adjudication et ne
pouvaient donc plus demeurer parties à la procédurede faillite.
Mais pourquoi cette initiative? A cause, Alessieurs. d'une nouvelle
manŒuGredugroupe hlarch, que le Gouvernement belge n'a pas manqué
de signaler dans son mémoire,manŒuvre qui paraissait devoir de nou-
veau~provoquer une prolongation indéfiniede-la procédure relative au
déclinatoire. Le Gouvernement espagnol, sauf erreur de ma part, la passe
complètement sou3silence. II faut donc quej'en dise deux mots à la Cour.
1.c23 rli.ar~qjj, pc11de jours apr;:s qiii In ctiiir d';~pliçlciit ,l~:cl;ir;
rou\,crt~ I:pru~i.durcrcl:,tivi:nitJCcliiinruirr koter. e~l~i-cidcm:~ndaun
nouveau dc'lsiestr~ordiiiairt. dt prtu\.e <lehuit niais, jouItprétcste de

l'insuccèsde la commission rogatoire envoyéeau Canada pour obtenir
remise des piècesqu'il avait aiitérieurement demandées (AN., vol. IV,
no228, p. 884).
Vous vous souvenez, Messieurs, que Boter avait déjàobtenu un délai
extraordinaire de preuve de huit mois du juge de Reus. Cela ne le,satis-
faisait pas et, après cinq ans, voici qu'il recommençait et adressait une
nouvelle demande semblable à la cour d'appel.
ilprss les dCcisioii~qui: celle-:#\.:lren&es. IIn'\ avait p3s de raison
(le croire que ccttc (Icniniidc ii'all;%itpds?trc sciuc.illic et (~iicIc ccrcle
infernal des com~ili:atiiini de oiçs;durr ii';illsit riiis ioniinAictuoriicr
indéfiniment.
Barcelona Traction s'était opposée à la demande dans un écrit de
26 pages reproduit dans nos annexes (A.M.,vol. IV, no 229, p. 887),elle
avait dénoncél'irrecevabilité de cette demande, son manque de fonde-
ment. son caractère dilatoire. Dans une demande additionnelle, elle avait
déclaré sejoindre à l'appel, interjeté par Boter, du jugement qui avait
rejeté son déclinatoire; elle espérait pouvoir ainsi développer sérieuse-
ment, faire de ce déclinatoire de juridiction une chose sérieuseoù les
moyens seraient sérieusement défendus,mais tout le groupe de Barcelona
Traction était assez inquiet et craignait fort que la farce des combats
fictifs entre les divers comparses du ~rou-e March ceprolonge2t indéfini-
ment.
De là. hfessieurs, cette tentative qui fut confiéeà Andreu et à Sagnier
de débarrasser la scène judiciaire de tous les saltimbanques. La vente
paraissait en oifrir le moven puisque les ohtirrataires firsl hlort~ace
devaient normalement av4r étlremboursésconiormément au cahieidës
charges. On pouvait supposer que tel était le casnotamment de Boter et
des autres comparses qui avaient comparu à la procéduredudéctinatoire.
C'est pourquoi Andreu et Sagnier, le 29 avril 1953, introduisent une
contestation de la qualit4 de Boter et desautres (A.M., vol. IV. no 230).
Au pis aller. si cette contestation de aualité n'étaitvas reconnue fondée,
l'incident ne pouvait, par sa nature, prendre beaucoup de temps.
Mais je dois bien reconnaître que ce raisonnement se révélavain, car PLAIDOIRIE DE M. ROLlN 265

pour déjouer le calcul le groupe hlarch eut recours à une riposte inédite
et particulierement audacieuse. 11ne se borna pas à contester à son tour
la qualité d'Andreu et Sagnier pour étre à la procédure, encore qu'il
s'agit d'obligataires de l'empmnt de pesetas, dont la qualité ne pouvait
étrecontestée. II s'imagina cette fois corser sa contestation d'une plainte
pour faux visant les déclarations faites par les auteurs de l'incident
relativement aux titres déposés par eux.
Le~~reauérants à la faillite.~n informèrent la cour d'anne2r~ans uii
krit du 3 octobre i(,jj;il.;iii\utlu;.reiit le priiisicIc iriiiiiiizl tieiit Ic
civilcn :t:i»et dciiian(l~.rcntouc (ICjlorsla urosEJure rclstivc i I'iiiciilciit
fût suspendue, procédure qui Suspendait el&-mêmele déclinatoireBoter,
laquelle procédure suspendait elle-mêmela procedure relative à l'oppo-
sition. C'était le blocage au troisième degré.
Malgrél'opposition d'Andreu et Sagnier. ils obtinrent satisfaction et il
y eut cette suspension.
II se peut, Messieurs, que cette dernière décisions'imposât et qu'elle
soit dèslors à l'abri des critiques. Du moins les faitsétablissent-ilsclaire-
ment que la cause du nouveau retard considérableque subit, après 1953,
la procédure relative au déclinatoire Boter, se trouve bien moins dans
l'initiative prise par Andreu et Sagnier que dans la plainte dont ils furent
l'objet.
Au surdus, même cesplaintes eussent étéimpuissantes à provoquer
. .
iiiie I>rul~i~g:~tiudiie sti~i)cn~iuiitic prCs (Ic Ji; ;III>5i IV, l>l:iiS~i~~~~tj
n';i\,;,iei211 I':istiicï atl~liri~r~ii~l~diriger leur p1:iiiitelion ieuleincnt
contre leurs compatriotes mais aussi contre un-autre obli,.taire du
grdupe 13arceloii;iTr:ictioii,(1111rétaitpaspirtic icette nii.iiicproti<liire,
II. 1.ostrie.Cc .ernier &taitIbcl~cct domicilié L.nBelgiiliie,çt I'iiistriiction
de la causeconduisait nécessairëment à l'envoi à l'étrinier de commissioiis
rogatoires, d'où d'inévitablesretards sur lesquels les p'iaignantscertaine-
ment spécult?rent.
Sans doute les magistrats espagnols saisis du dossier ne peuvent-ils
ètre tenus pour responsables des plaintes tout à fait abusives déposées
par les promoteurs de la faillite, ni même, plusparticulièrement, du fait
que trois ob1igat:iires fussent englobésdans une mêmeplainte, mais ils
peuvent l'étrc du retard tout à fait excessif avec lequel le magistrat
compétent prononsa la disjonction des causes. de celle de Lostrie eii
particulier.
Comme l'a signaléle mémoire (1,p. log), les plaintes étaientà ce point
futiles qu'il ne fut pas donnésuite à celle contre Al.Andreu. que la mise
en prévention de Sagnier, décidée le 22 décembre1953. fut rapportée par
jugement du 27 avril 1954aprèsqu'ilse fut désistéde toutesles procédures
introduites par lui. Seule demeurait donc en cours une instruction à
chargede Lostrie. Et cependant, c'est en juin 1959seulement que le juge
prononya la dissolution des causes. c'est le 19 septembre que la cour
d'appel confirma le non-lieu dont avaient bénéficié MAI.Andreu et
Sagnier (RI..1,n0z4S, p. 109).
Le II novembre 1959 la cour rendit une ordonnance mettant fin à la
suspension affectant la procédure relative à l'incident de contestation de
qualitéqu'ils avaient introduite en 1953.
Ainsi, pendant plus de cinq ans, la procédureavait été maintenueen
suspens sous prétexte quc le criminel tient le civil en état, alors que plus
aucune des parties en cause ne faisait l'objet de poursuites.
Est-ce là une application normale de ce fameux principe, et le Gouver-266 BARCELONA TRACTION

riement belge n'avait-il pas raison de voir dans les faits que je viens de
rappeler à la Cour une preuve additionnelle de la complaisance mise par
les juridictions espagnoles A déféreraux vŒux du groupe March en
pe~pétuantla suspension des procéduresqui pouvaient mettre en péril la
miraculeuse adjudication du 4 janvier 1952?
Ouant au deroulement ultérieur de la orocédure. notamment auant
au; alternances d'activité et d'inaction déstribunaux es agnols étles
vicissitudes de la procédure esp.g-ole, les observations c?u mémoireet
de 13rC.pliquene snnt en rii.n iiirmées par les réponses(lui sont données
dails la diiplique(VII,p. jj31s'en trou\.? iiotainment uiic coiifiriiiatiuii
dans II tableau uui \. csdressé(Icsmarctics riaraIleles de la proc6duri. en
Espagne et des hddents qui marquèrent l'action interna~ionak pour-
suivie par le Gouvernement belge, à condition qu'on interpole dans la
premike colonne de ce tableau de la duplique les quelques decisions
judiciaires qui avaient été citées dans le mémoireet que je viens de
rappeler, et que dans la deuxième on inscrive les dates relatives au
déroulement des deux orocéduresinternationalesi~troduites successive-
ment par le ~ouvernekent belge.
Entin, le Gouvernement belge a fourni dans ses écritures (R., V,
par. 128; O.C..1,par. 251, p. 237.238 et,noteI de la p. 238)toutes expli-
cations quant à la suite donnée aux diverses commissions rogatoires
relatives àLostrie.
Au surplus, si le Gouvernement espagnol revient sur ce point en
plaidoirie, il nous sera aiséd'établir,par la production de la suite donnée
la toute premi6re commission rogatoire, que, dès ce moment, le juge
d'instruction esoamol se trouva en mssession d'élémentstout à fait
concluants étabiisGnt que les titres eRvoyéspar Lostrie l'appui de sa
comparution avaient bien Ctt dépoes par lui depuis 1949îu Banco
Espafiol de Crédito ainsi qu'il l'avaitdcclaré.

L'audience estleuéeà 13 heures DIXIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (28 IV 69,15 h)

Présents:[Voir audience du 17 IV 69.1

Le PRÉSIDENT: La Cour rappelle qu'à l'audience du 23 avril
Xe Van Ryn a fait allusion àun document qui n'étaitpas devant la Cour,
de telle sorte qu'on aurait pu croire que ce document était une nouvelle
piècede preuve, alors qu'aprésl'avoir examiné, lasuitede sa remise au
Greffe le 24 avril, la Cour constate qu'il est simplement une, opinion
donnéepar un des conseils du Gouvernement belge. Cela étant, il semble
que cette piècen'est autre chose qu'une partie de la plaidoirie belge en
l'espèceet n'a pasla qualité d'une opinion donnéepar un expert indépen-
dant. Dans ces circonstances, la Cour ne croit pas pouvoir la considérer
comme faisant partie, en tant que telle, de la documentation de I'af-
faire.

l'examen des divers moyens mis en Œuvre par le groupe March pourencé
empêcherla société faillieet les autres personnes physiques ou morales
atteintes par lejugement du 12 février1948,et par les dkcisionsconnexes
et les mesures d'exécution, de faire valoir leurs gn,efs et d'en obtenir
l'examen avant que la procédure d'exécutionn'ait ete poursuivie jusqu'à
son dénouement.
J'ai commencépar l'exposédu premier moyen, àsavoir les déclinatoires
de compétence et les multiples adjuvants qui en avaient prolongé et
aggravé les effets: contestation de qualité, demande de délai extra-
ordinaire de preuve du 8 mars, demande de la sociétéGenora tendant à
réduireles effets de la suspension quant à leur étendue en en exceptant
la convocation de l'assembléedes créancierset lanomination dessyndics,
tandis que la même société Genora introduisait peu aprésun incident de
nullité par lequel elle renouvelait une contestation qu'elle avait, déjà
présentéeet qui avait étérejetéeplusieurs fois, portant sur la qualitéde
Barcelona Traction à comparaître A la faillite, et cet incident de nullité
suspendait pendant quatre ans la procédure relative au déclinatoire de
com~.tence lui-mêmeet ~rolo.e~ ~t-d'autant les ~rocédures relatives
nus recours dirijic'scontre le jugcnieiit dc faillite et les dGcisionsconnexe,.
nvcc cettc cons~qiieiic~quc le coiirs de ILpruc;durc sur ICdéilinatuiredc
couipétciiccreprenait le 13 mnrs 1953sculcment. à un iiiunient où tlepiiii
quxtor~r inois le patriinoinc Jc 11socil'ti:a\.a$1;vcnilu.
Ce5eilets de lasus~ensioridc procédurt-oiit et6 considérablîs ct nous
n'avons pas pu, mêmedans no6 mémoires.songer à examiner tous les
recours auxquels ils s'étaient appliqués. Mais nous ,avons,,lprs de la
~remière hase de ce rocè ès or tantsur les exceptions prellminaires,
fourni un'tableau nionirant l>tat des proc>dures'tel iIii'iexistait nu
moirirnt du dépôtde la rcquéteiiitroducti\~cde 13pr(.sent<:instance.et ce
t:ible~u. si In Cour \.eut bien s'y réf;ri.r, lui dr)riiirra une idécde l'impur-
tance c~ ~idér----.d~~-s-~~~~..h'a eues l'utilisation de ce ~remier moven
deblocage. (A.O.C., vol. 1.no:;; p. 3.99 à 439.)
Le deuxièmemoyende blocapedes drversrecoursdu ~roupede Barcelona
Traction fut lerefus des jzcrid~ctionssaisies de reconnBitreaux reqzcérants
qualitépour agir268 BARCELONA TRACTIOS

Ce n'est pas Barcelona Traction, cette fois, qui fut victime de ce déni
de justice proprement dit,tout au moins sous cette forme.
Sans doute, nous l'avons vu déjà vendredi dernier, à diverses reprises
elle a vu sa propre qualité pour comparaître à la procédure de faillite
contestée de la façon la plus étonnante par des membres du groupe
March, mais ces oppositions furent régulièrement rejetées, soit par le
tribunal, soit par la cour d'appel de Barcelone, fût-ce parfois apres de
tro longues procédures, commece fut le cas dans l'incident Geuora.
l?n sorte que s'il lui fut jusqu'au bout impossible de se faire entendre
pour développerles griefs formulésdans son opposition du 5juillet 1948
et dans $on incident de nullité du 31 juillet 1948.ce fut essentiellement
par suite de la suspension que nous avons examinée vendredi dernier et
qui résultait des décisionsrecevant le déclinatoire et ses complications,
et ce ne fut pas parce qu'une décisionjudiciaire quelconque lui aurait

déniélaqualitépour agir.
Notre grief relatif au deuxihe moyen de blocage vise le déni de
justice dans sa forme la plus simple et la plus radicale, A.savoir les refus
d'audience qui ont étéopposésaux requérants de trois ordres par les
tribunaux espagnols auxquels ils s'adressaient, A.savoir:
-les sociétésauxiliaires dont les biens avaient étésaisis en vertu du
jugement de failliteou des décisionscomplémentairesquisuivirent;
-le personnel dirigeant et les administrateurs desdites sociétés,

révoquéspar le commissaire ou par le séquestre provisoire avec confir-
mation du commissaire;
-et enfin. la Xational Trust oui étaitle trzrsteinstituéDarlescontrats
de tnrsl,au moment de l'émissiondes deux emprunts en'livres sterling.
La National Trust, soucieuse de ses responsabilitéset désirant mettre fin
aux mesures qui méconnaissaient legage dont elle était la détentrice,
s'est également efforcéed'obtenir la libérationde son gage.

Le Gouvernement belge croit avoir démontrédans la procédure écrite
l'intérêt majeurque présentaient, pour la sociétéfaillie et pour ses
actionnaires, les recours dirigéscontre les parties du jugement de faillite
et des décisionsultérieuresqui, pour réussir à donner effet à un jugement
de faillite voué à la stérilité avaient méconnude la façon la plus outra-
eeante l~s limites naturelles de c-t~e faillite en Dortant at~~inte aux droits
des societcs ausilinires que l'on prétendait att'indre par la bande.
C'est un pnncipe fondamental de tourc organisarion judiciaire dans Ics
Erats~.e driiit nile I:LUc'.iietno~~.el itzuudiiu\ dumnari \rersonnt ne neut
étre condamné sans avoir été entendu, c'est-à-dire sans avoir eu la
possibilitéde sedéfendre).
Je ne gaspillerai pas le temps de la Cour en lui démontrant l'existence
en droit international de ces principes, puisque c'est là la premièregaran-
tie que le droit international accorde aux étrangers,que toute violation de
ladite règleconstitue, comme l'indique la réplique, un dénide justice au
sensproprement dit, une notion admise sans réservepar le Gouvernement

espagnol lui-méme.
Or à ce principe, il a étécontrevenu à l'égardtant des sociétésauxi-
liaires que du personnel dirigeant et des administrateurs et que de la
Xational Trust.
Le Gouvernement espagnol voudrait bien que la Cour écartât ces
griefs comme manquant de pertinence. et cepour deux raisons.
Primo. Tout d'abord, il est alléguéque les recours qui furent ainsi PLAIDOIRIE DE M. ROLIN ~~9

écartésn'étaientpas dirigéscontre le jugement déclaratif defaillite, mais
seulement contre des parties du jugement ou contre certaines mesures
qui en découlaient (Il .,I, p. 483 a)). Vraiment on ne voit pas l'intérêt
de cette observation quand il s'agit d'apprécierla recevabilitédu recours.
Ainsi qu'il vient d'étredit. les parties du jugement attaquées étaient
de celles qui portent préjudice à Barcelona Traction. Elles étaient ou
seraient ultérieurement dénoncéespar Barcelona Traction; de même les
mesures d'exécution dénoncéesdans les recours auxiliaires étaient
attaquées par elle comme portant gravement atteiiite à ses propres
intérêts.Il était donc utile, pour sa propre cause, il était mêmevital que
ces recours fussent introduits: s'ils ne l'avaient Das étéon lui en aurait
chacunneàedes parties particulières du jugement, ils étaient susceptibles
de recevoir une solution infiniment plus rapide.
Secundo. Le Gouvernement espagnol invoque un deuxi&meargument
pour dénier la pertinence de ces recours; il signale qu'en réalité l'action
du Gouvernement belee est une action aui a étéinsuiréeDar l'intérêd tes
actionnaires de la BaGelona Traction ei non par lei intékts des sociétés
auxiliaires ni de National Trust ni du personnel dirigeant (A.D., vol. III,
p. 151,note 1).
La réponse est aisée.Sans doute le Gouvernement belge n'a-t-il pas
entaméson action devant la Cour internationale de Justice dans l'intérêt
de IlRf. hfenschaert et Hicriiaux ou de la sociétécanadienne National
Trust ou d'Ebro, mais, ainsi qu'il vient d'êtredit, les mesures dénoncées
dans leurs recours ou qui en étaientla,base étaient intimement liées,?ux
griefs dénoncéspar la Barcelona Traction elle-mêmedans son opposition
ou sa demande incidente de nullitéet qui sont aujoufd'hiii repris par le
Gouvernement belge. Le succèsde ces recours eût mis fin à la situation
dénoncéedans le erief elobal: il est donc essentiel de vérifieraue c'est
dg; un esprit draFbitra:re et de partialité particulièrement frappaut que
furent prises les décisionsqui les déclarèrentnon recevables.
A. Blocage desrecoztrsdessociéléasuxiliaires

Pour ne pas alourdir cet exposéoral, je vaism'en tenir au casde I'Ebro,
la principale des sociétésauxiliaires,.une des deux seules qui soit nomina-
tivement désignéepar le jugement de faillite comme devant faire l'objet
de la saisie de ses avoirs pour êtreincorporésdans la masse faillie. Cette
saisie eut lieu le4 février1948,le surlendemain du jugement de faillite,
en vertu d'une commission rogatoire adresséepar le luge de Reus au juge
Elle le fit le 16février 1948en introduisant un recours de reconsidération
du jugement de faillite en tant qu'il avait ordonné la saisie de ses biens
alors qu'elle avait une personnalité juridique distincte de celle de la
société faillieet un patrimoine distinc(A.M.,vol. 11,na77,p. 326.)
Le recours fut rejetéune première foisa limine pour défautde qualité
par une ordonnance du juge de Reus du 18 février, rendue dans les deux
jours de la présentation du recours (A.M., vol. II, no 81, p. 339). Cette
décision fut basée sur l'unique considération qu'aux termes de I'ar-
ticle1326 de la loi de procédurecivile, seul le failli a le droit de recours
contre le jugement de faillite.
Le motif était évidemment grossièrement erroné.En effet. il est vrai
que le droit d'opposition spécial au jugement de faillite, que prévoit
l'article 1326 de la loi de procédurecivile et qui doit êtreexercédans les BARCELONA TRACTION
270
huit jours de la publication du jugement, est réservéau failli et au failli
seulement. hfais 1'Ebro n'avait pas prétendu exercer le recours apparte-
nant à Barcelona Traction, mais bien, en tant que tiers pr6.judiciépar la
partie du jugement de faillite qui ordonnait la saisie de ses biens, le
recours en reconsidération ordinaire prévu par l'article 377 de la loi de
procédurecivile suivant lequel:
<ionpourra demander la reconsidération, dans les cinq jours ... de
,u"ements rendus Darles tribunaux de premièreinstance n.
Ebro demanda donc la reconsidération de l'ordonnance du 18 février.
De leur côté,lesdemandeurs de la faillite déposèrentun écrits'opposant
audit recours et, après une brève suspension de procédureordonnéepar
suite du déclinatoire Garcia del Cid. le juge de Reus rendit, l17 mars,
un jugement confirmant l'ordonnance du 18 février1948 . e jugement
estd'une gravitéparticulière et je me permets d'attirer tout particulière-
ment sur lui l'attention de la Cour car 11me parait vraiment constituerun
dénide iustice au sens étroitdu mot, àl'étatpur.
Lejugement contenait troisconsidérants; je les examinerai successive-
ment. Le premier considérant est libellé commesuit:

iBarcelona Traction étant l'uniaue détentrice des actions reorésen-
tatives du :di.I'Ebro], c'eit comme slapersonn:~lit&];ridique
<IL.3sucitt; qu~recourt disp~raissaitpar mire dr I'inexijtçnsr <l'un
commercialeq...D(A.M.,vol. II, nogr,p.t359).ns toute société

J'avoue, Messieurs. ne pas comprendre la portée de ce considérant. En
disant cela, je ne vise pas seulement l'obscurité qu'il recèle en ce qui
concerne le point de savoir si le juge de Reus entend y reconnaitre ou y
dénier la personnalité juridique d'Ebro. Mon collègue, M',Van Ryn, a
longuement traité cette question, il vous a montré les vanations et les
contradictions du juge de Reus à ce sujet.
En ce qui me concerne, ce que j'essaie de comprendre en vain, c'est
comment le juge a pu découvrirdansla concentration des actions d'Ebro
aux mains de Barcelona Traction,un motif pour refuser à ,Ebro le droit
d'ester en justice et de faire opposition au jugement de faillite.
On serait àpremière vue tenté de croire que le juge de Reus, se souve-
nant de son jugement du I" mars dans lequel il avait considéréque la
logique avec lui-même,lui refuser toute qualitépour ester en justice dans
un procès quelconque. Mais le considérant suivant ne permet pas cette
interprétation puisqu'il prévoit expressément la possibilité pour Ebro
d'agir en intentant une autre action. Voici ce deuxième considérant qui
peut-êtrene forme qu'un tout avec le premier sans lu conférerplus de
clarté,àmoins qu'il ne le contredise:

ricette procédureuniverselle [ils'agit de la procédurede faillite]se
dérouleentre deux parties, d'un côtéles créancierspromoteurs de la
faillite qui détiennent la représentation de la communauté des
créanciers,et del'autre le failli; si Riegos y Fuerza del Ebro s'estime
préjudiciéepar ce jugement ,déclaratoire de faillite, son moyen de
pas dans la présenteinstance.rc(A.hl.,vol. II, gr,rp. 360.)is non

La Cour constatera que ce deuxième considérant comprend à son tour
deux parties. La première, négative, suivant laquelle il ne peut y avoir PLAIDOIRIEDE M. ROLIN 271

ilut!<Iviix~)nrt~Aune proc~dure de f;+illite ILcrsancicr requerarit et la
5oci;ti f;iillre.Ebro ne peut se confondre avec aucune des deux et ne peut
donc pas intervenir. Et puis il y a une partie positive: le juge, sou&eux
sans doute de prévenirle reproche de refuser ainsi au tiers préjudicié la
possibilité de se défendre, fait montre d'une sollicitude étonnante à
l'égardd'Ebro en lui indiquant, de façon assurément insolite, la voie que
cette sociétédevrait suivre si elle s'estime préjudiciée. C'est, selonlui,
l'action en revendication (&ercer{adedominio).
Examinons successivement les deux ~arties de ce considérant.
La premiére contient une série d'crieur dse droit manifestes: il n'est
tation de la commuriauté des créanciers: c'est là la fonction des oreanes-
de~lafaillite (séquestre provisoire ou syndics). Il est également inGxact
que la procédure de faillite se déroulerait entre deux parties, les promo-
teurs de la faillite et le failli: cela n'est Dasvrai au débutde la ~rocédure
defaillite qui est unilatérale; lefailli n'{est partie qu'à partir di moment
où il se constitue31la procédure et il n'est Dasvrai non plus que dans la
suite, apr&sque le failfi a fait acte de comparution, il y ait deux parties,
car s'il est exact que le faillia le monopole de l'opposition prévue à
l'article 1028 du code de commerce de 1829 repris à l'article 1326 de la
loi de procédurecivile. d'autres pourront seprévaloirde l'article 377de la
loi de procédurecivile pour faire opposition au jugement, notamment les
créanciers,ainsi que nos adversaires se sont pluà le souligner dans leurs
écrits; s'ils usent de cette faculté, ils seront également parties à la
procédure.
Maisje suppose que lesrequérants qui ont rédigéle texte decedeuxiéme
considérant et le juge qui l'a repris tel quel ont eu en vue précisémentde
dénier à Ebro la qualitépour faire usage de cet article 377. Car c'est sur
ce point que le contre-mémoireet la dupliquefont principalement porter
leur effort.S<,nalons toutefoi~. avant de l'aborder. la &versioà laaueiie
se livre dani ses Ccrits Ir Gouvernement espagnol lorsqu'il accuse Ehro
d'avoir rnnnquc àla bonne foi en osant nier, lit-on d;ins la duplique.que
ses nctioris 6t:iicnt toutes la propriéti.I:BarceIona Traction (Il., VII.
P. 483et 484).
Ce reproche est manifestement dénuéde fondement. Si on lit la de-
mande de reconsidération d'Ebro, on constate que la demanderesse s'est
bornée à contesterque le juge pût. sur base des élémentsen sa possession,
affirmer que la concentration d'actions en une seule main existât à la
argument 12d'Ebro lorsqu'il le rencontre dans son jugement en écartantt
«les doutes de la partie adverse au sujet de la subsistance de la concen-
tration au moment de la déclaration de faillite n.Ebro avait du reste
elle-mêmeenvisagél'hypothhse où sur ce point de fait le juge passerait
outre à ses observations et elle avait itérativement déclarédans son
6crit quc lnconcentratiun <leses actions:+ux m:iinsde I3arcclonnTraction.
à la sul>poscrétnblie.ne pouvait priver Ebro du droit <l'esteren justice
pour combattre I'encloutissement de son p~trimoine dans In masse faillie
Ôbjet de la saisie. -
Tout ce raisonnement était assurkment licite et ne contrevenait pas
la bonne foi.
Venons-en à la these juridique développéedans le contre-mémoire
(IV,p. 337 à 339) et la duplique (VII,p. 488).
Nos adversaires ne peuvent contester au départ, ainsi qu'il avait été272 BARCELONA TRACTION

exposédans la réplique (V, p. 488), le caractère non douteux, depuis un
arrêt du Tribunal suprêmede 1895, du droit des créanciers du failli de
faire opposition au jugement de faillite par application de l'article 377 de
la loi de procédure civile. Mais, suivant eux, cette faculté, reconnue aux
créanciers, s'explique par le fait qu'ils sont parties à la faillite, ce qui ne
serait vas le cas Dour les autres tiers. Cela n'est. à mon sens, qu'une
p;riri<,;(lc princil;c,Ir.cr;ancicri, rn ~ii~r.conimc jr\.ou5l'hidit, nc siirit

particj i la prui;~luri. qiic lnrsqu'ili !. ioni[)~rii5jeiit. lors<lu'ils soiit
;td~iiii Y conii,.ir~~it~c. c ni;.niv scrdii~t'~:tl~rnriirr~.,rtic~;i l:, ~~rt,c&lurc
les autris tie& intéressés,s'ils y comp&aissent, C'est-à-direAs'ilç sont
admis à y comparaître, et on ne voit pas, à première vue, pourquoi ils ne
disuoseraient Dasdu mêmedroit aue les créanciers.
<O, :t,d~~~-r&~r .~juti~iciirl>v~td'xt pliqurr la r:tisoii ~~ttr.JitiCrci~cc
dç rr.iirc.iiir:iit qu'il, ;iffirriiriit <<riipri~cr'durccsyagnolc. cntrc Its
ciéancicrs d'une fiilliti: (t li.tiers t)r<:iiidi;i~~1l:iiils ac refirciit à unr;
théorie généralesuivant laquelle 1';nt;rvention incidente d'un tiers dans
un procès ne serait autorisée que lorsqu'il s'agit d'un procès déclaratif et

non d'une procédure d'exécution (D., VII, p. 490). Pour étayer cette
argumentation, ils passent en revue les six arrêtsdu Tribunal suprême
espagnol qui avaient étécitésdans la réplique (V, p. 486, note 1) comme
ayant reconnu le droit d'intervention des personnes qui y avaient
intérêtet ils notent que, dans chaque cas, il s'agissait d'actions déclara-
toires (A.D., vol. III,p. 109 à 112).
Si mêmeil en était ainsi, comment pourrait-on conclure que le droit
d'intervention n'appartient pas à la sociétéEbro, alors qu'à toute
évidence le jugement de faillite, par sa nature, comprend toujouvs
certailzesparties déclaratoire st qu'en tout cas. en ce qui concerne le
jugement de faillite rendu dansl'affaire d'Ebro, il n'y a pas de doute que

la partie du dispositif suivant laquelle les biens de 1'Ebro devaient être
inté<.ésdans la masse faillie était essentiellement une dis~osition déclara-
toirc qui donc, <l';,l~r<l<:t tl.>x niLiil? <I&VVI<,~~ p:(.r~1I~~III\~~~~I~~~I~I~II~
c.:p~:i~~,l:tiir.,dit pcrinvrtrc ?iI:l>ro~I'iiit~-rv~nir?
\I:,iicii f4it.\lc,.i~tirs. 1c.si>riiiiinC+(n.,ii;;rlJiiiIc-nrrits <III<iious
avons citésdans la réplique &t une portée beaucoup plus généÎaleque
celle que leur attribue le Gouvernement espagnol et ils consacrent
expressément cette théorie de l'intérêt quele Gouvernement espagnol
nous reproche d'avoir imaginée. Nous ne citerons que deux exemples.
Voici comment s'exprime le Tribunal suprême dans son arrêt du

21 mars 1911:

iiS'ilest certain que l'ordonnance procédurale de l'instance admet
seulement des demandeurs et des défendeurs, dont les positions
respectives sont signaléespar les articles 524 et 525, cette doctrine
ne constitue pas un principe généralet absolu, car le demandeur
n'est pas l'arbitre du choix des défendeurs, mais est tenu de diriger
son action contre ceux qui ont un iiitkrêtévident et déterminé à
s'opposer à ses prétentions et de l'omissi?n commise par le deman-
deur, par erreur ou sciemment, en désignant les défendeurs, ne
découlepas non plus nécessairement leur élimination de l'instance;

les exceptions possibles à ce principe sont confirméesp?r l'article 73
aui autorise Il'arrêtcite1 oceux oui . . euv vent êtreDartie légitime à
l'instance introduite ià i>ropoçer des questions de Compétence; par
l'article 1693, qui signale, parmi les motifs de cassation pour vice de PLAIDOIRIE DE M.'ROLIN 273

mais des personnes qui devraient êtrecitéesiàsl'instance; et de faqon
plus notable encore par l'article 1127, lorsqu'il établit ue dans
l'instance ordinaire qui aurait étéintroduite à l'occasion 1e ce qui
est prévu dans les articles 1114 et 1x18. pour faire la déclaration
relative au droit sur les biens, s'il s'agit d'adjuger ceux qui doivent
kchoir iiplusieurs Dersonnes non désignéesnominalement, celui qui
estime avoir un dioit préférentielpo&ra comparaître et sera admis
comme partie au stade où se trouvel'instance. »

Et cette théoriefut rappeléeet confirméepar le Tribunal suprêmetrès
peu de temps avant les décisions incriminéespar nous dans un arrêtdu
6mars 1946,où on lit cequi suit:
NSi le droit matériel mis en pratique affecte différentespersonnes,
ceci peut empêcherquela relation procédurale soit établie valable-
ment dans le cas où accès au litiee n'est Das donné à toutes, et
particulit!r,~iiientsi ceux qui n'oai étCal;pt.16sétaient li6à ceux
qui I'uiitetc:par dcs lieiisde 5oliil:iritCou par lei liens qui nniscrit dc
I'indi\.isihilitCdes i>rcst;itions r<t.l:i. L:t<:rriiinantaiI'r.~tcn-
siou des effets de la chose jugéeà ceux qui. du fait qu'ils n'ont pas
étéconvoqués à l'instance, n'ont pas pu être entendus, ce qui a la
conséquencetrèsgrave deproduireune fraude procédurale. C'est en
ce sens que. suivant le précédent évocateurde la Loi qC,titre 23 de
la Partida tercia. s'est prononcée la doctrine jurisprudentielle,
proclamée en de multiples arrêtsparmi lesquels, en raison du fait
qu'il statue sur uii càs analogue à celui qui est actuellement objet
du litige, ressort celui 21 mars 1911[celuique je vieiis de citer] qui
admit la théorie de l'intérêtet, comme conséquence. celledu litis-
consortio nécessaire, se manifestant par l'intervention de tiers au
procès.r,

Ce sont là, au surplus, des principes élémentairesd'équité.Comment
peut-on concevoir qu'une personne juridique doive subir l'exécution
d'une décisionrendue dans une affaire à laquelle elle a éétrangèresans
avoir la possibilité d'en arrèter les effetspar une intervention dans la
procédure?
La jurisprudence ii'a du reste cessé,depuis les arrêtsque je viens de
citer, d'accentuer toujours davantage cette protection des tiers lorsque
la décisiondevant intervenir daiis iiilitige est susceptible d'avoir pour
eux des effets immédiats préjudiciables. La jurisprudence trouve son
point culminant daiis un arrêtdu 30 juin 1966(Aranzadi. no 3658) où il
est déclaréque tous ceux qui se voient affectéspar la décisionii rendre
doivent êtreappelésau procès,car l'omissionde cette coiivocation oblige
le juge d'instance, lorsqu'il s'en aperçoià,s'abstenir de trancher spr le,
fond, à raison du fait que la relation juridique procédurale a été mal
constituée. Cela va, assurément, bien au-delà des thèses que iious avons
déRappelons encore que, comme nous l'avons indiqub dans la réplique
(R., V, no 653, p. 48$), aux termes d'une disposition de la loi espagnole
(art. 260, par2, de la loide procédurecivile)

a toutes les ordonriances. jugements et arrêtssont notifiéségalement:
uzaand iLenseraainsi ordonné.aux DersonnesauxaueAles ilsseréfèrent.
étauxquelles ils pourraient iorteÎpréjudice ».274 BARCELONATRACTION
II n'est pns douteux que, si pareille notiticati:Ilieu. I:Ipcrsoiiiic i
qui la notification a it6 faite peut denixrider la reconsid6ratioii du jiigc-
riicnt et donc exercer It droit .'~nn~~irion Je l'3rt177ciii:~ij.nous fait
observer le Gouvernement espagnol, le juge de ~eu;,'én ordonnant la
saisie des biens de1'Ebro. n'a pas, dans le mêmejugement, ordonné la
notification du iueement àcette société comme il eût nu le faire àCOUD
sùr, conime ilehtudù12 faire. La dupliqud pritcn<l tirgr arguiii~iit aiecctie
omis si or^:?l'cri rroirc. I'Ebro.fnutc dc ii<,tificatioii, iic poui.3~.
rCirlarncrdu droit <l'oppositionqu'elle aurait 9~115cel;iJe demande à
la Cour: put-on adiiiettrc que I'oniisjion <lujuge de Iteus puisse avoir
pour conséuuence de pri\.er Ebro du droideSC difendre contre la tlisvosi-
;ion qui minifestemënt lui portait préjudice?
Au surplus, le Gouvernement espagnol perd de vue que Ebro a eu en
fait une notification du jugement du12février.Ebro a reçu cette notifica-
tion le14février,lors de la saisie, et il devait en êtreainsi par la force des
choses car le juge commissaire de Barcelone était dans l'impossibilitéde
saisir, sans d'abord produire le titre en vertu duquel il exerçait la saisie.
ment contenu un ordre de notification et qu'Ebro se trouve donc bienicite-
dans le casprévu par la disposition légale susvisée.
Quant àl'application de ces principesà la matière de la faillite, nous
avons tout naturellement recherchéquelles étaient àcet égardla doctrine
et la jurisprudence. hfaisdes cas où d'autres que le failli ou des tiers sont
préjudiciés ar un jugement de faillite sont, dans la pratique, tellement
exceptionne Ys quenotre récolte aétépauvre.
Quant à la doctrine, nous avonstrouvé àl'appui denotre these du droit
d'intervention dans la procédure de faillite de tous les tiers intéressés
qu'un seul auteur espagnol, à savoir Ramirez, l'auteur du traité sur la
faillite, qui enseigne (p.6) que la qualité pour s'opposer au jugement
de faillite n'appartient pas seulement au faillàses créanciers,mais aux
tiers justifiant d'un intérêtlégitimeou véritable dans la faillite.
On nous obiectera qu'un auteur c'est peu si, de l'autre côté,on avait
trou\,éunnutrur qurlrbn<luepourdtfendk lathcseoppos~e. \lais ce n'est
pas le cas. Je huisdonc bien hutoriséàpcriscr iqu'n~i~i~natr;iidLpcn<lant
auquel une pareille question est posééne peut répondre sur base des
principes générauxque de la façonque je viens d'exposer à la Cour.
Quant à la jdsprudence, nous n'avons pas relevé, à vrai dire, de
jurisprudence proprement dite - ce qui, en Espagne, veut dire des
arrêts du Tribunal suprême - suivant laquelle le droit d'interventioà
la procédurede faillite appartiendraià des tiers autres que les créanciers.
Mais. encore une fois. il'y a Das non ~lus d'arrét du Tribunal supréme
qui se soit prononcé en sens Contraire: Il semble que la n'ait
jamais étéposéeau Tribunal suprême, toujours à raison du fait que les
dure de faillite ne se rencontrent qu'exceptionnellement. Nous devrions-
doncclôturersur cepoint par un procès-verbalde carence si nous n'avions
trouvé dans la ~ratiaue des décisions iudiciaires de première ou de
deuxième instanèe qui consacrent la thgorie de l'intérêt enmatière de
faillite. En l'absence de dkcision ayant une portéeopposée, nouspouvons
donc dire aue les idéesaue nous défendonssont celles qui correspondent
àla pratiqÛe générale.dans la mesure où i'on peut d'une Pratique
gbnérale au sujet d'une question dont les cas d'application sont aussi
iares. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 275

Le premier cas a fait l'objet d'un arrêtdu Tribunal suprêmedu 12 avril
1011.Bien aue. commenous le verrons. le Tribunal su~rêmene se soit oas
1;-iiénie p;ononc~ sur le poirit qui noiij occupe. 1';trrétfournit la prr;vt.
<liieIicIr<>i~l'intt.r\~entiniid;iiiI:i~iroc~<iiir3 i.16rec~niiii3 iirilicrs
Üui n'était Das créancier. C'estune affaire qui est mentionnée au Dara-
graphe 6jbAdela réplique et à laquelle la duplique a consacré toÛt un
appendicede son annexe 114 (A.D., vol. III, p. 119).
Le failli était une sociétéen commandite. Le jugement dc faillite avait
fait remonter au 31 mai 1909la datede cessation depaiement. Or, un des
commanditaires s'était retiré de la sociétépostérieurement à cette date.
11avait reçu le remboursement de sa participation et il était reauis. .n .
vertu dii jii~~:i~icrit(.Iur~stituCCIICsÔinmrpuii<lu't!llrsr trou\,ait avoir
AC. \.ersCCpendant la piriode suspecte. Cc comni;inditnirc intervint clans
13 pro~édure<lefaillite pour l>rotejtcsrcontre 13 Jnte de lisatiun (1,:la
cr.ss:itiuri de p;iieiiir.rildeiiinnd;~In rcconsid6r:ition du jugemcnt de
faillitc sur cc point. en Iiriiitant son..ppositioàiunc partie du j.ge.ient,
celle qui lui portait préjudice.
L'intervention fut reçue et. après des péripéties diverses,elle aboutit à
un appel au gain de cause du commanditaire qui obtint que la rétro-
activité ne fût étendue que jusqu'au 1''octobre 1910, et, qu'en consé-
quence, le remboursement desa commandite fût considérécomme valable.
Il y a eu, à vrai dire, recours devant le Tribunal suprême. maisle
parce qu'il Considéraque le créancier qui contestaitr sur llaareceva6ilite du
recours du commanditaire avait antérieurement acquiescé,àlarecevabi-
litéen n'interjetant pas apyel du iugement qui avait admis le recours
malgréson oppositio6. .. . -
En résumé,il résulte de l'examen de la procédure suivie en la cause:
I)tout d'abord aue le jute de la faillite saisi de la demandede l'opposition
de I'aiicien comkandityire de rccoiisidfrzr son ,jugement en innt qu'il
avait hxCunc date de cessation de paiement antérieure, lejugr arenduune
ordonnance recevant l'opposition a trdmite; 2)que, saisi par le demandeur
A la faillite d'une demande de reconsidération de ladite ordonnance. le
juge a confirmé sonordonnance (la question a donc bien &tédébattue au
cours de cette instance); 3) que le conseil du demandeur à la faillite n'a
pas fait appel de cette décisionmais seulement de celle rendue ultérieure-
ment qui donnait satisfaction au commanditaire; devant la cour, cepen-
dant, il souleva à nouveau la question de recevabilité; 4) que la cour
d'appel rejeta l'appel et reconnut à son tour le droit d'opposition de
l'ancien commanditaire. Quant au Tribunal suprême,il jugea à bon droit
dans son ariêt du 12 avril 1913 que, faute d'avoir interjeté appel du
premier jugement qui avait déclaré l'oppositio? recevable, le créancier
avait tacitement admis la recevabilité de l'opposition.
Ladeuxieme espèce est plus intéressante encore, car elle s'est produite
dans notre affaire. 11s'agit en effet de la décisionqui a étérendue dans
l'affaire de Barcelona Traction le 8 juin 1963, par le juge spécial en
fonction à l'époaue sur la demande de reconsidération de la National
Trust d'unr &Jinnance du prcmier jiigc spkial <lu 4 fë\,rier 1949 qui
;ivait reluoc Je la rccevoir conime p3rtie à la pruc6diire de I:iillite.
I,n di.cisioii,qui dat(IIISiuiii1~6.r.fiitdéfavorableila h':itioiiaITrust
et a suscitéet suscitera de notre art des criti.ues..mais nous n'en avons
aucurie à énietrrc quant :lux cu;i~iil~iri<tioiitsIii.ori~~u~:x1)0stespar le
jiigc j11l'cirll;itivcmcnt il'interventinn clvsticrs iiitCressCs.276 BARCELONA TRACTIOS

La Cour a ris connaissance. déiàdans notre ré~liaue.du considérant
que nous avoRsen vue, mais soi importance est teîle &je demande à la
Cour la permission de le lui relire (l, i,-ement entier étant publié en
annexe âu contre-mémoire(vol. IX, no 199, p. 287):
iiConsidérant [dit ce juge spécial]que l'un des principes générale-
ment les plus admis est celui que l'un des buts, le plus remarquable
peut-être, de la tutelle et de la protection juridiques est celui qui
consiste àgarantir les iiitérêtjuridiquement protégeables, considerés
dans leur acception la plus large, et que c'est de la que découlela
doctrine selon laquelle peuvent comparaître dans les procédures. et
y intervenir, des personnes qui, quoique n'ayant pas étéexpressé-
ment convoquées,font preuve d'un intérêtréel,personnel et authen-
tique dans les questions soumises à l'examen et à la décisiondes
juges et destribunaux: ce qui donne lieu à la figure dénommée ctiers
intervenant dans le procès »; mais que son application dans la prati-
que n'est pas seulement conditionnée par l'allégation de l'intérêt,
mais aussi par la justification, en principe du moins. que cet intérêt
existe et mérite la protection juridique. »(R., V. p. 487.note 1.)

Ce texte me paraît tellement éloquent qu'il paraît défierla contradic-
tion. Cela n'a pas empêchéle Gouvernement espagnol de glisser dans une
note figurant dans une annexe à saduplique (A.D., vol. III, p. 102,note I)
qu'il n'étaita pasexact n que le juge spécialen fonctionen 1963ait, dans
le considérantcité,suivi la doctrine de Ramirez puisque - est-il dit dans
cette note: i

«dans un considérant que la réplique nereproduit pas, le Tribunal
. rejette le recours de National Trust faute par elle d'etre créanciere i,.
Encore une fois, ce reproche n'est pas fondé.

sans doute le jugement relève que National Trust n'est pas créancière,a que
mais elle constatera aussi que National Tmst est déclarée ne pouvoirêtre
reconnue en Espagne comme trustee, que les intérêtsdes créaiiciers ne

peuvent êtredéfendusque par les organes de la faillite et par eux-mêmes,
intirêtdirectan.une entité qui prima facie ne prouve pas qu'elle a un

C'est ce qui amhe lejuge spécial à considérer
uque l'intérêt qui pourraitla qualifier pour intervenir dans la procé-
dure de faillitefait défaut à la National Trust i,.

Je rencontrerai plus tard cette appréciation en ce qui concerne l'appli-
cation qui est faite des principes énoncés à la National Trust, mais je suis
en droit de constater que quant à ces principes, le considérant - dont je
viens de vous lire des extraits - ne.contredit en rien le considérant
principal mais que, au contraire, il le confirme.
Ebro avait donc droit qu'on lui en fasse ap lication. Pour employer
les termes du considérant que j'ai lu tant&, EPbroalléguait un intérêt,
celui qu'elle avait de voir respectéesa personnalité propre et son patri-
moine distinct. Le Gouvernement espagnol niera-t-il que cet intérêt
existait et méritait une protection juridique? Il ne le pourrait. pasj
comment peut-il d&slors contester le dénide justice proprement dit qui
résultadu refus d'audience opposé Ebro? PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 277

Faut-il encore parler de I'action en revendication que le juge de Reus
recommandait à Ebro d'intenter et aue reprend le Gouvernement
espagnol dans sa duplique? -c'est cequi j'ai aipelé lapartie positive du
pense que cette suggestion n'était pas sérieuse.425; D.. VII, p. 487). Je
Certes, une telleaction estparfaitement concevable lorsque le séquestre
provisoire ou les syndics, exécutant l'ordre de saisie des biens du failli,
mettent la main par erreur sur un bien qui est la propriété,non pas du
failli, mais d'un tiers. Le tiers revendiquera le bien erronémeut saisi par
une action dans laquelle il va décrire lebien. Ainsi, s'il s'agit d'un im-
meuble, il va indiquer le registre du cadastredans lequel cet immeublese
trouve inscrit et le numéro de cette inscription. Une telle action va
mettre en cause à la foi les organes de la faillite, séquestreprovisoire ou
syndics quiont commis l'erreur et lefailli qui, tort, a étéréputéproprié-
taire du bien.
Mais, en l'espkce,il n'y a pas eu erreur dans l'application du jugement
par le séquestreprovisoire, mais arreur dans le jugement. Et l'erreur n'a
pas consistédans la fausse désignation du propriétaire d'un bien déter-
miné. C'est tout un patrimoine qui, tout en étant reconnu comme
propriété d'Ebro, a étéenglobédans la masse faillie de Barcelona Trac-
tion.
A-t-on jamais vu une action en revendication porter non pas sur des
biens déterminés, maissur l'ensemble d'un patrimoine?
Cependant, en désespoirde cause, la duplique nous oppose un dernier
argument, apparemment à titre subsidiaire.
Dans le cas qui nous occupe, Ebro ne pouvait recourir ni à la demande
de reconsidérationni àl'action enrevendication, faute d'intérêts distincts
et indépendantsde Barcelona Traction.
C'est,à mon avis. de la fantaisie pure.
Comme nous l'avons déjà dit. Ebro était une sociétécanadienne
régulièreet RI ' an Ryn vous a clairement démontréqu'en droitespagnol
comme dans le droit de tous les navs du monde. tant au'une société
r<guliércnicnt constitutk rt inscriic n'a p:ij fait ]:objetd'une décision
d nniiulntion 3.I'issiicil'iin procl'soii q.llc,:st partie. les i~iridictio~issont
tenues de respecter sa personnalité distincteet notamment sa capacité
pour se défendre eu justice contre les atteintes portées à son droit de
disposition de sesavoirs.
Ainsi, en dépitdes ampliationsapportées au deuxième considérant du
sidérant, pas plus que le précédent,n'apporte la moindre justification au
dénide justice dénoncépar le Gouvernement belge.
Et j'en aurais ainsi fini avec le cas de I'Ebro s'il ne me restait A dire
quelques mots du lrasième considérantdu jt6gemesil du 17mars sur lequel
le Gouvernement espagnol n'a garde de s'attarder. mais qui mérite de
retenir l'attention de la Cour parce qu'il souligne la contradiction où
verse le juge par un perpétuel jeu de balançoire qui alternativement fait
monter ou descendre la reconnaissance de la ~er.onnalité distincte des
iu.:i;rii :iiixili;icrcS.,iii?conn:~isi;incc,enii*~ip:irsc qiic:rconsiiié-
r3nt ~.iw<lliclef;i$.onsinistre Ir <.oiil,dc fqi~rIr.orRariestir1;ifaillite
venaient~d'accomulir et annonce l'usage au'ils allaienteri faire Dour en-
lever définitivement A l'Ebro toute po&ibi:litéde se faire entendfe, fût-ce
par la voie de cette action déclaratoire qu'on avait eu l'. .ocrisie de lui
Conseilleret qu'elle allait avoir la naiveféde tenter.278 BARCELONA TRACTION
Le troisième considérant, fort bref, est rédigé commesuit:

«Comme il n'apparaît pas d'où dérivent les^ pouvoirs de celui qui
a agi au nom de Kiegos y Fuerza del Ebro. ni quels pouvoirs détient
celui qui les a délivrés.et les limites en étant les conciliations et les
tation de cetteusociété.(^A.M., vol. II, no gr, p. 360.)la représen-

Ce considérant aussi étaitreprislittéralement deI'écntdes promoteurs
de la faillite dirigécontre le recours d'Ebro. A première vue on voyait
mal quelle en était la portée.
En effet, l'avouéJust était porteur d'une procuration généraledu type
classique; il n'était pas sérieuxde soutenir que le pouvoir qui lui était
donné d'intervenir dans les aprocès u ne couvrait pas la procédure de
faillite au cours de laquelle les biens d'Ebro avaient étésaisis..La procu-
ration lui avait étédonnée, le 15 février r 48, par l'administrateur
délégué,M. hlenschaert, en vertu du man 8 at ancien que lui-même
dbtenait du conseil d'administration. Les membres de celui-ci avaient
sans doute étérévoqués à la date du 20 février,donc après que ces pou-
voirs avaient étédonnés. et l'administration avait étéassumée Dar le
le comprendro\-ispouvoir révoquer lui-rni-mc lcs pou\'oirs conl6rt;s par
Ebro à I'a\.ouL lust dans une ~rocidure où lui-n~ér4.aur;trc ~ro\,isoire
était intéresséi.a représentaiion d'Ebro par l'avoué~;st ét& donc en
tous points régulière.
Ces pouvoirs n'avaient, du reste, antérieurement, à aucun moment,
étémis en doute ni par les requérants de lafaillite, ni par Garcia del Cid,
ni par le juge de Reus lui-même. Alorsque s'était-il passé pour que,
brusquement, dans ce jugement du 17mars. il ait des doutes sur la vali-
ditédes pouvoirs de l'avouéJust et de celui qui les lui avait conférés?
II ne s'était rienpassé. sinonune chose qui n'avait pas encore produit
ses effets mais que les requérants prévoyaient lorsqu'ils avaient rédigé
leur écrit combattant l'opposition d'Ebro et dont le juge acceptait de
tenir compte prématurément. La veille de son jugement, le 16 mars, le
séauestre ~rovisoire s'était. comme McVan Rvn l'a ex~osé à la Cour.
co;istitu& ;ri,assénihli.~gcn'r~lr dcs actionnaireai d6si~ncr de
nouveaux ndniiniitr:iteurs en rçmplact:inent dtr<.eu?qu'il avait rc\.oqiiis
le 20 février.et il leur avait don& mandat ex~rèsde Ïévoauer les urocu-
rations deM' Just et des autres avouésconsdtués par ~b;o.
Ainsi Ebro, après avoir vu son patrimoine englouti parce que sa per-
sonnalité n'était pas, prétendument, distincte de celle de Barcelona
Traction, sevoyait restituer, non pas son patrimoinemais sa personnalité,
et sc trouvait dotée d'un nouveau conseil d'administration dont les
nouveaux titulaires allaient-aérerce ~atrirnoine saisi dans l'intérêtcette
fois du groupe March.
d'avouéset les désistementsDarlesauels seraient inexorablement étouffés
tous les nouveaux recours &'~brÔ~ourrait tenter pour faire cesser les
mesures prises contre elle dans une procédure où elle était absente. Et il
en serait ainsi mêmede l'action déclaratoire qu'elleallait ultérieurement
entamer pour se conformer aux suggestions du juge de Reus.
C'est cela qu'annon~ait de façon sinistre le jugement du 17mars.
Mais avant de traiter de ce troisihme moyen de blocage, qui est la
substitution des avoués, il me reste à rappeler à la Cour dans queues PLAIDOIRIE DE M. ROLIN =79

conditions le moyen de blocage des recours par refus d'admission pour
manque de qualité fut utilisédans le cas du personnel dirigeant et de la
National Trust.

B. Blocagedes recoursdu personneldirigeant, des employéssupérieurset
des administrateursdes diverses sociétéa suxiliaires

II5 uiit 2ti. r;voqti<:; dniis Ics yrr,micri, joiiri de la f;iillite, cornilie
\le \'a11R),ri l'a c11o". i In (:~IIIsoir par le comniiss;<ir~ -CC qui fut IL.
c:iscit ce111it:oiice~tc,lvrii~pIo\.C,,ii(,Gririirs- SUII,crir:~riqi~':rdminis-
trateurs. ~ar le séauestre ~Ïo<isoire~arissant. sous le contr6le du com-
rni%..iire,ir~111ilit..~;~<<nlhlit.:;r:ileIL.^cribiin;iircs,dusdit~s suciLtLs,
1.epersniinel dirigeaiit ct les adminisrr:iteurs r6voqur:sn'ont pas manqué
d'introdiiire contre ct-i (Itkisions de iiombrcus recours. (lunt olusiturs
ont étémentionnés dans la procédure écrite. Ces recouks connLrent un
sort semblable: ils furent tous déclarésnon recevables pour défaut de
qualité.
Pour ne pas allonger démesurément mon exposé,il m'a paru indis-
pensable de me limiter, en ce qui concerne le personnel dirigeant, à un
castype, comme je l'ai fait pour les sociétésauxiliaires, et j'ai pris titre
il'exemple le recours intenté le 19 févrierpar le principal des dirigeants
révoqués, hl. Meuschaert, contre la décision priseen ce sens par le com-
missaire.
La réclamation fut remise au juge no 4 de Barcelone qui avait présidé
aux opérations de saisie au cours desquelles la révocation avait eu lieu
en sa présence.Le requérant précisaitque si le juge de Barcelone estimait
que le contrale des décisionsdu commissaire relevait non pas de lui mais
du juge de Reus, il veuille bien lui transmettre sa réclamation. C'est ce
quefit lejuge de Barcelone le 21 février1948en restituant l'écrit à l'avoué
de M. Menschaert avec l'inscription, au bas de la requête, d'uneordon-
nance du mêmejour: <<pourque l'avouépuisse user des droits dont il se
croit muni devant letribunal dont émanela comriiissionrogatoire, lequel
est le tribunal compétent n.
C'est dans ces conditions que la réclamation fut représentéeau juge
de Reus le 27février (A.M.,vol.II, no85, p. 345).Le requérant y justifiait
sa conduite lors des opérationsde saisie; il montrait qu'il n'avait aucune-
ment contrarié l'exécutiondu jugement de faillite, qu'il s'était borné à
éleverune protestation contre l'extension de ses effets à des sociétésqui
n'étaient pas déclaréesen faillite et qui étaient distinctes de la société
faillie. II concluaità i'aunulation de l'ordonnance de révocation.
La recevabilité de cette réclamation ne faisait siirement aucun doute.
Je ne crois pas qu'il soit possible de trouver un recours dont la receva-
bilitéest aussi certaine. En effet. il existe une disposition spécialede la
loi de procédurecivile (1363).suivant laquelle

Y les ordunri;iiiccj reridiics par le commissaire d propos de I'admiiiis-
tration <leI:i f:<illitcdalis I';iccomoliisvmcnt dc 52sfonctions oour-
ront êtreréforméespar le juge à la demande des syndics ou déSun
quelconque des intéressés, auquel cas on procédera d'office au vu
de la réclamation présentéeet du rapport du commissaire à ce
sujet i,.

La Cour voudra bien constater qu'il s'agit ici d'un texte d'une précision280 BARCELONA TRACTION

parfaite. Le recours qui est prévu n'est pas le recours ordinaire de l'ar-
ticle 377 de la loi de procédurecivile qui est le recoursen reconsidération,
car un recours en reconsidération s'adresse au magistrat qui a rendu une
décisionpour qu'il puisse se rétracter. Cette fois le recours ne s'adresse
pas au commissaire pour qu'il rétracte son ordou~uce, il s'adresse,
conformément à l'article 1363, à l'autorité supérieure pour qu'elle ré-
forme l'ordonnance du commissaire. Et aucun doute n'est permis quant
aux personnes auxquelles un tel recours est ouvert. il l'est à itout
intéressé o.
On ne comprend pas dès lors que M. Menschaert n'ait jamais réussi,
pas plus que ses collègues, à obtenir qu'il soit statué sur le bien-fondéde
sa réclamation et, sans que son droit d'opposition fût formellementdénié,
le juge de Reus imagina les prétextes les plus divers pour ajourner l'exa-
men de sa requêtejusqu'à ce que, quinze ans après, lors du grand net-
toyage de la procédureen 1963. le juge spécialde l'époqueait rendu un
jugement qui rejeta la réclamation (A.C.M.,vol. IX, no 201, p. $90) ap-
paremment, suivant les motifs, comme non recevable. Il y avait long-
temps à cette date que M. Menschaert avait quitté l'Espagne et renoncé
à. obtenir justice, de,même qu'Ebro et les autres sociétésqu'il avait
dirigées.
Voyons rapidement comment le juge de Reus s'y prit pour repousser
comme non recevables des recours dont la recevabilité s'appuyait sur un
texte aussi clair.
Les variations survenues dans la motivation des décisions successives
d'ajournement ou de rejet et l'extrêmefaiblesse des motifs invoqués
démontrent l'embarras que ces cours et tribunaux éprouvèrentlorsqu'ils
voulurent justifier ces refus d'audience et elles prouvent leur parti pris.
Le 3 mars 1948, dans l'ordonnance reproduite en annexe au mémoire
(A.M., vol. II. no 86). le juge de Reus commença par déclarer que la
question de savoir si le personnel dirigeant avait qualité pour requérir
contre sa révocation était likeà la question de savoir si les sociétésauxi-
liaires elles-mêmesavaient qualité pour intervenir à la procédure et ne
pourrait dès lors être examinéeque lorsqu'il aurait étéstatué eii ce qui
concerne les sociétésauxiliaires. Or l'examen de ces recours s'est trouvé
suspendu par l'effet du déclinatoire Garcia del Cid, dont l'examen venait
d'être portédevant la cour d'appel à ce momeiit.
A toute évidence celan'était pas défendable. Le juge avait perdu de
vue que la requêtede M. Menschaert ne s'attaquait pas, mêmepartielle-
ment, au jugement de faillite mais seulement à l'ordonnance ducommis-
saire.I1,étaitdonc tout à fait étranger au recours de I'Ebro ou au déclina-
toire Boter, qui visait le jugement de faillite; il concernait une mesure
d'administration et non pas la validité du jugement.
Aussi une demande de reconsidération fut-elle introduite; le juge de
Reus la rejeta par jugement du zo mars (A.M., vol. II, no 122, p. 436).
C'est dans cette décisionque, de façon un peu plus détaillée,il essaie de
justifier sa décision.Il y passe sous silence le motif qu'il avait invoqué
antérieurement et il y substitue deux autres, conformément aux sug-
gestions qui lui étaient faites, toujours, par les requérantsà la faillite.
Dans un premier considérant il déclare aue sans doute des membres
di! prrsoiiii~l clirigc:iilt pziirciit ?nijuGice coiitrc les oi,c:~iicsde In
f;,illità,%:,rcir1,.siqurstre prn\.iuoirt. oii IV--yndics. pourf:<irv:ili~ir
lvurs drc~its.ni:!i>oti'un~ rellc rt't~I:,tiirrI>vt,du ro111~1 t18.in:iiid:~t,
de louage de servi& ou autre de signification analogue et doit, comme les PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 281

réclamations d'Ebro, fairel'objet d'une action déclaratoirequi ne trouve
pas sa place dans la procédurede faillite.
Il y a là une confusion certaine. A quel titre M.Menschaert et ses col-
lhgues auraient-ils pu s'en prendre au séquestre provisoire pour une
révocation qui avait étéprononcée par le commissaire? Le séquestre
provisoire ne représentait mêmeplus la sociétéEbro depuis qu'il avait
&téremplacé par de nouveaux administrateurs qu'il avait lui-même
désignés.
Ce n'&taitdu restc pas pour unc faute sontractuclle qu'il avait et;' iiiis
fiiiau contrit1 d'rrnploi dii directçiir d Ebro, mais pour un prc'teiidu
trouble causé3.1'exr:cutiondc l'ordre de siijie.
Liic dernicre observation sauteaux yeux. Si le motif retenu par le juge
de Reus daiis soli jugcnit.iit du20 iiiars avait étéfond;, il fallait non pas
ajourner I'examcii du recours de >leiisslia~rt et consorts. iii:iis il fallait
le rejeter conime non rccc\,ablc. En quoi, en effet, In qu~:stionde cette
rccei~abilit; irair-elle liie 13 decision finale qui intcri~ir~idraitquant à
11rrcçvabilit2 du recourj iiitroduit par lcssosi&tésauxiliaires, sic'c'taient
les juges du travail qui dwaient étreconsidkr6scomme cump;tents pour
apprécier cette rupture du contrat de louage de service. soit p:ir I'eiii-
plové.soit par l'emplovew.
I:e deuxifme niotif i;ivoquédans le jugenieiit du 20 rn:irs ri'avait y5re
plus de v:iletir, c'i:tait celui de la tardivttb du recours. 1.ciu~ccoristatait
pour la prrmi;.rç fois, (Icpuij uii riioiç,que plus de cinq jours ouvrables
s'étaiciitl'coiilésentre la révocationet le nioment où ilavait étésaisi du
recoiirs et il passait sous îil<:nce,ce qui pourtsrit résult:iitclaircriiriit des
picceset que~lui-mémc avait paru trouvc:rsatisfaijant jusqu'h CC momcnt.
que le rccuur, aval1 ;tGintroduit clansledehi devant le luge de Barcelone
chara; de I'es~cution du iufi.ciiieritde f~illite, cri prCsc'ncediiaucl la
révocation avait étéprononcke, et que ce juge avaif lui-même renvoyé
ce recours au juge de Reus ainsi que le requérant Menschaert le lui avait
demandé à titre subsidiaire.
Sans doute le arouue March et avec lui le iu~e de Reus sentirent-ils
qu'une décision~ussi'faiblement motivée ferah'i'objet d'un appel dont
l'issue était douteuse. C'est probablement pour cela que le ju~e maintint
sa décisionantérieure aiournant l'examen du recours
Il sembla toutefois à Ln moment quecet ajournement serait de courte
duréecar, le 23 mars, le nouvel avoué d'Ebro et des autres sociétésauxi-
liaires. constitué Dar le nouveau conseil d'administration dans les cir-
constances que nous avons viles, se d2sistn <letous les recours qu'il a\,ait
iriterjetés pour Ebro rt les autres socit'tés~uxiliaires. Uii coup. I:ivoie
semblait libre pour que soit esamin6 le rccoiirs <lehlenscliaert. puisque
lejuge n'étaitplu, s;iisi<1çla qiimtion de Inrect\.abilitédu recoursd'Ebro,
étant doiinéle dt!,,istrriizrit conskcutil1:isiibstitution des ;i\,oul's.
Mais les requérants étaient bien décidés à éviter cet examen. Aussi,
dèsle 24 mars, soulev&rent-ilsun incident de nullitéd'actes de procédure
que le juge de Reus reçut par une ordonnance du 29 mars 1948 (AM.,
vol. II, no 122, p. 436) en décrétant quel'incident sus endait à nouveau
l'examen du recours Menschaert, après quoi la proc&ure de l'incident
fut elle-mêmedéclaréesuspendue par u?e nouvelle ordonnance du juge
spécialdu g avril 1948 à raison du déclinatoire de Boter, en sorte que
l'incident de nullité ne fut tranché que quinze ans plus tard, par juge-
ment du 12 juin 1963, et la demande de M.Menschaert par jugement du
13 août 1963 (A.C.M.,vol. IX, no 201, p. 290 et suiv.).282 BARCELONA TRACTION

C'est dans la duplique (A.D. v,l. III, no 118,p. 149) que nous avons
trouvéle rappel de ces péripéties additionnelles.Nous ne pouvons y voir
que de nouvelles manifestations du zèleque mit le juge de Reus à suivre
les re~résentants du -.ouDeMarch dans le labvrinthe deleurs urocédures.
Que rcyoiid à as i.riti<lurî12C;uii\.trneinent esp:igiiol?
'u~t I'al~orl que 1. \leii:cliacrt de\,ait s'cn yrendr:ison cmplojeur
I<Lr\,,rc.i~oiisahl<.polir Yirilstiori(le so ubli~ntioii5~oiitr<ictucll~s.donc
pius,sembie-t-ii, a; séquestreprovisoire. N&s venons de voir que c'est
là un contresens certain, puisque, comme nous l'avons constaté dans la
réplique (V,p. 77) la sociétéEbro «n'était en rien responsable de l'acte
d'autorité qui était venu mettre fin au contrat d'emploi la liant à son
personnel ».
Cela est si évident que nos adversaires n'ont pas pu nous contredire,
mais ilsn'ont pas voulu non plus confesser leur erreur et, avecune timi-
ditéqui n'est pas habituelle, ils nous ont répondudans la duplique (A.D.,
vol. III,no 118, p. 148) que ccela n'était pascertain uqu'Ebro ne pût pas
êtrerendue responsable par Menschaert de l'acte d'autorité du commis-
saire. Et ils ont fait valoirà ce sujet que la décisionde révocation du
commissaire avait étéconfirméepar les nouveaux administrateurs d'Ebro
le jour mêmede leur nomination, c'est-à-dire le 16 mars.
Il est vrai, Messieurs, que cette confirmation a eu lieu, mais peut-on
imaginer une pire confusion de genres! Voilà un conseil d'administration
d'une sociétéprivée qui se méle d'apprécier le bien-fondé d'un acte
d'imperium accompli par le délégué d'un magistrat dans l'accomplisse-
ment de sesfonctions, et tout cela alors que la loiprévoittrèsdirectement
le recours des tiers intéresséscontre les ordonnances du commissaire
devant le juge de la faillite.
Et oouitant c'est ce mêmemotif qui. faute de mieux. fut retenu Dar

t;in
Cr.jugeiii<:if;iir lit \,r:~ii,g;,lrmicntuiic ni<iitiun Iri..oiiiiuninie
hoiiti.ii;c <lI:iprétcnd~ir t;trdivetC 1 dii rïmur;, .;?ilqii'un snilii s'il
prend àson compte les dires du juge deReussur cepoint, ou s'ila procédé
à un calcul des jours écoulés entrele 21 et le 27février 1948qui l'a amené
à conclure que le délai légalavait étédépassé.
Mais le juge s'étendbien davantage sur le motif d'incompétence.
Il commence par faire mention de l'article 1363 de la loi de procédure
civile et reconnaît sans ambages (A.C.M.,vol. IX, p. 290)
«que dans les hypothèses envisagées un tiers quelconque person-
nellement affecté par les décisions du commissaire peut former
réclamation contre elles par-devant le juge qui connaîtra de la
faillitr.

Il reprend ensuite l'argument du juge de Reus et constate que le
recours «en définitive affectedes rapports du travail » et il se laisse en-
traîner à en déduirece corollaire que

ice sont les magistratures du travail qui sont compétentes, ou la
juridiction ordinaire en matière civile pour ce qui est des hautes
fonctions directives non comprises dans la législationdu travail, et
ceci vis-à-vis des sociétésrespectives dans lesquelles ils [occupent]
les fonctions n. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 283

Aimi, noii seultment le jugement <le 19b3 se heurte i I'objectioii qiiï
iiicririilit6ila pt?rsonnalitCdii déft-ridviir.riilverse dans une contra-oii
diction flagrante lorsque, d'une part, il reconnaît le droit de recounr
contre les actes du commissaire auprès du juge qui connaît de la faillite
et que, d'autre part, il dénie compétence à celui-ci. Et comment n'a-t-il
pas vu l'impossibilitépour M. Rlenschaert de s'adresser à une juridiction
du travail Dourla réformationd'une décisiond'un commissaire de faillite.
dont l'appréciation est expressément réservéepar la loi au juge de 1;
faillite, et dont l'autorité s'imposà toute autre juridiction comme aux
administrateurs de la sociététant que la décisionde révocation n'a pas
étéréforméepar le juge de la faillite?
J'ai cru devoir m'attarder quelque peu sur ce jugement de rg63 bien
qu'il soit postérieur au dépôtde la requêteet que la Cour n'ait donc pas
à en connaître, parce que la Cour aurait pu êtretentée d'y chercher s'il
ne s'y trouvait pas quelque argumentation différente de celle du juge
de Reus et qui, mieux que celui-ci ne l'avait fait, aurait fourni la justifi-
cation de ses décisions.
Nous avons vu aufil n'en est rien et aue le refus d'audience o~~osé
avec obstination à'~. Menschaert et à &s collèguess'inscrit les
dénisde justice les plus flagrants que nous ayons pu relever dans cette
affaire. .

L'audience, suspendueIi 16 h 25, est reprisà 16 h 50

J'en arriveà l'application qui fut faite du deuxième moyen de blocage:
la contestationinduedequalité à la sociétéNational Trust.

C. BlocagedurecoursdelaNational Trust

La National Trust est, la Cours'en souviendra, cette sociétécanadienne
qui, lors de l'émissiondes emprunts Prior Lien et First Mortgage de
Barcelona Traction, avait étédésignéecomme trustee. Le mémoire
belge a indiqué(M., 1,no33, p. 20) que sur la base des contrats qui avaient
accompagnéles emDrunts. le trusteeavait «la chargede veiller à la remise
des obiigations aux'so~scri~teurs, au service de l'intérêtt de I'ainortisse-
ment, à l'administration des gages ou sùretésn qui lui avaient étéconfiés
iietà leur réalisation en casde défautde ~aiemënt ». Ces rages comme-
naient notamment un privilège sur la Plus grande des thes
constituant le portefeuille de Rarcelona Traction.
Or le juge de Reusn'a pas eu égardàcettesituation. Il a sans discrimi-
nation ordonné lasaisie des biens des sociétésauxiliaires dont les actions
soire la possession médiate et civilissime de ces titres, et pour qu'il n'y
ait aucun doutesur ceméprisdes droitsde la National Trust, il a, dans un
jugement postérieur de six semaines au jugement de faillite, le 27 mars
1948,expressémentprécisépar voie interprétative

.que la saisie (ocrrpacidn) avec possession médiate et civilissime
(con $osesibn ?nediatay civilisima) à laquelle on a procédéou A
laquelle on procéderaen cequi concerneles actions, ohligations. bons
ou valeurs qui seraient aux mains de la Barcelona Traction, Light
and Power C.L. est considérée commeayant étéfaite, meme si ces
valeurs Etaient déposées à la National Trust ... ou auprlis de tout284 BARCELONA TRACTION
autre établissement pour répondre du paiement des dettes du
failli(A.M..vol. II, no62,p. 299).

Il est clair que la ~ational Trust n'avait pas le droit de demeurer
indifférenteà pareille situation duà l'initiative de quelques obligataires
aeissant ~owcom~te du mouDe March. et lorsau'ui comitéconstitué à
1'~niti:itide Jii.i;3lar~L une asmnblcc d ut,lig:irnireI'riorLtr>l
tut con1p;iruà son tourQ Inpruchlure clcI.iillitcct eut iiiai~if<ans soi1
écrit une vive hostilité à i'-gard de la National Trust. celle-ci estima
ni.cr>snircdc iic pas demctircr absente dcccqui se p.iiziit en 1-ip~gi,.t
cllt dcmînda l'accord du tribun~l c:iiiatlieii pour compnraitrc tlv\.snt Ic
juge spécialsiégeant à Reus.
Le tribunal #Ontdo, dans un jugement du 26 novembre 1948, lui
accorda cette autorisation et un avoué fit acte de comparution au nom
de National Trust devant le juge spécial dans la procédure de faillite,
le 27 novembre 1948.
Dans son écrit de comparution, National Trust déclarait décliner la
juridiction destribunaux espagnols et demandait de ce chef lajonction de
son déclinatoire avec celui de Boter. Il y avait une différence toutefois
entrela position prise par elle et la position prise par Boter. La National
Trust considérait'que la compétenceappartenait au tribunal d'Ontario,
tandis que Boter avait défendu celle du tribunal de Londres (A.M.,
vol. III, no 140.p. 517).
Le premier juge spécial repoussa cette comparution pour défaut de
qualité par une ordonnance rendue, avec un sérieuxretard et qui paraît
marquer une certaine hésitation, le 4 février1949(A.M.,vol. III, no 141.
p. 536).La National Trust demanda la reconsidération de cette ordon-
nance (A.M..vol. III, no142.p. 537).Et cette demande de reconsidération
fut combattue à la fois par les requérantàla faillite et par le comitédes
obligataires Prior Lien. mais avant que le juge spécialait statué à ce
sujet, il rendit le12 février 1949un jugement rejetant le déclinatoire
Boter. Le 25 mars, il admit l'appel de Boter, après quoi il constata par
une ordonnance du mêmejourqu'il nlétaitplus en mesure de seprononcer
surla demande de reconsidération de National Trust (M.,1,no 163,p. 76)
puisque l'appel du déclinatoire de Boter avait à nouveau provoqué la
suspension de la procédure,si bien qu'il fallut attendre jusqu'au 15 mai
1963,date du rejet du déclinatoireBoter parla cour d'appel de Barcelone,
pour que le juge spécialen fonctionàl'époquefût en mesure de statuer sur
la demande de reconsidération de la National Trust, ce qu'il fit endatedu
8juL'ordonnance du 4 février 1949 qui avait refusé l'admission de la
National Trust eut donc pratiquement pour effet un blocage total du
recours de National Trust depuis 1948jusqu'en 1963.
Cela équivalaitsans aucun doute àun dénide justice au sens étroitdu
mot. En effet, la National Trust avait été'atteinte par le jugement du
27 mars 1948interprétant celui du 12 févrieret on lui refusait le droit de
se défendre.
Le droit espagnol, comme nous l'avons vu, lui permettait d'intervenir
dans cette procédure à titre de tiers préjudiciépour faire rétracter la
décisionqui lui portait préjudice. En lui refusant l'acc6s du prétoire, le
juge spécialavait donc à lafois commis une violation grossière du droit
espagnol et enfreint le droit international par un dénide justice au sens
étroit du mot. PLAIDOIRIE DE II. ROLlN 285

Sur quel motif s'était basé le premier juge spécial pour refuser de
recevoir la National Trust comme partie à la procédure?
Sa premièreordonnance du 4 février 1949n'indiquait pas de motif et se
bornait à déclarer que l'entité représentée«n'avait pas qualité pour
comparaître dans les procédures 1).
Suivant le jugement rendu le 8 juin 1963(il n'y en a pas d'autres dans
l'intervalle), dont nous avons lu desextraits tantôt lors de l'examen des
recours de l'Ebro, le refus d'admettre la National Trust se justifierait par
le fait que ladite sociétéprétendait reprisenter les obligataires sans
justifier d'aucun intérêtpersonnel alors aue, suivant la urocédure
;~~;i~nol~. Its int;.r;t,(11:\r$:iiiriersIIT pru;.eiit (.tridrfviidii- <lu<par
les crlaii:ii.r'. cul-riiimuii p3r Ici iiig.<wb <II1;~faillirc.
Or 1,.nibtii iii\.uaiii ni..ii(iii.iii..ijctii fiil.:\iii;iuiiv I:i S;ition;,l
Trust l'avait expliqÛédans ;a demande d'êtreadmise à fa procédure du
27novembre 1948(A.M.,vol. III, n" 140,p. 517)les contrats de trustne se
bornaient pas à lui confier la représentation des,créanciers, ils lui confé-
raient aussi des droitspropres, et elle se présentait à la procédure
«non seulement en représentation de droits et intérêtsd'autres
personnes qu'elle est tenue de défendre et desquels elle est titulaire
en vertu des contrats d'émissiondes obligations qui sont joints à cet
écrit avec leur traduction officielle,mais aussi en représentation de
[ses] droits propres dont elle est titulaire exclusive et directe, selon
ce qui résulte desdits contrats »(ibid. J.

Ces droits propres étaient notamment ceux relatifs aux actions des
sociétésauxiliaires sur lesquels elleavait un gage en sûretédes obligations
Prior Lien.
Elle iustifiait donc bien de cet intérêt~ersonnel et direct aue le iu~e . -
splci;,l11, 1:563 r;ririin~tii;:~ecinir~vt sutni,iiit pour iiutorisrr iineinrçr-
vciirii,ii(Ic riri; iiiir pruc6dur~ ~tifiiîgccviitr~ ~l'initrenpijitic'~,
int;r;t Jircct i trli~riiicrA , A.icii~.iid~,It ,"c~di. ir,1-(denia iS.,tion<il
Trust, àtort manifestement.
Le Gouvernement espagnol expose dans le contre-mémoireque ce refus
d'admettre la National Trust se justifiait parce que l'institution du
lrustee n'est pas connue du droit espagnol et ne peut pas être reconnue
par,ses tribunaux, en sorte que le juge spécialavait eu raison de ne pas
tenir compte de l'acte de trust qui institiiait la National Trust gardienne
des intérêtsdes créanciers.
Nous avons montré dans la réplicliie(V.no 494) qu'il n'en est rien,
mais la Cour pourra se dispenser de prendre position sur cette question
dont je reconnais la complexité, car ce <luisaute aux yeux, c'est que le
refus oppose à la A'ational Trust contraste de fa~oninadmissible avec la
décisionfavorable que venait deprendre le mêmejuge spéciald'admettre
comme partie à la procédure le comitéd'obligataires Prior Lien élu à
Londres le 8 avril 1948sur proposition du groupe de Juan March et dont
vous a parlé le professeur Mann.
La demande d'admission du comitédatait du II aoùt 1948 (A.C.M.,
vol. VIII, no 123, p. 176).
L'ordonnance d'admission fut rendue le 20 septembre 1948 (ibid.,
no 124,p. 189).
Ily eut une demande de reconsidération par Barcelona Traction qui
fut combattue non seulement par le comité mais aussi, on n'en sera pas
surpris, par les promoteursde la faillite, et le IO décembre r948fut rendu286 BARCELONA TRACTION
le jugement confirmant l'ordonnance (A.D., vol. III, no 131, p. 200).
J'attire l'attention de la Cour sur ces dates. car il en résulte que la
question de la comparution du comité des obligataires Prior Lien n'avait
pas ététranchéedéfinitivement par le juge spéciallorsqu'il fut saisi de la
demande de la National Trust. Le juge avait donc toute possibilitéde
comparer la situation des uns et des autres et de rendre des décisions
concordantes.
La Cour constatera d'autre part que c'est le mêmeTrust Deedde 1915
relatifà l'émissiondes obligations Prior Lien qui s'est trouvé joint en
copie B l'une et l'autre requéte, la requête dela National Tmst et celle du
comitb des obligataires. Ledit Trust Deed ne se bornait pas, en effet, à
instituer la National Trust comme trustee; il prévoyait. à côtéde l'insti-
tution du trustee, des assemblées d'obligataires, la faculté pour elles
d'instituer un comité et il définissait les pouvoirs de ce comité et du
trustee. Le juge spécial, en tenant compte, lorsqu'il s'agissait du comité
des obligataires, des mentions du Trust Deed, et en refusant d'en tenir
compte lorsqu'il s'agissait de la National Trust, a certainement fait
preuve de discrimination.
Je sais bien qu'à en croire le contre-mémoire, lorsque le juge spécial
statua sur la demande d'admission à la procéduredu comitédes obliga-
taires, il

«ne reconnut aucune valeur àla convention ou pacte de l'assemblée
dc Loiiiirvs. piiiaqu'il n'a~ci~rdapris au coniiié la rcprc'sent;ttioii
qu'il pr>tendnit asjiirer d(.tous Icj obl~gat:~ircsPrior Lir~iln'sttri-
bii;i :iuctine irnport;iiice juridique ;lu. alltigations du ci,iiiitd et ii'eii
donna mêmepas acte et il admit le comitk comme partie au procès
pour autant que ses membres étaient créanciers, et ce A seule fin
qu'ils puissent faire valoir les droitsque la loi accorde aux créanciers
(C.M.,IV,p. 366-367).
Si cela était vrai, toute possibilité de contradiction avec l'attitude
adoptée par le juge spécial à l'égardde la National Trust s'évanouirait.
Le comiténe serait en effet qu'un groupe de créanciersbien déterminés,
reconnus comme tels par lejuge, ayant qualitépour agir individuellement.
Pourquoi leur refuser le droit de s'être présentés collectivementdu
moment que leur qualité individuelle ne faisait aucun doute?

Mais cette explication n'a aucun rapport avec le texte de l'ordonnance
relatifs l'un etl'autre au comité.i, confirmatif, du IO décembre 1948,

1.e00 wptemhrï I<)sS. It,preiiiicr jiige .:l~ci.,l iloniio aLtc h I'a\.ou>
Piijul LI?sa conipnrutioii commr3jgijj.Int nii iiom et cii repr6sciitnrion dit
t.omitL: cles obli~atair~s Cwrr~lid~l<~P drior I.IPJ! HOIJ(/Sdt. la sociét;
procédure, envertu du mandat authentique qu'il invoque, aux finsque la

loi concède aux créanciers. Et le IO décembre 1948. le premier juge
par Barcelona Traction, se base sur l'attestation donnée par le consule

M.néLb~ez Oliviii. sienataire de la ~rocuration donnéeà l'avoué.cornDa-ede
. "
raissaft avec Ics pouvoirs quc lui a'sonf~rc'iIccomité Slii;i1.oii~Ire.i
vol: III, no13, p. zooj.taires lor, ilc toute procédure iiidicinirei.1.4 I)..

La réalit6 est donc bien à l'opposéde ce qui est dit dans le contre- PLAIDOlRlEDE M. ROLIN 287

mémoire. C'estbien non comme créancier - il n'est Dastrace au dossier
dc ln part dc hl. 01iv3n d'une prodiiction d20bligatio~sou d'un ~.ertificat
dc d;l>i>ten banque attestantsi ~ii;ilit&d'ubli~atair:;inswn cliefet dani
comité d'obligataires, désignépar celui-ci et représentant celui-ci, qu'il a
étéadmis àlaprocédure.
11n'est pas exact non plus, comme il est affirmédans la duplique, que
les noms des obligataires qui, à l'assemblée,avaient pris la décisionde
confier leur représentation au comitéprésidépar M. Lopez Olivan, aient
ététranscrits dans les pouvoirs que le comité lui donna et qui furent
déposésavec l'acte de comparution, de sorte que l'avoué nommépar
M. Lopez Olivan aurait pu êtreconsidéré commereprésentant lesdits
obligataires.
~Yant fait examiner les diverses annexes jointes à la requête du
comité des obligataires, nous sommes en droit d'affirmer que seuls les
nombres de voix qui se sont prononcéesen faveur de l'institution d'un
comité et des pouvoirs à lui conférésse trouvent indiqués dans cette
annexe. Nous nous demandons même sice n'est pas par une faute
d'impression que l'on voit dans la duplique que les noms auraient été
indiqués.
Nous avons découvertdu reste le texte des pouvoirs conférés à M. LO-
pez Olivin dans les documents relatifs au procèsintenté à Londres par la
Sidro au comité d'obligataires Prior Lien. Il est libellé commesuit:

«que, comme fondé de pouvoirs il donne procuration aux avocats
près des tribunaux en Espagne qui seront nommés ci-après afin
qu'ils puissent faireacte de comparution au nom de tous les obliga-
taires de Barcelona Traction du type c Bonds Consolidated 6,5% 1,
dans la procédure de faillite ordonnée par le tribunal de première
instance de Reus, Espagne, au sujet de ladite sociétéu(Blue Book,
vol. III, p. 6).

Il y aurait donc un mandat sans mandant. Cette absence de désignation
nominative des mandants était d'autant plus grave que le comité des
obligataires, contrairement à la National Trust, ne s'étaitpas constitué
sous forme de sociétéet n'avait donc pas de personnalité juridique. Ce
qui fait qu'il ne pouvait comparaître que pour autant que tous ses
membres individuellement aient qualitépour comparaitre, ce que le juge
n'était pas en mesure de vérifier.
Jv .:lis bie<III<lat111pliq~1:~[:,ppoi:,ctt .îrguriiciit qiic, iiii\.:int iiii,:
iuridirritiii ivr;,i clirepost<:ri(trplujicuri ;iiiiiéa:13 dCcisioiiaJujuge:
ykcinl, lc Trihiiii:il siiprCnic(1Espagnr n\.nit reconnu 13 qii;ilitC ~>i,iir
&ter en justice à des-groupemenis occasionnels ou sans personnalité
juridique (D., VII, p. 519, note 3). La chose est exacte, mais le Tribunal
supréme est loin d'avoir érigécette tolérance en règle générale. Si l'on
examine lesdeux arrêtsinvoqués, onconstate que l'un des deux, celui du
5 avril 1956, admettait la validité de la constitution d'un avoué unique
pour représenterun groupe de grossistes eu denréescoloniales quiavaient
tous signé le pouvoirdonné à l'avoué:ilest clair que, dans cesconditions,
l'entité du groupe était superflue et s'identifiait en réalité avec les
membres dont chacun avait signéle pouvoir donné à l'avoué.Dans le
deuxikme arrêtcité,il s'agit d'un arrêt du 8 février 1960, il s'agissait
également d'un groupement de grossistes, cette fois en pommes de terre,288 BARCELONA TRACTION
et qui était en défautde payer son dû. Cette fois encore on relhe, parmi
les considérants de l'arrêt invoqué, que toutes les parties à la cause
étaient membres du groupement dont la qualitéétaitcontestée. Detelles
situations sont évidemment sans rapport aucun avec celle où se trouvait
le comité des obligataires Prior Lien, car si les noms des membres du
comitéétaient mentionnés dans le pouvoir produit par M.Lopez Olivin,
les noms des obligataires mandants du comiténe l'étaieiitpas, et même
pas le nom des obligataires ayant pris part à l'assemblée générale du
14 avril, qui avaient élule comitéet en avaient défini lesattributions.
Et, d'autre part, aucune des piècesprésentéesau juge spécial nefaisait
état de la qualité d'obligataires des membres du comitéet encore moins
ne l'établissait.
Mais il y a pire! A supposer que le juge spécialpût sans se contredire
admettre la validité des pouvoirs conférésau comitéconstitué par l'as-
semblée générald eu 8 avril 1948par application du contrat de trustdont
il refusait de tenir compte en faveur de National Trust, encore ce mandat
ne pouvait-il êtrereconnu comme suffisantque dans la mesure où son
cx&cice ne dCpnisnit pas leslimites. Or. tcl'ne fut113s1' cas er, i &t
zgarcl. roicc nous esdc rclç\.t:ryiiI;~itbtiun du rexre dc 1.cl~iiseI<dc
la rcsolution duS avril dans 1';icrçde coriiuamtion du coniitc:coiitcn;iir un
véritable faux en ce sens qu'il omettait&s mots essentiels que le comité
était constitué csans préjudice des droits existants du trusteen (A.C.M.,
vol. VIII, no123, p. 176).Cesmots figuraient cependant dans le document
annexé à l'attestation du consul générald'Espagne qui se trouve repro-
duit dans les annexes au contre-mémoire. Le juge spécial aurait donc
pu s'apercevoir de la supercherie et, si la chose lui avait échappé,Barce-
lonaTraction, dans sademande en reconsidération du 20septembre 1948,
a expressément visé la limitation qui accompagnait les pouvoirs du
comité des obligataires Prior Lien. Le juge l'a donc certainement connue
et, dèslors, comment a-t-il puà la fois reconnaître la qualitédu coiiiitéet
méconnaître la qualité de National Trust? Vraiment, je ne crois pas que
la Cour me démentira lorsque j'émets l'avis que noiis nous trouvons là
devant un cas de discrimination flagrante.
Bien entendu nos adversaires ont recours à des diversions et j'en
relève trois.
Il parait tout d'abord que nous serions mal venus de nous plaindre de
l'admission à la procédure du comité des obligataires puisque National
Trust n'avait pas fait d'objectioà la constitution de cecomitéPrior Lien
(D., VII, p. 517). Cela résulte en effetdt:certaines déclarations faitesà
l'assembléede constitution par les représentants de National Trust, qui
setrouvent reproduitesaucontre-mémoire (A.C.M.,vol. II, na115,doc. g,
p. 516). Mais il résulte aussi d'autres déclarations faites à la même
réunionet qui se trouvent reproduites dans le BlueBook (vol.III, p. 7-10)
que la condition de ce consentement fut le respect des droits existants du
trusteeainsi quel'indiquent expressémentlesderniers mots dela résolution
proposée. C'est un fait également que le commentaire donné à cette
réserve ne rencontra aucune opposition de lapart des représentants de la
sociétéHelvetia qui avaient proposéla résolution. On ne peut après cela
qu'êtresurpris de constater que lorsque la National Trust fit acte de
comparution à la procédure de faillite, sa demande de reconsidération
del'ordonnance quilui avait refusél'admission s'estheurtée à l'opposition
d'Helvetia etdu comité. PLAIDOIRIE DE M. ROLlN
La duplique insiste aussi sur le fait que

utoute la question du Comitédes obligataires ne présente aucune
importance dans le cadre du litige pendant devant la Cour. notam-
ment en raison du fait qu'aucune décisionimportante n'a étéprise
dansla faillità la requêteou avec l'intervention dudit Comité u(D..
VII,n0473. P. 521).

Si la chose était vraie. cela n'effacerait certes Das la discrimination
causée,mais on pourrait soutenir qu'elle ne nous a pas causé préjudice.
Mais la chose est inexacte.
En effet le comité Prior Lien non seulement combattit. comme &vient
d'êtredit, l'admission à la procédure de la National Trnst, et ce en
violation des déclarationsfaitespar ses parrains àI'assembléedes obliga-
taires du 8avril 1948,mais lecomitéintervint aussi devant la courd'appel
de Barcelone (A.M.,vol. III, no 149. p. 573)et contribua à faire prendre
l'inadmissible arrêtdu 7 juin 1949 par lequel la cour d'appel décidade
disjoindre de lapremiere section de la procédure,qui était suspendue, la
convocation de l'assemblée en vue de l'élection des syndics, mesure
préparatoire à la ventedes biens saisis.
Troisièmediversion: le Gouvernement es~aenol allèeueencore (D..VII,
p. 515) que la comparution de National 'fruit qui s'&compag&iitd'&
déclinatoire de iuridiction n'avait pas réellement pour but de dénier la
;ne nouvelle suspension de ~a'~~océdurdee fai~lite'lors~uel'effe;suspensif
du déclinatoire Boter aurait pris fin. Il prétend trouver une preuve de
pareille intention dans le souci marqu'e par les représentants de la
National Trust d'obtenir l'autorisation du tribunal de Toronto avant
l'expiration du délaiextraordinaire de preuve de huit mois que Boter
avait obtenu. Et on s'appuie aussi sur le fait que la National Trustaurait,
peu de temps après la présentation de son déclinatoire de juridiction,
expressément reconnu la juridiction des tribunaux espagnols dans son
action du 17 novembre 1050.
Tout cela, ~essieurs,'~elève de la pure imagination et je m'excuse
aupres de la Cour de la nécessitéoù ie me trouve de réfutercette accumu-
lat'ionde mauvaises excuses.
Constatons tout d'abord qu'il résulte de l'acte mêmede comparntion
du 27 novembre 1948 que National Trust songeait si peu A ajouter une
suspension Bcellecauséepar ledéclinatoireBoter - lorsque l'effetsuspen-
sif dece,déclinatoire aurait pris fin- qii'elle demandait la jonction de
son déclinatoire au déclinatoire Boter et s'at,itenait de postuler aucun
délaiextraordinaire de preuve.
Quvt :la rccoiii~;lisinnpar Sntional l'ri~stcl1iyji~di:la juridiction
des tribunaux esp.ignols qu ellc contestait en 1946, le Gnu\~erncment
ei.al"iiol ~arlcdr drus attitiidrs ai2:,ntdesubiets tout rifait diff6rents.
il s'ag'issait, en 1948. de la juridiction'nécessaire aux tribunaux
espagnols pour prononcer la faillite de la sociétéBarcelona Traction.
C'estelle que la National Trnst contestait.
En 1949il s'agit de l'action introduite par National Trust en tant que
l'annulation desitfaux titres émis en Esnaene. C'est évidemment auxr
tribunaux espagnols qu'elle s'est adressge rt l'observation tombe donc
manifestement à faux: il n'y avait aucune comparaison possible entre la 290 BARCELONA TRACTION

juridiction des tribunaux espagnols pour statuer sur la faillite et la
juridiction des tribunaux espagnols pour statuer sur une demande
d'annulation des fauxtitres créés eu Espagne.
Quant Al'usage qui est fait des déclarations de certains représentants
de National Trustdevant le tribunal canadienpour démontrer le prétendu
but dilatoire,il appelle d'évidentesrectifications.
Ainsi la dupliquesoutient que les déclarationsde M.McKelcan, conseil
, de National Trust. doivent êtrerauurochéesd'un affidavit de M.Duncan.
administrateur de'Barcelona ~ract'ion (D., VII, p. 515).Dans ce dernie;
affidavit on trouve l'indication qu'en droit esoar~nolune contestation de
comoétence entraîne de c le idroit la sus~én$on de la Drocédurede ~ ~
i:iiIlit~Et l:+ ~iiipli~~u~ r,,!pI~rc,cli:(Ir a~tic~av~lta d~c1:11:1ii~(~11,:1
11. 1l~Kclc:t1i, ,ouli;~ic (11II jlgn;,laii 1avis du <(,IISIlv.~p:xgi.o1I1rt11:,1i-
~lylit[IurI;iY,ifiu~i.iI'1ruit i~~i~i\irn~iavant I'espirarion JL l:,~ui~<~isiuii
r6~ult;~i.tdu d;cliii<iri~irt:13uttr. 1.a (lul~liqur:prrrtnd cn ilidiiirc qiir
I'iiitcr~~iitioicl<.:.N~ti(.iial'l'nisciitpuLrolilcr d'ol~r~.iiiurnv rrlil'tiriiin
de <.cttfirt ~lil;ituirzsigii;il; p:,rhl. I)unc:,n. L''est18un,. constiti<tioii
I I I ~ :rt~iI, r 1 Ilai~. et II I I I ~ r, ille
iiir fiiirà Oiitario lois dc l'tcs~riicn<Ic 13iiquctr par Inqurllc .\atiuii:,l
'l'ru,[ \uiiItiqe kir? ~uturis~ r A itir~r\~~~tIII ESVL u . t..iidi~oii,:I';IKI-
davit est de dix mois postérieur: il est daté du 29 septembre 1~5 et fut
produit dans le procès intenté à Barcelona Traction par Westminster
Bank en vue de se faire remettre les obligations First Mortgageconstitu-
tives desa garantie.
Les propos de M.McKelcan, que cite la duplique, ne peuvent. d'autre
part, étreinterprétéscommerévélateursd'uneintention dilatoire puisque,
au cours du mêmeinterrogatoire, lemême témoinavait dénoncéau tribu-
nal la connivence manifeste existant entre les promoteurs de la faillite et
Boter et le but dilatoire du déclinatoireoue celui-ci avait introduit (Blue
Book,vol. III, p. 15et 16). ~\
Le souci de voir l'intervention se uroduire avant l'exoiration du délai
extraordinaire de preuve de huit mois accordé à ~oier ne peut être
motivé dès lors que par un désir inverse de celui qu'on attribue à la
National Trust, à savoir celui de oouvoir oarticioer utilement à i'admi-
nistration de Dreuves oue Boter aiait demindéessans avoir A demander
~ ~ ~ ~
de délaiquelconque et d'avoir ainsi lapossibilitédemettre fin à la comédie
iudiciaireen cours. C'est oour cela. q.e National Trust demandait à être
jointe »au déclinatoire ôter.
Je ne comprends pas davantage que la duplique croie pouvoir tirer
argument de la conclusion attribuée A M. McKelcan qu'«il convient ...
d'arrêter cette procédure » (D., VII, p. 515, note 3). Cette déclaration
n'émane pas de M. McKelcan mais de hl. Graydon (Blue Book,vol. III,
p. 26-27), avocat canadien de Barcelona Traction, et elle témoigne en
effet du désir,non pas de prolonger, mais de mettre d'urgence un terme
à la procédure de faillite, ce qui ne pouvait pas être obtenu par une
suspension. M.Graydon explique du reste dans le passage citéles raisons
decetteurgence; il craint que la procédureneconduiseàlavente desbiens
des sociétésauxiliaires que le séquestreprovisoire a saisis conformément
au jugement; une telle vente - dit-il- réduirait les actions desdites
sociétés à la valeur de déchetsde papier (waste O/paper). Il est clair que
pour empêcherce désastre une prolongation de la suspension aurait étk
sansla moindre utilité; ilfallait au contraire couper court à la procédure,
'et c'est pourquoi la National Trust introduisit, en mêmetemps que sa PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 291

comparution, un déclinatoire de juridiction ou, du moins, annonça
l'intention de l'introduire.
Enfin, je suis stupéfait que nos adversaires aient cm pouvoir mettre la
prétendue politiquedilatoire - que contre toute vraisemblance legroupe
de la Barcelona Traction et la National Trust auraient poursuivi - en
liaison avec l'action diplomatique belge menée depuis 1948 et pour
laauelle. suivant eux. il était soi-disant essentiel aue subsistela situation
pr&édu;ale résultant de la suspension causéepar le déclinatoire Boter.
11suffit de relire les notes belges adresséesau Gouvernement espagnol
pour se rendre compte que, loin de favoriserla suspension, le gouveme-
ment la dénonçait tout spécialement commeun des signes alarmants de
la situation.
Voici comment il s'exprimait dans sa note du 22 juillet 1949:
«Cette désignation d'un juge spécialavait fait naître l'espérance
quele litige recevrait une solution rapide et équitable.
Cet espoir fut complètement déçu.

Le juge spécial est en fonction depuis plus de quinze mois et
pourtant rien n'a ét6fait pour redresser la situation où la Barcelona
a étémise.
Une demande de nullité de la procédure fut introduite par elle.
D'une manière plus géiiérale,des recours furent introduits par la
Barcelona, les sociétésde son groupe et certains de leursdirigeants.
cuiitit, toiilci Icsiiicsures illegitiiiic, prises coiitre<:II1;spiignc-
iiut:,iiiiiit.ntcontr13SLLIS~d~sticiis des filiiilde 1i1t+irceloii:i.diniit
I;ip,.ri~,iiiinlitkluridiqtic.est coinplctcm~iit di-tiiiilr.
Tous ces recours ont étéet-restent ~aralvsés par un artifice
dil:irtgiri de prncCdure ioulc\.C p;tr un o't~li~;~'t;iirr~'cî~~:i~~lii
sculrriit~iitIn L<nrcelonaTraction ct s~sfilialt-sii'ont p:is cncorc ct;
;i,liiii-csdiiciiter Icfondde I'nffaire,mnis ilest d cr;tiiidi~~i~u';iii~~iint:
<I;t.iiii>iiirIr fond n'inter!,icnnc tant qu'un jugeinriir eii di:rnicr
réiiori ii';iiirp:is i.trriidii nu suiet de 1';irtiticcdilatoiredc 1)roi:i.-
dure précité.
En attendant, les avoirs de I'Ebro, ainsi que ceux des sociétésdu
groupe dont lesbiens ont étésaisis, sont gravement mis en danger. n
(A.11..vol. IV, no 252,p. 981.982.)
Nous voici en mesure de coiiclure: la méconiiaissancedes droits de la
National Tmst ne faisait qu'accentuer le caractère illégal des saisies
ordonnéesdans le jugement de faillite et dans celui du 27 mars 1948.11
était du droit et du devoir de la National Trust de faire valoir ses droits
devant le juge de la faillite ou d'obtenir de celui-ci qu'il reconnaisse son
manquede juridiction.

Enfin le refus d'admission de la National Trust i la procédure.raDpro-
chéde l'ordonnance d'admission du comitéspécialde;obligataires 'P'rior
Lien, constitue une mesure certaine de discrimination engageant la ..
responsabilité du Gouvernement espagnol.
Troisièmemoyendeblocage

J'en arrive ainsi au troisième moyen de blocage utilisé contre !es
recours des sociétésauxiliaires, à savoir les substitutions d'avoués suivies
de désistement.
Ceprocédéfut utilisé exclusivement il'égardde la sociétéEbro et des
sociétésauxiliaires. 11 eùt été impossible de l'utiliser dans d'autres292 BARCELONA TRACTION
circonstances. Il fut utiliséà partir du moment où le séquestreprovisoire
eut nommédes conseils d'administration rivaux à la lace des conseils
Iegitimeî que cqutlqucssemninei plus tCt il nvnit r<vuc]u%s.
Soii ~,iiil)luiiiit rGpCtGi I'Cgnrdde tuus les recuiirs qui furi.iit teiitCj
ddii, la siiitc. iiutaniment de cette iaiiicuit?rririd diil'nri~ii- dr icttc
action en revendication - que le juge de Reus avait charitablement
conseilléAEbro d'intenter. Et le moyen fut employéavec succès à tous
les degrésde juridiction non seulement devant le juge de Reus d'abord,
devant le.juge spécial, mais encore devant la cour d'appel de Barcelone
et mêmedevant le Tribunal suprême, ensorte qu'il en est résultéun
étouffement total et définitifdes sociétésauxiliaires dépouilléesde leur
patrimoine par un jugement auquel elles étaient étrangères.
De plus, il convient d'observer que lorsqiie le procédéfut mis en Œuvre
pour la première fois, à savoir le 23mars 1948, par le conseil d'admi-
nistratiori de 1'Ebro que le séquestre provisoire avait désigné,il fut
a~~liouéconformémentaux indications exDressesdu séauestre ~rovisoire
en ce sens que, comme nous l'avons vu, la résolutionde nomiGation des
nouveaux administrateurs prise par le séquestre provisoire siégeant en
tant qu'assembléegénéraleétapprouvéepar une oidonnance ducommis-
saire contenait le mandat formelde révocation des avoués nomméspar
leurs prédécesseurslégitimes. 11n'y a donc pas de doute que l'Etat
espagnol, si ces décisions sont fautives, doit en porter la responsabilité
puisque tant le commissaire que le séquestre provisoire avaient été
désignéspar le juge de Reus et étaient donc desmandataires de justice.
Je crois pouvoir me dispenser de fatiguer la Cour par l'énumérationdes
très nombreux recours d'Ebro et desautres sociétésauxiliaires qui firent
l'objet de destitutions d'avoués,suivis de désistements, non plus quedes
jugements et des arrêtsquiratifièrent la manŒuvre. On les trouve relatés
dans nos écritures (M., 1,no'143 à 145, p. 68à 70; R., V.p. 498à.502) J:
me bornerai à décrire de quelle manière fort différente les juridictions
saisies motivèrent leur choix et je montrerai le manque de fondement de
ces diverses argumentations.
La premièrefois que le juge deReus fut saisi d'un désistementilrendit
lejour même sonordonnance, le 23mars 1948d ,ans laquelle il faisait état
de l'article g de la loi de procédure civile, disposition fort simple qui
prévoit. parmi les causes qui mettent fin à I;rrpr6sentation assuréepar
les avoués, commetoute première

iila révocation expresse ou tacite du pouvoir lorsqu'il figure au
dossier. Il sera considéré commerévoquétacitement par la nomina-
tion postérieure d'un autre avoué qui comparaît dans la même
affaire.
Le cas envisag.,ar.cette dis~osition est sim~le. Si. dans une affaire.
j'ai cniis~irii; avoui et qiit. In iiii.rn:gfl;;iiIV constitue d<-ni;iiii
iin autrea\.oue, l'oncliiiiidircr:~qiijt:fiinpli~iteni~iitiiiifin;tu m.~nclat
du ~remier et ce sera le deuxièmëqui sera considérécomme réaulier.-
'fllle csr m;inifcstcniciit la poriéc dc crrtc ili.;position nini<, lur*qiic
drux avuii;i se pri.si.iitt-nt puur reprisciiti,r uiic inirnc,soci>tC.Ictiihiiii;~l
doit a>iiirt;nicnr vcriner tuiit <I'sborclsiles pru<:iirxrioiisirnaiient de ln
rnimc personne rt si Irs 1)rocur:itioiis Gn~;~ncntde ln nieni*. pcrjoiiii~
morale, si crs ~)roiiirationî iiiiancnt des rni.iii,,s rvprCjentantj de ccttc
personne morale et. au cas où les mandats émanent de représentants
différents,il va vérifiersi le mandat donnéau deuxième correspond au PLAIDOIRIE DE DI. ROLIN 293

mandat donnéau premier, si c'est v+ment la continuation de la mème
action ousi, au contraire,il y a opposition entre eux. Siles mandants sont
différentset si les mandats iontdonnés dans un sens o~~oséforce est de
vérifiersi l'un a réguliérerncntsuccédéAl'autre et, en ci;de concurreiice
cntrc euu. de reshcrclier lcquel des deux a qualit6 pour reprewntcr 1;i
.er-onne morale
Au surplus, le juge de Reus avait, dans son ordonnance du 17mars
1948c ,onfirmant l'ordonnance du 18iévrier,ajourné le recours d'Ebro,
ailéguant qu'il n'apparaissait pas quels pouvoiÏs détenait celui qui avait
délivréla procuration au nom de 1'Ebro.
J'ai citétantôt ce troisiémeconsidérant, j'aimontré quele juge statuait
parce qu'il avait étéinformé de la décisionqui venait d'étre prise de
nommer de nouveaux administrateurs, avec mandat d'effectuer ces
fameuses révocations et ces désistements. mais toujours est-il que. dans
ce troisième considérant. Darle seul faitoue le iueeéxr>rimait désdoutes
sur la régularité despou;oirs des mandkts, ii se recAnnaissait le droit,
mêmele devoir. de vérifierla rénulariténon seulement de la procuration
donnée à un a;oué, mais encos celle du mandat en vertuduquel une
personne physique prétendant représenter une personne morale avait
conférécette procuratioii à l'avouéau nom de la société.
11est clair que la mème conduite s'imposait dès lors à lui le 23 mars
1948 ,fortiori lorsqu'il fut saisi de l'acte de désistement présentépar le
nouvel avouénommépar le nouveau conseil.
~,. a.réscomoaraison des aualités des mandants. il avait donné la
prl:f<rriice il'a\:nu;, deusi6niv;iicnt <I;sigiii piiiitd;cisiori iiiuti\.>il
aurnii cu la ~usil>ilitéde rccuiirs dc la partdc I'avouc'primitif. mais ce
;,~~~~t inadmks~~le - cela me~sarait sauier aux veux -c'est aue le ,uee
ait prc'tcndu :irlrnzrrre ainsi. niécaniqurnient. sansi,Crificntionaucunc.
1.1\a iditç d'un :&tede r6voc:ition hanant d'un or-ane rival uniauemeiit
parce quecet acteétait deuxièmeendate.
Et cependant c'est cette application mécaniquede l'article g que l'on
retrouve dans les premiéres décisionsde la cour d'appel de Barcelone
(A.M., VII, no 116) et jusque dans un arrêt du Tribunal suprême (ibid.,
no 117) où, à vrai dire, il figure comme obiter dictum, les pourvois étant
jugésirrecevables principalement par application de l'article 1729tertio
de la loi de procédure civile qui n'admet les recours en cassation que
contre les décisionsqui mettent fin au procès.Il y a plus de cent décisions
du Tribunal suprêmequi ont considéré commeprématurésles pourvois
intentés par Barcelona Traction et d'autres dans cette affaire parce que
la décisioncontre laquelle les pourvois étaient dirigésune mettaient pas
fin au procès». L'application de cptte régleétait sans fondement, de la
part, du Tribunal suprême, puisque les décisions incriminéesavaient
précisément poureffet de rendre impossible à Ebro de faire entendre sa
réclamation contre le jugement de faill<te,en sorte qu'il ne serait jamais .
mis fin à sa contestation, qui en fait ne fut jamais jugée, même en 1963.
Le Tribunal suprême,avec un peu d'esprit d'équité,eût dû constater que
le refus d'admettre Ebro la procédure, c'était précisémentune façon
complètement inadmissible de mettre fin au proces d'Ebro.
Dans son arrêt du 14mai 1949, il est vrai, le Tribunal suprême a
invoqué égalementl'article 1729 quinto de la loi de procédure civilequi
n'admet pas le pourvoi lorsque la loi ou la doctrine citee se référeà des
questions rrnon débattues dans le procés,, (A.hl., vql. II. p. 425)M . ais
encore une fois c'est là une injustice criante car l'argument perd de vue BARCELONA TRACTION
294
que s'il n'y avait pas eu de débatjudiciaire sur la question de la validité
des désistements et des révocations c'est précisémentparce que ces
désistements avaient été automatiquement reconnus comme valables en
sorte qu'Ebro setrouvait bâillonnée,dans l'incapacité defaire entendre,
de faire discuter le moindre argument quelconque.
Enfin, il convient de dire un mot de la suggestion faite par le Tribunal
suprêmedans cet arrêtdu 14 juin 1949. que le conAit entre les deux
conseils, celui que nous dénommons légitimeet celui que nous qualifions
d'iinpu;tcur oii ci'iijurpat~~iir.ie pouv.<itprisetre rC<ic.'iI'o~iaii~il;l'une
<Icsifin.aIiu~d~'.i\.uuCs riv4uh pi~iir 1.1rpr~~tt~ui J'uiir, pcrsonrit.
iuridi.~uc lii:~itiurkit dû Ixir~ I'obict ~d'iii~actioii ~1~;cI~ratoirieiitriit6t:
'parlet administrateurs légitimesa;x usurpateurs.
Ebro, Messieurs, bien décidée à explorer toutes les voies de recours
imaginables, ne manqua pas d'intente? aussitôt très exactement l'action

suggérée et,cette fois. elle connut un premier succès.En effet, le premier
juge spécialreçut a trdmite l'action par jugement du II juillet 1949 et il
ordonna mêmeaue la demande forméepar le conseil légitimefût inscrite
:si1rrgijtrc du cfiiiiniercect li~rsilueles.idniiriiîtrdtcurs ciu~uiiscilu;urp,i-
ttur iirriiruppositicm i sa dsciiiun il la iii.,iiitiiit. Aloril y~ur apprl
cI~.vaiitI:cvur cl'appclde Rdrcrluii~.rt i:erte i,iis lcj iiouv,:;,ux;idriiini;trn-
rcur; J'Ebro rrnouvelCr~iit I:I nlanwiivrs. er r;vo<lii;.r~~nt1avi~ii~; <]III
ic,riip:sr:~is~ditlsvaiitI;Ii.our,nu rioiid~sancieii~:~ilniini;trat~iirs~I'Ilbr~i;
le riuuvrl l\.olic si.~lCsi.itadt: l'action d6clar:1roircqui a\ ;ait itintviit;e
confuriiiéii~ciitniix siigx~irions di1Tril~unal iiilir?riic ct 13 ruiir d'~ppcl.
uni 1.1iiioiiidrç liG;itatii>ii,d<cl?ra cc dt;si,t<mir\.;II:,III.n prit ras. ~n
surtv aue I';~ctioi<:[>IIuiit:iiouvt~llr.foi, ;i\.ort<:\.\1..iul. 1 l,11''I IQ c.1
---
je demande la Cour de bien vouloir songer à cette situation vraiment
extraordinaire. L'action était dirirée contre les administrateurs nommés
par le séquestre provisoire et c'éfaitle conseil d'administration qui les
groupait qui avait l'impudence de révoquerl'avouédésigné par le conseil
Iéeitimeet de se désisterde l'action aui était dirigéecontre eux. contre
se';propres membres. Et pourtant, c'eit ceque la cgur d'appel admit.
Le Gouvernement espagnol s'efforce, une nouvelle fois, de défendre
cette décisionen alléguini, une fois de plus, que ce n'est pas ainsi que
Ebro aurait dû procéder et que ce n'est pas elle qui aurait dû intenter
cette action déclaratoire contre les nouveaux administrateurs. que cette
action aurait dû êtreintentée par les administrateurs légitimescontre
leurs successeurs.
La Cour voudra bien se souvenir de ce que nous avons vu vendredi
dernier en ce aui concerne la méthode de sus~ension: elle voudra bien
se souvenir q;e blenschaert et consorts n'oit pas seulement intenté
l'action comme idirecteur rénéralet employés u que nous avons examinée
tantôt, mais qu'ils ont égaiementintenté des aciions contre leur révoca-
tion comme administrateurs, et que toutes ces actions ont étésystémati-
quement suspendues par l'effet suspensif du déclinatoire, en sorte qu'il
y a étéstatué en 1963; en sorte qu'à supposer que l'action déclaratoire
n'eût pas connu les écueilsque nous avons examinés jusqu'ici, qu'il n'y
eût pas eu de refus pour défaut de qualité, que l'action intentée par les
administrateurs légitimes contre leurs successeurs n'ait pas fait l'objet

d'une décisionde désistement, ce qui à vrai dire ne se concevait pas, ces
personnes physiques n'étant pas exposées au risque de voir d'autres
personnes physiques substituer un avoué au leur pour se désister de PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 295

l'action qu'ellesont entreprise au mieux, cette action aurait étéajournée,
susuendue et aucun remèdeauelconaue n'aurait DU êtreobtenu DarEbro
à1; situation dont elle souffrait.
Aucun doute n'est donc possible, la substitution d'avoués appliquée
Dendant la brève ~ériodede mars 14,. où la ~rocédurede faillite ne fut
p.is siii~~t~iiliirr,r ri:iiuu\.cl;.cI;511i1t:<rutire Ica:1~ti~~itits-iitii~
ni:,rgc [IVIn~>ri~~Cdiirt.flillitv.xions~iruc uiiprijr;.d$ parti~:ulii.rrii~~:~~t
C ~ I I Ii 1 d ou c r t LI ici :ir. 1.:~
d'esikolture avec'iaquelleellefut admise par la plupart desjuridictions fcl
un manquement grave au traitement décentque les ressortissants étran-
gers étaienten droit d'attendre del'administration espagnole de la justice.
Le Gouvernement espagnol semble du reste s'êtrerendu compte de
la difficulté qu'ily avait à défendre ainsi devant une juridiction inter-
nationale l'automatisme de l'admission des substitutions d'avoués telle
qu'eue avait étépr4tiquée dans la plupart des décisionsintervenues.
Dans le contre-mémoire (IV, 11"153, p. 345). il préfère seréférer à une
autre argumentation qui fut développéedans un arrêtde la cour d'appel
de Barcelone du 8 février1950 (A.M.,vol. II, no 120. p. 431).
Cet arrêtfait sansdoute mention de la date respective des pouvoirs des
deux avoués concurrents, mais il s'efforce de justifier par d'autres
considérations que celle de la postériorité lapréférencequ'il donne à
l'avouéauteur du désistement. Le contre-mémoire épingleen premier
lieu (IV,no 153, p. 345)le défaut d'inscription, au 1-egistredu commerce,
de ceux qui étaient àcette époque (de1950)les administrateurs légitimes
et quiavaient étédésignés par lereceiverau Canada à la suite de la révoca-
tion des anciens administrateurs. et il signale Que les nouveaux admi-
nistrateurs nommés à Toronto le receiuerexeeant les droitsde Barce-
loua Traction, étaient des administrateurs qui n'avaient pas étéinscrits
au registre d'enregistrement à Barcelone.
A quoi nous répondonsque ce défaut d'enregistrement - à supposer
qu'il contrevienne à une prescription légale - ne fait part d'aucune
disposition prévuecomme une cause de nullitéet pouvait, sur l'invitation
du tribunal, êtreréparéepar une inscription (R., V,p. 501).
Le contre-mémoire fait valoir aussi, en reprenant un considérant du
mêmearrêtde la cour d'appel du 8 février 1950 (A.M., vol. II, no IZO),
que le refus d'admettre la validité despouvoirs conférésaux administra-
teurs d'Ebro Darune résolutiondu rec~ivercanadien prise àToronto était
conforme au'iueemerit de faillite. ooisoue celui-ccavait reconnu aux

pas eu la possession effective mais seulement la possessio6 médiate et
civilissime.
Mais la Cour voudra bien constater que c'est précisénient à une
réformation de cettepartie du jugement qui concernait Ir& spécialement
Ebro et dont la demande de reconsidération introduite par Ebro deman-
daitla modification. Ainsi, comme l'a indiqué la réplique, c'est par une
monstrueuse pétition de principe,c'est-à-dire par application du jugement
mêmequ'Ebro attaquait qu'Ebro se voyait empêchéd ee poursuivre cette
attaque. C'était,dans toute son horreur.un cerclevicieux.
Quant àla duplique, c'estA peine sielleconsacre unepage (VII,p. 785 à
786) A cette cluestion de substitution d'avouésdénoncéepourtant dans le
mémoire commeun des plus criants exemples de dénide justice propre-
ment dit.~9~ BARCELONA TRACTION
Elle l'analyse comme «l'extinction des pouvoirs donnés indirectement
par la sociétéfaillie avant la failliteElle fait valoir que- qui peut le
plus peut le moins - les organes de la faillite pouvaient remplacer les
administrateurs des filiales,ils pouvaient donc «infléchirles actions de
cette sociétén.La Cour apprécieral'euphémismeainfléchir n.En agissant
par ses filiales,la Barcelona s'est exposéeau risque deperdre le contrble
des recours introduits par elleo (elles,au plunel, étant les filiales).
On nepeut avouer avecplus de candeur le bon marchéqueleGouverne-
ment espagnol entend faire de la personnalité iuridiaue des filiales. Tene
reviend;aiVpas sur ce qui a étédgmontré aveéforcé à ce sujet par"mon
collé~e. M.leprofesseur Van Ryn; Ebro et lessociétés auxiliaires avaient
des GxistenceS parfaitement rkgulières, et à supposer mêmequ'elles
fussent affectéesde quelque vice, i1,apparteuait au pouvoir,puhlic ou aux
individus intéressésde le faire valoir en justice pour requénr l'annulation
de ces sociétés filialmais aprésun débatcontradiçtoire.
Tant qu'une telle decisionn'étaitpassurvenue,leur personnalités'impo-
saitau regard de tous.
Ide ou voirreconnu aux organes de la faillite de se substituer aux
admiListrateurs des sociétésauxiliaires dans l'administration de ces
sociétés,n ce compris les procès qu'ellesdevaient tenter pour mettre un
terme àcettesituation. n'&t au'une des conséouenceslesdus choauantes
de toute cette extra&dinaireAconstniction jufdique échafaudéeSuivant
les plans du g-oup- March. II constitue un dénide iustice de première
grandeur.
L'audienceest levéeà 17h 5j ONZIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (29 IV 69, IO h)

Présents:[Voir audience du 17 IV 69.1

M.ROLIN: J'ai exposéau cours des denii6res audiences quels étaient
avec l'appui des autorités judiciaires,ràhfaire obstacle effectivementt,
pendant quinze ans à l'examen des griefs formuléspar la société faillie
et les autres personnes atteintes par le jugement de faillite.
11me reste remettre briévement sous lesyeux de la Cour, ainsi que
jel'ai annoncéau début de ma plaidoirie, les deux décisionsparticulière-
ment étonnantes du juge de Reus par lesquelles il attribua force de chose
jugée à son propre jugement de faillite.

Attnbutim indue dela chosejzdgdeau jugement de jaillite
11se prononça deux fois à ce sujet. Une première fois le z mars 1948
(A.M., col. IIno 75, p. 324). -.
En effet,en mêmetemps qu'il recevait à deux effets l'appel de Garcia
del Cid contre le jugement par lequel son déclinatoire de compétence
avait été rejeté, ans la mêmeordonnance le juge de Reus donnait suite
àune requêtedes promoteurs de la faillite (A.M.,vol. II, no 76, p. 324)
et déclarait ne pas tra-mettre à la Cour la branche de la procédure
relativeàune éventuelleo~..sitiondu failli au,i-eement de faillite Darce
que, disait-il, le délailégald'opposition était vànexpiration sa& que
le failli ait forméopposition, en sorte qu'ou se trouvait dans le cadre de
l'article 408 du code de procédure civile et que la décision judiciaire
deAprès quoi, le 17 mars. le juge rendit une deuxième ordonnance, de
nouveau la reauête des Dromoteurs de la faillite iA.hl.. vol. II. 84

et3lhl. Rodellas et consort, affectant d'ignorer l'insuffisancedes publica-
tions. expliquaient dans leur requêteque Barcelona Traction s'eflorcerait
peut-êtred'échapper à la chose jugéedu jugement de faillite en arguant
du fait que, du 16 févrierau 5 mars, la procédure de faillite avait été
suspendue par suite du déclinatoire de Garcia del Cid.
Aussi arguaient-ils que de toute façon l'effet suspensif du déclinatoire
avait pris fin lorsque Garcia del Cid s'étaitdésisté,le 5 mars, de l'appel
du jugement qu'il avait introduit, en sorte qu'à la date du 17 mars tout
au moins le délai d'opposition de huit jours devait êtreréputéexpiré.
Ils demandaient que le juge leur en donne acte et le juge, sans s'embar-
rasser des détails,leur doiina pleine satisfaction en déclarant
<<[quel]e jugement du12 février.qui a déclaréla Barcelona Traction
en état de faillite, est déclarécoulé.force de chose jugée(firme):
[et quel les ordonnances prises quant Ala personne et aux biens du
failli sont déclaréesdéfinitives (definiti>a,A.&<.,vol. II, no go,
P. 357).

Ces deux dhcisions successives ont étésans doute conçues ,par leurs
inspirateurs comme une ultime barrière supplémentaire qui, en cas298 BARCELONA TRACTION
d'c'chccdes autrcj rnuysns Je suspension, les declinltoires de cornpéteiirr
ou <leiuridiction. les Jcrnandes dr &lai cxtrliordiii:iire dc preuve, Ics
contestations de aualité, les autres incidents imaginésvar leurs conseils.
pourrait être oppÔsée à l'examen des griefs de lasociét'éfaillie.
Ils ne pouvaient pas se faire beaucoup d'illusions toutefois car le
manaue absolu de fondement des ordonninces des 2 et 17 mars et leur
mangue de force obligatoire pour les juridictions qui &raient saisies
ultérieurement de l'opp--ition de la société faillie ne pouvaient faire
de doute.
a) Quant au manque de fondement, bt' Van Ryn vous a montré que,
premiers écrits du Gouvernement espagnol, l'article 1028 du code de les
commerce de 1829 fait sans aucun doute courir le délai d'opposition
à partir du jour de la publication du jugement, mais que cette publica-
tion est expressément prévue comme devant être faite au domicile du
failli.
Il est clair, dans ces conditions, qu'à défaut d'avoir étéfaite au lieu
de ce domicile, lavublication ne a eutêtreconsidérée commeréguli-rn ei.
p:ir snite. coriiriieiais~nt courir Ic <I;.laid'oppu~ition.
Le (;ouvernenient espagnol souticrit, ilest vrai, queInpiihli,-stion dans
un iournnl ofticirl est un actd'i?nprrit~rn<inine ~cut ac iliirç ciuï sur le
temtoire national, c'est-à-dire, en i'espèce.>n ~sia~ne. A supI;oser qu'il
en soit ainsi en droit espagnol, comment ne pas voir la contradiction
existant entre la prétendue juridiction des tiibunaux espagnols pour
prononcer la faillite des sociétésayant leur siège à l'étrangeret le carac-
tère strictement temtonal que l'on prétend réserveraux mesures essen-
tielles au'nn *n-ement de faillite comDorte.
Il est'vrai qu'en ce qui concerne une autre des mesures que comporte
tout jugement de faillite, à savoir. la plus importante, la saisie, qui est
exécutée enterritoire étranger qu'avec lane vcollabÔrati6n des agents des
autorités de ce territoire étranger obtenue par commission rogatoire, le
iuee de Reus. vous vous en souCenez. a imasné aue lu tôt auede s'adres-
3er aux autoriti.s caii:~iliennes,s;,iii. doute peu di.;po;C'a rt.conii.iitr<.
511colllp6tc~lcttt 11;slori j.pr6tcr leur cuiizulir; h I'rx;t.iition, p;ir voie
de commission rogat.ire. des décisionsd'un tribunal dont ils rie DOW-
raient rcionnaiirc la cui~il);tcncc,il i.t;,it pratiquc d'~tiribucr aux oii;~nrs
(IL<ICIi~rllit13poiies~i~irrrr;~liatei:t civiliisimc cles:tctioni se troii\.;int
au Canada aui représentaient les avoirs de la société faillie
Nous avok vÙ ce qu'il faut penser de cette extraordinaire construc-
tion juridique. Nous ne pouvons accorder plus de valeur à la tentative
de nos adversaires de persuader la Cour que la publication en Espagne
du jugement de faillite doit elle aussi étrereconnue comme une publica-
tion médiate et civilissime, et donc comme une figuration valable, de
celle qui, aux termes de la loi, aurait dû être faite dans le pays de la
sociétéfaillie,c'est-à-dire au Canada.
O) Lesordonnances des zet 17mars étaient detoute façon dépourvues
de force obligatoire.C'est en effet de plein droit que, suivant la loi espa-
ait étéexercé,une décisionjudiciaire doit êtreconsidérée,suivant l'ar-
ticle 408 de la loi deprocédure civile. comme nacceptéeet passée enforce
de chose jugée,sansiécessité d'une déclaration exCresse&cesujet r.
Il résulte de cet article que si le juge auteur d'une décisionfait une PLAIDOIRIE DE hl. ROLlN 299
déclaration au sujet de l'acquisition par celle-ci de la force de chose
jugée,sa déclaration ne peut rien ajouter ou retrancher aux dispositions
de la loi.
Si malgréune telle déclaration un recours est exercé, lejuge qui sera
saisi du recours fera application de la loi et ne sera pas làécet égardpar
la déclaration qui aura étéfaite par le premier juge, même si ellen'a fait
l'objet d'aucun recours particulier.
Tout cela, je pense, ne peut faire l'objet de contestation.
Mais alors, se demandera-t-on, pourquoi les promoteurs de la faillite
ont-ils sollicité cesordonnances successives?
Assurément à cause de la logique de leur système. Ils demandaient au
juge, avecune rare audace. d'engloutir dans la faillitede la sociétécana-
dienne Barcelona Tractionles avoirsen Espagnedeses sociétés auxiliaires;
ils savaient qu'on ne saisirait rien au siègede la sociétéau Canada. Des
démarchesen vue de la publication du jugement defaillite dans celointain
pays seraient dès lors dépourvues de signification et ne pourraient être
qu'une source de complications et de retards.
La seule foisoù il fut fait état des ordonnances des z et 17 mars, c'est
dans un arrêtde la cour d'appel de Barcelone du 5 février 1952 qui, un
mois après la vente, confirma le jugement du deuxième juge spécialqui
l'avait autorisée. Encore la cour se garda-t-elle de considérerles ordon-
nances comme ayant tranché la question. Elle déclaratextuellement:

< ~IICp<>ur1,:sd>ductiorii ult6ricurcs ilest n6ccss:tiri:d'ér;il>lprimo
quc la faillitci t'ttd~clar;~ par dccision du IZ f&'rier1946; SCCUII~U
que g'dr ortluiiii.iiice d17 iii:ir1948 i~ttc dt:iision;iir2 dCclnr6t
couléeen force de chose jugée; que, au point de vue procédure, ces
deux décisionssont donc définitives ...tant que le contraire n'aura
pas étédécidéaux termes d'un incident de nullitéou de tout autre
recours ».
En somme, il n'y avait pour la cour d'appel de Barcelone que chose
jugée provisoire; la cour n'écartait aucunement l'hypothèse d'une an-
nulation ultérieure des deux ordonnances au moment même ou elle ap-
prouvait l'acte qui avait consommé ledépouillement du failli. Et elle
était si consciente de la fragilitéde la thése de l'irrévocabilitédu juge-
ment de faillite qu'eue sentait le besoin de consacrer trois considérants A
soutenir que la vente était permise avant que le jugement de faillite soit
devenu irrévocable.
Plus significatif encore est le fait que lejuge spécialenfonction en 1963,
tout en refusant l'admission a trimimitees recours intentés par la Barce-
lona en iuillet 1448 du chef de leur urétendue tardiveté, n'estima uas
devoir tiÏer un quelconque, à ce Sujet, des ordonnances rendues&
ce point en 1gq8par Jejuge de Ileus.
II faut donc reconnaître que les deux ordonnances du iuae de Reus
r~litti\.<:311<.iiri<itérel>rctt<ki~~~~lcirn>rvui;iblc dt: son 'ji;jicnii.nt dc
f:iillitc ne jou6rcnt qu'un r31c tr>s scson(1;iiretl:iiis 1'ciicliaiiicinr.ntdes
dCcisionj qui aniciii-reiir I'cxtcution de 1~~rc~loii:Ti ractiuii s:iiis iiii'zllc
ait pu se défendre.
Elles n'en présentent pas moins un réelintérêten tant qu'elles con-
firment la volontédu juge de Reus dedonner à tout prix satisfaction aux
demandes que lui adressaient les représentants du groupe March. Elles
furent d'autre part utilisées, comme je l'ai dit, comme une prétendue
justification complémentaire de la vente; c'est à ce double titre qu'il m'a PLAIDOIRIE DE hl. ROLIN 30r

positions les appels sont. en règlegénérale, à un effetseulement, à savoir
l'effet dévolutit, et ils ne peuvent êtreadmis à deux effets, c'est-à-dire
eKet dévolutif et effet suspensif, que dans les cas, assez nombreux du
reste. qui sont rév vu às l'article 181et dans d'autres articles de la loi
de p;oc'&durcci;.ilç ou dc lois jp<cialcs. Quaiid ils ioiit i deux rffrti,
l'cfizt suspensif qui i iitr:Iic :iI'a. .elsu~pend 1'exic:catiodne I<Idicisiun
dont on ainterietéaM...
:\iiiji, lorjclucapp:.l lut intcrjet<,par Liotcrdu jugcniciit dii jiig~jp6o:rl
(III12 ICvreir 1949 cet appel lut dmis i dcus cift?ts nialgrv lcs zffuits
CILI.3xrccli~iia'1'~~crionC. elx voulitit dire iiue cctt~ tleci~~oiidiitii.1iIu
déclinatoire, datant du 12 février, demeurerait provisoirement 'lettre
morte et que donc la suspension qui par suite du dkclinatoire frappait
sauf exce~tions décrétées Dar le tribunal l'ensemble de la ~rocédure.et
tout spéc:alement la proc6dure relative au recours introdGt par Baice-
lona Traction et par d'autres, cette suspension allait subsister tant qu'il
n'aurait vas été;tatué sur le déclinatoire Uoter, ce.aui. A .me vois le
savez, nése produisit qu'en 1963.
Les décisionsd'admission d'appel ciun effet que critique le Gouverne-
ment belge-au contraire ont toutes étérendues dans les branches de la
procCdurc ilc fnillitc qui furent considCrl:escomme ,:sceptr'cs dc la ?us-
pciisioii générale, ri;jiilr;int <lu<Ir'clinatoirel(otcr, c'est-à-dire, <I;iiisla
deuxième section. en ce com~ris à tort les mesures ~r.~a.atoires ci la
renrc et Id tacntc,ct mCmeclans la prcmiire section, en ce qui concerne
la coii\.ocation des cr;aiiiiers pour I:i~Iésignation<less!.ndici.
IIest donc tout n:itiircl quï Harcelons 1'r;ictionait siiiiiiltaiiiiiirnt tçritc
d'une part d'o1)iciiiriiiicil2ciiion finale sur la question tlc jundictiuri des
tribuiixus ci[):igiit~litlii'a\.nit st,iilt.v;ii HCI.rII'? 1>:ar\.eiinpsi. tic
rCduirc ci Uri<:ift:i adriii~sionIIC I'xD~elilitcrict6 onr tioter cil iods.
d'autre part, de faire en sorte que soikilt admis'i d&x effetsdes ap$s
qu'elle interjetait contre les décisions prisesdans le cadre de la deuxième
section et qui acheminaient la procédurevers la vente.
Je dis tout ceci pour dissiper l'impression d'une contradiction dans
l'attitude de Barcelona Traction qu'ont cru pouvoir relever nos adver-
saires, ce qui n'exclut pas, bien enteridu, que les arguments employés
dans les divers cas,par les nombreux conseils de la Barcelona Traction
qui cherchaient en vain une issue au labyrinthe de procédure où ils se
trouvaient enfermés. aient touiours été ~arfaitement concordants.
J'en vieri-.rn;i~iit~:naratl't;<aiiii:dl!;qii;<trecas mentir in ni.(I:iiisle
niémoirect aus(~iirl l':ai;iiinoncé<lut ie liiniterai ioori espi>sl:.
a) Les deux premiers cas ne demanderont de ma part aucun dévelop
pement, car je les ai déjàexposésdans une plaidoirie antérieure: il s'agit
de la contradiction que nous avons relevéeentre les deux arrêts dle a cour
d'a+@ de Barcelonedu 7 juin 1949. Vous vous souvenez qu'à la même
date, la cour d'appel rendit deux arréts: l'un confirmait, malgréle recours
de Barcelona Traction, la décisiondu premier juge spécialqui avait admis
à deux effets l'appel interjeté par Boter contre le jugement qui avait
rejetéson déclinatoireet sa contestation de la qualité de Barcelona Trac-
tion et l'autre arrêt du 7 juin 1949, rendu sur demande de Genora et
allant au-dela, déclarait excepter de la suspension une partie de la pre-
mière section de la procédure de faillite, faisant subir ainsi une méta-
morphose à l'effet suspensif admis par la première décisionet en dé-
tachant une mesure qui appartenait à la première section suspendue, à
savoir la nomination des syndics, étapevers la vente.302 BARCELONA TRACTION

Lorsqu'on examine ce cas avec le recul de plus de dix-neuf années,
on ne comprend pas que la Partie adverse ait pu dans ses écrituresfaire
i'élogede ces deux décisions si manifestement contradictoires et si
in~mtoht,.ii:iit la coritiiiii;itioii (le I:Isuspension dcs recouij des socir'ti..;
1x;'judirir't:iet iinc iisiii(lniiicriti: su.pciijiuii qui:ill;iIiii1,eriiicttrt.
~i'aiit;tl,:rI;i\.ciitect iInspoli;itiori Je la soci6tCfdillic. tout ccl:i dnii,
IL,cndrc ;1'iiiiiri:idrnt niixtt, ;iiii,cisiit de foyon itt>>iic:till<:giiIUII,
d;iii.cnti(,n de iiiridiciioii et une conti-stntiode qu;~liréprc~,.iir;.,iI.<iii
des conditiousaui seraient sanctionnées sans difficultéen 1061 Dar une
décisionde rejei quand il serait trop tard. 2
b) La troisieme des décisionscitéesest celle relative - il y en a deux
en réalité - à des décisionsconcernant l'autorisation de vente. Le juge
spécial no 2.M. Osorio, que nous avons toutes raisons de distinguer de
son prédécesseur,l'avait accordéepar ordonnance du 27 août 19j1 qu'il
avait maintenue par jugement du 15 septembre 1951 dont hl' Grégoire
ne manquera pas de vous entretenir. Après quoi, le juge spécialn'admit
qu'A un seul effet l'appel contre son jugement et rejeta le recours en con-
sideration par son jugement du 15 septembre 1gj1 qui fut confirmépar
la cour d'appel le 27 novembre 1951 (.4.1v \ol..III, no 189, p. 735).
Cette fois, la discrimination de ces deux décisionsrésulted'une circons-
tance assurémentfra~~ante: c'est 4ue dans un casde failliteentièrement
ienihlnhlr, Incour il':ippfl, ln iiiFiiicl>rC,inicIi~ni\,rcdc litcour <l';i1>pcI
(ic 1<3rcelonenvnit rcii(lii iin nrrét lc 4 déccriibre 1i)50 (:I.>l.VII. III,
no 190, p. 737)par lequel elle avait réforméun jugement qui avait admis
I'appel à un seul effet (M., 1,no 203, p. 93; R.. V,p. 537. note), la cour
d'appel décidant quecet appel devait êtreadmis à deux effets. Il ne faut
pa; Cette fois êtregrand Clerc en procédure espagnole pour se rendre
compte que l'argumentation développéedans le contre-mémoire (N,
n" 204, p. 545)et la duplique (VIi no491, p. 538)pour écarterlereproche
de changement suspect dans la jurispmdence de la premi&rechambre
de la cour n'est pas fondée.
En effet, dans l'arrêtde 1950 qui est reproduit en annexe au mémoire,
on énoncedes principes eniiërement opposés ceux proclamés par la
mêmecour eu 1 51
II s'agissait, lani la premièreaffaire, comme dans la seconde, de l'appel
d'un i,e-ment intervenu dans la deuxième section de la faillite. Le
cri.;iiicier demandcur de I:I f:,illitc avait interjet: nppcl d'un jugeiiiciit
lu cauvarit pr?judici, ct cet ;ippel n'n!.nit ét; admis qu'à uii seul efiet.
L':ippel:iiit :~\.:iitfait valoir que cetcc décision,qui a\.nit amen4I:fk,riii<,-
turc des i~t;~blissemcntsrie 1s si1(iétt5f:iillie. lui c:iusait un pr(.judirc
irri.pdr;iblc. Lejuge refusa de lui accorder Iesdeus effetset la cour. faisarir
annlicatiou des articles 384et 365de la lui(Ir nruccdure ci\,ilt:.:rzior~l:iIo
dêÛxeffets moyennantfo;rnit&e d'une caLtion en argent de 5000 pe-
setas.
En 1951, ce fut Barcelona Traction qui offritcaution. en se basant sur
lesmêmesarticles de la loide procédurecivile. Et voici que la mêmecour,
contredisant ce qu'elle avait affirméen 1950. allègueque les articles 384
et 385 de la loi de procédure civile ne sont pas applicables dans la
deuxième section de la faillite. Est-ce compréhensible?
Quel fut le raisonnement invoquépar la cour d'appel eu 1g51?
La cour d'appel ne perd pas de vue l'article 384 de la loi de procédure
civileselonlequell'admission de I'appeldoit êtreàdeuxeffets, notamment PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 3O3
dans le cas de jugements et ordonnances .qui causent en définitiveun
~réiudice irré~arables. Et l'autorisation de vente. si elle était suivie
~l'~4i~ct<iiii~iie'e fut, n'ent~iinerait-elle pas un pr;judice irr{par;<ble?
1l;ii1:cour prdtcncl dc!,oir dc'rogcàiett,: disposition si érnincrnrncnt
rilisoiiii:ible ct &ouitable. I.isoiis du reste ce consiclLrant var leouel I;i
cour d'appel justifier sa dérogation et auquel le coitre-mémoire
fait l'honneur de le reproduire in extenso. Rien ne pourrait illustrer de
iaçon plos fr11,pnnte l.~-lil><:r(tlii.iela coiir <\'appel,:ni,.iid;iit prendre avec
l~i ttXICSde I~isquaii<Iils 1't.iiipicli;rIrrt;xliscrses desseins:

cLa faillite est une procédure universelle d'exécution et, comme
et efficace, cela étant la raison pour laquelle les principes généraux
contenus dans lesarticles 383,384 et 385du Code de procedure civile
ne peuvent pas étreappliquéssystématiquement dans la procédure
universelle de la faillite afin que ne deviennent pas inopérants les
principes qui la règlent, spécialement ence qui concerne les mesures
viséesà la deuxième partie de l'article 1322 du Code de rocédure
civile,puisque au cas où serait admisun appel aux deux e ets contre
desordonnances ou jugements rendus en cette matihre d'administra-
tion de la faillite, les mesures de cette deuxième partie seraient
fréquemment transféréesdu tribunal à la Cour d'a pel, et la marche
normale de la procédurene serait pas possible...»&.M., IV, p. 546.)

A supposer, Messieurs, que l'on pût ainsi, en l'absence de toute disposi-
tion légale,apporter une certaine souplesse à l'application des articles
384 et 385 à la matière de la faillite, comment oserait-on invoquer les
besoins de la continuité de l'administration alors que dans l'espècedont
la cour était saisie en1951 le jugement frappé d'appel tendait à mettre
finà cette administration puisqu'il accordait l'autorisation de vendre
l'ensemble dela masse faillie?
c)J'en amve ainsi au dernier arrêtque j'ai àexaminer, celui rendu par
la première chambre de la cour d'appel, la même, le 13juin 1952 (A.&{.,
vol. IV,n0zz6, p. 852).Il avait pour onginel'incident denulliteintroduit
par Barcelona Traction pour obtenir la nullitéde tout cequi avaitétéfait
enchèrespubliques du patrimoine de Barcelona Traction. Le juge spécialx
no 3. M. Jimeno Fernandez, recut l'incident de la Barcelona Traction
a t~dmite et il maintint son ordonnance malgré le recours de la partie
adverse. Puis. il rendit après cela un jugement qui rejetait l'incident de
Barce'ona Traction mais, lorsque Barcelona Traction interjeta appel de
sa décision.ilrielui parut pas possible de nepasadmettrecet appel à deux
effetspuisque c'étaitlàla dernièrechancepour BarcelonaTraction d'éviter
la mise à exécutionde la vente, qui étaitsurvenuele 4 janvier précédent
en faveur de Fecsa.
Mais les syndics veillaient et, ayant à leur tour interjeté appel de
l'ordonnance rendue par le juge spécialno 3, ils obtinrent de la cour
d'appel cet arrêtdu 13 juin 1952qui. peut-on dire, assénait à la société
faillie le coup de grâce. L'appel était admiàun seul effetet la deuxième
section pouvait donc achever son cours. Seuls demeuraient suspendus
pour onze ans encore les divers recours introduits par Barcelona Traction
et d'autres contre le jugement de faillite.
Pour aboutir à cet extraordinaire résultat,la cour d'appel avait dû
passer outre à une règlegénérale,celle de l'article 758 de la loi de procé-304 BARCELONA TRACTION
dure civile relative à la procéduredesincidentset quiprkvoit quele juge-
ment rendu sur incident est susce~tible d'auuel à deux effets. C'est de
cette disposition que le jugespeciai no3 avar<correctement fait applica-
tion. Mais la cour l'écartaen se prévalant d'un article 1531 de la loi de
procédure civile relatif à l'exécution particulière que l'on appelle la
via de apremio del juicio eiecutivo qu'elle prétend applicableà la faillite
civile et qu'elle étenddèslors àla faillite des commerçants, qui est effec-
tivement réglée en partie Darles disuositions relativeà la faillite civile.
1.arlQliqÜe (\'n"63S. 'P .76) n.'peiisons-nous, clairement établiqu'il
n'eri est rieri. S'il rat vr:ii que l'ar1236e(Ir 1:ilodc vrocédurecivile
dont l'arrêtfait mention renvoie tacitement à la ~rocéâure. la via de
aprcmio del ~rticiorjrctrliuo. cela n'est exact. le texie est fornkl. qu'en cc
qui coiicerric/es/u~?iiu/i/ià suivre pour I:iveiite qui sont dGcrites dans
les article 14Sr et sui\.ants dIü loi de procCdurc civile. ct cela n'est pas
exait cn ce qui conccriie I':irticl1j3r puisque <:earticle est toutà f:iit
étraiiger aux form;ilitcs et prévoitsciilçriicnr I'admiisiùri dc I'npàcuri
effet seulement. ..
Cette fois,la décisionde lacour d'appel parut aux conseilsde Rarcelona
Traction tellement inadmissible que l'un d'entre eux, MeRambii Serrano
Suiier,introduisitune demande de récusationde tous les maeist-ats de la
première chambrede la cour d'appel.
Le texte de cette plaidoirie, qu'il prononça en audience plénière le
21 septembre 1952,aëté reproduit en annexe au mémoire (A.M.,vol.IV.
p. 8551.Je voudrais vous en lire un bref extrait afin que la Cour se rende
compte du sentiment qu'inspirait à un nouveau venu dans l'affaire la
succession de toutes ces décisionsuniformémentdéfavorableset spéciale-
ment de celle dont je viens de parler du 13 juin 1g52, statuant sur un
recours qu'il avait lui-mêmeintroduit; son sentiment aussi en ce qui
concerne la hàte tout à fait insolite mise par la cour d'appel à donner
suite à sa décision.
J'ai dit quehl'Serrano Suiier étaitun nouveau venu dans l'affaire et on
n'auraitpaspu faire appel à lui plus tGtcar il s'agissait d'un avocat ayant
eu pendant longtemps de grandes charges politiques; il avait étésucces-
sivement ministre de l'intérieur, ministre des affaires étraiigèreset il
avait également rempli des missions diplomatiques. notamment comme
ambassadeur à Rome.
II déciarececi:

c Jamais au cours de ma vie professionnelle je n'ai vu accorder à
L'unedes parties avantage pareil à celui que l'on a offert dans ce
procès. ni réserver pareilmEpris à la partie adverse. Non seulement
ces infractions à la loi que je dénoncese produisent systématique-
ment, mais encore elles ont lieu en toute hàte, en toute célériti.,ce
qui démontre bien clairement l'inimitié manifeste de la Chambre
récusée.Et ici, il est arrivé quelque chose de véritablement insolite.
d'incroyable. Voici: le Juge spéciala admis - comme nous venons
de le dire- à deux effets notre recours en appel contre sa sentence
qui statuait en opposition à ce qui était sollicit..le syndicat de la
faillite a demand6 à la Cour de rectifier cette admission du recoursà
deux effets, et la Cour, accédantà cette demande, disposa que notre
recours en appel ne serait admis qu'à un seul effet. Ainsi en décida
la Cour par l'auto du 13 juin 1952, qui fut notifik le jour méme.Le
jour suivant - le 14 - nous présentions au Juzgado de Guardia PLAIDOIRlE DE hl. ROLIX 305

('fribuiial permanent) un Cirit sollicitant ucl.rritcidn(éclaircissement)
de I'auludu jour aiit6rieur (13juin). Lejour qui suivit la pr6sentntion
de notre écrit-le 15 iuin - c'btait dimanctie. r:iison ooiir Iaaucll~
on ne put rendre co&i>tede notre écritdu 14avant 1: lundi ;6 -
premier jour ouvrable qui suivait; et déjàle 16. alors qu'on n'avait
pas encore resuelto (pris décision) sur notre recours d'aclaracidn
(éclaircissement), alors que, par conséquent, l'auto dont il était
appelé n'&ait pas encore firme (n'avait pas encore force de chose
jugée), outout au moins n'étaitpas exécutable puisque l'éclaircisse-
ment passe avant l'exécution, la Chambre pressée, Messieurs les
Magistrats. envoyait déjà au Tribunal ... les autos afin qu'ils suivent
leur cours. et elle-mêmeconservait Dar devers elle i'o~~ortun ..
tcmoignage que I'cspéciition :iv;iidii seinire le14 riiéin,:,lcij;tant
(linianclic. s311fiieiifrc>iiidrt:le repos <loniinical..\laily :I (III,-Ique
chose de I>e:iiiiouodus crave cilcure. llessicurs de I:iSuliide lu\r~cta
en Pleno qui detez' prononcer sur cétte récusation; chose,
dis-je, de beaucoup plus grave et symptomatique, et c'est que tout
cela, cette claire infraction que je viens de dénoncer, sepassait, se
commettait, le 16 juin, alors que la Chambre était déjàrécuséeen
vertu d'un écritde récusationque nous avions présenténous-mêmes
deux jours plus tôt, le 14 juin. au jrizgado de Guardia... u (A.M.,
vol. IL7,p. 876-877.)

Je ne veux pas prolonger cette lecture. Je souhaite que la Cour lise
l'exposé extrEmement détailleque l'avocat Serrano Suiier fait desautres
décisionsde la première chambre de la cour d'appel. qui avait également
admis des a~nels à un seul ~ ~et~.maler" les --mandes insistan~e~ de
Barcelona Traction.~
alonsieur le Président, Messieurs les juges, me voici arrivémaintenant
au terme de ma plaidoirie. J'ai conscience d'avoir traitedevant vous un
sujet particulièrement aride et j'en suis d'autant plus reconnaissant à la
Cour de l'attention qu'elle a bien voulu m'accorder.
11s'agissait en effe'tde questions de procédure.La procédurea mauvaise
presse chez les étudiants en droit et chez les iuristes d'autres disciplines
quin'ont pas eu dans leur viel'expériencedu procès,soit comme avocats.
soit comme magistrats. Ils y voient un ensemble de règles capncieuses
néesde l'imagiiia~ioiide quelques législateurs spécialisésauxquels per-
sonne ne fait attention, de règles qui peuvent égarerles imprudents qui
s'aventurent sans guide dans le maquis de la procédure et qui offrent
d'innombrables ressources aux amateurs de chicanes.
Les procéduristes et les praticiens savent que ces règlessont en réalité
le fruit d'une longue expérience, qu'elles sont inspiréespar le souci de
protégertoujours niieux le plaideur contre les surprisesd'adversaires peu
loyaux, de protégerles juges aussi contre uneinsuffisance ouune connais-
sance trop superficielle des faitsde la cause. Cesrèglesde procéduresont,
peut-êtreplus encore que les règlesde fond. essentielles pour une saine
administrationde la justice.
Et Dourles internationalistes surtout. Dourles arbitres et les iuaes oui
ont &statuer, les règles de procéduresont par excellence le domGne Ôù

leur contr6le s'exerce le plus naturellement lorsqu'il s'a& de vérifiersi
vraiment les tribunaux-ont fonctionné dans des conditions antes à
déjouer les fraudes, à protéger les droits de la défense, à soustraire les
magistrats aux pressions et à leur propre passion. ii assurer en d'autres306 BARCELONA TRACTION
mots ce fairtrial. ce .ocè èésauitable~ ~ ~elledroit international ~ermet
:III;.traiigcrs de prhendrc lu;vlu'ils coiri~i;lraisscntdz\.snt dcs tribiiniiux
qui nr sont pas ceux dc Iciir p:~!.s,cc sorit là tlts priiicil>çsqur Ir droit
1ntcr11~tic~ii;3i\.UColliilcr~rllar I:IIJ;ilitr:itltlll llniv~~desidloits d<:
L'homme.C'est,Messieursles juges, ons sie lePrrésident, decesprincipes
que le Gouvernement belce seréclamelorsqu'il vous demande d'examiner
avec une attention partiklière ses griefs ielatifs au blocage des recours. PLAIDOIRIEDE M. GRÉGOIRE

CONSEIL DU GOUVERPIEMENT BELGE

M. GREGOIRE: Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, la Cour
a donc entendudans quelles conditionslafaillite de la Barcelona Traction
a &téprononcée,elle a également entendu les multiples obstructions qui
furent provoquées et toutes, tendaient à éviter que la Rarcelon;~,
mise en faillite sur requêteet donc sans avoir étéentendue, puisse faire
valoir ses moyens de défense, non plus d'ailleurs que les sociétés
auxiliaires, la National Trust, etc.
Au moment où je prends le relais, quelle est la situation?
La faillite de la Barcelona a donc étédéclarée L.es dirigeants en Espa-
gne des sociétésHiales, aussi bien de celles dont lesiègeétait en Espagne
que de celles dont le siègeétait au Canada, ont étédémis; leurs adminis-
trateurs remplacéspar des créaturesà la soldedugroupe March, lesquelles
avaient étédésignéespar des assembléesdont le caractère a tous égards
irrégulierétait manifeste; les avoirs et les recettes de toutes ces socdtés
avaient et&saisis. Et en da ntce mêmetem~s, toutes et chacune des
mesures de difensr ent;cpni;e, contre ces inaii&u\.rc.s;i\;ii*.Gt& paralj-
séespar (lrs I>locngcjiiirroduits par des comp:,rsc>a\,;rt;(ItJuan .\l:iriti
et seri;tioriniDAI Icsnutorilr's iudici:iircs oiii avnirnràcIcsao~récier.
les moyens utTliséspour emp6cher les vittimes de se défend;; étant
d'ailleurs, trop souvent, inconciliables avec ceux qui avaient étéadmis
lorsqu'il s'agissait de favoriser l'Œuvre des spoliateurs. Autrement dit,
Messieurs de la Cour, la victime avait étéjudiciairement bi/llonnée
tandis que, par la même voie judiciaire,de nouvelles armes avaient été
fournies à ses agresseurs.
Telle était, débarrasséede tous ses habillages pseudo-juridiques, la
situation dans toute sa nudité. Est-ce là, de ma part, m'exprimer avec
tror, de sévérité?Hélas. c'est se bornerà transcrire la dure et lamentable
réakté. Et malheureuiement encore. cette expropriation pour cause
d'utilité privéeet sans indemnité que fut l'affaire de la Barcelona, nous
mêmespréoccupations.tinuer > .au'ai bout dans le mêmeesprit et avec les
Avec votre permission, hlonsieur le Président, mon expose sera fait de
trois grandes parties. La première démontrera l'illégalitém , anifeste des
mesures préparatoires la vente; la seconde, l'illégalite manifeste de
l'autorisation de vente; la troisième l'illégalitmanifeste des modalités
de la vente.
Cette illégalitédécoulede la méconnai~auce des principes les plus
fondamentaux de la faillite, et je ne pourrais mieux faireà cet égardque
de rappeler ce qu'en dit le contre-mémoire (IV) aux pages 240 et 241:

«Ces caractères fondamentaux de la faillite impliquent que les
règles légalesqui régissent celle-ci sont d'ordre public. En effet,
la procédurede la faillite n'a pas seulement pour fin de protégerdes
intérêtsprivés; eue touche aussi, et surtout,à l'ordre économiqueet
à la paix sociale ... C'est ce qui explique quedans tous les systèmes
juridiques, la failliteest une procédureplacéesous le,contrôle de la
justice, et régiepar des régiesintéressant l'ordre publiD.308 BARCELONA TR4CTION

Or. eri I'occurrencc, le groupe Juan .\larcli, un< fois iiistallC dans la
lace, c'est-A-diredans le complexe qu'il convoitait depuis si longtemps,
-rice aux iiiariotuvrci qu'a brillamment diniuntries 11.le hituiiiiier Vaii
Kyn, va concentrer tous ses efforts sur son objectif final, lequel, au lieu
d'être,commele prévoitla loiespagnole et comme le reconnaît le Gouver-
nement espagnol lui-même, lepaiement des créanciersde la faillite au
moyen du produit de la'vente, sera la remise à l'un d'eux, dans des
conditions extraordinairement avantageuses, de ce riche et florissant
patrimoine que représentaient les biensde la société filiale. Quela Cour
veuille bien ne jamais perdre ce fil d'Ariane: d'abord, elle aura ainsi le
secret de toutes les illégalitésqui furent commises pour s'ouvrir un
chemin au travers des multiples barrières, barrières de forme, barrières
de fond, qui, à L'égarddetout autreque Juan March, eussent étéinsur-
montables. Elle s'expliquera ensuite comment, pour tenter de justifier ces
illégalités,furent n6cessaires ce que la Cour me permettra d'appeler des
exercices d'acrobatie juridique, consistant à remplacer les préceptesde la
loi espagnole par des constructions juridiques inédites dans le monde
entier, au prétextedéconcertant, Messieurs,énoncé par la cour d'appel de
Barcelone dans un instant de véritéque,parce que la faillite de la Barce-
lona était prétendument un cas exceptionnel, il fallait luiappliquerun
droit assurément exceptionnel en ce qu'il était forgésur mesure et pour
les besoins de la cause.
Dans son arrêtdu 27 févrierrggr (A.N., val. III, p. 623),déjàinvoqué
par MeRolin dans sa plaidoirie. la cour d'appel de Barcelone, en effet,
dans une expression dont la Cour appréciera l'euphémisme,estimait

iique les questions complexcj qiii peuvt-nt se pojcr. pnncipnlernerit
dr inatièrc procédiirnle.doiwnt &tri.ri.solurs non pas en se b:tsdnt
sur le sens grammatical des préceptes légaux appiicables, mais en
int~~vrétant ceux-ci d'une ~ ~~ère rationnelle et en leur donnant
unec>rt:iineélasticité;cor autrement, ilscrnii tot:ilement irnposiible
de pouvoir instruire la ~rCsciite fiiillite. Ctant doriiiCles difficuliCs
ins&rnontables qui pouGaient seprésenter u.

Sans doute, l'arrêt ajoutait-il:
ritoutefois, ceci ne veut pas dire qu'il y ait lieu de faire abstraction
de ces préceptes que la loi établit pour la garantie des droits tant
du failli que des créanciers ».

hlais, après cette espécede coup ce chapeau à l'orthodoxie juridique,
l'arrêtconcluait:
iiil ne faut pas les déformer[ces préceptes] par une interprétation
qui serait en contradiction avec l'esprit de ladite loi, laquelle n'a
pu que viser A créerun ordre adéquat et rationnel dans la procédure
par laquelle est régiecette classe de procès, afin [ayez l'obligeance

d'écouter et de retenir. Messieurs] afin d'aboutir à une solution
pratique ».
Voilà donc les principes qui présidèrent àla poursuite de cette faillite:
les règles d'ordre public devenues tout à coup élastiques à raison de la
complexité, vraie ou prétendue, des questions qu'elles sont appelées à
résoudre:les vrécevtesIé~auxdevant êtreintemrétés.non obiectivement
en fonction dé1eu;conte~u et d'une manière qÙisoit.la mêmé pour tous.
mais subjectivement, eu égard aux particularités propres au cas d'un ~iist~ci.~beC d'u~iemaniCrequi rie r.aut que pour cc justiciable; 13fin. A
savoir I:\.alont: de doiirirr uiie solution pr;itiqi;LUcas de I'espéce,qui
liistifie les moyciis, c'est-a-dire la méionnüijs:ince des obstaclcs insur-
muiitables que sunstituent les textes ICg:iiix
Je dcinandc respeitucusemL.nt la Cour de bien voiiloir prendre acte
dc ce ~i.ç..elon la cour d'auu.. de Uarcelone. .13 .~uiirsiiitede la faillite
[le la I~~rceloiialurilii!t;totalenitnt impoisible - c'est elle qui I'a\.oue
-s'il nvsit f311iilui nppliqucr la loi csp,~gnoledans la ripirur de ses dis-
nositions. ;,tarit ~IonnClccliffiçiiltinsuriiioiitablcs ciiId sirnole obscr-
bation décette loi obligeait à surmonter.
Je résiste, Messieurs, à la tentation qui est grande, vous le devinez,
de m'étendre sur ces thèmes. Mais, ayant le privilège de plaider devant
des juristes renommés et d'une toute particulière compétence, il n'est
pas néce,jniri. n'est-il pas vrai- que je m';tende idémontrer com-
bicn cctte concrption de réglesd'ordre public à contenu vari;ible et qui,
d'une m;ini+rt.élastique.varient sui\'aiit la pcrsonn:ilitéde ceux auxquels
elles doivent êtreappliquées,constitue, à tous les points de vue, une-mo-
numentale hérésie juridiquequi vicie et qui condamne le comportement
de celles des autorités judiciaires qui n'ont pas craint de s'en inspirer.
Elle est inconciliable, Messieurs,à tous égards,avec le caractèrerigoureux
que le législateur espagnol, de l'aveu mêmede nos distingués contradic-
teurs, a attachéaux normesd'ordrepublic qui,enEspagne commeailleurs,
que je vais maintenant avoir l'honneur de démontrer, et, pour commen-e ce
ter, l'illégalitédes mesures préparatoires A la vente.
Toutes ces mesures gravitent autour de la nomination des syndics,en
tant qu'organes auxquels la loiréservela phase liquidatrice de la faillite.
D'aprks la loi espagnole, la nomination de cessyndics incombe à i'assem-
bléedes créanciers. Pour que ceux-ci puissent participer à l'assemblée,il
importe au préalable de savoir qui ils sont. A cet effet, la loi ordonne
au commissaire la formation d'une liste sur le vu de laquelle ils sont con-
voqués.Et cette liste, à son tour, doit êtrebaséesur les livres et sur les
papiers de la faillite.
Or. Messieurs, au début de septembre 1949s .oit dix-huit moisaprès la
déclaration de la faillite, l'assemblée généraldees créanciersne s'étaitpas
encore réunie. Or, la duplique (VII) est formelle; la page 562, elle
déclare:
a La réglementation en droit espagnol est claire ..:
En aucun cas, la réunion de l'assembléene peut avoir lieu plus
de trente jours après la déclaration de la faillite.

Et c'est ainsi ques'exprime en effet l'article 1062du code de commerce
de 1829.
Mais alors se pose la question, et la Cour, comme nous, ne manquera
pas de se la poser: si. obligatoirement. cette assemblée de créanc!er,s
devait se tenir dans les trente jours an plus tard, comment se fait-il
c'est-à-dire avecdix-huit mois et sept jours de retard? sept ]ours après.
L'argument vaut qu'on s'y arrête, car il est fondésur la présomption
que les organes judiciaires nationaux respectent leur loi; or. en l'occur-
rence, personne ne conteste que, normalement, ilappartenait au juge.
d'une part, de fixer la date de l'assembléeet, d'antre part, de la fixe: A
une date comprise dans la périodede trente jours suivant la déclaration31° BARCELONA TRACTION
de faillite. D'où l'indiscutable pertinence de la question: pourquoi cet
énormeretard? Le Gouvememêntespagnol qui, comme noüs le ;errons
tout à l'heure, hlessieurs, apprécie fortement les dilemmes, se trouve en
présence de celui-ci: ou. en-s'abstenant de convoquer dans les trente
iours du jugemciit declaratif I';tswnl,lécd:s crcançi;rs, le juge a coniiiiis
une illtcaliti; ou, s'11')a pas eu d'illégalit(,'est necc.ss~iiremcnqi1'11
\.a\.ait une iustincatioi3.ce retard et.trice <as. I~auellc? OiicI*Cour
beuille bien$ êtreattentive: à cette question, cePeidant es"sentielle,le
Gouvernement espagnol n'a jamais répondu clairement; il se borne à
essayer de refuter les raisons qui, selon le Gouvernement belge, empé-
chèrent légalement le juge, pendant plus de dix-huit mois, de se confor-
mer au prescrit de la loi; en revanche, ilsegarde bien de donner celles,qui,
selon lui, auraient expliquéun comportement s'écartant, sinon, des dis-
positions impératives de cette loi.
Or, s'il y avait eu, pour justifier l'apparente entorseapportéeàla loi,
d'autres motifs que ceux donnéspar leGouvernement belge. nouscroyons
maintenant connaitre assez les distingués conseils du Gouvernement
espagnol pour savoir qu'ils se fussent empressés non seulement de les
fournir. mais encore, et combien! ..de les développer. S'ils nel'ont pas
fait, est-il téméraire d'enconclure que, quoi que s'efforce d'en dire le
(M.,e1,no 165,sp. 77; R.,V,ruos153,ap. go) sont les bonnes, parce que les
seules possibles? Marquons ainsi un premier point.
Et marquons-en immédiatement un second. La non-convocation de
l'assembléedans les trente jours, pour êtrelégale,a nécessairement eu
une cause. Cette cause, par ailleurs. devait êtreindiscutable puisque non
seulement le juge s'en autorisa pour ne pas exécuter une disposition im-
pérative de la loi. mais au'il ne fuà aucun moment. au cours de cette
longue période,p;iéde r&gulariserles choses, soit par'le séquestreprovi-
soire qui, devant êtreobligatoirement remplacé par des syndics au bout
d'un ÜeuDIUS detrente ioürs. devait s'étonnerde ne oas i'étreencore au
bout he db-huit mois, <oit par les demandeurs àla f?fflite. intéressésau
premier chef à la poursuite de celle-ci.
Or, il a une évidence:c'est qu'à un moment, cette cause ou cescauses
cesserent d'êtreprises eu considération. Une seconde question, dès lors,
vient naturellement A l'esprit: cette cause ou ces cause- celles qu'in-
dique le Gouvernement belge ou ceiles que, jusqu'à présent, le Gouver-
nement espagnol n'a pas encore révéléee st qu'il tient peut-êtreenfouies
dans son carquois - ces causes, qui avaient empêché la convocation de
l'assembléependant dix-huit mois, quand et pourquoi ont-elles brusque-
ment disparu? Sur cette seconde question, que j'ai la faiblesse de croire
tout aussi pertinente que la première, le Gouvernement espagnol garde
un silence aussi prudent que significatif.
Voyons maintenant, Messieurs,quels furent,d'après nous, lesobstacles
qui empêchèrentune convocation.
laquelle le juge fixe la date de l'assemblée;et, ensuite, l'impossibilitéde
pousser plus avant la faillite et de statuer sur le recours de la faillie
contre le jugement de faillite, en raison de la suspension de procédureà
cause du déclinatoireBoter.
Et d'abord, si vous le voulez bien, l'absence de liste des créanciers.
La Cour pourra s'&tonnerdes développements que je vais consacrer
à cette question. CeUe-ci.en effet, au regard des illégalitésqui furentcommises, ne présente qu'une importance relative; il en est, d'autres
dont la rravité et les conséauencesfurent infiniment plus considérables.
Mais cepue cette question'fait ressortir - et c'est Ce qui justifie son
examen - ce sont, pour reprendre les termes de l'arret du 27 févrierde
la cour d'appel de Barcelone (A.M.,vol. III, p. 623). cilesdifficultés in-
s-~mont~bles ~~ aui rendaient totalement im~ossible l'instruction de la
faillit>S.désle niomcnt uù $:c.tt1;iilliteetait trair;~, coinnidmallieureuse-
riient elle l'a CtE,i i:i\.uir cuiiirnr:un? faillite s~.i1Croul:intexcliisi\.cment
à~ ~ ~t~ ~e~r des frontières nationales et sans considération aucune uour
la iiatioiialiti 6tr;ingèrc.dc In sociétciiiise en fnillit~~.
C'estainsi utir I'sjeiiibl~e des créancierjn'a pas kt6 convoquk suiv;int
les exigences ae la loi espagnole.
Que dit, en effet, l'article 1342de la loi de procédurecivile:

.Le commissaire présentera au juge la liste des créanciers du
failli qu'ia dû dresser dans les trois jours qui suivent la déclaration
de faillite, et, au vu de cette liste ...on fixera la date pour la réunion
de la première assembléegénérale ...a

C'est donc on ne peut plus clair et on ne peut plus formel: ,avant de
convoquer l'assemblée générald ees créanciers, et pour pouvoir la con-
voquer. il faut, au préalable, en établir la liste. Et ce l'est tellement,
blessieurs, que le commissaire estima ne pouvoir se dérober aux disposi-
tions impératives de la loi. Il dressa effectivement, le 27 février 1948
(R., V,no 152,p. 87; A.R., vol. 1.no33, p. 124).ce qui avait les apparen-
ces d'une liste, mais qui était à ce point insuffisante à tous les égardsque,
sur requête des demandeurs à la faillite eux-mêmes,le juge de Reus
l'invita à en établir une autre. Dans un écritdu 17 avril 1948, l'intéressé
-le commissaire - s'en déclara incapable (A.R.,vol. 1, no 34. p. 126).
Et pourquoi en était-ilincapable? Parce que l'article 1063 du code de

commerce de 1829dispose que le commissaire établit
«la liste des créanciersd'après ce qui résulte du bilan... Si le failli
n'a pas présentéson bilan, on établirala liste des créanciersd'aprhs
les renseignements résultant du grand livre et, dans le cas où celui-ci
n'existerait pas, d'après les autres livres et papiers du failli et sur
les indications que fourniraient celui-ci ou ses employés. »

Or. i\.lessieurs,il etait matériellement impossible Dour le commissaire
de se conformer à css dispositions imp;riiv<.s de 11 loi. puisqu'il 11's
avait, cn Espngiie, dnii.;le clic1 dc 1:ill:irsilonï, ni 1iil:iiiiiigr;iiid livre,
ni livres, ni papiers, ni employésde la Barcelona.
Le bilan ne fut donc pas établi par la faillie. Or. soutient la duplique
(VII) à la page 563. l'établissement de la liste des créanciers «dépend
principalement du fait que le failli ait ou non déposéson bilan ».

On le regrette pour la duplique. mais rien n'est plus inexact. et cette
inexactitude ressort, sanscontestation possible, dulibelléde l'article 1063
du code de commerce de 1829.
Cet article dispose, en effet, Messieurs:
.si le failli n'a pas présentéson bilan, [ce qui était le cas] on établira
la liste des créanciersqui doivent êtreconvoqués individuellement
d'après les renseignements résultant du grand livre, et, dans le cas
où celui-ci n'existerait pas, d'aprks les autres livres et papiers du

failli et les indications que fournirait celui-ci ou ses employés B.312 BARCELONA TRACTION

Ainsi donc, l'inexistence d'un bilan ne sublève en aucune manière le
commissaire de l'obligation qu'il a d'établirla liste. Mais comment établir
cette liste de la façon exigéepar la loi espagnole - dont, aux dires du
Gouvernement espagnol que j'ai rappeléstout à l'heure, les regles sont
d'ordre ublic -puisque la Barcelona, je le répète,n'avait, en Espagne,,
ni granflivre, ni livres, ni papiers, ni employés.
D'autre part, lorsque la faillite. comme ce fut le cas en l'espèce, est
déclaréesur requ&te,le failli n'aà établirun bilan que s'il enest préalable-
ment sommé.C'est ce que prévoit l'article 1060 du code de commerce de
1829: le failli sera sommé
«de dresser son bilan dans le délaileplus bref que l'on estime suffi-
sant, délai qui ne pourra excéder dix jours; à cet effet, on mettra à
sa dis osition. en présence du commissaire, les livres et papiers de
la failfte dont il aura besoin, sans les extraire du bureau".

Mais encore une fois, comment cette prescription aurait-elle pu
êtreexécutée des le moment où, pour en imposer le respect. les juridic-
tions espagnoles refusaient d'avoir recours à des commissionsrogatoires
3. l'étranger? Comment aurait-on pu, en Espagne, obliger la faillie à
dresser son bilan, en mettant à sa disposition, sans les extraire du bureau
et en présence du commissaire, ses livres et papiers précédemmentet
prétendument saisis, puisque en Espagne -je m'excuse d'y revenir -
la Barcelona n'avait ni livres ni papiers et qu'elle n'y possédait pas de
bureau? Comment, par ailleurs, dans un bureau qui n'existait pas, le
commissaire eût-il pu êtreprésent? Et comment. enfin, dans ce bureau
inexistant, eût-il pu assisteà la mise à disposition de la faillie de papiers
qui étaient égaiement inexistants et qui, pour ce motif, n'avaient pas
etésaisis?

L'audience,suspemit<e à Ir h ao, est repriseà rr h 40

J'ai donc déjàdit à diverses reprises - mais,vous savez que l,arépéti-
tion est une forme de l'6loquence - j'ai déjàdit à diverses reprises qu'il
n'y avait en Espagne, dans le chef de la Barcelona. ni grand livre, ni
livres, ni papiers, ni bureaux, ni employés.Et c'est ici qu'apparaissent.
dans toute leur clarté..le- inadmissibles violations des rèeles nubliaues
deImaginons mêmeque la Cour internationale de Justice en arrive à
valider l'extraordinaire extension de compétence que s'arrogèrent.les
autorités judiciaires espagnoles - quand je parle d'autorités judiciaires
espagnoles, je ne vise évidemment que cellesqui le firenteffectivement -
en déclarant la faillite de Ir Barcelona: c'est, per,mettez-moi de le croire
et, en conséquence,de le dire, une hypothèse difficilement concevable,
et ie l'avance uniauement pour en faire apparaître toutes les consé-
quences. --
Une chose serait, en effet, le droit pour le pouvoir judiciaire espagnol
de déclarerla faillite et une autre chose d'exécuterla décisionrendue et
de lui fairenroduire tous ses effetsiuridiaues. Pareille exécution ne neut
Ctre nbandLiinée au c:i,~ricet il'a;l,itra&e rlcseiis qui zrisont 'IKI;~~~~:
311c~iitrnirc. crux-'4 ont I'iinpl'ricuicot)li~.triii!r~,qIr.ctcrlei di.q~<.si-
tions rlu driiir uositif i.sriaenol aui r~~~sscnr1'vx;cutioii d'une <I;ci3iuti
de justice, c'esth-dire, en l'~ccukence,>elles qui réglementent la manière
dont doivent procéder lesdivers organes de la faillite. Et ils le doivent PLAIDOIRIE DE Al. GR~GOIRE 3I3

plus encore lorsqu'il s'agit de la faillite, précisémentparce que ces règles
sont d'ordre public. Dèslors,quand certains des actesàaccomplir doivent
l'êtreà l'étranger, ils ne peuvent pas s'en dispenser, mais ils doivent y
procéder à l'aide des seuls moyens admis par le droit international privé
de tous les systèmes juridiques, et notamment à l'aide de celui qui l'est
par le système juridique espagnol.
Car, Messieurs, l'envoi de commissions rogatoires est prévu par la loi
espagnole; ilest prévud'abord à l'usage interneet il yen a une illustration
dans notre espèce,puisque le juge de Reus, dans son jugement du 12 fé-
vrier 1~48 ,vait envoyé une commission roeatoire au doven du tribunal
de première instance de Barcelone pour opéyerla saisie désbiens. livres.
papiers et documents de toutes sortes de 1'Ebro et des autres sociétés
filiales.
L'envoi de commissions rogatoires est également prévudans le droit
espagnol àl'usage externe. L'article 300 du code espagnol de procédure
civile s'exprime en effet comme suit:
~Lorsqu'il y aura lieu,d'effectuer une citation ou un autre acte
judiciaire (diligencia) dans un pays étranger, on adressera des com-
missions rogatoires par la voie diplomatique ou par la voie et dans
la forme fixéespar les traité..i,

Pourquoi dès lors n'avoir pas envoyé une commission rogatoire à
Toronto au siègesocialde laBarcelonaen vue de saisir leslivres et papiers
de la faillie afin que ces livres et papiers àila disposition du commis-
saire lui permettent d'établir cette liste des créanciersdont je vous ai
parlétout à l'heure.
Lejuge de Reus connaissait parfaitement l'existence de cette procédure
puisque, le g avril 1948s ,e prévalant de la convention aiiglo-espagnole
du 27juin 1929 é,tendue au Canada le ~j juin1935 -la Cour trouvera
ce document à la page 491 du volume IIdes annexes au mémoire - le
juge de Reus envoyait une commission rogatoire au tribunal de Toronto
pour le prier de signifierà la Barcelona oà titre d'information surabon-
dante), (et dans ma note, hfessieurs, j'ai missic)les saisies opéréesen
Espagne.
Pourouoi une commissio~ ~oea~Ui~ ~Dour une sim~le information, et
p:~rsi~rcrnitil~rnbond:~iite~tP;ISile cu;iliniiiiurl ro~atoire pour la s:iisie
dc Ii\.re:et Jocum~iits. mesur,: iiidisnt iisnhlc nu dirniilémcnr de la
faillite?
La raison saute aux yeux, n'est-il pas vrai? C'est que si les autorités
judiciaires espagnoles avaient observéleur loi, c'est-à-dire si le tribunal
de Toronto avait reçu l'invitation du juge de Reus de saisir, au siègede
la Barcelona, legrand livre, les livres et antres papiers, il est clair que la
vérificationlaplus élémentaire à laquelle le juge canadien eûtdû procéder
l'aurait amené à conclure au caractère illégitimede cette invitation: il
aurait donc dû la déclineret l'assemblée généraldees créanciersn'aurait
jamais pu êtreconvoquée.
Elle eut cependant effectivement lieu le 19 septembre 1949 (hl., 1,
no 175,p. 80). Or, il est absolument constant qu'à cettedate. les organes
de la faillite n'avaient pas leur disposition les livres et papiers de la
faillie et n'avaient mêmetenté aucune démarche pour qu'il en aille
autrement.
Cependant, et je m'excuse encore d'y revenir, mais c'est la base de
mes raisonnements, la liste des créanciers, suivant le prescrit de la loi3I4 BARCELONA TRACTION
çspagiiole. ne peut Ctreétabliequ'au vu des livres et Jocuinznts du failli,
et I'asscmblCene peut étreconvoqu>e yu'r<prt\s1'ét:iblisseiiieiitde cettc
liste; or, ila date du Suctul)re 10.m. Ic.commisairl; avait si peu ces livres
et documents à sa disposition, qu'il faisait, ce jour-là, une Sommation à
la faillie, qui, dans la thèse du Gouvernement espagnol - et tout à
l'heure, illessieurs, je vous demanderai la permission de dire ce qu'il faut
en penser -, avait notamment pour objet de les lui remettre (A.M.,
vol. III, no 161,p. 630).en manière telle que, Messieursde la Cour, aucun
raisonnement juridique, si subtil et si savant qu'il puisse être,ne pourra
aller à l'encontre de ce fait qu'il était matériellement impossible que
l'assembléedu rg septembre ait eu lieu sur convocation faite au vu d'une
liste qui, pour êtrevalablement dressée,ne pouvait étreétablie que sur
la base de livres et documents,, puisque ces livres et documents - je
vous rappelle l'assemblée: rg septembre -, au 8 octobre, soit trois se-
maines après, faisaient encore défaut.
Et comment la duplique essaie-t-elle de se dégager de cet indiscutable
mauvais pas?
Primo: elle soutient tout d'abord que les créanciersont étéconvoqués
par la voie des journaux, et mêmede journaux paraissant à l'étranger.
Et ce n'est pas là la question. Avant de convoquer I'assemblée,dit la loi
espagnole. il faut établir la liste des créanciers,~uis convoauer ceux-ci.
Li c6nvocation des créanciers par la voie de joÙrnaux ne rCmplace évi-
demment pas l'établissement de la liste des créancierset nepeut sesubs-
tituer à une convocation individuelle; au surplus, la convoëation par la
voie de la presse, elle est prévuepar la loi espagnole, mais elle ne peut
avoir lieu, aux termes de l'article 1342 de la loi sur la procédure, qu'à
l'égard descréanciers qui fiarent sur la liste ad hoc.mais dont le domicile
ej~iiicuiiiiu. En m;iriit?itcilcquc, rluçllçque suit I;façon dont on aborrlc
la questiori,ileii résulteqiic I'r'tiil~lisseri<rteI;liste des crCanciersdoit
précéderla convocation ët que celle-ci n'a lieu qu'après et en fonction
de la liste.
Permettez-moi, Monsieur le Président, de répéter, pourêtresiir de ne
commettre aucune erreur et au'il n'v ait aucun malentendu dans votre
esprit: quelle que soit I;iin:iiii$redont on ;ibortle la questicii. IIen rCsulte
(III<I'ét:iblissementde 1;liîtc doit j,r;céili:rla con\,ocatioii ~IIC,.L,llr-<.i
n'a lieu qu'après et en fonction deFette liste: première réponse.
Deuxiéme réponseou plutôt deuxihme objection du Gouvernement
espagnol: il soutient - mais il faut passer à la page 568 de la duplique
(VII) pour découvrirl'argument - que

elorsque sommation a étéfaite à la Barcelona Traction de remettre
priétaire (ce qui inclutlogiquement les livres et documents), elle s'y
est...refusées (D., VII, no 518, p. 568).

Trois objections principales - il en'est d'autres, mais j'en épargnele
développement à la Cour - peuvent êtrefaites à ce soutènement.
D'abord, j'ai déjàrappeléque l'assemblée s'esttenue le 19 septembre
1949 et que la sommation litigieuse n'a été faiteque le 8 octobre qui a
suivi. L'illégalitéde la convocation ne peut donc résulter du prétendu
refus d'obtempérer à la sommation, puisque la convocation a précédé la
sommation, en sorte que, lorsque la sommation a été faite,l'illégalitéa
étédéjàcommise.
Au surplus, la notification du 8 octobre 1949ne contenait pas somma- PLAIDOIRIE DE hl.GR~GOIRE 315
tion àla faillied'apporter au commissa;re sesliyres. papiers et documents,
parce que, si pareille sommation avait étélaite. eue eût enfreint deux
choses, hlessieurs de la Cour; elle eût enfreint et ce qu'ordonnait le
jugement du 28 juillet 1949 (A.M., vol. III. no 153. p. 600) et ce que
commine la loi espagnole.
Que disait d'abord lejugement du 28juillet 1g4g?Je le cite:

iiPuisque l'entité faillie n'a pas présentéle bilan généralde ses
affaires... il faut ordonner, conformément à ce qui est disposédans
l'article1060duCode de commerce, qu'ellel'établissedans un délaide
cinq jours en lui donnant acc&s, à cette fin, en présencedu cornmis-
saire, aux livres et papiers de la faillite qui lui sont nécessaires,sans
les sortir du bureau..ii(A.hl., vol. III, no 153.p. 601.)
C'était,Messieurs. la reproduction littérale de la loi. Mais encore une
fois, comment ce jugement pouvait-il êtreexécuté enEspagne? Je l'ai
déjà dit; c'était matériellement impossible. Le jugement disait qu'il
faliait donner à la Barcelona Traction accès à ses Ijvres età ses papiers
sans les sortir du bureau. Blais la Barcelona n'avait en Espagne aucun
bureau! Elle n'y avait ni livres ni papiers! Le commissaire ne pouvait
doncaccomplir le rôle qui lui étaitassignédèslorsqu'il devait se dérouler
en Espagne, car la loi espagnole - comme toutes les lois du, monde,
hlessieurs de la Cour - suppose des êtres de chair et des réalitéscon-
crétes,et n'a nullement prévu une procédure poursuivie par des fantômes
dans le royaume des ombres!
Le jugement du 28 juillet 1949édictait par ailleurs que, pour le cas où
la sociétén'établirait pas son bilan, <<lesecrétaire en rendra compte
lorsque expirerale délaifixéa,finqu'on décidecequ'ordonnel'article 1061
du code de commerce de 1829~).Et quedit cet article 1061?

«Dans le cas où ..le faillin'établirait pas le bila...le tribuna!
nommeraiminédiatement,pourcef anicernmergant expérimente
en lui fixant un délai... qui ne pourra dépasser quinze jours,,et à
cette fin on lui donnera accès aux livres et papiers du failli, en
présencedu commissaire et dans le bureau même. u
En sorte que vous voyez que tout concorde. La loi espagnole est for-
melle. En ce qui concerne les livres et papiers, elle ne donne d'autre droit
aux organes de la faillite quede les consigner dans le bureau du failli, d'y
avoir accès, mais dans ce bureau, et d'en prendre connaissaiice, mais
toujours dans ce bureau, c'est-à-dire sans déplacement.Et le juge spécial,
dans son jugement du 28juillet 1949, VOUS le verrez, Messieursde la Cour,
dans Yotre délibéré,n'avait pas dit autre chose: il s'était conformé
strictement aux impératifsde la loiespagnole.
Que disait d'ailleurs, car je vais vous le démontrer, la sommation faite
par le commissaire le 8 octobre 1949et qui est reproduite à la page 630
du troisième volumedes annexes du mémoire! La sommationsommait la
Barcelona Traction de remettre au commissaire tous les biens, valeurs et
effets quisont sa propriété. Ellene parlait ni de papiers, ni de livres, ni de
documents. Les mots ibiens, valeurs et effets incluent logiquement n.
soutient la duplique (VII) àla page 568, Rles livreset documents u.Maisje
crois vous avoir démontré quec'est très exactement le contraire que dit
la loi, celle-ci soumettant les bienà un tout autre régimeque les livres
et papiers, ceux-ci ne pouvant êtredéplacés,devant rester dans le bureau
de la faillie.31~ BARCELONA TRACTION
En sorte que, finalement, de deux choses l'une: ou la sommation du
8 octobre 1949c ,omme c'est le cas, n'a pas porte sur les livres. papiers et
documents; comment, dés lors,le Gouvernement espagnol peut-il s'en
prévaloir pour die que si la liste des créanciers n'a pas été établie
conformément à la loi, c'est par la faute de la faillie?
Ou bien, autre branche du dilemme, la sommation du 8 octobre 1949,
tout en ne le disant pas. aporté surles livres, papiers et documents; en ce
cas, la sommation aenfreint non seulement la loi, mais les dispositions du
jugement du 28 juillet 1949qui se référait expressément à la loi et qui
se bornait expresszs rrerbzA ordonner uniquement ce que la loi permet
d'ordonner et ne prévoyait enaucune manièrele déplacement de livres et
papiers.
J'espère êtreassez clair, Messieurs. Si je suis clair, tout ceci doit
démontrer l'illégalitéde tout ce qui s'est fait. Mais allons plus loin,
Messieurs, et admettons mêmece qui n'est pas. Je 'viens de vous le
démontrer et vous reverrez, Messieurs, dans votre délibéréc,ombien ce
raisonnement est rigoureux. Admettons même-ce qui n'est pas- que
la loi espagnole dispose que le failli aurait l'obligation d'apporter ses
livres et apiers et de les transporter de son bureau dans le bureau des
organes & la faillite. Une compétencelégislativeet juridictionnelle aussi
étendue serait-eile conforme au droit international? L'Etat espagnol
pourrait-il en imposer directement le respect à un débiteur étranger et
domicilié l'étranger?Et pour prendre tout de suiteun exemple concret:
serait-il raisonnable d'admettre que 1'Etat espagnol pourrait, sans
enfreindreles limites desa comoétencesur le ~lan international. obliee"
dirc~~tein~iit j'iiisi:re, \leiiie;rs, siir cet ;id-.>une s0~ii.t; coiiiiiie
ln Brirç~loiinTrnctiun i frcter iiiii.ivirIi-ur~xy;~liir à )<VU; IL;i~ti~l-
ques centaines de tonnes que représentâient toüs les livres, regisires,
archives, papiers et documents qu'elle détient à son siège social de To-
ronto?
Je crois pouvoir dire, llessieurs, que poser cette question, c'est en
mêmetemps et du mêmecoup y répondre.
En sorte que, et contrairement à ce que soutient la duplique: primo,
il n'y a pas eu le 8 octobre 1949sommation à la faillie de remettre aux
syndics ses livres et papiers; deuxièmement, cette sommation, à la
supposer existante, eût d'ailleurs ététardive; troisièmement, pareille
sommation. àsupposer qu'elle ait dit ce que l'ou essaie de l'autre côtéde
la barre de lui faire dire, eût violé les dispositionsde la loi espagnole et
n'eût pas été conformeau. prescrit du jugement espagnol et, enfin,
quatrièmement et de toute manière, elle eût été sansvaleur sur le plan
international.
La duplique soutient enfin (VIXp , . 563que, le 16septembre 1949s, oit
trois jours avant l'assembléedu 19, le commissaire a présenté une liste
l'établissementde la.listeà,cette date comme une preuve de ce que la loi
espagnole aurait étéobservée ne résistepas à un examen mêmesommaire.
Que dit la loi: la liste des créanciers doit êtredresséed'après ce qui
résultedu bilan ou,sinon, du grand livre ou des autres livres et papiers du
failli. C'est au vu de cette liste que l'assembléedoit être convoquée.La
liste doit êtreétablie avant la convocation et non après. Dès lorsque la
convocation a étédécidéepar le juge spécialdans son jugement du 28
juillet 1949et que la liste n'a étédresséeque le 16septembre,sans qu'au
préalableles livres et papiers du failli aient mêmefait l'objet d'une tentative de saisie, il estévident, n'est-il pasvrai, que la loiespagnole n'a
pas étérespectée.
Aussi, un peu piteusement il faut bien le dire, la duplique (VII) en est-
elle réduiteà soutenir, à la page 562, que «l'établissement de la liste des
créanciersn'est pas une Icondition sine qua non n; c'est une condition de
pure fome que l'onrespecte lorsqu'ilest possible de le faire ».
Une nouvelle fois, Messieurs, il s'agit là d'une pure allégation de la'
duplique et qui ne peut troiivcr aucun appui dans aucun texte légal.Les
dispositions de la loi sont formelles; elles imposent aux organes de la
faillitedes devoirs dont lesdits orranes. .a. le fait mêmeoue les rèeles
qui Icsidicti.111oiild'or(lrepublic,'ncpcuvciir t?<liîj)ciii~r;Cllesiicdii;nt
iiulic 1Mitqu'elle.;nL.doi\.cnt ;tic ;~l)pl~iliicq.i;Fi <:Ilcspciireiit I'i,trc.
:\IIiiirnliii. si lrcrlcjnrL:\.uesnc i>oiii.ii,.iit Ct.. aoAliou.cs. 1.1niiiiiitiii.
car vohs leverrez. fiess;eurs, lorsq;e vous examinerez les textes, je peu;
parler de minutie, qui a présidé à leur confection démontre qu'en cecas
elles eussent étérem~lackes Dar d'autres aui auraient été C~alement.,
fixéespar le 1égislateÙrespagnol. Comment d'ailleurs concevoir qu'une
procédured'ordre public, comme celle de la faillite, puisse êtreinstruite
d'une manièrelaisiée à l'arbitraire de sesorganes?
En réalité,par le fait mêmeque les règlesespagnoles n'opèrent aucune
des distinctions qu'all6gue la duplique et qu'elles ne prévoient aucune
exception, elles présunient par une présomption iziris et de jurqu'elles
peuvent l'être.
Et de fait, Messieurs. dans le cas de la Barcelona tout spécialement,
d'utiliser ce dont Juan March précisémentne voulaitte coiidàtaucun prix,elàe,
savoirl'envoi de commissions rogatoires àToronto.
La Cour consentira à me pardonner, je l'espère,d'avoir exposé aussi
longuement cette abserice de liste de créanciers. C'est que, je crois
pouvoir le dirc, elle met particulièrement en lumièrel'inexactitude de ce
que soutient la duplique (VI) à la page 314. à savoir, ((lecaractère'stric-
tement territorial [voiis entendez i'adrerbe] des dispositions de l'ar-
ticle 1044 du code de commerce de 1S2gi).
hI. le bâtonnier \'an Ryn a déjàmagistralement démontré,dans une
précédenteplaidoirie (sz~pra,p. 138 et sui\..), que le quinto de cet ar-
ticle 1044, qui vise la piihlication de la faillite, devait nécessairement
obliger à une exécutionextra-territoriale dèslors que, conime en l'espèce,
le faillin'avait en Espagne aucun domicile.
Il en est de mêmedu tertio dc cet article, qui vise la saisie deslivres,
papiers et documeiits du failli, et de l'article046,qui règle lesmodalités
de cette saisie. ccAucune de ces dispositions n'aurait de sens,,, affirme
froidement la duplique (VI) à la page 315, .si l'on voulait les exécuter
Iiors du territoire sur lequel s'exerce la souveraineté de l'Espagne a.
Mais, Messieurs, la vérité,au contraire, c'est qu'elles n'auraient abso-
lu-nt aucun sens si elles devaient êtreexécutéesen Espagne, car elles
seraient matériellement inexécutables, dèslors que les livres, papiers et
documents viséspar elles se trouvent légitimement à l'étranger, c'est-à-
dire dans le bureau dii failli età son domicile. En manière telle que
I'allérationsi oéremotoireet nelaissant dace àaucuneéchaooatoire de la

de la liste des créancierset à'ia convocat'ion.tout ce oui. var référence à
ces règles.fit ordonnéiektivem&t à l'étabiissementdu.&lan exigeaient31~ BARCELONA TRACTION
impérieusement. inéluctablement. sous veine de ne vouvoir être en
auiune manière accomplis, le récours & des commiSsions rogatoires
adressées à Toronto.
Et ie crois, Messieurs. sans troD m'avancer. ouv voirdire aue les
organcs de la faillite l'avaient pdrfnitemznt compris: c'est, i no& sens,
une des c.xplicatioiisdc lcur biiormeretard. sinon inexplicnble, à ;il~pliqucr
les dis~ositions inii>Crdtivesde la loi: mais d'ou. :,ussi. nuand Iricour
d'appd de ~arcelone, dans son triste arrêtdu j juin '14~ q~ e.vous
commentait tout l'heure Me Rolin, les invita à passer outre (R., V,
no687, p. IO), l'illégalitéet l'arbitraire de leurs actes.
Je viens de dire, Messieursde la Cour, que c'étaitla une des explications
du retard. J'ajouterai tout de suite que la cause majeure et absolument
décisivequi s'opposait à la nomination des syndics résultait du déclina-
toireBoteret du caractèrenonirrévocabledu jugement déclaratifdefaillite.
Mais mon très distingué confrhre, hl' Henri Rolin. a remarquablement
traité ces questions (supra, p. 250et suiv.) et je m'en voudrais d'infliger &
la Cour une répétition beaucoupmoins bonne de son argumentation; je
passerai donc à un autre sujet.
Avec votre vermission, Monsieur le Président. ie .,ur.uis l'examen de
In n1nnii.r~c.lont se dCroul6rent les opcrntioiis préparatoires:ila vente.
L'~issciii1iléceles~.rCanciersayant donccté convoquéeeri ~ioldtion des
dis~ositiuiii di:I;ilui cj~arcnole. \,oili les svndics iioniiiiés.La Cour sait
qu?ls étaient trois et qÙecouscestrois avalent étédésignéspar les votes
du groupe hfarch (M., 1,no 174, p. 60). Il s'agissait donc de personnes sur
lesquelles Juan hlarch pouvait compter. Le premier soin fut d'ailleurs de
s'assurer le concours permanent de cet autre homme de March et qui. en
cette qualitéavait, si je puis dire, fait ses preuves, à savoir hl. Gambus,
le séquestre provisoire sortant. Les syndics le firent immédiatement
nommer comme directeur généralde 1'Ebro et des autres socidtésauxi-
liaires. (R., V,n026,p. 17,etno87, p. 51 et note 1.)On étaitentre amis et
on se rendait des services d'amis. Les syndics, d'autre part, allaient
parfaitement justifier la confiance que lcur avaient faite ceux qui les
avaient investis.
Et il en fut d'abord et particulièrement ainsi en ce qui concerne l'ad-
ministration des biens saisis, car cette administration par les syndics
présenta cette double caractéristique qu'en des matières importantes.
tantôt ils firent ce qu'ils n'avaient pas le droit de faire et tantbt ne firent
pas ce qu'ils avaient l'obligation de faire. Et la Cour ne s'étonnerapas si
groupe March et que ce qu'ils avaient l'obligation de faire, et qu'ils nedu
firentpas,l'était en faveur de Barcelona.
Que firent-ils, Messieurs, qui leur était interdit?
I:n('OUT SC iuli\~ieii~liue le luge de l'<eusavait coiif(.rGaux organes de
1:if:iillite, sur Ics hiéiisde la f:~illivsitués Toroiito, cc qii'il avait appelé
c la po;scsîiori iii6di:ite et civilissn.c
Lë séauestre vrovisoire s'était contenté de cette oss sessionfantoma-
tiqii~.t!;i':t\.iÎ~iit~aucunrd~:ninrchrpo~ir la conv~;tir cn qut:lque cliose
de pliis tniigihlz: iii:iis Ju3n \larchlui. en t,iit1111~fiitur ndjuJiiarairc,
vçill.iitiliiipoii\,nii se i;itiàfaiilcsctte iiuhiilosit2.il Iiiif.ill.,it po~i\~oir
cliîlxi%<(rLt.itrcssconcret;, de titres p~lpnblcs.(le titre; rcyré;eiit:ilifs des
I~icn;sur ICS~IIC iSn\.nit let; ion d6volu.
Les syndi&, pour répondre ce vŒu, auraient dù normalement user
des voies légalespour essayer d'obtenir au Canada la possession destitres qui s'y trouvaient. Ils n'y songèrent évidemmentpas un seul instant car,
pour parler comme l'a fait l'arrêt dela cour de Barcelone du 27 février
1951, ils se fussent heurtés à plusieurs difficultés insurmontables, et
toujours selon le vocabulaire du m&me,il fallait donner à ces 'difficultés
iiune solution pratique*: aussi les syndics n'hésitèrent-ils pas; sous le
couvert de leurs pouvoirs d'administration. ils décidèrent - tout simple-
ment. comme si cela allait de soi - de fabriquer de nouveaux titres en
remplacement de ceux qui existaient et, touiours sous le couvert de
yuii\.oirs d';iciiiiiiiistrdtiuii. Ii~~it~r~iip;i< à iinlurnliser eqi~gnulrj
1,:s auiiCtCsi~ii~iciiciiiir~e:i reiiiplnrt rIci rcgisti~.s d'actioiii p.Idc
nouveaux, en spécifiantqu'ilne serait tenu aucun compte des inscriptions
qui figuraient dans les vrais.
Telle est, Monsieurle Président, Messieursde la Cour, la manièreextra-
ordinairement extensive, et dont MeVan Ryn (supra, p. 226 et suiv.) a
démontrétous les aspects illicites, dont les syndics entendaient leurs
pouvoirs d'administration quand il s'agissait de favoriser les desseins de
-TuEt comparons maintenant, si vous le youlez bien, cette extraordinaire
extension avec la manière - elle aussi extraordinaire - mais extra-
ordinairement restrictive dont les mêmes pouvoirsfurent utilisks par eux
quand il s'est agi d'accomplir les tâches que la loi impose iltous les
syndicsrnais qui, cette fois, eussent étedenature à contrarier JuanMarch.
Car, pendant deux ans, les syndics ne se préoccupèrent à aucun
moment de faire ce qui constitue cependant l'essence mêmede l'admi-
nistration de lafaillite,à savoir, notamment,mettre sur pied un plan de
récu~érationdes créaiicesque uossédaitla faillie de manière à lui Der-
iiirttrc,lc jvur \Y iiidc renilioiii;<r ses ~l~tresJi.dis Ic jour vrriii i>,'c.,r
tout 11,iiiuiidtc;t il':<.<>r dolir dirr (III:~ritquc Icjiixciiiciit dl:c~lnr~nr
I:i f:iillitc n'&rait po~lcvt.iiiirrc'\.ocable, le p:iicnit-ndcs d~rrrs ;tait
suspendu. . .
Or, je crois pouvoir démontrer à la Cour que si les syndics s'étaient
acquittés de ce devoir qui, dans leur chef, était élémentaire,tous les
créanciersauraient pu être.le moment venu. rembourséssans qu'il soit
nécessairede vendre les biens. et dès lors,Messieurs,mais c'est là l'essen-
tiel, sans que Juan March puisse s'en rendre acquéreur.Car cequi frappe
quand on étudie cette affaire au point où j'en suis venu, ce sont deux
choses. La première, c'est l'étatde la trésoreriedes sociétés saisies.Rien
que dans les caisses de l'Ebro, et à s'entenir à un document quede l'autre
côtéde la barre on ne pourra pas réfutercar c'est lebilan au 31 décembre
1948(nouv. doc. no 13) dressé par le conseil d'administration mis en
place par M.Gambus, le s4questre provisoire, les syndics allaient trouver
156 millions de pesetas immédiatement disponibles, ce qui leur aurait
permis, au moment où l'état procédural de la faillite l'eût autorisé, à
régler l'intégralité desintérêtsarriérés - ce pourquoi précisémentla
faillite fut déclarée-, lesquelsintérêtss'élevaient alors à 115millions de
pesetas. Que de sociétés, Messieursq ,ue personne ne songerait àmettre en
état de faillite, qui seraient heureuses, n'est-il pas vrai, de connaître
pareillesituation!
Sansdoute, par suitede la déclarationde faillite, et en plus des intérêts
échus,le principal de la dette était devenu, lui aussi, exigible, alors que,
sans la faillite, il ne l'eût été queprogressivement au cours des vingt-cinq
années à venir. Maisprincipal et intérhtsarriérésne représentaient encore
autotal, àla date de la déclarationde faillite, que 371millions de pesetas, 3Zo BARCELONA TRACTION
alors que la Barcelona et sa filiale International Utilities étaient titulaires

de créances exigibles immédiatement ou à très court terme pour un
montant total de quelque 550 millions de pesetas (comparés avec les
371 millions de dettes) : il s'agissait en effet des amérésd'intérêts surles
obligations émises par 1'Ebro - 7 400 ooo livres sterling - et de la
crkance d'International Utilities sur Ebro: zB500 ooo do.lars (nouv. doc.
no 13).
. Pour le dire en passant, Messieurs, tres curieusement, mais aussi très

significativement, ces deux très importantes créances, 550 millions de
pesetas, avaient étéomises par les syndics dans leur inventaire alors
qu'elles figuraient dans le bilan au 31 décembre 1948 établi par les amis
du séquestre provisoire.
En tout cas, Messieurs, à ces deux titres déjà. les créances que les
syndicspouvaient recouvrer dépassaient d'environ 180millions depesetas
les sommes dont la Barcelona était débitrice. Encore une fois, heureuse

faillite et heureuse faillie, et que bien des non-faillies envieraient, que de
pouvoir seprévaloir d'un tel excédent.
Le Gouvernement espagnol objecte que si les syndics s'étaient avisés
de recouvrer les créancesde la faillie sur ses filiales, celles-ci eussent été -
je cite ses termes: «frappées à mort ». II s'agit, encore une fois, d'une
affirmation purement gratuite et qui ne peut invoquer aucun document.
Au contraire, Monsieur le Président, Messieurs, et c'est la deuxième des

deux choses quifrappent en cette affaire, il est typique de constater que,
dans les milliers de ~iècescommuniauées Dar le Gouvernement esoaenol.

sur pied un plan de recouvrement de ces créances, fondésur une étude
a~..ofondie des ~ossibilitésfinancières des filial~ ~débi~r~ces. ~ ~ ~ ~
Il5 n'ont 1~1s iiittrrog: ~:*.IIX tlii'i:i\.:iirriitii,:i l:>tGtc(IV? fiIi:,l~:pur
Iciir ~lriii:iii<lf.rIdori financier que cillcc-ci pourraiiiit i.,ir,. Et us, <iiii

$)nt c.oiisuIt6 i ttut propos - vt i~i:.ni~. :ru)> l>oiiv,ir dirL 1,:irfoij Ilor,
dr ~)rt>pon - Iorq~i'll 5.~51 agi de fair<,cc rlu'ili II? pou\.lit:iit ~.LS i.,iit.il;
n'unt dcni:iii\l(. iii .iiiiiii;x\.isluridi<liic ni .iiicun conieil fininciCr >ur IL,
point de savoir si et comment ies filiiles, auxquelles on avait fini cepen-
dant par reconnaître une personnalité juridique distincte, auraient pu,
le cas échéant - c'est-à-dire si leurs movens financiers Dropres avaient

pu, dis-je, emprunter, court ou à long terme, pour combler cette éven-
tuelle lacune ou cette éventuelle différence.
Car que la Cour veuille bien ne pas se laisser abuser. Pour éviter la
vente, il n'était nullement nécessaire que les syndics exigent des filiales,
du jour au lendemain, le remboursement de ce qu'elles devaient à la
faillite. La raison en est simple et elle est en mêmetemps décisive:

l'auraient-ils mêmevoulu, les svndics eussent étédans l'inca~acité de
pruc.CcIera11p,iit.iiic rit81cscr4ati>cs ~111i~cq11la ~IIJ-~ .1,l,ro~.Af~~r(t1 ,,.l:i
fi111 i rut ce rciiibuiir;t.tiitiit ét;iit >iiip<-nduc et qu'cllc nv
s'oii\rir, coninie \.ou; 1';irniiiii>l.\le I(olin. iiii'ciirc,O i - tit~iiçi,iiiiiits,
pour le moment, en 1949. -Les syndics auraient don> eu largement le
temps pour mettre au point un programme de remboursement basé sur
les possibilités des filiales.
Et cttl;~.~.'q:stun pniiit iiiiport:irit ;:Cr IC <.iiip;. voytz-\.ous, tr~v.iill.%it

cii f;ivcur de In Rarc.~.lon.ict ilc ici iili:.lc.i En eflet, ainsi qu'il ressort clairement du rapport desexperts consultés
par le Gouvernement belge, MM.Gelissen et van Staveren, si l'industrie
électriqueen Espagne se trouvait, d'une manière générale - pas seule-
ment dans le chef des filiales de la Barcelona - pendant les années
1946-1949, dans une situation un peu difficile, due à l'inflation et à
l'inadaptation destarifs d'électricitéqui en résiiltait, la certitude existait
au'il serait ort téremede à cette situation à ~lus ou moins bref délai
(nouv. doc. 2 6. p. 45 et suiv.).
11est particulièrement révélateur à cet égard queni le Gouvernement
es.-enol ni ses exoerts Peat. Marwick. n'ont eu la curiosité. afin d'en
f:iir,: prvlitl:,~tur, d cxamiiicr les rL:sult:itsJc.iaiiii&eii~)jict 19jr,
qui cusîiiit ccp:iid:irit étép:irticu!i&reincnt intt:resiants car ils eussent
..rmis .i1;CGII~ -- et i'vrcvic~i,Ir.iidans uneautre: r~l.iidoiri- d'a..~rL'-
iicr la situation riclle Jg~a Ij~rceionsu moiiicrito~irsi~n<~icssoutinrciit
tout à coup que In veiitc du p:itrimoinc s';ivL:rnitd'uiic urgente ii;:cesjité.
Le GouGerÏnementbelge, vous le savez déjà,a pu comblër cette lacune.
Dans le rapport des professeurs Gelisxn et van Staveren. ceux-ci ont pu
établir que les bénéficesnets des filiales, c'est-à-dire les bénéficesqui
devaient, dans leur intégralité.revenir à la Barcelona, se sont élevés à
quelque 90 millions de pesetas pour l'année 19jo. à IIO millions pour
l'année1951, soit zoo millions de pesetas pour ces deux seules années.
Or. en 1448. les bénéficesnets s'étaient élevés à a. .ane -" millions de
peSetas (no&. doc. no 6, p. 60 et suiv.).
Cetteaugmentation des profits du groupe en Eygne,s:é'ait d'ailleurs
traduite Dar une~ ~ ~mentation con~~dérabledes~~s~ ~ibiiitésde 1'Eb~~
soit en ciisse, soit el banque; cllcs &taient passéesde quelque 156 mil-
lions de pesetas en 1948 àplus de 266 millions de pesetas à fin 1951.
Nais, dit le Gouvernement espagnol (D., VII, no 531, p. 582 et suiv.),
ces fondsn'eussent pu servir à réglerla créancede la faillie car ils étaient
nécessairesau financement par les filiales de leurs travaux d'expansion.
Non seulement le Gouvernement espagnol n'apporte aucun chiffre à I'ap-
pui de cette allégation, mais il résultedu rapport mémede ses experts.
Alal. Pcat et Blarwick - la Cour verra ceschiffres àla page411 du premier
volume des annexes à la duplique - que les filiales avaient fait, en 1948
et en 1949, des investissements équivalant respectivement à 6 456 ooo
dollars et 7 233 000 dollars - soit, au cours adopté par MN. Peat et
3larwvick.à 7s et 80 millions de pesetas environ - soit sensiblement les
mémes,investissementsque ceux qu'elles avaient effectuésen 1947.et qui
s'élevaient à 7 043 000 dollars. Par ailleurs, suivant les experts Gelissen
etvan Staveren (~iouv.doc. no6, p. 94 etann. 17).les investissements du
groupe, pour la périodede 1947 à 1951, s'étaient élevés à environ 300
millions de pesetas qu'elles avaient, nfessieurs, et je fais appeàtous ceux
qui ont le sens des affaires et qui pourront apprécier l'importance decette
précision, ces300 millions ellesles avaient tirésde leurspropres fonds.
En sorte que c'est aprks avoir financéavec ses ressources prop.es ,es
tra\.niix coii~id~r;thlcs~'expniiîioii que 1'Ebro(lispoînit cncorrt criplus.
en cnisict.1ru baiiiliie. (le 260 millions de péset3s.Et In('oiir nppieridrn,
par Icrappfirt de 5111.(;rliistn et van Sia\.ereii, (:~IICil'aille~iritous les
jp&iialist<:sne pourront <lucconfirmer. que lei cnrrcpriws d'elcctricité
ont normnlrmcni rccoiirs 3u marc114des c;ipitauu, ct nutsmmciit 3.
l'emprunt, lorsau'il s'aeit de financer leurs nouGeaux investissements
DBS lors, >le;sieurs.'Que l'on compare ces 266 millions de pesetas qui
auraient dû &tremis à la disposition de la Barcelona aux 371 millions PLAIDOIRIE DE M. GRÉGOIRE 323

Cette attribution-là, serait-elle également une simple faculté? Ce n'est
pas en tout cas ce que soutient le Gouvememeiit espagnol -nous allons
le voir dans une autre plaidoiri- qui nous la présentecomme un devoir
imEn sorte que nous saisissonsici, et une foisdeplus sur le vif,lesprocédés
dont fut victime la Barcelona. Un mêmetexte, et même plusexactement
ici, un mêmemot dans le mêmetexte, le mot «attributions ii,qui qualifie
toutes les catégories de prestations à effectuer par les syndics, a fait
l'objet, de la part de ceux-ci. de deux interprétations différenteset, une
nouvelle fois, l'interprétation a étédifférenteafin de pouvoir avantager
lesdemandeurs à la faillite et défavoriserla faillie. Et, c'est ainsi que, tout
au long de cette affaire, ilut toujours, chez ceux quiétaient chargésde
dire la vérité,deux vérités, parce qu'il y eut, hélas et toujours, deux
justices.
Or, Messieurs,on le sait depuis qu'il y a des tribunaux, et qu'ilsjugent,
deux justices ne sont jamais la justice; elles en sont en réalitétout le
contraire.
Et j'en arrive ainsi, avec votre permission, Alonsieurle Président,à la
vente. Il m'y a fallu, malgré les quelques observations qui précèdent,
moins de temps que les syndics: ceux-ci mirent en effet deux ans à s'y
décider.
Avaient-ils le droit de vendre? C'est ce qu'avec son habituelle intiépi-
ditésoutient le Gouvernement espagnol. Selon lui, ilseraitparfaitenlent
légal,c'est-à-dire conforme à l'ordre juridique interne espagnol, que le
plus grand complexe de l'industrie électrique du pays puisse êtrevendu
aux enchères au prétexte d'une mise en faillite, alors que, d'un côté, la
faillie était étrangère, sans domicile aucun en Espagne, et qu'elle avait
étédéclaréeen faillite, et que, de l'autre côté, primo: elle n'avait jamais
réussi à se faire entendre, ni dans ses moyens de fond (opposition), ni
dans ses moyens de forme (nullitéde la procédure); et, deuxiémement,
l'ensemble de la procédure engagéecontre elle était suspendue par une
contestation au sujct de la compétence des tribunaux espagnols pour
déclarer en faillite une sociétécanadienne; et que, tertio, cette contesta-
tion, avec effet suspensif, avait étéintroduite par des complices avérés
des demandeurs à la faillite, lesquels étaient intervenus non pas, comme
il eùt éténormal, pour s'opposer àla déclaration de failliteobtenue dans
des circonstances plus que suspectes, mais pour faire en sorte que le
jugement, dû à la coupable coniplaisance d'un juge, ne puisse êtreannulé
ou réformé.
Eh bien, Messieurs,en termes beaucoup plus simples, est-cequ'en droit
espagnol il est possible de vendre les biens d'un failli alors qu'il n'a pas
étédéfinitivement jugéqu'il est un failli?
S'ilFallaitrtipondre par l'affirmative et si, véritablement, la législation
juridique, la question se poserait sans doute de savoir si elle seraitreur
conforme au droit international. Mais cette question n'aura pas à être
abordéepar la Cour. Darce aue. comme la Cour s'en doute, la léeislation
espagiiolêest infinikent pius raisonnable que ne le soutiennent nos
distinguéscontradicteurs.
Et ici. hlessieurs, mon eu~osé.fait de deux grandes parties. prouvera
d'abord que tant Ge le jugement déclaratif di faillitei'est devenu
irrévocable,les syndics n'ont pas le droit de vendre et sont donc démunis
de ceque le Gouvernement espagnol a appeléle pouvoir général de vente.324 B.4RCELON.A TRACTIOS

Il prouvera ensuite que laseule exceptiàncette règleest celle qui a
pour objet les biens qui ne peuvent êtreconservéssans sedétériorerou se
corrompre, et qu'en I'occurrence, cette exception iie trouvait paA
s'appliquer.

L'audienceestlevé6à 12h 55 DOUZIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (1 V 69, IO h)

Présents:[Voir audience du 17 IV 69; M. Gros. juge,absent.!

hl.GRÉGOIRE: A la fin de la précédente audience,j'annonçais que
j'allais aborder un chapitre important de ma plaidoirie et c'était en
résumélaquestion que voici: est-il possible en droit espagnol de vendre
les biens d'un failli alors qu'il n'a pas étédéfinitivement jugéqu'il est
un failli? Et je vousannonçais que mon exposéseraitfait de deux grandes
parties. 11prouverait d'abord que, tant que le jugement déclaratif de
faillite n'est pas devenu irrévocable,les syndics n'ont pas le droit de
vendre et sont donc démunisde ce que le Gouvernement espagnol appelle
le nuouvoir généralde ventedes svndics r.
E't ciijiiite, sccuiitlc p;ii.ri~: jc'd;-muiitrcrni qiic ln CSC~~IIO~ i
ccrlc rt\xlrsr <:VILqi: ;polir ulllL.tlei hi~iiiqiii ncpcu\.cnt Ctrciuiiji.r\.r'i
sanslesdétériorer ou les corromore. et au'en l'occukence cetteexceution.
dans le cas de l'espèce,lie trouvait pasà s'appliquer.
J'aborde immédiatement la première partie de mon examen. La Cour
voudra bien retenir. car cette abserice de référencesest ~articulièrement
éclairanteen unematière aussi importante, quele ~ouvekement espagnol
n'a pu citer ni une seule opinion doctrinale iii une seule décisionjurispni;
dentielle - l'affaire liticieuse. comme de bien entendu. exce~tée - ai11
viendraient appuyer la ïhese qu'il défendet qui heurte ;i b&alementle
bon sens et l'équitéA. la différencedu Gouvernement belae qui, lui. dans
la réplique, cite divers auteurs qui partagent son opinion, je'mepermets
d'y renvoyer la Cour (R., V,no707, p. 522,et note 3).
hlais il faut que la Cour sache aussi que ces auteurs espagnols sur les-
auels nous nous aou..onz ne sont vas les seuls à condamner une thèse
ausji coiitr:iir:iiiprincipes Icj phi; fundniiit.ritaus du droit.
LxCour SC souvieridr:+pciit-ëtrc <~ii'ei 952,I'oc~icjion du procis in-
tenti i I.ondres onr ln Sidro cuiitrc le coniitdc.iobli~:it:~ir~I'rior Lte~r.
le comitéavait cltéun expert, l'avocat espagnol Vall; pour êtreentendu
surle contenu du droit espagnol.
La Cour verra le document en entier. en anglais d'ailleurs comme en
français,aux annexes à nos observations et conclusions (no 35, vol. II,
p. 460 à 463). (Texte anglais,ibid p.,464et suiv.)
Comme cet avocat Valls ex~osait aue les biens d'un failli uouvaient

m'excuse, hlessicurs de la Cour, à ca;se de mon accent vraiment trip
déplorable, de ne pouvoir rendre que faiblement toute la saveur de
l'expression anglaise - mais il s'exclama: ciCela pourrait êtreun bon
moyen pour couper la gorge àun concurrent! n
Il avait, hlessieurs, admirablement résuméde la sorte la portée de la
théorie que le Gouvernement espagnol voudrait faire avaliser par votre
Cour.
Je viens de citer lejuge anglais, maispendant très longtemps.personne,
méme du côté espagnol, n'osa invoquer la tlièse que l'on défend au-
jourd'hui.3z6 BARCELONA TRACTION
Au contraire, quand une sociétédu groupe BIarcli, la sociétéNamel,
avait demandé au premier juge spécial qu'il veuille bien ordonner la
convocation de l'assemblée généraledes créanciers, afin que celle-ci
puisse procéder à la nomination des syndics, elle avait pris la précaution
d'ajouter - et MCRolin vous l'a fait remarquer au cours desa plaidoi-
rie (sz~pra,p. zjz) - qu'il ne s'agirait pas de donner aux syndics le
pouvoir de proc6der à la vente et elle avait invité le juge spécial,pour
qu'il n'y aità cet égardni aucune ambiguïté ni aucun risque, à préciser
ex$ressis verbiscette restriction.
De son côté - et ceci est particulièrement intéressant, vous allez le
voir - le Gouvernement espagnol partageait cette opinion. Il exposait la
sienne dans sa note diplomatique du 13 octobre 1950 à l'ambassade de
Grande-Bretagn-, n-te qui est re~roduiteà la.--Ce766du volume IX des
annexes RU contre-iiicnioire.
1.cGou\,ernement canndicii nvnit <lrriiilnJt.su Gouverneriierit cspngnol
de lui donner l'assurance qu'aucune vente, de ce que nous appelons les
faux titres. n'interviendrait pendant les travaux de la commission
inEt leGouvernement espagnol de répondre:

iSans sortir de la réserveimposéeau Gouvernement quant aux
actions judiciaires et sans se prononcer, par conséquent, sur une
matière qui se trouve hors [de] sa compétence, ce département
considèreque les craintes, dontla note àlaquelle ce Ministère répond
faitétat, manquent de fondement, puisque étant donné les forma-
litésexigéespar le Code de procédure espagnole il n'existe aucune
biens inhérents qu'une vente ou [un] transfert légalquelconque de
la périodeoù la Commission d'experts doit normalement portereu pendànt
terme son enquêteet son rapport. »(A.C.M.,vol.IX, nozo, p. 366.)

Je n'apprendrai rien à la Cour si je lui dis qu'il y a à la chancelletie
espagnole des juristes éminents, doublésde diplomates. C'est dire que
tous les mots d'une note y sont soigneusement pesés.
Or, qu'affirmait le Gouvernement espagnol le 13 novembre 1g50?
Qu'étantdonnélesexigencesdu codeespagnol dela procédure,iln'existait
aucune possibilité d'une vente quelconque des biens de la Barcelona
pfririet.dcIc.soullgli~r-LaLt.lidoiii ~.YC~UC,enqui.zOucoup. lit Clvid~irl-
inciit iii:,iii~ili;~.i\~ I:itliLe $lu tiou\~criit:iii~:iitesl>;ignolsuiv~nt
Ino~iell~1r.s.s\.n<li~,nsv;~ieiitII:~dï\.vciiilrc (1;slcur cntrcc rn cli;irce.
Et.iit ;gliicmcnt cxciue 13 pi>;sil;ilid'unc vente urgciitc, piiiîqiie
c';tait tr~iitcvente qiiclcuii<liiequi Ct:iit rriidiie iinpossiblc. Et pourquoi
c~ttc iin~nosibiiité?t\r:lisun. et c'esencor,:Ic Guii\*crii~inentci113~'1101
qui l'écrivait.des formalités&&es par le code de procédureet dolt la
longueur était telle qu'elle permettait au Gouvernement espagnol de
rassurer le Gouvernement canadien, encore qu'à l'époque, les syndics
étaient nommésdepuis plus d'un an.
Quelles étaient enfin ces exigences de la procédurequi excluaient toute
possibilité de vente quelconque avant longtemps? Le Gouvernement
espagnol ne le disait pas. Mais est-il possible d'en concevoir d'autres que
celles indiquéespar le Gouvernement belge dans ses écritures, à savoir le
caractère non irrévocabledu jugement déclarant lafaillite et la suspension
de la procédure? (R.,V, nos706-708,p. 522.523.) PLAIDOIRIE DE ni. GRÉGOIRE 327
S'il en était d'autres. en tout cas, nous attendrions avec la plus vive
curiosité que 1e'Gouvernement espagnol veuille bien nous les indiquer
d'une manièreprécise.
Mais ce n'est pas tout. Les syndics, de leur côté, n'avaient pas cm à
l'époquequ'ils avaient, dans l'état d'alors de la procédure,le pouvoir
généralde vendre, comme le soutient aujourd'hui le Gouvernement
espagnol.
Et la preuve, c'est que lorsque, le 13 août 1951, ils demandèr aunt
commissaire l'autorisation de vendre, ils invoquèrent quoi? La nécessité
de l'urgence, allant mêmeprésenter cette mesure comme un acte pure-
ment conservatoire.
C'est ainsi que dans leur requête, ils invoquèrent une citation du
juriste Brunetti:
"constituent donc des actes conservatoires. la vente des choses:
y/juicc~>lil>lese ditéri<ir:itiob, <Ir:itni>ialioi~immint,rrd(1uuicr~r
[suuligii~;par Içssyiidicscj de coiiier\,arioii coiitçuse. 1ls':rl;iiij
I'iiitér~rde la mbsse d'kviter uii donim.~~":. 1;iveiite d:iris ces
circonstances sert justement à conserver la valeur des choses. o
(A.M.,vol. III, p. 674.)

Le commissaire an..va* dans son écritdu 20 aoùt. cles raisons invo-
quéespar les syndics » et,le 27 août, le juge spécialy accédaet rrvu les
considérationset raisonnements formiilésdans leur écritII(A.M..vol. III,
P. Voilà ce que disait le juge spécialdans son jugement du 27 août. Il est
vrai que, dans un jugement ultérieur, comme la réplique(V)l'adémon-
tré aux pages 528et 529, le juge spécialusa d'une autre argumentation
que les syiidics, mais tout en continuantà soutenir quela vente litigieuse
pouvait avoir lieu, non pas en vertu d'un prétendu pouvoir généralde
vente des syndics, mais parce que exigéepar la prétendue dépréciation
progressive des biens de la masse.
Ce fut la cour d'appel de Barcelone qui franchit le pas et qui. dans son
arrétdu 5février1952,rendu alors que la vente étaitdéjàconsommée, ne
craignit pas d'affirmerqu'alors mêmequ'un jugement declaratif de faillite
fait l'objet d'un recours de la part du failli et que ce recours n'est pas
encore vidé,les syndics ont le pouvoir devendre, sans avoir à s'inquiéter
de cette doublecirconstance. Et de dire notamment:
ciilfaut noter que, pour la vente, ils [c'est-à-dire les syndics] n'ont
besoin d'aucune autorisation, ni du commissaire, ni du juge, ni es
créanciers,parce qu'ils doivent y procéderpar ordre de la loi, ainsi
qu'on peut le déduire du mot «procéderont » qu'emploie le législa-
teur; que c'est précisémentpour ne pas vendre que l'article 1235
exige que les syndics obtiennent l'autorisation provisoire du juge et
définitivedes créanciers» (gCconsidérant de l'arrêt,A.M.,vol. III,
P. 742).

Telle est ce que vous me permettrez d'appeler l'étonnante théorieque
professait la cour d'appel de Barcelone - encore elle. Elle amène néces-
tablement, malgréle recours de la failliecontre le jugement la déclarantri-
en faillite et la suspension de la procédure, la vente des biens de la
faillite était un devoir impérieux, comme le disait la cour d'appel de
Barcelone, pourquoi les syndics avaient-ils tardé pendant deux ans le328 BARCELONA TRACTION

remplir? Pourquoiavaient-ils, lorsqu'ilss'yétaientenfindécidésd ,emandé
l'autorisation de le faire au commissaire et au juge spécial,dans un écrit
de dix pages? Pourquoi le juge spécial, au lieu de leur dire que cette
autorisation n'était pas nécessaire, l'avait-il donnée? Pourquoi le juge
spécial avait-il eu recours à vingt-neuf considérants pour tenter de
justifia sa décision?Pourquoi le Gouvernement espagnol, dans la note
diplonlatique que j'ai lue tout à l'heure, parlait-il des exigences de la
procédureespagnole quirendaient impossible,pour longtemps,une vente
sieurs, de poser des questions. Ici encore, en tout cas, on attendra avec
curiosité les explications du Gouvernement espagnol, car elles se sont
surtout distinguéesjusqu'ici par leur absence.
Voyons maintenant, dans la duplique, la dernière version par laquelle
le Gouvernement espagnol essaie de justifier l'injustifiable, à savoir
l'exécution d'unfaillidont la juridiction saisie de ses recours pourrait dire
qu'il n'est pas un failli. Je dala dernière version iparce que, comme la
réplique (V) l'a fair ressortir aux pages 525 à 526, les justifications ont
varié.
Ecartons d'abord le dilemme dans leauel la du~liaue (VII). à la
pagi6~z, croit pouvoir enfermerle~oovernément belge. En sin temps, la
Barcelona et, après elle. le Gouvernement belge se sont violemment
élevés.et s'élèvent encoreauiourd'hui.contre la>omination des svndics
dansla phase de procédurea; cours de laquelle ilsl'ont été.Et ils avaient
tout à fait raison: cette nomination en effet constituait un nouveau Das,
et un pas extrêmementimportant, dans le déroulement de la manceivre
machinéepar March et qui visait à s'emparer, pour une croiite de pain,
du complexe édifié en Espagne par 1aBarcelona et songroupe. Par ailleurs,
la Barcelona et le Gouvernement belge, plus vivement encore, se sont
élevéset s'élèvent encoreaujourd'hui contre la vente décidéepar les
syndics et autorisée par les juridictions espagnoles qui ont eu à en
connaître.
La duplique voit, dans cette double attitude, une contradiction.
Elle écrit:

iDe deux cliosesl'une: ou bien les syndics n'avaient pas le pouvoir
de vendre de~uis le moment mêmede leur nomination. auauel cas il
est illogique'de discuter la validité de celle-ci, car .sa prétendue
illégalitéserait transférée à l'autorisation de vente; ou hien ils
avaient ce pouvoir, auquel cas, le grief peut se trouver dans le fait
que les syndics ont éténommés, mais non dans le fait qu'ils ont
vendu. a (D., VII,p. 602.)
Nous recevrions cette leçon de logique avec l'humilité de rigueur, si
elle n'avait un défaut, et capital. En effet, elle perd de vue ce qui est
fondamental, à savoir que pour pouvoir réduire une situation ciun
dilemme, il faut que les deux branches présentées soient réellement
incompatibles. Or,est-il incompatible de soutenir que dans la phase où en
était la procédure, la nomination des syndics constituait une première
illégalitéet quel'autorisation de vendre qui leur fut donnéeen constituait
une seconde? L'énoncémêmede la question dicte la réponse. Mais,
faisant la part belle au logicien auteur de la duplique, je vais me mettre,
à mon tour,sur le terrain qu'il a cm pouvoir choisir. Ne croit-il pas qu'en
l'occurrence,l'alternative,danslamesure où elleexiste,devrait s'exprimer
comme suit? PLAIDOIRIE DE M. GRÉGOIRE 329

"Ou bien la nomination des syndics comportait pour eux. non
seulement le droit, mais le devoir de vendre, quel que soit l'état de
juridique, car elle impliquait la vente des biens du failli avant que
celui-ci ait jamais eu l'occasion de se défendre et avant que la
iuridiction des tribunaux soit établie: ou bien. seconde branche de
?alternative, les attributionsdes syndics ne comportent pas cellede
vendre les biens de la faillite tant aue la situation de la procédure a
empêché le failli de se fairetend;e et de faire trancheila question
de juridiction: en ce cas, la vente ne pouvait pas êtreautorisée.En
sorte que. auelle que soit la branche de l'alternative choisie, elle
aboutii - ci~~ l;gÎcieiisdiraient:oc'estcequ'ilfallait d:ontrcr *--
A une \,ioiation grossii.re pnr les tribuniiux des stipulations de droit
interne.ii -

Nais, Messieurs, laissons ces délices, quel que soit leur piment. voulu
ou involontaire, et voyons les autres arguments de la duplique.
Cour admettra tres difficiïement Qu'ilserait légal.en Es agne. de vendre
les biens d'un failli qui a pris son recours contre la Zillite prononcée
contre lui et qui n'a jârnaicété entendu en ses moyens. Aussi,~comment
le Gouvernement espagnol essaie-t-il de justifier ce qui s'est réellement
passé?Je demande à la Cour la permission de lire un passage de la du-
plique. 11est extremement révélateur.Le Goilvernement espagnol s'y
exprime comme suit:

<<Lafaillite est une procédure d'exécution destinée A vendre les
biens ... Le failli peut éviter cette éventualitéen s'opposant à la
faillite et en prouvantqu'eue a étéprononcée A tort, ou en payant ou
en arrivant à un concordat. Mais ces possibilités ... doivent être
utiliséesen temps opportun. Et il ne convient pas d'en jouer pour ne
s'o~poser veritablementpaàvla faillite. mais simvlement pour retarder
indéfiniment la vente des biens etdonc le régleÎnentdeicréanciers.
C'est pourquoi [écoutez, Messieursde la Cour, ceci est tout à fait
remarqüablejet contrairement à ce que déclare le Gouvernement
belge, le droit espagnol n'exclut pas la possibilitéque la vente puisse
avoir lieu mêmeavant que le jugement de faillite soit irrévocable.
11 s'a& évidemment d'une vossibilité excevtionnelle, mais aui
existe.polir einyccticr qu'iinr prnlong3tion ~.scêssivcc ln prnc;dure
et une uiili;;ition :istucieusedes recours .. puissent diff2Ics tlroiti
des crrnncicrs. Cetten1icibilit6 11'~stiluni nullemeiir coiitraire i la
justice.o (D.. VII,p. 605.)

J'ai dit que ce passage est extrêmement important par tout ce qu'il
lement le moyen d'éviterla vente de ses biens. Il reconnaît aussi qu'évi-rma-
demment - ce n'est pas moi, c'est le Gouvernement espagnol qui use de
l'adverbe - ce n'est qu'eiceptionnellement - l'adverl~eest aussi de
lui- que la possibilitéexiste de vendre les biens avant que le jugement
de faillite soit devenu irrévocable. Précieux aveux, car ils confirment
l'opinion unanime des juristes espagnols qui se sont pencliéssur la ques-
tion et que nous avonscités dans la réplique,V,ails pages 522 et 523, et,
du mêmecoup, réduisent à néant ce que le Gouvernement espagnol
essaie de soutenir devant votre Cour. Car il est maintenant acquis,330 BARCELONA TRACTION

d';iprésle Gouv~~rnciiieiitc2p:ignol lui-memr, que tant que le jugeiiieiit
dc Isillit<cd révocallc, 12r+filc,~iiJ:q~~gnc.comme d'nillcurs dans tous
lei :~iitrtp:fi!.c'td I'sliscn~.~di1pouvoir g;ii;ral dc vcntc des s)ii~liis.
A cette règl-, cependant - mais touiouis d'après le Gouvemement
esp:i~iiol -ily aiirniiiiict-xic.ption..\ln;î cil iIiiclic~s?c~indc prolon-
c,iti,iii cxit b~ivcde I:ipiuc<tlurc et d'utiliintiuii :~jtuiicuse clcsrrcoiirc.
Imaginons un instant - nous allons voir tout de suite après ce qu'il
faut exactement en penser - imaginons un instant qu'effectivement la
législation espagnole ait prévu et réglementé l'exception à la règle
qu'invoque la duplique. Le Gouvernement espagnol aura, j'imagine, la
bonne grice de concéder, et,en tout cas, tout le mondesera d'accord pour
dire que pour que l'exception invoquée puisse jouer contre le failü,
encore faut-il que la prolongation de la procédure soit le fait du failli et
que ce soit le failli,qui use astucieusement des moyens de recours: on ne
peut. en effet, punir quelqu'un que pour ce qu'il a fait; une sanction n'est
légitime que si elle frappe un coupable. Or, la Cour sait, notamment
après l'exposé magistral de MCRolin (supra, p. 240.306). par quels
procédésinadmissibles le groupe March, et le groupe March seul,réussit à
empêcherpendant quinze ans - c'est-à-dire jusqu'en 1963 - la Barce-
lona, et malgrétous les efforts de celle-ci, de se faire entendre dans les
moyens multiples qu'elle avait à faire valoir contre le jugement la
déclarant en faillite. La Cour sait aussi'de quelle manière également
inadmissible, et par qui. l'accès au prétoire fut refusé aux sociétés
auxiliaires dont les biens avaient étésaisis. aux administrateurs de ces
sociétéset à la National Trust qui, en qualité de créancièregagiste,
détenaitles titres des sociétésauxiliaires.
Je pourrais donc m'indigner de ce que le Gouvernement espagnol aille
jusqu'à présenter les manŒuvres des promoteurs de la faillite et i'astu-
cieuse utilisation par eux de tous les moyenspour ligoter la faillie comme
une justification de la mesure, de son propre aveu exceptionnelle, dont la
Barcelona fut la victime.
Maisou n'en finirait pas de s'indigner en cette affaire tant lesillégalités
y sont innombrables. Je me contenterai donc de dire à la Cour qu'ici
pourrait se terminer ma plaidoirie. En effet, dès le moment où le Gou-
vernement espagnol se décideenfin à reconnaître qu'en droit espagnol la
règleest que les biens du failli ne peuvent êtrevendus tant qu'il n'a pas
étéjugédéfinitivement que l'intéresséest bien un failli (D.,VII, p. 605),
du mêmecoup, l'illégalitéde la vente litigieuse est démontrée.Car
l'exception à la règle,à savoir la prolongation excessive de la procédure
à la suitedemanŒuvres, cette exception, si elle existe - nous allons voir
tout de suite ce qu'il en est -n'est pas l'Œuvre dela faillie, elle lui a été
imposée, malgré elleet malgréles efforts incessants qu'elle a prodigués
pour la déjouer, par tous ceux qui constituaient le groupe Rlarch, à
savoir les demandeurs à la faillite, les inventeurs de déclinatoires, les
auteurs des substitutions d'avoués. etc. L'excevtion invoquée par le
Gou\,erneniciit espagnol iic.11'.tJOII: Gtrc.ici in;.oquéect je Ir.r+étc,
.\lonsicur lc PrC5idciit. hlcî~it.iir;, pour votre satisixiion sin; doute. mn
plaidoirie pourrait iciseterminer.
Maisvidonsl'abcès jusqu'au bout. Nous venons de voir que si,en droit,
l'exception dont se prévaut le Gouvernement espagnol existait, elle ne
pourrait, en fait, être retenue. Mais serait-il vraiqgen droit existe i'ex-
ception dont se targue le Gouvernement espagnol? Quel est le texte légal
qui la prévoit? PLAIDOIRIE DE M. GRÉWIRE 331
Rejetant, parce que indéfendable,tout le fatrasdont avait uséla Cour
d'appel de Barcelone dans son arrêt du 5 février 1952, la duplique
invoque comme étant le texte qui consacre i'exception l'article 1330,
alinéa 2,du code de procédurecivile -j'y reviendrai, si vous le voulez
bien, dans un instant - et, aprésl'avoir cité,elleproclame.à lapage 606,
VII, - écoutezbien, hlessieurs:

"Le contenu de ce précepteest tellement alident que I'on ne peut
imaginer comment un auteur peut énoncer cette prétendner&gle
légale [c'est-à-direl'absence du pouvoir de vente tant que le juge-
ment déclarant la faillite n'est pas devenu irrévocable]en ignorant
son existence. n
Il me faut m'arréter ici un instant - et je ne doute pas que vous le
ferez vous-mémesau cours de votre délibéré.
Je viens de montrer qu'àla page 605 de la duplique, VII, le Gouverne-
ment espagnol a lui-même reconnul'existence de la règlegénéralequ'on
ne pouvait pas vendre, en déclarant qu'éuidemmentla possibilité de
vendre, en cette pliase de la procédure,est exceptionnelle. On n'aperçoit
pas, dèslors, comment. àInpage suivante,ilpeut qualifier de «prétendue n
ce qu'il a lui-mêmeadmis comme étant la règle, ni comment ce qui est
névidemment JJla règleà la page 605 de la duplique cesse «évidemment »
de l'êtreà la page 606. Deux évidencesqui se contredisent ne sont pas, à
toute évidence, des évidences. Unefoisde plus, la duplique fournit un
exemple du tour assez singulier de sesraisonnements.
Mais je reviens à l'article 1330. alinéa z, invoqué et qui, selon le
Gouvernement espagnol, contiendrait l'exception qu'il allègue à la r&gle
que, par ailleurs, il a reconnue. Que dit cet articleu La décisionrendue
sera susceptible d'appel 2un seul effet,conformément aux dispositions de
l'article1031du Codede commerce. a
Cette décisionrendue, c'est la décisionrendue sur l'opposition du failli;
l'appel de cette décision,dit l'article cité, ne sera qu'à un seul effet,
c'est-à-dire qu'elle n'aura qu'un effet dévolutifet non un effet suspensif.
On pourrait faire remarquer que l'article 1330 vise l'appel introduit
contre le jugement qui a rejeté l'opposition pour dire qu'il ne sera pas
suspensif; en revanche, il ne dit pas que l'opposition, elle, ne sera pas
suspensive. Et, de fait, en réglegénérale, onpeut - et i'oserais même
ajouter que I'on doit - traiter différemment celuiqui a eu l'occasion et
celui qui n'a jamais eu l'occasion (cefut le cas de la Barcelona) de faire
entendre ses moyens.
hlaisla véritable objection n'est pas là. L'article 1330,vous le verrez, se
situe dans la section intitulée «Déclaration de la failliteIILe jugement
dontilestquestiondanscet article,et dont l'exécution n'estpassuspendue
par l'appel. est le jugement qui déclare la faillite. Or, ce jugement
n'ordonne, en aucune manière, la vente des biens; il seborne à constater
l'étatdefailliteducommerçant. ce qui implique uniquement ce que M.le
professeur Garrigues, dans la consultation dont on vous a déjà parlé
(p. 95) a appelé ila phase préventive ou conservatoire de la faillite, par
opposition àsa phase d'exécution ».Dans la phase préventive ou conser-
vatojre, le failli est dessaisi de ses biens, ceux-ci sont saisis, un séquestre
provisoire et un commissaire sont chargésde les administrer et, comme
dans toutes leslégislationsde tous les pays, la loiespagnole prévoitque ni
l'appel et, je veux bien l'admettre. ni l'opposition du commerçant contre
lejugement le déclaranten faillite, ne peuvent faire obstacle Acette phase332 BARCELOXA TRACTION
préparatoire. sous peine de permettre au commerçant malhonnête - et
celui qui est défaillant a, humainement, tendance à l'être- toute une
sériede mesures de nature à mettre ses biens à l'abri de la saisiepar ses
créanciers.
C'est ce que disent:

IO,I'article 1028du code de commerce de 1829:
c Le commerçant qui est mis en étatde faillitesans sa déclaration
pr6alable. [c'est notre cas] sera admis à demander la reconsidération
de ladite décisiondans les huit jours qui suivent sa puhlication, sans
préjudice de l'exécution provisoiredes ordonnances relatives à la
personne et aux biens du faillin;

tout ceci est sans rapport aucun avec la vente;
2".I'article 1334du codede proc6durccivile. qui figure, comme l'article
I.no. <I:~nsla sïctioii intitulte «I)Cclaration <lefaillite. ct o.ii e.t ainsi
li;béllé:
«Sans préjudice de la réclamation du failli contre le jugement
déclaratif de faillite, on communiquera sa nomination au commis-
saire, lequel procédera àla saisie des biens et papiers de la failliteà
leur inventaire et à leur dépôt ..u

Ceciaussi estsans rapport avec la vente.
Et I'article 1130 invoquéest dans la même ligneque ces deux articles
et il obéitaux mêmespréoccupations: il se borne à dire que l'appel du
failli contre le jugement le déclarant en faillite n'est pas suspensif, ce qui
signifiequ'il ne suspend pas les mesures qui découlentnécessairementou
immédiatement de la déclaration de faillite ou encore ce qui constitue ce
que le juriste appelle ula phase conservatoire de la failliten. Mais, en
revanche, il ne dit pas que l'appel du faiili ne suspend pas la vente des
biens; or, c'est ce qu'il devrait dire si le Gouvernement espagnol avait
raison.
Mais, Messieurs,soyez-y attentifs, s'il ledisait, la non-suspension de la
vente des biens du failli, en cas d'appel du failli contre le jugement
déclarant la faillite. serait la règle: or. nous venons de voir par les
propres extraits de la duplique du Gouvernement espagnol que celui-ci
reconnaît lui-mêmeque nla non-suspension n'est qu'une exception et
qu'elle ne peut jouer que lorsque la procédure seprolonge exagérément
par la faute du faill».
Au sumlus. ce aui ach&vede démontrer d'une manikre irrécusable aile
I'nrticlç ;330du &,<lede procédureii\,ile n'i<li<.tr[>ssla ri.gIeque l'ap~el
dit f:lilcoiitre le Iugerneiide faillite nL.s,.ritit pas iusperisif de la vcnte
desbiens. c'e-t I':~rticlI....o,i. ,ïm'excusede le fairc rciiiarauer - mais
cc qui \.asani dire va encore niieiix cil Iciliî,ii-t \+nt imin'édi:itenient
:iprPs I'arti~:le1370du code de procédiirr iii\.oquCpiir le i;oiivcrncrnciit
ejp:igni>l.Crt :*rticl<13.31esr ainsi lib~llé:
n Si la déclaration de faillite est rapportée, on prendra les mesures
prévues à I'article 1167 de la présente loi pour restituer au failli ses
biens, ses papiers, sa libertédecommercer ët ses autres droits. n

La loi est donc tout à fait claire: si le jugement qui a ordonnéla faillite
est annuléou réformé,les biens du failli lui seront restitués.
J'en appelle dèslors à l'autoritéde M.de La Palice qui, comme la Cour PLAIDOIRIE DE AI. GRÉGOIRE 333
le sait, est leplusgraiid juristede tous les temps: si, en cas de réformation
du jugement, les biens doivent êtrerestitués au failli, c'est nécessaire-
ment que dans l'intervalle, c'est-à-dire tant que le jugement de la faillite
ne sera pas devenu irrévocable, ils ne peuvent étre vendus, car, s'ils
avaient été vendus, ilsne pourraient êtrerestitués. C'est là, n'est-il pas
vrai, une évidence,et.cette fois-ci.une vraie.
En sorte aue si, effectivemcnt. comme l'a reconnu le Gouvernement
espagnol à 1; page 605 de la du Iique, VII, la règleest que o tant que le
.u~-ment de faillite n'est pas 8evenu irrévocable, les biens du failli ne
peuvent êtrevendus ii.l'exception qu'allègue le Gouvernement espagnol
et qu'il tire de l'article 1330, aliné2, du code de procédure.cette excep
tion ne trouve aucun fondement juridique dans cet article. Pour deux
motifs, dont chacun est à lui seul suffisant pour aue la thèse soit rejetée:
(l'abord, parce que. si c'étaitvrai. ~'arti~lç'r~~o.'alinéa2, 6dictern;t Urie
rCglegenCralect non une csci.ption, cn sorte qiic ic quc IcGouverii~inent
~~uncnol r~ionnait ii'étre <iu'uiiecsccution ionsfitiierait en rr'alitc la
r&l; ensuite, parce que, replacédans <oncontexte et plus spécialement
au regard de l'article 1331. qui oblige à la restitution des biens si la
faillite estrauuortée. l'article IZ?~. alinéa z. sienifie très exactement le
contraire de c'éque\&udrait luifiiie dire le Gotvernement espagnol.
tion. Aussi, il s'en tire par ce quj'espèreil ne m'en voudra pas d'appeler-
une pirouette: ce long exposé juridique - ilprend en effet dix pages de la
duplique - n'aurait, d'après lui, qu'un intérêttrès secondaire. C'est ce
qui est ditdans laduplique au no566 (VII,p. 608).Et pourquoi, en ce cas,
s'y être si longuement attardé? Nous savons que le Gouvemement
espagnol n'a pas de temps à perdre. Maisle Gouvemement espagnol sait,
encore qu'à la fin il feigne de l'oublier. que la cour d'appel de Barcelone,
dans son arrêtdu 5 février1952, pour justifier la vente des biens, a dû
affirmer que «les syndics peuvent vendre les biens, tant si le jugement de
déclaration de faillite est couléen force de chose jugéeque s'il ne l'est
pas n.
Or, nous savons maintenant, aprésl'examen auquel je nie suis livréet
qui est basé aussibien sur les testes de la loi quesur lesconsidérationsde
la duplique, qu'il s'agit là d'une thèse qui va à l'encontre des règles
d'ordrepublicdu droit espagnol. Pourquoi la cour d'appel alorsl'a-t-elle
avalisée?Parce que - souvenez-vous de son arrêtdu 27 février1951que
je vous citais au début de ma première plaidoirie - il lui fallait absolu-
ment, envue detrouver une iisolution pratique »,surmonter des difficultés
au'elle aualifiait elle-mêmed'insurmontables. et Da.ce que. d.auti-e va.t. .
elle jiige;ii1.1ceci\YI me pcrmcttrc dc passer à 1;iseconde partie dc iiioii
~:.sainrii.(lue les motifs in\,oqu6s par les syndictp.ir Icjuge spéci~lpour
iustiiicr la \.ente tic uou\.:liei~t erre st'ri~ii,~niti~t IC~~:IIC.ar. s'ils
'avaientpu l'être, onne'voit vraiment pas pourquoi la cour d'appel ne les
aurait pas adoptés, et je crois ouv vo enrprendre acte dès à présent.
Mais. iele ré~ète.ils ne résistaient nas à l'examen et ie vais avoir I'hon-
neMais avant de passer à cette démonstration,,je dirai quelques mots de
l'autre motif qui s'op osaità la vente: sicelle-cine pouvait avoir lieu tant
que le jugement décfaratif de faillite n'était pas devenu irrévocable, à
fortiori était-elle interdite pendant tout le temps où le kiilli, par suite
d'une suspension de procédure qui lui avait éteimposée,ne réussissait
pas à êtreentendu en ses moyens. La duplique affirme, au no 564 (VII,334 BARCELONA TRACTION
p. 607).que l'article 114du code de procédure, alinéa 2,qui n'excepte de
la suspension, ainsi que mon éminentconfrère, RI'Rolin, vous l'a exposé.
que les actes nécessaires dont le retard est susceptible de causer un
préjudice irrémédiable,devrait céder devant les textes spécifiquesen
matière de faillite. hlais elle se garde bien de nous révéler,de mêmeque
le contre-mémoireauquel elle renvoie, le texte soi-disant spécifiquede la
faillite qui dirait qu'en cas de suspension de la procédure la vente des
biens échappe à cette suspension. La raison en est toute simple: pareil
texte spécifiquen'existe pas. Et pour cause, Messieurs, car on ne peut
croire, un seul instant. que le législateur espagnol ferait preuve de ce
manque de jugement et de cette inconséquence qu'à toute force le
Gouvemement espagnol voudrait lui faire endosser.
C'est donc à tort que le Gouvernement espagnol prétend, dans la
duplique, iavoir démontré quela règlede l'article 114 doit céderdevant
les textes spécifiquesen matiere de failliteo. Je le répète,Messieurs, cette
règlen'existe pas; ce texte spécifiquen'existe pas.
Le Gouvernement espagnol est plus modeste. du reste, lorsqu'il
reproche au Gouvernement belge de n'avoir pas tenté de réfuter ce qu'il
appelle ses affirmations. Affirmations, c'est bien là le mot qui convient,
car c'est à cela très cxactement que s'est borné le contre-mémoire
auquel laduplique renvoie: àaffirmer, mais non à démontrer; à alléguer,
mais sans ap orter la moindre preuve àl'appui de l'allégation.Pourtant,
lorsque le touvernement belge fait état d'une disposition générale
formelle dont il énonce la violation, n'était-ce pas au Gouvernement
espagnol à produire ou des textes légaux, ou des opinions doctrinales,
ou des décisionsjurisprudentielles édictant ou admettant les dérogations
dont il excipe? Or, je le répèteune fois encore, hlessieurs, il n'en produit
.. -. -. .. .
lin sorte qii'il rjr iiiaiiiteii:int :icquis. je crois pou\.oir le diré,que Ifs
s\ridics n'n\.;iient pas le pou\,oir g6nL'ralde vendrc tant que le jiigcrncnt
dCclarant la fmllite n'&taitpas de\.6nu irré\~ossl~leet, Afortiorit.iiitqiiç
le recours contre ce jugement était bloqué par la faute des amis des
promoteurs de la faillite.
Aussi, pendant deux ans, les syndics s'abstinrent-ils de vendre, car.
pendant deuxans. ilsn'avaient pas encore trouvélemoyen prétendument
légalde passer outre A cette interdiction.
Quand, et surtout pourquoi, brusquement sedécidèrent-ils à vendre?
La duplique (VII)contient àcet égard, àla page 588,un passage savou-
reux. Faisant remarquer, en note, que le Gouvemement espagnol n'est
pas responsable des désirsou des desseins des créanciers.il y est dit:

n I.cs cr2aiiciers n'ont pas demandé;iux syndics la \.eiite pcndaiir
deus ans à c:iuse du désirPl.tdo11drtgroitpe .ll«rck drroir/zs oblifiu-
taires- a..artenant ...atr-.roube- ioucher ceoui leur étaitdi. sans
qu'il soit ntce.isnire de parvenià.la vente dcs Liens...
Les crCancicrsse sont bien garJ& dc pousser les syndics à<I~rnaii-
vente, ils risquaient d'occas<onier de très graves préjudicesardniàtlaa
masse; jusqu'alors, ils ont tenté tout d'abord, et sans résultat, de
négocieravec le groupe adverse ... » (D., VII,p. 588.)

Ce passage, ai-je dit, est savoureux, car il confirme cette expérience,
qu'ont pu acquérir les hommes de loi au bout d'un certain nombre
d'années de carrière, qu'il est bien difficile de celer la véritéet que PLAIDOIRIE DE M. GRÉWIRE 335

celle-ci finit toujours,à un moment ou à un autre, par transparaître.
Ici, quand le Gouvernement espagnol parle de l'action des créanciers, il
doit bien admettre qu'il s'agit de I'action du groupe hlarch- c'est dit en
toutes lettres dans le passage que je vous ai cité. Il doit bien admettre
égalementque si les syndics se sont abstenus de vendre, c'est parce que
les créanciers, c'est-à-dire legroupe hlarch. les avaient priésde n'en rien
faire. Enfin, il doit reconnaître que, lorsque les syndics ont changé
d'attitude, c'est parce que les créanciers, c'est-à-dire le groupe hlarch,
aveux, il me paraît difficilede s'indigner de ce que le Gouvernement belge
ait pu affirmer que les syndics n'étaientque des exécutants aux ordres du

groupe March.
La duplique ajoute (ibid.), il est vrai, que les créanciers, c'est-à-dire
le groupe hlarch,
<se sont bien <,rdé~-e ~.usserles svndics à demander l'autorisation
de \.c.n~lrcjuiqu'nu niuiii8iit cnirktar<l;iiiIc\.riite, ils[C'CSI-i-dirï
Ici crCancicri. c'est-i-dire CricureICEroui)c -\li~r.lllAiiiqu3ie(lut-
casionner de trésgraves préjudicesà-la kasse ...».

ce ne sont pas les syndics qui ont eu l'idéeque le retard dans la venteque
risquait de causer prbjudice à lamasse, mais les créanciers, c'est-à-dire
le groupe March, en sorte qu'il resterait que le groupehlarch a bien étéle
deus ex mucltinude cette sombre et lamentable affaire. Hais qu'en est-ilen
réalité?
Le Gouvernement espagnol nous a permis, à cet égard,d'apporter à la
Cour des élémentsintéressants. Vous savez qu'il adéposéau Greffede la
Courledossier du prochs intenté àLondres - j'y ai fait déjàallusion tout
à l'heure - par la Sidro contre le comitédes obligataires. Et, dans un
document que la Cour trouvera au Blue Book (vol. 1, p. 105). Juan
March filsen personne, après avoir rappelé l'extrêmebonne volontéque,
selon lui, le groupe March aurait manifestée àl'égard des négociations
avec le groupe Barcelona-Sidro, conclut - et je traduis de l'anglais en
fran~ais:

nCe fut seulement lorsque tous ces efforts en vue d'obtenir une
solution négociée échouèrentque, aux environs du mois deseptembre
1951. le groupe hlarch décida,en raison de la totale intransigeance
du groupe Sidro-Barcelona (quicontinua à attaquer le gouvernement
de Sa Majestéen se référant à la communication gouvernementale
anglo-espagnole de juin 1951)qu'il n'yavait pas d'autre solution que
de demander àla Cour espagnole de procéder à la venteaux enchères
dans le cadre des procédures en faillite espagnoles. » (Blue Book,
vol. 1, p. 105.)
La véritéapparaît donc!
Fort de ce au'il avait déià obtenu et decertaines iuridictionses~a~noles
et des organ&s de la failiite, se flattant de pov;oir encore en obtenir
davantage, le groupe March, en effet - comme il en avait l'habitude au
lendemain de chaaue succhsiudiciaire ou administratifqu'il remuortart -
s'étaitdéclaré à entamir ce qu'il app?lait des nCg~cintions'm?isqui,
en réaliti.,n'avaient d'autre objet que la cnpitulatiuri saris cunditions (le
sesadversaires. Elles devaient nécessairement échoueret. en conséquence.
elles échouhrent.Mais c'est parce qu'eues avaient échouée ,t uniquement336 BARCELONA TRACTION

pour ce motif, c'est -a-dire. non pas comme l'alléguèrent plustard les
syndics, parce que les biens étaient menacés de détérioration, mais
uniquement parce que le groupe March ne put à l'amiable obtenir ce
qu'il convoitait, que le groupe March exigea des syndics qu'ils fassent en
sorte de le lui faire obtenir en poursuivant la procédure.
Encore fallait-il en trouver le moyen légal.
Messieurs. dans les pays de langue française - et j'imagine qu'un
proverbe du mêmegenre doit exister danstous lespays et danstoutes les
langues du monde -, un proverbe dit: RQui veut frapperun chien trouve
toujours un bâton. » Sans doute, il est des bâtons de qualité tr&sdiffé-
rente; en l'occurrence. celui qui fut choisi fut du bois dont on fait des
flûtes. D'une part, il était destiné à siffler tous les airs que Juan March
souhaitait; d'autre part, et surtout, il en avait la fragilité,et c'est ce que
je vais maintenant m'attacher à démontrer.

L'audience,suspendue à II h IO, estreprise àII h35

Je vais maintenant examiner, avec votre permission, la manière dont
fut présentéela demande d'autorisation de vente.
C'est le 13 août 1951 que les syndics demandérent au commissaire
l'autorisation de vendre, dans une requête quine comporte pas moins de
onze pages imprimées grand format de nos annexes au mémoire.Cette
requête disaitqu'à raison des
«risques dérivant de la note signéepar Messieurs le Ministre de
l'Industrie et l'Ambassadeur britanniaue dont nous ferons mention
dans la suite, quelques obligataires oit attiré l'attention des sous-
signéssoulignant les dangersque présente pour la conservation de la
valeur des biens saisis, leur forme actuelle d'immobilité en relation
avec ce que mentionne la note diplomatique précitéen. (A.M.,
vol. III, no175, p. 66..)

Et comme ces suggestions faites par quelques obligataires - nous
savons maintenant que ces quelques obligataires étaient des hommes du
groupe March - correspondaient à l'opinion personnelle des syndics,
ceux-ci avaient chargé des experts de se pencher sur la situation, et ils
aboutissaient aux conclusions suivantes:
I" La trésorerie actuelle et les recettes futures sont nécessaires.dans
leur intégralité,pour couvrir les besoins indispensables au développe- - -
ment normal de i'entreprise;
2' DU procès-verbal signe le II juin 1951 par les Gouvernements
anglais, espagnol et canadien et du commentaire ampliatif du 15 juin du
procès-verbal ou du compterendu du Conseildes ministres, il résulteque
si l'on exigeait paiement des amendes fiscales et si l'on tentait d'exécuter
l'embargo de 400 millions de pesetas décrété par le juge des délitsmoné-
taires, le groupe n'aurait pas la trésoreriesuffisante pour y faire face; il

la désintégration de l'entreprise unique que constitue l'ensemble etînerait

déprécieraitle patrimoine;
3' Pour sortir de cette situation difficile iidue au fait [disaient les
syndics] que les biens saisis se trouvent sous la menace constante de
pouvoir tout moment se dévaloriser »,il faut les vendre; et,
4' Lessyndics, examinant lespossibilités légales de vendre,invoquaient l'article 1073 du code de commerce de 1829, l'article 1x61 du code de
orocédure. l'article 1007,.u code de 1824. l'ar, .le 1224 du code de
parcc <jli'~:lla ponr ohjet i.<Ir:s~IIOSCdisu~c:rptib)es> -ctet~Ics mots >ont
joiili~n6i;<lailsI:,rcqiiCtz- ,.dlilimrnarion inrm~ne~ir e er.a/eti1..I:\..\I.
vol. III, p. 674.).
Je~rois ainsi avoir résuméressentie1 de la motivation invoquéepar les
syndics.
Deux questions doivent donc être,ici, examinées.
Une question de droit: n'ayant pas le pouvoir généralde vente, étant
donné le caractere révocable du iueem.n- déclaratif de faillite. d'une
p;irt,i.1,d'antre part. In siispension de la proikdurc, les syndics dispo-
snieiit-ils rlii pou\.uir (Ir.vcndrr:en ;<:riaincaiirron.itnncej et. dancç c;is.
à quelles conditions?
une question de fait: les conditions qui auraient éventuellement
permis aux syndics de vendre se trouvaient-elles réuniesen l'espèce?
Et d'abord, la question de droit
1.eGouveriemeÎnt belee adi~ ~ns ses écrituresau'il n'v ,au'u.e seule
exception à la r&le suivant laquelle les syndics ne peuvent pas vendre
tant que le jugement déclaratifde faillite n'est pas devenu irrévocable:il
faut que lei Gens ne puissent se conserver sais se détériorer ousans se
corrompre (R., V,no 709, p. 523et sui,.).
Pour le démontrer, le Gouvernement belge a usé nonseulement des
textes légaux espagnols, mais aussi des justifications données par les
syndics et par les juridictions espagnoles qui eurent à en connaître.
Or, la réfutation que tente d'apporter la duplique à la thtise belge est
ambieuë car. à tout moment. et vous allez le voir dans un instant. elle
passpd'une ihéorie à l'autre.'
Au no570. VII,la duplique commence par s'insurgercontre la manière
dont le Gouvernement belge argumente. Elle estime
.la tactique ...de la partie adverse ... inadmissible ... lorsqu'elle
utilise les allégations des syndics ... pour attaquer les décisionsdes
tribunaux espagnols II.
Et plus loin, elle ajoute:

«Mêmeune justification juridique distincte, celle cles tribunaux
des différentesinstances, si elle était donnée.ne peut entrer en ligne
de cornpte pour déterminer si la responsahilité internationale du
Gouvernement espagnol est engagéepar les décisionsde ses organes
juridictionnels. D (D., VII, no570, p. 611.)
Reprenons, si vous le voulez bien, ces deux propositions.
Si le Gouvernement espagnol estime inadmissible d'utiliser la jwtifi-
cation juridique fournie par les syndics, c'est qu'à son avis cette ~iistifica-
tion n'a, juridiquement, aucune valeur. Car si elle en avait, on n'aperçoit
vraiment pas pourquoi il soutiendrait qu'il est interdit d'en user. Et, en
tout cas, si cette utilisation par le Gouvernement belge est inadmissible,
cette utilisation par le Gouvernement espagnol l'est également.En bonne
logique, il devrait dès lors êtreacquis, et une fois pour toutes, que les
dispositions légales invoquéespar les syndics doivent ètre écartées.
Telle est - je vous la livre telle quelle, Messieurs de la Cour - la
seule conclusion à tirer de la première des deux propositions de la du-
plique.338 BARCELONA TRACTION
Quant àla seconde. c'est un fait. et c'est un fait incontestable. que les
justifications juridiques données par les diversesjuridictions varièrent.
Primo, le commissaire, dans son écrit du 20 août 1951 au juge spécial
(A.M., vol. III, p. 683) fit siennes, purement et simplement, les raisons
dessyndics.
Deuxièmement, le juge spécial, dans son jugement du 27 août 1951
(ibid p.684). fit de même.
TroisiAmement, lemêmejuge spécial,le juge spécialnuméro 2, dans son
jugement en reconsidération du 15 septembre 1951 (ibid.,p.708 et suiv.),
après un long réquisitoire dans lequel, notamment, il entérinait, pure-
ment et simplement, les conclusions de M. l'expert Andany, déclarait,
dans son vingt-neuvième considérant, que

ula question débattuedans le recours ...est centréesur l'article 1084
duCode de commerce de 182s. iMe>.ieurs. c'est le seul texte léeal
qu'ilcire]qui autorise la \.eiitc:~umoment uppurruii,itluii.'al)pré&-
tion discrctioiinnirc, cn rnenir ttnip. quc puiirl<r;c et ~~s;irdr, I:i
situ~tion 6~.oiioniiqucde la f;iill..ilzd .11.7171.

Et il conclut:
«Vu lespréceptes légauxinvoquéset autres,d'application générale
au cas. »(Ibid.)

Cette motivation, dans la mesure où elle faisait appel non seulement
aux précepteslégauxinvoquéspar lessyndics,maiségalement à d'cautres
d'application généraleau casil, étaitle type mêmed'absence de motiva-
tion.
En effet,à la lecturede cette disposition,personne n'aurait pu dire sile
juge avait étédéterminédans son jugement par les préceptes légauxqui
avaient étéinvoqués ous'ilavait été déterminépar ceux qui ne l'avaient
pasété;et quant àceux quine l'avaient pasété,comme ils n'étaient pas
indiqués, il était impossible de savoir ce qu'ils étaient et, dès lors, s'ils
s'appliquaient bien.
La Cour jugera-t-elle excessif de ma part d'affirmerque cette absence
de motivation trahissait l'embarras du juge à trouver, à la mesure
exorbitante qu'il autorisait, un fondement légal?
Quatrièmement. quant à la cour d'appel de Barcelone, dans son arrêt
du 5 février1952 (ibid.. p. 740 et suiv.), aprèsavoir ditque
<.lesconsidir:ints dtiI jscytcnihri. 19j1 c1ail.n~dignes de 13 scicnci.
du jiige jpIciol qiiles ;iridigfi.,

- cc qui, coiiiprc tciiii de lcur ni.iiiifs.stcrt iniignc in<ligciiie.cunititu;iit
une appr'ci:,tiun dont, pour rcpiriidrr iiiiçvupr~~iion d,: la 1~roc;~Iuic
es~nciiulc. on noiirr*it dire <iu'clItnit idtiix rf~cts-. c11~ it~itifiiILt
demande des iyndics en faiiant état de leur pouvoir généraide vente,
lequel, disait-elle, ne dépendait ni du caractère révocableou irrévocable
du jugement déclaratifdefaillite,ni de la suspension de la procédure.
Il est doncclair que, pour justifier lavente, la cour d'appel deBarcelone
s'étaitécartéedes motifs des syndics, repris par le commissaire et par le
juge spécial.
La duplique ne le conteste d'ailleurs pas, mais elle soutient, à la
page 611, VII- je vous l'aidéjilu -queces justifications distinctes des
tribunaux des différentesinstances ne peuvent entrer en ligne de comptepour déterminer la responsabilité internationale du Gouvernement
esoaenol.
:\1& iilurs: OU t~icn Ic Goiivzrricment csp3gnol choisit pamii IVS
cli\,erscsC~USCd,e; juitilication qui ont ;té sucsessi\~~rnéiiitn\.oqiiles par
les divc-rscsiuridictions ciut-iirriàrcn connzitre et ilnous dit lnouellc ou
lesquelles déces dispositions, selon lui. motivaient la vente.
Ou bien il estime qu'aucune des causes alléguées,soit par le juge
spécial, soit par la cour d'appel, n'était juridiquement valable et. en ce
cas. aux dispositions légalesinvoquéespar ses organes juridictionnels, il
doit en substituer d'autres qui, selon lui, justifieraient juridiquement ce
qui a étédécidé.
Je crois, Messieurs, poser correctement la question.
Or que fait le Gouvernement espagnol?J'ai dit que son attitude était
ambiguë. En effet,la duplique, VII, dans les pages 599 à 608, s'efforce
d'abord de prouver que, nonobstant le caractére révocabledu jugement
declarant la faillite et nonobstant la suspension de la procédure,la vente
pouvait êtreautorisée en vertu du pouvoir généraldêvente des syndics.
L'inexactitude de cette théorie a étéamplement démontréeet .e n'.
reviens pas.
Le Gouvernement espagnol estime-t-il que cette thhorie justifie
l'autorisation de vente? Je vais vous lire, Messieurs. comment, à cet
égard,la duplique s'exprime:
rCe long exposéjuridique qui, forcépar la Réplique,a dû êtrefait
n'a, comme on le verra Dar la suite ... au'un intérêt trèssecondaire.
étant donné qu'en fait jles mots «en ?ait o sont soulignés dans la
duplique] les syndics fondèrent leur requête de vente sur les besoins
inéluctables qui imposaient la vente et dont la réaliténe peut être
miseen cause ... Le juge spécialet la Cour d'appel (Az~diencia)en
autorisant la vente ont aussi tenu compte de cette réalité, à savoir
que si la vente n'avait pas lieu à ce moment-là le résultat pouvait
êtreladésintégrationtotale du patrimoine que les syndics s'étaient
vu confier tout en spécifiant,bien entendu, les pouvoirs juridiques
pour réaliserla vente. » (D., VII,no566, p. 608.)
Je demande respectueusement à la Cour de bien vouloir, au cours
de son délibérés ,e pencher sur ce texte. Car quelle peut bien en être
l'exacte signification?
Je reprends: la justification juridique basée sur le pouvoir général
de vente n'offre, commence par dire la duplique (VII, p. 608) aqu'un
intérbt très secondaire n.
Concluons, comme je l'ai déjà fait tout l'heure: si elle n'est que d'un
intérêttrès secondaire, iln'y a pas de motifs pour que la Cour inter-
nationale s'attarde à en vérifierla valeur.
Par ailleurs, dit la duplique dans le mêmepassage (ibid.), cette justi-
fication n'a qu'un interêttréssecondaire

cetant donné qu'en tait les syndics fondèrent leur requête sur les
besoins inéluctablesqui imposaient la vente ...et que le juge spécial
et la Cour d'appel (Audiencia) ... ont aussi tenu compte de cette
réalité..r
Cuiicluons: les jiistifi~.ntioii donnbes p3r les syiidics doivent Stre utili-
sces pour apprécier In respon;:ihilité intcrn~tionnlc dc l'Espagne; or.
on nous a dit à 1;1paK, IioS qu'il était in:idmissible de notre part clc les34O BARCELONA TRACTION

utiliser! J'achève enfin la citation: «Le juge spécialet la Cour ...[ayant
spécifié]b, ien entendu, les pouvoirs juridiques pour réaliser la vente. »
Or, d'une part, le juge spécialn'avait rien spécifié du tout quant aux
pouvoirs juridiques; et quant à la cour, elle, elle avait basé son arrêt
sur le pouvoir généralde vente des syndics, justification qui n'offre
nous dit la duplique <<qu'unintérêttrès secondaire*, ce qui signifie
en d'autres ternes qu'elle n'a aucune valeur.
Comment dégagerde ce tissu de contradictions la position du Gouver-
nement espagnol?
Car I'kquivoque qui résulte du passage que je viens de commenter,
elle se retrouve à nouveau, à la page 609:

*La. Partie adverse prétend que la vente était illégalevu l'état
de la procédure: le Gouvernement espagnol répond que les syndics
avaient le pouvoir légald'y procéder, et qu'aucun obstacle ne s'y
opposait dans le cas d'espèce.
568. Il ne s'agit pas là d'une argumentation que le Contre-
mémoire allègue ex novo...

Lorsqu'elle s'est prononcée en dernière instance sur les recours
introduits par la société faillie,la Cour d'appel (Audiencia) de
Barcelone a indiqué très nettement ...que les syndics pouvaient
vendre en vertu de leurs pouvoirs normaux, et cette conception
est tout à fait conforme à l'ordre juridique espagnol. ii(D., VII,
p. 609 et 610.)
Or, !dt!izieiirsle ni'cxiuic cl,?Ic rA}iét,-r,ii~iic'est III:iiia~nt'rei moi
d'êtrc~loqutiit. ii la p.igr 003, In diililiilu<:nousa dit (III,irttt'coii.:rl,-
tien ne 18r;scnté.en I'espc:ce.uln'un 111ti1~11r~sS~~:onditirc ct ?lit nous
a dit, :iIn page (ioj - 1% .oiii en ai p.irli toutIiI'lic.iire qii'en cas de
jiigeiiicntil<!I;iillitricidc\.cnu irii\.ocal>li.,Iç~,ou\.oirilc \.rntc ii't,xiitc,
que dans des circonstances exceptionnelles. -
Pourquoi, dès lors, pour justifier la vente, faire sans cesse référence
à ce pouvoir généralde vente des syndics, car, comme la Cour le verra,
la duplique y revient encore aux pages 612, 616, 617 et 621, VII, alors
que, par ailleurs, on nous dit que cette justification n'offre qu'un intérêt
secondaire et que le pouvoir de vente des syndics n'était, en l'occurrence,
qu'exceptionnel et non général?
De mémequ'une porte doit êtreouverte ou fermée,le Gouvernement
espagnol doit dire nettement s'il considère que le pouvoir généralde
vente des syndics, dans les circonstances de la cause, justifiait la décision
de vendre ou s'il considèreque ce pouvoir, en l'occurrence, ne présente

qu'un intérêtjuridique très secondaire, ce qui signifie, si les mots ont
le sens qu'ils ont dans les dictionnaires, qu'il ne peut êtreinvoqué à
l'appui de l'autorisation de vente accordée aux syndics. En d'autres
mots encore, le Gouvernement espagnol doit dire si, en l'occurrence, le
pouvoir de vente était la règle, comme l'a soutenu la cour d'appel de
Barcelone, ou si elle n'était quel'exception, comme l'affirme la duplique
à la page 605. Car s'il est une évidence,c'est qu'une mêmedisposition
juridique ne peut, à la fois, constituer la règleet une exception à la règle.
J'examinerai maintenant si une exception à l'absence de pouvoir
généralde vente des syndics existait et, si oui. à quelles conditions elle
étaitsoumise.
Quel est le siègede la matière? M. le professeur Gamgues Sa magistralement exposé à la page 95 du
texte imprimé de sa consultation traduite en français et je demande la
permission àla Cour de lui en lire un passage:

"Dans la procédure de faillite, il est nécessaire de distinguer
entre la hase rév vent ivoeu conservatoire et la Dha~ed'exécution
prol)r<:ni&ntdite 1)aiis la premihre de ces phase;, &tant don"(: Ir.$
facultéisinipleint.nt de surrtévtde coiiservation qui appartienneiit
ne pe;t étre'a~cordée~u'à titre êxceptionnel et pour de grabes occu~és
raisons d'urgence. A ce critere répondent les préceptes de toutes
les législationsqui s'inspirent des normes de L'anciencode de com-
merce français au travers des réformes des années 1838et 1951.
Ce n'est que dans le cas où la conservation des choses serait maté-
riellement impossible que le séquestre provisoire peut proposer au
juge leur aliénation, étant bien entendu que cette aliénation doit
se rapporter exclusivement aux biens meubles et jamais aux im-
meubles. L'article 1955du code de commerce espagnol de 1829
ré~ond ti ce critére iorsau'ii dis~ose ane le séauestre Drovisoire ne
pourra procéder à la vente des biens be la failîiteà$oins qu'il ne
s'aeisse de ceux qui ne peuvent êtreconservés sans se dktériorer
ouie corrompre; et en harmonie avec ce précepte, la loi de procé-
dure civileseréfère,enson article 1354a ,ux autorisations ue donne
le commissaire pour la vente d'urgence des effets de la jaillite, et
l'article 1161mentionne ~armi les attributions du séauestre Dro-
visoire celle de proposer au juge l'aliénation des biens heubleiqui
ne Deuvent êtreconservés.En réalité.ces aliénations de caractère
urgent tendent à conserver la valeur de certains biens meubles de'
la faillite en transformant en argent ces biens pour que. la chose
étant remplacéepar son prix, il reste une valeur exempte de tout
risque de détériorationou corruption. II

Messieurs, de ce texte lumineux il résulteque les textes fondamentaux
d'où dérive l'exception ti la règle sont I'article 1055 du code de com-
merce de 1829et I'article 1181du code de procédure. Et la règle peut
s'exprimer de la manirire la plus nette: tant que la faillite n'est pas
dkfinitive. il ne Deut êtredistrait du Datrimoine du failli aue ce aui. en
y restant; c;<use;ait un domrn;igc tce patrimoine.
Cç n'est pas exact. <litla diipliquVI1 Elle Çcrit aux pages 612et 613:
<1.a partie :~di.i:rseoublie que le p3ragra1)Iie3 de l'articleI 181
(11Cod,: de proc63urc ~.i\-il,:(qui rccunn;iit In \,ente conser\~atoirz
iI;ini Infaillitu ci\.ileuiid>confitiir,.\est reni~lacért eninatiére
de faillite, par I'article 1354qu; admet iles ventes\rgentes des
effets de la faillite ou pour les frais indispensablesà leur conser-
vation.»

Si nous l'avions oublié, nousétions,si j'ose dire, en bonne compagnie,
car jamais, à aucun moment, ni les syndics, ni le juge spécial,ni la cour
d'appel, ni les auteurs du contre-mémoire. n'avaient songé à invoquer
un tel argument; il l'est pour la toute première fois par les auteurs de
la duplique. Et il l'est d'ailleursà tort. En effet, 1article invoqué, à
savoir l'article 1354du code de procédure, n'est qu'un texte strictement
procédural.Il suffit de le lire pour s'en rendre compte:342 BARCELONA TRACTION

«Les autorisations données par le commissaire pour les ventes
ureentes d'effets de la faillite. ou ~our les dé~ensesindisuensables
q$ devront êtreeffectuéespour l&r conservition, seront'attestées
éealement dans une ordonnance formelle rendue sur requête du
dquestre provisoire. u

savoir qu'il prévoit des ventes urgentes des effets de la faillite ou pour
les fins indispensablesà leur conservation. L'article dit seulement que
Dourles ventes ureentes d'effets de la faillite ou Dourles dépensesindis-
Pensables à leur &nservation, il faut une autorgation du commissaire.
Autrement dit, il édicte ce qu'il y aura lieu de faire lorsqu'il faudra
procéder à une vente urgente,maii il se garde bien de définirla vente
urgente. Pour savoir ce qu'il faut entendre par vente urgente, il faut
s'en référeraux articles 1055 du code de commerce de 1829 et 1181 du
code de procédure lesquels, eux, rkglent la question au fond. Les règles
élémentairesde l'interprétation juridique commandent le recours à la
méthode que je viens d'indiquer, car quand une disposition législative
détermineles pouvoirs quisont reconnus à un organe judiciaire et qu'une
autre disposition législative organise la manière dont cet organe judi-
ciaire les exercera, c'est évidemment au premier texte qu'il faut avoir
recours pour savoir en quoi consistent ces pouvoirs et jusqu'où ils
s'étendent.
La page 613, VII, de la duplique déclare encore que peuvent faire
l'objet d'une vente urgente, non seulement les biens périssables, c'est-
à-dire ceux qui peuvent être détmits par le temps, mais ceux .qui. du
fait de la conjoncture économiqueou pour toute autre raison, courent
un grave risque de dépréciationimminente o.
C'est là donner à l'acte essentiellement conservatoire qu'est la vente
pour cause de détérioration une extension absolument inadmissible.
Il ne faut pas oublier que, dans sa rédaction littérale. l'article 1x81
du code de procédure civile dont se réclamèrent les syndics, et même
l'article 1354du même codequ'invoque à tort la duplique, reconnaissent
un pouvoir exceptionnel de vente au seul séquestreprouisoire et le lui
imposent même comme un devoir. Sans doute, je reconnais tout de
suite que ce pouvoir est également reconnu aux syndics pour identité
de motif, mais il est clair que ce pouvoir ne change pas de nature et,
plus spécialement, qu'il ne s'accroît pas quand il passe des mains du
séquestre provisoire aux mains des syndics. Autrement dit, les syndics
ne Deuvent. tant au'ils ne disoosent vas du oouvoir eénéralde vente
- êtc'est 1;hypoth~sedans laguelle nÔusnou&rouvon~pour le moment
- vendre un des biens saisis par l'effet de la faillite que si le séquestre
provisoire, lui aussi et pour les mêmes raisons,aurait ëu qualité pour,le
ne l'ont pas davantage.estre provisoire n'en a pas le pouvoir, les syndics
Or, que s'agissait-il de vendre? C'était, dans la tbése de la duplique
A la page 524,VII, «les droits inhérents aux actions différents de ceux
inhérents aux titresiiou encore, comme eue le soutient aux pages 328,
VI. et suivantes. le ouv voirde domination de Barcelona sur ses filiales))
. .
(PEt quel était le danger que, prétendument, il s'agissait de conjurer
par la vente? Celui provenant de la conjoncture économiqueou de toute
autre cause, dit la dupliqueà la page 613, VII. \'oyoiis dc plus prt's ces dcux notions. 1-a conjoiicture économique?
Si lcj mots ont iiisens, cc13higiiili~que si1;icoiljoncture ccijnomique.
,l;iiis uii avenir iriinic'diat.rixiuc rl'CtrcEr:i\.eiiitiiitJr!tiriusi-aucs-
tre provisoire aurait le devoiÎ de prov;oquer la vente des pouvoiis de
domination, sous peine, comme le soutient la duplique-. cd'encourir de
graves responsabiïitési, (D., VII,p. 611).
Prenons une notion plus courante, plus claire, et, dèslors, plus intel-
ligible que celle, légèrementfarfelue, des pouvoirs de domination, pre-
nons le cas des titres-valeurs. Va-t-on soutenir, de l'autre c6té de la
barrc, cqii'cnglruit f-sp~gnollesc;iliii.+trepru\.isoirv, suus peine ?'cii~uurir
ireîgrav1s rI I~n;îIIiIIt2 11;iit'ilrlcr;\.oit(~iit12 cours l>(>ursi?r<lecesiide
ritr,%iri><liir.,dansiiii~~vi.iiirprüiIr.ri,*Li~i-wrcoiisid;~r~I~Içi~~~~ Cit?
qui iiiipliqut:~,ir, <.uriél:itivcinti:ttp,r \.uirde idiist;iliic:iirque. Ic
méme;équestre provisoire encourrait &lement !es plus graves respon-
sabilités - toujours pour parler comme la duplique - s'i1,s'abstenait
de vendre les titres au cas où ceux-ci auraient en bourse atteint un cours
exceptionnellement élevéc ,e cours élevép, arce que exceptionnel, devant
êtrenécessairement, dans un avenir lus ou moins bref, ramené à un
niveau qui le serait beaucoup moins. S telsiétaient véritablement, selon
le droit espagnol, les pouvoirs et, en conséquence, les responsabilitésdu
séquestreprovisoire, si celui-ci vraiment était obligé,dans la phase pure-
ment conservatoire de la faillite, de guetter en quelque sorte la con-
joncture économique de façon à vendre au meilleur cours les titres
placéssons sa garde, je me permets, Messieurs, de vous le demander:
se trouverait-il encore un juriste ou un homme d'affaires assez insensé
ou assez inconscient pour oser les assumer?
Et quant aux causes, autres que les variations de la conjoncture
économique,queiles pourraient-elles donc bien être?Observant de Con-
rart le silencepmdent, la duplique n'en cite aucune. Mais prenons celle
qu'invoquèrent les syndics, à savoir la menace d'impositions, d'amendes
et de dommages et intérêts. Aumotif, et à fortiori, au prétexte - vous
verrez pourquoi tout à l'heure la distinction se justifie - au prétexte
de difficultésavec le fisc ou de l'éventualité d:un procès,,le séquestre
provisoire aurait-il non seulement le droit mais le devoir,-sous peine
d'encourir les plus graves responsabilités,defaire vendre les biens dépen-
dantde la masse? Il suffit. à toute évidence,de poser cette question pour
que, du mêmecoup, la réponse lui soit donnée.
Au surplus, acceptons même, et uniquement pour les besoins du
raisonnement, de nous placer sur le terrain choisi par nos estimés con-
tradicteurs! La vente s'impose, affirment-ils, dèsque le risque de dépré-
ciation est grave et qu'il est imminent. Encore faut-il, en plus, que la
vente permette de le conjurer, car la seule justification de la vente,
n'est-il pas vrai, c'est que grice à la vente le risque sera écartéet la
dépréciationimminente évidente. En revanche, si la vente n'a aucune
possibilitéde faire disparaître le risque et/ou la dépréciation,si, de ce
point de vue, elle ne sert absolument à rien, il est évident - tout le
monde acceptera de convenir, le Gouvernement espagnol y compris, que
cette fois le terme est utiliséd'une manière adéquate - il est éviden:,
dis-je, que la.vente,par le fait qu'elle n'a pu et ne peut conjurer le pénl,
perd toute utilité et, dèslors, tonte justification.
A fortion en sera-t-il de même lorsquela vente, par sa seule annonce. BARCELONA TRACTION
344
aura pour effet, bien loin de maintenir la valeur des objets à vendre, de
les déprécier.
Je m'excuse, Messieurs de la Cour, d'avoir ainsi enfoncé des portes

largement ouvertes, mais les principes juridiques étant ainsi dégagés -
et j'ai la faiblesse de croire qu'ils relèvent du bon sens le plus élémen-
taire -, voyons maintenant comment ils furent appliqués par les syndics.
Et d'abord, quels motifs invoquèrent-ils?
D'après la duplique, à la page 591, VII, ces motifs auraient étéau
nombre dedeux. Primo, l'insuffisance de trésoreriedes sociétésauxiliaires
par suite de la faillite, et, secundo, les dangers qui résultaient de la
déclaration conjointe de 1951. La mêmeduplique explicite, aux pages
595 et 596, que lesdits dangers

«provenaient des actes du tribunal des délits monétaires et des
responsabilités possibles en matière fiscale annoncées, comme con-
séquence du travail des experts ... Ces responsabilités étaient de
trois ordres: délits monétaires, non-paiement d'impôts et actions
possibles en dommages et intérêts r.

Et de faire état, notamment, de l'embargo, de la saisie de 400 millions
ordonnée par le tribunal des délits monétaires.
Nous allons voir la deuxième raison invoquée par les syndics: nous
verrons ensuite si, somme le soutient la duplique (VII, no 549, p. 595),
les syndics invoquèrent la première.
Deuxième raison: la duplique (VII, no $51, p. 598) se décide enfin à
reconnaître le rôle indéniable joué par la déclaration conjointe dans la
procédure de vente. Elle oublie d'ajouter que ce ne fut pas seulement
la déclaration conjointe qui fut invoquée par les syndics, mais que ce
fut aussi, et on pourrait mêmedire surtout, le compte rendu du Conseil
des ministres espagnol du 15 juin 1951 et son commentaire ampliatif.
Eu effet, ces deux derniers textes furent amplement invoqués par les
syndics dans leur requéte. Pour s'en convaincre, il suffira à la Cour de

se reporter au texte de cette requête (A.M., vol. III, p. 671); elle y lira
notamment cette phrase - mais il en est d'autres qui font également
référence à ce document: sI1 serait irrespectueux d'ajouter l'un ou
l'autre commentaire au compte rendu des minutes et au procès-verbal
mentionné ci-avant, ce sont des documents qui parlent par eux-mêmes »,
etc. Je vous laisse le soin, Messieurs, d'achever la lecture.
Or, M. le professeur Mann a fort bien relevé les conditions dans les-
quelles la commission internationale d'experts fonctionna (supra, p. gS
et suiv.) et comment les conclusions de leurs rapports furent déformées
.ar le Gouvernement e~'~eD~~.
La publicité dont a été entouréle communiqué du Conseil des minis-
tresn'était donc pas fortuite. Elle était manifestement destinée à influen-
cer le cours de 1; nrocédure de la faillite et. Dar conséauent. elle consti-
tiisir unc iiittr\.<-iitiuii iniliic<tr ni:iii iiiaiiii(1ii;iiiiurirF~~i<iliti~liif.;

d:iii> It,foii~tionnciiicnt (IV1.1 luitire ' - r r (IUC, CItns la ;fi'
rc.sl~oii~l:inc<Iilil~tni:ttii]Ir (;~~iivrrn,-III<-irl>.ignul d<;:Iar.iitIiiAr<.
ri~oiir~:ui~:inïliiiitir<iitp.~r la loi ii:,rii,iiri1.1qut i:,!rr,. iiitt~r\~~ntion
ait 1'ricflicace. il surtira i>.,ur <'ci1rcn~lrc iv:iii,tv <J',:x.iminti 1,:s <I;.ri-
sions prises par le juge siécial et les considérànts qui inspirèrent cette
décision, notamment le jugement du 15 septembre 1951, confirmant
l'autorisation de vendre. Mais que, du mêmecoup, la responsabilité
internationale du Gouvernement espagnol soit de ce fait aggravée résultede ce qu'il a ainsi encouragé les successifs rouages judiciaires de la
failliteà persévérerdans la voie funeste où ils s'étaientengagés.Et d'un.
Par ailleurs- et de deux - quels dangers résultaient des documents
inva) Les sociétésauxiliaires et, éventuellement, la sociétéfaillie, auraient
assumé - et ie vais reurendre ici les termes exacts de la duuiiuue -
e des responsaBilitéspos;ibles en matiere fiscale ii. . '
Comment la simple possibilitéd'une imposition etlou d'une amende
fiscale pouvait-elle- je le demande - constituer un risque grave de
dépréciationimminente? Aucune imposition n'était enrôlée; en consé-
quence aucun délai de recours n'avait commencé à courir; en consé-
aAen~ ~ ~ ~re. aucun imuôt n'étaitexieib-e et à fortiori aucune amende:
en conséquence enfin, aucune poursuite d'aucune sorte n'était engagée.
En réalité,le risque d'imposition et à fortiori le risque d'amende
étaient si peu graves, et la dépréciationétait si peu imminente, que
jamais, i70us m'entendez, Monsieur le Président, hlessieurs les juges,
jamais le risque ne se réalisa ni, en conséquence, n'entraîna aucune
dépréciation, en ce sens que jamais, je le répète,et à l'heure actuelle
encore, le Gouvernement espagnol n'a réclaméle moindre centime à
titre d'impôts et à fortiori d'amendes, en raison des prétendues fraudes
fiscales dont se seraient rendues couoables les sociétésauxiliaires et la
soc&$ mère mise en faillite.
II fallait doncQueles syndics n'aient vraiment aucun motif de dépré-
ciation à invoque; pour eh invoquer un aussi piètre, et qui soit démenti
d'une manière aussi éclatante par les faits. Au surplus, et ceci, s'il en
était besoin, achève la démonstration de l'absence de pertinence du
prétexte mis en avant, en quoi la vente des biens aurait-elle fait dis-
paraître ce qui était et est encore allkgué,à savoir le grave risque de
dépréciation,que celle-ci fût imminente ou qu'elle fût éloignée?Le Gou-
vernement espagnol viendrait-il soutenir devant la Cour quedes impbts
et des amendes eussent étéexigéssi les biens étaient restés entre les
mains de leurs légitimes propriétaires et que s'ils ne le furent pas, c'est
parce qu'ils passèrent entreles mains du groupe March? II était -,et je
m'excuse de l'expression, Messieurs, mais en l'utilisant j'use d'une litote,
ou de I'underslalement, comme on dit en anglais - il était, et il reste
ridicule de soutenir oue la vente des biens uouvait écarter une resuon-
sabilité possible en katière fiscale. Dans fa mesure où la prétei;due
menace était présentée commeaffectant la Barcelona, une responsabilité
réellene poucait justifier la vente, car la vente n'écartait pasla respon;
étaitiàéce point peu possible que jamais elle ne vit le jour.ossible et qui
En réalité.la vente. dans les conditions où elle eut lieu. n'eut qu'un
effet, c'est de l'insolvabilité de la débitrice en la rendant
définitivement incapable de payer les autres créances - elles s'élevaient,
au total, à 63 millions de pesetas - que celles que possédaient, à son
égard,les obligataires. Etait-ce là la manière, pour la faillie, d'éviter,la
dépréciationde ses biens? Ce serait en ce cas la manière de Gribouille
qui, vous le savez, se jetaità l'eau pour ne pas se mouiller. En sorte que
ce qui passe, dans tous les pays du monde, pour l'exemple type de ce
qu'un homme sensé ne fait pas, les syndics espagnols peuvent s'enor-
gueillir de l'avoir fait. Et, par ailleurs, dans la mesure où la prétendue
menace était présentée commedirigéecette fois non pas contre la faillie
maiscomme affectant l'avoir des filiales,sonannonce, danslesconditions346 BARCELONA TRACTION
où elle fut faite, ne pouvait avoir d'autre effet que de déprécier les biens,
c'est-à-dire d'avoir un résultat à l'opposédu but apparemment pour-
suivi - j'y reviendrai d'ailleurs dans un instant.
b) Lemêmeraisonnement vaut évidemment en cequi concerne ce que
la duplique appelle «les actions possibles en dommages et intérêtsu
(D., VII, p. 596). Aucune de ces actions possibles n'a jamais vu le jour;
aucune n'a jamais étéintentée. Comment, dèslors, avoir oséet comment
continuer à oser aujourd'hui encore s'y référerpour justifier la prétendue
nécessitéde la vente?
c) Quant à la saisie de 400 millions de pesetas ordonnéepar le tribunal
des délits monétaires, les raisons sont multiples pour démontrer que
c'étaitégalement une mauvaise raison qu'invoquaient alors les syndics.
D'abord - etla duplique le reconnaît (ibid -.)cette saisie, cet em-
bargo, datait d'avant mai 1948 Pendant des années,elle n'avait en rien
gêné ni compromis la bonne marche des sociétésauxiliaires. Pourquoi,
bmquenient, se serait-elletransformée, en août 1951,en un risque grave
de dépréciationimminente?
La duplique, cette fois, a bienétéforcéede donner une réponse. Quelle
est-elle? Je lis les termes dont elle usela page 596: «Nul ne peut nier
qu'en 1951 l'instmction était pratiquement terminée et que, par con-
séquent, la décisionn'allait tarderà êtrerendue ii.
fut-Ic2t>iio\.cm\>rc19j2, soit pludee11uinïcmois airés I'iotroduitiuiiJc
Ii rcquCtc dcs syiidics tri;iutunjation rlcvciite. ((Nul tic pcut nier....
:iffirme Ic Gou\-crnemeiit eîn.<etiul.La Cour ni,?taxcra-t-rlls ds t~nic:rit>
si, eu égardaufait indiscutabG que je viens de rappeler, j'ose nier qu'en
août 1~51, la décisiondu tribunal des délits monétaires devait tarder
longtemps encore à êtrerendue et qu'eu conséquence elle ne pouvait
justifier une vente urgente?
Au surplus, de deux choses l'une: ou bien en août 1951 la décision
devait tarder à êtrerendue. et elie tarda effectivement en da ntauinze
mois, et en ce cas, d'aprèsia théorie mêmedu ouv verne espagn ot,
la vente d'urgence ne se justifiait pas: ou bien, en aoû1451, la décision
allaitétrcrcnduc trCsproihaincmcÏit ?t.c.tCCris,laventï ;i'urgt-iicene se
jitstifi:iit p;tsda\,antagr. Poiiriliiui? \lais pnrcc qu'il fallait. ;tvarit rl';iviser
et de prendre une décisionaussi grave, savoir in quoi allait consister le
jugement du tribunal des délits monétaires;il fallaitêtrefixésur le mon- '
tant exactde la condamnation et surlesmodalités depaiement: y aurait-il
des délais, oupas? Et ce, dans l'intérêtmêmede la masse. Encore une
fois, c'est ce qÙeles événementsultérieurs ont démontré,.Messieurs.En
effet, la Cour sait que, finalement, l'Ebro fut condamnée une amende,
non pas de 400 millions de pesetas, comme le proclamaient les syndics,
mais de 66 millions de pesetas (R., V, p. 95, note I), soit le double des
sommes que le juge constata avoir étéexportéessans autorisation, ce qui
prouve aussi que les sommes exportéessans autorisation s'élevaient non
pas à40 millions,comme il fut soutenu, mais à33. Cette décisionn'avait
rien d'extraordinaire; elle était conforme ce qui, de notoriété publique,
nous l'avons dit à l'époque,temporenon suspecta, est la jurisprudence
démontrer. dece tribunal. La duplique nous reproche de I'affirmer sans le
Mais le trait le plus révélateur de l'existence de cette jurisprudence
c'est que, si celle-cin'est pas publi-e et c'est lemotif pour lequel nous
ne pouvons pas la produire - le Gouvernement espagnol, lui, la connaît.lit alvrs qu'il a passéau peigne fin toute la lurispmdence touchant de
prk uu dt:I<iiraiux multiplesquestions en causc, alors qu'il acummuniilué
des centaines de ~ihces. doni beau cou^ - la Cour Üourra s'en renare
compte - taien n irfditemcnt inutilta, il se garde Lien d'appuyer son
dc'inentip3r la Pr~(&~tiOnd'une seulc yiécedu luge du tribunal des dflits
moiit:t:~ircscondami~ant nu désiiple de I'iiifr;<itiuii.En sorte que nous
puu\.onî ctnitiiiuçr à :iffirmcr qu'cn aout 10j1 les syndics javnicnt quc
1amciidr à pïycr ne serait p;is suptiricurc à no iiiillioii~de p~.s~t;is1-1il
<.t;iitividciiiincnt (11;1'int;rc'td1:ini.is.i?au,: IL.iutur ncauercur siclie
que les biens de I'Ebro n'étaient grevésqui d'une dette dé66 millions,
plutbt que de lui laisser croire qu'ils étaient gr.vésd'une dette de 400
killioni
\lais. et voici Ilessieurs 1'e~plic:~tionde leur :ittitudc. si le, syndics
avaient attendu la décision rfelle du tril)unal des délitsnionztairïs plutUt
aur dc devancer sa dicision Dussibie111ais im~roh;ible. la Dreu5.eciit été
;apportée du même coupqueÎe paiement de l'amende h'airait eu aucune
inHuencesur le fonctionnement normal de 1'Ebro.
En effet, dès 1948, les fonds disponibles des filiales qui n'étaient pas
nécessairesaux besoins de l'entreprise avaient été, d'ordre du ju e spé-
cial, consignés à la Caisse généraledes dépôtset consignations. 8r. de-
puis 1948 jusqu'à la date de la vente des biens, les sommes ainsi con-
signées nedescendirent jamais en dessous de 81 millions de pesetas (R.,
V, p. 95).C'est dire qu'elles eussent été à chaque instant sufiisantes, de-
puis 1948 jusqu'à la date de la vente, pour payer l'amende. Ceci est si
vrai, et ce que je vais vous dire està cepoint décisif,que lorsque l'amende
de 66 millions fut finalement prononcée, ellefut payée exclusivement à
l'aide des fonds se trouvant à ladite Caisse généraledes dépôtset con-
signations. Donc, la vente n'était pas nécessaire. Carpourquoi ce qui a
étéainsi fait après la vente, c'est-à-dire le paiement de l'amende au
moyen des disponibilités,n'aurait-il pas pu l'êtreavantla vente, rendant
celle-ciinutile?Pourquoi n'aurait-elle paspu l'êtresans la vente, puisque
la vente ne fut pas nécessaire? ,
Et on ajoutera, enfin, car vous voyez que les argumentssont innom-
brables, que pour la dette du chef du délit monétaire, comme pour 1:s
autres dettes,la vente des biens n'a, en aucune manière, évitéau patn-
moine de la faillie le risque de dépréciation imminenteou é!oignée qu'elle
représentait, mêmedans la mesure très limitée - 66 millions - où elle
en représentait un.
Au contraire. l'annonce de la vente~~,ns les conditionsoù ellel'a été.a
;i~gr.~t.1.itl(.prG;intiondes Liçiis i-vrt;iuEn iinnon$,nntl]uc ~':icqlifrz~~r
(1:s hii.1d,.; soci,;t,filinlcsrisquait de pLycr dcs iriipôts et il~.saiilendes
fii~.alc;,cn ~firmaiit. s:ins formuler Iciiiiuiiidrr ri.;cr\,e, que le tribuiial
dcs dclits monctaircs poiirr;~it exiger uiie nmt-ndr: de 400 millioiis <le
pt:,et;i,, Iri ;yii(liis ont lait ex:tctciii,.nt lecontraire ilecd qu'ils:~firrn;iit:iit
Ctre Icur hut :ils~~iitilii>riziédans I'es~rit(lrs ai~ouéreursla v:ileur de ce
qui était à vendre. Il est clair, n'est-il pas vrai. ;ne si l'acquéreur d'un
bien croit que celui-ci est grevéd'une dette de 400 millions, il le paiera
moins cher que s'il sait qu'il n'est grevéque d'une dette de 66 niillions.
Mais tout cela, voyez-vous, faisait l'affaire de Juan March - qui, lui,
savait très exactement quoi s'en tenir - en ce que le gonflement des
menaces pesant sur la faillieet ses sociétés dépréciaitd'autant ce qui était
à vendre et justifiait la modicitéde la mise à prix -j'y reviendrai.
En tout cas, et c'est ce qu'il importait ici de démontrer,une desdeux348 BARCELONA TRACTION
raisons invoquées par les syndics pour tenter de justifier la vente ne
résiste pas à l'examen. La vente n'étaitdonc pas justifiée.
Et qu'en est-il au sujet de l'autre des deux raisons invoquées par la
duplique pour justifier la vente d'urgence, à savoir l'insuffisance de la
trésorerie des sociétésauxiliaires par suite de la faillite? La réponsedu
Gouvernement belge est nette et elle est péremptoire: d'une part, il est
faux de soutenir que lessyndics ont invoqué l'insuffisancede la trésorerie
des sociétésauxiliaires par suite de la faillite; d'autre part, il est tout
aussi fauxque la trésoreriedes sociétésauxiliaires était insuffisante.
Les syndics, tout d'abord, n'ont pas invoquéle motif, ou plus exacte-
ment, le prétexte alléguépar la duplique. La Cour pourra le vérifieren
lisant le texte de la requêtedes syndics; ce qu'ils y développent, c'est
l'idéesuivante, exprimée A la page ide leur requête:

uparce qu'ils sont convaincus de l'exactitude de ce qui précède [à
savoir que les biens continueront à êtreadministrés de la même
mani&ou'à ré sentDOUT un tem~s difficilementcalcula~ ~ . ~ ~.'ils
considerint 2; mériie'tempsles Asques que court le patrimoine ad-
ministré,risques déri\,ant de I;inote signée par.\lessieurs le Ilinistre
de I'iiitérieuret 1'~Imbassadc~ub rritannique .. quelques obligatairrs
orit attiré l'attention des soussignk soulignant les dangers que prC-
sente i)our 13 cuiis~r\~.~tioi~e I:<vitleur des biens saisi;. Ieiir forriiç
actuelk d'immobilité en relation avec ce oue mentionne la note di-
plomatiqu- - » (A.M.,vol. III, p. 6k9.)
Ce n'est donc pas la forme d'immobilisation actuelle des biens qui, en
soi, a étésignaléecomme dangereuse; c'est cette forme d'immobilisation
en relationavec le contenu de la note diplomatique.
Et les syndics continuent:

sur la situation, les soussignésont procédé àAlun examen détaillédelle
celle-ci et ont chargé des techniciens de les conseiller [sur quoi.
hlessieurs?] au sujet de la réalitédes risques mentionnés ainsi que
surleurs répercussionssur lesbiens de la masse de la faillite. » (Ibid.)

Encoic une fois. c'est on ne peut pliis clair. les experts sont consultL's.
non point jur I'ctat de I;itrésoreriede; socii-tés;iuxiliaire- de; i:xpi.rt-.
n'auraient ;te nullement n6se;iairr a cet tfiet, car les syndii.: i:i>nrioij-
saient mieux qu'eux la situation - mais les experts ont étéconsultés,
d'une part, sur la réalitédes risques mentionnés dans la note diplomati-
que et, d'autre part, sur l'influence de ces risques sur les biens de la so-
ciété.
Et les syndics continuent:
cLe rapport desdits techniciens a confirméce qui était évident en
soiet de son étudeainsi que de l'ensemble de la situation, ils [c'est-à-
dire les svndicsl ont déduitles conclusions suivantes:
[I'rcmiere concliisiori]- 1.atr(.surerie actuelle.et les recette fii-
turcs iont néces;aires.dans leur intïgralité, pour coii\,rir Lcsbcsoins
indispensables au (lé\~rlu~i]~emen ntormal de I'entrz]irise.n (Ihid.)

Que la Cour i,eiiille bien y Ctrc attrritive: les svndics ne di.~eiitpas que
la tr6sorerie actuelle et les recette; future; ne sufiiront pâus hes0in.ide
I'eiitrcorisc: ils affirment sziilïmriit uu'clles seroiit enti$rement .~l)~urbLiçs
par ce; besoins et - ceci est la fin déleur raisonnement -qu'il ne sera350 BARCELONA TRACTION
normal de l'entreprise; et elle l'a dépasséà ce point que c'est en ayant
recours uniquement à elle quel'amende de 66 millions de pesetas, à quoi
se réduisirent finalement les responsabilités invoquées dans les docu-
ments diplomatiques, put êtreréglée.
Et, aprèsla vente des biens, lesliquiditésdisponibles pourl'exploitation
étaient enc e telles, qu'eues furent plus que suffisantes pour payer les
important&ks trés importants travaux de construction réaliséspar
Fecsa, l'adjudicataire, et les sociétésde son groupe. La preuve en est
fourni par le rapport des professeurs Gelissen et van Staveren, et j'y
reviendrai. Messieurs. (Ra~~ort Gelissen-van Staveren. n.uv. doc. ~ ~ ~6.
n0q4 et 85, p. 100 et ior:j
Comment est-il possible de soutenir, dans ces conditions, qu'il fallait
procéder àla vente urgente des biens?
Au surplus. un nouveau document achèvede prouver que le motif que
les syndics invoquèrent alors, de mêmeque celui que la duplique allègue
aujourd'hui pour jutifier la ventedes biens, ne sont que desprétextes et
de faux prétextes.
Il se trouve, dans ce dossier, auquel j'ai déji fait allusion, du proc&s
intenté à Londres par Sidro au cornit6 des obligataires de Prior Lien en
1949, et que le Gouvernement espagnol a déposéau Greffe de la Cour.
Ce document est reproduit au Blue Book (vol. IV, p. 1).Il s'agit d'une
lettre adressée par le capitaine Hillgarth, associéau groupe March, à
sir Herbert Brittain, haut fonctionnaire du Trésorbritannique, mus la
date du 23 novembre 1951,c'est-à-dire au lendemain de l'ordonnance du
juge spécialapprouvant le cahier des charges.
M. Hillgarth écrivait que si Sofina ou Barcelona Traction envoyait un
représentant auprès de March, et montrait un désirsérieuxde payer les
obligataire à cent pour cent, March demanderait aux syndics d'ajourner
lavente. Quedevenaient, en cecas,lesdangers de détérioration desbiens?
Rapprochez ces documents, Messieurs, de cet autre qu'a produit le
Gouvernement espagnol et dontj'aiparlé tout àl'heure, et d'apréslequel,
s'il fut procédé&la vente, c'est uniquement parce que les négociations à
l'amiable avaient échoué:tout cela n'achève-t-il pas de démontrer. si
besoin en était - et besoin n'en est pas - que les raisons invoquées
pour justifier la vente ne pouvaient la justifier?
Il est donc possible de conclure, et avec votre permission, Monsieurle
Président, c'est i ce moment que j'arréterai ma plaidoirie, il est donc
possible de conclure au sujet de la vente avec une totale certitude: elle
était iniustifiable en droit et elle était iniustifiable en fait.
En droit, il n'est possible de retenir aucune des raisons qui ont été
avancéesou par les syndics, ou par les juridictions esp- -oles, ou par le
Gouvernement espagnol pour justifier la vente.
En effet, tant que le jugement déclaratif de faillite n'est pas devenu
irrévocable, la règleest que les sy~idicsn'ont pas le pouvoir de vente. II
n'va vas d'exce~tion à cette rèeledécoulantd'une ~roloneation excessive
déla Aprocédurê à; fortiori, pareille exception n'existe pis lorsque cette
prolongation n'est pas due au failli. Il n'y apas non plus d'exception àla
Ïè..e lorsaue l'ensëmble des biens de la iailiite risaie. du fait de la coii-
jtiiicturi. <'<:oiiomiq<,l'unenirn:ice possibl~d'impi;;it~onou dc prucfiscn
(lornmajirs ct iiit6ri.ts. si:dr:tériori.r,surtout lorjqur la vrntr n'ccartc
pas la menace et que son annonce augmente les risques de détérioration.
La seule exception à la règlevise les biens qui ne peuvent étreconservés
sansse détériorerou sécorrompre. Injustifiable en droit, la ventea également étéinjustifiable en fait.
Des deux motifs que la duplique (VII, p. 59:) allègue comme justifiant
l'exceptionà l'interdiction, l'un n'a jamais 6te invoqué par lessyndics et
l'autre n'était qu'un prétexte, au surplus manifestement erroné: les
daneers invoquéiçDar ëux ou bien n'exktaient pas - c'étaitle cas des
imp;>sitionset desâmendes - ou bien furent cohsidérablement exagérés
cette amende, au momentmendeia vente, n'était pas imminente et, quand.
elle fut exigée, elleput être payée, sansdifficulté,au moyen des fonds
économiséspar les filiales, en sorte que l'existence de cette amende ne
justifiait, en aucune manière, la vente globale ui eut lieu.
On peut donc parler ici véritablement d'une éroute complète: tous et
chacun desarguments invoquéspar le Gouvernement défendeur ont été
réfutésles uns a~r&sles autres. et ils l'ont étémême.oarfois. ..r nos
ad\.crsaires, car aparfois suffipuur le faire d'opposer'à'ccrtain~ rdijon-
nemcnts de nos diitincu6s eo~itr:idiiteurs, d'autres raisoniienients des
mêmesou leurs raisonnements successifs. En tout cas, des uns et des
autres, il ne reste rien, absolument rien, en maniere teiie, Messieurs, que
de quelque manière que I'on prenne la question, qu'aussi loin que l'on
pousse l'analyse, on amve nécessairement à cette conclusion: la vente
qui a eu lieu n'était pas justifiable; c'estort qu'elle a 6téautorisée.
L'audienceestlevée à 13h 3 TREIZIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (2 V 69, IO h)

Présents:[Voir audience du 17IV 69; M.Gros, juge, absent.]

M. GRÉGOIRE: Je serais particulièrement heureux si hier j'avais
réussi à vous convaincre de l'illégalitémanifeste de la décision qui
autorisa la vente des biens de la faillite alors que non seulement le juge-
ment de faillite n'était Das devenu définitifmais que la faillie n'avait
jamais CU. ail fond, plr siitc d1:-iispensioii de 11rocGdiicbtenue par Ics
coriiparies dii Kroiipe \larch. I'occnsioii de faire \.;iloir ses riio)i?ris ail
fond. Tepourra'isalors dire aue. compte tenu de toutes les circonstances
que je vous ai rappelées hi&, c'est a juste titre que le Gouvernement
belgea pu affirmer que la faillite avaitétédétournéedubut en vueduquel
la hi l'a instituée.
En effet, sous le faux prétexte qu'ils auraient manqué de disponibilités
pour payer des impôts qui ne furent jamais déclarés,faire face A des
actions qui ne furent jamais intentées et réglerune amende majorée de
plus de cinq fois parrapport à celle qui fut prononcéeplus de quinze mois
après, alors que l'on parlait de décisionimminente, les syndics, sans
avoir fait aucune diligence pour récupérer lescréances,sans attendre que
l'amende soit prononcéeet laissant croire, au contraire, quec'était à bon
droit que l'embargo avait étéfixé à400 millions de pesetas, les syndics -
vousvous en souviendrez - demandèrent et obtinrentde pouvoir vendre.
Et pourquoi? Je vous ai déji parlé de l'ambiguïté qui pèse sur les
thèses espagnoles. Ici encore, réapparaît cette ambiguïté. C'estparce que
lesbiens étaient siisceptibles de dépréciationimminente, écritla duplique
(ViI) aux numéros452 et suivants, 566 et 572. Mais, au numéro584, la
mêmeduplique défendce qui s'est passéen soutenant:

"Dans toutes les législations,le patrimoine du failli est ce qui se
vend pour payer les créanciers. Rien plus, sa vente est précisément
le butde la procédurede faillite et son aboutissement naturel ... En
somme, ce qui s'est produit dans la faillite de la Barcelona Traction
est cequiseproduit normalement dans lesfaillites detous les pays. .. D
Permettez-moi d'interrompre ici, Monsieur le Président, Messieurs, et
Au.soue l'invite imolicite vàus en est faite var le Gouvernement esvaenol.
puis-je me permett're, moi aussi, de vous cfemander ce qui se serak passé
dans chacun de vos pays si le cas de la Barcelona s'y était présenté?
Mais j'achèvela citation:
...sile débiteur ne paie pas ou n'arrive pas àun concordat avec ses
créanciers,on procède à la vente de ses biens. n

Ainsi donc, la vente des biens est présentéepar le Gouvernement
espagnol suivant les nécessitéscontradictoires de son argumentation,
tantôt comme une exce~tion A la rè-.le.tantôt comme la rèel-. tantôt
cornni? lin :irte purenient conservatoireilip;itrimoinc survenant au cours
<lela procL'dure.pour des raisons ~~xceptionnellr.,,ttintbt comrne l'acte dc
disposition <:onstitiiaiiIç I)utultim(: et normal de cette procCdure
l'ourquoi ce jeu de prestidigitation et ce pas;;ige incess:int d'iine tliçse
:1I'aiitre' Parce que, littéralenierit. les auteurs dc ln dupliqire nr saventsur quel pied danser, tant il est clair que la vente de tous les biens sous
couleur d'assurer leur conservation est une notion dont l'illogismesaute
aux yeux.
Singuliers protecteurs, en effet, et combien dérisoire protection! Au
r ~ - ~ -d'assurer la conservation du Datrimoine. les svndics vont le
liqui<ler; pour ,:II;<jiiircr 11r;tcnduiiicnt 1:iprotection. ils vont le f.rire
dij~iiraitre. Et ceux d..sii~nesouiavaient j.lescontrdler ct iles sur\.eiller
~~-i~ ~t rien Dourles en.emDêChera.u contraire. En sorte aue comédieet
tragédie, comme si souvent'dans la vie, se trouvèrent ain'siintimement
mêlées, comédidee la part de ceux qui ordonnèrent les mesures, traaédie
d~~s~.e chef de ceux âui durent les Subir
Et je pisse m3intcn;inI .iIntroisièiricct <Isrni&rc p:irtic dc mn plniduirlc:
les illlg;ilit;s dcs ino<l;,litd~ la \.eiiti:
II s agit ssscntiellemcnt du c.tli1r.r,les çIiarg,:s. Et ;l'abord (le I'objct
de la vente.
Voici donc les syndics autorisés à vendre.
Et vendre quoi? M.de La Palice, cet émineiitauteur auquel j'ai déjà
fait référence,répondrait: les biens de la faillie. En quoi consistaient-ils?
En actions et obligations émisespar les sociétés filiales ainsi qu'en créan-
ces sur celles-ci. Ce sont donc ces actions, ces obligations et ces créances
qui firent l'objet de la vente. C'eût été tout & fait impossible puisque
actions et obligations se trouvaient toutes à Toronto. Aussi, ce qui fut
vendu, affirme la duplique (VII)au numéro584,ce furent uniquement les
droits de la sociétéfaillie sur les filiales, ou encore nles biens, propriété
de la sociétéfaillie..a.i avaient étésaisis à la suite de la déclaration de
faillitein,ou encore nles droits inhérents aux actions,, qui, d'après le
Gouvernement espa~nol, «ne peuvent être confondus avec les droits
inhérents aux titres i.
Sous rctruiivoni siiisi une \,ii~illccoiiii:ii~sïnci:.3 s:,\.uI:irlil:it,iriirii:i-
oiii:il)l~t c~.l)~~iid;iiiiitii:rginF~.p.ir Ic (;ouveriiemcnt e?p;ign,~l:iprn~~.~
des s,ii;ies. et clont 11.1%b.:itoiiiiicr \';in I'ZnitICi:l:iboiidiimnicnt tr..i,L:
(\.riprir1). 116.207). Car c'eit 1%G . ~irivcrnïinent e;p:iKiiol qiii;Iiiii:ifiiiic.
:rpréscoup, sans CgarJ iiipour le droit cspagiiol ni pour I:imaniércdont
les tril>un:ius cs.~n-li l'ont ay>~..iqi.i6c.ttc saisie ~iii aiiraif. sel011Iiii,
purtL:seulsinent sur dcs?roits incorpurclj. ou mieux e;isore sur uripouvoir
de domination d'une iosietém2rc qrirses filiales, notion que. ~)ersuniiclle-
ment, dans une carrière qui, hélas!est en train de devenir bien longue,
je n'ai jamais eu l'occasion de rencontrer dans le domaine du droit et
encore moins comme ayant fait l'objet d'une saisie.
La réplique (V, no' 173 à 179) a démontréque la simple analyse des
actes judiciaires quiont précédé et suivi la vente - c'est-&-direessentiel-
lement la requêtedes syndics, le cahier des charges et les contrats de
livraison - doit conduire à la conclusion, contrairement à ce qu'affirme
le contre-mémoire (IV,no207, p. 380), que la vente a bien porté à la fois,
primo, sur la possession médiate et civilissime des titres déposés hors
d'Espagne; secundo, sur les titres des filiales de la Barcelona imprimes
en Espagne et reçus le 3 janvier 1952par les syridics; troisièmement, sur
les biens constituant l'actif social des sociétésauxiliaires, du moins in-
directement en tant que cet actif était mentionné dans le cahier des
charges comme compris dans les iidroits inhérents))aux titres vendu!.
C'est là, nous dit la duplique (VII,no 584, p. 624). une absurdité juri-
dique.La Courdispose detous les élémentspour appréciersicetteaimable
et amène qualification peut s'appliquer à l'exposéde la réplique et &354 BARCELONA TRACTION
l'analyse qu'elle a fait des actes qui ont eu lieu. Je me garderai donc
d'insister.
Je iiie pcmicttrai cclienJani de rclcvcr trois traits qui s: rapportenà
ce (~ii'oiitdit rcipcciivcrnent 1s rcquUte, I'ord~iiii;~ncenutciris:iriI:i
requêteet le cahier des charges au sujet de l'objet de la vente.
La duplique (VII, no585).pour tenter d'établir que la vente a porté
sur les droits de la société failliesur ses filiales, estime d'abord qu'il n'y a
pas lieu de tenir compte, à cet effet, de la requête dessyndics. Cequi est,
on voudra bien l'admettre, pour le moins déconcertant. Car il s'agit de
savoir ce qui a étéeffectivementvendu et, pour le recherclier, il faudrait,
selon le Gouvernement espagnol, n'avoir aucun égard à ce que les ven-
deurs ont demandé à uouvoir vendre1 Ce n'est Das raisonilable. &lais
pourquoi la duplique Goudrait-elle que ce documént soit écartédes dé-
bats? Parce que, à raison des termcs q~r'ilY utilisaient, on ne peut douter
un seul instant que, dans leur requgte, ci que les syndics demandaient
l'autorisation de vendre, c'étaientdestitres, c'est-à-dire des titres-valeurs.
Par ailleurs - et c'est là le second trait sur lequel je voudrais attirer
votre bienveillante attention -, au mêmenuméro585, VII,la duplique
allegue que le juge spécial,dans son ordonnance du 27 août 1951a .urait
qualifié différemment I'objetde la vente parce que, soutient-elle, l'or-
donnance a parlé non seulement des effets de commerce, mais a parlé
des effets de commerce propriétéde la société faillie.Et les mots rpro-
priétéde la sociétéfaillie»sont mis par la duplique en italique. Elle nous
reproche, à nous, Gouvemement belge, de les avoir omis. Si c'était de
cette manière que le juge spécial,par rapport à ce qui lui était demandé,
entendait apporter une modification et une modification à ce point im-
portante qu'elle aurait rendu licite ce qui ne l'était pas, il faut avouer
qu'en ce cas, au regard de la maniere du juge spécial,la fameuse romana
brevitasapparaîtrait comme un long et inutile bavardage.
Mais reDrenons contact avec la réalité.
Si Irjiige spécialainit toiilii corriger les syridics. nc croit-on pas qu'il
le leur aurait fait.i minimum. rernnrquer? Est-ce ;&rizusementJans ces
quelques mots que le Gouvemement espagnol croit pouvoir. trouver un
appui à sa thèse, selon laquelle la vente aurait porté sur les droits et
n'aurait pas portésur les titres? Ou a-t-il seulement voulu voir dans ces
mois- aune limitation que le juge entendait apportergànI'objet de la vente,
tel que les syndics l'avaientdefini dans leur requêteet qui englobait les
titres des filialeset des sous-filiales de la Barcelona?
J'ai la faiblesse de croire, pour ma part, qu'on ne peut lire dans cette
ordonnancequ'une confirmation pure et simpledelarequêtedes syndics,
qui, comme la Cour pourra le conslater à la shnule lectufe. ~ortaitiur des
Zitres-valeurs. .
Quant au cahier des charges, puisqu'il a étérhdigépar les mêmesau-
teurs aue ceux aui ont rédieéla reauête. c'est-à-dire les svndics. il me
paraît logique déprésumer que l'objet mis en vente dans ce cahier des
charges n'est pas différentde I'obiet que les syndics avaient requ I'auto-
risat~on de vendre. Comment imieiner en effët aue les svndicsauraient
osévendre autre chose que ce qu'ii; avaient demandé et & qu'ils avaient
obtenu de pouvoir vendre? Au surplus, rien dans le libellé obscur et
ernbarrassé.de ce curieux document-ne paraît renverser cette présomp-
tion, ni moins encore établir que la vente porterait désormais sur des
droits et non sur des titres. PLAIDOIRIE DE hl.GREGOIRE 355

Jen'en imposerai pas à la Cour une nouvelle analyse. Elle me per-
mettra cependant de cueillir une perle parmi celles - je ne dirai pas qui
illuminent (car à l'impossible nul n'est tenu) - mais qui parsement les
raisonnements de la duplique. Pour étayer sa thèse, suivant laquelle ce
qui futvendu, ce furent les droitsinhérents aux actions, lesquels sont des
droits différents de ceux inhérents aux titres, à savoir les pouvoirs de
domination de la faillitesur les sociétés filiales,pourétayercette thèse,le
Gouvernement espagnol fait grand état de ce que, dans le cahier des
charges, l'objet de la vente était décrit à certains endroits «comme étant
la totalité des actions avec les droits et privilèges y attachés in.
Et la duplique d'expliquer, à la page 626 (VII), la portée de cette
expression :

'REn employant la formule en question dans le cahier des charges,
les syndicsvoulaient établirclairement [sic] deux choses: a) que la
vente portait sur la totalité des actions, ce qui épargnait d'avoir à
les identifier par leur numérotation ou par tout autre système; il
suffisait alors de renvoyer aux actes constitutifs de la sociétéet
aux vicissitudes postérieures de celle-ci, sans nécessitéd'identifier
chaque action séparément,c'est pourquoi il était dit que l'objet de
la vente était r la totalité du capital-actions ».Et b) que la vente ne
portait pas sur des titres, c'est-à-dire que ce qui était aliéné,ce
n'était pas des documents. mais l'ensemble de droits et de préro-
gatives inhérents à chacune des actions, c'est pour cela qu'on a
ajouté «avec tous les droits et privilèges y attachés. I,
Je ne sais ce qu'il y a et ce que vous trouverez de clair dans ces ex-
plications, sinon que, loin d'exclure la thèse selon laquelle la vente portait
sur des titres-valeurs - c'est notre thèse - elle la renforce. car dès le
iiioniciiiuiiI., \.t:iiie poriait tic5 ;ii:tiiiii. qui, norni;ilit.ci J';tlirL's
le Ci,ii\.<riienieiir cq~igii<illui-rniiiic, sur.i<liCtreilenrifi:,,.. par une
numérotation, n'estlcepas nécessairement qu'elleportait sur des titres,
c'est-à-dire sur des écrits matérialisant les droits attachés à la qualité
d'actionnaire? Les titres, meubles corporels, sont en effet identifiables
par un numéro. Mais, Messieurs, comment identifier par 111numérodes
droits incorporels? Et surtout des droits incorporels consistant en un
pouvoir de domination sur les sociétésfiliales? Comment serait-il possible
de dire, par exemple, je vends le pouvoir de contrôle no SI ou no 83 ou
no Sg sur les sociétésfiliales?Comment, étant immatérielspar leur nature,
de tels droits peuvent-ils être,distingués par une numérotation? Dès
qu'il est question de numérotation, et plus spécialementd'actions numé-
rotées,il s'agit nécessairement des écritsdans lesquels les droits sont in-
séréset grâce auxquels ces droits peuvent êtretransmis. Toute autre

ex~lication est absolument inexvlicable. En sorte que s'il faut retenir

des titres-valeurs.
Ceci dit, je reconnais que le cahier des charges est un parfait exemple
de ce qui est obscur et embrouilléet que, loin de contenir une indication
nette de ce qui était vendu, il le laisse dans une obscurité délibérée.
Et qu'il failleeffectivement à la duplique plus de douze pages imprimées,
grand format (D., VII, p. 623 à 635) pour expliquer en quoi consistait,
en quoi ne consisait pas, l'objet de vente, démontre bien l'ambiguïté
fondamentale et profonde de sa définition par les organes de la faillite.356 BARCELONA TRACTION

hlais, qu'est-ce que cela prouve, sinon que, pour faire en sorte que Juan
March devienne propriétaire du magnifique corn lexe qu'il convoitait
depuis si longtemps, les syndics se heurtaient à As impossibilitésjuri-
diques, ou encore à des difficultésinsurmontables - pour parler comme
la cour d'appel de Barcelone dans cet arrêtque je vous rappelais l'autre
jour?
Pourtrouver unesolutionpratique-toujours pour parler commeelle-,
c'est-&-direpour surmonter ce qui étaitinsurmontable. la péripétiedont
livrernà d'incroyables acrobaties.is de plus que les syndics durent se
Quoi qu'il en soit,là où il n'y a que ténèbres,nuages et brouillard, le
Gouvernement espagnol, lui, n'a apercu que lumiére et clarté. La vente,
dit-il, a exclusivement porté sur les droits incorporels inhérents aux ac-
tions, lesquels - je ne saurais assez le répéter, parceque lui-même ne
cesse de le faire- sont trèsdifférents,affirme la duplique à la page 623,
Vn, des droits inhérents aux titres. "La thèse espagnole, dit encore la
duplique à la page 624,VII,est parfaitement simple: ce qui a étévendu,
ce sont les biens propriétéde la sociétéfaillie qui avaient étésaisis à la
suite de la déclaration de faillite. »Or, quels sont les biens qui, selon la
duplique, avaient étésaisis? C'est ce qu'elle expose aux pages 328 et
suivantes, VI. Ce qui avait étésaisi, nous dit-elle, c'étaitle pouvoir de
d.~ination~de Barcelona Traction sur ses filiales.et elles'est efforcée.aux
pages 335et suivantes, VI,dedémontrer que;; de domination
uouvait êtresaisi sans aue soient auuréhendésles titres grâce auxauels ce
pouvoir est exercé, a .. -
Tel est donc, suivant le Gouvernement espagnol, L'objetde la vente.
Pour y répondre,je pourrais me borner à rappeler à la Cour - ainsi que
l'a démontrési clairement MCVan Ryn - que la saisie ordonnéepar le
juge de Reus n'a pas porté, à s'en tenir aux termes mêmesde son juge-
ment, sur les droits incorporels de domination et de contrôle, distincts des
titres (supra. p. 188 et sniv.). Or. comme la vente. d'après le Gouverne-.
ment espagnol lui-même.devait porter sur les biens saisis, elle n'a pu
avoir pour objet de tels droits puisque de tels droits n'avaient pas été
saisis.
Mais j'irai plus loin. et uniquement pour forcer 1:adversaire dans ses
derniersretranchements. i.,cceuterai de le suivre un instant sur le terrain
où il;Icliuiji ilc portc1:disiii;ion J'cspCrcalors icuisir àson\.iiiiicr,I.1
Cuur qu'en s';ictiarnant d ioiit,-iiir cc,qii'il suurienr. Ic i;oiii.çriicmcnr
di.ft.ii~1~nre r$iisit cn <I&initi\.cou'à scier I:iOranilie sur I:it~iivlil
cherche à asseoir toute son argumentation.
Rappelons d'abord le problème à résoudre et son enjeu: pourquoi
était-ilnécessairede préciseret de définirI'objet de la vente? Pour deux
raisons: une raison de forme et une raison de fond, nécessaires toutes
deux à la validité de la vente.
Il fallait d'abord aue cetobi,t..en tant au'élémentessentiel ducontrat.
soit juridiquement ;alable.
Or, Me Van Ryn a fort bien démontré quetant la n possession,médiate
et civilissimeu des titres déposés à Toronto, que les titres fabnquésen
Espagne, ne pouvaient faire I'objet d'une vente licite et valable.
Le Gouvernement espagnol doit, au fond de lui-méme - si j'ose
m'exurimer ainsi - en êtrelui aussi convaincu. Sinon. on ne comüren-
drait'pas sesefforts v6"tablement désespéréspoutrenterde faire adkettre
que tel n'a pas ét6I'objet de la vente et que celle-ci n'aurait porté quesur desadroits inhérents aux actions et différentsde ceux inhérents aux

deureà,,reprcndrc~à son compte et i av;llisi:r ces deux construction5 juri.
diques la possession médiate et civilissime et les faux titres -ion-
stitue, en fait, une reconnaissance implicite du bien-fondéde notre thèse.
Mais en définissant,contre et outre le contenu des actes, l'objet de la
vente comme ayant porté sur des droits, distincts des titres et désin-
corporés d'eux, le Gouvernement espagnol ne sauve rien; comme l'a
également démontré MeVan Ryn, les droits de la Barcelona sur ses
fiïiaies étaient incorporés. du mioins pour la plupart. dans des titres-
valeurs et, en ies aliéner,indépendâmmentdes titres dont ils
n'avaient pas la possession effective,les syndics, et les autorités judi-
ciaires auiies ontiouverts. ont commis un acte manifestenient arbitiaire
et mancestement illégal. '
En sorte que, sur le plan de la validité de l'objet de la vente quant au
fond. la thèse du Gouvernement es~aenol ne le conduit au'à la nullitéde
la vente, c'est-à-dire au néant. ."
J'amve maintenant à la condition de forme.
Il fallait encore ~réciserI'obiet de la vente. Dourcette seconde raison:
de la nature de 1'ol;jetde la veAte devait dépefldre!a fo&e de la vente à
laquelle ilfallait ~rocéder:soit une vente publique, soit une vente de ré
à gré. -
Pour déterminer ce choix, il fallait avoir égard à la nature des biens
vendus. Ces biens étaient-ils deseffets de commerce ou des biens d'une
autrenature? Selon la ré~onse à donner à cette auestion. la formede la
vente devait être différente.
Car le code de commerce espagnol distingue, suivant que les biens à
vendre sont des effets de commerce, des b?em meubles autres que des
effets de commerce ou des biens immeubles.
La vente des biens meubles autres que des effets de commerce, et la
vente des immeubles, doit se faire aux enchérespubliques: l'article 1088
l'édicte ex$t.essisue~bisAu préalable, les syndics devront les faire éva-
luer et,«pour ce faireu,stipule l'article 1087adesexperts seront nommés
par eux et par le failli.. En cas de désaccord,le tribunal procédera à la
nomination d'un traisiémeexpert n.
Quant à la vente des effets de commerce, elle peut, elle, avoir lieu,
suivant les cas, soit de gré à gré, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'un
courtier, soit aux enchérespubliques. Dans les deux cas: vente de gré à
gré ou vente aux enchèrespubliques, c'est le commissaire qui détermine
les prix minima auxquels la vente pourra se réaliser - c'est I'article 1084
qui le dit-, étant entendu que, pour fixer les prix de vente de ces effets
de commerce, «le commissaire>^, précisel'article 1086, atiendra compte
de leur coût selon les factures d'achat et des frais occasionnésultérieure-
ment, en y appliquant les augmentations permises par le prix courant
des articles de même espèce et de mêmequalité sur les mêmes placesde
commerce ».Quela Cou; me permette ici Ge toute petite remaique. J'ai
traduit de generos,qui figure dans l'article 1086, par «article»,alors que
le volume que nous vous avons remis et qui contient la traduction fran-
caise d'extraits de codes et de lois esnaenols narle de «marchandises,).
c'est que, J'aprésIcdictionnaire de 1'~îr3d~mie;o~:<ie espagnole, le tcmc
teneros sirnifie.Jans le commerce, toute rji>écede m;irchandisc i.\Izs
estiméscgntradicteurs voudront bien vérifieÏ.En tout cas, pour ce qui '
concerne le probléme à trancher, la différenceentre les traductions me39 BARCELONA TRACTION
paraît sans importance, mais j'ai tenu tout de suite à vous la signaler
pour qu'il n'y ait aucun malentendu.
Et ie ~oursuis ma démonstration. Oue faut-il entendre. en droit es-
par effets de commerce? - ~ -.

11est tout à fait exact que, comme le souligne la duplique (D., V,
11'606...6ao:.A... vol. III. no162. .. v ,et suiv.)., . n'existe endroit ~s~ ~
1)x~nolnuioiic d>tinitioii légaledc cctte cxprejiioii, ilest \ni ég:il<:rncnr
<IIIII ii'cxiste ;iiiiiiiie )iiri,l)rudencc sur In iiiatiér~...\!:Len rLsi11tcrait-il
aue la aualification d'aeffets de commerce. ~ourrait êtreaccolée. en
droit espagnol, à n'importe quels biens géné;alement quelconque; et
qu'en conséquence,en cas de faillite, la forme de la vente serait laissée en
définitive a; bon lai sirdes svndics?
lin auciine mani;.re. et il nc ienihlc p;is que le Go~ivcrnementcspngiiol
lui-nihe aille juquc-la, puisque aux pagesG36et b37. \'II.de I:i<Iiipli<liic,
il admet iiou'aus tins d'adootion d'iiiic i)ruiiilurc de vente. In loi esna-

gnole diviséles biens du failfien trois grÔupes ,,et que
<quandune règle juridique prescrit un traitement distinct pour trois
catégories de biens, l'application de cette règle ...dépend de la
qualification juridique qu'il convient de donner aux biens objet de la
vente » (VII,p. 636).

Une fois n'est pas coutume, mais je suis heureux de constater cette
fois-cique nous sommes tout à fait d'accord avec le Gouvernement espa-
g1101.
.\lais continuons sur cette lancée quand iin terme est iiiilisédaiis diver,
testcs jiiridiiliies. iine des rt;gles d'or de I'iiitçrlirétation est que, pour
découvrir le seiis uu'il a dans tel texte bi~ii ditmniiié. il faiit avoir rc-

coiiri :iu contexte. Lc:contexte ajsignc alors a11ternie si Luiictioii;ç'e,t
1131Iccontexte qii'ilest ~~osiible dc décoii\.rir1;.viritable signification du
texte, en cesensque lecontexte comporte, à cet égard,une aÏgumentation
~moAici~~-et~~.e ~as~échéant.d~~.s------
Or, en notre cas. il y a un contexte. Les iieffets de commerce apparte-
nant Ala failliteu, dont parle l'article 1085du code de commerce de 1820.
*ne peuvent êtrevendusii, dit l'article cos4 du même code,qu'au
minimum fixépar le commissaire et, pour déterminer ce prix, dit i'ar-
ticle 1086aui suit, olecommissaire tiendracom~te de leur coût. selon les
factures d'a'sliat.et de.;fraisocc;isioiiii<;spostt~ri~~~irzincn et.y appliquant
les augmentationj permises p:ir le pris counliit dcs articles de meme es-

pèceel de mêmequalitésur les mêmesplaces de commerce S.
Telle est donc la nature, telles sont les caractéristiques des effets de
commerce de la faillite, qui, seuls, peuvent êtrevendus de gré à gré.
Pour qu'ils puissent êtrevendus sous cette forme, il est indispensable
qu'ils puissent être évaluésde la mani6re prévue par l'article 1086.
S'ilsne peuvent l'être, cen'est pas la forme de vente applicable aux effets
de conimerce qui doit êtrechoisie, c'est la forme de vente applicable soit
aux biens immeubles, soit aux biens meubles autres que les effets de
commerce, c'est-à-dire, stipule l'article 1088, «la vente aux enchères
publiques avec toutes les solennités (salemnidades) du droit, sinon elle
sera sans valeur aucune u. Teviens de vous lire l'~ ~ ~le 1088.
Laqiicstiun. tcllc qu't:llc SC~présenteilaiii la tliTsr que leGouvernement

esp"gn01défenddev:inr \.otre Coiir - et, j'y injisie, ilne s'ngii pas dc In
faire déviereii enivruniant des élémentsaux tliéscstsritht <léferidiics Dar
les syndics, tantôt par les juridictions espagnoles, lesquellesétaient dké-rentes - la auestion, dis-ie. est celle-ci. et uniauement celle-ci: ce ou., -
~l'aprè;le Go;verneniciit isIi;igiiul, serîit I'ohjet'de la vente. isavoir Ics
druits incurl~orelsinhL:rïntsaux actions, et pliis pr?ciséiri,.iitle pouvoir dc
<loniiiiatioride la faillie siir les fil.ales.lr.suu~lssont desdroits <liffiri.nta
de ieiix inliCreiits :iiis titres. ces dr~its insoipi,rrls-Ki ],oii\.:iicClicls
CvI'oiir tenir coinutc de Iciir coiit. Crait-il uos;il>lc:IIIcominijj~ire de sc
baser sur les factires d'achat, et les frais o<casioniiéspostéiieurement, en
y appliquant les augmentations permises par le prix courant des articles
de même espéceet de mêmequalité, sur les mêmes placesde com-
merce?
Je me permets d'y insister: telle est la question à résoudre,et unique-
ment celle-là, pour savoir si l'objet de la vente, tel que Vadéfini,devant
votre Cour, le Gouvernement espagnol, était, ou n'étaitpas, des effets de
commerce appartenant à la faillie, dans le sens que lui donnent l'article
1358 du code de procédurecivile et les articles 1084, 1085. 1086, 1087 et
1088du code de commerce auxquels l'article 1358renvoie. Tout le reste,
Messieurs. n'est qu'arguties ou diversions.
Or, à partir du moment où la question est poséede la seule manière
dont elle ~uisse l'être.autrement dit. à oartir du moment où la ouestion
est hicn $osée.du iné& coup la réponsci lui (lonner ne hit ~UCIII!doute.
Jlest clair, ilest c'viden- wur reprendre iiiitcrmt, qu'nffectionnciit nie.;
éminentscontradicteurs- 6ue lesdroits incomorels inhérentsaux actions
mais d&tachésdes titres. le; poiivoirs d~.domination d'une sociGtérnèr*:
siir une soci6tc tiliale. ne pouvaient itre 6\.alu?s sur hase des f;icture;
d'acli:it:iln'i. avait i;iniais eu acliat des droit, incornorols détachi, cles
titrcs ni, en conséqu&ce. de facruresd'acliat. On nepÔii\,ait davaritage y
appliqiier les au~nientations perniises var le pris coiir;int des articles dc
mêmeesohce et-de mêmeaüalité sur-les mêmesulaces de commerce:
existe-t-if, en effet, de par lemonde, une seule conimerce où l'on
venddesdroits incorporels détachésdestitres? Et quel est le prix courant
des droits incoruoreli consistant en ~ouvoirs de dominationd'une société
sur une autre?
Messieurs, je pourrais continuer, mais il serait cruel, n'est-il pas vrai,
d'insister. Et aue si. d'aventure. le Gouvernement es~aenol. lui. con-
tinuait à insistir, fait-il dire que tous, en tout cas de ce'c&éde la barre,
festival de virtuosité diaiectiaue.uriositéce qui serait, à coup sûr, un
Pour moi qui ne siiis. 11est (rai, qii'uii Iiorniiietout siiiiple, je constntc
qiic. lorsqu'il s'cst agi rl'6v:iliitr. non pas les droits inicrporels inliCrents
aux actions et consistant en uouvoirs-de domination d'une sociétémère
sur des sociétésfiliales, mai; plus simplement les titres saisis dans la
faillite, le courtier auquel les syndics s'étaientadressés,et dont c'était le
métier, a avoué son impuissaiice en disant dans son rapport reproduit
dans les annexes au mémoire

*qiic le fait que se5v;ileiirs neFont y:iscot?es aux l3oursesr.spngiiolcs
coiistitiic . iiiic graw difficiilt6 poiir 11fix;ition <luprix, d'aiitarit
r>lii(iii'ri'esistei>:ijcievr;c&Jerit d'ofl6rations. dctcrmiriétrssur cri
Ga~euÎset qu'on ne disPôse pas de dinnécs suffisantes pour déter-
miner, pour chacune, leur coùt d'acquisition, mêmeapproximatif >,
(A.M.,vol III, no 194, p. 748).
Comment aurait réagice professionnelsi,pour son malheur, il avait été360 BARCELONATRACTION

invité à évaluer le résultat de l'opération dichotomique et compliquée
sur les titresàlaquelle s'est livréle Gouvemement espagnol?
Je constate aussi que les syndics, dans leur requête,rapportent:
[qu'ils] vont sollicitéd'un viourticr de commerce. de la place son
avis sur la possibilitédc vendre des cHets avec sa seule intér\.ention
ce courtier a déclaréa.. ~uisau. ces biens n'étaient Dascotésen
Iiourse, ni ,or la place. t.t comme iiclui ctnit pas possible de dcter-
niiiirr lcur v.ileiir. ilcsrini;iit qu'il fa1l;iitavoiràrla vente aux
enchères,avis auquel les syndics déclaraientse ranger a (ibid.,no17 j.
P. 674).
En sorte que si les syndics, eux aussi, considéraient que les titres-
valeurs que représentent les actions émisespar les filiales ne pouvaient
faire l'objet d'une évaluation, à fortiori auraient-ils estimé- j'emploie
le conditionnel parce qu'à l'époquela théorie développée devant la Cour
par le Gouvemement espagnol était à millelieues de ce qu'ils imaginaient
- qu'était absolument impossible une estimation des droits incorporels
inhérentsaux actions et qui seraient différents, d'aprèsle Gouvernement
espagnol, desdroits inhérents aux titres.
La vente aux enchères s'imposait donc. Elle se serait déjà imposée,
s'ilne s'étaitagi que des actions, des obligations et des créancesapparte-
nant à la Barcelona. étant donnéleur nature et la circonstance qu'elles
n'étaient pas cotéesen bourse. Mais elle s'imposait davantage encore à
partir du moment où elle portait sur l'objet insolite et plus que bizarre
inventépar nos distinguéscontradicteurs:
Et elle s'imposait, pour reprendre lestermes de l'article 1088 du code
de commerce de 1829, «avec toutes les solennités du droit, sinon elle
sera sans valeur aucune B.
Mais alors, et par identité de motifs, s'imposait aussi l'article 1087 du
code de commerce - ie vous ra.-elle ce qu'il édicte:
IIl'évaluation des biens meubles qui ne sont pas des eHets de com-
merce est faite par des experts nomméspar les syndics et par le
failli ouà défaut,par lecommissaire. En casde désaccord,le tribunal
procédera à la nomination d'un troisième expert. 1)

Le texte est donc on ne peut plus formel: la vente des biens meubles
autres que des effets de commerce requiert, au préalable, une évaluation
de l'objet à vendre et cette évaluation doit faire I'objet d'une expertise
contradictoire.
Au surplus, dans un premier mouvement - et la sagesse populaire dit
quec'est souvent le bon -les syndics le réalisèrentfort bien. Sansdoute
avaient-ils mal qualifié, selon le Gouvemement espagnol, les objets à
vendre. .uisa.'il s'aeissait. d.a~rèsleur texteàeux. d'actions et d'obli-a-
cela qui c;t sigiiifiiatif, que ceux-ci soient ven:IWCietoutes lesg:tr;intiesest
dontia loi espagnole a ioulu entourer la vente de biens qui nesont pas
d'un commerce habituel et au prix desquels on ne peut faire référence à
l'aide soit de factures d'acquisition, soit d'un prix courant.
Et le commissaire, lui aussi dans un premier mouvement. préconisa
égalementdans son avis du 20 aoUt 1951, sla désignationd'experts dans
les formesprévues à l'article 1087du code de commerce de 1829 n (A.M.,
vol. III, no178,p. 683).Auquel avisse rangea, de son cbté,lejuge spécial
numéro 2,hl. Osono, puisque, dans son ordonnance du 27 aout, il décidaque la vente «devait êtreeffectuéeaux enchères publiques après due
estimation. moyennant iiitervention dans tous les cas d'un courtier de
commerce &ré&de la place ii.
A toute évidence, à raison du contexte, les mots iià due estimation w
constituaient référence à l'article 1087.
Sans doute, le Gouvernement espagnol a soutenu le contraire. Il a
repris la thèse du juge spécialdu 5 novembre 1951, suivant laquelle
iisi les syndics avaient sollicitéindûment l'application de l'article
1087 ..il n'en estpas moins vrai que le Tribunal n'y a pas fait droit;
que daris l'ordonnance (providenciu) du 27 août [c'est celle dont je
viens de parler] il a ordonné qu'il soit procédéen vente publique
avec l'intervention d'un courtier de commerce agréé,après évalua-
tion des effets du commerce à vendre)) (A.hl., vol. III, no 199.

P. 762).
Penchons-nous sur ce texte. Si effectivement le juge spécial,dans son
ordonnance du 27 août (ibid.,rios178et 179),avait voulu redresser une
erreur commise, non seulement par les syndics, mais par le commissaire,
ne croit-on pas qu'au lieu de s'exprimer d'une manière - vous en ferez
I'exoérience. hlessieurs - aui nécessairement donnait à croire a.'il
accipta~t I:I~>rucédurle)rol~o~ép ear les syiidissct p;ir le coinmi.isaire,il
leur 2iir;iit [;kitrem:irqiier ixpvesris :.erbis qu'ils se 1roinpiLientct qy'11
a\.ait IICUde urocCder aiiircmerit? Ciic dCcisiuii (IL.~ujtice n'est tout dt:
meme pas un>ébus et, à la lire, des juristes en toutias doivent savoir à
quoi s'en tenir.
De même, sicette ordonnance avait effectivement décrété que c'était
au commissaire à fixer le pris minimum, pourquoi celui-ci n'avait-il pas
obtempéréet pourquoi fallut-il que ks syndics, le II octobre 19j1, le
prient de procéder à cette détermination?
Le commissaire aurait-il, par hasard, manqué à son devoir de diligence?
C'eùt étéen contradiction avec une des constantes de son attitude, car
ce qui frappe dans tout ce dossier, c'est non seulement l'estraordinaire
acquiescement donné par le commissaire aux mesures les plus diverses
et les plus contradictoires à lui demandées par les syndics, mais I'extra-
ordinaire et l'inhabituelle céléritéavec laquelle il le donnait.
En réalité,que s'était-il passé?C'est ce qu'explique fort bien la ré-
plique (V,no'730 à 738. p. 530 et suiv.). A savoir que les syndics se sont
un moment avisés, mais après coup, des inconvénients que présentait,
pour l'entreprise qu'ils poursuivaient pour le compte de leurs mandants.
la mise en train de la procédurequ'eux-mêmesavaient préconisée.
~n~e-f~-. -~ la sociétérét tendu mentfaillie avait étéinvitée. comme
l'exige la loi,à désignerLn expert. elle en aurait nécessaiiement choisi
un. car c'étaitson intérêtle plus évident,parmi les spécialistesde réputa-
tion mondiale.
Ce spécialiste aurait tout aussi nécessairement évalué à leur valeur
réelle lesbiens de la Rarcelon:i et de ses filiales. Il eiit contestéles chiffres
de l'expert désignépar les syndics, l'eùt oblig65.les justifier. eàjustifier
de ses méthodes: en bref, il lui eùt rendu infiniment plus malaisée la
tàche qui lui incombait et qui consistait à évaluerau prix d'une croûte
de pain le patrimoine qui allait êtrevendu.
L'expert désignépar la faillie n'eiit sans doute pas convaincu l'expert
désignépar les syiidics: on ne convainc jamais celui qui a la volonté
bien arrêtéede iie pas se laisser convaincre.362 BARCELONA TRACTION

Mais quelle gênemorale supplémentaire dans cette affaire qui en com-
portait déjà tellement, quelle nouvelle couleuvre à avaler dans ce dossier
déjàsi peu ragoûtant si, côtéet en face de l'estimation dérisoiredictée
par le groupe March, se trouvait, appuyée sur documents irréfutables,
celle d'un spécialiste à l'autorité, la compétenceet l'intégritémondiale-
ment reconnues!
N'y eût-il pas eu, du côtéde la justice, un soubresaut ou, sil'onpréfère,
un haut-le-corps? 1.e groupe March, en tout cas, ne voulut pas en courir
le risque, et c'est cequi explique cequi serait, sinon, l'inexplicahlerevire-
ment des syndics. Car comment, sinon, auraient-ils osés'exposer au
reproche d'avoir gravement manqué aux devoirs de la défenseet violé
ainsi de manière manifeste une garantie voulue par la loi d'ordre public
espagnol en privant la sociétéprétendument faillie de participer à l'éva-
luation des biens mis en vente? La réplique du Gouvernement belge a
en effet montré toute l'importance de cette phase de la procédurepour
que soient effectivement protégés lesintérêtsdu failli.
Le Gouvemement espagnol essaie de tirer parti, pour démontrer la
prétendue régularitéde toutes ces irrégularités,de ce que les syndics
décidèrentfinalement d'une vente aux enchères publiques, alors qu'ils
eussent pu opter, soutient-il,pour une vente de gré à gré(D., VII, p. 641
et suiv.).
Il ne'pouvait êtrequestion ici d'une vente de gré à gré,puisqu'il ne
s'agissait manifestement pas d'une vente d'effets de commerce. Et par
ailleurs,?+ partir du moment où, pour ce motif, il fallait une vente aux
enchères, il fallait du même coupet pour ce même motifune évaluation
contradictoire. L'article 1088 du code de commerce de 1829 est, à cet
égard, formel: iitoutes les solennités du droit » doivent êtreobservées,
y compris donc le caractère contradictoire de l'évaluation, «sinon, la
vente sera sans valeur aucune in.
1.a diil~li<litcsuuticnt ciicore, i1pngcG+z. \'II, qiic I't?valn:,tioncori-
tradictoirc tic doiiiit: piL'rr IICghr~ntics supl~l<~m:iiti<irr111f:tilliSOUS
lui répondrons fort simplement, en usant dis termes dont elle-mêmea
usés à:cette mêmepagê64z:

c~Iiaciinest libre Je jiigcr le syit;iiic clloiaipiir le I;.gijl.iteiir intcrnc]
l)c>iiiiiiIi).potli;ic Je fait d>tt.riiiiiit!vct d',.stimer qu'unc pruiïJiirc
JiriFrcntc scrait iiicilli~iriiii;<les tritiunaiix CIiiiA~:*\3doivcnt 'r:
conformer au droit en vig;eur ».
C'est bien ce aue nous lai donsici. en disant ce~endant aue l'affirma-
tion de la dupligue doit êirenuancée,car elle ne Pourrait êtreretenue si
le droit en vigueur, par exemple, contenait des discriminations inadmis-
sibles entre Cationaüx et étrangers.
En l'occurrence, les biens incorporels inhérents aux actions et con-

sistant en pouvoirs de domination de la faillie sur ses filiales - ce qui,
dans la thèse du Gouvernement espagnol, constituait l'objet unique de
la vente - n'étaient pas des effetsde commerce au sens des articles 1084
et suivants du code de commerce de 1829. Leur évaluation devait donc
avoir lieu à la suite d'une exoertise contradictoire. Cette ex~ertise con-
traJictoirc n rnniiqu<;.en sortc qiic l., viiiti.>tait ii nouv~:iii'iiirlli:,mais
icttç foi. pr ~pplicatii,ii (IL.'ar~cIc1057.
Je peux donc, en toute certitude, conclure comme suit cette partie
de mon exposé.Quel que soit l'objet de la vente, que ce soit celui que
définit le Gouvemement belge ou celui que prétend le Gouvemementespagnol, de toute manière la vente était manifestement nulle. Elle
l'était pourles raisons de fond développéespar MeVan Ryn; elle l'était
.-~ .~ ~~.~our l~ ~r~ ~ons de forme ou. i',i eu l'honneur de faire valoir.
J'en arrive à l'évaluationdesbiens par l'expert Soronellas.
T'aidit que si l'évaluation contradictoire des biens de la sociétéavait
étgé~artée-~arles syndics et par le juge spécial,c'était pourpermettre
à Juan March de récolter le fruit d,eses longs efforts et s'emparer, pour
un prix dérisoire,des biens des filiales et sous-filiales. Qu'il ait dû, en
effet, pour les obtenir,lespayer à leur prix réel,et la longue accumulation
de ses multiples manŒuvres n'eût finalement servi à rien.
II. Soronellas, l'expert désignéunilatéralement par le commissaire de
la faillite. ne d.cut,vas de cevoint de vue les esu'irs du mu .e March.
et son rapport fiit ce<]ticelui-ci en nttendiut.
Que la Cour scras3iire. je ii'entrcrai pasdansles<I~i;iilstli:son rapport:
sa ri.futation est Ir t\ne rii(riie dc I'arrumentatiori doriI:tviilcui5.3~-
précie à la lecture b&ucoup plus qu'$l'audition. Je ne ferai donc
défilerdevant vous, Messieurs, une sarabande de chiffres. Je me permet-
trai de renvoyer aux pages IOQ à 119, V, de la réplique,à l'annexe 40 de
la réplique,au rapport de MM.Gelissen et van Staveren et au rapport de
Arthur Andersen Br Co.
La Cour v verra à auels incrovables tours de ~restidieitation s'est
livréM. sorkellas. Ici je n'en retyendrai qu'un, parce est particu-
lièrement frappant et qu'il a faussé complètement dans leur appli. .ion
toutes les méihodesqu'ila prétendusuiwe.
M. Soronellas, en effet, ne tient aucun compte de la dépréciationdes
nionnaies, évaluant les biens en 1951 à leur prix d'acquisition en la
monnaie de l'époque. Unetellemanière de procéderdevait nécessairement
aboutir à des résultats erronés,voire effarants, dèsle moment où M.So-
ronellas établissait ses calculs principalement en pesetas, c'est-i-dire
dans une unitémonétaire qui, au cours des temps, avaitsubi une dépré-
ciation particulièrement sévère. Un exemplevous le fera immédiatement
comprendre. Imaginons une maison acquisepour IO ooo pesetas en 1911.
Par rapport au dollar, la peseta de IQII, comparée àla peseta de 1951,
a étéofficiellement dévaluéede huit fois et tout le monde sait que le
dollar lui-même aperdu en quarante ans de son pouvoir d'achat. On sait,
d'autre part, qu'en monnaie nationale, et particulièrement en pesetas, le
prix des terrains, comme celui de la construction, a considérablement
augmenté,indépendamment mêmede la dépréciationdu pouvoir d'achat.
Alors, Messieurs, je me permets de faire appel à votre expérience per-
sonnelle. Est-il pensable un seul instant de dire qu'une propriété achetée
en IQII pour 10 ooo pesetas n'aurait continuéi valoir en 1951que IO O00
ese et as?'est ce que ne craint pas d'affirmer RI.Soronellas. Il ne faut
bonc pas s'étonne; si, avec de téls proc6dbs. son rapport aboutit des
conclusions sans aucun rapport avec la réalitéet, partant, inadmissibles.

La séance,suspendue à II h zo, est repriseà Ir h 40

Comment termine-t-il son rapport? En disant ceci:

u I. La valeur des effets de commerce qui sont la propriétéde
Barcelona Traction, Light and Power Company. Limited et qui
devront êtrevendus aux encheres publiques, grevés d'une garantie
expresse des obligations en circulation émisespar cette sociétésous 364 BARCELOSA TRACTIOS

les dénominations Prior Lien61/r%et First iMortgag 55%,
s'avèreinsuffisante pour couvrir le montant total des charges cons-
tituées par ces obligations.
2. N'importe quel prix qui pourrait êtreindiqué en vue de la
vente judiciaire de ces biens, à condition de les maintenir grevés
par les chargesdécoulant des obligations qu'ilsgarantissent, n'aurait
nécessairementqu'une simple valeur potentielle depure perspective,
sans représenter quelque chose de réel à l'heure actuelle.» (A.C.M.,
vol. VIII, p. 394 et 395.)

Et dc fait 11.Soroitelll.i Cvaltiait l'actif liHarceloria & 71 j niillions
de pesetas; il en évaluait le passif obligatxirà 45 millioiisde pesetas I)~US
Q 500 ooo livres. tout en s'abstenant: assez curieusement. de convèrtir
Ge-dentieriiiontint en pesetas; ilconc~luaittoutefois qu'il en r;!siiltedonc
que la valeur attnt~uable aux effets de commerce doit êtreconsiderCr
comme insuffisante pour couvrir le total des charges représentées par
lesdites obligations.
En sorte que. s'ilfallait croire M.Soroiiellas,l'actif net de la Barcelona,
toutes dettes déduites, c'est-&-direl'actif qui revient à ses actionnaires.
ne valait mêmepas zéropeseta: ilvalait moins que 7.ero.
Ce qui était assez déconcertant. En efiet, de 1941 à 1946. ce même
actif. d'une valeur prétendument en dessous de zéro, avait produit.
après déduction des frais généraux, des intérêts dusaux obligataires
et autres charges financières, un bénéficenet de 2500 ooo dollars par
an. ceoui re~résentait donc lebénéfice auiaurait nu êtreverséaux action-
naires be 1a'~arcelona si les restrictiois de chaAge n'avaient pas existé
(R., V, no 185, p. 110).
Suivant toutes les arithmétiques du monde, un capital qui rapporte
chaque année plus de z500 ooo dollars a une valeur dont le moins qu'on

puisse dire c'est qu'elle dépasse laraement la valeur zéro.Le Gouveme-
ment espagnol essayerait vainemenf de faire croire qu'il en est autrement
en Espagne.
Une conclusion, dès lors, s'impose: si un patrimoine qui a procuréun
revenu moyen de 2 500 ooo dollars par an, au cours des six dernieres
années. est considéré commeayant une valeur en dessous de zéro. le
rapport qui aboutit une telle absurdité. au sens scientifique du terme,
bien entendu, ne mérite aucune espècede considération, moins, bien
entendu, que l'expert ne prouve, ce que M. Soronellas n'a pas fait et ne
pouvait d'ailleurs pas faire, que ce patrimoine aurait bmsquement et
définitivement~ce~ ~de ~roduire tout bénéf~ ~ ~ ~
1.r ~ouvcrnement rsphgnol I';Ibien senti. ,\ussi. a\.ec uiie pmdenc#, ct.
tout à la fois, une insistance i~iensigriificati\~es,la duplique romnience-
t-elle Darsoutenir. àla Daec660. \'II...ue~I'~\.;iluationfaite «cunstitue .
une opération propre d'un expert dont on ne peut faire dériver aucune
, responsabilité du Gouvernement espagnol sur le plan international>;
elle réaffirme,A la page 664, que le rapport de hl.Soronellas «[n'a] pas
de pertinence aux effets de la dktermination de la responsabilité inter-
nationale de 1'Etat s; elle revient une troisieme fois sur cette idée en
déclarant, B la page 667, que «si un expert fait des erreurs, ce n'est pas
au juge d'assumer la responsabilité de ces erreurs». II est cependant
clair qu'en faisant leurs les conclusions de l'expert, les organes juri-
dictionnels ont endosséune responsabilité qui engage celle de leur Etat
(R. , , p. Iro et 549). PLAIDOIRIE DE M. G&GOIRE 3%

doute ceux-ci se font-ils éclairer- let il arriveà l'éclairaged'êtreplus
ou moins fumeux - par des experts. Mais qu'ils adoptent leur avis, le
rejettent ou le modifient, ce sont toujoursestribunaui qui en assument
la responsabilité. S'il en était autrement, la justice serait rendue, non
par lei juges. mais par les experts.
La duplique en est d'ailleursà ce point consciente qu'elle s'est efforcée
de soutenir le point de vue de M. Soroneiias. Pour y parvenir, il y avait
deux moyens: ou bien il lui fallait contester I'Pvidence,ou bien la noyer
- -s un tel flot d'informations. en rése entantune documentation à ce
point volumineuse et à ce point complexe que plus personne n'y verrait
clair si ce n'est les rares initiésqui auraient la compétence et aussi la
patience d'aller au fond des chosës.
C'està ces deux méthodes que la duplique a eu recours.
Matâche sera d'essayer de montrer à la Cour qu'en dépitdesefforts de
la Partie adverse; l'argumentation belge, qui trouvait toute sa forcedans
des raisonnements aisément compréhensibles. conserve toute sa valeur.
Et voyons d'abord comment la duplique conteste I'évidence.
Ses auteurs ne pouvaient pas ne pas etre frappéspar ce que je viens de
dire, à savoir qu'une entreprise qui, chaque année, et aprhs déduction
de toutes les charges financières, accusait un bénéficenet moyen de
2 500ooo dollars par an, ne pouvait valoir moins de zéro,comme l'avait
dit àf. Soronellas.
Aussi, que fait la duplique? Elle soutient d'abord, àla page 663, VII,
que:
iil'expert Soronellas n'a pas dit dans son rapport que le patri-
moine de Barcelona Traction fût égal à zéro nique le revenu normal
de la sociétéfût le produit d'un capital inexistant,

et elle entre dans des explications extrémement confuses, que je laisse
la Cour le plaisir de relire, pour essayer de le démontrer.
J'ai lu toutà l'heure à la Cour la conclusion de RI.Soronellas disant
ex+ressis uevbisque la valeur du patrimoine à vendre s'avérait,selon lui,
insuffisante pour couvrir le montant total des charges constituées par les
obligations.
Dans toutes les langues du monde, cela veut dire que ce patrimoine
valait moins que zéro.En s'exprimant comme elle le fait, la duplique
refuse donc tout simplement de reconnaître que M. Soronellas a bien
affirmécequ'effectivement ila écrit.Je laisseàla Courlesoin d'apprécier.
Dans un autre effort pour contester l'évidence,la duplique soutient
ensuite que les bénéficesannuels invoqués par le Gouvernement belge
n'existeraient pas. Pour essayer de le démontrer. elle allègue successive-
ment:
a) que ces bénéficeaspparaissent uniquement dans les bilaiis de la Barce-
lona Traction et qu'en conséquence leur réalitén'est pas prouvée
(D., VII, no 627, p. 662;
4)que ces bénéficesont étéartificiellement gonflés,«en manipulant les
taux de change des diverses monnaies dans les livres au Canadan
(ibid., n636, p. 671, etno 627. p. 662);
c) qu'au surplus, la Barcelona opérait avec des capitaux qu'elle ne
rémunérait pas, à savoir les amérésd'intérêts dusmais non payés
aux obligataires: or, si la Barcelona Traction avaitû rémunérer ses366 BARCELONA TRACTION
capitaux, son bénéfice s'enserait trouvé diminué d'autant (ioid.,
no627. p. 662).

La Cour remarquera en passant que les deux premières allégations du
Gouvemement défendeur consistent en fait à dire, et en des termes à
peine voilés,que les biens de la Barcelona Traction étaient des faux.
Je vais répondre maintenant à chacune de ces trois allégations.
a) Les bilans de la Barcelona ont été approuvés par ses auditors,
;\II%.Turquand, Youngs .&MacAuliffe. Il s'agit d'une firme de chadered
accountnnts de réputation mondiale et qui tient à cette réputation.
Quiconque a eu affaireà des charteredaccoui~tantssait avec quelle méti-
culositéils procèdentà leurs vérifications, eà quelle rude épreuvesou-
vent ils mettent les nerfs de ceuxà qui ils posent leurs multiples et in-
discrètes questions.II est impensable d'imaginer que MilI. Turquand,
Youngs Sr hlacAuliffe n'auraient pas contrôlé dans le détail les bilans
qu'ils avaient mission de vérifieret plus impensable encore de croire
qu'ils auraient approuvé de faux bilans.
Or,d'aprèsles bilans approuvéspareux, les bénéfices nets de la Barce-
lona pour les années1941 à 1946ont étéde zo 645167dollars canadiens.
MM.Peat, Manvick, Mitchell SrCo., experts consultéspar le Gouver-
nement espagnol, confirment d'ailleurs pratiquement l'existence de ces
bénéfices,au moins dans leur ordre de randeur, puisque, selon ces ex-
perts et pour la même période19~1-194% c,cs bénéficese seraient élevés
à 18 156ooo dollars. Il ya sans doute une différenceentreleur chiffre et
celui approuvé par les auditors: zo 645ooo d'un côté, 18 156ooo de
l'autre, mais d'unepart cette différencen'affecteen rien l'argumentation
que j'ai l'honneur de développer et, d'autre part, vous constaterez que
MM.Peat, Manvick, Mitchell SrCo., du moins dans leur rapport publié,
n'en fournissent aucune espècede justification.
Les chiffres de l'année 1947 sont tout aussi éclairants. Certes, pour
cette année, la Barcelona, parce qu'elle avait étédéclaréeen faillite, ne
put établir un bilan.hlais nous disposons de trois étudesqui, en quelque
sorte, tiennent lieu de bilan, et donc il est frappant de constater la
remarquable concordance. Il y a d'abord la prévisiondes bénéficesnets
établie par MM.Turquand, Youngs & MacAuliffeet qui a étéproduite
au cours du procès intenté à Londres par la Sidro contre le comitédes
obligataires Prior Lien et qui figure parmi les piècesdéposéesau Greffe
par le Gouvemement espagnol (nouv. doc. no6, ann. 5).
Il en résulte que les alidilors de la sociétéavaient estiméles bénéfices
de 1947 à 4 346ooo dollars, chiffre qui, après une rectification opérée
Dar les ex~erts Gelissen et van Staveren.'doit êtreramené à - 626ooo
'dIl y a ensuite le iapport de hlhl. Peat, Manvick, hlitcheilBrCo., qui
calculent le bénéficeau 31 décembre 1947 à 3 566 000 dollars (A.D.,
vol.1, no2, par. 372,p. 396).
Il y a enfin M. Soronellas lui-m&mequi évalue à 56057521pesetas les
bénéficesnets des filiales en 1947; partant de ce chiffre, il est facile de
calculer que le bénéficenet de Barcelona Traction s'élevait, au cours du
change de 11,og pesetas par dollar en vigueur à l'époque,à 3 712 ooo
dollars (nouv. doc. no6, p. 30).
Récapitulons: 3 566ooo, 3 626ooo, 3 712ooo dollars: une telle con-
cordance est rare entre experts. Et j'en appelle, illessieurs, à votre
expérience.Aussi permet-elle de conclure, avec une totale certitude, que PLAIDOIRIE DE M. GRÉGOIRE 367

le bénéficenet réalisépar la Barcelona pendant l'année1947s'est effec-
tivement situé entre 3 570 000 et 3 700 ooo dollars. Et il s'agit, je le
souligne encore, d'un bénéficenet, c'est-à-dire obtenu après déduction
des intérêtsqui étaient dus aux obligataires.
En sorte que la première allégation de la duplique, selon laquelle la
réalitédes bénéfices la veille de la faillite n'est pas prouvée,est contre-
dite par les chiffres de tous les experts, y compris ceux du Gouvernement
espagnol.
b) Quant à l'allégationque les bénéfices auraient étégonfléspar suite
de manipulations des taux de change dans les livres tenus au Canada,
elle ne repose absolument sur rien, et elle est d'autant plus téméraire -

la Cour sera certainement sensible à cette considération - que ceux qui
prennent sur eux de formuler cette grave accusation devant une cour
comme la Cour internationale de Justice n'ont jamais vu la comptabilité
tenue à Toronto, pas plus du reste que MM. Peat, hlarwick, Mitchel
& Co.
~, Enfin. .a duoi,oue,~~~tient encore. nous l'avons vu. aue la .arce-
lonn, pour nnancer I',!uploii;itioii, ;tiir:iutiliiC.en qut.1qucsort<:fir:iliiitc-
nient. Ioinonrniir clesini2rits dus i SC; i~l>lic.it:~irr(iIc.r>106s Cc qiii!
~ ~G~ ~ ~mement esoaeno."veut insinuer ~ar là c'est àue. Ginda.t l..
;iiiiiécsoù 1;i I3xrc~ln11: I,! p.i)~:iirl?.is 1;s ini?rCtsa 3t.s~l~li~:it~iir~s,
I'cntreuriie se serait tinnncce ~r.itiiiteiiicrit:iI'iiidcd~ I'lrqent d'niitrui:
c~-st~ ~dire aue si elle n'avait-en ces fonds à sa disoosition. elle aurait
cliien einpr;iitcr d':iutrci pour iinnncer ses tr;.v:iiix d'in\~csrijscments,
ct q11eIncharge tinniici&renriiiuellcrésiilt:~nt<lei:cscml~runtsser;iit \.cilue
diminiicr d'autant le bbnéficerï\*eii:int :ila I<arcelonl. Cet ar-iiiiiciit.
Alessieurs,est aussi mal fondéque les deux autres.
En effet, à la page 33 de leur rapport (nouv. doc. no 6). Alessieurs les
professeurs Gelissen et van Staveren ont dresséle tableau des liquidités
du groupeen Espagne qui étaient tenues à la disposition de la Barcelona
pour le cas où des transferts auraient étéobtenus et qui, à cette fin,
étaient conservéesconstamment, soit en caisse, soit en banque, au cours
de chacune des années de 1940 à fin 1947.Ces experts ont indiqué, en
regard, les intérêtsarriérésqui eussent pu etdû êtrepayésau cas où les
autorisations de transfert eussent étéaccordées. Ce tableau. vous le
verrez, est éloquent; il montre que durant toute la période lessommes
disponibles furent toujours supérieures, et parfois de très loin, à celles
dues à titre d'intérêtsarriérés.
1.a Cour cuinprcndra il;.s lors ai~riiriit qiie si ccs sonimes sc~nsid;-
ral~li-î<,riit; cuii.;r:iiiimcnt coiiseri;ec criI,;tniliir.?IIc;iiise- uii, iuir
(lit en o~s;:iiit. cll11,:hiiiCtisi:iiçiitiI'intl'rCtsq:iuii t..ux ehtr6mt:nit:iit
réduit - elles n'ont pas étéinvesties dans desinstallations et n'ont donc
pas pu contribuer à augmenter les bénéfices des sociétésfiliales.

C'est cette considbration de bon sens élémentairequi a permis aux
professeurs Gelissen et van Staveren de conclure, aux pages 34 ct.35 de
leur rapport, qu'ils ne peuvent souscrire à la conclusion, faite d'ailleurs
par MM.Peat, Marwick, Mitchell& Co. en termes prudemment dubita-
tifs, mais traduite par la duplique en termes témérairement affirmat!fs,
selon laquelle le défaut de paiement des intérêtset le défant de dotation
au fonds d'amortissement expliqueraient que la sociétéa pu développer
considérablement ses investissements en installations avec un recours
au financement réduit à une émissionde quelque 85 millions de pesetas. 368 BARCELONA TRACTION

En manière telle qu'un premier fait est donc acquis: au 31 décembre
124.. la Barcelona avait bel et bien eaené.. ..énéficenet d'environ
jjuu uuodu1l;ir;irrinadicns. iiettcriicnt supCrieiird'ailleurs icrlui dc iy+,
pii>qut: ir<luidi! 1946>'irait 6l<.vi.,(l';ll)résbilari, 2 jjr 036 ~loll;,is.it
I r 1 . 1'c:ir. \Inrii.ick, \litrliS.lCu.. i 2 iihooi, d,nllnr.;. Cc b;-
néficenet, j'y insiite, représentait la ~omme'~ui,en l'absence de restric-
tions de change, aurait pu êtrerépartie aux actionnaires de la Barcelona.
Partant de ce bénéficede 700 ooodollars réaliséau 71 décembre 1447.
RIC Rolin vous a dit (supra, 6.'r3) que si cebénéfice avGt étécapitalis&au
taux de 4%, jugép.us.que prudent par les experts Gelissen et van Stave-
ren Dour des entreorisës du secteur de l'éleftricitéen Es~ae.e ~, à cette
i.pinilut:\rioiido,-. II"6, y 7j ct ;ii.<)icr 9;. niiii.il,, il.iiir.i(loiiii;.
1atiairc une \.~lcurdc qr iiiillionsd:<loll.irtiii3r dicciiihrr l(j.17C'PSI CC:
inuiit:iiit oui ~oii~tiiucr.iit 1.1v;tlcur clcrriid~riiciirdt hrci 1vii;.'ct ~tr
époque.
Ce chiffre de gz millioris de dollars - valeur de rendement - est re-
marquablement confirmépar le calcul de ce que l'on appelle, dans le
langage comptable, la valeur de l'actif net, c'est-à-dire l'excédent que
présentent les actifs de toute nature par rapport aux dettes de toute
nature de la société.La Cour verra aue MM.Arthur Andersen S: Co..

dollars au 31 décemb;e 1947 (";UV. doc. no15, p. 14, no 18j.
En sorte que je pourrais en rester là pour démontrer l'erreur manifeste
- et i'use ici d'une litote - dans laauelle l'ex~ert Soronellas a verséen
soutenant que le patrimoine qu'il évaluait valait moins que rien et, par
contrecoup, celle non moins manifeste du juge spéciallorsqu'il a pure-
ment et simplement entérinéle montant de la mise à prix. . .
On pourrait peut-être élever une objection. On pourrait dire qu'il
s'agissait là de chiffres au 31 décembre 1947, et que l'évaluation de
M. Soronellas ayant eu lieu en novembre 1q51 la situation aurait pu,
dans l'intervalle, s'être considérablement détériorée.Ici encore, les
réponsessont absolument décisives.
Primo, cette affirmation supposerait que le patrimoine saisi. qui valait
- comme je vous l'ai dit en citant mes sources - aux environs de 88
millions de dollars à fin 1947,aurait à ce point périclitédepuis qu'il avait
étépris en charge par les organes de la faillite qu'il aurait, en moins de
quatre ans, étéréduit à néant, subissant ainsi une perte - je souligne les
chiffres- de 88 millions de dollars en quatre ans. Est-ce pensable?
Deuxièmement. s'il en était ainsi, le Gouvernement espagnol serait en
contradiction avec ce qu'affirmait le groupe March lui-même,car, dans

ce dossier - décidément unemine pour le Gouvernement belge - déposé
au Greffede la Cour internationale par le Gouvernement espagnol, du
procès de la Sidro contre le comitédesobligataires Prior Lien, comité,
comme vous le savez, créé à l'initiative de Juan March, on trouve une
affirmation, faite en 1952 par l'avocat espagnol de ce comité, le D'
Rodriguez Sastre. Et voici ce qu'il disait: <<L'entrepriseen Espagne
n'étaitpas insolvable. et depuis la désignationd'un receiuer espagnol, son
revenu a fortement augmentéen dépit dela sécheresse 1)Vous trouverez
ce document reproduit au Blue Book (vol. 1, p. 87). Cette appréciation,
non suspecte étant donnésa source, d'une part prouve que l'expert So-
ronellas s'est trompé totalement et, d'autre part, que depuis le 31 dé-37O BARCELONA TRACTION
manière d'évaluer l'affaire &ait. d'en capitaliser les bénéficesfuturs
estimés,et estimésprécisémenten fonction des résultats obtenus au cours
desdernièresannées. Or,ilsn'ont tenu aucuncompte desrésultats obtenus
au cours desdeux dernièresannées,pour sebaseruniquement sur lesrésul-
tats obtenus au cours des annéesprécédentes!Ai-je le droit de le deman-
der: est-ce là un rapport d'expertise établiaveclesérieuxqui eût convenu?
En tout cas, ce rapport - et c'est ce qui importe- n'établit, àaucun
moment, que l'affaire aurait subi une perte de substance réelle,puisque
à l'actif net tel qu'il s'élevaàtfin 1947. sont depuis venus s'ajouter les
bénéficesimportants réalisés et en 1946,et en 1949,et en 1950,et en 1g5T
D'autre part, la Cour aura noté - et c'est aussi très important- que
les bénéficesen pesctas ont, à partir de 1950 et 1951, accusécette im-
portante augmentation que je voiis ai citée.
Or, il faut le souligner, cette augmentation s'était produite avant que
n'entrent en vigueur les nouveaux tarifs d'électricitéinstaurés par le
décretespagnol du 12 janvier 1951.
Comme la Cour le sait déjà, les tarifs d'électricitéétaient demeurés
substantiellement inchangés en Espagne depuis 1936, malgré la dépré-
ciation de la peseta et malgrél'augmentation des prix et des frais d'ex-
ploitation qui en avaient été la conséquence.Dès1944.l'union des entre-
prises électriquesd'Espagne avait entamé des négociationsavec le Gou-
vernement espagnol pour obtenir le relèvement de ces tarifs (R., V,
no 194. p. 1x7) et, au moment où l'expert Soronellas fut désigné,c'est-à-
dire le 15octobre 1951et, à fortiori, au moment où il déposason rapport,
c'est-à-dire le 17novembre 1951,ces pourparlers avaient abouti depuis de
nombreux mois. En effet,dès le 12 janvier 1951 (ibid. so)t de nombreux
mois auparavant, un décret avait paru qui avait instaure un nouveau
régime des tarifs qui, en raison des formules de calcul qu'il adoptait,
devait relever substantiellement lesbénéfices desentreprises d'électricité
lorsque les mesures d'exécution de cet arrétéentreraient en vigueur.
Un expert consciencieux eût dû nécessairement le relever et insister sur
la potentialité d'augmentation qui, devant profiter à l'adjudicataire,
devait,du mémecoup, valoriser les biens à adjuger. hl.Soronellas, lui, n'y
songea pas un instant. C'est que, contrairement à toute logique, à toute
regle et toute justice, ceux qui avaient étéiilégitimement investis de la
mission de vendre ne songeaient qu'à déprécierce qui allait êtrevendu.
Et ce que je viens d'affirmer, hlessieurs de la Cour, n'est pas théorique,
car l'augmentation substantielle quidevait nécessairement résulter de la
modification des tarifs s'est trouvéeconfirmée,de manière particulière-
ment décisive, par les faits. Car Fecsa, qui, la Cour s'en souvient, fut
déclaréeadjudicataire, accusa dans ses bilans les bénéficessuivants:
180 millions de pesetas en 1955. 251 millions de pesetas en 1956. et ce,
j'y insiste, sans avoir fait aucun apport d'argent frais, compte tenu,
autrement dit, de la situation del'affaire, telle qu'elle existait au moment
où elle a été vendue.
Comme dejuste, cetteconstatation embarrasse fortement leGouverne-
nierit espagiiol, qiii voudrait fairecroiailp:iragraptic.631dc la diipli<]iie
(\'II,p.MIS).que cette situation de prosp6nté.qu'il ne peut nier. car elle
est indCtiiablrCr qui siin,int trois et quatre ans ipeine :ipres la vente des
biens de la Barcelona, serait due

cpour la plus grosse part à l'amélioration des installations ainsi
qu'aux moyens de financement procurés par des augmentations. successives de capital (de 1952 à 1955 il y eut une augmentation de
400 millions, et de 1955 à rgj7 une augmentation de 85 500 000
pesetas), et d'autre part, Fecsa ne distribua pas de dividendes au
coursdes premièresannées P.

Une foisencore.les urofesseurs Gelissen et van Staveren ont étudiéla
situation de très &S. 21 leurs prkisions rrioiitreiit,:iircgard de ce qu'af-
tirme In dii~>liqiie.'esacte et \wiï r6:ilité;elle se trouve ;tus I);iRrs q~ :,
105de leurrapport. - - >>
D'abord, ce n'est pas cde 1952 à 1955 D,commele dit la duplique, qu'il
y eut une augmentation de capital de 400 millions etde 1955 à 1957une
auementation de 85 millions de uesetas: vousverrez. I\lessieurs.ane c'est
cn novciiibre 1y55ju'il y eut uir ~ir~niii'rcnugment:itii,n de 318625 ooo
1,rietas etcn :.oiit 195"IIIIC;~ugnicntarion (ItSi 500 ooopesetas. soit. nii
tot:il. et Qses deus d:itc;. ct ilon point >'.t~iiii;~ritsur 13longue p6riode
qiie \,eut faire iroirc. la dupliqiic, 400 125ooo pesetas
Ensuite, les iiiiteurs du rhppurt constatent qii'Ctant donne Ici dates
;,iixouelles ces auzmznt;,tioiis de vaoit31ont etc f:iites et. d'autre i):irt. le

téml;siiiatcriel ii&cssairc pour rx&&t<-rles install:itioiis, l'argent que ces
;iujimentations de capital avait proiurt; ii';ivnit pu Ltre investi dans des
in3aUations qui auraient pu étrë productives de revenus des 1956 et, à
fortiori, des.1955. MM. les professeurs Gelissen et van Staveren ne se
contentent pas de l'affirmer, ilsle prouvent. Car il résultedu bilan dela
Fecsa au 71 décembre1956 qu>-les .isponibilités de la sociétéétaient à
ct riionien~di e 502 901459 I><!s<:taçs'.csi-l-<lirequ'r.llesCtaieiit de 1)liisde
ioo millions de l>cset;issupGrieuresaux qoo millionsdt pesetas qu'avaient
procurésles deüx augmentations de capital.
En outre, les disponibilitésdes filiales de Fecsa étaient à la meme date
de IOI 726 917 pesetas. C'estdonc plus de zoo millions de pesetas qui, au
., décembre 1056," - et ie ra~uelle aue les bénéficesinvoqu6s furent
rGalisCs 1955 et én - ;.&iistitiC<ientles dispontbilitL(s'dugroupe
I:ecsa, en plus des 400 millioris provriiant de I:double 3ugmtnt:itioii de
capital.
Que prouvcnt L.CScliiifres et leur som~~~r~isonQ ?ue, coriiriicje le disais
t<iiia i'iieurr..les tr>s imporrnnrs i~;~iciii~r.e 180inillions cn 1955et 25s
rnilliuns tiii45f,. réalis&p:ir I':tfii~irri~il:<CIIC 1):~cs;ians les main; tic
1:~~s~ .Cfurent p:ir I';.ffairet~llcqu'ellçexistait quand Fecsns'eneniplra
et iic proviennent, en auciinï in:iiii+rç.di.<fonil, :gpportCs ci In suite des
deux augmentations de capital de novembre 1955 et d'août 1956.
Il est d'ailleurs trèsinstructif d~ ~onstater. à la suite du travail auouel
sesont livrésIcsexpert- Gelisjen et van Stavcrcn (p.99et suiv.),et conirnc
.\le Roliii vous l'a <I';iilleiirsr;ippi.lédans une de ses 1)laidoirit:s(supr~,
p. 14)que l'actif iiet du groiipe'd'rntreprises acquis priIi n 1:ecsnen iggz
:ivait :ittriiit, eii iqjG, une \.alcurde quclilui~i,6rnillioiiset demi de (loll;irs,
c'est-A-(lirr:une inuiit:iiit supérit:ur de plus (1,:IO millioiis de dollars Ii
celui de 88 102 ooodollars au31 décembre1947.que l'onpeut extraire des
chiffres fouriiis par llBI. Peat, llarwick, Mitchel 8; Co.
En sera-t-on alors réduit. de l'autre côtéde la barre, à affirmer que,
comme Je soutenait M.Soronellas. l'affaire. entre le ianvier 1948et le
17no\,cmbre 1951.auriait {irrdu SI niillions (ledollars. c'teiisuitc; comme
Ic.révL\lenlresbilans de la Fécin.aurait rcg:ignCentre le 17iiovembre 1951
et le 71dl'cembre roi6. oSmillionj et d<,rnide doll:~rs?I'attcrids. entoute
quiécude,la réponse --à .cette question.372 BARCELONA TRACTION
Et j'r>p$rr.awir aiiisidimoiitr; que, comme le Gou\,criiement belge l'a
joutcnu dans scj ;criturzs. le rappurt de 11.Sororicllaj aboutissdit ides
conclusions sans aucune commune mesure avec la valeur réelledes biens
qu'il avait été chargé d'évaluer.
Si..v ai réussi-et c'est évidemmentla Cour qui le dira - il eu résul-
tcra du mhir t.uup que iiiIr coniniisî.~ire.ni juge s~kci,ilne pou\.aicnt.
sans ruiiliiictrrc i leur tour urit: iiigligcnce coiijtiruti\.c de f.iutc Kravt,
accepter. sans s'interroger ni interroger, de prendre comme base. pour la
fixafion du prix minimum des enchGesreu s,ne évaluation aussi manifeste-
ment insolite, aussi manifestement anormale et donc aussi manifestement
incroyable.
Et, une fois établiel'erreur manifeste de l'évaluation deM. Soronellas,
il me paraît superdu de tenter d'en établirle quantum, en démontrant à
la Cour a quelchiffreaurait conduitune expertise faite en 1951demanikre
sérieuseet objective, sur la base des éléments connus à cette époque.
Veuillez noter que la Cour, si elle le désire,pourra voir aux pages 84à 98
du raD..rt des ~rofesseurs Gelissen et van Staveren fnouv. doc. no 61. ..
somment ccs exi>erts,d'unc in.ini>repliis qu'acci:sîil~lï.'cjéircplaçaiit
<Iaiijles circonît<incej de nniygr. eii utilis.int par ~ill?iirsdes m>thodes
aui peuvent se réclamer de Üiécédentsinternationaux. en arrivent à
&valÛerles biens à cinq fois lakaleur de 715 millions de pesetas que leur
avait attribuée M. Soronellas.
C'estlorsque le Gouvernement belge justifiera le montant de la répara-
tion demandée, tâche qui incombe à mon distinguéconfrère. M. Lanter-
pacht, que la question d'une évaluation raisonnable des biens enlevés à la
Barcelonase Dosera.Elle seDoserad'ailleurs en des termes bien différents
de ceux dontavait à tenir compte un expert judiciaire chargéd'une éva-
luation en 1951.
La Cour a, en tout cas, touché du doigt, si j'ose m'exprimer ainsi,
l'importance qu'il y aurait eu à respecter les dispositions impératives de
la loi espagnole, c'est-à-dire faire en sorte que l'évaluation des biens à
vendre soit l'obiet. non uas d'une expertise unilatérale. commeelle l'a été.
mais d'une ex@rGse contradictoire; comme elle aura& dû l'être.
Or, que firent le commissaire et le juge spécial?
Lerapport de M. Soronellas étant du 17novembre 1951, ayant donc
jour, c'est-à-dire le 18novembre 1951,rédigeaun long document (ilcom-même
porte plus de deux pages impriméesdu volume des annexes et contient de
trésnombreux chiffres) pour fixer à IO millions de pesetas le prix mini-
mum, étant entendu qu'en outre i'adjudicataire aurait à régler lepassif
obligataire (A. M., vol. III, no zoo, p. 763 et suiv.).
La Cour remarquera, une fois de plus, la prodigieuse et anormale célé-
ritédu commissaire. Est-il normal, eneffet, dans les annales judiciaires de
ri'im[)ortcqurl [)a!;, qu'en un jour uii commijsair? ;litIttcnil>s<Irlire le
vnlii~ninr.uxrnlJport qu'ét:~itIr r.ipport dc JI. Suroii~ll.is,d'en ~ssiiiiiltr 1%.
contriiu. rl'eiiapprkicr In pertinence, (l'en adol~tcrIcjconclusioni et de
rédiger, son tour, un document supposant une parfaite maîtrise de la
matière technique et complexe à traiter?
Je ne révélerairien àla Cour en lui disant que pas plus eu Espagne que
dans n'importe auel antre ...s. une telle hite n'est habituelle. Mais le
ministre êspagnÔldes finances n'avait-il pas, le 14 juin 1932, dans un
discours aux Cortes, dit de March qu'cil va toujours son chemin, pour-
suivant son but, sa puissance, sa volonté > ,t que icelui qui veut-aller PLAIDOIRIE DE DI.GRÉGOIRE 373

contre sa volonté. voila son ennemi o(A.M.. vol. 1, no41, p230 et 231).
A toute évidence, lecommissaire le savait et il agissait en conséquence.
La Cour sera, enfin, attentive au fait que la hâte extrême apportée a
toute la procédurede vente trouve une explication supplémentaire dans
la circonstance que la situation del'industrie électriqueen Espagneetait
sur le point de se normaliser, et qu'il eût étébientat impossible, si on ne se
hâtait pas, de dissimuler les profits réels,en rapide progression, du groupe
en Espagne.
Comme je l'ai dit, au cours d'une précédente plaidoirie, letemps tra-
vaillait pour la Barcelona Traction, et la vente ne s'avérait opportune et
urgente qu'aux yeux de ceux quiavaient en vue, non pas les intérêtsde la
masse, mais les intérêtsdu groupe Juan March.
En tout cas, et c'est par là que je conclurai cette partie de ma plai-
doirie. cette nouvelle phase de la manŒuvre imaginéepar Juan March
connut,une nouvelle fois, un plein succès:enécartant l'évaluationcontra-
dictoire et enla confiant au seul.SoroneUas,le patrimoine saisi pouvait
être maintenant vendu à un prix dérisoire.
II ne restait plus qu'à faire en sorte qu'il ne puisse l'être qu'àla société
Fecsa qui. le 13 décembre IgjI,c'est-à-dire trois jours après que la date
de la vente eut étéfixéepar le juge spécial,fut spécialement constituée
par Juan March l'effet de se porter adjudicataire.
C'esta quoi s'employèrent les syndics avec leur machiavélismehabi-
tuel, en libellant un cahier des charges destinéà écarter tous les autres
enchérisseursque cette acquisition aurait pu tenter.
Je vais vous parler maintenant de ce cahier des charges, et j'en dirai
tout de suite qu'il est vraisemblablement unique dans les annales de la
il serait plus que difficiled'en trouver un semblable. n'importe quelpays,
Quelles sont ses caractéristiques essentielles? J'ai cru pouvoir les ra-
mener au nombre de trois.
La premikre caracteristique est la manikre dont les syndics utilisèrent
l'autorisation qu'ils avaient obtenue en vue d'éviterla dépréciationdu
patrimoine.
Les syndics, s'adressant au tribunal, lui avaient présentéla vente
comme une mesure essentiellement conservatoire, tendant i protéger la
masse de la faillitecontredes périlsprétendument graves et prétendument
imminents. Or,lecahier des charges, à l'exception de la sommeridicule de
IO millions de pesetas. elle-mêmeabsorbée engrande partie par les frais
et honoraires des svndics. faisait dis~araître entièrement l'actif de la
faillite au profit de'crrtains créancier; pri\.ilégir's.Ce n'était doni plus
unr vente conservatoire du patrimoine <Icla Inillie, et dont le ~~rtiitie
dû y êtreversé en remplacement des biens vendus et pour en tenir lieu,
mais une mesure ayant pour effet de rendre inexistant ce patrimoine en
remboursant certains créanciers.
La deuxièmecaractéristioue est aue le ~rixde la vente n'a Dasconsisté
en une somme d'argent à \,cràcçiizspkes en m:iiii du triliunal, comme
l'impose In loi cspngnole, mais c?sentiellt:mciit dt1i.sI'obligotiùnamlnc
ch~rccdcl'adiudic~t armrh~drierdirccteiii~:naux ol~lir.itûircs.dnns
la m8nnaie c8~tractuelle~le montant des obligations émisespar la Barce-
lona.
Cesystème, ou si l'on préfèracette solution pratique»,permettait aux
syndics de tourner les obstacles légaux insurmontables qui s'opposaient
aux opérations projetées, à savoir notamment:374 BARCELONA TRACTION

demande et obtienne au préalableune troisièmeexceptiones àla suspension
de la orocédure.comme on avait déià demandéet obtenu deux exce~tions
précé&emment, ' savoir la nomination des syndics et l'autorisat~on de
vente.
Deuxièmement, on tournait une deuxième regle qui exige que les
créanceslibelléesen monnaie étrangèresoient obligatoirement converties
en monnaie nationale. v
Enfin la troisiAme caractéristique de ce cahier des charges consistait
dans la facultédonnée à l'adjudicataire de passer, avec les obligataires de
son choix, des conventions particuliAres par lesquelles ceux-ci renon-
ceraient àrecevoir paiement, moyennant compensation à convenir libre-
ment entre parties.
Et ces trois caractéristiquesavaient ceci en commun qu'elles faisaient
litière, une fois de plus et de la maniArela plus manifeste, de toutes les
règlesd'ordre piiblic régissant la faillite, et transformaient le cahier des
chargesen un instrument fabriquésur mesure, àla mesure des intérêtsdu
groupe March et en fonction de ceux-ci.
C'est ce que je pense pouvoir démontrer àla Cour.
Mais avant d'en aborder l'examen, je voudrais attirer l'attention de la
Cour sur deux circonstances particuliA~es qui entourent le cahier des
charges et dont on peut dire qu'elles accentuent encore l'illégalitémani-
feste de la procédure suivie.
La première, c'est la nouvelle et extraordinaire précipitation avec
laquelle procédèrent les autorités judiciaires quieurentà en connaître.
Elle témoigne, une nouvelle fois, de leur état d'esprit.
Le cahier des charges comporte vingt pages imprimées,grand format,
des annexes au mémoire. Ce volumineux document avait étérédigé le
20 novembre 1951 .eux jours après réceptionde la décisiondu commis-
saire sur la misà prix.
Le moins qu'on en puisse dire, et je le dis sous le contrôle de ceux
d'entre vous qvi, Messieurs les juges, s'y sont efforcés, c'estque, pour
l'assimiler, il faut une lecture attentive qui ex-~e du temps et de la
réflexion.
Or, que vit-on? Dès le lendemain, c'est-à-dire 21 n~vembre,~Iecom-
missaire déclarait n'avoir aucune objectionà formuler à son sujet et le
traA son tour, dès le zz novembre, le juge spéciall'approuvait, malgré
les évidentes illégalitésqu'il contenait, malgré ses extraordinaires ano-
malies, malgré l'entorse manifeste qu'il apportaità la suspension de la
procédure,malgré - mais nefaut-ilpas dire àcause? -du sort privilégié
qu'ilréservaità Juan March.Bien plus, il surenchérissaitsur cequ'avaient
proposé lessyndics: ceux-ci avaient prévuque la vente serait annoncée
avec un préavisde vingt jours dans le journal officielde 1'Etat et dans
celui de la province et, en outre, si cela était possible, dans un journal
d'Espagne, d'Angleterre, du Canada, de la France, de la Belgique et de
la Suisse; le juge ordonnait i'annonce dans les deux journaux officiels et,
en outre,dans un journal de Madrid et dans un journal de Barcelone.
Mais les jeux n'étaient-ils pas faits? A quoi bon rendre plus onéreuse
une comhdie qu'on ne songeait même plus à dissimuler: l'inhabituelle
céléritédu juge spécialno z le prouve.
La deuxièmede cescirconstances est que l'ordonnance du 22 novembre
du juge spécialno z, qui approuvait l'insolite et extraordinaire documentqui faisaitfide toutes lesrègles d'ordre public applicables à la matière,
fut considérée.Dar le iuee suéciald'abord et Dar la cour de Barcelone
ensuite, comme'une o;donnance de simple roûtine, une ordonnance de
simple formalitéqui, des lors, n'étaitsusceptible ni d'un recours en appel
ni @un recours en cassation. mais uniauement d'un recours en rétracïa-
tion A iiitziit<-rdanslci trois;ours :iiipr&du mémejugequi l'avait rcndiie.
1131squ'attendre <i'uiiiii~equi. 3vec la céitrit111ivoliss:i\.e', 1i'sv:ilt
Dashésiié à avaliser de tièiaiaves et de très nombreuses entorses à une
ioi d'ordre public, car, comme vous le verrez tout à l'heure, ou comme
vous le verrez lundi, il y en avait encore beaucoup d'autres dans le
cahier des charees?
Il rejeta don; la demande de reconsidération introduite par la Barce-
lona: puis il refusa, par une ordonnance ultérieure, d'autoriser l'app..
que la-~arcelona demandait à pouvoir interjeter.
La cour d'appel de Barcelone, de son côté,par arrêtdu 20 février1952
décidaque l'ordonnance attaquée était de simple routine et n'était donc
pas susceptible d'appel (A.1\1.,vol. IV, p. 794).
Et voilà, Messieurs, ce qui fut fait des protestations émises,devant les
autorités judiciaires qui avaient à en connaître, par la Barcelona, au
suiet des indiscutables irréeularités. des manifestes entorses à la loi aue
cktenait le cahier des chaYges.
Il est des justifications, Messieurs, qu'il n'est pas nécessairede réfuter,
car elles contiennent en elles-mêmesleur propre condamnation. La
duplique affirme àla page 657 (VII):
cl.'ordoniiance du 22 novcmùre. coii\,oqiinnt la ventc aux enclihres
et disposdnt qu'ellr serait ri.gic par le ~ahicr des cllarges, (tait de
pirv forrnnlitC,comme il riissort de la simple lecture. ,
Très respectueusement, je me permets d'inviter la Cour à lire ce cahier
des charges, et elle verra alors si, vraiment, un cahier des charges q$
violait pratiquement toutes les rkgles impératives de la faillite pouvait
réellement n'êtresusceutible d'aucun recours efficace et méritait de
n'êtretraité que commês'ilétait la conséquencenormale, et en quelque
sorte automatique, de l'autorisation de vendre, pour cause d'urgence,
qui avait été accordée.

L'audience estlevéeà rz h 55 QUATORZIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (5V 69,15 h)

Présents: [Voir audience du 17 IV 69; M. Koretsky, Vice-Président,
MM. Forster et Gros, juges, absents.]

M. GREGOIRE J:aborde immédiatement les flagrantes irrégularités
ou, plus exactement, les flagrantes illégalitésdu cahier des charges.
Elles étaient à ce point nombreuses qu'il me faudra toute l'audience
pour les démontrer.
La Cour se ra~~.l.era eut-être les extraordinaires modalités de la
ventc. LV priu dc crllc-c; ci,i~jijt.iit csî~iitiçllrrn~iit d;iiis I'olilig,ition
mise à cliargç de I'adiudicataircde rembour;cr les cr2sncieri ohl-cataircs
dans lesconditions sÜivantes.
Primo: dans les cinq mois, il devait rembourser tous les porteurs
d'obligations qui l'exigeaient; pour ceux-là, le paiement devait se faire
par l'intermédiaire d'une banque, dans un délaide quinze jours Adater
de la remise effective des titres et coupons; cette obligation serait con-
sidérée comme accomplie sil'adjudicataire effectuait le paiement ou
prouvait aux syndicsqu'il n'avait paspayé parce que le créanciern'avait
pas présenté sestitres ou n'avait pas prouvé leur authenticité ou la
légitimitéde leur propriété(A.M.. vol. IV, p. 782-783, 1, II et III).
Deuxièmement: si,dans les cinq mois, certains porteurs d'obligations
ne s'étaientpas présentés, l'adjudicatairedevait ou consigner le montant
de ce qui était dû ou offrir une garantie bancaire destinée à en assurer
le aie ment en da nttrois ans seulement \ibid. L , " ,
pas exigéleur dû, ils conservaient le droit d'exiger de i'adjudicataire le
recouvrement des sommes qui leur restaient dues, mais sans pouvoir se
retourner contre la banque, celle-cin'étanttenue - je viens de le dir-
que pendant trois ans (ibid., p. 783, V).
Cette manière de procéderconstituait une violation flagrante des dis-
positions de la loi espagnole.
La Cour sait-car on le lui a déjà dit de nombreusesreprises (supra,
p. 250) - quel'article 1322du code de procédurecivile a diviséla faillite
en cinq sections. <(La section quatrième, précise-t-il, comprend la
vérification et la reconnaissance des créances contre la faillite, leur col-
location et le paiement des créanciers)).
Or. l'ouverture de cette quatrième section était tenue en suspens par
le déclinatoire Boter. En sorte que, pour que le paiement des créanciers
puisse avoir lieu, il eût fallu ou bien que ce déclinatoire ait étérepoussé
par un jugement devenu définitifou bien que les syndics eussent obtenu
une troisième exemption à la suspension, portant cette fois sur le paie-
ment des créances, comme ilsen avaient obtenu une pour les deux pre-
mières, à savoir d'abord la nomination des syndics et ensuite l'autorisa-
tion de procéder àla vente.
Cette autorisation, par ailleurs, n'eût pu êtredélivréeaux termes de
l'article 114,alinéa z, que par une décisionsusceptible de recours et,
notamment, d'appel et à la condition de prouver que la remise du rem-
boursement des obligataires à une date ultérieure eût entraîné, pour la
masse de la faillite, un préjudiceirréparable. De longs développements ne sont paj nCcessaires pour démontrer que
pou\,aient 1'6tre. c'est-A-dire aprPs I'uuverture de la quatriéme sectioii
déla faillite.iln'en serait rL'sultcpour le pairimoiiie de la faillieaucun
pri-judice et, nioins encore. urpréjudice irriparablt.. Le Gou\'ernemcnt
ëspagnol, j'imagine. ne songeri pas à le contester: Au contraire, j'ai
déjà montré à la Cour qu'avec le temps ce patrimoine ne cessait de se
valoriser.
Les svndicsse earderent donc dedemanderuneautorisation ou'il n'eût
pas Gté*p~s~ibld ee leur ;iccordcr, mime en y mettant le maSimum de
hnrir \,ulonté.\lais ils usérent d'un proc&iAqui aboutissait exactg3meiit
au mEme résultat. Ils imaeinért.nt. en effet. d'iiidrer dans le cahier des
cliarges une clause imposant à 1'adjudicat;iiri:le piement aus créanciers
obligataires avant l'ouverture deInquarrièmc st!ctiori.C'r'taitmanifeste-
ment illéeal. ce aue la loi es~aenolë interdit de faire directement. eile
interdit Lusside lêfaire indiréctement et quel que soit le sisteme auquel
on a recours. Mais. comme ie l'ai déiàdit au cours de ma plaidoirie de
\.endredi(supra, p. 37.1-375),.jiigesjprçial. puis la cour d'apbclde Barse-
lone, se prctércntà ce subterfuge, le premier en approuvaritlecaliier des
charges,-la seconde en confirmant, au méprisde ce que la faillie avait
fait valoir dans son recours, que l'ordonnance approuvant le cahier des
charges était de simple routine, comme si une clause aussi anormale et
violant aussi ouvertement les regles espagnoles d'ordre public allait à
ce point de soi et était à ce point la suite logique de l'autorisation de
vendre, qu'elle ne pouvait faire l'objet que de ce recours hâtif, limité et.
la plupart du temps, illusoire. qui consiste à obtenir du magistrat qui
a déjàjugéqu'il veuille bien consentir à se déjuger.
C'est v4ritableiiient aberrant. IIy a là un nouvelexemple, eà nouveau
extrêmement significatif, de la complaisance de certaines juridictions
espagnoles l'égard du tout puissant Juan March. Car, la Cour L'a déjà
compris, cette entorse visible et criante la loi était une nouvelle fois
à l'avantage de March. Si les lois sur la faillite avaient étéobservées,si
Juan Alarch avait ététraité comme l'eût étén'importe quel justiciable,
et non en homme au-dessus des lois. ilaurait dû, aussitbt aprésl'adjudica-
tion, soit en1951, payer, en tant qu'adjudicataire, le prix, c'est-à-dire
débourser quelque gsoo ooo livres ou la contre-valeur en pesetas que
représentaient les obligations de la Barcelona, et, en tant que crkancier,
attendre jusqu'en 1963, date à laquelle fut définitivement jugéle décli-
natoire Boter, lepaiement de 85pour cent de cesg500ooolivres ou deleur
contre-valeur. C'eût etéplus qu'ennuyeux: à supposer mêmequ'il eût
DU êtrerembourséen livres - et nous verrons tout àl'heure qu'il ne le
bouvait pas - il est toujours désagréable, mêmequand on's'appelle
et il faut toujours craindre, au terme d'une aussi longue période, sinon
la dévaluation, tout au moins la dépréciationdu pouvoir d'achat soit
de la livre soit de la peseta, suivant la monnaie dans laquelle le rix de
la rente eût étéconsigné la disposition du juge,,comme le prkl.oit la
loi espagnole.
C'est pourquoi au lieu de vendre ce qui avaitétésaisi -et à supposer,
ce qui n'est pas; qu'il puisse l'êtred'en encaisser le prix, de le déposer
et d'attendre l'ouverture de laquatrieme section de la faillite pour payer
suivant les régles, lessyndics tournerent ces régleset eurent recourà ce
que la Cour me pardonnera d'appeler un r tmc u,aussi grossier qu'illkgal378 BARCELONA TRACTION
d'ailleurs, et qui consistaàmettre àchargedel'adjudicataire la mission
de payer les créanciersprivilégiés.
Cette manière de liquider l'actif et le passif allàil'encontre d'autres
dispositions encore de la loi espagnole.
Comme le rappelle le contre-mémoirelui-même:

«Le but fondamental de la faillite - on n'insistera jamais trop
sur ce point - est de réaliser lepatrimoine du failli afin de payer
les créanciersà l'aide du produit obtenu.» (IV,p. 4x7.)
Cette phrase est intégralement exacte. dans la mesure, tout au moins,
où il n'y a pasdans le patrimoine de la faillite de quoi payer intégralement
les créanciers. Le but fondamental de la faillite est bien de réaliser le
patrimoine du failli. C'est donc une procédure d'exécution forcéecollec-
tive; elle se réalisepar la vente des biens du failli contre un prix. Par
ailleurs. cette procédured'exécution a pour but de payer les créanciers
au moyen du prix.
Voilà les principes généraux de la faillite de tous les systèmes juri-
diques et la faillite en droit espagnol ne sedistingue pas de la faillite dans
les autres droits. Méticuleusement, minutieusement, la loi espagnole a
réglé lesformalités de cette procédure, dans des textes qui n'ont fait
L'objet d'aucune réfutation de la duplique; nous avions invoqué aux
pages 559 à 564 de la réplique(V), les dispositions quiavaient étéviolées,
et ces textes n'ont fait l'objet d'aucune réfutation de la duplique. Et
pourquoices formalitéssont-elles indispensables dans la faillite espagnole,
comme dans les autres faillites? Je me bornerai à répondrepar une cita-
tion du contre-mémoire:
ula procédure de la faillite n'a pas seulement pour fin de protéger
des intérêtsprivés; elle touche aussi, et surtout, à l'ordre écono-
mique et à la paix sociale ...c'est ce qui explique aussi que dans
tous les systèmes juridiques, la faillite est une procédure placée
sous le contrôle de la justice et régie par des règles intéressant
l'ordre publicr(IV,p. 240-241).
On ne saurait mieux justifier la minutie avec laquelle la loi espagnole
a édicté:
Primo, que les créancesdoivent être aupréalable vérifiées:tel ou tel,
qui se prétend créancier, l'est-ilréellement?
Deuxièmement, qu'elles doivent être classées: tel ou tel créancier
n'est-il pas privilégiéet, dans l'affirmative, sur quels biens?
Troisièmement, qui se prononcera sur l'existence et la collocation des
créances: en droit espagnol, les syndics ne donnent, à cet égard, qu'un
avis et la décisionsur ce point appartient à l'assemblée généraledes
créanciers,laquelle est définitive si elle ne fait pas, dans les huit jours,
l'objet d'un recours devant le juge.
Quatrièmement. la loi dit ce qui doit êtrefaitdu prix de vente: l'ar-
ticle 1240 du code de procédure exige qu'il «soit mis en dépôt à la dis-
position du tribunal u.
Et enfin, la loi prévoit ce qu'il faut faire pour le paiement: c'est sur
ordre du juge que les paiements aux créancierssont effectués; ils doivent
l'être parles syndics eux-mêmes, à telle enseigne que les articles 1291 et
1292 du code de procédure prévoientque pour qu'un seul puisse en être
chargéil doit êtrecommissionné,au préalable, par ses collègues.
Toutes ces réglesrelativesà la vérificationà la collocation et au paie-ment des créancessont d'ordre public, comme le sont celles qui règlent
d'autres phases de la faillite. Or. en l'occurrence, aucune d'elles ne fut
observée.
Et ~our commencer, ne furent observéesaucune des trois ~remikres.
cn ce .;çiisqu'iy eut paiement avarit qiiz les cré;iiicr.saientt; vénfiécs;
piiis cIJ~sCC~ t (lue I'assenil>lé<lescr~niici~~rasit pria. auiii bien su1:i
vi:rific;itionque sur la collocatioii. les dGcisionsou'rlle sc-lc.'. insiste
-était habilitée à prendre.
Que répond la duplique? Ce n'était pas nécessaire,dit-elle, aux pages
645 et 646, VII. D'une part, affirme-t-elle, les créancesne devaient pas
êtrevérifiées puisqn'il s'agissait d'un montant parfaitement déterminé,
et d'autre part elles n'avaient pas àêtreclassées, puisquetons les obliga-
taires étaient des créanciers privilégiés.
Messieurs,ces considérationssont inopérantes en droit et inexactes en
fait
En droit d'abord. Toutes les créances, absolument toutes, avant
d'êtrepayées,doivent être vérifiéeest colloquées,et cette double opéra-
tion est l'Œuvre de l'assembléedes créanciers, lessyndics - je le disais
d'ordre public. Et la loi n'en excepte pas les créancesqui, aux yeux dess
syndics, seraient à ce point certainesque leur vérificationet leur colloca-
tion pourraient se dispenser d'une décisionde I'assembléegénérale.Et
pour cause: des créancesqui sont certaines sont les seules, la plupart du
temps, à êtreprésentéeset les créancesne sont en tout cas admises qu'à
partir du moment où elles sont certaines. A quoi rimerait, dès lors, cette
procédure préalable prévuepar le droit espagnol, si en étaient exemptées
la plupart des créances?
En tout cas, et c'est ce qui importe, la loi espagnole n'a pas créédeux
catégoriesde créancescertaines; d'une part ce que l'on pourrait appeler
les créancescertaines à une étoile, qui ne pourraient être payées qu'en
cas d'ouverture de la quatrième section et après avoir étévérifiéeset
classéesDar l'assembléeaé-éraledes créancierssur avis des svndics. et. . .
d'aiirrt: Part, ce que l'on pourr;iir apjirlrr les cri.aiicr.scertniacdeux
oii troisCtoiles. qiii pourraienr, elles. Are payces avant I'ouvcrture de la
uuatriéinc section. sans avoir 616v&rifi2~.a su ur&dl;ihlcrt clasjérs par
I'assembléedes créanciers et en vertu de la sehe décisiondes syndks.
Aucune de ces distinctions ne se retrouve dans la loi espagnole. Dès lors,
la loine distinguant pas, il &taitinterdit aux syndics comme aux autorités
judiciaires de distinguer et d'écarter ainsi des garanties substantielles et
impératives, parce que d'ordre public. Et voilà, Messieurs pour le droit.
Les considérations de la duplique, disais-je, sont, par ailleurs,
lui-méme. en fait. Et pour êtrebref,je m'en tiendrai au cahier des charges
Primo, la deuxieme condition de ce cahier des charges (A.M., vol. IV,
no 201, p. 783)fixait les montants dus aux obligataires à titre d'arriérés
d'intérétset y comprenait les intérêtsdepuis la date de la déclaration de
faillite jnsqu'au coupon du décembre 1951.
Or, d'aprèsl'article 884 du code de commerce de 1885, à la règle selon
laquelle les crhances cessent deporter intérêt à partir de la déclaration de
faillite, échappent seules les créancesdutype hypothécaire ou pignoratif.
De leur seule autorité donc, les syndics déclaraient que le mortgage dont
NationalTmst étaittitulaire étaitune créancede cedernier type, du type
pignoratif ou hypothécaire.380 BARCELONA TRACTION
Mon propos n'est pas ici de trancher la question en droit espagnol.
Mais, Messieurs,vous qui savez quelle âpre controverse divise lesParties
sur le point de savoir quel est le concept légalqui, en droit espagnol,
correspond au nzortgageanglo-saxon (R., V, n0"84 à 586, p. 438 et suiv.;
D., VI,nos279 à 288,p. 374et suiv.). le Gouvernement espagnol soutenant
quecettegarantieneconstituerait pas un gage,vous réaliserezimmédiate-
ment que s'ilest un point qui exigeait d'êtreau préalable reconnu, vérifié
et décidé,en respectant la procédure minutieuse prévue par la loi es-
pagnole, c'étaitbien celui de la nature mêmede la sûretéqui garantissait
les obligations de la Barcelona et, partant. celui du droitdes obligataires à
recevoir les intérêtscorn depuis le jour de déclaration de la faillite,
c'est-à-dire leIZ février 1948.
Or, à cet égard,les syndics se comportaient en petits potentats, ce que
la loi espagnole ne leur permet pas de faire.
Deuxièmement, l'inclusion pure et simple par les syndics, parmi les
dettes du failli, des z 640 ooo livres d'obligations First Mortgage, que
Juan March avait acquises de la Westminster Bank peu de temps avant
la vente, donne lieu à des remarques du mêmegenre, car il s'agissait en
i'occurrence de la réalisation, par un créanciergagiste ou privilégié,en
tout casen dehors de la procédurede faillite,des biens quilui avaient été
remis en garantie (A.R., vol. II, no 134. app. 2,p. 838.840).
Si cette garantie ne constituait pas un gage au sens de l'article 918 du
code de commerce de 1889- comme lesoutient, pour sapart, le Gouver-
nement espagnol - l'opérationétaitillégaleau regard du droit espagnol
puisque, selon celui-ci, la faillite suspend toutes les exécutions indivi-
duelles et que lesbiens qui ne font pas l'objet d'un gage au sensde l'ar-
ticle 918sont obligatoirement inclus dansla masse. Encore une fois,je ne
désirepas, ici, Messieurs, trancher la question, mais faireapparaître à la
Cour qu'elle devait êtretranchée de la manière qu'exige la loi espagnole,
c'est-à-dire par l'assemblée générale des créanciers à l'occasion de la
vérificationet de lacollocation des créances,et non par une décisionar-
bitraire et sans recours des syndics.
Troisièmement, cen'est pas tout. Le mêmecahier des chargesprévoyait
àla condition III, zCalinéa(A.M.,vol. IV, noZOI,p. 783)quel'obligataire
pouvait ne pas présentersestitres (par exemple,parce que ceux-ci étaient
perdusouvolés),~~ bien quel'authenticité de cestitresn'était pas admise,
ou bien que la légitimitéde la propriétéde ces titres était contestée.
Il y avait donc là trois sources possibles de contestation prévuespar le
cahier des charges lui-même. Sila loi avait étéappliquéec ,es trois sources
de contestation eussent dû donner lieu à un avis des syndics, suivi d'une
décisionde i'assembléedes créanciers prise à la double majorité et des
personnes et des créances,avec recours possible devant le juge.
Or, que disait le cahier des charges? Que pour que l'adjudicataire ne
soit pas tenu au paiement prévuet, en conséquence,pour que la créance
de l'oblicataire soit écartée.ilsuffisait que I'adiudicataire urouve aue s'il
ni. payi~i'tpas, c'est parcc quc I'oùligltn'irene pr~scntait --5 ti'es uii
que l'un iontc,jt;lit I'authcnticité de srs titrrs uu I;i1;gitiiiiitdc leur
propribté. Et siI'ohligatairï avait protesrc', nurunç intervrntion dr I'ai-
scmblépiles cr6ancicrs n';tait prcwr: unc fois encore. uiic fois de plus,
c'ktiiient 1c.ssyndics qui tranchaicnt. C'est-à-dircqu'une fois de plus le
cahier des charges nr rvsprctait pas Its dispositions impGrritivcs(le la loi.
Quatriènirmtnt, cc n'est toujours pas tout.
:lu quinto de la dt.uxi<'rnrcon<lition (A.Y., \wl. 1\',ilozor, p. 732.) PLAIDOIRIE DE M. GRÉMIRE 381

le cahier des charges prévoyait que les syndics «avaient le pouvoir de
reconnaitre,déterminer et déclarereffectifs tous lesdroits des obligations.
autres que celui d'obtenir paiement du principal et des coupons échus n.
L'insertion d'unetelle clause impliquait, nécessairement, que la créance
des obligatairespouvait comporter autre chose que le remboursement du
principal et desintérêtséchus. Elleimpliquait donc, du mêmecoup, que
la créancw'était pas certaine,contrairement àce quesoutient le Gouver-
nement espagnol (D., VII, no 667, p. 695; C.M., IV, no 268, p. 4x7) .t
rendue certaine ultérieurement. c'est-&dire,si les mots ont un sens, être
Et nous verrons tout à l'heure qu'effectivement cette détermination
pouvait varier dans des proportions importantes, suivant les décisions
aue n rendraient les svndics. Incertaines. les créancesdes oblieations. en
l'occurrence. ne dtveiiaient certaines iu'en nc respectant pas les bis-
l~ositiorisimpératii,es de la loi. En cilet, je ni'çscuse de le répéter, mais
c'est ninlhcureus~ment la \,érito.siiivnrit lecode de proccdure. les syndics,
ici encore, n'avaient d'autrç droit que de donner un :,vis sur le ~iioiitaiit
d'une cri:ince. la décisionsur ce montant rc:lcvnntde 1';issembléegL'riérale
des créanciers. avec ~ossibilité d'un recours. devant le iuee,-.dans la
huitaine. Or. une noucelle fois.c'&nient Ics syndics qui trtinchaient. sans
aucunï intervention de I'nssemhléedes crc'ancicrs. ct par constquent dii
juge.
Et pourquoi, Messieurs, pareille intervention n'était-elle pas prévue?
tion, au stade où en était la procédure, était absolument impossible.ven-
En effet, dans une faillite poursuivie en respectant les dispositions impé-
ratives de la loi, l'intervention de l'assembléedes créanciersqui décideet,
éventuellement, du juge qui contràle, pour vérifier.etclasser les créances,
se situe uniquement dans la quatrième section de la faillite; cette qua-
trième section, tout entière, était suspendue par l'effet du déclinatoire
Boter. de manière telle qu'il n'était pas possible d'avoir recours I'as-
semblée.
Que firent dès lors les syndics pour satisfaire Juan hlarch? 11sn'hési-
tèrent pas:ils écartèrent l'intervention de plusieurs rouages essentielsdela
faillite et les autorités judiciaires qui eureàten connaître, comme tou-
jours, hélas! leuremboîtèrent le pas, alors que - j'y insiste-laviolation
de la loi était, ici, flagrante, grave et répétée.
Cinquièmement, enfin, et toujours en fait, il est égalenient inexact de
créanciersprivilégiés. Ainsi,par exemple, le tvustee,pour ses honorairesdes
et frais, était garanti par les biens vendus, au mêmetitre que les obli-
gataires: c'est ce que disaient les Trust Deeds.
Les créanciersobligataires furent ainsipayés sans que leur créanceait
fait l'objet d'une vérification et d'une coilocation préalables; leur droit
fut déterminé d'aprèsle seul bon plaisir des syndics, alors que, seule,
l'assemblée générale des créanciers,avec recours possible devant le juge,
était habilitée pour le faire.
Aucune disposition légale ne prévoit au%ne exception à cette règle
d'ordre public; au surplus, mêmesi, en droit, les circonstances qui sont
invoquées,après coup, pouvaient - mais elles ne le peuvent pas - jus-
tifier uneexce~tion. encore ne ~ourraient-eues êtreretenues, car en fait.
elles sontinex'actes:
Le cahier des charges contenait une seconde séried'illégalités,rela-382 BARCELONA TRACTION

tives, cette fois, aux deux autres des cinq règles dont je parlais tout à
l'heure.
l'obligation de payer'aIOèmillions de pesetasrgeà,la masse, et de rembourser

g millions et demi de livres aux créanciers obligataires (supua,p. 372).
Cette disposition battait tous les records de l'illégalité. C'esc te que je
vais maintenant démontrer: .
1) elle opérait une novation par changement de débiteur sans le con-
sentement des créanciers;
2) elle chargeait un tiers, sans qualité de la fonction que la loi a confié
aux syndics;

3) elle ne tenait aucun compte des formalitésimpératives, exigéespar la
Ioi,pour la ventedes biens du failli;
4) elleviolait les dispositions relatives au ptix età cequi doit en êtrefait;
5) elle violait la règle de la conversion obligatoire en pesetas d'une
créanceen monnaie étrangère.

Première illégalité: lanovation.
La vente consista en fait à substituer l'adjudicataire au failli. Aux
pages 693et 694,VII, l'auteur de la duplique le nie. En prétendant, écrit-
il, que le contre-mémoire a parlé de la «substitution de l'acheteur à la
débitrice ».le Gouvernement belae rufuteune fois de DIUS une affirmation
que le iuntrc-niCniuird n'a pns faite. On coml>rcnd,'\le;;ieurs. la saiiir.
r;actioii (lcl'autcur de la (lupliqur.. (:oniiiie nous lllonIrr\.uir, c'est celle
d'un bon iiiriitç.)Iniî nu';i dit I'auteiir dii cuiitrc-mhioire?
Au numéro266 (N, 6. 417). il déclare:
«la vente avec substitution de l'adiudi,ata~ ~ ~ au débiteur Dour les
ctiargcs rciidait supcrfliiî I'eximen et In qun1ifii:ition de? cri;incc; i
I'Cgarddei rr,'aiiciers jouissant il'iiidroit de pr:fL:rrii~...
q1.3 vcntc avcc ;ub;titiition dc I'a(ljiidirat:iirc au cl>bitcii.~.'c;tdoiic
hieii interuritcr. .\l~s.;iciiri.non ;culcmriit 1,:c:tliicr
chnr-.s. rnaii I?s
conjiitalàlsubstituer I'ndjiidicntairc nu failli.enir que la pritcndiir vciitc

Or ien'auurcndrni rien iInCuiir cn lui disaiit oiic c'rit I1;d;iiiiitiuii
débiteur, nàvasavoir l'adjudicataire. avait mission de libérer L'ancien, à

fication et une collocation de créances, un créancier obligataire qui sevéri-
présenta comme créancier se vit refuser cette qualité de créancier de la
faillite, bien entendu, parce que, par la grace du cahier des charges, lui
fut-il répondu, il était devenu créancier de l'adjudicataire, la Fecsa.
La piècequi démontrerait ce que je viens d'affirmer, à savoir le procés-
verbal de vérificationet de collocation des créances,n'est pas au dossier.
Mais je prierai celui de nos distingués contradicteurs qui abordera ce
point dans sa palidoirie de bien vouloir dire à la Cour s'il confirmeou s'il
conteste ce que je viens d'avoir l'honneur de dire. Et si, d'aventure, il le
contestait, je demanderai respectueusement à la Cour d'inviter le Gou-
vernement espagnol à produire le document, afin que son contenu puisse
nous départager.
Or, tout le monde le sait, pour que la novation par changement de
débiteur soit valable, il faut - et c'est ce que dit notamment en droitespagnol l'article 1205du code civil - que lecréancieraccepte le nouveau
débiteuret déchargel'ancien.
En effet, il n'v a pas eu. ici. Messieurs..simu.e déléeutionou ad bro-
~nzi~to;ily :Ieu novation et er pro>nissio:le raliier des charges, ;laboré
par 1c.ssvndics et approuv6 p:ir cellrj des autoritks iudicinires qui a\,aicnt
en connaître. .ti~.ie en effet - et c'est VarticleX de la troi'sikmecon-
dition-

ci-dessus, la masse de la faillite sera libéréedes dettes représentées
par lesdites émissions. i>(A.M.,vol. IV, nozor, p. 784.)

Et elle devait l'êtremêmesi le créancierobligataire n'était paseffective-
ment payé: la mésaventure arrivée en 1963 à l'obl.gataire qui se croyait
encorë créancierle démontre. -
l'oiit cc-la,n'eit-il prisvrai, rel;\.~ une foisenrore du plus pur arbitr:iire.
Est-il concev:ibleque dails une faillit<1,-ssyndics aient le droit d'une part
d'imposrr nu crcancier un nouveau débiteuret<lu'ileur suret&.sonstituce.
en I'o;ciirrence, par les actiorij et obligatioiis émises pilr les sociCtés
aiixiliairc.;,suit substitube une autrc. en I'rspi.celedCp6tcn banqiic d'une
certaine somme ou même,ce qui était encore moins sûr, une simple
garantie bancaire qui, en'l'occurrence, étai'limitée à troisans? En sorte
que si le propriétaire d'une obligation ou si son auteur, pour des raisons
diverses, négligence,oubli, voyage, perte, vol, n'en avait pas réclamé à
temps le paiement, son seul débiteur était désormais non plus le failli,
mais l'adjudicataire.
de telles rnesures au failli. aiors ql;e si ces'inrsures tournent mal, c';sr-i-
(lire si l'adjudicataire ou la I~aniluildcvitnnent insolv;ibles - et ce ne
sont pns Ii, Messieurs. des liypotliésesrl~éoriqucscar dans Inrcalité,on a
vu pirc, n'est-il pÿs vrai. et dans pas mal de pays - le failli restera dr'bi-
teur d? ses crCanciers,~)uisqueceux-ci n'ont pas accepte Iniioi~ntion,mais
auraétédémunipar lis syndicsdes moyens de lesrembourser, puisque la
sûreté constituée par les obligations et les actions des filiales aura été
dilapidéepar l'adjudicataire à qui elle aura étévendue?
Je ne prétends pas, Messieurs, que ces éventualités se soient réalisées
en l'esoèce:mais si la loies.ae-ole surla faillite les admettait. elles Dour-
r:iieiit sc rL:aliit,rd;ins d'aiitrcs cspéccset c'est pr&ciacriiciitpour [vitcr
yu'cllrs iic puissent jnninis, dlnj :iiiciin cas, si.rCnlis~r.<lui.la 101 ci-
v~riiole. nvec infinim~iitde .;accasc..interdit la novation telle ou'ellectt!
bpkréepar les syndics contrairemint à ce que soutient la.duplique au
numéro666, VII.
Carun des ~aradoxes de cette affaire. et non des moindres. est au'il faut
Gouvernement espagnol, du réalisme, de la logique et du bon sens du
législateur espagnol.
Deuxièmeillégalité: ladélégationde fonctions.
Le cahier des charges, élaborépar les syndics et approuvé par le juge
spécial,prévoyait que ce ne seraient pas les syndicsmais l'adjudicataire
qui serait chargéde payer certains créanciers, àsavoir lescréanciersobli-
gataires (3e condition, AM., vol. IV, nozor, p. 752et suiv.).
La encore, l'illégalitéétait flagrante.
Les syndics de la faillite ont une mission bien précise, définiepar la loi384 BARCELONA TRACTION

et à accomplir suivant les modalités prévuespar la loi, mission et modali-
tésétant toutes d'ordre public.
Comme le dit fort bien le contre-mémoire (IV) à la page 240 - cette
page que je n'ai cesséd'invoquer -, par le fait qu'il est declaréen faillite
ale débiteur ... oerd le oouvoir d'administrer ses biens et d'en - --
disposer. Ce sont les représentants de la masse qui. au nom de l'en-
semble des créanciers.recoivent la mission et le oouvoir d'agir à la
place du débiteur pour i'ensemble de ses bieus'et de ses Troits. »

Mais cette mission. Messieurs, ils doivent la remplir eux-mêmes; ils
n'ont pasle droit de la déléguer à un tiers aui la remplirait à leur lace.
sans avoir àobserver les modalitésauxoueliL~ eux~ ~mes s~n~ im66rati: '
vement tenus. Ce seraitsinon un moyen trop commode de tourner la loi
et de faireen sorte que celle-cisoit lettre morte et vidéede toute substance.
Et c'est pourquoi. dans les matières d'ordre public, les délégationsne
sont permises que si et dans la mesure où eues sont expressément auto-
riséespar un texte de loi.
Troisième illigalité: la violation des formalités impératives exigées
pour la vente.
L'article 1236 du code de procédurecivile renvoie aux formalités éta-
blies pour la vente des biens de toute nature par voie de contrainte, c'est-
à-dire. notamment, aux articles 1512 à 1520 du mêmecode, aussi bien
quand il s'agit de réaliserl'actif que de liquider le passif.
Pour réaliserl'actif, il faut appliquer les articles 1512 et 1513:
- article 1512: l'acheteur doit consigner, dans un délaiqui ne peut
excéderhuit iours, le montant du prix;
-article SI^: s'il ne leconsigné dans le délai,la vente ne devient
pas effective et on procede à une nouvelle mise en liquidation.

Vous voyez combien tout cela est à la fois méticuleux et sévère.Pour
liquider le passif, l'article1291 préciseque

auour effectuer le oaiement. le iu,e-émettra un mandat sur les svn-
dics ci, faveur de chaque créancier,en ordonnant simiiltan~~menrque
les Loiidsnécessaires soieiit retir6s du dhp0t pour étrc mis ;ileur
disi)ujitioii. Les sviidics ou celui d'entre eux <lui:ilira Gr;.dCsiriiE
ses collè$uei. iaiera ICnl~iidat. contre le rey'iiapposL(par l'intc-
resd sur ledit niaiid;it: celui-ci scrn coiiscr\.e par Idssvndics çnnime
piècejustificative dans leurs comptes. >>
De son cbté,l'article 1293dispose que

u Icpaiciiient étant fait.Ici s!~iidicsprbseritzruntnu tribunal, airc les
rrqus des crc'nnciers,un compte-.ustiticatif de I'avpl.-arion donnée
aux fonds qu'ils ont reçus u.
Toutes ces dispositions précises, minutieuses, méticuleuses devaient
êtrerespectées, et aucune autorité judiciaire ne pouvait en exempter
quiconque, sous peine de violer l'ordre public.
Or, Messieurs, aucuned'entre elles, vous entendez, aucuned'entre elles
n'a étérespectéel;e prix devait être consignédans les huit jours et mis à
la disposition du juge: il ne l'a jamais été;faute de consignation dans la
huitaine, la vente devait &treannulée:il n'y a pas eu de consignation et la

vente n'a pas été annuléec ;'est le juge qui, pour chaque créancier,devait
donner aux syndics mandat de payer: le juge ne l'a pas fait: les syndics PLAIDOIRIE DE M. GRÉMIRE 385

devaient aussit8t payer: les syndics ne l'ont pas fait; les syndics devaient
rendrecompte au moyen des reçusdélivréspar les créanciers:n'ayant pas
reçu de reçus les syndics ne l'ont pas fait. Etc., etc.
Que nous dit alors la duplique, aux pages 694et 695,VII:tout cela n'a
pas étéobservé puisque l'adjudicataire avait étéchargédu paiement et
qu'il n'est pas prouvé que pareille manière de faire était illégale.Mais,
Messieurs, c'est là le type même,n'est-il pas vrai, de la pétition de prin-
cipe: on soutient comme démontréce qui ne l'est pas et qui précisément
doit l'être. Or,ce qui prouve précisément l'illégalité du procédéutilise,
c'est qu'en procédantcomme ils l'ont fait, syndics et tribunaux espagnols
n'ont pas respectéles dispositions d'ordre public relatives à l'exécution
forcéeet au paiement des créanciers.Qu'y a-t-il de plus illégal,je le de-
mande, que la violation d'une règled'ordre public?
.Ces règles», prétend alorsla duplique à la page 695,«ont étéprévues
pour une situation toute différente n.Mais quelle est donc cette situation
toute différente?C'est précisémentla seule qu'envisagent ces règles, car
les règlesde la faillite n'ont pas prévu diversessituations; elles ne disent
pas que, dans certains cas, eues doivents'appliquer et que, dansd'autres,
elles ne devraient pas l'être; elles sont absolument généraleset déter-
minent, dans tous les cas, la manière dont il faut s'y prendre quand on
vend les biens du failli pour payer les crbanciers.
«Elles ont étéfinalement observéesii,.soutient la duplique à la même
page. Ceci, hfessieurs, est vraiment le bouquet. Elles l'ont été quand?
En rq6,.-c'est-à-dire auand le déclinatoire Boter avant étére~oussé
ln qu;itri&mesection ;icessr:d'éiresuspendue et que tout ét;iitconsommé
depuis onzc ans. Et Its auteurs de la duplique de nous dire, froidement.
vos;ment. sc'rieuseinent aue cc srrait Id une a..lic3tion de I;iloi~.VII.
no 666,p.'695).
Encore une fois, Messieurs. le Gouvernement belge doit ici, contre
nos distingués contradicteurs, prendre la défensedu législateur espa-
gnol. Peut-on imaginer en effet, un seul instant, que le législateur
espagnol ait songé à dire aux syndics: nPayez d'abord la créance et
vérifiezensuite son montant. iiNon seulement la loi n'im~ose oas aux
>yndiss ce comportement. mais rlle IIL11:tulL1rc.n~UCUII~ iil:iiiierc'est
:~v;iiitd'etre 1~~yt.-~ et polir pouvoir 1'2trc-que les cr;5ncr.s doi\,eiit
êtreapprouvkei, et non d'iilleuis par les syndics qui ne peuvent donner à
virait-il de vérifier lescréancesapres qu'elles ont déjà étépayées? Ce
serait mettre la charrue devant lesbaeufs.Et comment. avrèsle aiem ment.
les autres réglesimpCratii-espourraient-elles itre obsc;\~écs? chment 1;
luci: pourrait-il disposer de ce qui n'a\.ait inmais étémàs53 d~sposition?
Comment oourraii-il remettre aux svndics un mandat de Üaver les
cr&inL.iersobligataires ;,lors qu'II'?a\:ait plus de quoi les & qu'ils
a\.airrit d'ailleurs ét6p3!.és;\\.t.dcs réglésirnpérati\ft.sinterprr'téesde
I:Imaniéredont In <-lui~li<iuvcoudr;iit oii'elles le soient. nous xttrirnons
ici, vraiment, les frontbr<s d'un domaine dont je me boinerai à dirëqu'il
échappe à l'emprise de la raison.
Enfin. dit la duplique (VII,no 668, p. 696, et no 653, p. 683). aucun
créanciernes'estplaint. C'estle Gouvernement espagnol quile dit, mais
qu'en savons-nous réellement?N'y a-t-ilvraiment eu aucune réclamation?
Les oblieataires. Darexem~le - et i'v reviendrai touà l'heure- eussent
pu exiger de l'adjudicatdre des ktérêtssur les coupons échuset non
réglés. Or,de tels intérêts n'ontjamais étépayés. Tous les obligataires386 BARCELONA TRACTION
se seraient-ils inclinés? S'il y avait parmi eux des Belges, ce serait bien
mal connaître. hlessieurs de la Cour. la mentalité de mes com~atriotes.
En tout cas, on peut se poser la question. Si mêmeils n'ont pas fait de
procès, cela ne prouve rien, sinon qu'ils ont hésité à en intenter un,
compte tenu de la clause du cahier des charges qui faisait des syndics les
arbitres suprêmesde ce qui était dû ou de ce qui n'était pas dû. En
revanche, l'existence mêmede cette clause dans le cahier des charges
prouve qu'au moment où lessyndics l'ont libellé,et lorsque lejuge spécial
l'a approuvé, la possibilité d'une plainte avait été envisagée, puisque
avait étéexpressémentprévue lasuite à lui donner.
Au surplus, l'essentiel n'est pas là. L'essentiel c'est qu'une nouvelle
foisdes dispositions impératives de la loi espagnole ont étéoutrageuse-
ment violéeset que si elles l'ont été. c'est unenouvelle fois- car c'est un
leitmotiv <le rrtieaffaire. llt~ssieur- parce que c';tait à l'avantage de
llarch, ct qu'en toute cette affaire, h1:ircli.Iri\.oi.?ctinqiie 1)liase<leIn
l~rocCtliire,~Jtnittrniir. cominc un liumniçriiisti~~riciirniislois.n'av:iit
pas à les respecter.
Quatrikme illégalité: illégalitédu prix et illégalitde son mode de paie-
ment.
Le prix était illégal,d'abord parce qu'il était indéterminé.
L'adjudicataire, rappelez-le-vous, devait payer IO millions, pliis le
montant des obligations augmenté des-intérêts, plus - disait le quinto
de la deuxième condition - «tous autres droits desdites oblieations.
droitsque lessyndics ont lepouvoir de reconnaître, déterminer et déclare;
effectifsn,l'adjudicataire. n afin de pouvoir déterminer exactement ce
qu'il aurait à -paver u. Pouvant prendre connaissance des udocuments
relatifs aux émkdons désdites obligations. ainsi que les consultations et
etudes faitessur les divers points particuliers ...» (A.M., vol IV, no 201,
P Cétait une illégalité,disais-je, et une illégalité à la fois flagrante et
redoutable.
Illégalité flagranteet que le Gouvernement espagnol essaie vainement
de contester. En effet, le prix minimum devait être certain, c'est-à-dire
déterminéou déterminable. Or, il n'était ni déterminéni déterminable.
Il était fait d'une somme précise - IO millions de pesetas - et d'une
autre qui ne l'était pas, à savoir les droits attribués aux obligations. ou
encore les charges dérivant de celies-ci. «Mais ces charges pouvaient être
évaluées avecune exactitude mathématiaue ,affirme le Gouvernement
espagnol dans le contre-mémoire (IV,no26'6,p. 416). Comment?Prenons
le paragraphe c) de la deuxiéme condition dont excipe le Gouvernement
espagnol:

<[en consultant d'une part] les documents relatifs à l'émissiondes-
dites obligations [ilscomportaient plusieurs centaines de p-.~s] ainsi
que les consultations et Etudes faites ..ii
Telle est la conception du contre-mémoire de l'exactitude mathéma-
tique et de la rigueur qu'en conséquence ellesuppose. Elle n'a qu'un
correspondant. elle concorde avec la conception élastique qu'avait la
cour d'appel de Barcelone des rkgles d'ordre public.
Or, la conclusion à tirer au sujet du prix de ce volumineux ensemble
de documents, d'études et de consultations était à ce point douteuse et
incertaine que les syndics qui étaient les premiers à en avoir conscience
s'étaient réservés expressément ledroit de trancher souverainement. \'oi~.cv riut:disait le cahierdci cl.;irgr, Ql~oiirtuils le5;~iirrt:ic~itset
<,lilihntioni,I~ssynJicsunr lep~iiivoirdr Icsreîoiinaitre. dt.lesd6terniincr

et LIVles dicliiicr çilr-ztifi ,:\.Il., vol IV, 201, LI7S21 En 50rtc CIIIL,l;i
détermination du prix ne se fair; d'une manièréneutre et 6bjec-
constituait ce au'il fallait démontrer.souvàrsavoir une nouvelle illégalité

\.enrc ioiiilwrt~1111ipricertnln et I'nrticlv 14.q)dum;mci.siodeiijti1,ii<111ec
Infir~rlui. dii pristirpourra iamais Crrclil;src :II'srbitrairc rl'uiiç~urti,.

contractante.
Illégalité flagrante,je viens de le démontrer, mais illégalitéégalement
redoutable, car puisque le prix dépendait de l'arbitraire des syndics, il
pouvait varier selon leur humeur, bienveillante ou sévère,c'est-à-dire
encore suivant la faveur ou la défaveur dont jouirait auprès d'eux la
personnalité du futur adjudicataire. Autrement dit encore, au lieu que le
prix soit le mêmepour tous, les syndics se réservaient de le fixer selon la
têtedu client. Qui sinon March, parce qu'il était sûr d'eux, aurait jamais
osés'engager dans une pareille aventure?
Accusation injuste, suspicion systématique, objecte le Gouvemement
espagnol. Comment le Gouvemement belge, écrit-il, ose-t-ilsoutenir que
le rix était susceptible de variations, et surtout de variations considé-
ratles? (C.M.,IV, no 266, p. 415-416; D., VII,p. 682 et suiv.)
La réplique, pour le prouver, avait repris une affirmation du contre-
mémoire (IV,no 228, p. 119) selon laquelle les porteurs des obligations
pouvaient réclamer à la sociétédébitricelesintérêtsdes intérêtsarriérés.
Or, ces intérêtssur intérêtsreprésentaientla bagatelle de I 150ooolivres,
soit encore, antaux de change de l'époque, 3 250ooodollars. Il dépendait
donc du bon vouloir des syndics que le prix soit ou ne soit pas majoré de
3 250 ooo dollars.
En choisissant cet exemple, Messieurs, la réplique avait viséparticu-
lièrement juste. Et c'est le Gouvernement espagnol, et nous lui en sommes
reconnaissants, quis'est chargélui-mêmed'en apporter la démonstration.
Nais voyons d'abord cequ'en dit laduplique àlapage682, VIX: iil'exemple
choisi par le Gouvernement belge ne pouvait êtremieux choisi pour
démontrer exactement le contraire de ce qu'il prétend n.Je vais mainte-
nant vous lire les documents et la Cour va pouvoir juger de la valeur de
cette aimable appréciation.
Lestrois documents qui, jusqu'alors, étaient restéstotalement inconnus
et qui sont donc produits par le Gouvernement espagnol sont:
I) une requêteadresséepar la Fecsa aux syndics le i8 décembre s951
par l'intermédiaire d'un notaire, et la ré onse des syndics le 29 dé-
cembre audit notaire (A.D., vol. III, p. 3 g4 et 365);
2) une consultation de John Wellington Pickup au sujet de l'obligation
qu'a le débiteur de payer des intéfêtssur intérêts(ibid p. 367);
3) une lettre de Fecsa aux syndics du 3janvier 1952 (ibid., p. 372).

Qu'en résulte-t-il? L'histoire que je vais vous raconter.
Un représentant de Fecsa, le z8 déceiriùre1951, soit sept jours avant
la vente, serend chez un notaire pour le prier de demander aux syndics ce
que veut dire exactement la clause selon laquelle <tous autres droits
desdites obligations dont la reconnaissance, la détermination et la mise à
effet appartiendront aux syndicsa. Fecsa désire en effet, et je cite
les termes de sa communication. ((connaîtreavec exactitude quel sera388 BARCELONA TRACTION

~~uëls"~euvent êtrelesdi'tsdroitsr.somme les svndics de déterminer
Le mêmejour, à 16h 20, à 17 heures et à19 heures, le notaire prend son
chapeau, sa voiture et son courage et se rendchez lestrois syndics et,à la
personne qui le reçoit, ilremet une copie simple de son actecontenant la
question posée.
Le lendemain, dès 13 heures - toujours cette remarquable célérité,
n'est-il pas vrai, dont nous avons déjàtant d'exemples - l'avoué des
syndics serend chez le notaire porteur de leur réponse.
Celle-civautd'êtrecitéeenentier:

uLa clause du cahier des charges à laquelle ilest fait référencedans
la requêtea pour objet de prévoirtoutes réclamations de paiement
que les obligataires pourraient faire à l'adjudicataire, parmi celles
non mentionnéesexpressémentdans le reste des paragraphes du A de
la condition deux.
Comme cela est dit dans ladite condition deux, les documents
correspondant aux obligations émisespar Barcelona Traction sont à
la disposition des enchérisseurs,qui doivent les liquider et payer tout
comme les rapports et étudesqui ont étéeffectuéssur divers points
particuliers.
Entre autres antécédentsfigure un rapport émispar un juriste
canadien d'où il résulte que Barcelona Traction est obligée de
liquider et de payer des intérêtà raison de5% par an sur le montant
de chacun des coupons échuset non payésde ces obligations.
En conséquencede ceci, bt. Torrents, au nom des syndics,déclare
que l'adjudicataire est au moins obligéde liquider et de payer lesdits
intérêtsà raison de 5% par an sur le montant dechacun des coupons
échuset non payés desdites obligations.»
Je résumecette réponse.Il en résulte:

I) qu'il y a des paiements que les obligataires pourraient réclamer à
l'adjudicataire en plus deceuxqui sont mentionnés expressémentdans
le cahier descharges;
2) que ces paiements à faire résultent des documents mis à la disposition
des enchérisseurs;
3) que parmi ces documents, il y a notamment la consultation d'un
juriste canadien;
4) qu'en conséquencede cette consultation,l'adjudicataire est au moins
obligéde payer les intérêtsau taux de 5% sur les coupons échus et
non payés.
Cequi signifieencore une fois,Messieurs, siles motsont un sens,que les
intkrêtssur intérêtsn'étaient pas le seul paiement incombant à l'adjudi-
cataire en plus du paiement du principal des obligations. II y en avait
d'autres, qui ne nous sont d'ailleurs pas révélés, mais qui, on peut en
êtresûr. étaient tenus en réserve Dourêtre~roduits s'il le fallait..Teva.s
\.eusdonner un exemplt:: ily avait. l~~rr.u~!i~l,lrI,:Il>ossitdesoutenir.
quelque disiutabl<t que soitI:qucirion eii droit canadien - mis, \les-
Geurs. c'étaient lessvndics aÜi tranchaient souverainement - aue les
oblig;;tnires n'a\.aieniI,assi;bir Liprtc r(.sultant des dc\,;ilu:~tior&1;i
livrc survenues depuis Irmoment où Inso<:iFtï(lil)itricc av~it suspendu le
servise de sesobligations, ce qui ~,ou\~~i.lessicurî,îil'on optnii 11oiiIn
thésela plus déf:i\.ornblc6.la débitricç.faire une ditT6rencede l'ordre de20 millions de dollars. Cette thèse, outrancikre, indiscutablement erronée,
était de celles cependant que les syndics se réservaient d'imposer sou-
verainement à I'adjudicataire. Et c'est pourquoi la cahier des charges
disait qu'en tout cas, et au moins, les intérêtssur intérêtsétaient dus,
A savoir- je vous l'ai dit toàtl'heure- 3 250ooo douars.
Je vous ai lu la réponsedes syndicsà Fecsa. Au reçu de cette réponse,
qu ecnt Fecsa aux syndics le 3 janvier 1g52?
Une lettre incroyable, Messieurs:
uInterprétant la réponseque vous avez apportée à notre requête
du 26 décembre dernier, et les documents examinés, nous vous
faisons savoirue nous déduisonsclairement de tout cela que l'adiu-
dicatairede la ;.ente aux enchéresne contracte nulle autre ob1igat;on
de yaiemcnt que celle relative nu rtglement du principal des obliga-
tions. des coupons:iuxqurls sr rapporte le cülides ctinrges avec In
limitation pr&,ue au4e paragraphe de Inclause no3 dudit cahier des
cliargçs et [éc~utezbien. llesjiçurs] ct. éventuellement. des intérits
des coupons en question, portant un intérêt annuelde 5%. Ce que
nous sommes heureux de porter à votre connaissance à toutes fins
utiles.a(A.D., vol. III, no 175,p. 372.)

Ainsi donc, Messieurs de la Cour, ce qui, par notaire, était affirmé
comme un minimum à payer obligatoirement devenait. dans la lettre
interprétative de la Fecsa. un paiement qui n'était plus à effectuer
qu'éventuellement, ou le cas échéant.Par ailleurs, alors que les syndics
supplémentairecontractée par I'adjudicataire, la lettre de Fecsa affirmait
que c'était la seule. Or, ce double changement apporté par la lettre
interprétativeau document notarié, les syndics ne rkpondirent rien, alors
que cette double modification était portéepar Fecsa à leur connaissance
«à toutes fins utile».

L'audience,suspendue à 16 h25, estrepriseà 16h 45

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je vous ai donc lu cet
échangede correspondance et je vous rappelais qu'au doublechangernent
apportépar la lettre prétendument interprétativeau document notariéles
syndics ne répondirent rien, aIors que - comme je le disais en termi-
nant - cette double modification était portéepar Fecsa à leur connais-
sance .à toutes fins utileu.Utilesà qui? Vous allez, hlessieurs, pouvoir
tout de suite apprécier. Car il faut que la Cour sache que l'adjudicataire
ne paya à aucun obligataire aucun intérêt surles coupons échuset non
payés. En sorte que ce qui était présentépar les syndics dans l'acte
notarié comme un engagement obligatoire ,minimum et qui était inter-
prétépar Fecsa comme une simple éventualitéseréduisit,dansla réalité,
A un néant intégral. Je le répète:aucun des obligataires ne perçut des
intérêtssur intérêtset les syndics donnérent leur accorà ce qu'il en fùt
ainsi.
Que!le est, dès lors. l'explication de cette attitudeà première vue
inexplicable? Une fois encore, il n'y en a qu'une.
Dans le cas où le groupe March n'eût pas étédéclaréadjudicataire.
des charges, quelqu'un qui fût devenu adjudicataire, toutes précautions
étaient prises pour que pareil adjudicataire paie, en plus de ce qui était390 BARCELONA TRACTION

PAVUexpressémentdans le cahier des charges. ce qui n'y étaitpas prévu
expressbment, à savoir les 3 250 ooo dollars d'intérêts sur intérêtsd,ont
85 pour cent au moins devaient revenir à M. Juan Afarch.C'est pourquoi
March interrogeait les syndics et les syndics y répondaient par le canal
d'un notaire dont l'acte, authentifiant la date de la question et la datede
la réponse, nepourrait être soup~onnéd'avoir étépassétemporesuspecto.
Mais, en méme temps, et cette fois-ci par lettre missive, le groupe
March, interprétant, disait-il, la lettre des syndics, signifiait à ceux-ci
et «à toutes fins utiles» - l'expression vraiment n'aurait pu êtremieux
choisie - que l'obligation de payer intérêts sur intérêtsd'unepart était
le seul supplément envisagépar le cahier des charges et, d'autre part,
ou'elle nouvait l'être.est-à-dire qu'elle pouvait ne pas êtreréclamée ou
A I'aLtenotarié, le groupe hlarch pouvait donc opposer lalettre inter-
prétative adressée aux svndics à toutes finsutiles - on voit maintenant
;on util116-et laisséesaiii r+on;c par eux. et s<:loiiIaqiicllc le paieiiicnt
<I'intLLrGs tiur iiit<rCti, bien loin ~I'Ftreune obligation. ri'it;iit qii'iine
siniple &vcntualitGilipendaiit donc du bon \,ouloir ilcs syndics.
Autrement dit, les engagements supplémentaires préius par le cahier
des charges relevaient de ce que l'on pourrait appeler du type accordéon,
en ce sens qu'ils s'enflaient ou s'amenuisaient selon la manikre dont
joueraient les syndics, eux-mêmes, par ailleurs, ne jouant que de la
manière ordonnéepar hfarch. Comment, sinon, les syndics auraient-ils
accepté qu'aucun intérêt surintérêtsne soit versé, alors qu'ils avaient
affirmé - et ~ar-devant notaire - aue c'étaitlà un minimum oblieatoire?
Et comment:de leur cdté,les autotictésjudiciaires espagnoles ont-illes pu
entériner des procédés qui faussaient à ce point la balance. ce symbole
traditionnel de la iustice?
Ce que cette péi;iblcpi.rip&tie - et ~>ittoresque.par a1lleiir.- ,net en
tout cas une nou\,clle foisen \~aleur,c'est la sagessi:des riglcs impLrati\,es
oui. Jans 13 faillite du droit esuaenol. coinnie dans la faillite de tous les
n'utrcss!.jtémc.sliiridiqu~.j,prc;~o~;qii'avant de poiivoir fairc I'objct d'uii
~>;lienteiitles crCnnces di>i\.eiit6trc: \.$riiié~s,leur niontant fixCet leur
~tur l~iroriIi:~ir II ril trntiic. Si çcî r2clei :ivaiciit
étésuivies, jimais le montkt d& s&nmes auxquelles avaiènt droit les
créanciers oblipataires n'eût étésouinis A des variations dépendant
exclusivement be l'humeur des syndics.
Toujours au sujet du prix, il faut signaler encore la double et manifeste
illégalitérésultant de la violation de l'article1240 du code de procédure
civile. Cette disposition d'ordre public exige que le prix de la vente soit
remis en dépôt. Or, dans toute vente, et en particulier dans la vente
forcéeaux enchères, le prix, par définition, consiste en une somme d'ar-
"ent en monnaie nationale.doncen ese et a.it. ..na ,..,.Lacontre~artie
du contrat ititre onCreuxqu'est 13 ,eiitc doit étrcdr 1':irgentet ne peut
Cti~:que de 1':irgent.C'estcc qii.: dit 1';irtizle14<5IIIa:o(leci\.il cipagnol:

8Par le contrat d'achat-vente, l'un des contractants s'oblige à
livrer une chose déterminéeet l'autre à payer, en contrepartie, un
prix certain en argent ou autre signe qui le représente. ii
Lorsque c'est autre chose que de l'argent qui est remis par l'acheteur
en contrepartie de l'objet livrépar le vendeur, il n'y a pas vente. Si la
contrepartie remise est une chose, il y a échangeet si c'est une obligation
de faire, il y a contrat innommé,mais non vente. Or, quelle était, en l'occurrence, pour l'acheteur adjudicataire, la
contrepartie des biens vendus? Payer un prix: IO millions de pesetas, et
contracter une obligation de faire: rembourser les obligataires. Ce
n'était pas un prix.
Et c'est parce que, à cette prétendue vente, il n'y avait pas de prix
- première entorse à la loi- que le dépôt de ce prix et sa mise à la
disposition du juge - deuxième entorse à la loi- ne pouvaient être
accomplis: l'obligation de rembourser les g 500 ooo livres ne pouvait, à
toute évidence,êtremise entre les mains du juge, à la disposition du juge.
Cinquième illégalité: la non-conversion en pesetas de la créance
libelléeen livres.
La créance en livres eût dû êtreconvertie en pesetas. Si cette régle
d'ordre public avait étérespectée, le passif obligataire, mêmetel qu'il
avait étéfixéarbitrairement et sans aucune vérificationpar le cahier des
charges, eûtétéramené à 431millions de pesetas (R., V,no759, p. 539).en
sorte que, euégardaux disponibilitésenpesetas, sans cessecroissantes, du
groupe Barcelona, les syndics eussent pu y faire face en évitant la vente
des biens. J'en ai déjàparlé,je n'en reparle pas.
La duplique, à la page 676, VII,feint de s'indigner que le Gouvernement
belge qualifie de déni de justice le respect des droits des obligataires.
Mais c'est elle-mêmequi a fourni la réponse à la page 642, VII:

chacun est lil~rc de juger le s!.iti.nir clioiii IL.Iégislnteuriiitcrnc
pour une Iiypotlié;~d. e fait dCtcrniince et d'cstiinçr qu'une pro~:Cdurc
diff6rciite iernir meilleure. mais listrihuii:iii.; d'u.i ,;i\.s doiveiit ie
conformer au droit en vigueur ...n.
Il est possible, et parfois certain, que la conversioii en monnaie
nationale d'une créancelibelléeen monnaie étrangére constitue, pour le
créancier, un préjudice, Mais telle est la règle dans tous les systémes
juridiques de la faillite. Par conséquent,elle devait être respectée;si elle
ne fut pas appliquée, c'est .uniquement parce qu'elle ne convenait pas
aux desseins de Juan March.
Mais non, dit la duplique (VII, p. 677 et suiv.), si elle ne le fut pas,
c'est que cette rhgle n'existe pas dans la faillite espagnole. Au contraire,
d'aprèsl'article 1170 du code civil, les obligations en monnaie étrangère
doivent être exécutées dans la monnaie stipulée et, toujours suivant la
duplique, cet article doit s'appliquer mêmequand il y a faillite. La
duplique continue à citer un arrêtdu Tribunal suprêmedu g novembre
1957. arrêtqui n'a absolument rien à voir avec la matière dont il est ici
question puisqu'il s'agissait d'un débiteur non en faillite à qui était
réclamé leremboursement d'une dette libelléeen monnaie étrangère.
J'en reviens toujoiirs à cette citation du contre-mémoire, IV, à la
page 240 :

cla faillite est une véritable saisie collectiveau profit de l'ensemble
des créanciers... Cette véritable ~collectivisationi~ des doits
ordinairess-deest nécessaire pourassurer l'égalité entre les créanciers,
qui est un autre principe fondamental de la faillite. »

Eh bien. c'est notamment de ce ~rinciu..fondamental aue découle
I'cxig~ri(t:de la coni.i:rsioii en niuiiriaic nition3le, nu coiirj dii joiir dii
jugemcnt rlt;cl;ir:inI;f:iillitd~:scr~nnccslil>rll6cîeiinionnaie Crrangirc!3g2 BARCELONA TRACTION

Avant de développerce point, je voudrais rencontrer une objection de la
duplique.
Celle-ci renvoie à une annexe, laquelle, lorsqu'elle aborde la seule
question qui vaut d'êtreici examinée, àsavoir si la règlede la conversion
oblieatoire. en cas de faillit.. .xiste~ ~~ ~ ~t es~aenol..se borne à d~u~~ ~
sortes d'arguments.
Le premier consiste à citer les ouvrages de quelque dix-huit auteurs
espagnols, dont certains ne sont que des précisélémentaires,et dont la
caractéristique commune est qu'ils ont gardé,au sujet de cette règle, le
silencele plus complet. Ilsne seprononcent ni pour le oui ni pour le non:
tout sim~lement ils se taisent. Voir dans cette absence d'o~inion l'ex-
pression d'une opinion relève d'une dialectique dont le moins qu'on en
puisse dire, me semble-t-il, est qu'elle n'a rien de rigoureux.
-
Le deuxième argument consiçte à essaver de démontrer aue le orofes-
seur Garrigues n'aurait pas dit ce qu'i1.adit effectivement dans soi cours
de droit commercial en 1q4o et que les articles de loi qu'il invoque Ae
uermettent uas de conclu&à l'existence de la rèeleon'i&.éno,ce.
:\II >iijet'<lrj opinioiii Jcs profrsj~~urs(;:irrigiics ct R:~mirez, qui
conclueni forin~llriiicnt il'cxi,tcn~c (le1:1rcgle (K..V,p. jsjj, I;idupliquc
.\'II. u.0,,, ~nsistcslirtout III Ir fa11oit<.;c, cleux i<litdiirrcc~r~naii-c~~ ~
que le droit positif espagnol ne dit rien sur la question, en sorte que,
argumente la duplique, il serait impossible de concevoir une violation
grossièrede la loi, puisque cette loi n'existerait pas. C'estraisonner àcôté.
Sans doute, en droit espagnol, il n'existe aucune disposition qui édicte,
ezpressisverbis,la nécessitéde la conversion.
Mais c'est le cas de très nombreux systèmes juridiques de la faillite.
Comme l'a démontré déjàla réplique (V,no 758, p. 556-558). à côtéde
pays qui ont introduit la règledansune disposition législativespécifique,
de nombreux autres appliquent cette règle bien qu'elle ne figure pas, en
toutes lettres,dans un article de loi. En fait, le Gouvernement espagnol.
qui puise si volontiers dans le droit comparé, n'a pu exhumer un seul
système juridique de la faillite qui, en n'importe quel pays, aurait
consacréun régimedifférent.La raison en est à la fois simple et décisive:

c'est que cette solution est commandéepar la notion mêmede la faillite
et les règlesqui président à son fonctionnement.
C'est ce que démontrent fort bien, par exemple, la doctrine et la juris-
prudence en France et en Belgique où la loi (en France. iusau'à la modifi-
cation du io<lc(lecummcrce l'article 39du dkrct d; rimai 1055)rie
<:oiiticntnon plu; ;iiiiune disposition cxpr~j;c sur la mnti;rï.
Ainsi. t.11Fr:~iit.r13 Cotir (Ir c?;intion. dails soi1.irr?t du 17 no\.enibre
1930, reproduit à la page 556 de la réplique, a énoncéla règleen termes
particulièrement lapidaires. Et l'annotateur de cet arrêt, M. Chéron,
commente en ces termes la décisionrendue:

«Pour résoudre la premiérequestion. la chambre civile tire argu-
ment de l'article ..4. du code de commerce. aui rend exieibles l-s
crhnces non encore Cshucsau jour dr la dtckiration (le faillite, et de
I'artiilcwj. qui, A p:,rtir de ce jour, suspend à I'Cgardde I:Imtijie Ic
cours des iiit;r*tj de toutes lei criances aui doi\.ent entrer dans la
masse. 11résultede ces deux textes que L'est au jour du jugement
déclaratifque i'on doit se placer pour apprécierexactement le passif.
Comme on l'a fort bien dit, nle jugement déclaratif saisit dans son
ensemble le patrimoine du débiteur et le fixe, le pétrifieen quelque sorte en l'état où il se trouvait au jour de l'ouverture de la faillite;
c'est donc àce moment précisque les élémentsdu passif doivent se
trouver déterminés dans leu; ouantum n IThallër et Percerou.
Faillites et banquerouteszC éd..t: 1, no 793).'~ar application de ce
principe, l'arrêt rapporté (1''espèce) décide que c'est d'après le
coursduchange au jour du jugement déclaratif que doit êtreconvertie
en francs. pour son admission au passif, une créance libelléeen
monnaie étranghre. La mêmesolution avait déjàétédonnéepar un
arrêtde la cour de Paris du 7 février1925 (D.P. 1926.2.9. et la note
de M.Lacour). n
Dans cet arrêtdela cour deParis,l'appelant entendait quesa créanceen
livres soit convertie en francs français sur la base du taux en vigueur au
jour de la répartition,au motif qu'en déciderautrement serait apporter à
sa créanceune novation que rien, disait-il, ne justifiait en droit. Et la
cour a repoussécette prétention par les considérationssuivantes:

uMaisconsidérantque cen'est pas nover une créancequed'évaluer
sa valeur en francs lorsaue son montant est libelléen une monnaie
ktrnngt?re; que. d':lucre b:~rt,c'est le jugement dtclaratif df:lillitr
qui, sux termes dc l'article 444 du codc dt: iwniinerce, rcnd exigibles
i I'6csril du failli les JettDJSS~VL'F.rnéi~inon cchues: <luec'est
par cuiteàcette date qu'il cokient dise placer pour fixer lebontant
de chaque créance; que, d'autre part, la procédurede faillite serait
inapplicable pratiquement si, au cours et à l'occasioride ses divers
actes, on devait tenir compte des effets du change sur les créances
ou les dettes: qu'il y a donc lieu de déclarerla Palmer'sShipbzrilding
and Iron Society mal fondéeen son appel. r
Et le grand jurisconsulte Lacour, dont la réputation a dépassé large-
ment toutes les frontières. commentant cet arrét,luidonneune adhésion
totale:

aIl est de principe que le montant des créancesde tous ceux qui
font partie de la masse de la faillite se trouve définitivement fixéau
jour du jugement déclaratif et ne peut être modifié par aucun
événement postérieur.C'est ce qui résultede l'ensemble des disposi-
l'article 445...L'arrêt rapportéfait une exacte applicat!on de cet de
principe en disant que c'est au jour du jugement déclaratif (et non
au jour où se font les répartitions de deniers) qu'on doit se placer
pour évaluer en monnaie française le montant d'une créancelibellée
en monnaie étrangère. »

La jurispmdence belge se prononce exactement dans le mêmesens
d'une manière absolument constante. La réplique a cité à cet égardun
grand nombre de références(V,p. 557). Je demande à la Cour la permis-
sion de lui dire les attendus d'un jugement du tribunal de commerce de
Liègedu 9 août 1923 (Jur. Liége1924,p. 293). parce que ce jugement est
particulièrement bien motivé:
nAttendu qu'avant d'examiner les causes qui justifient la produc-
tion de ces diverses créances, il convient de rappeler quelques prin-
cipes relatifsauxeffets du jugement déclaratifdefailliteà la lumiere
desquels devront s'apprécier les prétentions de la demanderesse;
que cette nécessités'impose d'autant plus que la demanderesse est394 BARCELONA TRACTION
une socir'tcisuiisuqui a contxtC avec 1,:f;iilli. valctir francs suiiscs,
et qu'Ar:iiioii dr., Hu~.tuarioii~du chlnçe, il coii\.ierir de dérermincr
la d;,tc uui doit Art- nrisciicu1isid;ration uour ii>i,-rle ronnoit cnrrr
les deuxmonnaies; ' a . ~~ ~ ~ ~
Attendu que le jugement déclaratif est le point de départ d'une
procédure destinée à sauvegarder les intérêts descréanciers et du

débiteur, à rassembler et conserver les élémentsde l'actif, à faire
connaître les créanciers etle montant de leur créance, à faite appa-
raître les causes de la cessation des paiements et à préparer la
solution à donner à la faillite (Beltjens, art. 444, 1); que, d'autre
part, la vérificationdes créancessert à déterminer les créanciersqui
pourront voter à l'assembléeconcordataire; qu'ilimporte donc, pour
leur permettre de prendre position en connaissance de cause, que
l'on soit bien fixésur le montant du passif et de l'actif de la faillite,
que la comparaison entre l'actif et le passif permet de savoir si le
failli est insolvable et quelle est l'étendue de son insolvabilité et,
selon que l'insolvabilitéexistera ou non. qu'elle sera plus ou moins
étendue. les créanciers Dourront ooter ûour la soiution la ~ius
fa\.ornblc.A It:~irsint;!ri.ts tlieltjens, Irt. 4co; 1,
httendu qu'il rkulte (1~ i<*;cniiiidt;r;itiuiis que c'est il:1datc du
.uct-iiiciit üécl:ir:itifuiic doit .i'-iu~r;ci,:r1:icoiisisrliiiiz dc l'actif ct
du passif: que la loi 'arrête,à ce'homent, le cours des intérêtsdes
créanceschirographaires à l'égardde la masse pour éviter que les
créancesnon ~roductives d'intérêts ne se trouvent dans unesituation
désavantageÙse; que, dès lors, permettre à un créancier étranger
de bénéficier des fluctuations du change, reviendrait à introduire un
élémentd'incertitude dans une situation aui doit êtreclaire et

préciseet à rompre, au profit d'un créancier,l'lgalitéquele législateur
à voulu établirentre tous. >i
Et il est frappant,'~essieurs, de constater, mieux que le parallélisme,
la quasi-synonymie qui existe entre, d'une part, les dispositions législa-
tives françaises et belges qui sont à la base de la règlede la conversion
obligatoire et, d'autre part, lesdispositionsespagnoles.
Article 444 du code de commerce français:

«Le jugement déclaratif de faillite rend exigibles, à l'égard du
failli, les dettes passives non échuesu

Article 450 du code de commerce belge:
c.I.L.jugcnl?nt d?cl:ir:iticl+13 i~illitérend exigibles, L 1'ég:irilu
f.gilllei rlsttcs p:i>>i\.~inon k~liuesii

Article 883du code de commerce espagnol:
«En vertu de la déclaration de faillite, on tiendra pour échues à
la date de celle-ci les dettes pendantes du failli. ii

Et l'autre articleinvoqué en France, l'article 445du code de commerce:
<<Lejugement déclaratif de faillite arrête, à l'égardde la masse
seulement, le cours des intérêts detoute créance non garantie par
un privilège,par un nantissement ou par une hypothèque. I)

Article 451 du code belge:

«A compter du jugement déclaratif de la faillite, le cours des intérêts de toute créance non garantie par un privilège, par un
nantissement ou par une hypothèque, est arrêté àl'égardde la masse
seulement. ii .- -

Article 884 du code de commerce espagnol:

«A partir de la date de la déclaration de faillite cesseront de
porter intérêt toutesles dettes du failli, sauf les créanceshypothé-
caires et gagistes à concurrence du montant de leurs garanties
respectives.»

Ln similitude de ces textes prouvc la similitude de leur iiispiratiuri et la
siniilitudc de leur, conséquc.nies.Car les ~iisesit;~ de In faillite sont les
mêmesen Espagne que dans les autrespays; et je dirais même,plus que
dans les autres pays elle exige la conversion des creances en monnaie
l'heure de le répéter, c'estl'assembléegénéraledes creanciers qui procèdeà
à la vérificationet à la collocation des créances, les syndics se bornant,
à cetégard, àformuler un avis. Or, comment pourrait voter à l'assemblée
un créancierdont la créancen'aurait pas étéa ,u préalable,fixéeenpesetas?
Au surplus, vous n'aurez pour trancher la controverse. si elle existe,
qu'à vous en référer à une déclaration du contre-mémoire liii-même; à
la page 415. IV. le contre-mémoiredit textuellement ce qui suit:

«La méthode consistant à imposer à l'adjudicataire l'obligation de
payer les obligations - en tant que condition préalable à la remise
des biens adjugés - était la seule qui permît aux créanciers de
percevoir intégralement leur dû dans la monnaie convenue. a

La seule! Cen'est pas moi qui le dit, c'est le contre-mémoire.Et pour-
quoi la seule? Parceque - et il n'y a pas moyen d:interpréter autrement
cette déclaration du contre-mémoire - si les syndics avaient procédéde
la maniere prévuepar la loi, les créanciers eussent dû toucher leur dû en
pesetas.
~-is c'est. dumême COUD,.reconnaître l'existence de la rècleinvoauée
par Ir Zouvcrnement belgc. Car on ne \.oit pas comrnerit leGouvernernent
un Géancier d'êtrepayé en monnaie étrangèrequand le paiement estmpossible i
effectuépar les syndics, le mêmecréancierpourrait l'être,quand le paie-
ment est effectuépar un tiers que les syndicsse sont substitué.
Je le disais toutA l'heure - mais c'est toujours la même chose - ce
que les syndics ne peuvent faire directement, ils ne peuvent le faire
indirectement et par personne interposée. Et ceci d!vrait clore, et défini-
tivement, me parait-il, toute possibilitéde discussion.
C'est en se basant notamment sur une déclaration du Gouvernement
espagnol que leGouvernement belgea ledroit de soutenirqu'en prévoyant
le paiement des obligations en livres sterling, le cahier des charges violait
une des dispositions fondamentales du droit de la faillite..
J'insisterai enfin sur un dernier aspect singulier de ce singulier cahier
descharges: il avaitétéfabriquési j'ose dire, sur mesure, à la mesure des
intérêtsdu groupe hlarch et en fonction de ces intérêts. LeGouvernement
espagnol, aussi bien, le reconnait-il.
Parmi d'autres clauses dont il admet qu'elles étaient favorables au
groupe March, il a tenu des propos extrêmementécla~rantsau sujet de la39O BARCELONA TRACTION

clause VI11 de la 3' condition du cahier des charges, selon laquelle
l'adjudicataire pouvait nepa. pay.. les obligat.ires qui en auraient ainsi
convenu avec lui.
En effet, le contre-mémoires'exprime comme suit (IV,p. 420):
sil jciiil>lerais<~iiii;id'admcttrc qui. dçux gruupcs pou\.;iient Etre
cssriiticll~riiriit iiit>rcsàila liiitation. Cesdeux groupés.toui driix
privr'i, ;'affront;iicnt en ré;ilitédaris Ir c;iiirçile 11 II~OLIJU~d ~c
faillite.
Pour l'un de ces deux groupes,l'acquisition des biens de la société
faillieexigeait manifestement un déboursimmédiam toindre que pour
les autres enchérisseurs, du fait qu'il était titulaire d'un grand
nombre d'obligations. ..
Il se peut que les syndics aient connu cette réalité d'ordreécono-
mique au moment où ils ont rédigéle cahier des charges et que cela
les ait incités à insérer la clause mentionnée dans lé cahier des
charges; comme elle n'était pas illégale.il n'y avait aucune raison
pour que le juge spécialla rejetât. »

Je démontrerai tout à l'heure que cette clauseétait iUégalemanifeste-
ment.
Mais d'abord, je retiendrai le triple aveu du Gouvernement espagnol:
Primo, deux groupes s'affrontaient dans le cadre de la faillite.
Deuxi&mement, l'un des deux était avantagé du fait qu'il détenait
85pour cent des obligations.
Troisihmement, c'est ce qui a incitéles syndics à insérer,dans le cahier
des charges, la clause qui contenait cet avantage.
Aveux précieux,parce que révélateurs!
La faillite n'étaitdoncnullement due aune prétendue impécuniositéde
la Barceloua, au dépassement de son passif sur son actif, au fait que la
masse de ses créanciers se trouvait dans l'impossibilité d'obtenir le
remboursement de ce qui leur était dû. Elle était due à un affrontement
des deux groupes, et la procédure de faillite - c'est le Gouvernement
espagnol qui le dit - était «le cadre de cet affrontement ».
En termes moins feutrés et aussi moins pudiques, cela signifie, et ne
peut que signifier, que l'un des deux groupes, pour déposséderl'autre de
ce que celui-ci possédait,avait choisi d'user de la faillite pour y parvenir.
La faillite n'était donc qu'une arme dans la lutte qu'un groupe livrait
&l'autre pour se rendre maître de ce au'il convoitait. Elle n'était Das
ju;tiliée par 11situation d'un coiiinicr~~nt rridiifiriilt;.; i.llc consisiait
rsarntirllrmi.nt en une m;in<ruvre (11grande dimension im:igin;k par un
groupe qui s'opposait à un autre groupe, et pour en venir à bh. -
C'est précisémentce que n'a cesséde soutenir le Gouvernement belge
et ce quil'a poussé & introduire son recours devant la Cour internationale.
Ce n'est d'ailleurs pas tout. Continuant sur sa lancée, et aprhs avoir
admis que la clause VI11de la 3' condition avait étéinséréeen considéra-
tion de la situation favorable d'un desdeux groupes quis'affrontaient, le
Gouvernement espagnol s'est efforcéde démontrer que l'équilibreavait
étérétablien faveu~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~
Et coriirncnt? A cati rlcscl:iuscs qui. clc 1'a\.eu de nos üd\.ersaires.
fa\.oriwisnt h1:ircli. ,.n :iv.iit-qiii f;i\,<,ris:~iciiItr groupe U~rc~lvna?
Oui. rt'l>t~rirIIL.i;<~uvirncmc.nt~y~:~gnol. CI c'est cellc qui permettait à
ILII~rir~elonade désigncruiic pcrsoniic qui st,rnit substituée à l'adjudica-
taire sielleacceptaitles conditions offertes par lui. Messieurs, vous avez tout desuite réaliséce que cela signifie. Voilàune
aboutitdànce au'il n'y ait au'une enchère!nte forcéeaux enchères qui
En effet, qÛel est~donc~l'hommed'affaires qui aurait été assez insensé
pour perdre son temps et son argent à étudieret faire étudiertoutecette
affairé,vérifierses b;lans. calcuiérce aue les documents et autres consul-
tations pou\,aiciit représeiiter iommc prix supplcmentnire, Cvaluer le
risque des impbts, aiiiendes iiscalei rt irutres actions eri domm3ges et
intcréts doiit13 inasse faillie était menacée.etc.. Dour finalement faire
une offre qui. quclle qu'elle soit, ne lui aurait pas permis d'étred;claré
définitivrmtiit adludicataire d,\s Icmom,:nt ou 1;ipersonne déiigiiéepar
la Barcelona faisah une offreégale?
Le groupe de la Barcelona étaitlui-mêmeincité à ne pas participer aux
enchères, puisque cela ne lui aurait servià rien: il suffisait qu'il soit fixé
sur l'offre faite par le dernier enchérisseur pour qu'il puisse emporter
l'adjudication, puisque, à offre égale,il était possible pour lui de l'em-
porter.
Est-il besoin de dire que pareille clause était completement illégale?
Elle faisait en effet de la vente aux enchères, et, hlessieurs, de la vente
forcéeaux enchères,un simulacre, un trompe-l'Œil, une véritablecomédie
judiciaire.
Alors que la vente aux enchéresest, par définition mêmeu ,n appel au
public, c'est-à-dire au plus grand nombre possible d'amateurs, qu'elle est,
par ailleurs, annuléeen cas de fraude, ici, elle était organiséepar ceux-là
mêmesquiavaient lacharge de veiller à sa parfaite régularité,de maniére
telle qu'il n'y ait qu'un seulenchérisseur, le groupe March.
Y a-t-il rien, je vous le demande, qui soit plus contraire aux regles
d'ordre public?
J'en amve àla clause VI11de la 5'condition,qui permettait à I'adjudi-
cataire de passer des conventions avec des obligataires de son choix;
c'étaitaussi une clause manifestement illégale.
La réplique (V, p. 565 et 566) a démontré que, d'aprhs le droit
espagnol, ilest interdit aux syndics de traiter différemmentles créanciers:
tous ceux qui appartiennent à une mêmecatégoriede créancesdoivent
étremis surle mêmepied.
La duplique répond, à la page 698, VII, que les conventions prévues
devaient intervenir non entre les créancierset les syndics mais entre les
créancierset l'adjudicataire. Et de nous dire: de quoi vous plaignezlvous?
C'est vrai aue la convention devait intervenir entre les créancierset
l'adjudicatai~. mais qu'en résulte-t-il? Sinon le renforcement de la
démonstration qu'étaitillégalela clause confiantà un tiers. en l'occurrence
1'adiudicataire.ie soin de rëmbourser certains créanciers
E; effet, s'iléstun principe qui domine le droit, je l'ai rappeléau cours
de cette plaidoirieà plusieurs reprises, c'est qu'il n'est pas licite de faire
indirectement ce qu'<ln'est pas ficite de fairedirectement.
Or, dans le droit espagnol de la faillite, de mêmequ'il est interdit de
payer les créancesavant qu'elles soient vérifiées et classéespar l'assem-
bléedes créanciers. de mêmeau'il est interdit de Daver les créanciers
autrement que dans la monnaiénationale, de même'q;'ilest interdit de
les rembourser sans autorisation préalable du juge, de mêmequ il est
interdit de le faire autrement que par le produi? de la vente mis au
certaines créancessans le consentement du créancier, de mêmedans lanver3g8 BARCELONA TRACTION
faillite espagnole il est interdit de traiter différemment des créanciers
qui appartiennent à la mêmecatégorie.
Le procédé utiliséa permis de tourner cesdispositions impérativesde la
loi; et c'est parce que ce moyen a permis ce résultat illicite que lui-même
est illicite.
En sorteque, et en résumé,on peut dire de ce cahier des charges qu'il
constituait une véritable anthologie de dispositions illégalesen matière
de faillite. Si jamais, de par le monde. on devait un jour érigerun musée
des horreursjuridiques, ilfigurerait, sans aucun coute, parmi lespiècesles
plus rares, les plus extraordinaires et les plus insolites qu'il serait possible
de réunir.
Mais grâce à lui, les jeux, désormais, étaient faits: l'adjudication au
.. .e March n'allait ~lus êtrequ'une Dureet sim~le formalité.C'était à
LX point p:itçiit que lejiijic spécialn'estima m2me'pasdevoir se dci;iiigrr
pour prcsider la vente aux rni:liirr.s, coinriie le prescrit. impTrnti\.cmcnt,
l'article 1503du code de procédurecivile.
Peu de temps aprés,il fut remplacépar hl.Mariano Gimeno Fernindez
qui, le 31 mars 1952, commença par déclarer recevable la demande en
nullitéintroduite Darla Barcelona contre l'acte d'adiudication. et ordon-
na, en conséquenCe,la suspension de la procédure,'ce qui empéchait la
consommation de la vente. Les syndics ayant introduit contre cette
ordonnance un recours en reconsidération, ilconfirmait son ordonnance
par jugement du 18 avril 1952 Il rejeta cependant l'incident au fond, le
mai 1952,.au motif principal que, ainsi qu'il avait été soutenupar
commerce, la vente aux enchères, et en conséquencesa présidencepar les de
juge spécial,ne constituaient pas une formalitésubstantielle, prescrite à
peine de nullité. La Barcelona ayant interjeté appel de ce jugement. le
juge spécialdéclaracet appel recevable et l'admit à deux effets, confor-
mémentaux dispositions impératives de la loi.
Mais, Messieurs.la cour d'appel de Barcelone veillait, et le 13juin 1952,
elle encore- et elle toujours- faisait droit ila demande des syndics et,
en violation flagrante de la loi espagnole, comme l'a fort bien démontré,
l'autre jour.Me Henri Rolin (supra,p. 303-304).rejeta l'effet suspensif de
l'appel et disposa qu'ordre soit envoyé au juge special pour qu'il exécute
la sentence dont appel. De maniére telle qu'une nouvelle fois, Monsieur
le Président, Illessieurs de la Cour, la procédure était ainsi suspendue à
l'égardde la faillie,mais elle ne l'étaitpaà I'bgarddu groupe March. La
vente, désormais, pouvait êtreconsommée pour leplus grand profit de ce
dernier, et elle le fut effectivement le. . iuin.-952.
Quc \.aient. aprk tout cela, Irs I>:iii\.resarguments p:ir lesquels In
diipliqiic tciite de dernoiitrir quc si, hiialcmeI:Barcelona Trxtion fut
dt'poii~lll~e ses biensdaiij lescuii~litio-isq13Courcoiin;iit rii;iiiitennni,
c'est parce qu'elle l'aurait bien voulu?
De la page 651 à la page 6j6, VU, la duplique fait longuement étatde ce
que la Sidron'a pas acceptéune offreque lui avait faite la Fecsa le 4 jan-
vier 1952, c'est-à-dire le jour mêmede la vente, de dire si elle proposait
d'acquérir les biens aux conditions de l'enchère de l'adjudicataire, la
Fecsa. Il suffit de lire le télégrammequi contient cette offre, aussitôt
diffusédans la presse de nombreux pays, pour voir qu'il était bien plus
propagande, et la propagande, les hommes de grande expérience quité dela
composent la Cour le savent, la propagande ne trompe que les benêts. PLAIDOIRIE DE hl. GRÉGOIRE 399

Consoit-on que Juan hlarch. qui avait lutté depuis de longues années
pour devenir maître des biens des sociétés auxiliaires et qui I'avait déclaré
à plusieurs reprises: qui, sachant que leurs intérêtsétaienten souffrance,
n'avait racheté des créancesobligataires que pour arriver à cette fin, aidé
comme il i'avait étépar les autorités espagnoles; qui n'avait épargné
aucun effort pour saboter le plan d'arrangement: qui, à chaque nouveau
succès administratif ou judiciaire, en profitait pour accroître ses exi-
gences; qui venait de constituer une sociétéspécialement destinée se
porter adjudicataire; qui avait publiquement fait acte d'eiichérisseuret
qui se targuait, aupres des autorités espagnoles, de faciliter ainsi l'his-
panisation des sociétés filiales de la Barcelona, conçoit-on un instant que
ce serait le mêmehomme qui, dans un brusque mouvement de générosité,
par ailleurs mûrement délibéréa ,llait accepter de renoncer A tout, au
moment où il triomphait totalement!
L'offre, comme le dit la sagesse opulaire, était trop belle pour être
honnête,et laréplique a fort bien $émontré,- et c'est pourquoi je me
contente d'y renvoyer - en quoi et pourquoi elle était à la fois un piege
et un leurre (V, nos207-208,p. 123.124).
Et le Gouvernement espagnol, qui feint aujourd'hui de s'étonnerque
la Sidro ne rait pas acceptée, aurait-il oublié sonpropre comportement
d'alors, ses menaces à l'égard du groupe, notamment celles contenues
dans la déclaration conjointe, quand il faisait acter entre autres - car
il y en avait d'autres - ce qui suit:

(iles reorésentants britanniaue et canadien prennent note de la
<lrci;i,n dii Goii\~crnemciitrip:ijinol ile ne pns :iiitoriser non pliisd
I'a\,enir.et pour les riicinesmotifs, Ir.tr;tiisfm~cI~.de\'isAi1'~;trnngér
au orotit deiditcs sociPt4sIc'csi-à-dirc celles du croui~t Rarceloiinl,
tani que ces compagnies n'auront pas régulariséleur iituation vis-à-
vis de l'Esp.g.ea? (A.C.M.,vol. VI, p. 5.)
1:n r;alitt?, la dupliqinetort d insister, cornme elle le f:iit. sur l'offredc
la Feci:i. i:irelle nt r2ussit aiiis(III':<l'.rnoiitrcr.tin~fois de plus, cum-
bien luan \Iarch avait inspir; les syndics il:ins Iciir r6daction du cahier
dcs sliargç;. I.'offrede la Fec,a. cn cffet. n'itoit que Icrenou\,ellement -
pr6riiCdit~.je vous l'ai dit, parie qu'on n'in\.(cntcpds ses clio?es-la le jour
niéiiic- <IcI:Iclii~iscdu c:ihi~r iles ctinW.~caiiiliicoiitcn:,it dc,i. rii:iis
nlorj. ce qiii'.t:iijuridi<lii~~muiiitncoiiccv:~l>le,n faveur d'uiic [icrsonne
d2signic par In I3:,r;~luna. qui et:iir prFc.is;mcnt In f.~illi~.En sortc qiic
l'un peut 'lire que c,:ttc cliiujc Ji:t;? :iiix syiiiiic, ;tait signil !a. en
rfizt, (lei C-uni:oriloncsui rie troinpcnt pni.
Jr.terniiiie jliiisi,\lunsieur Icl'r6si<leiit8.\lcs;ieurs les juges. ct j'imngiiic
:i I;j:itisfaction de la CUII~u . ne v13idoirii:(ouiiivait DoUrobict de (1;-
montrer combien, à proposdes mesures prépararatoiies & la;ente, de
l'autorisation de vendre et des modalitésde la vente, les règlespubliques
de droit espagnol furent violées,de façon manifeste et répétéee,t chaque
fois en vue de trouver ce que la cour d'appel de Barcelone appelait une
solution pratique - favorable au groupe Alarch.
Il me reste, Monsieur le Président, Messieurs les juges, à m'excuser
auprésde la Cour de l'ariditéde mon exposéet du mde effortauquel je
l'ai soumise. Qu'elle me permette, en tout cas, de la remercier pour son
attention, et du plus profond du cŒur. ARGUMENTOF MR. MANN
COUNSEL FOR THE GOVERNMENT OF BELGIUM

Mr. MANN: Mr. President and Members of the Court, may 1begin
by respectfully reminding the Court of the context in which 1 have the
hononr to appear before it a second time.
Mr. Rolin has submitted to the Court the broad legal principles upon
which the Belgian case on jurisdiction rests. Mr. Van Ryn has analysed
the bankruptcy judgment of 12 February 1948,its contents as well as
its implementation. Mr. Grégoirehas made the Belgian Govemment's
submissions about the preparation and the execution of the sale of the
duplicatedshare certificates. In these connections bothmy learned friends
have dealt with that denial of justice inherent in the misapplication of
Spanish law and the misinterpretation of factsrelating tothe bankruptcy
judgment and its enforcement. This, therefore, is the point at which it
seemsconvenient to develop in alittle detail the Belgian submission that,
inviewof ouranalysis of the law and the facts, Spain had in international
law no justification for assuming jurisdiction in regard to Barcelona
Traction's bankruptcy.
This is one of the important questions of law which, 1 venture to
suggest, the Court is called upon to decide, for the judge at Reus ven-
tured upon difficult and upon delicate ground wheu he took it upon him-
self to order the bankruptcy of a Canadian Company with its domicile in
Toronto, some 4,000 miles away, without a siège ,ithout business ac-
tivity, or even an officeand without assets in Spain.
It is Our respectful submission that this Court will have to consider
three entirely different questions which 1 am trying to formulate as
follows.
First, did the Spanish court in pronouncing the bankruptcy of Barce-
lona Traction act so grossly in disregard of Spanish law that Spain com-
mitted a denial of justice by acting without jurisdiction in Spanish law?
Belgium suggests that the answer should be in the affirmative.
Secondlv. whatever the answer to the first auestion mav be. did S~ain
:ICIcontriry (O tlivii~ter~~~~tioii~wIt~fi~~tidictit,~!vhctt11prt~tiou~cctl
the I,:~nkruyts\. of Unriel,iii:i 'l'r:ictiori?13i.Igiiimsubmiti a~ain tliç
answer should-be in the affirmative. - -
Thirdly, irrespective of the answers to the preceding questions, did
Spain violate the international law of enforcement jurisdiction when in
execution of the bankruptcy judgment given by the judge at Reus it
allowed the appropriation and sale of shares, al1of them kept in Canada
and under the control of either National Trust as trustee for the bond-
holders or the receiver appointed by the Canadian court-shares which
were partly bearer shares issued by two Spanish companies. partly regis-
tered in Canadian registers of Canadian companies and evidenced in
certificates issued by them? Again Belgium submits that the answer
should be yes. ARGUMENT OF MR. XANN 401

1

In discussing the first question of the denial of justice committed by
the Spanish courts by their manifest misapplication of Spanish law and
misinterpretation of the facts, 1shall discuss successively each of the four
judgments bearing upon jurisdiction under Spanish law. 1shall then in-
vite the Court to consider the SpanishGovernment's defence on thispoint.
As regard the judge at Reus it is necessary to look with a little care at
the reasons given in the judgment of 12 Fehruary 1948in support of the
exercise of the court's bankruptcy jurisdiction which, as the judge full
well realized. required someex lanation This is how he justified his de-
cision on the point (A.M., \'of: II, p. 288; A.C.M., 1'01. VII, p. 168):
"Considerine that this Court is com~etent to deal with the Dro-
ceedings institUted by the plaintiff unda Article 15 of the cornmer-
cial Code and Articles 63 (No. g), 65 and 66 of the Code of Civil
Procedure. taken as a whole. since. if Barcelona Traction has no
domicile in Spain and on the other'hand has it bonds secured by
mortgages on property located in Catalonia, which, moreover, be-
lones to it throueh the intermediarv of another comDanv (en lorma
»re<j;a/d),p:irt oi;vliich property isiocntrd in th<:]uJici;d disth uf
the Court. tliis gi\,t:s the Court 'iiiris~lictionnlaiitliorit\. to deal with
this case. oarticÜlarlv if reeard Cshad to the lviewl e.~re.sed bv the
~u~reme.l?uurt in it;jiidg&nt of 3 April I~;?. ~vliiilrecogriiz6c.th?
iurij<li<:rioifthc~.oiirt \vliiclifirst adiudicatcd in l).?rikriipic. rilcii
éxecutionispending" (A.hl., Vol.II, p. 288)

In considering these reasons, and indeed al1 other arguments on the
ooiiit. it is e~ ~ ~ial to remember the fundamental distinction made in
$pnnisli I;i\v;is\?el1as in iii;inyotlier lcgal s)stcm?. l>et\veciiinternation~l
jurisdiction ;hiidcompçtenstt. or in Englisli. vciiue. Jurisdiction in rcrms
of Spanish laiv rel:rtcs to th,: powcr uf a Sp:iiiish tribunal to ilccide ;t
given inse ha\.ing nn iiiternation:~l aspect. (.'oml)etcnce.for prejent pur-
poses. consern, the nglit of a plrticular Sp:inisli tril~unal, siicli ns :i
tribunal iii ;wariisul:ir locnlitv. to decidca onrticiil;ir c3se beforeit totlir
exclusion of,orin cornpetitioh;ith, anothe;spanish tribunal. Onecannot
iiiSpanish law ever treat mles of local competence as ifthey were rules of
international jurisdiction. On this point, 1am happy to Say, both Parties
who today appear before the Court seem to be agreed: lt foilows that
provisions relating to mere local competence are ab rndto irrelevant and
should not have been relied upon.
In fact, however, the judge referred to three specificprovisions relatiug
to mere competence.
Thus, he cited Article 63 (9) of the Spanish Code of Civil Procedure
(for text see R., V, para. 486, p. 334). This deals with the case in which
several executions in several places have been instituted in Spain. and
the question anses from which of these several courts bankmptcy is to be
demanded. The Codedeclares that in principle the domicile of thedebtor
is to be preferred, otherwise competence is vested in the tribunal which
first made the order for bankruptcy. It is plain that this provision
does not even have the remotest bearing upon any question of local
competence that could have been raised in the present case. because there
was not even one execution.
Next, the judge referred to Articles 65 and 66 of the Spanish Code of402 BARCELONA TUCTION

Civil Procedure. These define the domicile of traders and companies res-
pectively. They are, in any event, inapplicable, as they are directed to
ascertaining the locally competent court.
By Article 65, the domicile of traders "shall be the place where the
centre of their commercial activities is located".
By Article 66, the domicileof companies"shall be the place specifiedin
the deed of incorporation or in the Articles of Association which govern
them. In the absence of such data, the rules prescribed fortraders shall
apply", that is to Say,the domicileis at the centre of commercial activity.
As appears from the quotation from the judgment which 1have read,
the Reus judge expressly stated that "Barcelona Traction has no domi-
cile in Spain", and this was indeed so stated in the petition itself and the
judge did little more than adopt it in terms (A.M., Vol. II, p. zj7). More-
over, the Deed of Incorporation or the Articles of Association of Barce-
lona Traction specified that its domicile should be Toronto (A.M., Vol. 1,
at p. 149).It is plain, therefore, that the judge of Reus himself must have
recoeuized that Barcelona Traction did not have the centre of its com-
nicrci:il ;~~ti\rityor. iiiilccd. any coriiincrci:~lactiti~t.;IIIin Spiin. for
if thcrc 1iadhcen a coninit:rcii~Iiictivity it \~.oulrlIuve bceri iI<:ct!ss:i,O
find its cciitrc.LI\ stiitinrr tliat tlie\vasno domicile iriS~aiii. cliciudci:
in our subrnissio;~ held that there was no centre of com~ercial acLviTy
within the meaningof Article 65.
This is a vital point which is very considerably strengthened by the
petitioner's own submissions. These, of course, determined the back-
ground or, if 1 may Say so, the atmospherein \<.hichthe judgment came
into being, and which, therefore, throw the strongest possible light on the
judge's findings, their basis and their implications. In the petition itself
(A.M., Vol. II, p. 263) the petitioners refer to the "domicile de la société
faillie, attendu que celle-cine l'apas en Espagne, pas plus qu'elle n'ya un
quelconque établissement commercial direct". The Annexes to the Me-
morial translate this important statement correctly as follows (A.M.,
Vol. II, p. 263): "at the domicile of the bankrupt Company, as it has
neither a domicile nor auy direct business establishment in Spain". The
English version of the Annexes to the Counter-hlemorial (Vol.IX, p. 17)
incorrectly renders "domicile" as "registered office".
From this submission, the petitioners themselves inferred that the
bankruptcy judgment could not be communicated to Barcelona Trac-
tion othenvise than by publication in the official bulletin of Tarragona.
This remarkable admission which, we submit, is as valid today as it \vas
in 1948, is to befound under Section VI1 of the petition, just before the
petitioners make their "first additional claim" (A.M.,Vol. II, p. 2.3, t-.
para.).
The other provision upon which the judge of Reus relied is no less in-
applicable. It is Article1j ofthe Spanish CommercialCode, and tliis reads
as follows:
,,
Foreigners and companies incorporated abroad may carry on trade
in Spain if they submit themselves to the laws of their country so
far as concems their capacity to enter into contracts, and to the
provisions of the present Codeso far as concerns the creation of their
establishments on Spanish territory, their commercial operations and
the jurisdiction of the Courts of the nation." (R., V, p. 334. footnote
1.) ARGU>lENT OF MR. MANN 403

The provision, as thetext makes clear, tells foreigners under what cir-
curnstances and with what consequences they may carry on business in
Spain. But whetheror not a Spanish rule of international jurisdiction may
be derived from it, Article 15does not matter in the present context be-
cause Barcelona Traction did not, in fact, or to the mind of the judge at
Reus, carry on trade in Spain. A point to which1 shall have to revert.

TheCourtrose ut6p.m ARGUMENT OF MR. MANN 4O5
judgment which he gave two weeks later in the declinatory proceedings
brought.by Garcia del Cid. in which he purported to advance the very
grounds of the judgment declaring bankruptcy, but in which he ornitted
some of those mounds and added two new hardlv more convinun&!reasons
(A.M., Vol. 1%p. 321). -
He now refers also ta Article 70of the CodeofCivil Procedure, another
provision dealing with local venue (for text see R.,V, p. 337). It simply
renders the provisions relative to competence applicable to foreigners,
but does not add anything to those provisions. In particular. it does not
contain any new or independent definition of the circumstances in which
foreigners are subject to Spanish tribunals.
Furthemore, the judge refers to Article 29of the Decree on Foreigners
of 1852 (for text see R., V, p. 338). which is another provision making
foreigners domiciled in Spain subject ta Spanish law. Since Barcelona
Traction was not sa domiciled, 1need not enlarge upon the point, though
1would like ta draw attention ta the judge's failure ta appreciate that, on
thNow,siMI. President, the next stage of the development was a decision
ofthe special judge given on 12February 1949in the declinatory proceed-
ings brought by Boter (A.M.,Vol.II, p. 411).To the seven alleged reasons
including six statutory provisions, sa far given by the judge of Reus,
the special judge now adds three additional reasons, including one sta-
tutory provision, making a total of ten up ta this point.
In the first place, Article51 of the Code of Civil Procedure appearç
on the scene. This reads as follows:

"The ordinary courts shall alone he competent to hear civil cases
and between Spaniards and foreigners." (R., V,p. 336.)n foreigners,

This provision, as the text makes clear, defines the cases in which the
ordinary courts shall alone be competent and in which, therefore,, t*
competence of other courts such as military, ecclesiastical or adminis-
trative courts is excluded. In other words, when a question of a dispute
anses on Spanish temtory, it will be submitted ta the jurisdiction of
ordThe origin and explanation of this provision is that, up ta, December
1868,there existed in Spain a system of special courts for foreigners. The
purpose of Article gr is to render foreigners subject ta the same tn-
bunals as Spaniards; but the question under what circumstances such
ordinarycourts are authorized ta exercise their jurisdiction is not touched
by Article 51. The provision defines the cases in which ordinary cou~'?s,
not the question under what circumstances Spanish courts, have juns-
diction (R., V, pp. 336-337).
Seconclly, the special judge alludes ta the Spanish nationality of the
petitioiiing creditors, but he does not indicate the relevance of this fact
in any way at all.
The third point which the special judge added was that Barcelona
Traction "has its business in Spain throngh its subsidiary or interposed
companies" (A.M., Vol. II, p. 413). Ive reach here the half-way stage in
the "doing business" argument.
The,Reus judge, in accordance with the petition, had implicitly denied
Barcelona Traction itself did do business. In,we1949, the special judgehat40~ BARCELONA TRACTION
speaks of doing business through subsidiary companies. that is to Say
indirectly. The short answer is that neither in 1948 nor, indeed, during
the preceding 25years or so,was Barcelona Traction doing any business in
Spain. And this is a subject which1believe, it Ml1be more convenient to
the Court to have developed shortly but comprehensively when 1 come
to deal with the "doing business" point, as a whole.
May 1 continue with the story. The next and final event occurred no
lessthan 14years later, namely on 15May 1963(A.C.M.,Vol.IX, p. 270).
when the court of appeal at Barcelona dismissed, as an "abuse of the
process of law" (ibid.at p. 275). Boter's appeal, snpported by Barcelona
Traction. against the judgment of the special judge of12 February 1949,
which 1 have just attempted to analyse.
Fourteen years later, that is to Say, well after the wrongs complained
of had been consummated in 1952 and well afterthe institution of the
proceedings in this Court in 1959and 1962!Perhaps that judgment is not
really germane to the issues now before the Court. Yet, 1think it is my
duty to make a few submissions about it.
There is an old English adage: "Justice delayed is justice denied", so
the 'udgment of 1963would, merely on account of thedate when it was
rendered, constitute a denial of justice, but this is not what 1 am con-
cemed with here. The contents of this judgment are no less open to
criticism.
No new Spanish text was referred to by the Barcelona judges. Their
reasoning. which may fairly be described as somewhat diffuse, takes no
Spanish Govemment, as 1 shall show, for assessing Barcelona Traction's
Spanish status as at 12 February 1948. Nor does it take account of the
'statements made by the petitioners themselves in their petition of
IO February 1948that Barcelona Traction had no domicile in Spain. On
the contrary, it takes the final step and goes so far as to hold "that
Barcelona Traction had a domicile in Spain" (A.C.M.. Vol. IX, p. 273.
bottom)-it thereby makes the one finding for which, as 1shall show,
there was no foundation of any kind. But, may 1remind the Court, we,
at this point, reach the theory which the Spanish Govemment defends
today andthe Court will not fail to notice the four stages through which
that argument has travelled.
From 1946, when the Spanish Government, speaking through the
mouth of Mr. Suanzes, regarded Barcelona Traction as a foreign under-
taking domiciled ontside Spain (A.M., Vol. 1, p. 218 and A.C.M., Vol.
VII, p. 76), through 1948, when the domicile was said to be outside
Spain bntunknown; and through 1949, when Barcelona Traction was
said to have its business indirectly in Spain, one cornes, finally, to 1963
and, as 1understand it,to today, when Barcelona Traction is presented
as having directly ''had a domicile in Spain" (A.C.M.. Vol. IX, p.273.
foot of page).
The judgment of 1963includes a numbered paragraph 5. This refers to
approximately 30 out of a total of some 165 documents which seem to
30 documents, for the denial of justice of which Belgium complains isthese
most vividly illustrated by the type of evidence upon which the Barce-
lona court of appeal felt able to rely. 1am, however, not going to weary
the Court withsuch an analysis. Practicallyal1the documents are printed
in the various Annexes and, ifaesired, 1conld refer the Court to the place ARGUMENT OF MR. MANN 4O7

where each of the documents mentioned by the court of appeal at
Barcelona can be found. What 1 propose to do, and 1 hope 1 am not
going too far in doing so, is to indicate to the Court the nature of the
three most recent documents, in point of time, from which the Barcelona
court ofappeal derived support forits conclusion that Barcelona Traction,
in some way or the other, was in 1948doing business in Spain.
The latest document, in point of time is No. 124 (A.C.M., Vol. VI,
p. 334) and is dated 7 December 1946. Mr. President, it is an old friend,
it is one of the letters which Barcelona Traction wrote in order to obtain
permission forthe third method of financing the Plan of Compromiseand

which 1 referred to when 1 had the honour to a~d~ ~s this Cour~ ~ fort-
night ago (supra,;. 80).
In this letter Mr. Spéciaelteiis the institute that Barcelona Traction
"was founded in 191; for the purpose of participating . . . in certain
publicutilities operating in Spain" and that it "carried out its programme
by, among other means, financing" Ebro. Accordingly, Barcelona
Traction was correctly described as a holding company and nothing at
al1is said in that letter about doing business in Spain.
The preceding document, in point of time, isdated 7 May 1943(A.C.M.,
Vol. 1, p. 473). and is one of numerous judgments which the Court can
findin these volumes and which the Barcelona hank, ArnusGari, obtained
in order to permit the issue of new 6 percent. peseta bonds in the place of
certificates which the owner had lost. That bearer bonds lost in Spain
during the Civil War were replaced by means of the Spanish procedure
applicable to lost documents is natural and, 1 would submit, even
inevitable, and has no bearing upon Barcelona Traction's business
activity either in Spain or anywhere else.
Lastly, 1 mention a document of 26 February 1943 (A.C.N., Vol! 1
p. 490). This is a letter written by a Spanish bank to Mr. Lawton of
Ebro, giving particulars of the coupons on the 6 per cent.'peseta bonds
which, with the permission of the Institute, Ebro had paid. Perhaps the
Court willsympathize with my inability even to appreciate the probative
value of a document of this kind.
Almost al1the remaining documents go back tothe period 1910to 1926.
They are of no greater interest or evidential value than those which 1
have just ventured to quote. They relate to whût MI. Rolin called pre-
historic times(supra,p. II). None ofthese documents, whether prehistoric
or recent have, in the eyes of any objective reader, any bearing upon the
question whether or not in Fehruary 1948, or shortly before that date,
Barcelona Traction was doing business in Spain.
There remains one source of inspiration which was drawn upon by the
specialjudge in 1949and the court of appeal in 1963.This is the judgment
oftheSupremeCourt ofSpainrenderedin 1912intheMoncayocase(A.Re].,
Vol. II,p. 475). which has been analysed fully in the Belgian pleadings
and to which 1 need not refer in detail (hl.,1,p. 167; R., V, pp. 339-340:

and by Mr. Van Ryn at supra, p. 140).
Moncayowas a Relgian company which, as the Supreme Court stated,
had "the centre of its commercial operatioiis" in Spain. It filed its own
petition for bankruptcy and, as a result of such petition, was declared
bankrupt by a Spanish court. A Spanish creditor unsuccessfully ques-
tioned the jnrisdiction of the Spanishcourt.
1respectfully invite the Court to read this decision. It wilithen become
plain that the decision of 1912has no bearing upon Barcelona Traction's40~ BARCELONA TRACTION

case, for in 1912 the court could Say what it could not Say in 1948 in the
case of Barcelona Traction, that the company had the centre of its
commercial operations in Spain. In 1912the court could Say what it
could not Say in 1948n ,amely that the company itself petitioned forits
bankruptcy, and therefore "has submitted itself to the Spanish courts".
It is .uite true that the court in 1012 also referred to the fact that "the
propcrty conrribiiteil as capital ~n~inrur~~or~tioi i5réal propcrty sitii:itr
on .ip:ini;h terntory and the niajorit), ol tlic redito ors ait! Spaniardi".
But the---were. 1 suhniit. clcarlv clernciitj ju~vortine th<:cnncliisiuii
that the centre if the company's commercial ope;ations ;as in Spain,and
neither of them applied in 1948.
Without repeating the facts relating to Barcelona Traction, 1 am
entitled to suggest that it is wholly arb'itrary to treat the judgment of
1912as supporting the judge of Reus in 1948w ,hen he quite rightly did
not use the 1912 judgment as a relevant precedent at all.
Now at this point, may 1 respectfully ask, how does the Go\.ernment
of Spain attempt to avoid the conclusion that the assumption of jurisdic-
tion bv the Reus indee was a denial of iustice?
~li; Syanish do\.<rnnieiit proyouiid~ the riesi,tlitjis tliat Article jr
justiiiesa Sp;iiiisticourt inassuniirig I>:inkruptc! jurisdiction iidiiputt:î
\vit11foreigners \rhen~.\,er tlicre exists a coriiiecting factor witli Spain
ho\i,ert.r sliglit. for iiist:ini:t,, rhe ii.îrioof rtie pctitioning crr.Jitor
(Rej.. VI,pp. 2jG fi.)'flic 13ilginirGu\,ernmc.nt tas siit,riiiiittliniitii
argument 3s plaidy 'untenable. O
Article 51has the meaning and the function which 1have ventured to
define. Its scopeisin no way enlarged hy the fact that in practically every
decision involving a foreigner there is some reference of some kind to it.
The reason is obvious. The Spanishcourt desires to make it plain that it
is the ordinary court which is called upon to decide a dispute or, in other
words, that there is no other tribunal than the ordinary court which is
entrnsted with that task. There is, in Spain, no special trihunal to which
foreigners can have resort.
Whether the Belgian submissions on this point are right or wrong in
general is perhaps less important than the fact that Article 51is quite
incapable of supporting the specificjurisdiction exercised in the present
case. namely hankruptcy jurisdiction in respect of a company domiciled
and carrying on business outside Spain. If Article 51had the meaning
now contended for, the judges of 1948,194 and 1963 would have had an
easy task, which they could have discharged in one sentence. In fact, as
we know, the oppositehappened. They were at pains to substantiate the
grounds upon which they exercised jurisdiction and while, quite rightly,
reference was also made to Article 51 for the purpose of justifying the
competence of the ordinary courts, none of them rested the decision on
the principle which the Spanish Government purports to derive from
Article 51.
Xor. Mr. President. is there anv iudicial or academic su~~ort S ut
foni:i;d for the spanisii ~overnmcni's'theory oii bankriiptc, ]i~'jclict~on,
exceyt a stnternent by los&Kainirez in liii book. extracts {romwhich art.
reproduced in the Annexes to the duplique. This learned author (A.Rej.,
Vol. II, pp. 457 el seq.),to whom 1 have to refer very shortly, invokes
four authors to reach the conclusion that Article 51confers hankmptcy
jurisdiction whenever there is any connection with Spain. But what do
the authorities whom he quotes and which the Annexes tothe Rejoinder ARGUMENT OF MR. MANN 4O9

also quote (ibid., pp. 459-460) actually say? For Guasp, as quoted by
Ramirez, there is no Limitationof any kind whatever on the jurisdiction
business activities camed on in Spain. For Valdecasas the bankruptof
must have carried on business in Spain and havesets there. Finally, for
Trias de Bes the business and property and the majority of the creditors
must be in Spain. 1 have consulted the original text of Ramirez's book
(Vol.III, pp. 754-756) and 1 notice from the footnotes, which are not
reproduced in the Annexes to the Rejoinder, that the works of Guasp,
Uria and Valdecasas are, in fact, al1opinions given to the March group
in 1952 and 1953and subsequently puhlished. It only remains for me to
point out that apart from Guasp, whom Ramirez presents as going even
business as the minimum test forbankruptcy jurisdiction in Spain.
For these reasons. even if Article 51. contrarv to its clear wordina.
establishedageneral'test of any conne:ti& factorGith Spain for ordina6
civil litipation, no such theory, in Our respectful submission, can be
extended to bankruptcy proceedings.
Next, the Spanish Government tries to support the reasoning in the
judicial decisions to which1 have referred by adding arguments and
material designed to show that Barcelona Traction was doing business
in Spain,
At this point, Mr. President and Members of the Court, it is perhaps
as well to state what Be"eium su--ests is the true rule of S~anlsh law
(RThe true rule relating to the exercise ofSpanish bankruptcy jurisdiction
makes the existence of at least a branch or sqme kind of commercial
establishment the test (R.,, pp. 339.340). This is the test which can
legitimately be inferred from the text or the policies underlying2Article
and Article 32 of the 1852decree on foreigners (R., V, para. 488, 3. 388
and Article 15 of the Commercial Code. This is the principle which
underlies the Supreme Courtdecision oI 12 This is the principle which
underlies Article 1063of the Commercialode of 1829and Article 1342of
the Code of Civil Procedure (R., V, p. 508, note 1). They impose on the
tion to draw up and present to the judge a list of the bankrupt's creditors
based on his books and records-a requirement, Mr. President, which
obviously cannot be fulfilled and in Barcelona Traction's case, we know
from MI. Grégoire'sargument (supra, p. ~II), was not fulfilled, where
there is not that type of business establishment which according to the
Belgian case constitutes the condition of bankruptcy jurisdiction in
Spain. And this above al1is the principle which underlies Article 1044 (5)
of the Commercial Code of 1829 (R., V, p. 19, para. 28). whereby the
bankruptcy judgment is to be published where the debtor has his
the Spanish Government (Rej., VI, pp. 313sff.it is, like the other pro-
visions in that Article, a provision of a "strictly territorial character"
(ibid., para. 195)soif publication isto be made at the domicileor commer-
cial establishment it is, we submit, fair to assume, 1 would evey
inevitable to assume, that this is the place which, according to,Spanish
law as interpreted by the Spanish Government. has jurisdiction in
bankruptcy.
The Court will at this point notice a striking inconsistency in the41° BARCELONA TRACTION
Spanish Government's argument. You cannot Say, on the one hand, that
Barcelona Traction had no domicileor establishment in Suain and. there-
fore, the judgment could be properly communicated onfy by advertise-
ment in the province of Tarragona and, on the other hand, allege that
Barcelona Traction did have a domicile or establishment in Spain for
purposes ofjurisdiction.
But for the purpose of the present argument the Belgian Govemment
will assume the application in Spain of a less exacting test than domicile
or permanent commercial establishment, namely the purely factual test
of doing business.
Such a test is advocated by some Spanish textbook writers-
"Alcubilla (whose monumental Dictionary of the Spanish Admin-
istration has the same prestige in Spain as Halsbury's Laws of
England have in this country) comments thus on Article 15 of the
Commercial Code:
'In harmony with the provisions of the Article. jurisprudence has
established that Spanish courts have jurisdiction to decree the
bankruptcy of foreign companies which engage in trade in Spain
(Judgment of 17 January rgrz)'." (Alcubilla, Dictzonary of the
Spantsh Administration, 6th ed., Vol. III, p. 586.)

These, Mr. President, are not my words-these are the words of the
Spanish lawyer, Mr. Rafael Valls, who in 1952 advised Marchas Prior
Lien Bondholders' Committee in London, whose opinion the Spanish
Govemment has been good enough to make available (Blue Book,
Vol. II,p. 35)and who, in reliance upon Alcubilla and others, propounds
the carrying on of commercial activities in Spain as the test of juns-
dicIn assessing the evidence relating to the question of doing business
the Court will, ive do not doubt, treat 12 February 1948 as the critical
date. In effect, 1submit, the Parties are agreed on this, for the Rejoinder
States:

". . . As far as competence in bankruptcy matters is concerned, it
istrue beyond any doubt that the cntical date is that of the bank-
ruptcy, but it is certainly likewise true that, if it appears that over
long periods prior to its adjudication in bankruptcy, a Company
has 'carried on business in Spain' either itself or through inter-
mediaries, and that it has taken no effective measures to put an
end to that situation, it can with good reason-and must almost
inevitably-be considered as still 'carrying on business in Spain' at
the date of the bankruptcy." (Rej., VI, p. 71.)

Of course, if Barcelona Traction did, at some time, carry on business
ithat it was carrying on business ono12tFehruary 1948and such astate-ing
ment adds nothing to the opening sentence about which the Parties are
agreed. - -
It may be useful to add here another point on which the Parties seem
to be agreed, namely that commercial activities, if they are to constitute
doing business, must be continuous, regular and habitua1 rather than
isolated (R., V, p. 240). ARGUMENT OF MR. MANN 411

In order to find the answer to the question whether, on 12 Fehruary
1448 or within a reasonable time before that date. Barcelona Traction
&S carrying on business in Spain, may 1 invite the Court, with great
respect, to consider what Barcelona Traction did not do in Spain?
It did not have an establishment of its own in Spain. This, 1believe,
it is fair to sav is common e"ound.
It<lid,roth>!,t,.î Iir.iiichur an oficc, ;o thnt on 9 :\pril 194.Yrlir luJge
;il I<l.iisi~si1r.dIclters rog:ilor). filr s6rvi111*rorunto ii]>oriI3:1r~~cloiin
'l'r:ictiori diîcribed :is "iluriiicile;II 2" liii"e Street \\'est. l'ororito
Canada" (A.M., Vol. II, p. 491).
It did not have a registered address. It is quite true that the Spanish
Government referred to some financial vearbooks 1Rei .VII. D.6241,,.n~ ~
which Barcelona Traction isdescribed a; having an àddiéssin karcelona,
but this can surely be disregarded, for not only i BarceIona-Traction
described in those yearbooks as domiciled in Toronto, but if a place to
which communications can be sent were to be treated as a place where
a person does business, the consequences, bath for individuals and for
corporations, would be absurd. It is therefore not surprising that the
Spanish Government has been unable to quote any authority which
would eqiiate a postal address ta a place of business.
Finally, Barcelona Traction did not have an agent, so that an order
made against it on 5 October 1949had to be served upon its unfortunate
lawyer in Spain, who promptly and rightly refused to accept it (A.M.,
Vol. III, pp. 630-633).
What, then, if 1 may respectfully ask, is said ta justify the conclusion
of doing business? 1confess that 1have found it a little difficult to follow
the Spanish argument on this point and 1 apologize, therefore, if my
attempt at stating it with preusion and conciseness should fail ta do
justice ta it.
There are, as 1 hope ta show, no facts supporting the Spanish case
and it is perhaps because al1the evidence irresistibly leads to the con-
clusion that Rarcelona Traction had neither a branch nor commercial
activities in Spain that the Spanish Govemment felt compelled to pro-
pound its novel and unprecedented thesis that Article 51 confers bank-
ruptcy jiirisdiction whenever the slightest connection existswith Spain.
If1 am not gravely mistaken, the Spanish Government, in substance,
makes four points. and most of the ground has been covered in the Reply
(V,pp. 238-z~z),sa that 1can be quite short.
The first argument is ta the effect that Barcelona Traction had sub-
sidiaries, which in turn and admittedly, carried on business in Spain
and that therefore Barcelona Traction was carrying on business in Spain
throuzh its subsidiaries as intermediaries. If the S~anish Government
had thoiiglit itpossible so to disregard tlic separate'legal person:~lity of
ttic siibjidi3ri~.snndio to idtnrif!. tlie parent Company\r.ithithsul)5idi:irics
as tu iiierrrc tlieItittorintu tlie former. this case. Jlr. Prcsideiit. [rom
the outsec would have developed very differently. There would, for
example, have been no reason for an application to the exchange control
authorities for permission to enable Ebro ta discharge Barcelona Trac-
tion's peseta bonds. It would have been Ebro that would have paid its
own bonds and the Plan of Compromise would have come into effect,
or, to take another example, there would have been no legal hasis for a
bankruptcy petition, for the single unified undertaking would bave been
canying on the business of a public utility and would, therefore, have41z BARCELONA TRACTION
enjoyed the specialprotection afforded to public utilities by the Spanish
Commercial Code (see R., V, pp. 395 ff.).
But whatever the consequences of the theory of a unified enterprise
may be, it is onr respectful submission that the factsand the Spanish
law are such as to deprive the argument of al1substance. Barcelona Trac-
tion was a mere holding company. In Spanish law there is no basis for
suggestion-and Mr.Van Ryn has already referred to this (supra,p. 164)-
the equivalent of the parent doing the subsidiary's business. It is satis-
factory to observe that not even the judge at Reus, whom the Counter-
Memorial (IV,p. 283) describes as that "rigorous jurist", supports the
present Spanishcontention (Rej., VI,pp. 72-74and 97)and in that respect
he shares the practice of the Supreme Court of the United States which
decided, in 1925, in the case of CannonManutacturingCo. v. Cudahy
PackingCompany(267U.S. 333). that the mere holding of IOO per cent.
control did not render the business of the subsidiary the business of the
parent. Although the courts of the United States have perhaps gone
further than any other judicial system in extending the scope of "doing
business", largely for inter-state purposes, the Supreme Court has not
departed from the principles which it formulated in 1925.
Secondly, the Spanish Government suggests that while the issue of
the peseta bonds in 1927 did not, and could not, amount to carrying on
business (Rej.,VI, p. 80).the serviceofthese bonds by Barcelona Traction's
Spanish bankers and the.issue of new certificates in place of lost or
destroyed certificates for peseta or sterling bonds meant that Barcelona
Traction was doing business in Spain. Quite apart from the fact that the
1927 bonds, as the Court knows, were fnlly serviced at the date of the
bankruptcy, that the issue of new certificatesarosefrom the disturbances
proposition, which overlooks that bearer documents lost in a certain
country are necessarily replaceable in accordance with the law of snch a
country. If 1 may ask the question, how could the mere discharge of a
debt, such as Ebro's payments, constitute a business? How could the
application by a Barcelona bank for the replacement of bonds lost in
Spain involve Barcelona Traction in business in Spain? As the Reply
points out (V,p. 254). the consequences for international finance would
be startling ifsuch insignificant operations could have the far-reaching
effects now attributed to them by the Spanish Government.
Thirdly, thespanish Govemment persists (Rej.,VI,pp. 81-83)in alleging
that Mr. Hubbard, Barcelona Traction's London director, intervened in
Spain on behalf of the company and that Mr. Lawton acted in Spain not
on behalf of Ebro, whose managing director he was, but on behalf of
Barcelona Traction,with which henatnrally corresponded, but both these
assertions have been shown in the Reply (V, pp. 250 ff.) to be contrary
to al1the evidence, and the Rejoinder adds nothing of any relevanze. On
the other hand, the Rejoinder goes so far as to suggest (VI,p. 81) that
Barcelona Traction camed on a business activity in Spain because at
general meetings of the Spanish subsidiaries, which were necessarily
held in Spain, Barcelona Traction was represented as shareholder by
1can only describe it as absurd to suggest thatna shareholderis canyings.
on hi business if he is represented at general meetings of the company4I4 BARCELONA TRACTION
doing business because: "the final form of the transaction was devised
with sufficient clevemess to conceal Barcelona Traction's name and
intervention from the Spanish authorities" (Rej., VI, Vol. 1,p. 74) or
"since the documents abundantly prove that Barcelona Traction
frandulently resorted ta concessionaires who were nothing but dnmmies
for snch transactions, the basic argument that the Belgian Government
makes in the Reply of the fact that the concessions were not really in
the Iiands of Barcelona Traction itself is an attitude which it is most
surprising to see any government adopt" (Rej., VI, p. 75). The examples
could be multiplied. The Spanish argument really amountsto this: The
less evidence there is for Barce1ona.Traction having done anything at
all, the more evidence there is for Barcelona Traction having surrepti-
tiously carriedon continuous business over a period of 37years.
Itis, however. unnecessas. to pursue the contradictions to which the
Spanish thesis leads. No amount of argument can avoid the conclusion
that the assumption of jurisdiction by the Spanish Courts was so grossly
and somanifestly contras. ta Spanish law as to involve a denial ofjustice.
The helated effort ta justify the assumption ofjurisdiction by attributing
to Barcelona Traction a centre of commercial activity in Spain is so
in bankruptcy and by the judge of Reus that it constitutes no lessioners a
violation of international law.
At this point, Mr. President, 1 have concluded my submission on the
first question which 1ventured to formulate yesterday.

II

When 1 now tum ta the second question which Belgium invites the
Court to examine it becomes, in our respectful submission, totally irrele-
vant whether, by Spanish law, the judge at Reus improperly affirmed
his jurisdiction in respect of Barcelona Traction's bankmptcy so as to
commit a denial of justice.
The Court. if 1 mav venture to em~hasize it. is now enterine a -ield
ivhen: it cnn'and muit 1car.eSpaiiisti'l~tv betiiiil; ahcre if ijfree froni
any tindings and \.ic\rs of Spanisli courts and Spanisli la\r,yers.
011 this b:isi1 submit th:~t. iiiidtr internation:ln\% ,nd nccordinr to
international standards, Spain and its judicial organs lacked the gght
to pronounce the bankruptcy of Barcelona Traction. But 1 wonld not
like there to be anv misunderstandine and 1 therefore add at once that
it is not the ~elgian case that spani;h law on hankruptcy jurisdiction,
considered in the abstract and as interpreAed by Belgium,-is contrary
to international rules of iurisdiction.
Belgium submits that the assertion of Spanish jurisdiction in the
cirThe Belgian Government, Mr. President and hlembers of the Court,
suggested from the outset, and Professor Rolin repeated in his opening
speech (suprap, . 27). that international law did not permit Spain to
have Barcelona Traction declared bankru~t except in the event of there
heing a close, a real, a substantial and geiuine legal connection, between
Spain and the Company.
Spain's original thesis thatthe assumption of jurisdiction was entirely
within Spain's sovereign discretion has, it appears. moved into the back-
ground of the argument. This is not surprising for it has been shown that ARGUMENT OF MR. MANN 4'5
there exists in the practice of States an abundance of material which
proves that, even if jurisdiction is no longer determined by a strictly
temtorial or personal test, it certainly presupposes such closeconnection
of alegally relevant character asto render the assumption of jurisdiction
just and reasonable.
It mav well be that. as Brierlv ut it. with the endorsement of my
di>tiiiguklic.d opponciit. Sir HII~ \\Ilok the int,?rrrition:~l
ir;,ndarcl uf iiirisdictinn "ii the îtond.ird of tlic rcssoiiîble Stnte, rcnîoii-
able, that ii to Say, according to the notions that are accepted in OUI
modem civilization" (Law of Nations, 6th ed., 1963, pp. 279-280). This
would seem to be in line with what Judge Jessup suggested in 1956:

"The fundamental question is to determine which national
authorities mav deal effectivelv with which transnational situations
-effectively in the sense that authorities of other States will recog-
nize that the exercise of authority is reasonable and will therefore
give effect to judgments rendered or refrain from protests through
the diplomatic channel." (TransnationalLaw, 1956, p. 70.)
It must, however, always be borne in mind that what is an appropriate
test for purposes of ordinary civil or criminal jurisdiction may be wholly
inappropriate where bankruptcy jurisdiction 1sin issue. For bankruptcy
affects the debtor's status and capacity, divests him of his property as
well as the right todeal with it, and has other consequences of a gravity
thatfar transcends the significance of a mere money judgment obtained
in the course of civil proceedings.
The fact that a State is entitled to order an alien to pay a sum of
money does not mean that the same State is necessarily entitled to
pronounce the bankruptcy of the same debtor, particularly if no judg-
ment has as yet been obtained against him.
It is therefore a general experience that the exercise of bankruptcy
jurisdiction is subject to different and more stringent conditions than
the exercise of ordinary civil jurisdiction to order the payment of money.

TheCourt adjournedfrom 11.19 1011.40 a.%.

It is in this connection that 1 would like to refer the Court to recent
ments in civil matters which expressly exclude bankruptc,~ from theirdg-
scope and defer it to special regulatious. In this sense, for instance, the
Court will find Article 1, paragraph 5, of the Convention on the Recogni-
tion and Enforcement of Foreign Judgments, signed here at The Hague
on 26 April 1966 by the delegates of zr States, among them Belgium,
France and Spain. (International Legal Malerials, V, 1966, p. 636.) In
the same sense there is Article 1, paragraph 2, of the Convention of
27 September 1968 between hIembers of the European Economic Com-
munity on Jurisdiction and Execution of Judgments (Supplément nt6
Bulletin des CommunautéseuropéennesN , o. 2, 1969).
It is the Belgian submission that in the present case no connection
sufficient in the eyes of international law existed to permit Spain to
declare Barcelona Traction bankrupt. Belgium invokes ,the principle
that no State is entitled to regulate the conduct of foreigners abroad
and suggests that this is precisely what Spain did on 12 Febmary 1948.
This "principe d'abstentionH-as Professor Rousseau has called it41~ BARCELONA TRACTION
(Re? Ge1137 (1930)~p. 420 at 444)- is IIO\V,1venture to tliink,generally
acceptecl. It \vas perliaps most auihoritativcly formulated for tlie first
tirne hv the then Lord Cliief l"stiseof Ericl-nd. Lord #ussellof Killowcn.
in 184, when he said:

":in :\cl \\,inot IICconjttued as ;ipplyiiig to for,:igncrs irirespc-ci
of ncts done II? ttieiii oiitiidctlit duiiiiiiions of thc so\.creign posrrr
enaitiiia. Th:it is .irule bascd on iiitcrnation:il I:in In. \i,liicli uiie
sovereign power is bound to respect . . . the rights of alfother sover-
eign powers outside its own territory.".(R. .. lameson (1896). -. 2 .-B.
425 at p. 430,)
It isa rule, Rlr. President, which has since been accepted, for instance,
by the High Court of Australia, where hlr. Justice Evatt said that "the
extent ofextraterritorial jurisdiction permitted, or rather not forbidden,
by intemational law cannotalwaysbe stated with precision, but certainly
no State attempts to exercise a jurisdiction over matters, persons or
things with which it has absolutely no concem" (Trustees and Executors
and Agency Comfiany v. Federal Commissioners of Taxation (1933) 49
CLR zzo, at pp. 235 and 236).
It is a rule whicli was expressly approved by the Supreme Court of
the United States in 1gj3 when Mr. Justice Jackson, speaking on behalf
of the court,added the significant warning:
',
But in dealing with international commerce we cannot be un-
mindful of the necessity for mutual forhearance if retaliations are
to be avoided; nor should we forget that any contact which we hold
sufficient to warrant application of our law to a foreign transaction
will logically be as strong a warrant for a foreign country to apply
its law to an American transaction." (Lauritzen v. Larsen, 345 U.S.
571 at p. 580.)
Similarly. in our respectful submission, Spain should have refrained
fromadjudicating in regard to a Canadian Company domiciled and estab-
lished in Canada with its assets in Canada and its obligations arising
from Canadian law.
That the doctrine upon which we rely is by no means confiued to
common-law countries. althouah it has most freauentlv been ex~ressed
therc, :ippcars for instance from sn obir.r\.:irioii ivliich nlniost 28 ycars
:<gowa.im.ide t>\.iiiy ziniiient friçiid, Prufrîsor I<r,lin whcn Iirini(lIicrr
at The Hague:

"[.'Etnt qui pr6teridr;iit Iégifërt:silit pour dcs territoirej t!tr:iiigcr.,
soit pour des resjortissnnts dr nationalitr' AtrancPre nt. se troii\,ant
pas fixéssur son temtoire, commettrait une usurpation de compé-
tence" (Rec.descours,77 (1950, 11) 307, at p. 370).
In order to test the oint. Beleium invites the Court to assume that in
1948Spain had enactêd n statut: cuprc.s.;lydeslaring Uarcelona Traction
bankrupt. Siich a la\v. in our submiision. could liave had no inteinational
validity.
The judgment of Reus of 12 February 1948can have nogreater validity,
whatever the Spanish Code of Civil Procedure or any other Spanish law
may provide, for it is unnecessary for me to remind the Court that the
international validity of Spanish law is measured by international law ARGUMENT OF >IR. IIANA' 417

rather than Spanish law itself: a most elementary rule which, so the
reader of the Spanish pleadings not infrequently fears, Spain is inclined
... .r.~o~k.~~
This Court is not :isked IO delinc csli:tuîtivel!. tlie coiiditioni in \\.hicha
Statc is permittcil to dcilarc an alicii txinkriipt. It:,tlicr i3 it tlie tnsli of
the Coiirt to deii<le ivtietlirr. in accorrlancc \rith iriicriiati<iii.~I:iw,tlie
iirciiiiiit:inces of rlic prc-znt case \ver? iiicl:isIo permit. or, ifthe ('ourt
ixcfcrj it. \ver<SIICI I> tu ~)roliit>i,lic<I~.cInratioioif Uari~Ior~:T~riiiti~ii'~
bankruptcy by Spain. A
International law, like Spanish law, in Our submission, certainly
treats the test of a commercial establishment as a sufficient connectine <.
flctor for purpoies of b:irikruptcy jiiriidiction. In fnct. internatioiinl
1;iw tiass;inctione<lthis test ivlienniimcroiis treaties aiid draft (:i)iivt:ntions
acce~ted it as the onlv one entitled to international reco~nition. Thus a
treaiy between ~ranCe and Belgium of 18 9 (Art. 8, para. 1), a treaty
between Belgium and Holland of 1925 hrt. 20). the Scandinavian
Bankruptcy Convention of 1933 (Art. 13-195 L.N.T.S.. p. II~), the
Bustamante Codeof 1928(Art. 415-86 L.N.T.S., p. 362).the Montevideo
Treaty of International Commercial Law of 1940 (Art. 40)-al1 these
treaties adopted some such notion as the principal establishment of the

debtor or the siègesocialas the test and,as the perusal of the great work
by Travers proves, it is not only treaty practice-discussed by him on
pages 163 to zzo-but also the practice of national legislators to prefer
this test. Thisappears,forinstance, from Articlegof theBankriiptcy Law
of Italy and from numerous other municipal laws collected by Travers
(Droit commercialinternaliaal, VI1 (1935). pp. 93 to 163).
1 need not, however, pursue this point at any length, because 1 have
already submitted, and 1 hope proved, to the Court that Barcelona
Traction did not on 12 February 1948have a commercial establishment,
whether principal or subsidiary, or carry on business in Spain at al].
There certainly did not exist in Spain that minimum organization which
could fairlv be said. and reasonablv. be said. to constitute a business of
~<arr.clon:i"ïraction thevrct~riuiremcntjof i1iternation;il IL\\..
:\;cordiiig to the I3elginnsubniisîioii, tli~.Court ivillr<~riii:iiibc.sri,icl:i
iiiiiiiiiiiiis tlie triiriiliiiiSiiniiisli In\%11 15oiir jiitniis,i<~n. tiiercfore.
that in the abstract Spanish iaw is in accordance with international law
on this point.
Are there then-if 1may respectfully ask-any subsidiary tests which,
from the point of view of international law, assist the Spanish case?
There is one test which the Spanish Government appean to suggest
(for esample, Rej., VI,pp. 234 ff.)and which, we submit, is not valid or
relevant at al]. The Spanish Government suggests that the idea of forum
cmueniens is an independent and distinct aspect which entitles a State to
assume iurisdiction whenever it is convenient to do so. This. 1 submit. is
rmtirrlv,wrong. Tlic iclvnof/oruni ci~nie~rien i rcIei,ant only wtirre there
isJ choicc IO be made bet\rcen t\vo existiiig and legally rclcvant jiiriidic-
tion;il tcstj ;inclwlien tlic <iucsriuni' to I>t(lecidcd wliiili of tlierii is lx
preferred.
As the Supreme Court of the United States of America, speaking
through Mr. Justice Jackson, said:

"Indeed, the doctrine of forum non conuenienscan never apply if
thereis absence of jurisdiction . . . In al1cases in which the doctrine418 BARCELONA TRACTION
of /ort<mII~I co?zse~~iencsrnes into play.itpresupposcs at Ic.:isttuo
forums in \{.hichtlic defendant is amcnable tu process. the doctrine
furnislies criteria for clioice betwzen them." < .u/iO11Corb. \,.
Gilbert(1947)330 U.S. 501.)

In the Dresent case. the auestion before the Court is whether there was
in 1948afy jurisdiction veited in Spain at all, so as to make it possible to
include Spain in the forums from which the convenient one could be
chosen.
No doubt the practice of States does sanction one subsidiaq test,
namely thc existence of assets of some substance belonging to thedebtor
in the country. There is no evidence, it is true, that Spain has adopted
this test, but it is unnecessary to pursue the point because the Court
knows that Rarcelona Traction had no assets in Spain.
There remains, then, the other subsidiary test, namely the nationality
of the creditor. This, it is true, is a test which for theoses of ordinary
civil litigation a Spanish academic lawyer of distinction describes as "an
absurd exception" to the general rule of the primacy of the debtor's
residence (Professor Ramon de Orne Arregui, Manual de Derecho
Internacional Privado, 1752, p. 582) At Xrst sight it seems that theState
of a creditor's nationality is sanctioned as a test by Article 14 of the
French Civil Code: .
In France itself, and elsewhere, the provision has been much criticized
(for references see Rec., Vol. III (1964, 1).p. 80). It has been discarded
by other countries normally followingthe CivilCode. It has also expressly
been denied recognition in recent conventions. Thus, Article IO of the
Hague Convention on the Recognition and Enforcement of Foreign
France and Spain were parties, excludes the test of nationality (see also
the Protocol of 1966, International Legal Materials, VI (1967). p. 1083)
and so do, as between members of the EEC, Articles 2 and 3 of the EEC
Convention of 27 September 1968, to which 1 have also drawn attention
and which, of course, was signed bythe representative of France itself.
It is, however, unnecessary to pursue the question: to what extent
Article 14 of the French code civil is, for purposes of ordinary civil
jurisdiction, still expressive of the modern practice of States.
What 1 do sueeest is that the ~rovision as aDDiiedto bankru~tcv does
not, in its prac~~al effect, meaRwhat it says.'ff there is reallinoother
connection with theState at all, then the nationality of a creditor is, for
bankruptcy purposes, wholly pointless.
The practical point of Article 14 is the combination of the creditor's
nationality with the availability of assets in France. This is, in fact, what
Niboyet described so clearly in his Traitéde drmt international privé
/rancais \'I (1949),pages 159-160,where he stated that in the absence of
assets a bankruptcy declaration mould be purement filatonigue. The
limited scope of Article14 is similarly emphasized by Professor Batiffol,
when he says (Droitinternational privé,4th ed., 1967)that its application
to the bankruptcy of foreign enterprises "peut surprendre . . .mais est en
relation avec le caractère finalement territorial de cette procédure"
(No. 673, note 136;s). He continues (No. 744) that the powers of the
French syndic "sont en principe limités la liquidation des biens sis en
France". Consequently, Article 14 is simply a method of making French
assets available to French creditors, a view expressed also by the most ARGUMENT OF AIR. hlr\NN qr9

recent work on the subject by Trochu-Cm~flits de lois et conflits de
jzrridictionenmalièrede faillite (1967), pages 92, 93.
Or, as othershave suggested, a jurisdiction based on Article 14operates
only if at least a cessation of payments or, in English, anact ofbankrupt-
privé commercial[1948], pp. 517-518; Travers, Le Droit cmnaercialrnafional
znternationalVI1 (1935).pp. 127-142).The text of Article 14 is therefore
misleading because it has to be supplemented and is, in practice, supple-
mented by the requirement that there are at least assets in France.
Toput it in the sense su~gestcd by the argument of my friend, Mr. Van
Ryn (supra, pp. 127 ff.),since it is the function ofbankruptcy to securc
and satisfy creditors, a declaration of hankruptcy in a country in which
the debtor has no assets would be an unreasonable or arbitrary act, a
misuse of power.
In tlie lircsciit <,aie,\i.ekiio\v tliat R~ricloii:t Trnction tiad no aisets in
Sp:iiii \i'c knoiv tli;<ttherc hacl I~wniiu ct:si;ttion of pn!.rneinjSpain
\\le kiioii. thltt the ~etitioiiina crcditors, nisiimtti;ittlie!. hnd a /octts
slandi at all, had in disregara of the express te& of the.coupons not
even presented them for payment in Spain or elsewhere (see U.G.S. Fi-
nanceLtd. v. National MorlgageRank ofGreecein A.R., Vol. II, p. 451).
\Ve know also. to apply the test suggested hy Judge Jessup in 1956,
thatthe Spanish judgrnent would not have heen recognized and, in fact,
was not recognized in Canada where Mr. Justice Schroeder said:

the right ta do business in Spain, has never carried on business there
and has no assets in that country, could be declared bankrupt in
that jurisdiction, its domicile and ail its assets being in Canada"
(A.C.M.,Vol. IX, Chap. III, p. 252).

\Veknow finally. ta continue, if 1may, with Judge Jessep's test of 1956
that, on 27 March 1948, the Governments of Belgium (A.M., Vol. IV,
p. 976), Canada (A.P.O., Vol. III, p. 195) and the United Kingdom
(A.P.O., Vol. III, p. 197), and on 22 July 1949. the Government of the
United States of America (Note set forth in Belgian Note of 25 May
1967 in Xew Doc. No. j) did not refrain from protest through the
diplomatic channel but, on the contrary, voiced strong protest and that,
accordingly, the exercise of authority by Spain was not considered
reaIn short, the Court has before it a Canadian Company without place of
business, without assets and without cessation of payments in Spain.
Surely, Belgium is entitled ta suggest that in such circumstances, what-
ever Spanish jurisdiction may have been in regard to other types of
civil litigation, internationalaw does not permit or, if the Court prefers
it, prohibits Spainfrom having Barcelona Traction declared bankrupt.
So much then, Mr. President, about my second question.

III

1noiv riirn ta ttic ttiirdIt i; pcrti;tps the mojt >triking of tlie threr
question; 1\.cntured ta raise. For tlie iiierenssumptioii of lurisdiction b!.
the iiitlaeinKeuj. \i.Ii:ite\,rr its Içcnl found;ttiori or I~ckof fotind;ition in
spaAisGor international law mayuhave been, would have been pointlesç
or, in Niboyet's phrase, platonic and would uot have troubled this Court420 BARCELOSA TRACTIOK
or, indeed, given rise to any substantial difficulty, had not the Spanish
judiciary from the very outset overstepped thelimitsof Spanish jurisdic-
tion in the gravest manner and prepared what one can only describe as
the abduction of Barcelona Traction's provertv from Canada and the
soinpulsory iiaturalization of its twu (:;in)~clians~bridi~riesin Spin.
'l'hc bankruptcy judgmcnt \vas an empty gesture, unleis it u.3~
iio;;il>leto obtain control of Uarcrluii:~Traction's asiets. 'l'hcs~:l,io\ve\.cr,
as the Court knows, were partly sbares in Canadian cornPanies held or
controlled in Canada by a Canadian tnistee and inscribed in Canadian
registers, partly bearer shares issued by two Spanish companies, but
likewise held or controlled in Canada by the same trustee and al1 of
them, since 15 July 1948,subject to the control of the receiver appointed
by the SupremeCourt of Ontario as its officer(A.C.M.,Vol. IX, p. 237).
The attemot to achieve tbis bv lawful means was not even made. The
spanishbaniruptc authoritiesZ2itis true, purported~to serve upon the
Barcelona brocura lores of Barcelona Traction and National Tmst an
order of 5'0ctober 1949 for the delivery up of pertcnencias including
shares and bonds in subsidiaries (A.M., Vol. III, pp. 630-633). without,
as the Court will notice,making a distinction between shares and rights
under Spanish law may have been, it could only have been enforced in order
Canadain accordance with Canadian Lawand procedure.
Such an attempt would inevitably have failed, because Canada, like
probably the majority of countries, would have refused to recognize the
Spanish judgment, for the doctrine of the universality of bankruptcy
attaches to the bankruptcy judgment pronouuced in the place of the
debtor's siège and, moreover, as MI. Rolin has pointed ont (supra,
pp. 31-32),that doctrine only means that no second bankruptcy judgment
is required but the title of the trustee or liquidator appointed in the place
of the debtor's siègeis recognized and will be enforced in conformity \vith
the procedure of the local sovereign.
Again, if any hlember ofthis Court has a doubt about this aspect of the
matter, it isonly necessary to read the impressive judgment of Xlr.Justice
Schroeder, given on 12 hlay 1954 in the Supreme Court of Ontario
(A.C.M.,Vol. IX. pp. 240-252).Spain's highly significant failure to resort
to Canadian law and procedure for the purpose of enforcing its orders
brings me to ask, how could the Canadian assets be extracted from
Canada without adopting the internationally proper, lawful and usual
methods?
Now MI. President, what Spain Cid, involved, as my friends Messrs.
Van Ryu and Grkgoire submitted, six principal steps, al1 of which
constituted an excess of jurisdiction, of enforcement jurisdiction in
international law, and which at tbis point 1merely enumerate:
and constructive civil form of the shares in Barcelona Traction's sub-te
sidianes.
2. The decision of the depositario, approved by the commissioner, to
dismiss the members of the boards of the subsidiaries (A.C.M.,Vol. VII,

PP3. The decision of the depositario, approved by the commissioner, to
appoint new directors of Ebro and the other companies (A.C.M.,Vol.VII,
pp. 382-388).
4. Resolutions of the pseudo boards of directors of the subsidiaries ARGUMENT OF MR. MANN 42 1
approved and ratified by pseudo extraordinary general meetings (A.R.,
Vol. II, pp. 41 ff.) whereby it was resolved, subject to modification in
certain cases: (a) that the share register should be kept in Barcelona;
(b) that the registered officesbe transferred to Barcelona; and (c) that
duplicate shares should be issued.
5. The printing and issue of new share certificates (.4.M., Vol. III.
pp 664 ff.).
6. The sale ofthe duplicatedsharesin January 1952and their delivery
to Fecsa.
Why, if 1may respectfully put it in the fonn of a question, was this so
grave an excess of enforcement jurisdiction? The answer in our respectful
submission isimplied in Mr. Justice OliverWendel1Holmes' characteristi-
cally pitby phrase that jurisdiction "is based on the power of the sover-
eign", tbat ils foundation "is physical power" (Rfz'chigun Trust Co. v.
Ferry, 228 U.S. 346 (1913) M;cDondd v. Mubee,243 U.S. 90 (1917)).
Consequently, the jurisdiction over Barcelona Traction's Canadian
assets belonged to Canada.Spain, in effect,took those assets, transferred
them to Spain and sold them there. It went further than that. It took the
Canadian companies themselves and their registers and hispanicized
them. If this were permitted then the principle that third States, such
as Canada, may at their discretion decide to recognize or not to recognize
a foreign bankruptcy by exequatur or whatever the appropriate proce-
dure may be, would, to put it at its lowest, be undermined and lose its
force.
The Suanish defence no doubt is an emanation of the basic and all-
eriihrnci;ig iheory of the application of thc priiiciplcof tcrritoriality of
laws in tlie mnttçr of biinliruptc). (HcjVII,p. qd6, [)arcjr). Tliis,inttic
e!.r.sof the S(1aiii1;oi,ernrnent, serrns to riiearitliat, or, tlic one haiid. ai>
otiicinl act, not evcn the communication of ;iI>:inkriiptcy order c.rn be
effcctc.dby Spnnisli bankruptcy authontics in Canada. and tlicit, on tlit
other band, every and anyact can be so perfomed in Spain, whatever
its effectsinCanada may be. Pushed toits logicalconclusion such a theory
would mean, for instance, that Spanish bankruptcy authorities could in
Spain counterfeit Canadian money and thus undennine Canadian credit.
Similarly, and in a periectly serious way, Spain submits to this Court
that Spanish bankruptcy authorities could, interalia, duplicate in Spain
Canadian shares and Canadian share registers. It is this argument, MI.
wholly unacceptable.ve to meet. It is this argument which, 1 submit, is
MI. President and Members of the Court, the world, Belgium submits,
has never seen anything like the present case. One searches, therefore,
with interest for what Spain suggests as the justification of so flagrant an
act. Thus one finds that with remarkable frankness Spain appeals to
nature:

". ..physical possession could iiot be taken of [Barcelona Traction's]
securities, which were outside Spain. Nothing could be more natural,
consequently, than to issue new securities" (C.M., IV, Chap. III,
PP. 385-386).
Or, Spain refers to the analogy of nationalization. The State, so Spain
tells the Court, has often a choice. First between confiscation of a
company's undertaking and, secondly, confiscation of a company's
shares. When the Company is foreign the State will confiscate the under-422 BARCELOSA TRACTION

taking situate in its temtory. It wiU not, in such a case, confiscate the
shares of the foreign company because, and this isquoted, "of the obvious
difficulties that would arise in carrying out" such a measure (Rej., VII,
p. 1013). Belgium agrees, and would only add that among the obvious
difficulties, which in the case of Barcelona Traction's purported bank-
ruptcy even Spanish ingenuity could not overcome, is the inevitable
barrier created by the situs of the shares, books and accounts in Canada
and, consequently, by the impact of the international law of jurisdiction.
What, then, is there leftof the Spanish defence?
It is, 1 believe, fair to Say that Spain puts fonvard two grounds of
defence.
In the first place, Spain suggests that al1 acts were done by private
persons. The truth, which 1venture to think my friends Mr. Van Ryn and
MI. Grégoirehad no difficulty in establishing, is that al1the acts 1have
enumerated were either done by judicial officersor approved in advance
or ratified by the Spanish judicial authorities and the sale of dupiicated
share certificates. that final act of sooliation, was carried out with the
approval and acquiescence of the ~6anish Government, or, to put it at
its verv lowest. Spain had notice of the duplication and deliberatelv failed

$r<:onclly,~~ain-say; in eifcct tli:i;IIIacts wcrï donc in Spain niid tli~t
riu act ~3s acr.oniplishi:d iiiC:in;id<iand iliat. thcrcfore, tlie rntitter\v;ii
pur~ly territorial. not intcrnntioiinl, iriiliar;iitrr The Court, \vc Lccl
ct:rtniri,\viliiot bç misled hy thc supcrtiti;il siiiiplicity of tliis hrgunient.
l:{arct:lonaTraction. let it bc s31doncr agniii, \$.as :iC:iiiadi;in comp3ny
\rirlin Canadi311doniiiil<::incluu.nz<ljliarcs sitiinre in Canada. inlrr ~ili~,
iiiother Cniiadiaiir.omp;iiiirssucti :is libro, inscribed inCanacliaiiregi-teri
and Iiclcl:isseciintg hy or to thc ordcr of :iCaiia<\iaiicompany, Sarional
Trust. and under tlie control of thc rccei\.cr. Hcnce. as \lr. Rolin lias
submitted, one has at the outset a situation pregnant'with international
aspects (supra, pp. 27-28).
It is no answer, we submit, to point out that the shares were not
physically appropriated in Canada, that the registers were not taken
there and that no phgsical step by or on behalf ol Spain occurred on
Canadian territory. The act was done in Spain,but the effect occurred in
Canada. Theshot was fired in Spain, butthe death ofthe victim occurred
in Canada. Where there used to be in Canada genuine share certificates
incorporating valuable rights of property, there are at present merely
pieces of paper.
1say merely pieces of paper because they have been illegally replaced
by what we euphemistically cal1duplicated certificates printed in Spain.
Where there existed in Canada, both in law and in fact, Canadian cor-
porate bodies living under Canadian law, there were, for a short period
convenient to the spoliators. pseudo-entities in Spain purporting to be
the same legal persons enjoying the same legal status and the same legal
characteristics.
This, 1 submit, is sufficient to justify the conclusion that the measures
taken in Spain exceeded the scope of Spain's enforcement jurisdiction,
for such excess occurs when a State acts in foreign territory itself or at
least takes measures which, though initiated in its own temtory, are
directed towards consummation. and reauire comoliance. in the foreien
State (Rec. des cours, III (1~641) 1z8).'~he test'in thi; connection-is
necessarily a strictly territorial one. The sovereignty of the State in ARGUMENT OF MR. MANN 423
which enforcement takes place is infringed, not by reason of an act done
within its temtory, but by reason of the merely factual impact of the
command directed to persons under its junsdiction and the obedience
which they are ordered to display in such territory towards a foreign
sovereign. The rule which, 1 venture to suggest, is supported by the
practice of nations Inay be formulated as follows.
International law does not permit compulsion to be exercised in the
territory of the legislating or adjudicating State for the purpose of
enforcingobedience, whether by positive action or omissionand restraint,
in the territory of auother State without the consent, given in accordance
with its own law, by sucli other State.
We know, Mr. President and hlembers of the Court, that the whole
world-wide system of consularconventions, treaties about the recognition
and enforcement of iudements and arbitral awards. about the service or
nutlieiiticntion of <locurnt-iits,or tlic tnking of <,\.i(l<!iiclti:as irs found:ition
in tlic rtilcrli;itin the absence of trcitties, 1105tnte can, directl\, or iii-
directlv. ~erform such acts of authoritv in the temtorv of anothei State.
In thepiesent case, Spain itself bas iR a limited sensépaid lip-service to
these well-known rules of international procedure: an attempt was made
hy letters rogatory to communicate in Cinada notice of seizure of gApril
1948 (A.M., Vol.II, p. 491).But no attempt was made to enforce this or
any other process in Canada by a method such as the community of
nations invanably employs. Instead, it was preferred to resort to self-help
and to take the unprecedentcd steps with which this Court is familiar-
unprecedented because no-one bas ever conceived it possible to do what
was done and therefore, 1 confess, 1 cannot refer the Court to a case
coveriug precisely so unusual a situation.
In these circumstances, the lawyer turns to international practice. It is,
indeed, the Belgian submission to this Court that it may be assisted by
a short survey of State practice in fieldsother than bankruptcy. 1venture
to refer to certain aspects of enforcement jurisdiction in relation to which
the United States of America. if 1may Saysowithdeference, proved to be
both a sinner and a saint. Both my examples, and they are only examples
taken from a very ivide range, are concemed with the law of production
of documents.
The first anses from the American legislation, which renders it possible
to order non-American corporations to produce in the United,States
documents held outside the United States. Suppose a Swedish shipping-
line has an office in New York. An order is served upon that office
requiring the Swedish Companyto produce in New York every document,
including documents held in Sweden and elsewhere outside the United
States, that relates to waterborne commerce with the United States.
This, if 1 may interpose, is a case mhich is, at any rate up to a point,
comparable to the present one in which Spanish authorities ordered
Barcelona Traction and National Trust in Toronto to vroduce in S~ain
propwt\' in C;iiiada, such as sharci, Lods, ;ic;o~iiitsanb records (se;K..
\',p. ji. pain Sq).I3ut it is :ils:ic:it:.let II bc nincli.;,bsoliitely plain.
\i.liitiritlirt:e reivccts (nlls far sti(iftlit. Smnisli estremes and tliere-
fore emphasizes ihe gravity of the Spanish' illegality. The European
shipping lines clearly had establishments in the United States; the
United States Government attemoted to reach foreisn documents as
opposed to foreign property; and'the United states,-of course, never
embarked upon any process of duplication or abduction.424 BARCELONA TRACTION

When the United States issued orders ofthe type 1indicated, numerous
countries protested on more than one occasion. In particular, between
May and November 1960, the Governments of Denmark, Finland, the
Federal Repubiic of Germany, Great Britain, India, Italy, Japan,
Yugoslavia, the Netherlands, Nonvay and Sweden protested in very
similar terms. These protests are published in the Refiortof the Interna-
tional Law Association's FiJty-First Cmtfevenceheld in Tokyo in 1964
(pp. 578 et seq.). To quote, by way of example, Sweden's terse Aide-
Rfemoire of z~ June 1960: "The Swedish Embassy finds it necessary to
point out that Swedish companies are not subject to United States law
as far as their trade outside the United States isconcemed" (ibid.,p. 581).
Or. in a note of 23 August 1960, Japan stated that the subpoenas "pur-
portiug to require Japanese shipping companies to produce documents
located in Japan are not in conformity with established pnnciples of
international law and thatthe authonty of the said suhpoenas does not
extend to any documents which might be found within the temtorial
jurisdiction of Japan" (pp. 580-581).
There then followed a time when the Senate of the United States
considered an amendment to the Shipping Act, 191tLthe so-called
Bonner Bill. Diplomatic protests were lodged by Belgium, Denmark,
Finland, France, the Federal Repubiic of Germany, Japan, the Nether-
lands, Norway, the Philippines and Sweden. 1 propose to quote a single
example, namely the note from the Philippines (ibid., p. 564). which
pointed out that the proposed amendment "would give to the [Federal
Maritime] Board extratemtorial jurisdiction that is likely to give rise
to senous and difficult international ~roblems. esoeciallv where it relates
IO. . .docuniiiir~. . .IivldIII:iforcigi;ci)iiiirryand \r.liicl;i.uiicernt~iisinv;~
:ii.ti\.itic.s ~)crfornicd oiit;i<lc th,: tt-rrirori.il jiiris<lict1112 L'iiitcd
5t;itci. Tlic l'hilippiiit. i;ovcrnriiriit coiisitliij~~ro\,iiic.i ,-,ti\\.liich
\iould iiifririgc Philippin,. ..n.t,rcigy."
On 12 and 1.3I)ecçml~cr1463,tlic .\liiii;tcr, of Sliippiiigof teii <-oiiiitii<.s
rnet in !.ondon 2nd ;ir:tin i>rutt.stcd.bv \i.;i\.of 3 Dici. rl(aie. Fin.111~
-and this is the essentiai point of my aqgument on this point-thë
dispute was settled by what was called an agreed minute of a meeting
held in Parison 15December 1964.The participating States were, on the
one hand, the United States of America and, let it be noted, on the
other hand, Belgium, Denmark, Finland, France, the Federal Republic of
Germany, Greece, Ireland, Italy,Japan, the Netherlands, Norway, Spain,
Sweden and the United Kingdom (International Legal Materials, IV
(1965), 356). In short, it was agreed that the 14 Governments "wholly
without prejudice to their known jurisdictional and other objections"
(para. 4). would use their good offices to facilitate the production of
certain limited information and to exchange it on a confidential basis
between governments only.
What do these events show, if 1 may rhetoncally ask the question? In
our respectful submission they show that in the eyes of a large number of
States, including Belgium and including Spain, the attempt of the ,
United States to extend its commands so as to com~nse and reach
iloiiimenti situ:itc in the t,,rritory of otlirr States \,iolrl&rliiitrrti3tion;il
rules of jurii~liition. Tliiii.up to :ipoint, \r,liat Belgiiim submits ioda!,.
irithe prtscnt cîit:. Spain did to an evcr grentrr cxtciit. Tlii; iî prcciscly
wtiat 5yaui todciy denies on a grourid \vliich prov~csttie iii~.onsiitriiic),of
its position ccrt.~iiil\ Spaiii did not in 1y49 sct on Canndinn tcrritory. ARGUhIENT OF MR. MANN 4'3
Nor did the United States between 1960 and 1964, act on Spanish
temtory. Yet, in 1964,Spain shared the otherStates'known 'urisdictional
and other objections to certain procedures and activitiesO1 the Govern-
ment of the United States.
1s Spain going to argue before this Court that it is entitled to exercise
an even more extensive enforcement jurisdiction than that which it
denied to the United States? 1sSpain going to make the further argument
that acts accomplished within its own temtory are, but acts accomplished
within the temtory of the United States are not, outside the purview of
the law of international jurisdiction?
There remains, however, a final aspect of the incidents 1have shortly
described. A number of States also enacted municipal legislation in
order to avert the consequences of what might be an Amencan excess of
jurisdiction. This happened, for instance, in Ontario by the Business
Records Probation Act, 1950; in the Netherlands by Section 39 of the
Economic Competition Act, 1956; in Nonuay by a law of 16 June 1967;
in the United Kingdom by the Shipping Contracts and Commercial
Documents Act, 1964,and, veryrecently, in Franceby Law No. 68-678of
26 July 1968 (Journal oficiel of 27 July 1968; Journal di6 droit inter-
national,1968, 1006; and InternationalLegalMaterials, VI11 (1969),109).
The British and the French statutes are ~. neculiar interest on account of
th? fnct tlinthe). crinblt:tlie transriii,ofoclocumcntj to bc proliibitcd
if icunstiriiri,":in inlriri<criicrit of [lie jiiriiùicri~ri \i.liicliiiii<lt:riritvr-
puts it, the transAssion "would be contrary to thérules of internationalibtaiutc
law or in any way injurious to the sovereignty of the French State".
Here, therefore, the existence ofrules of international law, such as Bel-
gium is contending for. has again been affirmed.
The other and final example which, we hope, the Court may find
hel~fui. istaken from the rich materialnhich the ~ractice of the courts of
the United States supplies and which discloses Ghat 1 may respectfully
describe as an exemnlary awareness of the limits of jurisdiction asserted
by Belgium in the pksent case. 1 am referring, by way of example only,
to a decision of the Court of Appeals, Second Circuit, one of the most
respected courts in the United States, in the case of Ings v. Ferguson
(282F zd 149 (1960).and in International Law Reports,Vol. 31, p. 2x9).
In that case, the plaintiff in the action, curiously enough the trustee in
bankruptcy of a New York Corporation, served a suhpoena upon the
New York branch of certain Canadian banks toproducedocuments which,
another coincidence, were in the possession of the banks' head officesin
Canada. The Court of Appeals held that the New York branches could
not be required to produce records of foreign transactions held by the
banks abroad. As the court said, and 1 hope this Court will find its
obsen.ations helpful:

"An elementary principle of jurisdiction is that the processes of
the courts of any sovereign State cannot crossinternational bonndary
lines and be enforced in a foreign country. Thus service of a United
Blontreal branch of a Canadian bank would not be enforceahle.pon a
However, amongst civiiiied nations, between whicli international
comity exists, procedures have long been established whereby the
requests of Iitigants in other countriesseeking testimony and records426 BARCELONA TRACTION
are honoured. Such reciprocity is evidenced by the laws which each
of the sovereign States has enacted to enable this purpose to be
achieved. Each State nevertheless by the very definition of sov-
ereimtv is entitled to declare its own national ~olicv with resDect
to $Üchalimitationsupon the production of record'sas its law-ma'kers
may choose to enact. For many years the time honoured custom
of seeking evidence in foreign-countries, particularly in cases in
which the aid of foreign courts may be necessary to secure the pro-
duction of records, has heen by letters rogatory. As the term im-
plies, this is a request made to the foreign court to give its aid,
backed by its power, to secure the desired information. The Federal
Courts (and the New York State Courts as well) have reco nised
this procedure in their provisions for lettersrogatow (28 u$.c.A.
1781 (Fed. R. Civ. Pr. 28 (b), 28 U.S.C.A.))."
And the court, Mr. President, concluded with the very significant and,
1 would venture to suggest, wholly convincing and helpful words:
"Upon fundamental principles of international comity, Ourcourts
dedicated to the enforcernent of our laws should not take such
action as may cause aviolation ofthe lawsofa friendly neighbour or,
at theleast,an unnecessary circumvention ofits procedures. Whether
renloval of records from Canada is prohibited is a question of Cana-
dian law and is best resolved by Canadian Courts. (Cf.GulfOilCor?.
v. Gilbert, 1967, 330 U.S. 501, 509, 67 S.Ct. 839, 91 L.Ed. 1055;
Vanity Fair Mills Inc. v. T. Ealon Co., z Cir. 1956, 234 F. zd 633,
645-647.) Full opportunity to obtain such a decision is afforded to
the Trustee by the procedural laws of this country and Canada. If
upon sucb proceedings, i.e., letters rogatory, the records are produced
the Trustee has by authorised means achieved this desire. If on the
other hand production were declared illegal, the motion to quash
should be granted as indicated in National City and in the decision
below hecause the exception of illegality under foreign law would
have been met. Only if, despite the ruling that production of the
records or sending them outside the country would not be iiiegal,
were there a refusa1 to make such records available, would it be-
come necessary to consider whether a subpoena should issue."
This Court, blr. President, will observe that in this closely analogous
case, too, nothing was or was intended to be done in Canada by the
plaintiff or by any authority of the United States such as the court which
had issued the subpoena. The command was addressed to New York
branches, its implementation !\-asto occur in Canada!
In the present case, the shares were under the control of National
Trust and, siuce July 1948, of the receiver, an officia1of the Ontario
was quite obvious that neither the National Trust nor the receiver couldt
lawfully part with the shares upon the command of a Spanish court, but
in any event, neither of them could do so without the consent of the
Supreme Court of Ontario. Mr. Justice Schroeder's judgment (A.C.M.,
Vol. IX, p. 240) renders it unlikely that such consent would have been
given, but whether it is likely or unlikely, it is ab;solutely certain that the
question of granting or withholding such consent could not be decided
othenvise than in enforcement proceedings properly instituted in Canada,
as a result ofuch procedures as the law of Canada authorizes. ARGUMENT OF MR. IlANK 427
Yet Spain even goes so far as ta suggest to this court (Rej., VI, p. 386)
that its criminal jurisdiction, designed to enforce the bankmptcy order,
reached National Trust asan "accomplice in a fraudulent bankruptcy"
and rendered it criminally liable in Spain for its failure to hand over
property under the control of the Canadian court.
The point, Mr. President and Rlembers of the Court, 1 suggest, does
not permit or need much elaboration. It is a short, but a weighty one.
Indeed, it is such as to sliock the conscience.
The case which Spain would ask the Court to sanction is the following:
any State can pronounce any Company bankrupt and therehy obtain
control over the company's property situate in the territory of a foreign
State and finally bring it within the confines of its owii temtory by
means of falsification and abduction. Such a result, 1respectfully suhmit,
would lead toa kind of inter-judicial warfare which this Court should not
countenance. It would lead ta international disorder and injustice and
would have the most serious economic and financial coiisequences al1
over the world, because it \vould undemine nomal and widespread
methods of international financing and credit.
The Belgian thesis is far removed from any such extravagance. It
invites this Court to limit a State's jurisdiction in bankruptcy matters in
Court to couclude that bankruptcy jurisdiction cannot be exercised in this
the absence of a real and substantial connection between the State and
the foreign Company and that the minimum required therefore is a place
of business or the ownership of substantial assets It invites this Court
to conclude, finally, that even where such connection ex{sts, bankruptcy
jurisdiction cannot, in the absence of "exequatur" or similar proceedings,
be enforced in such a manner as to encroach directly or indlrectly upon
the bankmpt company's property situate outside the territory of the
State which has pronounced the bankmptcy judgment.
Once again, Mr. President, 1 express my gratitude to you and to the
Court for the attention and patience with which you have listened tome.

TheCourtrose ut Ip.m. SIXTEENTH PUBLIC HEARING (7V 69, IO a.m.)

Present: [See hearing of 17 IV 69.1

ARGUMENTOFMR.LAUTERPACHT
COUNSEL FOR THE GOVERNMENT OF BELGIUM

Mr. LAUTERPACHT: Mr. President and Members of the Court, may
it please the Court, my task is to consider two questions.
The first anses under the general heading of what may be called "the
Belaian nationalitv of the claim". It iswhether the interests in resnect of
whizh the presen<proceedings are brought, namely the majorityLshare-
holding in Barcelona Traction, are Belaian in national character. This
broad question embraces two subquesti&s, reflecting the two main cate-
gian shareholders other than Sidro.y: first, Sidro; and second, the Bel-
Thus the first subquestion involves the identification of the Sidro
shareholdings in Barcelona Traction. It also includes consideration of the
fact that the Sidro holdings were registered in the names of nominees.
The second subquestion is concemed with the Belgian shareholding in
Barcelona Traction, other than Sidro's.
The second main question with which 1 deal is that of "préjudice et
reparation", or, as it might be put in English, "damage and damages".
The Court willhave observed that many of the arguments advanced by
the Government of Spain in connection with the question of préjudice
are essentially the same as the arguments upon which the denial of the
Belgian locusstandi is based. As my learned colleague and fnend Profes-
sor Virally willbedealingwith the question of jus standi, wehave agreed,
that in order to avoid unnecessary overlapping, he should treat the legal
argument common to these two topics.
However, Mr. President, before 1begin to deal separately with each of
the two main questions which 1have described, it may be of assistance to
the Court if 1 first refer to certain material which is common to both
questions. This material demonstrates one striking point-a point as
simple as it is important. It is that everyone who matters on the Spanish
side and who had anything to do with the Barcelona Traction situation,
whether they were government officials or interested private parties,
knew that the interests which were affected were Beleian and that the
peul,lc ivlio\r.oihed:iffccrcb!.rhc i~iitcuiii~of ~\.~iit<\i.uiildpriiicipall!~
hc th,: 1klgi;in .sIiarcli~ild~rjol Rlrceloii~ 'ï'roction. If 1 am ri~l1r-;~~
venture to-believe 1 am-in saying that the relevant persons, ëspecially
in governmental circles, appreciated and acknowledged the Belgian
chFirst, it disposes of the contention that the shares in Barcelona Trac-.
tion are not owned by Belgian nationals. At this stage of the case, what
does the precise extent of those shareholdings matter. except perhaps as
to quantum ofdamage,if on al1handsit isaccepted that they are Belgian?
Secondly, this material disposes of the so-called nominee point. What
does it matter that those shareholdings were registered in the names of ARGUBIEKT OF MR. LAUTERPACHT 429
nominees if, again, those who rely on this fact to deny to Sidro the charac-
ter of a shareholder in Barcelona Traction can nonetheless be shown to
have treated that self-sameSidro as a shareholder in Barcelona Traction?
Thirdly, one may ask, what is the point of contesting the Belgian
character of Sidro, the principal shareholder in Barcelona Traction, or of
Sofina, the controlling shareholder of Sidro? What is the point of con-
testing these facts if, at the same time, the underlying interests have al1
heen regarded bythe Spanish authorities as Belgian?
Fourthly, this continua1 acceptance that the interests in Barcelona
Traction were Belgian also affects the question of préjudice ordamage.
Whv sueeest that iniuries done to Barcelona Traction affect onlv the
ioiiipany \r.licnitwai~,:ilalong uiiderstood ttiat tlie partie\\.listiod to
lose I>\\vhat 11;11)pti1r\verL'the Uclrrianjliarzli~lders-tliose \.Cr\.sliare-
holdek with wh'im correspondence>nd negotiations so constanily took
place?
Sofar as theevidence of theattitude ofthe private parties isconcemed,
1shall do nomore than statethatthe documents before the Court provide
recurrent examples of a fundamental understanding by bIr.March and
his associates that the persons whose interests were really tied up in the
activities of Barcelona Traction's subsidianes in Spain yere the Belgian
shareholders of Barcelona Traction and, in particular, Sidro.
On the other hand, because of the direct legal relevance in interna-
tional legal proceedings of the evidence of the attitude and conduct of
the Spanish governmental authorities, 1 will dwell on this evidence in
more-detail.
Permit me, Mr. President, to begin with a reference to the materials
connected with the rejection bythe Spanish Government in late 1946 of
the proposal for the Plan of Compromise.
A report of 24 October 1946, from the Spanish Foreign Exchange
Institute to the hfinister ofIndustry and Commerce. identifies Sofina and
Sidro as Belgian companies (A.C.81..Vol. VI, p. 311).
This understanding of the position is soon reflected in the now famous
speech about the Plan of Compromise made by Rlr.Suanzes himself, the
AIinister of Industry and Commerce, when addressing the Cortes on 12
December 1946.
In the course of this speech he said, regarding Sidro:

"Sidro.. .is a Belgian company with its registered officein Brus-
shares, whileywning the shares ofaioaiiumser of tramway and electri-

city companies in Mexico." (A.M.,Vol. 1,Ann. 40, p. 219.)
Then, after referring to another company, Chade, hfr. Suanzes spoke
thus of Sofina: "Lastly, there is Sofina . .. a Belgian firm with a large
holding of Chade shares" (ibid.).
The Minister annexed to hisspeech a notefor inclusion in the record of
the Cortes. In this note he again reierred to Sidro, saying that "It is sup
posed that a largeproportion of Barcelona Tractionshares are themselves
owned by ...Sidro,a Belgian concem with its registered officein Brussels"
(ibid., p.223).And later on he repeatsthis informationin a less reserved
manner. He said: "1 told you before that most of Barcelona Traction's
shares were held by the Belgian company Sidro" (ibid., p.227).
Now. it is quite true that in two out of his three references to Sidro's
interests in Barcelona Traction the Mirlisterused the words "supposed to43O BARCELONA TRACTION
own", but is it evident, nonetheless, that the Minister had no real doubts
about the situation. It was apparent to him that behind Barcelona Trac-
tion stood Sidro and that Sidro was Belgian. 1 do not imagine that his
views would have changed if he had been told that Sidro's holding in
Barcelona Traction was registered in the name of nominees.
If there could have been any doubt about the matter, the Government
of Belgium on 27 March 1948,that is to Saywithin a bare six weeks of the
initiation of the bankruptcy proceedings, addressed to the Government
of Spain a diplomatic note asking the latter to ensure the complete can-
cellation of the measures adopted in respect of Barcelona Traction, of
Ebro and of the other affiliated companies (A.C.M.,Vol. VIII, p. 170).
In this note, which was the first in a series to which the distinguished
Agent for Belgium referred at the oral hearings in 1964(II,pp. 315 etsep.),
the Government of Belgium devoted a paragraph to emphasizing the
importance of the Belgian interests in Barcelona Traction:
". . .it should be mentioned that more than 70 percent. ofthe shares
of that company are owned by . . . Sidro, aBelgian company having
its registered office in Brussels. There are also many individual
shareholders of Belgian nationality. In all, more than 80 per cent.
of the shares issued hy Barcelona Traction are in Belgian hands"
(A.C.M.,Vol. VIII, p. 170).

And the note continued:
"The Belgian Govemment considers it to he clear from the fore-
going particulars that in this case there has heen a denial of justice
.. . which cannot fail to cause grave preiudice to legitimate Belgian
interests in companies which have properly pursued their activities
in Spain ..." (ibid.,.p. .72).
i\nd what repl!. did tlic Cu\.ernment of Sp;iin iiiakt.? Iti iiotc of2 Jul),
1948(:\.II., \'01 IV, p. 930) liniitcd iisi.lf to tnkiiig note of tiI:iii;iiitl
iiivokinc the inde~cn<lciiccofthcSuaiiis11 iu~licialnutlioritit.s.~fli~~~u~i~iri-
ment ~f~~~ain did not then raise, as it m&ht have been expected to do if
the intervention of the Government of Belgium was so unfounded and so
unexnected. anv obiection to the stated miunds of Beleian concern. Not
until'zz ~ecekber i951. some three-ana-a-half years rater, did the Go-
vernment of Spain first suggest that the Govemment of Belgium had no
right to act (A.M., Vol. IV, p. 1001); and even then it did no more than
suggest that the Canadian character of Barcelona Traction raised, as
regards the Belgian nationality of the affected interests, a presumption
to the contrary.
Thenext items of significance, Mr. President, and these itemsare very
significant indeed, consist of the materials leading up to the so-called
Committee of Ex~erts of laso.,..e Court will recall that in 1050 a ,"m-
mittee of I:upcrrs \vas sct up to cx3niiiic Ikiriclona Tr:ictioii's inveit-
iiicnts in Spain. 'i'hiicommittec \i.hich \vas tlie result uf:iiiiiitti-gotern-
mental arrangement. consisted of four Dersons. one Canadian, one Brit-
ish and two Spanish, each nominated Gy their respective govemments.
The Spanish members of the committee presented their own study of the
matter. They acknowledged the Belgian character of the majority in-
terests in Barcelona Traction. They were quite explicit on the subject.
In a section of their report entitled "Subordination to Sofina through
Sidro", the Spanish govemmental expert said: ARGUMENT OF &IR. LAUTERPACHT 43 1
"The subordination of 'Barcelona Traction' to . . .(SIDRO) of
Brussels, and that of this latter company to (SOFINA) of Brussels
are well known facts. In this way, therefore, SOFINA controls
SIDRO and, through this Company, 'Barcelona Traction' and al1the
Companies of this Group operating in Spain.
The above, besides being public and notorious facts, have resulted
fully confirmed in the course of our work. The control and influence
of SIDRO and SOFINA upon the Group 'Barcelona Traction' oper-
ating in Spain are so intense and far reaching that even leaving
aside the latter Company both SIDRO and SOFINA directly order,
rule and manage the undertaking in Spain.
The full control exercised by SOFINA over the Companiesoper-
ating in Spain is due to the fact that theaid Company has the vot-
ine control in SIDllO's General meetings. which in turn. has like-
wi:e the voting Control in the general mehg of '~arcelona Trac-
tion' either derived from their respective condition as direct owners
of the shares originating the votes, or because the said shares
belong to other Companies. or persons depending in their turn on
SIDRO or SOFINA, as thecase may be." (A.R., Vol. II, Ann. 127,

These telling passages, MI. l'resident, it may be noted, were omitted
from the extracts ~rinted bv the Government of S~ain in the Annexes to
its~ounter-~femohal. The? were, so it would apGar from the footnotes
attached to them, based largely upon theso-called Andany Report-a doc-
ument which "was drawn up to be submitted to the Committee in con-
sequence ofinstructions received from the Spanish Government" (A.C.M.,
Vol. VI, p. 69). So the Spanish Government instructed hlr. Andany to
draw up a report and on the basis of that report the two Spanish gov-
ernmentally nominated experts said what they have just been stated to
have said in their report. They asserted unequivocally the Belgian owner-
ship of the majority of the shareholdings in Barcelona Traction.
The next item, Alr.President, is a note of Ij February 1952 addressed
by the Belgian Ambassador in Spain to the Spanish Minister of Foreign
Affairs. Thisreferstothepossibility ofameeting between delegatesof the
Spanish and Belgiaii Governments with regard to Barcelona Traction
(A.C.BI.,Vol. VI, p. 1x3)I. n replying to this note, the Spanish Foreign
Minister did not rcfer to any absence of legitimate basis for concern by
the Government of Belgium, though this is what might have been ex-
pected had the Government ofSpainreally felt that nothingbut Canadian
interestswereaffectedby thesituation.Instead, theForeign Minister-the
Spanish Foreign Alinister-in an undated note, though one clearly
written quite soon after 15February 1952s ,aid:
,,
At our last meeting it seems there was a misunderstanding which
1 now hasten to clear up. \trhat 1actually offered you, [that is what
the Spanish Alinister of Foreien Affairs offered the Belaian Ambas-
sadoÏin Spain], following yo& request, was that ifthe-parties con-
negotiate a compromise and came to the Spanish Government with ao
ioint ~ro~osal.the latter would not refuse to examine it.After havine
biscussed thiçwith my colleagues in the Government who, for on:
reason or another, are particularlau courant with the question, and432 BARCELONA TRACTION

particularly with the Minister of Commerce, 1repeat this offer now,
settine it down in writine in concrete form.
~or"the moment, this 7sal1that 1 helieve we can do towards pro-
mot in^the compromise which, accordina to what 1 have heard. the
sharehlders' representatives were prepGed to entertain.
sador, the expression of my most friendly sentiments.".] Am(A.C.M.,
vol. VI, p. 114.)

Mr. President. can there be any real doubt that in this letter the Span-
içh Minister of Foreign Affairs was admitting the existence of the do-
minant and controlling Belgian shareholding in Barcelona Traction?
Can there be any doubt that he was conceding the right of the Govern-
ment of Belgium to concern itself in the matter? If this is not the correct
construction of this letter, how is it possible to answer the following
questions:
Why should the Minister have offered the Ambassador anything?And,
what is more, why should he have repeated his offer in writing in con-
crete form? Why should the Minister have corresponded with the Belgian
Ambassador about promoting a compromise between the parties con-
cerned in the Barcelona Traction matter? Why should the Mkister, in
this connection, have spoken of a compromise which the shareholders'
representative might be prepared to entertain? Why, if al1these questions
can only he answered in the sense that there were no Belgian interests
in Barcelona Traction, or that Belgian interests were unaffected, should
the Minister have concluded his letter by indicating that he was waiting
on the Amhassador's reply?
1turn now, hlr. President, to the next episode which may convenient-
ly be called "the Arthur Dean intervention". The Court will recall that
Mr. Dean, the noted American lawyer, made a numher of démarchetso
the Spanish authorities, both in Spain and in Washington, during the
years1954 and 1955 (seeII, Preliminary Objections,OralHearings, p. 388;
III, p. 695,and new documents submitted by Spa~n a-d Belgium in
March 1964).
In July 1954Mr. Dean visited Spain. On 12 July 1954he submitted
to the Spanish Minister of Foreign Affairs a memorandum on the subject
of the Barcelona Traction problem. Mr. Dean began his memorandum hy
declaring that he was "acting in the name and on behalf of Sidro, a
Belgian company holding a majority in the sharecapital of the Canadian
company, Barcelona Traction, and on behalf of Sidro's shareholders".
He requested from the Spanish Minister of Foreign Affairs, "an audience
for the purpose of greeting liim in the name of his principals"-in the
name of Mr.Arthur Dean's principals, Sidro, the shareholder in Barcelona
Traction. This passage, Mr. President, was quoted by the distinguished
Agent for Belgium in the course of his speech onII May 1964 during the
oral hearings on the Prelimina? Objections (see ILI, Preliminary Ob-
jections, Oral Hearings, p. 876):
Mr. Dean was subsequently received by the Minister of Foreign Affairs
with a view to discussing the matter. This occurred on at least two oc-
casions in July 1954M. r. Dean was also accorded one interview with the
Spanish Head of State on the same subject-matter. The fact that these
meetings took place appears quite clearly from the letter o22Jnne 1955.
At the meeting with the Spanish Head of State, Mr. Dean's letter repeats ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 433
"we [that is Mr. Dean on behalf of the Belgian interests] stated Ourwil-
lingness. on grounds of equity and natural justice. to hold available a
part of the enterprise for acquisition by the Spanish State on terms the
prime consideration of which would be the interest of the Spanish econ-
omy. His Excelleucy was kind enough to tell us that the matter would be
studied."
From a further letter filedby the SpanishGovernment at thesame time
as the Dean letter just referred to, this lime a letter from Mr. Dean to
Mr. Pearson, the Cauadian Secretary forExternal Affairs. dated I July
1955, it would appear that Mr. Dean was again in Madrid in March and
early April1955, and that on 4 April 1955 he had a further meeting with
Mr.Artajo, the Spanish hlinister of Foreign Affairs. The Minister request-
ed &Ir.1)ean to file a petition addressed to the Spanish Government,
asking it to intervene, confining the petition to the question of the public
interests of the State and the juridical basis forits intervention.
Now, Mr. President. my point on the Dean intervention is very short.
Here we have Mr. Dean, who represented Sidro, the Belgian company,
which owned a majority of the shares in Barcelona Traction and which
thereby controlled that company. being received on at least three oc-
casions by the Spanish Foreign Minister and on one occasion even by
the S~anish Head of State. for the Du.Dos.of discussine a -onstructive
scttlc;iicnt of tlic 13arcelonnl'rnctioii prolileni.
\\?IIitbe siigyést~dchat tlicsc iiiojt ~listiiigiii;licdSpnnish pcrso1i;igc.s
(lid iiut kiii>tli~t Sidro coiitri,llcd U3rcelon;i l'r;ictiuii? \Vit1Iicsdid
that these distinguished representatives of Spain would have been less
interested in what Mr. Dean had to say if they had known that Sidro's
shares in Barcelona Traction were registered in the name of nominees?
Will it be said that they did not know that Sidrowasa Belgianenterprise?
Clearly, hlr. President, none ofthese things can be said. And this being so.
what conclusion may wedraw? That for al1practical purposes in 1954and
1955 the very highest authorities in Spain accepted the existence and
identity of the controlling Belgian interests in Barcelona Traction.
1appreciate, Mr.President. that this is not a situation precisely on al1
fours with that reflected in the episode known tointernational lawyers as
the Ihlen Declaration. (See the Judgment of the P.C.I.J. in the Legal
Status of Eastern Greenland,Series A/B, i\'o5.3,p. 71.)
The fact remains that, if 1may use the words of Mr. Justice Frankfur-
ter in the United States Supreme Court, "the ultimate thmst of the con-
sideration of fair dealine" which underlies the views exmessed bv the
Pcrmnncnt Court of ~ntrrnational Iujticc iiithe f:as/~riiGrze,i/a>id~3se
oii the subiect ofthe Ililci1)ecl:ir;itiui; iioIr.ss..pl~licablein the prcsent
casThe material which 1 have here collected and which might othenvise
have remaineci scattered throuehout the mass of the oral and written
pleadings in this case is evidence of awareness and acceptance by the
Spanish Government of the followingfive points offact, each of which is
important in the present case.
First, that Sidro iç the majority and controlling shareholder in Bar-
celona Traction.
Second. that Sidro is the majority and controlling shareholder not-
withstanding that at the material dates part of its holding was registered
in the names of nominees.
Third, that Sidro was the majority and controlling shareholder on 12 ARGUMENT OF hlR. LAUTERPACHT 435

concluded by the admissions of the Govemment of Spain. Nonetheless,
Mr. President, 1must hriefly recall to the Court the salient considerations.
1start with the interests of Sidro in Barcelona Traction.
It is sufficient to Say first that of the 1,798,854shares representing the
capital of Barcelona Traction. Sidro possessed 1,362,593at the date ofthe
declaration ofbankruptcy in 1948 (Memarial, 1, para. 6. p. IO),and that
it possessed 1,385,742 on the date of the commencement of these pro-
ceedings in 1962 (Memorial. 1, para. 18. p. 14). These shares were partly
registered shares and partly bearer shares.
(Memorial, 1,epara. 4,es IO)eand 1,354,514in 1962 (Memorial,8 i1,para. 13,
p. 13). The Spanish 8 ovemment has never contested these figures, in-
deed it is impossiblefor it to doso. Instead it limits itself ta claiming that,
according to international law, the owners of these shareshave no right
ta protection because the shares were registered in the names of nominees
of American nationality. This is a contention to which 1shall in due
course turn. But 1shallgo onforthe moment with the Sidroshareholdings.
Having dealt with the registered shares 1 turn ta the bearer shares.
The bearer shares numbered 349.905 in 1948 (Memorial, 1, para. 6,
p. IO) and in 1964, 31,228 (blemorial, 1,para. 17, p. 14). The reason for
this significantlv lower number was that 74-.7.- of these shares had in
the inïerval, in-~ebruary 1952, been converted into registered shares in
the same Company,which explains ofcourse the increase in the number of
registered shiresbetween 1948 and 1962.
The Belgian Government has established the reality and correctness
of these figures with the help of the balance sheets of Sidro (A.O.S., Vol.
II, p. 307).of declarationsmade by Sidro on 12 March 1946ta the Belgian
National Bank (A.O.S., Vol. II, para. 16,pp. 224 et seq.),which acknow-
ledges having received them, of a certificate addressed by the Belgianl
sequestrator (A.05, In";01. II, App. 3, para. 28, p. 309). and of a letter
from the Canadian Department of State of 29 April1947 (A.O.S., Vol. II,
Dara. 17. D.216).
' To thGe dor;inentj ttie (;oi~ernmenr of i3elgiuiiili:js iio\r bccn able to
:idd3 fiirtticr(:ertili<::ite(,\.I<.. \'ol II. p. 74711s)hy the Inspector
of 'l'axesof the seciion dealine with Si(lros ;,fiairs 'l'liistvidcnces tli:it
each year in an annex to thevdeclarations relating to its income Sidro
listed the Barcelona Traction shares which it owned, moreover. the
number of shares thus declared corres~onds to the fieures - -n bv
I3elgiuinin XIIitj\r.rittcn pIc:~(lirigs.
Soiiet1ielt.s~.the fir5.tcomni,:iit which the Go\~criimcntof Spain mnkes
isas follows:
"...torely on a certificate by the Inspector of Taxes at Brussels in
order to prove Sidro's ownership of 349.905 Barcelona Traci!on
bearer shareson 12 February 1948amounts just the same to availing
oneself of a presumption: namely, that a sale and repurchase of an
identical number of shares did not take place between 30 June 1947
and [30 June] 1948, for if something of this sort did occur, no trace
ofit would, of course, be found in the certificate by the inspecter of
tases" (Rej., Vif .. 948).
1need Ii:ir<llypnust: to point to the absurdit). of the suggestion that
Sidroshould in thc sl>;iccof 12nionths.and with no apparent reason, seIl436 BARCELONA TRACTION

and re~urchase not simplv au identical number of shares in Barcelona
'l'rdction.lut a qiiantit): <mountiiig to something like jo per ccnr of the
bearer shares iii Barc~eluiiaTractioii. Howe\~cr,1return to the point made
iiitlie Keioiridcr.1'0 rii;ika criticism in the terms ivhich 1have iiist iead
is simpli to overlook the wording of the certificate, which. is quite
specific on the matter. The certificate states precisely that in an annex
to itsreturns for a number of years, including 1q47and 1948,

". ..the Sidro comnanv d~ 2are~~~-~~~~nts in its ~ortfolio of
securities [that is to say the purchases and sales]. ..anddidnot show
therein anv sale or uurchase of Rarcelona Traction shares". (A.R..
Vol. 11,

Could one be clearer or more to the point?
The truth of the matter is that the inspecter's certificate is an exceed-
ingly cogent document. It enahles me to submit that it is virtually
beyond discussion that of the 1,798,854 shares of Barcelona Traction,
Sidro owned in 1948, 1,362,593 and in 1962 1,385,742. This is the
equivalent of 75 percent. of the total share capital of BarcelonaTraction.
1must now. Mr. President, tum to a question which is connected with
Sidro's holding of registered shares. Having disposed of the basic facts
relating to the registered shares and relating to the bearer shares, 1now
cometo this point oflaw which is limited in its relevance to the registered
shares. It is the part of the case which may, for convenience, be called
the question of nominees. In my submission this is a question which
involves on the part of the Govemment of Spain a completely formalistic
and verbalisticcontention. But as the matter hasbeenraised. the Govern-
ment of Belgium has no alternative but to deal with it.
says that if the Govemment of
In effect, the Govemmeut of Spain
Belgium is entitled to maintain a claim on behalf of a shareholder in
Barcelona Traction then the Government of Belgium must show that
that person actually is a shareholder, not in the sense that he is the real
and effective owner of the shares, but in the sense that he is also the
nominal shareholder. What matters, so the Government of Spain would
have the Court accept, is the form not the substance. As the duplique
says at one point:

". ..But as long as the legal title has not been transferred to the
beneficial owner, and the two elements have not been united in his
hands, he is not formally the holder ofthe title [titulaire1 ofownership
[propriété](Rej., VII, p. 960).
This is the heart of the Spanish contention. \Vhile the injured party
may in al1substance be the owner of the property which has been the
object of spoliation, nonetheless unless he can also show that he is
formally the owner, his claim must fail.

lloreover, so the Spanish case goes. it is not sufficient that the owner
should he able to demonstrate that for many non-substantive, as well as
al1substantive purposes, he is the owner in municipal law. He must, so
the argument goes, actually show that his name appears as the registered
owner. No matter how thin the veneer of formal ownership may be, the
claimant must be able to cover himself with it.
Mr. President, at this point 1ought perhaps to pause to Say that ahen
1 venture to describe in my own words the manner in which the Govern-
ment of Spain puts its case, 1 do so with some hesitation. This is not ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 437
because 1cannot, or donot, read the arguments set out in the pleadings;
itis because there has come a moment at which 1 find it genuinely
difficult to be sure that 1have identified the tme content of the Spanish
case.
At one point in the Rejoinder the Government of Spain makes the
following remark:

"In its summary of the general argument of the Spanish Govem-
ment on this point, the Belgian Government [and 1 quote the
which has been translated as a 'statemcnt of well-nigh scandalouse
inexactitude']." (Rej., VII,p. 966.)

What words did the Government of Belgium use which merited such
strongcondemnation? Asquotedin theReloinder theywerethe following:

". ..The SpanishGovernment ...maintains that in international law
the true owner has no right to be protected if his nationality is
different from that of the nominee. The Spanish Government adds
hecause thehnominee has no real and effective interest in the shares."

That was the Belgian description of what it understood to be the Spanish
case, a description which was strongly criticized.
These are the words which are alleged to represent so incorrectly the
viewsofthe Govemment of Spain.
Yet, Mr. President, when 1do no more than turn over one page of the
Rejoinder 1 findin apassage formulated by theGovernment of Spain its
own statement of the same point:
". ..it would appear certain that the beneficial owner does not have
the right to be protected as a 'shareholder', for the very simple
reason that heis not a shareholder at al]. As for the legal owner who,
on the contrary, is undeniably a 'shareholder' from the standpoint of
law, he is nonetheless exposed tothe risk that the State to which the
claim is addressed may reply thereto that the legal status relied on
is notreaI and effective." (Rej., VII,p. 947.)

1s it surprising, Rlr. President. that 1 find the Spanish case baffling
when on one page 1 read the Belgian summary of its opponent's case
descrihed as "inexact" and, on the next page, 1find the Spanish Govem-
ment's statement of its own case in, do 1 dare Say sa, well-nigh the same
words.
But 1 must return to the substance of the question-at any rate the
substance as 1seeit.
position that it takes? In theory, there could be only two places. One is
in municipal law, the other is in international Law.It might be thought
that ifthe relevant system of municipal law treats the beneficial owner
as the owner of the shares, international law-which has never been
regarded as a more rigid system of jurisprudence-would do likewise.
In saying this 1 am not, of course, suggesting that the standards of
municipal law can prevail over those of international law. But unless it
can be shown that for the purposes of the protection of the interests of
ûliens international law requires a standard of connection between an ARGUMENT OF hlR. LAUTERPACHT 439
Second, that the nominee does not pay any taxes in respect of the
dividends received upon the shares.
And, third, the transfer of the sharesby Sidro to Charles Gordon &Co.
and by Charles Gordon & Co. to Newman & Co. and eventually the
retransfer by Newman & Co. to Sidro did not attract any transfer tax
because no transfer of ownershi~ was involved.
Nonetheless, notwithstanding the acceptance by the Spanish Govern-
ment of al1those crucial details, the latter still contends that Sidro isnot
the owner or the shareholder of the shares in question. This contention
must, in my submission, be tested by reference to some system of
municipal law-not municipal law in general. but of some particular
municival law.
~cc~rdin~ly, the first submission which the Government of Belgium
makes in this connection is that in any particular case the true nature of
the relationshiv between the owner and the nominee must be determined
by the proper iaw of the relationship. This contention was advanced on
behalf of the Belgian Government in the oral proceedingsII,pp.513-514
and III,pp. 941-944)and was repeated in the Keply, V,p. 700). Yet, quite
strikingly, it has struck no responsive chord in the Spanish pleadings.
True,the Kejoinderdiscusses theevidenceof UnitedStatesandCanadian
law given in the opinions of Professor Chayes and Mr. Mockridge (Rej.,
VII, pp. 959-965). But the Kejoinder nowhere admits that the matter
Instead, such discussion as there is of United States and Canadian law is
an exercise in verbal gymnastics based exclusively on the opinions filed
by the Government of Belgiurn.
My second submission on this point consists of the followingelements:
first, in the present case the relevant systems of municipal law aree
of the United States of America and of Canada. Secondly, the Govern-
ment of Belgium has produced full and clear evidence of the content of
the relevant municipal law by experts in those two systems of law. Third,
this evidenceis quite simply to the effect firstly, that in both American
and Canadian law, Sidro is the owner of the shares in question and
secondly, that the nominees were no more than agents through whom
certain of Sidro's rights as shareholder were to be exercised. And the
fourth element in my submission is that the Govemment of Spain,though
it has had ample time to do so, has not brought before the Court any
evidence of American or Canadian law contradicting the opinions of
Professor Chayes and Rfr. Mockridge presented by the Belgian Govern-
ment. It is,therefore, quite understandable that the only course remaining
open to the Spanish Government is to pursue its terminological argument
bv reference to some eeneralized and uns~ecified common-law svstem.
&ch generalized arguments do not po;ide. so the GovernmGnt of
Ueleium contends, anv sufficient basis on which the Court can reiect the
evidence given onbehilf of the Government of Belgium.
Each of these four elements, hfr. President, calls for some slight degree
of elaboration.
United States andresCanada. This identification is based on generalthe
principles goveming the choice of law, the application of which, as a
result of thedecision in the Serbian and Brazilian Loanscase(P.C. I..
SeriesA. !\'os.zolzr) is not unfamiliar to the Court. It rests upon facts
which are indisputable. The nominees, Charles Gordon & Co. and New-44O BARCELONA TRACTION

man & Co., were American firms, estabiished in New York. Their
relationship with Sidro was governed by contractual instruments made
and to be performed in New York. The form of the agreements was one
famiiiar in New York law. So far then as the interpretation of the con-
tracts isconcerned, the task of this Court is to apply the law of New York
in the manner in which it would be applied bya New York court. At the
form of shares in a Canadian company, it is nëcessary to consider what
provisions, if any, of the law of Canada affect the treatment of the shares
in the manner contemplated in the agreements. This is the basis on
which the problem has been approached in the evidence of Professor
Chayes and ofMr. Mockridge (seeA.R., Anns. 125 and 126).
Secondly, the contention that the Government ofBelgium has vroduced
full and ilear evidence of the content of the relevant Amencan and
Canadian law requires no elahoration. As stated, the Belgian Reply
contains two appendices in which the relevant issues of American and
Canadian law are fully and clearly discussed in opinions by experts who
have directed their examination specifically to the issues which anse in
the present case. Not merely experts, 1 should Say, Mr. President, but
legally qualified experts.
Thirdly, the content of this evidence is sttiking in its clarity and the
Government of Spain bas not sought to rebut it with any contrary
evidence. Thus the exidence of Professor Chayes and Mr. hlockridge
stands unchallenged.
Let us take the position, hlr. President, in American law first. Nothing
could be more explicit than the conclusion of Professor Chayes, which 1
shallread:
"For the foregoing reasons 1 have the honor to conclude that
neitherSecnritas, Ltd., Charles Gordon & Co., nor Newman & Co.
ever had any property interest in the Barcelona Traction shares.
except for the period of the German occupation of Belgium dnring
World War II, when Securitas, Ltd., held them as Trustee. With
this sole exception, the three companies were at al1 relevant times
agents of Sidro, thetrne owner of the shares. Al1of the property
interest in the shares was in Sidro. The only consequence of the
arrangementshere discussed, including the registration of the shares
in the names of nominees. was that Sidro had to exercise certain of
the rights appertaining to share ownership through instructions to
its agents, the Nominees, who were the shareholders of record."
(A.RY,Vol. II, Ann. 125,p. 722.)

Mr.President, that isthe view ofAmerican lawexpressed inunq'ualified
terms by a properly qualitïed and highly authoritative American lawyer.
The position in Canadian law is no less explicitly set out by nlr. hlock-
Charles Gordonrms&thCo. and Newman fiCange:o. are normal and proper
transactions under Canadian law and practice as affecting shares in a
company incorporated in Canada (A.R., Vol. II, p. 731). He states that
these arrangements constituted Charles Gordon & Co. and Newman &
Co. as agents of Sidro, who remained the beneficial or real owner of the
shares (ibid.,p. 732).
So mnch for the third element in my solution. Now 1will tum to the
fourth elernent. ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 44'

The Government of Soain has done nothine to refut- this evidenc~. ~ ~ ~ ~ ~ ~
II lias. in fnct. admitted al1 the essentidi of the relationship het\r.een
Sidro and ils nominees. It has ~drnittctl t1i;tr the bcneiicial interest in.
or the economiz content of, the o\r.iiersliip lias rcmnined in Sidro. Sot
t\.itliout petulance, ttie Spanish pleadings have :ifirriied tlitje ndmissions.
1%iit non~tlitlc~s. the Go\.ernineiit of Spain has iiiaiiitained itj attempts
to ciist doubt upon ttie \,nlidiiy. propricty ;iiid cHect of tlicsc arr;iiige-
meiits hy reference to margin:il .oiisidcrations of an irrïlcvaiit niid
unfoundëd character.
Let me mention, if 1 may, 111.President, five of these which appear
repeatedly in the Spanish arguments: first, though Sidro is admittedly
the owner of the economic interest in the Barcelona Traction shares, the
legal owner or shareholder is the nominee.
As to this, the Government of Belgium can only proceed on the basis

that words such as "leeal owner" or "shareholder". since thev are so
hcavily rclied iipon hy the Goi.çrnmeiit 01 Spuiii. musr first hc capable of
hc:iriiig somcspecificItgal coiitcrit :ind sccuiidl). 1)~su capdhlc iritçrms of
sume soecifics~.~teiiiof ii:ttion:il IR\v.11is on this hiis that the C;nvrrn-
incnt ;f Bclgium haî sought tu identif? ~,rcciselytlic r,:lcv:int syitém
oi ta\l.nn(!. liaving donc so. has obtliiied cïpcrt e\'idericçdirecti:d tu tliesc
pOllltE
Suw thiî e\~idciiccshow, heyoiid aiiy di~uhttlint the attcinpt b!' the
Go\,criiiii~:iitof Spaiii, albeit without ;iiiy referçrice tu aiiy speciticsyîtem
ofln\r. to trent thc legalowncrshipor sliarcholdiiig nshziiig inth? iiomiiiee
isenrirely uiisu~~~~ort~ bd the relevaiit legal systéms.140thAmencari and
Cariadi;iiiIn\vnttribiite 3 clenr contcnt tu the riic;triiiigof Lut11o\vnt.r.jliip
tirid shnrcholding. and IIIboth systénisof law Sidrv is tlic [rut owncr or
cffectii.c ;liareholder. These simple facts are iriescap;ihlc.
Srioiidlv. tlic (;overnmeiit of Sr>:iinscçks to raat çomeduuht upon the
legal effeccof the use of nomineei by raising questions as to the fime for
which the relationship endured. This, however, as the evidence shows,
1squite irrelevant. The legal character of the relationship is unaffected
by the length of its duration, whether it is short or long.
Thirdly. the Government of Spain constantly reverts to the fact that

in contrast with some firms whose corporate name includes the word
"nominees", Le., Barclay's Bank Ltd. (Nominees), the names of Charles
Gordon & Co.and Newman & Co.contain no reference to their nominee
character. .-\gain. the e\,idciice shows quite clcarl!. t1i:it tlic {irescnccor
ahsence of :Ipiiblic indic:ition of the nominec stntui uf tlir ihart,holdcr
oii rt:cord does riot :tffect titliçfi t.~li.lily01 the proprict!.of th2 reI:,.
tionship, whether between the true owner and the nominee or hetween
the true owner and third nartre~.
1ndct.d. thc implicîtioii tliat then: is soinsthiiig Ivrongwith a nomiiiee
rrl;itionsliiu in whicli ther,: is no iiidiciitiuof tlic iitii:itiuii iî quite with-
out foundition. It is as if, when 1 am driven somewhere in my motor-
car. the law were to imply some sinister conspiracy hecause the driver
and 1 did not put a sign on the vehicle saying: "The driver of this car
does not own it; he is only the chauffeur."
This argument, Mr. President, is closely connected with another ad-
vanced by the Government of Spain, to the effect that in the present
case the relationshi~ between Sidro and its nominee was concealed. It
was not concealed. I'here was no need to conceal it. Equally, it was not
proclaimed because, again, as a matter of local law there was no need tow2 BARCELONA TRACTION
proclaim it. One may ask, moreover, whether the identification of the
nominees as beine nominee holders would bv itself have shed anv sub-
stantial liglit un tÏie position-unlcssthosc for wliom thr nomiiieecacted
werc named: a proics which isquitc iiiconsistent \vitIltlii. wliulcnominee
system.
Finally, Mr. President, the Government of Spain has sought to draw
a distinction between what it calls"internal relationships" and "external
relationships" (see Rej., VII,p. 961). It accepts the relevance of the exis-
tence of beneficial interests in relation to internal relationships; it denies
their relevance in relation to external relationships.
This distinction may have a certain forma1 attraction because the
verbal opposition between "intemal" and "external" is manifestly un-
deniable. It is. nevertheless, quite an unreal distinction. The point is that
for the purposes of the present case we are concemed to determine who
is the owner of the shares in a sufficiently meaningful sense to justify
the protection by intemational law ofthat owner's rights and interests.
When the Government of Spain points out that a distinction is to be
drawn between internal and external relationships it does nothing to
significant purposes the "owner" for external purposes is more thet for al1
"owner" than is the owner for internal purposes. This the Government
of Spain does not deand, indeed, never could do.
Finally, Mr. President, 1 must refer to the suggestion made in the
Rejoinder (VII,para. 23, p. 959) in the following terms:

".. . the opinion exuressed bv the exoerts to whom the Belaian
Governmeit appliedèertainly does not Permit one to conclude mhat
they themselves were unable to affirm, namely, that in American
or Canadian law the beneficial owner of the shares was. as is claimed.
'the shareholder"'.
Perhaps, hlr. President, one could ask for no clearer indication of the
esseutially verbal and forma1 character of the whole point which is
being made by the Government of Spain than onefinds in this quotation.
The Government of Spain has demonstrated with fidl forcc that its
concern is not with the identification of "beneficial owners" of shares
but with somebody who possesses the mystic name of "shareholder".
Even so. this assertion is hardlv in accordance with the evidence of
the documents tlieriis~~l\~r:iiiid in.:i11fairness tu Profrajur Cli;i)cs and
Ir. \lockridge 1arii iliir\. tioiind to asktlicCourt to look ai what thé\
said.
Thus, Professor Chayes says expressly (see A.R., Vol. II, Ann. 125.
p. 715) :"Except as necessary to protect the corporation, the unregistered
owner is the shareholder." As regards hlr. hlockridge's opinion may 1
invite the Court to look at paragraph 12 (A.R.. Vol. II. Ann. 126,p. 727)
of that opinion. He there says:
"Notwithstanding the provisions of Sections 34 and 36, the courts
of Ontario will, in a case wherc the registered shareholder is shown
to be a mere nominee, enforce to the full the proprietary rights of
the beneficial or real owner and will comnel the nom~nee~to Dav
oirr to ttic rcnl oivner an!. dii.idendi or diitrib~itiuii, un tlic aticires.
tu \,ote or ottienvisc rxercis<-his rightsansh3reholdzr in :iccordance
witli the iristructions of the renl owner and to trniisfer the Iegal title ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 443
to the shares as the real owner may direct. Thus the tme interests
of the real or beneficial owner in the exercise of the rights ofpropri-
etorship or ownership in respect of the shares are fully protected."

True, hlr. hlockridge does not Say, in specific words, that the real or
beneficial owner is a "shareholder". but he illustrates his point by refer-
ring to the Gaby case in which the Ontario Court of Appeal expressly
held that the word "shareholder". as used in an agreement, had-
". . ;i\vider sigriifi~stionand cutend[ed] ta and include[d] sh;ires to
which ;<part!. coiild pruvc an equitablc titlc. one ttiat hc coiild have
perfected hv registratiùn" {Al<. \'al. II. Ann. ~zb. p. 723).

TheCourtadjournedfrom 11.20 lo 11.40 a.m.

My submission by way of conclusion, on the question of nominees, is
t\\,o--folci.
First. the (;uveriimeiit of Relgium has estahlislicd by refçrerice to
e\.ery criterioii~frelevant municipal la~vthat Sidro is the owncr of the
rcle\.;int j1i;trtiii liarcelona Traction. notwithstandine - the f;ict of
nominee registration.
In the second place, and correlatively, the Government of Spain,has
failed ta show that the existence of the nominee registration hasdepnved
Sidro of its quality as a shareholder or as owner of shares in Barcelona
Traction.
So much then, Mr. President, for the.position in municipal law. It is
now necessary for me ta turn to the intemational law side of the question
which, in my submission, is by far the most,important because, as 1
suggested earlier, municipal law cannot override international law. As
international law takes the view that, having regard ta al1 the circum-
stances of the case, Sidro is the owner of the shares, then that is suffi-
cient for my purposes; and so 1now turn to consider what is the inter-
national law position.
The Belgian submission in this connection is very simple.
First. international law is concemed with the protection of certain
categories of rights and interests of aliens. When &e speaks of the pro-
tection of a shareholder. one is using a convenient legal shorthand, a
convenient terminoloev. to describë one ~articular factual situation
\rftiichis r~c~giiizt~t>(:intrrnational Inw 3s ippropriate for protection.
The sharetiol<lcris thus protected iiot hecnusc he is techiiii:iln\sli:irr-
holder in any forma1 senie of the word-in any fomal mun:cipal law
sense-but because he is substantively connected with the shares in a
manner which international law deems worthy of recognition. This is a
fundamental point.
The Government of Belgium developed it in the course of the Reply
(V, pp. 707-709). and there it relied on the clear acknowledgement by
the Permanent Court of International Justice in the case of Certain
GernzanInterests in Polish Upper Silesia (P.C.I.J., Series A, No. 7) of
the concern which international law has for the protection not only of
property, but of rights and interests in property.
It is.1venture to suggest, significant that wliile the Rejoinder devotes
one full page ofprint (Rej.,VII, pp. 970-971)to a comment upon what the
Govemment of Spain itself describes as the decisions of a minor domestic
United States court which, according ta the Govemment of Spain, does444 BARCELONA TRACTION

not even apply international law, its response to the Belgian reference
to a decision of the predecessor of this very Court, the Permanent Court,
demonstrating the concern of international law with the protection of
rights and interests, is limited simply to the blunt assertion that the
theory is manifestly deprived of al1relevance to the question (Rej., VII,
r- 768-,
\Vhat. une inay ask. is su iii:iiiifeitly irrc1zv:int aliour th21 psrt of
inteniationnl Inw\vhich 13concerncd \i,ith thc identiiicntion oftlic nîture
of the connection between an individual and property affected by in-
iurious action? 1s not this part of the case concerned with that very
Ürohlem? Of course the theoiv of riahts of interests is relevant here. and
hy learned colleague Professor Virilly will also show how it is relevant
in the wider context of the protection of shareholders.
Accordmelv. Mr. President. 1 res~ectfullv invite the Court to follow
the course,'i~r\rliich tticre cx/sts ckar aiid iiiiple prcccdent in th,. jiiiiî-
prii\lcncc ul the Court's prédecessur.of recugnirinq tliat tlicsul>st.inti\.e
ri~hts and intcr6:sts of Sidro nrc t!ntitl<:dto recorrnitioii niid nrotccti,,ii
nG,t\i~thsrandin~ the existcnce oi the nominee rt"pibtrntiori . .
Ihc sécon(lUelginn ~>ropositionis that, quitc apnrt froni the jigiii-
licniit oréczdcntscmaiiorin~ from the Pcrmancnt <:onri of Iiitrriiariuiial
~usticéin support of the protection of rights and interests, there is ad:
ditional international iudicial authoritv bearine even more directlv uuon
the ~articular oint réeardine nominees.
piecedent r/cognizeSthat & cases where there is an apparent division
of ownership as between a formal or legal owner, on the one hand, and
a beneficial. substantive. actual or eauitable owner. on the other. inter-
national la; has identifiédthe national interest by réferenceto thélatter
group of criteria and not the former; international law has concerned
itself with the beneficial. the substantive. the actual. the eauitable or
the real ownership.
This proposition is illustrated by no less than six international cases
and a number of decisions of the United States Foreign Claims Settle-
ment Commission. Beyond reminding the Court that these authorities
have already been extensively considered in the pleadings(O.P., II, I 64
pp. 515-519: III, pp. 841-843 and pp. 944.946; C.M., IV, pp. 676-&o f
R., V, pp. 709-717). 1should like to refer in detail to one case only, and
that is the decision in the McPherson case-a case decided by the United
StatesIMexico Mixed Claims Commission under the Convention of
8 September 1923 (Washington, 1927. p. 325).
1 select this case for three reasons: first, it is a decision of an inter-
n;itiunnl tribunal; secoiid, its fncts comc 35 CIUS CO tliuje of III?prcjciit
cas~-or nt anv rite of the pr~icnt yrol>lciii in tliis csc-:is ij1,us.ilile
\iithoiit nsti~.~llvh:i\iii:Ic:isz .iR(iiilitres rt<ci;tsred in the iinniej of
nominees; and ihird, açthe Government of Spain has chosen to examine
the case in some detail in the Rejoinder (VII, pp. 969-970; para. 33),
those uassaa.. of the S~anish arpument mav reasonablv be scmtinized
as, prc'sum:~hly. :if:iir ek:irnplc ui th,: trchrihiic of cùninieiit piirsucin
tlir ~jleidinjij of thc Government of >p.lin, not only in itiIntrst \i.rittcii
pleading büt, indeed, throughout the Case.
And so, with your leave Mr. President, 1 turn to McPherson's case.
The factsmay be very brieîiy restated as follows.
This was a claim made on behalf of McPherson to recover the amount
of eight postal money orders issued by the Mexican authorities. in the ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 445

name of a man called Davidson. The United States Govemment. as the
plaintiff govemment, contended that Davidson was a duly authorized
agent and banker for McPherson; that Davidson bought the orders with
money belonging to hlcpherson and, therefore, that he held the orders
on behalf of hlcpherson. The Commission unanimously found in favour
of the United States' contention.
The first comment of the Govemment of Spain upon this case is as
foIlows:

". . . there was plainly no questior, of nominees in this case. But
the Ap. .cant considers 'that the ~robiem was the same as in the
present ca;~'. I,cc.<u~c [.\iid hcrc (hécpaniiti arguincnt is quoring
the f3eiçi;lii.~~iiiilçllt]'jujt ;ij I~~\,id~uiiw:ls .\~cb'liçrjoii's:igciit.
53 tht iiuiiliii~ri in thicrise arc Sidro j agunts' :Theil the Spdiii-II
argument ~.uiitiiiiics] Uut the tivo situ:itions :~rc,c\~n ii, it~trd,
obviouily diiftrciit: sharcholdcri rcgi3tcrctl IIItlic In~uliiof ilconi-
Danv, even when thev are nominee of different beneficial owners.
>anhot be compared fo a simple agent for the purchase of a mone;
order." (R.j.. VII, p- 9~9...
1 readily admit, Mr. President, that NcPherson's case is not a case
about nominees. 1 readily admit thatan agent who buys a money order
is not expressis verbis identical with a nominee in whose name shares
are registered. But 1 do not for a moment accept that there is no room
for comparison between the two situations. 1 do not accept that it is
enough for the Government of Spain so hluntly and without rational
development to assert the absence of comparability between one case
of agency and another. For they are both cases of agency and the rele-
vance of McPhenon's case is thatit establishes, as 1willpresently demon-
strate to the Court, that the Commission in that case was concerned not
with the identity of the agent. but with the identity of the principals,
just as in this case 1 shall submit that the Court is properly concerned
not with the identity of the nominee but with the identity uf the prin-
cipal. the true beneficial orvner of the shares.
There is. in fact, a very close parallel between the two situations. The
way in which the Afexicanobjection to the American claim in McPltersoiz's
case is stated is as follows. and this is quoting the objection of the

Afesicaiis:
". . tlie moilcy urilçri il1question are not the propert) of the claini-
nnt. the!, haviiig Ixrii isiiicd i~rIke nasnc O/ Jotiii Daiidson".

The fact is that an agent's name appeared on a document where the
name of the holder was relevant. True, it was not, or probably \vas not,
a riame written into a register-but is that such a crucial distinction?
In the case of the money order, on the face of it there was a space for
the name of the holder and the name inserted was Davidson. As 1 see
it. that is comparable to the place which esists in the register of a com-
pany for the insertion of the name of the holder of the sliare.
In Mexican law. as the award stated (p. 327):
". .. presumably .. . money orders as a general rulc are payable to
persons in whose favour they are drawn [that is to Say the person
whose name appears on the order] or [payable] to indorsees".

One may guess tbat the considerations of policy which underlie this ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 447

remcdie;. That exception apart, however, as one can sec by virtually
turnirig over tlie l~agesof the volume of i\\~;irds, the Commissiun was
concerned to üpply iritcrnational law. This assessmcnt of the attitude of
the Conimiîsion is tmrne our iitlen one takcs note of the attitudc adopred
11).other internnrioiial Commi;sioris whosc terms of reference werc
fr3mc.dwirh wliat aililcars to bc comvarahlt: \vidth.'i'liCourt \vil1nenni1
me to refer to a &;age in Judge fauterpacht8s work, The unc ci i oofn
Law in theInfernational Community. He there says:
"This reference to equity. in particular in arbitration agreements
to which cornmon law countries are parties, is not intended as a
departure from the rules of law. This rnay be particularly seen from
the awards of the British-American Claims Arbitral Tribunal under
the Convention of 18 August I~IO. which, although instmcted to
decide in accordance with 'treaty nghts and with the principles of
international law and equity' consistently refused to depart from
the existing rules of international law." (P. 314, n. 1.)

The ,amc author alsu indicnted in fiiswork on l'rivale Lau Solrrcesund
Analogiesthat cveii th^.;idditional refcrcnce tu iustise \r,ouldriot chang~.
the p&ition. the term beine used in arbitrationkonventionsin the mean-
ing oflegal jktice.
MI. President, the Government of Spain had only two comments to
makeupon the McPherson case.
First, the suggestion that it could not be compared with the present
case.
to general international law.in any event it was not decided by reference
1 hope that 1 may be regarded as having demonstrated the complete
lack of foundation for both those comments. In mv submission the
,\lcPherson case is viiidic:tteas û rc1ev:iritauthont).. '1do not sa). that
the deciiioiis of the Lnited States hlexic:in Cla~msCommijsioii are of the
highest authority. 1Saythey are a relevant and persuasive authority, and
that this case is thelosest indeed that the researches ofeither party seem
tohave been able to find in international law.
In these circumstances. Mr. President. 1hooe 1 need make no excuse
for ti:iving tr<;ir<?da minor ju<lici;ilniitli"àtrsomc lengtli.
Su rriiiclifor intcriintioii;il judisinl pr~.ccdIfJ m;iy I>rpcrmittrJ to
rlo so.I sliuiild Iio\r~c\~cIrikc ro tiirii to a nuof iteins rcflect-ricStat*:
pract'iceand the views of scholars of authority.
The first item relates to Spanish State practice.There may be valuein
recaIling that the Government of Spain has itself been party to. and the
beneficiary of, an international agreement which acknowledges the irrele-
vance of registration in the names of nominees. 1refer here to the Accord
of ro May 1948 between the Governments of the United Kingdom,
France, the United States and Spain for the Expropriation of German
Enemy Property in Spain and the Liquidation of Balances and Payments
between Spain and Germany (British Treaty Series No. 71 (1948). Cmd.
7558).Article 2of this Agreement providesin part as follows:
"For the purposes of this Accord. the term 'property' refers to
property or iisscts ofeveyy dcssril>tion;aswell 3i to thi rights :ind
rntcrests wliich ma). euist thcrein, pro\fided they \vere situ:itecl
iiSpniii oii 5>ln) 1945,:and tlivrcornethecruci:iI \rurds] ..wlictlitr448 BARCELONA TRACTION
registered in the name of their tme owners or in the nanies of inter-
posed persons for the beneficial interest of such owners, ..."
Here is an agreement. to which the Govemment of Spain is a Party,
acknowledging thepossibility that assetsmay beheld in namesother than
those of the true owner, but equally acknowledging that in such a case
it is the identity of the true owner that govems the classification or
national identityof the property.
The other four items emanate from the United States. 1 venture to
believe that they are particularly pertinent in this case because of the
American character of the nominee relationship. 1 shall refer to them'in
chronological order.
Firstly, in 1961 the Harvard Law School, under the immediate
responsibility of Professors Sohn and Baxter, produced at the suggestion
of the Director of the,Codification Division of the Officeof Legal Affairs
ofthe United Nations a draft convention on Responsibility of States for
Damage Done on their Territory to the Person orProperty of Foreigners.
(AmericanJournal of International Law, Vol. 55 (1g61),pp. 545 et seq.)
Article 20 is headed "Persons Entitled toPresent Claims". It readsinpart
as follows:
"1. Aclaim may he presented . . :by an injured alien . . .
2. Injured aliens, for the purposes of this Convention. include.. .
[then 1omit certain ones and come to]
(c) an alieii who holds a share in. or other analogous evidence
of ownership or interest in a juristic person ...".
a phrase of such comprehensiveness as is bound to cover the position of
nominee. This provision shows that in the opinion of those responsible
for prepari& the Harvard draft what matters is not exclusively the
formula "shareholding" but also other analogous evidence of ownership
or interest in a juristic person.
The second item is drawn from the volume of the Foreign Relations
Law of theUnitedStates, adopted and promulgated in 1965bythe Ameri-
can LawInstitnte aspart of the second restatement of American law. In
the section on responsibility. there is in paragraphs 172and 173a con-
sideration of the problem of the protection of shareholders. The comment
speaks as followsabout "shareholders" :" 'Shareholder'means any person
holding an ownership interest in such entity [such entity being of course a
company]" (p. 521). Again that must be sufficiently comprehensive to
cover the position of nominee.
The third item consists of one extract from MissWhiteman's Digest of
International Law (Vol. 8, pp. 1261-1262).There she summarizes the
practice of the United States Foreign Claims Settlement Commission,
which she clearly regards as a body whose activities reflect the position in
international law-and 1may explain, of course, that MissWhiteman is
a distinguished member of the legal department of the Department of
State-and shesays:
"Where the beneficial owner of property, with respect to which
claim was made before the ...Commission . ..was a national of the
United States. and where the legal owner or nominee was a non-
national of the United States, the Commission allowed claims if
otherwise eligible. But where the legal owner or tmstee was a
national of the United States, and beneficiary or cestuiquetrust was ARGUDIEXT OF hlR. LAUTERPACHT
449
a non-national, in claims before that Commission, the claims were
denied."
Again a clear indication that in the practice of the United States
Claims Commission attention is directed to the true interest involved.
If the true interest is American even though the formal ownership is
foreign, the claim will be allowed; if the true interest is non-American
even though the formal ownership is American, the claim will not be
allowed.
Finally, Mr. President,1 cometo what isperhaps the most telling item.
The Court will recall that in a note dated22 July 1949and addressed to
the Government of Spain the Government of the United States lent its
support and concurrèiice to the note of zr Jul!. 1940submittcd by thc
Ilritiili Government or10eti:ilf of the C:iriadian i;ovcrnmciit. l'he United
St:ites Government rcferreil to the tré.itmcnt of Uarcelon;~'l'raction"3
comoanv in which American citizens have interests". and deolored the
arbiirart maiiner in which this Company was forced into bankruptc"
~roceedinas and the arbitrarv exclusion of the owners and manaeer of
ihis com6ny from its operaiion and control pending legal adjusrment
of the differences between the opposing legal interest involved. The
Government of Spain cited this earlier United States note, and 1 use the
words of the Government of Spain-
"as a manifestation of a desire on the part of the United States to
protect the interests of its nationals in the property which is the
subject-matter of the case".

Again, in the Rejoinder (VII,pp. 921-952).the Government of Spain
reverted to the suggestion that the use of American nominees was a
device whereby the Belgian interests sought to put themselves in a
position to enjoy American protection. The Rejoinder said:
". ..Thefact is nevertheless that the American Government did on
scvernl occasioris interveiic witli the Spanish Çovernmciit in reg;ird
tu tlie 'i\mericari iritcrcstIIarccluri3'l'ra~tioii."(l 9<j.:j.,\'lI,p
Faced by these assertions, the Government of Belgium addressed an
enquiry to the United States Government specifically on thismatter.
The Government of Belgium asked the Government of the United
States, on25May 1967-

". ..whether the interests of American citizens, mentioned in the
first paragraph of the note of July 22,1949, referred only to persons
possessing a proprietary or beneficialnterest in the corporation, or
whether it referred as well to American citizens who. actingin trust
or as agents or nominees for other persons not American citizens,
lacked a proprietary or beneficial interest".(Çee New Doc. No. 5.)
A direct question is put. 1s the United States acting for substantial
American interests'or for nominal American interests?
The following reply was given by the United States on 5 June 1967:
"The United States Government was motivated to communicate
its note of July 22,1949,to the Government of Spain by considera-
tions of principle relating to the equitable treatment of foreign
investment, and the objective of the note was to urge the Govern-
ment of Spain to settle the controversy in an equitable manner that450 BARCELOXA TRACTION
would retain the confidence of foreign investors in the security of
foreign investments in Spain. [Now cornes the important sentence.]
The interests of American citizens, mentioned in the first paragraph
of the note of July zz, 1949, referred only ta persons possessing a
proprietary or beneficial interest in the corporation." (New Doc.
No. 5.)

Mr. President, it is clear fromthis note that the United States acceuts
tlic propc~\iriuiith:it thi iintioii:ilStoftlit: b,:iicfici-ilo\i.iicriiiay :ict'on
hii I>*:li;:incltliccorollary of tliar thar rlic iintion;,l jtateof rhr iiominrr
who has no proprietary OÏ beneficial interest, will not intervene on his
it is directly related to this very case-thel question and the answer arence
about the treatment of the nominees in the Barcelona Traction episode.
It makes it quite clear that the United States Government didnot in any
material respect accept Newman BrCo. as the shareholders in Barcelona
Traction, and the United States note also confirms that there is no basis
in United States practice for the suggestion, which 1 just adverted to,
that by registering their shares in the names of American nominees
Sidrowas pursuing. as the Rejoinder puts it, "la tactique de jouer sur
plusieurs tableaux" (Rej., VII, p. 952).
Finally, Mr. President, 1 cannot forbear from relerring ta another
comment which the Government of Spain has made on the position of
nominees in international law. In the Rejoinder the Government of Spain
says (VII, at pp. 967-968):

"... What oresent-dav international law reauires above all. and
rightly so, in'the matter of international inveshents, is clarit;, not
merely from the point of view of the obieclof such investment. but
also as concerns-the source. Any inveitor who prefers to conceal
himself behind the screen of a nominee, and above al1 that of an
undisclosed nominee, infringes the indisputable right of any State
where the investment is effected to be aware at al1times of the true
situation, and of any relationship between the investor and this or
that State."
The implication of that criticism is clear. If ail investor chooses to hide
himself behind a nominee, then he, the investor, must take the risk that
it will be the nominee that is recognized and not himself. That is how 1
read the passage. But in making this observation, the Government of
Spain appears to have overlooked the fact in the present case that the
identityof the true owner ofthe Sidro-owned shares in Barcelona Traction
had been at al1 times known to the Government of Soain. There has
nc.\.erbcrn nny ~.onr.c<ilincnotf ttic gcnuine uwrier.'l'lieiiomiiicc ielntioii-
ihip hns iie\.cr foa momciit icrcencd tlic trutli-1i;ic ncvcr, if 1iii;i!gr)
t~nckta tlie ivordsof tlil(rioiiitls~r.i>rt.\.rriterltlii:Stnre from kriniheiie
real situation and the coinectiori\f the investor with a given &te.
&Ir.President, this brings me to the end of my consideration of the
question of nominees and thus of the broader question of the Sidro
shareholding in Barcelona Traction. And so, with your leave, 1 should
now like to consider the question of the shareholding in Barcelona
Traction bv Beleians other than Sidro.
This issie ha<already been discussed at length by the Parties and at
this stage there is little to he added to what has already been said. The ARGURIEXT OF MR. LAUTERPACHT 45 1
most that 1 can do is to summarize the situation as briefly as possible,

and thus provide the Court with, 1 hope, a convenient index to those
places in the previous pleadings, hoth oral and writteri, where the matter
is dealt with more fully.
After having tried to assemble the material in a different way, 1
eventually concluded that it was easier to deal with the matter first as
at thedate of 12 February 1948, thedate of the injury, and, secondly, as
at 14 June 1962, thedate of the institution ofproceedings in the present
case.
1 sliall take first the position on 12 February 1948.

The Memorial (1, pp. g et seg.) claimed that on that date Belgian
nationals other than Sidro owned 420 registered shares and 244,886
bearer shares.
1 need snend no time on the fieures for the reeister~. shares. Thev have
iiot I>t,.II&-,iit,.îti.dbv tlic iIovt:';niiicn~of Sp.iin. \vl~ii.lli;ijliii.i<.~iitsi.11
to .i ionii ler.ition <iftlic qucitii~ii ul rli~ I,~;~rcr-liirtL, r.l.$.?ho.
Tlic-c iigiirvs ;Irc I>:iic<lrii..iiily iipoii t\vo Ic1ti.r; J:<rcd rg Fchrii;ir!.
1.5, id ri 1i]6' troni thc Institut I<clgo-l.iix~~iiiI-1-<111r~t.iu
Cl: 1 . \II. 7 I I 1 . I r 1, o. 1, 1, b4 .:, go\~vriiiiiriit.il
hori\.. \vliirli 1 ihnllIl<rcnftcr iall tlie Insrirutc,. '1Iicx Irttrrs. \i.liiih \wrc

addiéssed to the Government of Belgium, the Applicant in this case,
explained that the Institute was established in 1q44 to ensure the
enforcement of exchanee.,ontrol and other reeulations. In the venod
from i!qlu Io rqj4 111~Insf~tlll~.II:I<o~~.<:I~.~<tti>iIx:~nilllethe Iillling~ h!.
15,Igiaiir.~~ld~~~itis~ l1fnrt.îin iorciyn ~.onil>:lni;\virli:Ivirn ri~tit.,hliihing
rlieir 13\ifuloivii~rsliiy.'I'III-~Iertcri iruni rl,~111,ritiitcnlio iiiiikc irpl:iiii
tli:,~CIIT dcli\t;r~~of :Ot-t~tific~teof l;t\vf~t~~~viicr~hiy~ntnil~ :~vlr~-~tir~~ttot~
of tlirii;irii8ii:~liof th,, .,ppliiatit, 2s \\<II ni n \.crific:iriuii ut tlii. i>\vnt:r-
shio since a dace s ri ort6Seotemher ~a?a. And it is on the material
CCIIIC:,~II~~<I~it> filraitIi:ar tlir 111srir1~~~4~s ablt, IO st~tc tltxt :IIII~~ItI~c

13nrcrlr>nnI'rn.tion t~enr~r;h.îrc.: held in I<cl~iui-i, ru. .bho iicri iii<lisyiit-
ably Belgian.
1 may add, Afr.President, that on 12 February 1948 there was a total
of 728,408 bearer shares in circulation of wbich, as 1 have already
(iodicated, 349,905 belonged to Sidro and the remainder to the general
public (M.,1, paras. 7-9, pp. II and 12). Thus, the 244,886 shares certified
by the Institute represented some two-thirds of the shares held by the
public. In al1probability, however, the numher of bearer shares owned
by Belgians exceeded even this proportion. The Institute itself, in its

letter of 3 August 1962 (App. to AM., No. 7, Vol. 1, p. 69), declared
that-
". .. since the certification of the foreien securities held in Beleium
oniy bccniii,~i,inipuliory \i.h,ii :iiiopc:r3tion iii\.i,l\.iiig 111s. :uriric:,

c~~~n<.~rti1w vl.1,t.:arric(>il1 it ii pr:i,:~i~::tIct.rt3in 111ntt1.r :tl~i~\~?-
nleiitioncd iicurr. -of 21.1..1.\0iIi.,rt sl duej nul int.liidc.IIthi. Iill--i:iii-
owned Barcaonj~raitibn bearer ihares".
A further consideration sunvortincr the view that virtuallv al1 the
I>v:irr-sli;tre; hel.>iig.d IJ R<.lg~:~ii ij,:<I~.is,:iitiâll!~roinint.rci:il oiii: but
relc\,aiit noii:tlicIci; il 12tli.it,311th,, Iact o~<.:i,i,.iiili<,rthe dirc~ror.. i>l

Rnrt.cliii.i Traction tixcd II., iliv1~1~:iin ~îl\,able ro urdiii:~r\. ilinrchuldcri
they did not consider it necessary to ap$oiit any banks, otiier than banks
in Brussels, as paying agents in respect of the bearer shares (see M., 1,452 BARCELONA TRACTION

para. 9. p. 12 and A.M., Vol. 1,Am. 9, p. 72). It is clear that they would
not have done this if, as commercial men, they had had any indication
that a substantial number of the bearer shares in the Companywereheld
outside Belgium.
So much, Mr. President, for the position as stated in the Rlemorial.
The Spanish Preliminary Objections devoted a whole section to the
"Alleged 'Belgian' interests in Barcelona Traction" (1, pp. 53-73), but
does not appear to have contested the figures relating to the Belgian
shareholders other than Sidro. In particular, this pleading did not
challenge the adequacy of the letters from the Institute upon which we
place such heavy reliance. The Belgian Observations and Suhmissions
(1,p. 206)filedin reply to the SpanishPreliminary Objections took note of
thislack ofopposition by the SpanishGovernment to the figures claimed.
In the oral hearings in the preliminary objections. my learned friend,
Professor Ago, in his opening speech on this section of the case, on behalf
of the Government of Spain, did not refer to the position of Belgian
shareholders other than Sidro, though he did mention hriefly Sidro's
shareholding (O.P., II, 1964, p. 224). On behalf of the Govemment of
Belgium, 1 restated the position (II, pp. 508-509).My learned opponent
regarded this as a spur. and accordingly in his reply he criticized the
adequacy of Annex 14 to the Belgian Memorial as proof of the Belgian
shareholdings other than those of Sidro on 14June 1962(III,pp. 838-839).
To these remarks of his 1ventured to reply in my finaloral speech (III,
pp. 940.941). So much for the oral proceedings.
Havine so far dealt with the matter relativelv liehtlv. the S~anish
Government returned more vigorously to the aita& iR the CÔunter-
Memorial.Asthat Government itself there said (IV,654),it had previouslv
devoted only a few provisional arguments to the question of the lack Of
evidence in support of the Belgian claims with regard to ownership of
Barcelona Traction bearer shares. It did not, and 1use its own words, the
words of the Counter-Memorial, "even bother to contest the validity of
the letter from the I.B.L.C. as proof of Belgian ownership of 244,886
bearer shares on the first of these two critical dates, ..."(IV,p. 654). Now
in the Counter-Jlemorial it took amore severe line.
It attacked the figures given for 12 February 1948 on two grounds,
both relating to the letter of the Institute. First, the Government of
S~ain contended that as the shares could have been certified later than

somebodv to have acauired a share after 12 Fehruarv Ïad8,.hat
surnchod~'hciii: ~cl~ini; \i.uulrlinut!:~cquir~d it frnni:i iiu;i-l%rlgiin:,nJ
li;~vct11~n wllt II t,! tl111~1ititr~ort.~rtifi~.;iti~i\',pl) 054-(155J:,811<i1
would h:i~t. b~:viicrrtih~d ?i, I'8ilcisii50 the <;i~~<ritiiir.iiIof Si.aiii
contends, notwithstanding the factthat it wasn't Belgian on 12 Fehr;ary
1948.
And secondly, the Government of Spain contended that in so far as
such shares werecertified as being Belgian before 12 February 1948,they
could have been sold to foreigners between the date of certification and
the date of the institution of these proceedings on 12 Fehmary 1948.
The Court will, 1 may Say in passing, note the remarkable assumption
which the Counter-hlemorial invites the Court to make, namely that just
prior to the bankruptcy decree, there was a current of sales of Barcelona
Traction shares from Belgians to foreign investors whereas immediately ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 453

after the bankmptcy there wasa reversa1ofthis current and the Belgians
presumably, wereeiwiUingto seil.action shares from foreigners who,
The Belgian answer to these comments may be found in the Reply
(V ,p. 128etsep.).This pointed out thatthe first criticism ofthe Institute
letter was unfounded, since the Institute had to be satisfied of uninter-
rupted ownership since a date pnor to 4 September 1939.Consequently,
a share certified after 12 Febmary 1948 as Belgian must have been
Belgian even before that date and this point is explicitly confirmed in a
subsequent letter from the Institutedated 8 March 1967which has been
filedas an Annex to the Belgian Reply. (A.R., Vol. II, Ann. 129,para. II.)
As regards the second criticism of the Institute letter, namely that in
so far as shares had been certified before February1948,they could have
been sold to foreigners between thedate of certification and12 February
1948 (V,p. 940), the Reply gave specific reason why, in al1probability,
any such sale, if made on the Belgian market, would have been made to
Belgians rather than to foreigners, and it also explained why such sales
by Belgians in a foreign market would have been financially unattractive.
In other words, the Reply is giving explanations which exclude the
various possibilities that are advanced mainly as possibilities by the
Government of Spain.
And now we come to the Rejoinder. Again the Government of Spain
questions the value of the Institute certificates (Rej.,VII, p. 939). In
effect, says the Government of Spain, because the Institute wasrequired
to examine only evidence oflawful ownership its satisfaction on this point
does not mean that the shares were Belgian owned. In other words, the
Government of Spain is saying that a finding that theshare waslawfully
owned is not a finding by the Institute that the share is Belgian owned.
The difficulty with this argument is that the wording of the Institute
Institute, in its letter, is not saying that we foundsimply that they were
lawfully owned, but that in the process of so finding, we deterrnined
that they were Belgian owned, and because of what the !etter says the
Government of Spain now reaches a much milder conclusion: "It is not
possible to accept without some hesitation the entirely new assertion at
the end of the letter of 8 March 1967tothe effect thatthe shares counted
as Belgian and certified after 12 Febmary 1948must necessarily have
been Belgian property on that date." 1 emphasize the phrase "It is not
possible to accept without some hesitation"-grudging though this
admission may be, it isstill an admission. The Government of Spain is not
denying the statement made by the Institute; it is simply saying that the
statement cannot be accepted without some hesitation. At this point,
Mr. President, 1venture to submit that the Court may take the statement
of the Institute as beingvalid.
Next, the Rejoinder retiirned to the charge that shares certified before
12 Febmary 1948might have been transferred out of Belgian ownership
before that date. Again, the Court must make its own assessment of the
facts and must ask itselfwhether it is likely that foreigners would have
been buying substantial quantities of Barcelona Tractioii shares on the
Bmssels Stock Market between 1946and rz Febmary 1948.The Court
must ask itself that question, having regard, more particularly to two
factors: the first isthat theussels Stock Market did not resume trading
in foreign sharesuntilI June 1947,thus reducing to a penod of eight and43.4 BARCELONA TRACTION

a half months the opportunity for the transactions which have been
suggested or adumbrated as possibilities by the Govemment of Spain.
wliucoiil<lhiiy foreigiisliares un itli;irntirkct \\,ek 13rlgi:1iircjidentj and
ag:iiii. iitIikely tliat dcaliiigsIII13riis3elsin su~.hsecuritics \i.oiilli:~\.,?
tnken place otlicr tlian in tlic Stock Exchaiic<?!To tliis the I<cioindcrhas
an anber: "Everyone knows" says the gejoinder, "~verione knows
that only some dealings in secunties, especially bearer securities, pass
throuahihe intermediarv of the stock exChanaei' (VII,D.o~ol.$Ir. PÏesi-
dent.a statement like ihat prefaced by theUwo;ds "Everyone knows",
is no substitute, no substitute at all, for the failure to produce even one
s~ecific instance of the actual occurrence of the ~ossibilities which the
~ejoinder socopioiisly explores. In theory, these possibilities could have
occurred in 244.886 cases, but the Spanish pleadings do not produce a
single specificinstance of those eventi having occurfid.
Mr. President, in my submission it is established that on 12 February
1948,244,886 bearer sliares in Barcelona Traction were owned by Belgian
nationals other than Sidro. 1now turn to the position as it was on 14June
1962,the date of the institution of the proceedings in this case.
In the Mernorial, the Belgian Government claimed that Belgians
other than Sidro owned 2,388 registered shares and, Say, approximately
2oo.000bearer shares (M., 1,pp. 13 and 14, and Annex 14).
There was but little discussion of the matenal relating to this date
in the written andoral proceedingswhichpreceded the Counter-Memonal,
and the references which 1have just given the Court to the Preliminary
Objections in connection ivith 1948 willsufice for 1962also.
The Counter-Memorial criticized the evidence relating to June 1962
(IV, pp. 655-658) in terms which will becorne clear as 1 describe the
content of the Belgian Reply.
The Reply (V, p. 730) recalled that the Belgian Govemment had
sought to show the continuity of Belgian shareholding by atteinpting to
negative the likelihood of sales to persons other than Belgians. The
Belgian Govemment showed that trading in Barcelona Traction bearer
shares was unlikely to have taken place other than in Brussels or Paris
(A.hl., Vol. 1, Ann. 14, pp. 121-125). hloreover, it showed that while in
the period I August 1961-31July 1962,which was the closest approxima-
tion to a full year prior to the institution of the proceedings, Barcelona
Traction bearer shares were only dealt in on 32 occasions in Paris (A.R.,
Vol. II, Ann. 131. p. 757), during the same period they were dcalt in at
199 sessions of the Brussels Stock Exchange and the number of shares
said that al1the purchasers were necessarily Belgian, but the likelihood is
that they were. Credit was then given for the knowu purchase by Sidro
on the Belgian market of 20,349shares between 1948and 1962.The num-
ber of bearer shares thus claimed to be owned hy Belgians, other than
Sidro, is accordingly reduced from 244,886, not to 224.483, but in mucli
rounder and less favourable figures right down to zoo,ooo (ibid p..,31)~a
difference of 44.832sliares, urhereas Sidro had itself only bought 20,349.
The Reply then refuted two further Spanisb contentions. It demon-
strated, first, the groundlessness of the Spanish suggestion that Sidro's
own purchases might have led to the activity of the Brussels market in
1962, by showing that Sidro had bought no shares in Barcelona Traction
after June 1957 (V, p. 731). Secondly, the Reply maintained, contrary ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 455
to the Spanish case, that the requirements of the rnle of nationality of
claims were satisfied if a share was Belgian-owned in 1948, in 1962 and
at al1times between those two dates, even though, between those two
dates, it might have been owned by different Belgians, but Belgian
owned (V, pp. 731-732). .
The Rejoinder devotes six pages to the position on 14 June 1962(VII,
pp. 941.946). By this time, the reader may be excused if he has slightly
lost track of the debate in the e le ad in esT.he résuméwith which this
scciiori of the Rejoindzr hegins (i'll, p.j.41)fails to recnll tliat tlic origin
uf the diicussion \vas the Belgran argument tliat conrinuit). of osrnership
should be presumed because of a senes of significant facts pointing to the
small likelihood of any sizable sales during the intervening period having
been made to non-Belgians.
What follows in the Rejoinder (VII, pp. 942-943)is an elaboration of
the failure by the Government of Belgium to show that Barcelona
Traction bearer shares had not been sold on the London, Pans and
Brussels Stock Enchanees to non-Belaians
1ntcre.itiiig tlioiigli tlicsc ~inragraylisrhci;~s.III 11Iii~tr:~of~\iIi:it
oiic:iiiny cal1ttic rectiiii,ni iiejiatii.~argument ciijoyrdLI!.rlic >]x,ni:li
uleridincs, tltc fnct rcoiiinstliütnot one ;idditioii.zl iteiii r,f cvidciicc is
6roughf forward in the Spanish argument to suggest any error in the
position taken by the Government of Belgium. The Government of
Belgium, as 1 said, has pointed to a whole senes of significant facts
suggesting the small likelihood of any sizable sales during the period
1948.1952 to persons who were not Belgians.
The Spanish pleadings suggest al1 sorts of theoretical possibilities in
which such sales might have occurred. The Government of Belgium
shoivs the small likelihood that those possibilities would really mate-
riaiize, and 1 conclude this by saying that the Government of Spain has
not produced a singlespecific illustration that such a thingdid occur.
The Rejoinder then reverts to the question of continuity (VII, pp.
944-946)which had already been raised in the Counter->lemonal. 1need
not, 1 beiieve, go further into this than tosay thatthe question ofchanges
of ownership as bettveen Belgian nationals really becomes a matter
de minimis,especially when it is recalled that the Govemment of Belgium
has reduced the number of bearer shares claimed to be of Belgian
ownership from 244,000 in 1948to zoo,ooo in 1962,some 24,000 less than
is accounted forby Sidro's own purchases of bearer shares.
On the law relating to continuity in this context, 1am quite content to
rest on what is said in the 12eply(V,pp. 731-733)and particularly on the
cases there cited. To these, 1 may note in passing, hlr. President, the
Rejoinder made iio answer at all.

Now, Mr. President, what conclusion is to he drawn from this material
showing the extent of the non-Sidro Belgian shareholdings in Barcelona
following conclusion from its analysis of the evidence produced by the

Government of Eelgium:
"l'lie 13elginnGovernment 111sentircl!. ;ind 1~iii~ili;~ii,:ntircly]
f.iilcd to pro\.c tlic existence of 13eIgi.11Ii:~rriioldt.r;nf I~aicclon~i
Tr;rctioirothcr than Sidro' :ln\. tnkinc into ni.~ount i>fsiich nllcecrl
shareholders musttherefore beéxcludeafromthe present proieediigs
for al1relevant purposes" (Rej., VII, p. 946).436 BARCELONA TRACTION

This is a pretty far-reaching and absolute conclusion. It is far-reaching
because it does not simply assert that the Government of Belgium has
failed in part to prove the existence of Belgian shareholders in Sidro
other than Barcelona Traction. It asserts an entire failnre by Belgium in
this respect and, hIr. President, even ifone were to accept alargenumber
of the comments of the Govemment of Spain, which 1hasten to say 1see
no ground whatsoever for doing, it still3eems against al1probability that
the figures claimed. 244,886 in 1948and 200,000in 1962,should thus be
reduced to nothing. absolutely nothing, as the Govemment of Spain
contends. This is rendered the more unlikely by reason of the virtual
admission by the Government of Spain that the Institute letter can be
accepted as establish'ingBelgian ownership of 244,886 bearer shares on
12 Febmary 1948.
The conclusion of the Government of Spain is, in the second place,
rather absolute. It adopts the extreme position that its cnticisms
destroy the whole claim of the Belgian Government in respect of the
no~-Si~ro shareholders. In so doine the du~iioue has clearlv undermined
itç o\i.iicriticiiiIIIthc ~,\.ciitli~Ïtlie ~ui;rt !lioult:,krtIievii.\\.ili;it:it
Irtît somc of thc noii-Siclruslinrcs in I3.ir:rluna 'l'rnctioiiIre Uclcinii-
owned. If the Court should find that even some of the bearer sharei are
&$an-owried, the Court hasrejected the conclusion asformulated by the
Government of S~ain. And. in that case, the Government of Spain has

0-ve- ~ ~ -ication at what noint between I and zoo.oooits own estimates
ofthe probabilitylie.
In view of the way in which the Govemment of Spain has framed its
opposition to the Belgian claim, the Court is obliged, if it does not wholly
accept the Spanishcontention, wholly to disregard it.
In mv submission. &ZrP . resident. the Court cannot acceut the criticisms
of the -Government of Spain whether in ivhole or in part and, more
positively, 1submit that the Court should accept, as being an inescapable
inference from objective evidence, that the figures claimed by Belgium
are valid. After a11.and this is a point of some importance, it is not
necessary for the Government of Belgium to satisfy the Court regarding
the identity and Belgian nationality of every individual shareholder
whose rights and interests underlie the Belgian claim. According to the
doctrine recognized by this Court and generally accepted by States,
Belgium is presenting a claim for injury done to the State of Belgium
through wrongs inflicted upon its nationals. The Court, therefore, need
do no more than estimate in proximate terms the number of Belgian
shareholders in Barcelona Traction. Accordingly, Mr. President, 1 would
submit that the Government of Belgium has presented to the Court al1
the evidence that could reasonably be called for in this connection.
This evidence is, in my submission, adequate to enable the Court to
find that as at 14 June 1962 at least 200,000 bearer shares in Barcelona
Traction were owned by Belgians other than Sidro.

The Coz~rrl osut12.55 p.m. SEVENTEENTH PUBLIC HEARING (8 V 69, IO am.)

Present: [See hearing of I~ IV 69.1

Mr.LAUTERPACHT: Before 1begin to deal with the next section of
my speech, may 1 just explain that, due to inadvertence, certain refer-
ences which originally were included in thetext of my speech yesterday
were omitted from the text which 1actuaUy used. The only way in which
these references can be conveniently introduced into the compterendu
for the use of the Court is by my mentioning them now.
They are the references to the recurrent examples of a fundamental
understanding by Dlr. March and Lis associates that the persans whose
interests were tied up in the activities of Barcelona Traction's subsidiaries
in Spaintwere the Belgian shareholders of Barcelona Traction and, in
particular, Sidro.
The relevant paragraphs of my speech appear at page 429, supra. of
the compte vendufor yesterday, 7 May 1969, and 1 understand, MI.
President, that the references will now automatically be incorporated
in the record.
The foIIowing are a few of the principal references: Action of Mr.
March, 1944, recorded by Mr. Heiueman (Blue Book, Vol. 1, p. 117);
Affidavit by Mr. Steljes, referring to conversation with Mr. Heineman
in 1947 (A.Rej., Vol. I1,Ann. 33,Doc. No. 2,p. 412);Affidavit by Captain
Hillgarth, referring to discussionsin 1951(A.Rej., Vol. II, Ann. 33, Doc.
No. 1, p. 406). and letter annexed thereto; telegram from Fecsa to Sidro,
4 January 1952 (A.M., Vol. IV, Ann. 214, p. 822); and al1the material
relating to the "discontinuance" in 1961.
Mr. President and Members of the Court, 1 tnm now to the second
part of my speech, in which 1shall deal with the questions of préjudice
el reparulion or. as 1put it yesterday, damage and damages.
In the course of its Rejoinder, the Government of Spain stated the
problem to which 1 must direct myself in terms with which 1 can do
nothing but respectfully agree. The Government of Spain said:
"The Spanish Government considers that, in a dispute putting in
issue the possibility of State respousibility, it is the duty of the ap-
plicant Government to specify with precision the injury for which
it claims reuaration. to establish the causal relationshin to it of the
alleged unl~wful ac&, and to ask foireParation which iSappropriate
in type and character to the injury" (Rej., VII,para. 850,p. 840).

in the forefront of my speech and to accept itsthree elements as govern-
ing the division, though not the order, of what 1shall have to Say. \Vhat
1cannot and do not accept is the next sentencein the Spanishremarks:
"This", continued the Rejoinder, "is what the Belgian Govemment
ought to have done, but it is not what it has done-no doubt thinking
that such rigorous concepts were out of place" (ibid.).
1 would be the last to suggest, MI. President, that "rigorous concepts"
are out of place, as 1 would be the last to accept that the Government
of Spain has a monopoly in satisfying or even in advancing them. The458 BARCELONA TRACTION

Government of Belgium has, in fact, taken great pains in its written
pleadings ta satisfy each of these requirements.
As regards the unlawful acts of the Government of Spain, at thisstage
in the case it is hardly necessary for me to restate them. They have been
outlined and amplified in the speeches of my distinguished and leamed
colleagues, Professor Rolin, Dr. Mann, Professor Van Ryn and Maître
Grégoire-so 1 Sayno more about the unlawful acts.
The next thing which 1 must do is to specify the injury for which the
Government of Belgium now claims reparation.
Injury, Mr. President,is simple ta describe.
On 12 February 1948, Belgian nationals owned 88 per cent. of the
shares in a Canadian holding company called Barcelona Traction. The
sole object of this company was to own and control a number of subsidi-
ary companies of which Ebro was the most important. These subsidiary
cornpanies owned and operated in Spain a substantial electricity enter-
prise, responsible, indeed, for the production and distribution of about
20 per cent. of the electricity in Spain.
It is not, 1 think, necessary for me to Say much about the value of
these Belgian-owned shares in Barcelona Traction on the eve of the
hankruptcy proceedings. On the basis of the figures provided by the
experts of the Spanish Government, the experts who were subsequently
consulted by the Belgian Government, namely Professors Gelissen and
van Staveren (New Dac. No. 6) and the accountants Messrs. Arthur
Andersen (New Dac. No. 15).were able to demonstrate thatatthat date,
12 February 1948, Barcelona Traction held assets which considerably
exceeded its liabilities and they showed tao that it was making substantial
profits.
Now, it is obvious that through their holding of 88 per cent. of the
shares, ofwhich 75 percent. were in the handsof Sidroalone, theBelgian
nationals hadthe voting power necessary to ensure, at al1times, that the
affairs of Barcelona Traction would be managed by directors and officers
of their own choice.
It isnot in dispute that prior to 12 February 1948the board of directors
of Barcelona Traction had been appointed by the votes of the Belgian
shareholders and that a board so appointed was in actual and effective
control of the management of the business of the company.
Since Barcelona Traction was a holding company, whose object was
to hold shares or bonds of subsidiary companies operating in Spain, the
task of its board was to exercise control over the affairs of the subsidi-
aries by appointing their boards and supervising their conduct.
h'ow the Court will be aware that the initial effect of the declaration
of bankruptcy of Barcelona Traction was to deprive the Belgian-ap-
winted board of directors of that comuanv o. al.rights of intervention
iiithc iiinii.~gç~i~riuftrli~ c«nil>niiy's:iiI;iii.
I'liiiî,fri,iiiz I'clirii,try ri,q,.ioii\i.:~rcl.;t,he ljclgian sli:ircliuldi:rs\i.rrc
ciiccri\.,:ly <lipri\,ùfdrlicir intliiput,îl>lcriglii ro II*\.=tlie hiiiinni>rli~.
<:iiiiilr,iinin~gd by tlithii.irrlrli;>[Ilc\liail:i~,lii>iiidor tlinr purpuSc.
Oi cour-? tliiy sriiild tli<~urciicallylia\.<coniinu~il s~iidiiiginr-triiction.
to tll<,ir~~uiiiinctusn rlic b0.ii.d..iiiil ttir I>u.~rd:uiild h?iii~r,rlicurt!ti-
L~JII\~t, t:ikr: dt,-ijiuiij al~uiit tlic niGuiagcnl~nrof tl~e ~111~si~l1~1 111i~~
Sl>.tin;Ijur 1nccd nor d~~iioiiarrarcru the Cuurr rli;~tSIICIcIli.cisionj\\.oiilil
hnv~.It:id iiu ~r~ictiiil or othir t.lf?ct iii .iiriiii. \\.hert-tlic buiineij uf the
subsidianes was actually carried 011. ARGUMENT OF &IR.LAUTERPACHT
459
Thus, for al1practical purposes, the board of Barcelona Traction was
replaced by the bankruptcy organs in the management of the whole
business of the companv.
1need not remind théCourt of the far-reaching conseqiieiices that this
replacement entailed by reason of the extraordinary use that the bank-
ruptcy organs made of their de facto powers of mariagernent. The sub-
sequent sale of the assets of the subsidiaries made total and irreversible
what might otherwise have been a possibly passing, or trûnsient, in-
fringement of the shareholders' rights.
The injury was made graver by the fact that the assets were sold for
an arbitrarily and artificially reduced consideration, hardly sufficient in
fact to discharge Barcelona Traction's debts. Not only was the company
thus completely destroyed, but nothing kvasleft of the consjderable excess
of itsassets over its liabilities, an excess which precisely and exactly
represented the economic content of the share capital.
valuable content, how is it possible to conceive that this was not a dam-
age to the shareholders?
The Court thus finds itself confronted with a situation in which the
shareholders have been deprived of al1three of the traditional elements
in a shareholder's rights: the right to administration; the right to a share
in the profits; and the right to participate in the distribution of assets.
Here, MI. President, is the injury; the change from shares with an
effective economic content, giving control over a prosperous going con-
Cern,to mere scraps ofpaper, with no other right attached to them than
a right of control not over a thriving Company, but over a ghost of a
company.
Perhaps 1should add a word as to why Sidro was particularly injured.
Sidro urasthe largest single shareholder. It controlled Barcelona Traction.
It was, as is demonstrated by the history of the company, both before
and after 1948, what we have called the pilot shareholder, pilot in the
sense that it led the way for the other shareholders. Therefore the loss
of the Rarcelona Traction subsidiaries represented not only a direct
matenal loss to Sidro as a shareholder, but deprived it of one of the im-
portant areas of its corporate activity in the field of electrical develop-
ment.
The damage which 1 have just descnbed as suffered by the Belgian
shareholders is one wliich is undoubtedly recognizable in law. It enables
the Belgian State to espouse the shareholders' claim and to make it its
the whole of the question of locus standi that, as 1 indicated yesterday,
it will be more conveniently dealt mith in a single argument which, uith
your leave, will be presented by Professor Virally. But 1 think that my
description of the damage done to the shareholders would not be com-
plete if 1 failed to draw the Court's attention to another direct conse-
quence of the bankruptcy upon the Belgian shareholders.
The bankruptcy order left Barcelona Traction without a cent outside
Spain. The company was deprived of ail possibility of receiving any
money from itç subsidiaries in Spain, which had passed completely into
the de facto control of the bankruptcy organs. How then was Barcelona
Traction to bear the cost of the numerous proceedings that it and its
subsidiaries had to bring for the purpose of attacking the bankruptcy
in Spain? How was Barcelona Traction to bear the cost of the receiver-460 BARCELONA TRACTION

ship proceedings brought by the trustee for the bondholders in the On-
tario court on the ground that the mortgaged assets were in jeopardy as
a consequence of the bankruptcy declaration?
Theshort answer to these questions is of course that Barcelona Trac-
tion was itself quite unable to bear these costs. Accordingly, since the
Company could obviously not be left defenceless, it was Sidro, the main
Belgian shareholder, which had to provide the funds to finance al1those
proceedings.
This fact, Mr. President, provides a particnlarly vivid proof of the
further element in the damage suffered by the Belgian shareholders, to a
which 1 shall, in due course, revert under the heading of incidental
damage.
It only remains for me now, Mr. President, to reier briefly to the re-
lationship of cause and effect as between the wrongs done and the injury
suffered.
So faras the activities of the Spanish authorities in administering the
system of exchange control are concerned, the wrong has been descrihed
by Mr. Mann (supra, pp. 55-109). Its effect was the paralysis of the
Plan of Compromise of 1946.If this Plan had not failed, al1that followed
could not have ensued.
As far as the usurpation of jurisdiction and the maladministration of
justice are concerned, 1 think that their causal connection with the
damage suffered was sufficiently demonstrated by my reference to that
damage and the way it was directly caused by the bankruptcy. declara-
tion and by my reference to the way in which the assets of Barcelona
Traction were sold in the course of the bankruptcy proceedings.
It should also be said that evident though the causal connection is
between the wrongs alleged and the injury suffered. there is room in
this case for considering the cumulative effect of the wrongful acts. In a
case such as the present, where, to say the least, the facts are of a com-
plex nature, the Court is entitled to look at the matter as a whole. But 1
need not repeat now what has already been said by Maître Rolii about
the grief global(supra, pp. 49 et seq.).
So much, Mr. President, forwhat 1 need to Say about the question of
prejudice. 1hope 1have sufficientlyidentified in factual terms the nature
of the damage which was inflicted upon the Belgian shareholders in
Barcelona Tractiori.
And so, with your leave, 1 should like to turn to the next question
which is that of reparation: its quantumand its mode.
claimed by the Belgian Government. The first consists of the damagesage
forthe loss to Barcelona Traction and its shareholders of the subsidiaries
and their enterprise. 1shallhenceforthrefer to the loss of the enterprise
of the subsidiaries as the loss of "the enterprise". The second head con-
tains the items which are collected together under the title "Reparation
for Incidental Damage". 1 ndhere to this distinction because, as will
presently become apparent, though the pleadings of the Govemment of
Spain give specific attention to the lesser heading of "Incidental Dam-
age", they virtually ignore the problems of quantum and mode which
arise in connection with the major heading of the loss of the enterprise.
1tum first to the major heading, the assessment of the damage done
to the enterprise. ARGUMENT OF >IR.LAUTERPACHT 461
But before going further, 1should just spend a moment placing the
argument which follows in a broader perspective. 1can be brief, because
the point is simple.
In this part of the argument, 1 necessarily proceed on the basis that
an internationally unlawful act has injured the Belgian shareholders in
Barcelona Traction. They are therefore entitled to reparation. The
dominating authority on this subject is the Judgment of the Permanent
Court of International Justice in the Chorrdw Factory case (P.C.I.J.
Series A. No. 17). That Judgment is accepted by the Government of
Belgium and, as 1 understand their pleadings, it is accepted also by the
Spanish Government. That Judgmeiit prescribes that the injured party
is entitled to restitutio in inteerum. If restitutio is im~ossible. then the
injured party is entitled to the award of a sum of &ney which would,
so far asis reasonably possible, put the iniured party in the same position
as he would have been in had fhe wrongnot occurÏred.
1shall have to consider the question of pecuniary compensation once
1have dealt with certain arguments relating to restitutioin integrum.
Now I turn to the auestion of restittrlioin inlep-um. It is a auestion
\i.liicl1t;iosciipicd in th^.Loutiter-lleni~ri~l ;IIIIiliï Krjuinder nii
atiiou~iloi spa~.t~1.11tclt\,tntilrc>to bclieve isriuitc out Af Aroportion Co
its importance.
The Belgian Government initially contended that the primary obliga-
tion of a wrongdoer was restilutio in integrum (M., 1,paras. 372 ff..
pp. 183 fi. R;.,Y, paras. 1021 ff., pp. 751 ff.). This was in part an ap-
plication of what the Belgian Government understood to be the general
rule of law laid down in the ChorzdwFactory case; it was in part also an
acknowledgement of the relevance ofArticle 21 of the Treaty of Concilia-
tion, Judicial Settlement and Arbitration of 1927 between Spain and
Belgium, which was the Treaty which established the jurisdictional link
that the Court upheld in its Judgment of 1964.
In the present case the restitutio which was sought-the restoration
course, could not be achieved without the restitutio of the subsidiariesof
and of Barcelona Traction. The Belgian Government further submitted
that only ifrestitutio was impossible did it become appropriate to con-
sider the alternative form ofreparation, namely the payment ofpecuniary
damages (M. ,,paras. 375 ff. R;.. V,paras. 1022, 1023 ff.,pp. 752-755).
The reaction of the Spanish Government to this contention was, in
effect, thefoiiowing. If it cati he shown that for one reason or,another,
restitulio is an inappropriate rcrnedy, and that the Belgian claim. how-
ever dressed up it may be, remains essentially one for restitutio, then,
if those tw~ ~-~~es are shown. there can be no ~ecuniarv damaees where
tbere could have"been norest~tulio. -
The Government of Spain then proceeded to develop this argument
with two further propositions seeking to justify theexc1us;ionof restztutio.
The first was that restitutio of the enterprise in Spain would amouiit to
the "re-establishment by the Court of a situation which is in violation
of Spanish law and is the outcome of inultiple fraud and deceit" (C.Al.,
IV, p. 577). The second proposition was, in effect, that since Barcelona
Traction was a bankrupt Company, reslilzrtiwould amount to the re-
creation of the situation of bankruptcp. (Rej., VII,para. 863, p. 846.)
1do not propose to take up the time of the Court with a detailed refu-
tation of these two contentions. The Court has heard and read enough,462 BARCELONA TRACTION
1 would hope, to appreciate the falsity of the first proposition-that the
existence and activities of Barcelona Traction arein violation of Spanish
law and constitute a multiple fraud and deceit. But in any case in so far
as allegations of breaches of Spanish law and of fraud and deceit, presum-
ably also in terms of Spanish law, are made against Barcelona Traction
and its Spanish subsidiaries, it isquite inappropriate that these matters
should be decided by the International Court of Justice. This Court is
an internationaltribunal; it is not a Spanish national court. How is it to
when, to take but two possible oints of comment. firstlv. no reference deceit
has been made to the rilevant s'tandards rcgarding ihc bilrden ol piovl
resting in Syaniili latv upuii tlie 1,roiccution. tind secondly, no indication
lias teen rcivcnof tlie uver:ition of veriodi of limitation in Çu3ni.h lair.?
Furthe?more, is thiç'court, the' International Court ofa~ustice, to
develop an entirely new system of penalties in substitution for those
which presumably exist in Spanish law in respect of the alleged illegalities
of Barcelona Traction and its subsidiaries?
Blr. President, there is on this point, as I understand it, a basic con-
Iiijion in the Spaniiti ~>lca<lings., confusion l>erivccnthose aspects of
muiiicip31 Iatv ti.hich can properly bc considercd b!. an iiiterii:itional
tribunal and iliose ti,tiicticannot Clearlv an intcrnitiional tribiiiial mu;t
examine municipal law when allegationi are made of denial of justice or
a defence is raised that local remedies have not been exhausted. But in
each of those cases the internationaltribunal is not sitting as a court of
the defendant State. It is not applying the law of the defendant State.
The Court is examining the actual operation of the judicial and legal
system ofthe defendant. Yet in alleging, as the Govemment of Spain now
does,that Barcelona Traction and its subsidiaries are guilty ofvaried and
inviting this Court to play an entirely different role. This Court, the
International Court of Tustice.is hein&!asked. in effect. to sit as if it were
a Spanish court and to Jecide at first &stance matters khich can really be
decided only by Spanish tribunals.
The Government of Spain has also ~roduced a variant of this areument
which may convenientlj be mentionid now. It is to the effect that there
must be offset against any damages due to the Govemment of Belgium
such damaaes as are owed to the7;ovemment of S~ain in respect 07the
wrong which the Government of Spain alleges the enterprise Las done to
the State of Spain. The Government of Spain alleges that the enterprise
has cheated Spain and that therefore the amountsbv which the entemrisc
has cheated Spain must he set off against any amounts that migh't be
due by Spain to Bclgium.
To this argument it may be replied in the first place, as 1 have just
indicated, that the issues involved are ones which can only properly be
tried in Spanish courts. If there is an allegation of cheating the Govern-
ment ofSpain it must be decided by thespanish courts.There is,however,
also a second reply. The Government of Spain insists that this is a proper
matter for the International Court. We have thus a situation which, upon
The Kules of Court recognize that counter-claims may be made. Theyain.
also regulate the manner in which they should be advanced. In particular,
Article 63 of the Rules of Court provides that a counter-claim may be
presented in the submissions of the Counter-Memonal. Yet one looks in ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 463

vain in the submissions of the Counter-Memorial in the present case for
auy such counter-claim.
If 1 have taken a few minutes. Mr. President. to demonstrate the
fuii~l.<iii~nrilirrclcv~nceof tlir. 5p:iiii;li :irgiiiiiriiri rrg:,riiiiig rlic cundiiit
of l3;iricluii:i Tr:i.rion, ir ii tit~aii;t: the pch,-nrs iior uiil\ tipuii tlic
oii~~rioiiof VC~~/~/II/;IIi~~tc~.!rzt>n.t1150 cxul:ii~~swhv tlit: ~~O\~~.IIIII~,.II~
8f Belgium has not seen fit to'deal with the same allegations of the
Government of Spain when advanced in other contexts.
Without wishing to give the appearance of attaching undue importance
to the Spanish contentionsregarding the inapplicability ofthe concept of
restitutio, 1 must uevertheless also Saya word about the Spanish reference
to the impropriety of the restoration of a Company which is in a state of
hankruptcy. On this 1 can be quite brief.
The Court has heard the arguments of my learned friend, Mr. Grégoire,
on the question of the forced sale in 1952 (supra, pp. 307-399). In that
connection there have also been placed before the Court the reports of
Mr. Gelissen and Mr. van Staveren (New Doc. No. 6) as well as the
report of the accountants, Messrs. Arthur Andersen (New Doc. No.
a).
In my submission, nothing could be plainer from these reports than the
proposition that Barcelona Traction was not latently bankrupt on 12
February 1948.Indeed, Savefor its difficultieswith the Spanish exchange
control authorities, Barcelona Traction was, especially ahen compared
with holding companies in this field elsewhere, in a very good state of
health. 1shall in due course have occasion to revert to the expert reports
when seeking to substantiate the sum which is now claimed as pecuniary
dama~es. For the moment, however. 1 think 1 have said enourrh to
indicse that so far as theargumen& about resliluh iipintegr& are
concemed,neither of the grounds advanced by the Government of Spain
for opposing restitzttiohave any real validity..
Moreover, they are irrelevant for quite another reason. This is that the
Belgian Government has abandoned any suggestion that there should be
actual restilutio of the enterprise. The Court cannot help but be struck, as
the Government of Belgium has been struck, by such a phrase as the
followingwhich appears in the Counter-Memorial:
"... the Belgian Government is in fact claiming the restoration of a
situation which is unlawfully and permaneutly detrimental to a
friendly nation" (C.M., IV, p. 578).

Observations of this kind reflect the existence of a state of mind-a
subjective condition-which is an objective fact of which note must be
taken and has to be accepted as such. Whether the Government of
S~ain is rieht or wrone in its views about Barcelona Traction, it is auite
clcar rtist ilicrc is no loiiji~,r:in? riùi.~iil~ii<li;~re\;irieh!. Uarccl~ii.~
1'r.ltii8iIIISl>;iiii,<>nJthm. iiiiu rcîson \r.liy13;ir$.r.lox'r:xriuniliuiilrl
sct:k rlie rc.-citlil,lijiirui ii su],-idi iiic. iniiounrrv \i'Ii<.rtt.he\. arc
now so clearly unwanted.
This reason does not stand by itself. Thereare others which areno less
cogent.
As the Court has seen, the bankruptcy proceedings have led to an
irreversible situation of fact. Alter the sale of Barcelona Traction's
property to Fecsa, the property of the subsidiaries was gradually trans-
formed and dispersed. In the course of time the installations have been464 BARCELONA TRACTIOX
altered to such a degree that their originals are no longer recognizable.
Moreover, the Spanish courts have dismissed the objection to the bank-
ruptcy proceedings which was lodged by Barcelona Traction and has
thus confirmed the unalterable nature of the situation in terms of
Spanish law.
In the light of this clearly unchangeable situation, the Court will
understand why the Government of Belgium does now not press a claim
tothe restoration of the previous statusquo(R., V, p. 752).
The Government ofSpain has nonetheless, however. seen fit to suggest
that the Government of Belgium has abandoned its claim to restitutio
bectiise the latter appreciates that such a claim is tantamount to
iii;iiiitnini3icnsi.on-h~h.<lf oftlie L<arcel<in'nl'r:tctiuiicump;~ii!.nssuch,
ratlier tlim on I~ehilfof the sli~rcliolilçri. I'hc Gr>\.t:riiriiti Hclgiuin
bcli~w: tti;tr iriia sufficic:ntaiiiwcr tu ttiis contvntionIO rt,-:iflirriinsliat
must now in any case be apparent, that the present case is one forthe
protection of the shareholders in Barcelona Traction and that the
insistence of the Government of Svain on trvine to -it the Beleian case
intu:inotticr niuuld ijentircly ii~;oi;~i,tcn\r.iithc Uclgidiiplc:l<lingi;incl
irrclc\.ant tu tlir. incritj of thc c.Ac,,rçscntcd.
The Government of Svain has. however. also sueeested .>-, if the
(;t,\~.rriniriit ui Hr.lgiiiiiijucccedi iii its ;l:,irii fur >c;uring compensatioii
asie>jccl I>!rt-fercncr.to thc pr~il>urtioii:itcintcr2st of the îh.îr,lisldt:r.i iii
tlic lus3 siificrrd I>\.tlic cornvan!,;i sitii;itiu\vil1result in whiih rhr
shareholders will now find thèmsél"esbetter offtban if the company had
never been injured. The basis ofthis proposition is that prior to the wrong
the shareholders could never have recovered their interest in the company
without liquidation; and if the company had been Liquidated,so it is said,
the creditors would have enjoyed a priority over the shareholders.
Itis not true that if the company had not been subjected to the bank-
ruptcy process the shareholders would not have enjoyed in Barcelona
Traction any more than a right to dividends. The fact of the matter is
that in the present case the Court is dealing with a claim of which more
than two-thirds is based oii the interest of a controlling and pilot share-
holder.
As 1 have already suggested. the latter's interest in a company is
quite different from that of a shareholder who does not own a controlling
interest. In particular, the controlling shareholder is in a position to
exert a determining influence over the decisions of the company in case,
Say, an offer is made to take over the company or to merge it with
another. Accordingly, if the bankruptcy had not taken place, the con-
trolline shareholder would have remained in a nosi2~~~~in which it could
in dur coiirsçIi;iveparticipstcd iiithe trrri~lto\v;irdsain.ilgani~riuii irithe
takeovt rtl>i<lj,nrooer reflcctioii r8fthe truc wurtlufiri Iiiiltliiir.cr or
I'urthcrnii,rr,rlit:,ss~,rtionth31 thc economic positiori of Lhrcçloii:~
1r:iction woul<lh:i\,ç rciii:iiiic<lo\~ersliadu\tl>th<%cIi>udof outst:iiirlinc
foreign indebtedness disregardsone important fact which is fundamentd
to this case. It is, as already stated, that the subsidiaries of Barcelona
Traction possessed in Spain adequate resources to meet the foreign
obligations of the mother company. The company was prevented from
discharging these obligations only by the opposition of the Spanish
exchange control authonties-an opposition which, as my learned
friend, Dr. Mann, has shown, by reason of its discriminatory and arbi- ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 4%
trarv character amounted to intemationallv Anlawful conduct ~.ubra.
pp..?5-109).
In short, the sole reason why the Government of Belgium now refers
tothe concept of restitutio in integrum is because this notion. according
to the Court's own jurispmdence is the necessary starting-point-for
consideration ofthe assessment of damages for an unlawful act.
Having made these initial observations about the role of reference
torestitutio,itmay now be helpful to the Court if 1examirie the state of
the written pleadings on the question of the assessment of daniages. This
w~ ~ ~e ~ s~mmarv examination. not so much to identifv the issues
<Iiscusj<;inth~rn 4s tirit tr,sho\\.hurvthe issues1iat.enot b~ci;rliscussiit
tlie plt:.idiiiej iilvclb\. tlic jl>:,iiish Govern:iii(si.soii<l.to coiicidcr
the conseq&nces of ihis silênceon the part of the Spanish Government.
In so doing, 1 venture to remind the Court, I am for the moment
limiting myself to the question of compensation for the loss of the
enterprise. 1 reserve for later consideration the question of so-called
incidental damages.
In speaking of compensation for the loss of the enterprise, 1 should
explain that my approach is based on the idea. which 1 believe to be
correct, that the loss to the shareholders is equal to the lossto Barcelona
Traction: thatthe loss to Barcelona Traction is eaual to the value of the
subsidi.lr;es of ivtiich it iv;fsen~ircl!.dzpriied; 2nd that the v:ilur.of the
subsidiaries 1se(111~ 0 the \.altic of the enterprise which the!. ownctl ;in<l
outrated. II is tliis eiiterDrisr: of thc subsidiaries in Sp;iiri that I shall
répeatedly be referring toas "the enterprise".
1 turn to the pleadings and 1 begin with the Memorial. This deals
relative1 -briefly with the extent of the damage to the enterprise (seeM.,
1, p. 182, para. 378). However, the Mernorial supported the relevant
paragraph with a substantial Annex, No. 282 (A.M., Vol. IV, p. 1077),
which disciissed the difficulties relatina to the methods of assessine
compensntion. propujvd an aypropn:ite t<;chniiliii::iiirlconcliidcd ttint th;
net \,:ilue of the cntcrpris\vas SSR,~~oo,ooo.
It rnicht hive l>reiicx~citc(1that tht Coi~nt~r-.\I~rnori:il tiit::ISthc
Court knows, was neithe; a brief document, nor onemarked by aG great
restraint in the number of issues selected for presentation; it might
have been expected that the Counter-hlemorial would have replied in
detail to the claims presented in the hlemorial. Alter all, Article 42,
paragraph 2,of the Rules of Court prescribes that:

"A Counter-Mernorial shall contain an admission or denial of the
facts stated; any additional facts, if necessary; observations con-
cerning the statement of law in the Memorial; a statement of law in
answer thereto; and the submissions."

But in respect of the major issue of the assessrnent of damages for the
wrong done to the enterprise. the Counter-Mernorial satisfied none of
thosekequirements.
T.~~-d-..-r~--.~-.r~~-r~d to --nlv & ,the Beleian -laim reeardine- -
reparation in a section entitled "Observations concerning the true
character of the Belaian claim with regard to the method and extent of
the relief çought" (C.M. IV, pp. 575381) . f the seven pages of this
section,only one is devoted to a consideration of the sums claimed in the
Mernorial. The other six are taken up with general and marginal argu-466 BARCELONA TRACTION

ments regarding the impermissibility of a claim to restilulio in integrum,
Traction and theeimpropnety of putting fonvard "a claim for compensa-
tion based only on an estimate madeby the pnvate individuals concemed
on the basis of [as they put it] fantastic estimates uncorrected by any
objective system" (C.M.,IV, p. 581).
The one page (C.M.. IV, p. 580)which does pretend to examine the
substance of the claim really does nothing more than the following:
Firstly, again criticize the Belgian Government for relying upon an
estimate prepared by Sidro.
Secondly, criticize the Barcelona Traction memorandum because, so
the Counter-hlemorial suggests, it makes "desperate efforts" to avoid
applying the methods laid down in the ChorzdwFaclorycase.
Thidly, this section of the Counter-Nemonal advanced the Soronellas
valuation of 1951 as being an "expert valuation, under conditions
providing proper safeguards", of which it is difficult for the Government
ofAnd,gifinally, this section repeated the allegation that the real value of
the undertaking would be a minus quantity if amounts owing to the
Spanish State on 12 February 1948were deducted.
Of these four ooints. the last three were made in a footnote. Not a
word \vassaid ;ih;ut tliitems of incidcntal dniii.rgt3to \\1jlidlicoiiir
xftcr l tiavc completed this çoiisitler~tion of ttic vnluntion uf tlic cnter-
prise.
In my understanding, Mr. President, the Government of Spain was
under an obligation to include in their Counter-Memorial a detailed
consideration of the items of damage claimed. The absence of an such
consideration could only have represented a deliberate decision < y the
Govemment of Spain to refrain from dealing with these items. There
certainly was no problem about time. The Memonal, including Annex
suspended by virtue of the Preliminary Objections until 24 July 1964:
and the Counter-Memonal was filed on 31 December 1965, that is 18
months after the judgment on the Preliminary Objections.
The Court may in this connection perhaps like to have a reference, 1
wiil not take time with an extended quotation, to the two sections of
Dr. Rosenne's ivork on the Law and Practice of the InternatiorralCourt
entitled "Purpose of Proceedings" and "The Equality of the Parties",
which are to be found in Volume IIat pages 544and 546.
In the light of the character of the Counter-3Iemonal it is not sur-
pnsing that the Belgian Reply was limited mainly to the general Spanish
arguments about the propriety of reslilutio and the absence of legal
injury tothe shareholders in Barcelona Traction (seeR., V, pp. 747.759).
However (at p. 752of the Reply, V), the Government of Belgium made
it clear thatit regarded the judicial decisionrendered in Spain subsequent
claim for reslilutioand so the Govemment of Belgium restricted its clairn
to reparatiou by anard of a cash indemnity, and this was confirmed in the
subrnissions attached to the réplique.
However, on the substance of the question of valuation, the Belgian
Govemment affirinedthe compatibility ofits approach with the Judgment
in the Chorzdw Factory case. The Belgian Government also sought to
explain the reasons forand the implications ofvaluing the enterprise as au ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 467

economic unit (R., V, p. 755). Finally, the Belgian Government main-
tained its claim for incidental damage (R., V,p. 758).
When we come to the Rejoinder we find, strangely enough, that once
more the Government of Spain shies away from the question of the valua-
tion of the enterprise. Yet again, though this time at greaterlength, the
Government of Spain repeats its contentions regarding the inappropriate
characterof a claim for rstitzatioin infqrfgmrnIt. seeks to inhibit the claim
for monetary compensation by tainting it with the same difficulties as it
holders have suffered any injury. And it attacks the Belgian Governmente share-
for relying, in the formulation of its own claim to damages, upon the
fantastic assessment made by Barcelona Traction. In particular, the
Govemment of Spain repeats the charge, upon which 1 have already
commented, that tlie Belgian Government should have paid heed to the
damage caused by the private group concemed to the Spanish State
(Rej., VII,p. 865). Lastly, the Government of Spain makes a number of
observations regarding the claim for reparation for incidental damage.
Thus. in the body of that part of the Rejoinder which dealswith repa-
ration there appears not a word about the valuation of the enterprise.
There is not, in that section, even a reference, whether in the main text
or a footnote, to those appendices to the Rejoinder which, nevertheless,
might appear to have some bearing on the matter. Pernsal of the volumes
of appendices to the Rejoinder reveals the existence of two reports from
Messrs. Peat, Marwick, Mitchell and Co., namely Annexes Nos. 2 and 3.
The first has some limited hearing on the question of valuation since one
of itsstated purposes is-
". .. to examine the financial situation of the undertakingin Spain in
Februarv 1aa8 in order to detemine whether or not it had liauid
resource'sadéquate to support its nonnal trading activities and to
meet its various financialobligations at that time".
This would therefore seem to have some bearing on the value of the
concem in Februarv 1~48.
The second repo6, ine ex No. 3, appears to be more directly related
to the question of valuation. Paragraph z of that report States that it
deals-
". ..initially with general principles of valuation of an undertaking
as a going concern and relates such principles to both the views
expressed in the Belgian Memorial . .. and, in great detail, to the
valuation ofthe undertaking inSpain of the Group carried out by ...
Soronellas as at 30th Novemher 1951, and deals later with the
criticisms thereot by the Belgian Government in its evidence
submitted tothe International Court".

cemed with the Soronellas revort. it does devote four and a half vaaes to
an examination of Annex '282of the Memorial-the ~nnei &hich
contains the note by Sidro on methods of calculation of the indemnity.
Nevertbeless. the Peat. Marwick reoort limits itself to a discussion of
inrtliod .iiido:j nut i1c;iliiidi.tnil or dir~-ci\villi[ticfigiiri-.
SON, \Ir. Prr;ident, this kiiliirr of tlic Guvzriiiiicnt of Spaitu coriic
to serious crins \vitIiIiiv;ilu:itiuii of tlie cntcinrise in the conrcol tlic
assessmenf oi compensation is manifestly not accidental. It is necessary468 BARCELONA TRACTION
only to look at the first twoparagraphs of Chapter VI1 of the Rejoinder
(VII,p..837)to see the terms in which the Govemment of Spain contem-
plated its task in relation to the argument about reparation:

"Thus the Spanish Government could spare itself the trouble of
making any comment on the Fourth Part of the Reply, entitled
'Reparation for the Injury'. If nonetheless it considers it desirable to
devote sometreatmentto this as~ect of the case. it isless with a view
to making known the Spanish p'ositionon the content of the claim
made by the Belgian Govemment,-since the prohlem of thenature
and extent of reparation would only anse if, ince again, hypothesis
were piled upon hypothesis,-than witb a view to bringing out still
further, if that were possible, the improper nature of the support
which the Belgian Government has agreed to provide to certain
private interests, . . ."
.Ag.iin.in 'lie nest parnjir:i[>li,tlic Rcjuiiiclcr it:itci 'ir .;i~t:~iirso [lie
Spani4i (;o!.ernnir~ir inapyroprintr ru cliallen~c. pi,iiit b! pi~iiit, tlir
zoiirt.iii~citcliof llir \.;inoiIic<irof ici>:ir.itiun~.l~iniil\. rhc I<Aul\."
(V,P. 837).
1 pause here to observe parenthetically that the vanous heads of
reparation were not claimed by the Reply, they were claimed by the
Mernorialand were merely repeated in the Reply.
MI. President and Members of the Court, 1venture to believe that the
Court may have some sympathy withme when 1Saythat the Government
of Belgium is placed in a difficulty by this quite extraordinary manner of
pleading an essential issue in this case. The difficulty lies in one's con-
sciousnessofthe great legal nsk which the Government ofSpain has taken
in pleading in this manner.
In theory, there are three positions which the Government of Spain
could have adopted in relation to the issue of valuation.
.The first is that by admitting the facts or not denying them, the
Government of Spain could have deprived this issue of itç conteutious
quality. Hence, if it failed in al1 its defences, it would, in effect, be
accepting that the Government of Belgium should receive the amount
claimed.
The second alternative position which the Governme~itof Spain could
have adopted is that, by denying the facts and figures advanced by the
Government of Belgium, the Government of Spain would be making an
issue out of the question of valuation. In this case, however, the burden
resting upon the Government of Belgium would be the lighter in the
absence of sustained criticism of the Belgian contention by the Govern-
meut of Spain.
The third possible position is thatthe Government of Spain could have
requested that the issue of valuation should be deferred to a stage
separate from and subsequent to the consideration of the ments of the
case by the Court in these hearings.
1 should like, if 1 may, to assess the Spanish conduct by reference to
each of these three possible positions, and it willbe convenient totake the
possibilities in reverse order.
Thus, to take first the possibility of defemng to a later stagc the
question of compensation. The Spanish pleadings make no reference to
this. They neither support nor reject the alternative in this connection,
which appears in paragraph g of the operative conclusions of the sub- ARGUMENT OF hlR. LAUTERPACHT 469
missions attached to the Reply of the Govemment of Belgium. Conse-
quently. the Government of Spain has left the position wide open and has
accepted the possibility that there may be no reference to experts and
that the issue may be decided here and now.
The second possibility is that the Govemment of Spain might have
denied the facts and figures on valuation put in by the Govemment of
Belgium and thus have made an issue of them in these proceedings. But,
again, the Government of Spain has not done that. Or, one might ask, is
it sufficient, for the purposes of a general denial, simply to conclude the
Rejoinder with the request that "the claim of the Belgian Government
should be declared inadmissible or, if not, unfounded", coupled with a
reservation of the right to snpplement or modify its submissions at any
later stage of the pleadings? (Rej., VII, Conclusions.)
Perhaps it is wrong to take too technical a view of the procedure
before this Court. But even so, Mr. President, the Govemment of Spain
left upon the plaintiff Government is accordingly made no more onerous.burden
Lastly, I corne back to the first possibility, that the Govemment of
Spain is admitting the facts and figures aUeged by the Government of
Belgium. 1feelsomehowthat it isunlikely that they are doingthis,though
again there is little enough in the pleadings to exclude it.
So the Court will, 1hope, appreciatewhy 1feelin some difficulty. The
Government of Spain has not made its position clear. It neither admits
nor denies the valuation element of the compensation claim. It neither
seeks nor opposes a reference to experts.
What then is the Govemment of Belgium to do? It is conscious of the
undesirability of prolonging these proceedings unduly or unnecessanly.
It would clearly have been convenient to have been able to Say to the
Court that the valuation figures urere undisputed. But this cannot be
said. Equally it would have been convenient to have been able to say to
the Court that, thoiigh disputed. the Parties were agreed that this is a
matter for a reference to experts. But this cannot be said. And, lastly, it
would have been convenient to have been able to Say to the Court that,
though there was no agreement on the figuresor on areference to experts,
Spain, certain specificissuesregarding relevant facts or figures could be
formulated. But even this cannot be said.
In effect, Mr. President, on this particular issue we come close tothe
situation dealt with in Article 53 of the Statute of the Court. When a
party fails to defend its case the other party may cal1upon the Court to
decide in favour of its claim. Before doing so, however, the Court must
satisfy itself that the claim isell-founded in fact and law. Tme, that
Article is normally invoked in cases where a respondent State fails to
appear before the Court. Nonetheless, the fonn in which the Article is
drafted in the Statute makes it clear that it is equally applicable to a
situation in which, having appeared, the defendant fails to defend its
case. The Court has referred to such a situation in the Judgment in the
CorluChannelcase. It there said:

"...WhileArticle 53thus obligestheCourt to cousider the submissions
of theParty which appears [and the Court wiU,of course, recall that
at that phase of the case it was a matter of non-appearance by
Albania], itdoes not compel the Court to examine their accuracy in47O BARCELONA TRACTION
al1 their details; for this might in certain unopposed cases prove
impossible in practice. It is sufficient for the Court to convince itself
by such methods as it considers suitable that the submissions are
weUfounded." (I.C. J. Reports1949p ,. 248).

Now it is evident that the standard to be applied by the Court in
whether the issue is contested or not. In my suhmission, the Court is nom
possessed of sufficient material to enable it to decide that the amount of
the Belgian claim is well founded. Certain figures have been put forward
by the Government of Belgium. They have not heen denied hy the
Government of Spain. Such general issues regarding valuation techniques
as may anse have already been the subject of some discussion by the
Parties.
Given the fact that a valuation of this kind inevitably involves the
exerciseofsome measure ofdiscretion on the part ofthe valuing authonty,
1 venture to suggest that the Court is already in possession of al1 the
necessary elements upon the hasis of which it can reach its appreciation
of the value of the enterprise and determine the quantum of compensa-
tion.
If, however, the Court does not accept this submission, the Government
of Belgium would contend that this is a proper case for the Court to
exercise its powers under Article 50 of the Statute and to seek an expert
opinion. In that event, my argument which is to follow upon valuation
will not. 1 ho~e. be an entire waste of the Court's time. for what 1 have
toiay n,a" hiof some asiiitanrc to tlic Court ulicn itconirs tu tlic forniii-
lation of th,: rcfcre~iccto the rxpi-rts.
Tliis i:,i<l..\Ir. 1'rciidi1c:rn irilss to tliosc rcni:irk> \r.liicliarc riiore
closely introductory to thecentrai part of my submissions regarding the
valuation of the enterprise.
The Courtadjourned/rom 11.15 a.m. to 11.35 am.

First, the Court isof courseconcemed basically with the assessment of
the loss suffered by the Belgian shareholders in Barcelona Traction.
In a case such as this 1 would, therefore, submit that the proper
measure of the damage sufferedby the Belgian shareholders is a propor-
tion of the losssuffered hy Barcelona Traction equal to the proportion of
shares held hy the Belgian shareholders.
This, in fact, is precisely the solution adopted bythe Arbitral Tribunal
in the El Triunfo case. My learned colleague, Professor Virally, will deal
with the substance of that case in due course. At this point al11need do is
invite the Court to refer to the first schedule to the Award; there the
arbitrators estimated the total loss suffered by the Company under
varions heads and then awarded to the United States the sum equal to
sufferedby the American shareholders who held a total of 536 out of thess
1,000 sharesin the Company (see U.N.R.I.A.A., Vol. XV, pp. 467-469).
A sirnilar line was followed by the distinguished Swedish arbitrator,
Mr. Unden, in the case of the Forestsof CentralRhodopia (reported in
French in U.N.R.I.A.A., Vol. III, p. 1406 and in English in Whiteman,
DamagesinInternationalLaw, Vol. II, p. 1459).This was a case connected
with certain forest concessions owned by a Company in which the share-
holders were partly Greek and partly Bulganan. As the claim was by ARGUMENT OF hlR. LAUTERPACHT 47 1
Greece against Bulgaria, the arbitrator assessed the value of the con-
cessions as a whole and then awarded to the Greek Govemment a
proportion of that value corresponding to the share of the Company
owned hy the Greek nationals (seeWhiteman, op.cit.,pp. 1485and 1487).
The same technique should, in my submission, be applied in the present
case. There is, indeed, no other suitable measure of damage done to the
shareholders. The oiily alternative which even calls for reference is the
possibility that the los3 to Barcelona Traction's shareholders could be
measured by the value of the Company's shares in the open market.
However, this alternative isinapplicable in thepresent casefor various
reasons which are set out in the Sidro Memorandum (A.hl., Ann. 282,
Vol. IV, p. 1077). 1 need not repeat those reasons here, particularly
since this is one of the general points on which both parties appear to be
agreed. Even the accountants chosen by the Government of Spain,
Messrs. Peat, alarwick, in their Second Report, concur in this view (A.
Rej., Vol.1,p. 444). What they Sayin this connection merits quotation.
"Whilst, therefore, in general terms outright rejection of Stock
Exchange prices as advocated in the Sidro Note /A.hl., p. 2821,may
not necessarily be tenable, we consider that in the case of Barcelona
Traction, as in many otbers, such prices, although reflective of
individual transactions in the securities in auestion. are certainlv
not nccr.sjarily an aiiurstc iiidic~tioiiof (lie \::11iieof ihe busiiicjj ij
a \vtiole. For tliejc reaions rthiy continue] ive would alsu thercfore
coiisider it appropriate to disrt.gard the Stock Excliaiige prices of
tlir sliare capital of L<arcrlonnTraction for purpohej set out,in the
SiJro Sote [ttiat is to say, for the ~>iirpoof compcns~tion]. '

In eiiect, tlierefore, botli parties inagreement that tlie lossjufiered
In. tliç Rircelona Tractiori shareholdrrs should not hz rncasiirt:d by
réferenceto the anotations for Barcelona Traction shares subseauent Co
theThismethod beingexcluded there isthus noalternative to the technique
of assessing the loss to Barcelona Traction and then attributing to the
Belgian shareholders an appropriate proportion of that loss.
What loss, then, has Barcelona Traction suffered? The Court will be
aware that Barcelona Traction owned no property in Spain. Its interests
there took the form of shareholding in companies which themselves
owned verysubstantial assets in Spain, namely the whole of the electrical
production, supply and distribution system wbich 1 have heen calling
"the enterprise". As a result of the events of 12 February 1948 and
thereafter Barcelona Traction was deprived of al1 its interest in these
subsidiaries. The problem, accordingly, becomes one of assessing the
value of these subsidiaries, or, in other words, of valuing "the enterprise",
as 1 have defined it.
1must therefore now embark upon a consideration of the technique of
valuation.Thistechnique, for purposes ofthe calculation ofcompensation
due to an injured party in internationallaw, is unlikely to he significantly
differentto the technique employed for similar purposes in municipal
Jaw. Certainly thcre appears to be no international authority to suggest
otherwise. In municipal law,though the valuation ofproperty isacomplex
matter, it has. nevertheless. remained a proper arena of iudicial activity;
it has never been felt thatbecause technicians, accouniants and ecoio-
mists might have expert knowledge on some aspects of the subject, that472 BARCELONA TRACTION
it was for those reasons anythe less a suitable areafor legal argument or
judicial decision. Indeed. although the problems may at first sight seem
abstruse, ultimately they become relatively simple. And 1 sliould like
to be able to persuade the Court that the problems in this case are of a
kind which the Court can, here and now, decide on the information which
has heeri placed before it.
In prôsenting to the Court the necessary general considerations which
must form part of my argument. 1must ask the Court to forgive me if1
appear to be either too simple or too complex in my exposition. In this
sort of matter, it is very hard to hit a happy medium.
My first general remark is that we are dealing with an enterprise of a
special character in that it exists for the production and distribution of
electricpower. As such, it is apublic utility; it provides a commodity for
which there is alwaysa market-and, as the statistics show.a constantly
expanding market, as is the case, indeed,in an area of heavy industrial
development such as Catalonia.
My second observation. whicb is a much longer one. is that there
appear inthis class of situation to be various techniques of assessing the
value of the enterprise. Now 1 shall have to elaborate on the various
possible techniques.
One method is that of determining the net value of the assets con-
stituting the enterprise. normally by reference to the cost of their
replacement.
This method, which 1shall cal1the assets method of valuation. is not
~rimarilv concerned with theeamine Dow-.of the assets. It is. therefore,
of pnrtisiilar value whcii a situ;ition of moiirt;iry and econoniic iiist:tbility
or other ahnonnal conditiùiis Ii:i\.so aiiccted tlic carningi; of thc ciitcr-
ri sethat itSDrofitsmav not reflect its true ~otentiai. In süch a situation.
\vlierc one caii11(1tstimatc tlir profits uief;ll!.tlirn onv inuit rely nior,:
on a vnlu.ition of thc assi ts. :in0 th,. use tlirmethod bcr<>iiits tlirmorv
com~elline when economicconditions are likelv to distort the a~~licAAion
of the pri<cipalalternative method, to which fnow turn.
1should iust add that once, in relation to this assets method of valua-
tion. one has determined the value of the assets, it is of course necessary
ofthe enterprise, in order to reach what may be called the net asset value.
Now 1 turn to the ~rinci~al alternative. This is the method which
involves the capitalizaiion Ôfprospective earnings. 1 shall call this the
method of capitalized earnings. The foundation of this method is the
doctrine that-~ro~ertv has onlv so much value as is reflected in its
capacity to eark aRdmike
The object of this method-the capitalized earnings method-is to
ascertain the capital sum which, at a given rate of interest, would
produce an income equal to that which it is estimated that the enterprise
is earning or is likely to earn over an extended period. If 1may illustrate
this in the very simplest terms: if one were to assume that an enterprise
eamed $100 a year and one were then again to assume what we cal1a
yield rate of 5 per cent. per annum, one could with those two figures
determine the value ofthe business bv , ca~Atalizin- the earnines. that is to
Say, by assessing the capital sumihich, at 5percent., wouidYearn$100a
year, to which the answer is: $z,ooo re~resents the ca~itaiized earnincs .
of that concern.
Thus this approach standson two legs. It requires first, some asçess- ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 473

ment of theeaming power of the enterprise by reference to its perfor-
mance, either before or, in certain cases, after the valuation date.
Secondly, it reqnires an estimate ofthe appropriate rate ofcapitaiization.
ofe jpper cent. as being the appropriate annual return on the capitaltion
invested.
31essrs. Peat, Manvick, the experts consulted by the Government of

Spain,in their report place primary emphasis on this method of valuation
(A.Rej., Vol. 1,Ann. 3).
In commenting on the propositions of Messrs.Peat, Illanvick, regarding
Belgium. namely Professors Gelissenandvanstaveren, whom, asyou have

been told, areexperts particularly in the field of electrical industry, say:
"\Y%: tliirik that sucli:inic.tho<l[the inrthod of capitalized earnings]
ma\. I>capplied to electrii:il ~~rodiiction:anddistributiori enterprist-S.
hiit toiil\,to thcexteiit and in theconditions whicli \i.eshnll mciition"
(~ew~oc. No. 6, para. 64, p. 69).
And thev then set out certain verv im~ortant conditions
~- The fikt (ibid.,p. 69)is that inthe c'aseof an industry where the asçets
have a long life, it is impracticable to attempt a long-range estimate of
the ~r0fits.- -
S~!:cor~lly-.i;:,~~~OIIc,~ Ii~~lrtiuri-i~nl:tkiiig,a; nc~cssit),rcc~~iircsa,
sh<>rtrcrm cstiiii:ite of the prolits, thc ctii~ditiuiis in the country must
t~c sii~îic.i~ntl,t:ihlc:inclnormal in thal th,: iieccsj;irv elerntnts in th2
calculation, and particularly the net profits, can reasonab~ heregarded as
providing a useful indication of probable future profits Jbid., p. 70). In
other words they are saying that it isnot permissible to rely on profits of
past 3-earsas a basis for predicting the profits offuture years ifthose past
years were years of abnormality.
Thirdly, they consider that the enterprise should. during the relevant
period, be soexploited that al1its installations are being used in conditions
of normal productivity. In other words, it is no good takiiig past profits
as a basis for the assessment of future profits if. in fact, during that
period in the past the assets ofthe enterprise havenot been fully exploited
for one reason or another.
So much for a general explanation of the capitalized earnings method.
1 now very briefly mention a third method of valuation. This involves
valuation of an enterprise by reference to the aggregate value of al1the
company's stocks at quoted market prices-in other words, where one
makes an estimate of the value of the enterpriseby seeing what the stock
market is prepared to pay for the whole of the share capital of the
Company.
Kot every one of these methods is necessarily suitable to application in
every case. Conversely, more than one method may properly be applied
in any given case.The manner ofreconcilingthe application ofonemethod
with such other method as may be used is not pre-ordained, but is a
mattcr lvhich is rcsol\.ed pragn1;iticnlly irienrh iiisi;ince.
Itecrrit va1ii;itiorissiiggest tliit ma!. \VL.IbIt-appropriate to takc into
cnnsidcrntion. nt thes:iine tinic. tlotli thISSC~ t-illurrncttiod of valustion
and the capitalized earnings method of valuation.
In this connection 1ought, perhaps. to refer the Court tothe opinion
of the experts who valued the installations in a case called the1.V.E.M. 474 BARCELONA TRACTION
case (U.N.R.I.A.A., Vol. XIII, p. 352)which was decided by the French/
Italian Conciliation Commission after the Second World War.
The views of these experts are stated in the report of Professors
Gelissen and van Staveren (paras. 77 and 78, pp. 88 and 89).
Accord/ng to the experts in the I.V.E.M. case it is necessary to reach a
weighted average between, on the one hand, the replacement costs, and
on the other hand, the amount of the capitalized earnings.
The Court willalso find in Annex 15of the report of Professors Gelissen
and van Staveren the interesting opinion prepared in 1961 by a special
committee established under the auspices of the European Union of
Accountants. This opinion stated that the real value of the enterprise
should form the starting point of the valuation. By real value they
meant the replacement cost of the assets reduced by an appropriate
said, this real value-thef asset value-shouldobsobe qualified by reference
toits profit-makingcapacity. Thus they combine the two methods.
Against this background, itmay he helpful ta the Court to consider in a
little more detail the manner in which the Parties have approached the
problem of valuation.
As1havealreadyindicated, the Government of Spain has not interested
itself directly in the question of valuation for compensation. It has,
however,in the secondpeat, Marwickreport (A.Rej., Vol. 1,Ann. 3). and
primanly in connection with the Soronellas valuation, presented viewson
valuation generally which it isappropriate to examine even in the context
of the compensation issue.
Now, from the Peat, Marwick report it is possible to deduce that both
Partiesare agreed that the third method of valuation, by reference to the
shares issued by Barcelona Traction, is inappropriate in the present case.
(For the Belgian view, see A.M., Ann. 282: the Spanish view is set out in
the report of the ProfesorMercanti1of 7 April 1951,A.M., p. 194, and in
thesecond Peat, Marwick report.A.Rej., Vol.1,paras. 17-19.pp 443-444.)
For al1practical purposes, therefore, the problem may be simplified by
setting aside that method in relation to Barcelona Traction in 1948,
found reflected at a later date in Fecsa-therCompanywhich acquired the be
assets of the subsidiaries in 1952. That is a matter to which 1shall come
later.
The Parties have agreed then on the rejection of valuation by reference
tothe stock exchange values of Barcelona Traction shares.
Such division as there is between the Parties rests upon the distinction
between the techniquesrespectively of asset value, which the Govemment
of Belgium favours, and of capitalized earnings, which the Government
of Spain favours.
The Peat, hfanvick report, which 1 am al1along presuming is espoused
by the Government of Spain, acknowledges that avaluation by reference
to capitalized earnings must be "confirmed in relationship tothe under-
lying [net] assets" (second Peat, Xarwickreport, A.Rej., Vol. 1,para. 6,
p. 442).SOPeat, Marwick while standing hasically on capitalized earnings
also acknowledge the relevance of asset values. Conversely, the approach
ofthe Government of Belgium,based primarily on asset value, reflects the
view that any attempt tu assess the future maintainable revenue of the
enterprise by reference to what may or may not have been known in
1948is too speculative to be of any value. In other words the reason why ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 475
the Government of Belgium is taking itsstand primarily on the valuation
of the assets is because in so far as an attempt is made to estimate profits
in terms ofwhat +vasknown in 1948,any aitempt is too speculative.
Before proceeding any further with my examination of the value of
the enterprise in Spain, it is necessary to Say a word about two related
matters. First. thedate in respect of which the assessment is to be made.
Second. the relevance tothat assessment of knowledee rel"tinc to e-ents
occurring after that date.
Now as regards the question of the date in respect to which the
assessment is to be made. clearlv it is necessarv to select a date to which
to attributethe valuation oftheenterprise. ~h: enterprise can bevalued,
let us Say, asat 1935or as at 1948,or as at 1951, 1will, for convenience,
cal1the date so selected "the r-aluation date".
The Belgian Memorial bas deemed it proper to use for this purpose the
date of 12 Febmary 1948,the day on which, in fact, Barcelona Traction
lost control over the subsidiaries in Spain.
There does not appear, so far as 1 can make out, to be any real inclina-
tion on the part of the Govemment of Spain to question the adoption of
thisdate.
1should add, however, that to select a given date as the valuation date,
for example in Ourcase 12 February 1948,is not to Saythat no additional
damages can be assessed in respect of the period between the valuation
date and the date of judgment in the proceedings. On the contrary 1
believe it to be in accordance with doctrine and the jurispmdence of
this Court, that damages are assessed as at the date of judgment.
But as a first step in the assessment of the damages in the case of the
loss of an industrial complex, it is necessary to value the complex itself.
A second steu must subseauentlv be taken to incoruorate that valuation
inro .i iiii.jl Agiioi i~.iiii~~~~i.i tliipri:stiit cnsc',the Govrriiiiicnt of
Hrl~iiini siibmirs tliiitlicrc shoul(l bc added to tlirrq4o valiiatiun ail
nrlditionnl firure of cumucn>arorIriiitcrcit. i.~Iciil;iti:IIth<:rare uf 6 lier
cent. per annum. for thépurPo& of brid&ng the gap between 1948and
thedate of the Court'sjudgment in these proceedings, this compensatory
interest in effect reflecting the loss to the injured party of the use of his
enterprise, or of the capital representing it, from the moment of the
injury until the moment of the Court's judgment.
The Court is thereforein this case invited to value the enterprise as at
12 February 1948 and to add to that value a sum to compensate the
injured party for the lossof the enjoyment ofthe assets from 1948to the
date of iudment.
1turfi n<w to the second question connected with the valuation date,
and this is whether it is permissible, in making a valuation, to take into
consideration knowledee of events subseauent to the valuation date.
In Ourcase is it permisgible, if one adopts ;z February 1948,to take into
consideration knowledge of the events affect i.^the electricity industry
subsequent to that date?
This is an important matter. When, as in the present case, both sides
are agreed that the profitability of the enterprise cannot be entirely left
out of consideration, then it will clearly make a great difference if such
~rofitabiiitv is calculated simnlv on the basis of knowledre deemed to
have been 'in existence on the ;alnation date, or if, on tlië other hand,
account may be taken ofknowledre ofrelevant events occurringbetween
the valuatiin date and the date O?judgment476 BARCELONA TRACTION
This is a matter, important though it is, on which the Parties do not
appear to be agreed-at any rate if one may take the views alrnost
incidentally expressed in the Peat,Marwick reports as indicative of the
~ositionof the Govemment of S~ain. For thePeat. hIanvickremrts. onat
ieast two occxsions.expresjed the view that accouiit niay iiot Le takeii of
knowledge of e\.entj aftcr thc valuarion date. It is uiiderstaiidabl~ \\.II?
the Peat. JIanvick reuorts should Iia\.c taken this vosition
In theperiod pria; to 1948 and between 1948 and 1952. conditions in
the electriuty indnstry in Spain were abnormal and profits were low.
From 1953to 1956normality was graduaily restored and profits returned
to an appropriate level. Consequently, if the earning capacity of the
enterprise is measnred by reference only to profits eamed before 1948,
the answer will be les than if the earning capacity of the enterprise is
measured having regard to what is known of events subsequent to 1948
and in particular the increase of profitability after 1953.
Accordingly. the Govemment of Belgium is unable to accept the
unqualified view of Messrs. Peat, hlarwick apparently put fonvard by
them as applicable to al1valuations regardless of object. Becanse it is put
fonvard by them in these absolute terms it is appropriate for me to recaU
here a basic doctrine regarding valuation of property, namely that the
les governing valuation willVaryaccording tothe purpose forwhich the
valuation is made. There must, thus, be an important difference between
the approach of the Court to its examination of the Soronellas valuation
and iiia~~roach to the auestion of valuation for com~ensation Duruoses.
The crit&;sm of the sorokllas \*üluationis. quite sitn&. that ii \vis not
properly doiie in the state of knowled e fiid,.n .he.~irt".n,t.m'', t' 'ii
prevailiiig. In suc11ac:ise. knowlcdge O e\~nta uLciirrirignfter the date of
thenctivityof Soroiit:ll;<smust be excludcd. The Court 13hing .isked to
iudgs liis worth aiid it cnn do su oiily by reference IO \r,tiat lie knen ur
ourht to have known at the relevant da&
l>iittliÿt is quite;L diifcrent rnntter froni rn:iking :i\.~lu:ition of the
enterprisc for the pur1)oseof ~oinpeiis3tion. 1'Iiestitrtiiig point IIIthis
uroccss is n drcision rli;itthe claimlnt State hns been iniured b\. :in
Ùnlawfulact done to its nationals. The injured party is,thereiore. enkled
to be compensated for the loss which it has suffered. 1 emphasize the
deemed to have suffered. but the loss which it has actually suffered, in so
far as it is possible byuman judgment ta make such an estimate.
This distinction between loss notionally suffered and loss actually
suffered must, 1 venture to suggest, underlie the observations of the
Permanent Court of International Justice in the ChorzomFactory case
regarding restitutio in inlegrum. The obligation of the wrongdoing party
is to restore the situation as it previously existed and, if this cannot be
done, to payto the injured party such compensation as ivould as far as
possible place the injured party in the same position as if the wrong had
not been done. Accordingly. as 1understand the rule of international law,
the Court should in such circumstances take into consideration what
actually happened after the wrong was done. Indeed the Permanent
Court of International Justice recognized its freedom in this connection
when, in its second question to the experts, it asked them: "What would
be the value at thedate of the present judgment ...of the ...undertaking
. ..if that undertaking. ..had remained in the hands of Bayerische."
(P.C.I.J.,SeriesA2No.r7,p.51.) ARGUMENT OF hlR. LAUTERPACHT 477
Now 1should at this point refer briefly to the DelagoaBay case (Moore,
History and Digest of International Arbilration, Vol. II, pp. 1875 et seq.),
not. 1 may Say, in connection wviththe question of the protection of
shareholders, but because it is a helpful precedent in connection with the
valuation of a going concern.
This was a case in which a railway concession was revoked. The
revocation took dace on 25 Tune 1889. The necessitv of calling for an
expert enquiry \;as recogn&d in x98&seven years had tliuselapsed
between the moment of the injury and the moment at which the valuation
was made. Accordingly the experts who were consulted knew hoiv much
the enterprise had earned for those intervening years and they took
account of this knowledgein valuing the railway. (Seethe Award, p. log.)
That this is by no means an unusual method of valuation is demon-
strated by the fact that it is, for example, followed in the United King-
dom, to the jurisprudence of which 1 refer simply because it is the one
with which 1am the most familiar. It was referred to with approval quite
recently by Mr. Justice Megarry in a casecalled ,Cint$son v.Jones (1068,
2 AllE.IZ., p. 929).He thensaid that thereis:
".. .ageneral principle in the law that wliere facts are available they
are to be preferred to prophecies. This is sometimes called the
Bwll/a principle, from the well-known case of Bwllla and Merthyr
Dare Sleam Collieries (1891) Ltd. v. Ponlypridd Vl'alemorks Co.
[(1903) A.C., p. 4261.. .".
This was a case decided by the House of Lordsin England in 1903,and he
quoted the words of Lord hlacnaughten in the Bwllfa case:

"\Vlien an arbitrator assesses compensation it is his duty to 'avail
himself of al1information at hand at the time of making his award
which may be laid before him. \Vhy should he listen to conjecture on
a matter which has become an accomplished fact? M'hy should he
guess when he can calculate? With the light before him, why should
he shut his eyes and grope in the dark?"' (Ibid., p. 431.)
1do not think 1need Saymore about the permissibility of this examina-
tion of evidence on the auestion of valuation subseuuent to the valuation
date.
Having, thus cleared away several general, but iniportant, points, 1
sliould like to ask the Court to return and examine moreclosely the details
of the present claim, as set out in the Belgian valuation. Annex 282to the
hfemorial.
The approach of this memorandum to the problem of valuation is first
to indicate the reason why certain methods sholild not be adopted and
then put fonvard a positive alternative.
The first was the valuation of the enterprise as at: 12 February 1948
based on stock exchange quotations. As this is a point on which there
appears to beagreement between the Parties, 1need say nomore aboutit.
The second method was the valuation of the enterprise as of 12
February 1948 on the basis of the profits for the past year. This would
involve anattempt to assess the value of the enterpnse by taking its past
performance as a guide to its probable future earnings and then capital-
izing those estimated future profits.
This method was rejected for a reason which again appears to be478 BARCELONA TRACTION

bevond controversv, namelv that the abnormal conditions which
Ixc\.a~lcd for m~ii!.-).carsin ihz I>eriodbet\i.ccn 193j and 1945made it
iiiipo5siblcio estnblish:tsniislactnry base of rcgulnr taniirigs or1\i.hictito
1)roicctan estirnate uf fiitiire earningj. TliCivil \Var had Icd to ari infln-
iioiarv,situation in S~ain. Cons~r~ ~ion and o~eration costs had risen.
witlii~iitaiiy nl>prcciat;ls correspooding insrcase in rates originiilly sct in
181~36 .'rsiitj tliertfore werc abnormally lo\rt.Se\iJ rates did riut heloine
efféctiveuntil1953. Furthermore, a projection ofthe rate of profit prior to
1948would not have reflected the introduction in 1947and 1948of addi-
tional generating plant recently comp!eted or in the process of construc-
tion and which, of course, once operative would have led to substantiaiiy
increased profits thereafter. This assessment of the situation as regards
profitability in the period immediately preceding 1948 is confirmed by
Mr. Gelissen and hfr. van Staveren in their report (New. Doc. No. 6.
PP. 70-71).
There does not seem to be a difference between the Parties about ,the
correctnôss of reiecting the ore-1048 figures as a basis for the estimation
of future earninis, th<ugh iheré is not complete agreement about the
reasons. The second Peat, Marwickreport which deals with thismatter in
paragraphs 20-22 neither admits nordeniesthe abnormality of the pre-
1948conditions. However, it does acccpt the need to takeinto account the
future earning power of the newly installedgenerating capacity.
At the same time, the Peat, Marwick report qualifies its concurrence
on this point by an attempt to exclude knowledge of developments
subsequent to 1948.The report said: "It ishowever essential that account
be taken only of information actually availahle at the valuation date"
(A.Rej.,Vol. I,para.zz, p.445). NowIshouldmake it clear that Annex 282
to the Belgian Rlemorial,by not pursuing the method of capitalization of
future earnings, did not thereby concede that this was because account
could only be taken of information available on 12 February 1948. The
position of the Belgian Government is that if the valuation date is
12 February 1948,in the light of the authonties which 1 cited a moment
ago it is permissible for the Court and proper for the Court to take into
consideration knowledge of events subsequent to 1948.
So much for the first and the second method considered and rejected
in the hfemonal's memorandum.
The tbird method of valuation considered and rejected by the memo-
randum was that of attempting to value the installations, as opposed to
the enterprise as a whole, as they stood on 12 February 1948. This was
because of the manilest difficulty, indeed impossibility, of estimating
many years aftenvards, in relation to a huge, complex and constantly
changing plant, precisely what was in use in 1948 and what condition it
was then in. In other words, one cannot at today's date look back and
attempt to identify the value of the particular assets in use in the
enterprise in 1948. Messrs. Peat, hlanvick, in paragraph 25 of their
second report, agree that this basis of valuation is not appropriate in the
present case (A.Rej., Vol. 1,p. 445).
And so we turn to the fourth method. Similar considerations underlay
the rejection of this method which involved valuing the installations at
the time of the Court's judgment in the state in which they would
probably have been if they had remained within the original enterprise.
In other words, the assumption is that the original enterprise had
remained in existence and under the control of Barcelona Traction from ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 479

1948tothe date of the Court's judgment and anattempt is then made to
value the installations as at today's date. To an even greater degree than
the third method, this would have involved hypothetical estimates based
upon changing plant. Again, Messrs. Peat, Marwick are agreed that this
method is inappropriate (ibid.).
In concurring that this methodisinappropriate, the Partiesare ineffect
agreeing that the second of the two questions put bythe Permanent Court
to its experts in the Chorzdwcase (P.C.I. J., Series A, No. 17, p. 51) is
inapplicable here. It will be recalled that in the Chorzdwcase, the Court
asked the experts to calculate the value of the undertaking upon two
alternative bases: first, on the basis that the enterprise would have
remained in the same state as it was on the date of expropriation. The
alternative was on the basis that the undertaking would have been
developed up to the date of judgment.
It is the second alternative which the Parties regard as being in-
appropriate in the present case. Two particularly pertinent factors urhich

make it inappropriate are the following: first, in the Chorzdwcase hardly
six years had passed between the date of the injury and the date of the
Court's judgment, whereas in the case of Barcelona Traction, 21 years
have already passed since thedate of the injury. Secondly, it is necessary
to bear in rnind the public service character of the activities of the Barce-
lona Tra~ ~ ~ ~ ~sidiaries. This obliee<.the~ ~o carrv out such ex~ansion
ol rlirir pl:,ii;iiniiglir be neccbsîry tu incct tlir iie<d> of tlicmarket.
:iii(so\rtccnmc to tticfiftliiiictliudI'iii;illthe nieniorincliiiii cxcludc(1
the idea of valuing the enterprise today bykeference to the subsequent
profits achieved by Fecsa, the Companywhich had hought the subsidiaries
in 1952. This was due partly to the fact that Fecsa profits could not he
accepted as an exact reflection of the profits of the enterprise if it had
remained in the hands of the suhsidiaries. For one thing, Fecsa did not
retain al1 the assets which had formed part of the enterprise of the
subsidiaries.
Annexz36 to the Mernorial(Vol.IV,pp. 932 ff.)describesthe transforma-
tions made by Fecsa in the structure and organization of the subsidiaries
after the forced sale of January 1952. As a result of these changes
Catalonian Land and Electricista CatalaÏia passed out of the control of
Fecsa into the direct control of Juan March. Moreover, changes also took
place concerning another one of the suhsidiaries called Productora de
Fuerzas Motrices. Its role in the group was important by reason of the
fact that the hydro-electric installations under its control in the Val
d'Aran furnished an important part of the energy distributed within the
enterprise's area of distribution. The report of Mr. Gelissen and Mr. van
Staveren, supplementing the information given in Annex 236 to the
Memorial shows that in the course of the first half of 1955 Fecsa parted
with al1interest in Productora (Annex 19of the report of Gelissen and
van Staveren). The shares of Productora were acquired by Juan March or
companies under his direct control. From this moment he so arranged the
price of power snpplied by Productora to Fecsa that the former made
considerable profits at the expense of the latter. In other words, when
Productora formed part of the Barcelona Traction subsidiaries, the
supply of energy by Productora to its affiliates within the group was at a

given price, let us Say, a reasonably established price between the
affiliates. But when Productora was taken away from the Fecsa group by
bIr. Rlarch, the price at which Productora supplied electricity to the460 BARCELONA TRACTION
Fecsa group was considerably augmented and the result was that the
Productora profits, which were no part of the Fecsa group profits, were
considerably increased and, correspondingly of course. the Fecsa group
profits were reduced. Eventually, in 1964, the owners of the Productora
shares. namely the hfarch group, sold back to Fecsa the shares in Produc-
tora to a nominal value of 400 million peytas and they received, in
payment from Fecsa, Fecsa shares representlng at that moment a value
of some 3.300million pesetas.
It is evident, therelore, that if one wanted to base the value of the
assets of the entemrise which had ~assed into the oss sessio nf Fecsa at
the date of judgme'iiton the sul>sc<iiieiitI:~-cs.,rz5iltit\voulclbr:iiecçj-
snry to mnke importnnt adjustmcnts to eliniiii:,ttr tlie infliiciice on th?
rïsults ul VCCSo ~f311tlie nii~iii~)iil:~tsl:~tinEto i'rodu~tora.
A further reason why the ilemorial rejected complete reliance upon
the Fecsa results was that Fecsa itself added to and altered the plant,
so tliat its subseauent ~erfonnance cannot, at anv rate after 1<-6.
accurately reflect &spre;ious potential.
The Peat, Xarwick report States that this conclusion is "acceptable
to us as not only would this involve assuming knowledge of events after
the valuation date. but from the practical aspect. would present con-
siderable difficulties" (A.Rej., para. 27, p. 443). The Government of
Uelgium agrees that from the practical aspect this method would present
considerahle difficulties. at any rate in the period subsequent to 1gj6.
But, once more, 1 am bound to Say that the Peat, Marwick report
signifies its agreement with the position of the Government of Belgium
by reference to a consideration foreign to the grounds advanced in the
Sidro memorandum. There is no suggestion to be found in Annex 282
that reference to Fecsa's results was excluded because of the impemis-
sibility of taking into account knowledge of events after the valuation
date.
So, having excluded these five possibilities, the Sidro memorandum-
Annex 282 of the Memorial-then advanced a positive alternative: the
idea of calculating the replacement value of the generating plant and
distribution system as at the valuation date, 12 February 1948
There were two reasons for doing this. One is that in the absence of
any other adequate method the assessment of the replacement value,
suitably adjusted. can give a fair reflection of the value of the plant.
The other-this is awfully important-is that in this particular case
there actually exist the figures necessary for making this estimate.
It happens that in 1946 Ebro's engineers made a study (New Doc.
No. 6, Ann. 16) for the purpose of determining the replacement value of
theThis was divided into two parts. First, in relation to power stations a
figure was calculated. by reference to work then being planned or under
construction, for the cost of each klV/hour of production, in other words,
thev used current cost fieures to estimate how much it would cost to
ioktruct each k\V hour orclectricit!. prodiicrioi'I'titigurc.thusrcnihcd
\\.asthcn rnulriulied bv thcccxiitinic iauacitv of rlie uuwer ul:int ancl tliis
provided a repiacement value for il1 Ôfthem.
Secondly. as far as distribution plant as opposed to power stations is
concerned. a replacement cost was calculated by reference to actual
estimates for work then planned. There was nothing academic about
this-plans were then in hand for construction and obviously, in making ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 481

plans, estimates have to be made of costs, and it was these cost figures
which were employed in 1946.
The result of this method of calculation was the establishment of the
rzplacement value of the installations at the end of 1946 at a figure of
2,800 million pesetas. This figure included an element of 15 per cent. to
cover interest, study costs. overheads. and so on.
It was then necessary to make an allowance for the virtual certainty
of increases. Mr. Spéciaelhad occasion to write to the Spanish Minister
ofTrade on the whole subject and in his letter he quoted a total figure
of 3,000 million pesetas (A.M., Ani]. 39, p. 202) as the replacement cost.
It was then necessary, in the Belgian Memorandum attached to the
hfemorial, to reduce this replacemeiit value of 3,000 million by a factor
to cover depreciation. By reference to the schedules used in the enter-
prise, this was estimated over-al1as one-third of the replacement value:
so that the 3,000 million pesetas was thus reduced to 2,000 million.
What then was the dollar equii-alent of that sum? In 194611947the
officia1rate for Desetas was 11.oa2 vesetas to the dollar. Thus. ..~ 2.000
million pesetas mould equal $181 hilîion.
However, thisrate of exchance does not reflect the fact thatthe official
rate no lon~er corres~onded t< the ~urchasine Dower of the veseta in
Sp:~iii.~h15;vas abou; ?O pesetns to ihe dollar: '
:II the sane tirne,tliiitru? rntc of cschange-ro CO tht: dollar instcad
of II to the dollnr-could ob\.iouslif not ~A . ,l\. be a.mlied to the \i.liole
of the value of the enterprise, sin& only about 20 percent. of the value
at the officialrate and so their conversion should be made at the official
rate. Thus, 20 per cent. of the total was converted at the official rate,

giving $36,~2o,ooo and the remainder, covering other materials and
$80 million.id for in Spain. were converted at the real rate, giving
\Ve thus come to a total of $116,zzo,ooo. This represented the value
of the enterprise as a whole.
From this it was then necessary to deduct the liabilities of the enter-
prise under the Prior Lien and First Mortgage bonds. namely $27,619,018,
and the result is a net value. in round figures. of $88,6oo,ooo.
Nr. President and Members of the Court, this approach represented a
careful and constructive effort by Sidro to present a method of valuation,
founded as much as possible upon objectively verifiable facts. It dimin-
ished to a minimum, especially in comparison with other methods which
were rejected. the exercise of speculative discretion regarding the assess-
ment of future earnings. .
The Court may care to note that in the Bclgian Reply (V, para. 187,
p. 112). the Government of Belgium said that it was convinced that the
method thus used in 1946 for valuing the assets had been followed and
had led to comparable conclusions in 1949 and 19jo. Now. of course, at
that date the enterprise was already in the hands of the bankruptcy
organs. but the Government of Belgium was persuaded that these bank-
ruptcy organs had had to reply, in the names of the subsidiaries, to,an
en uiry made by the Spanishauthorities of al1the electncity enterpnses
in?jpain in connection with preparations for tariff reform. so that they
might establish the economic situation of the industry. In the Reply,
the Govemment of Belgium then, in effect, challenged the Government
of Spain to produce the documents which must have been sent at that482 BARCELONA TRACTION

time-1g49-1g50-to the competent Spanish authonties by the bank-
ruptcy organs of the former subsidiaries. The Government of Spain has
not responded to that challenge. The Kejoinder contains no reference
whatsoever to this matter, and the Annexes do not contai11the relevant
documents, and, of course, as the Court knows, it isno part of the Statute
and the Rules of this Court to provide for discovery of documents in
proceedings snch as these.
So the situation stands in which the Goverriment of Belgium in effect
indicates its understanding that the method used in 1946, far from being
a bad method, was in fact subsequently used hy the bankruptcy organs,
and the Government of Spain has done nothing to indicate that that
undcrjtandrng is III-foriiidd
comnicnil itself to .\lessrs. Petit, .\la~rck. Thr Pcat, Jlrini,rck rrpurt dot-j
not present its own valuation of the enterprise as at 12 Febmaiy 1948-
though at a later stage (V,pp. 458-461)it attemptsits own broad-range
evaluatiop of the undertaking as at 30 November 1951. This was done
with a view to justifying the propnety of the Soronellas valuation, a
matter which has already been dealt with by my leamed colleague,
Maître Grégoire (strpra, pp. 363-372).
1pause only to make two points which anse out of thePeat, Marwick
report.
The first is that the very title of this section of the Peat. Marwick
report sheds light upon the standard of precision which the Govemment
of Spain appears prepared to accept in this matter of valuation. This
section is called "Broad-Range Evaluation of the Undertaking as at
30 November 1951". It is permissible perhaps to draw the conclusion
that in this class of situation, namely a situation where the assets are so
substantial and the facts affecting their valuation so varied. variable
and removed in time from the present moment, nothing more than a
broad-range evaluation can reasonably be undertaken-suggesting that
the Govemment of Spain is prepared to adopt a broad-range evaluation
in relation to 1951, and 1 suggest that that standard of precision, or
relatively low standard of precision, is equally applicable to evaluation
for the pnrpose of compensation.
The second voint to be made on thePeat. Marwick revort is the failure
of thiî broad->ange c\,aluation by \lrssrs.' Ps:.r. \l;ir&ck to ~I\.can\.
weight, or cven rcfcr. to thc \.>III*:frliiuiidrrl!.ing :,ssrrs, :ind thri<,r-
wittistan<lingthe lact that in their o\i.iist,~temi:(ifvtiluation priiiciyls.
\lcsîrs. Peitt.\li~rwickhad sirggcstcd thi~ttlie systeni oi capitaliz<,d<tirri-
inui shoiild IIC\.erified L\. rcfcrence to tlic iin<lerlyinc i15sc.. h<:srri-
oGness of this omission-was subseauentlv emvhasiied bv Professors
GeIissen and van Staveren in their reiort (New6oc. No. 6, Pp. 66 et se9.
and p. 84 et seg.).
A'ow, MI. President and Members of the Court, this being in rough
terms the state of the pleadings on the question of valuation for the
purpose of compensation, 1 am now obliged to consider what course 1
ought to invite the Court to follow.
1have alreadyindicated that the Govemment of Spain, in its pleadings,
has scarcely made any effort to meet the substance of the points made
by the Belgian Govemment on the question of compensation. In my
snbmission, this entitles the Court, if it is satisfied of the reasonable
accuracy of the valuation made by the Govemment of Belgium. to ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 483

accept it as the value of the enterprise at 12 February 1948, that is to
Say, S88.600,ooo.
This, of course. still leaves open the problem of estimating the loss
ta Barcelona Traction arising during the period which elapsed from the
dispossession of its subsidiaries in 1948 until the date of the Court's
judgment. One possible method would have been ta assess the profits
which Barcelona Traction might have been expected ta receive during
this period as a result of the operations of its Spanish subsidiaries. The
inmorial reiected this on the arounds which 1 have alreadv mentioned
as :iiiiinquiiliiiçrl rtciltcctionui tlic e:,rniiigs tlilit tlie H:xricli>ii.,'l'rnctiun
subsidiaries would have made.
Accordingly. the Belgian Government. instead of trying to estimate
the profits of Barcelona Traction, simply proposed that compensatory
interest should be calculated at the rate of 6 percent. per annum simple
interest ou the value of $88,600,000 from 12 February 1948 to the date
of the Court's judgment. This approach has the advantage of simplicity
and certainty. In effect, it suggests that the damages to the injured
party should be quantified asat 12 Febmary 1948 and should then be
treated as a liquidated sum bearing interest at an internationally ac-
ceptable rate. The 6 per cent. rate adopted in the Memorial is very
moderate and readily justifiable. As the Court will know the preseut
general rate of interest in the international money market is at least
6 Dercent.
'Moreover,a rate of 6 per cent. simple interest on a sum which has been
outstandina for more than 20 years is the equivalent of an effective rate
of comnound interest of no more than A Ûer cent. Accordinelv. it is
rc.~l~yriiiirJic of 4 prr ct.nt.t113t/<III,to hi. conil~.irririt~t~icgcnerÿi
lcv~l uf intrrest rntc?. and tlis is hecniisc tlic iiiliir<-dpnrtv II:,+siiiilily
beeri keot out of its monev for the wholeof those 20 veaksand there hàje
been no'interim paymentS of interest. Therefore, it is"permissible,instead
of looking at it in terms of a simple interest rate of 6 per cent., to look
at it in terms of a compound interest rate of 4 per cent.
MI. President, my further submission is that the Court really need go
no further than Annex 282 of the Belgian Memorial, coupled with, of
course, the reports of Mr. Gelissen and Mr. van Staveren and the Arthur
Andersen report. for the purpose of proceeding to an assessrnent of
damages. If 1 am right in this submission. then there is clearly no need
to have recourse to experts. But, if 1 am wrong in this contention, what
then is the position? 1 would need to assume, forthis purpose, that the
Court would haverejected the method of valuation of the assets proposed
in Annex 282 to the Memorial. Obviously, if the Court has not rejected
that method ithas applied it and what 1have to Saybecomes irrelevant.
If the Court has rejected Annex 282 this could be either because the
Court did not acce~t the fieu-es set out in Annex 282 or because it d'id
not accept the mekod.
Now, as regards the figures, there is no evidence presently before the
Court to sue&.-t that tbev are wrone-and 1lav em~hasis on that. There
ii notliing \vhntsoc.vcr io .iigSccst'thlt tlie iifiiir;,s <I\~;iiiceclL>\tlie
Govcriiriit.iit ai Hclgiiini in th<.5idro ~lciiir>rnii<larc iiot correct ;aiid
tlicSi>:iiiiîliGu\.eriiiiii.iit 1i:isdclil>~r:<tcuasjtthc two uuuoifiiiiitics
which it possessed to demonstrate any ~nacc;racy that mi&t exist. In
my submission,theSpanishGovernment isnow precludedfromchallenging BARCELONA TRACTION
484
those figures. The other explanation of why the Court might not adopt
the proposa1 in Annex 282 is that it may not accept the method of
valuation. 1 do not think that 1 can assist the Court hy contemplating
what alternative the Court might adopt, if only by reason of the conside-
ration that 1have alreadv set out that there is no other alternative. But,
as1 sa)..1cniiiiut assist rlirC'oiirt\viiny;ilt~~rn;itivc\iliictcaiicuniniriid
itselfnî likcl),IO producc iiiore satisfactori. rïjultithnii tlic incthod îrr
uiit in.\niier zh. .\IItli:irIc.în nttt.rii~>tto d1% tuill~lii.lt10 tlie Cuurt
the very limited range of materials upÔnwhich a valuation can he bastd
-and 1 should perhaps interpolate here thatthe reason why there is snch
alimited range ofmaterialis due ta no fault on the part ofthe Government
ofBelgium. It isinherent in the situation, havingregard to what happened
in Spain in 1948and having regard to the lapse of time since then and to
the intervening events, it is inherent in the situation that there are only
limited categories of material availahle.

At the same time, 1will venture to suggest that such materials as esist
generally tend to confirm the figure of $88,600,000,which is the result of
the calculation made in Annex 282 tu the Memorial.

TheCourtrose ut12.55 $.m. EIGHTEENTH PUBLIC HEARING (gV 69, IO a.m.)

Present:[Seehearing of 17IV69.1

Zlr.L.4L'TEIZP:ICJIT:TIieCourt willrtwallthat yoterday 1:tttciiilitrrl
to do rwo tliinrs. First 1soucht to dcal with some :isuçcts of ttie thti>r\.
of valuation. Ïn particular Ï sought to demonstrate'the difficulties ai-
sociated with valuing the enterprise in 1948on any hasis that involved
undue reference to oÏreliance upon its profits in théperiod from 1935 to
194s.
Secondly, and more positively, 1 sought to justify to the Court the
method of valuation which was proposed and developed in Annex 282
of the Belgian Memorial. 1 submitted that the method there indicated,
together with the evidence now before the Court, was quite sufficient to
justify the Court in reaching, at thisstage ofthe proceedings, a conclusion
that the value of the enterprise as a whole was at 12 Febmary 1948
$88,60o,ooo.
Nonetheless. havine uut forward the ~ositive case in this manner. 1

The answer in mv submission. Mr. Presidënt, isthat there is reallv verv
little material to énable the Court to pursue satisfactorily any method
other than that set out in Annex 282,and, as 1 suggested at the very end
of my speech yesterday morning, this lack of maiërial is not due to any
fault on the part of theclaimant State. The lack of material is inherent
in the situation, the relevant factors being first the great lapse of time
since thedate of the wrong and, second, closely associated with the first,
the enormous changes that have taken place in the structure of the enter-
prise since 1948, particularly the sale to Fecsa in 1952and the major
chSo that really there is very little, if anything. of significance that can
now be done to supplement the material that the Court already has.
At the same time the interesting feature of such material as there is is
that it so clearly confirms in broad terms the amount of the 1948valua-
tion as based on the 1946 replacement figiues.
Let us look first at the period prior to 1948a,nd begin with 1935a ,s
there is a good reason for taking that particular year. It represents the
last year of normal functioning of the enterprise prior to the outbreak
of the CivilWar. Somuch was 1935 regarded as the last normal available
year that in the Decree of 12 July 1951(see NewDoc. No. 6'Annex 18,
para. 1).in which the Spanish Government laid down the basis for a new
electricitytariff, it was selected as the base year, the year of reference,
on the basis of which the new tariffs were to be calculated.
And so 1think it is right that if one wants to apply some such method
as the capitalized-earnings basis of valuation it is right to treat 1as5
really the last year before 1.4~of which one can use the profits as a
relevant element.
Now the profits of Barcelona Traction in 1935distributable to its
shareholders amounted in al1to $3,385,2 (5eeGelissenand van Staveyen
report, New Doc. No. 6,p. 18)T .his sum may then be capitalized to give486 BARCELONA TRACTION
the value of Barcelona Traction in 1935. Thus, we take the profits,
$3,38j,256, and using a yield factor of 5 per cent. on this occasion, we
reach a capital value of $67 million. Clearly the adoption of the. yield
factor of5 per cent. involves a measure of discretion. Professors Gelissen
and van Staveren, the experts consulted by the Governrnent of Belgium,
consider that this is an acceptable rate to use for that date, 1935,having
regard to the normality of the conditions then prevailing. (See their
report, New Doc. No. 6,p. 97, note1.)
1ought perhaps to interpose at this point a word about my reference
to the profits of Barcelonû Traction. Yesterday 1 was talking about the
profits of the enterprise. 1 ought to explain, indeed it is really fairly
obvious, that there is a virtual identity between the profits of the enter-
prise, which 1 described yesterday as being to the enterprise of the sub-
sidiaries in Spain, and the profits of Barcelona Traction. This essential
identity stems from the fact that the profits of the enterprise obviously
moved upwards through the chnin of holding companies until eventually
they reached Barcelona Traction and, in theory, through Barcelona
Traction, should have reached the shareholders.
And likewise, 1 think it is right to Say, the value of the entreprise is
value of the enterprise one is also speaking of the value of Barcelonathe
Traction, subject, of course, to one major qualification, that Barcelona
Traction had a body of indebtedness, the First Mortgage bonds and the
Prior Lien bonds. Sothat if onewants to determine the value of Barcelona
Traction by reference to the value of the enterprise, that is to Say the
enterprise of the subsidiaries in Spain, one naturally has to deduct from
the value of the enterprise in Spain the amount of Barcelona Traction's
whole indehtedness ifoneis to reach the net value of Barcelona Traction
itself.
Now 1 have just been speaking of the material relating to 1935. The
next period, that of the Civil War, should not detain the Court. It was
a period of mauifest abnormality and the results of the enterprise during
that period can shed no useful light on its profitability.
So 1 come next to the period 1941-1946. This has been analysed by
Professors Gelissen and van Staveren in their report (ibid., pp. 23-26,
paras. 27-37). They show that the total profits of Barcelona Traction
for this period of six years ivas, after making certain allowances for
Civil \Var losses. of the order of $19 million-precisely, $19,145,167
(ibid.p. 31). Thus the average profit for each of those six years ivas
$3,200,000.
The difficulty is that there is no available evidence regarding an ap-
propriate yield rate. So that if the Court were to wish to capitalize this
average profit of $3,200,000 to reach a capitalized earnings value as of
19The estimate of the Government of Belgium is that a capital value of
approximately $88 million would be reached by the application of a
yield rate of 3.6 per cent. Having regard to the conditions prevailing at
that time, it isbelieved that this would be a fair rate to adopt. But, 1must
Say, the fact is that the Court has no evidence regarding the appropriate
yield rate at that date.
1 ought to add two things about this period of 1941-1946.One is that
the revenues of the enterprise were ploughed back into it in the form of
neiv installations costing 265 million pesetas (M. ,, No. 36, p. 22). The ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 487

other is that the indebtedness of the subsidiaries in Spain was reduced
bv about 50 million uesetas. This was also reduced bv reuavment out of
the revenües of the interprise. As a result of these Go factors, one the
increase in the installations, and the other the decrease in the indebt-
edness of the enterm.se. w.have an increase in thenet value of the enter-~ ~ ~.
prise of abuut 31 j rnillion peict.is. If one t;ihes iiito account the rc:il
purcli:iiiig poivérof tlic]><:ictrduring tliat periotl th15is ~'qii:~tlo soiii~.
Szo million. ;Isiiiii\r.liicli\vuiild i:r>ries~uiidivittliiiiicreltsc intlit iict
.îs..ct ~..rIiiooft~iccnr~r~~ri~~:fr~$6iirnii~ionin1935,tu $65niiiiiuiiiii 154.~.
Su\i, havinfi 3pukc.nof 1111:periotl 1941-1346 1 skiaIlpiisj to 1447, tli':
vcxr ~rcccclinc- rli~1i;inkl-iintc\ l'litdocum~~iit,hcfvre rlitCourt coiit:iiii
ilircc'figiiiri for tlic profirs;>f6~rcelonn Tractioii in thnt )car ï'licrcnson
\vhv rlicrr arc tlirce figuresia rli:it tliere ij rioh~lniiccjlicct for Hnrccloiin
Traction for 124., beCause the events of Iz Februarv 1048 inte,v.ned
bcfore tlic,;ic~.oiiritsof B:irieloiin Tractioii for tlic prc\;ioiii citlçndar !.c.dr
Iind bceii i~i~iiiplittc.o oiiv lias to relv uii thrci. tijiurcj for ~irufitscm;i-
nating from different sources.
The first is a figure of $3,566,000calculated by Messrs. Peat, Bfanuick.
The second is a figure of $3,71z,g60 given in the report of the expert
Soronellas. The third is a figure of $3,626,000 provided by the auditors
Messrs. Turquand, Youngs and AfacAuliffe(New. Doc. No. 6, pp. 30-31.
para. 33).
Maître Rolin in his introduction (supra, p. 13), relied upon a figure of
profits for that year of, in round terms, $3,7oo,ooo.If one applies to this
figure a yield rate of 4 percent. which Messrs.Gelissen and van Staveren
judged prudent for 1948 (New Doc. No. 6, pp. 96-97), one sees that the
net value of Barcelona Traction one month and 12 days bcfore the com-
mencement of the bankruptcy proceedings was some $92 million.
1 am now going to pass, Mr. President, from 1947-1945right to 1956.
That is not to say that there is no material wrhatsoever covenng the
interveuing penod. The Court will recall, for example, the discussion
which has taken place about the Soronellas valuation of 1951.But in my
understanding the material available in that connection can really be of
no use to the Court in the context of the assessment of compensation.
\Vhat the Court needs is evidence of profits in a penod of normal opera-
tion. This is explaned by hfessrs. Gelissen andvan Staveren (ibid p..71,
para. 64).
Now 1951 was not a year of normal operation. It is true that in 1950
the peseta had beeii devalued and that thereafter one gets a gradual
restoration of economic normalcy in Spain, but it was only a gradual
reversion to a normal condition and the gradualness ol the reversion to
normalcy ofthe economy generally wns,ofcourse,reflected in the gradual-
ness of the reversion to normalcy in the electricity industry in particular.
It will be recalled that in 1952the subsidiaries had passed into the hands
of Fecsa. Consequentl one might wish to examine Fecsa's results in the
hope that one could kd there some refiection of what the subsidiaries,
had they been left in their original shape, might have eamed. For
reasons which 1 shall presently state, it is not safeto take the figures
relating to Fecsa until 1956 and theri only for that year.
By 1956the new scale of tariffs, which had come into operation at the
beginning of 1953.enabled Fecsa to make realistic char esforcurrent-for
the supply of power-and these charges were hy 195 f properly reflected
in Fecsa's published earnings. ARGUMENT OF IlK. LAUTEKPACHT 489
for that year of 5jper cent. which, in their view, was again justifiableby
the economic conditions then prevailing.
1 may conclude what 1 have to say about 1956 by adding that there
was nothing exceptional about the profits of Fecsa in that year. Nowthat
sort of profitevel was maintained and, indeed. increased in each of the
years subsequent thereto.
MI.President,in my submission the Court has been placed in possession
of theessentialfimres which are necessaw for a valuation,
These figures Kave not been challengéd by the Government of Spain.
The Government of Belgium has also proposed a method by which these
figuresmay be used to pÏoduce an appÏopÏiate valuation of the enterprise
in 1948. The Government of Spain has never directly attacked that
method. In so far as it has done so indirectly, it has produced no suitable
substitute.The Soronellas valuation of 1051oucht clearlv to be left out
of consideration in this connection. Th&: is, fherefore,-no obstacle of
substance or of procedure to prevent the Court from proceeding forthwith
to a determination of the vaiue of the enterprise.
After all, the Court is not here concerned with an absolutely precise
valuation down to the last cent. In the DelagoaBay case the arbitrators
and even the experts were obliged to make a whole series of assumptions.
They were obliged to estimate the profits that the railway wonld have
been capable of earning during a period of nine years, from 1896to 1907.
on the basis of the estimated growth of trafic which would not have
achieved its niaximum before 1907. They also had to make certain pre-
dictions regarding the investments which might be called for.
Again, in the ChorzdwFactory case, when the Court formulated the
questions to the experts it took note of the difficulties raised by the
questions and said that it was because of these difficulties that the Court
thoueht it meferable to seek a valuation bv various methods so that one
mighÏ bc c8mparcd with nnotlier and tlie ;estilt of one nirth~d he used
to supplement the rcsults of aiiotticr. 1 pause only to say that tliat is
aeain a verv clcar indication of tlicai>i~rcciatioiib\, the Court in the
~Yhorz6w c?& that it was going to be cafied on to exércisea measure of
discretion in feconciling the results of the various methods of valuation-
yet another indication, in a sense, of the lack of total precision in the
valuation system.
Bay and in the ChorzdwFactorycases to make assumptions.e was in the Delagoa
The Court has figures for the replacement costs of the assets in 1948.
There is nothing speculative about these. In so faras the Court wishes
to test the asset value by comparison with a capitalized-earnings
value, there is the possibility of doing so by reference to the actual fig-
ures of 1956-a year which was relatively free from cornplicating
factors although, of course, the figures have to be treated with some re-
serve.
In the view of the Government of Belgium, the amount of $88,6o0.000
estimated in the Memorial as the net value in 1948 of the business
represented by the shares of Barcelona Traction must represent as
reasonable an approximation to thetruth as it is now possible to reach.
Accordingly, 1conclude this part of my argument with the submission
that, first. the Courtshould determine that the value ofthe enterprise was
S88.6oo.000as at 12 February 1948 and. second, that the Court should
therefore include as an item inthe damages to be awarded to th^Belgian ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 4g1

expenditure can be explained as a direct and reasonable consequence of
the wrongful acts of the Government of Spain.
Accordingly, 1 believe that the most helpful-and perhaps the briefest
-way in which 1 can approach the question of incidental damages is by
concentrating on showiiigthe causal link between the wrong for which the
Government of Spain is responsible and the expenditure incurred by the
shareholders of Barcelona Traction in consequence of those wrongs.
Because Barcelona Traction, as a result of the bankmptcy in Spain,
had been left with no funds availal>leforits defence, Sidro, the principal
Belgian shareholder, has borne al1the expenditure relating to the defence
of the rights of Barcelona Traction.
1should perhaps have prefaced that paragraph by saying 1am dealing
now with the first item-the costs item.
On 15 July 1948, proceedings were started in Canada by the National
Trust company against Barcelona Traction to enforce the trust deeds.
These proceedings were a direct result of the Spanish bankruptcy decree.
They would not have occurred but for the events in Spain. (A.R., Vol. II,
Ann. 134, App. 1, pp. 817 el seq., specially at p. 830, which sets forth
detOne of the major expenses borne in that connection by Sidro was the
subscription to the receiver's certificates issued with the authorization of
the Supreme Court of Ontario. The receiver's certificates were, in effect,
a form of borrowing by the receiver of money to meet the expenses of bis
administration.
Sidro supplied the funds required in that connection to Amitas, an
American-incorporated subsidiary of Sofina and an affiliate of Sidro
(Rej., VII, p. 868).
1 may just Say, in passing, that the reasons why it was necessary to
have Amitas take up the receiver's certificates were connected with
exchange control matters.
AI1thecourt orders authorizing the issue of the receiver's certificates,
up to 1965, may be found amongst the so-called receivership documents
which have been deposited by the Government of Spain with the Regis-
trar of the Court.
However, 1 do not think it necessary for me to burden the Court with
the provision of copiesofthese numerous orders. What 1mustdo,though,
is to refer the Court to the transcript of evidence in the receivership
proceedings-evidence given by Mr. MacKelcan, an officialof the Nation-
al Trust company (A.R.. Vol. II, Ann. 134. App. 1, Doc. No. 2, p. 733).
For he then said that the National Trust had made it plain tliat it was
up to the shareholders in Barcelona Traction to make provision for
meeting thecosts of the receiver. And 1need hardly add that the appoint-
ment ofthe receiver was adirect consequence of the events in Spain, as is
also confirmed by the evidence of hlr. hIacKelcan.
present to $r,oz8,ooo plus interest at 5percent. per annum from the date
of the issue of each certificate.
In addition to subscribing to the receiver's certificates, the share-
holders of Barcelona Traction also had to make payments direct to the
National Trust on account of their fees and expenditure. The first
$200.000 of such payments is referred to in the same evidence of Mr.
MacKelcan (ibid. an)dthe total amouut thus paid directly to National
Trust is, as of the present date, $680,000. BAKCELONA TRACTION
492
Within the framework of these Canadian receivership proceedings
there were two further Canadian actions: the first, by Westminster Bank
against Barcelona Traction and National Trust; and the second. by
National Trust against Ebro, Catalonian Land and Fecsa.
Both these additional Canadian proceedings are a direct consequence
of the Spanish bankruptcy proceedings.
The first flowedfrom the fact that the Spanish bankruptcy organs had
stopped paying interest in Spain on the 6 per cent. peseta bonds, for
which the Westminster Bank was trustee. (The Court will finda detailed
exposé inA.R., Vol. II. Ann. 134, pp. 838-840.)
The second action denved fromthe violations ofSpanish lawcommitted
by the Spanish hnkruptc) organs, such asthcrev&ation of theappoint-
ment of dirrcturs. senior officiaisand of lawyers of lcbro ;iiid Cat:iloninn,
as well as the convenina of shareholdefs' meetings of subsidianes,
changes in their charters %nd by-laws, the issuance of falseshares and
their sale to Fecsa.
In these three actions in Canada which directlv flowed from the
Spanish bankruptcy proceedings, Sidro had to d'isburse substantial
amounts over and above the amount of its subscription to the receiver's
connectionesis-1 venture to suggest-crystal-clear.ts advances in this
One/other set of proceedings outside Spain also requires mention,
that isthe case of Sidro and Holmested against Olivan and others in
the Committee of Prior Lien Bondholders appointed by Mr. March (see
A.R., Vol. II, Ann. 134, pp. 846-8473, This action became necessary
when that committee filed an appearance in the Spanish bankruptcy
proceedings and was admitted as a party in those proceedings. Now
Sidro and Holmested chalienged the right of the committee so to act.
And it washeld in English proceedings, that the conduct ofthe committee
in this respect was ultra vires, beyond its powers. Sidro's right in thus
establishing the illegality of the cornmittee's action 1think, clear and
it follows again-1 believe-that Sidro should be indemnified for the
expenditure incurred in connection therewith.
The name of one other case, Walford against BarcelonaTraction and
NationalTrust,mayalsobefound mentioned inAnnex134 tothe Rejoinder
(Vol. 1, pp. 841-842). This was an action brought against Barcelona
Traction, prior to the bankruptcy proceedings, andits costs were met hy
Barcelona Traction. The case has nothing to do with the bankruptcy
proceedings. Although properly included in the descriptive matenal in
Annex 1340f the Rejoinder,it shouldnot,infact, have been mentionedin
paragraph 1034of the Rejoinder.And,accordingly, 1must makeit plain
that the sum of S3.800,ooo.claimed under the head of costs, does not, in
fact,include any element relating to this case. Its costs had previously
been disposed of by Barcelona Traction.
inside Spain.from the proceedings outside Spain to the proceedings
From July 1948 to April 1952, the costs were largely met by the
receiver out of the proceeds of the receiver's certificates. Nonetheless.
Sidroshouldered the burden of the costs for the period pnor to July 1948
and subseauent to A~nl 1052. In addition. Sidro had to meet certain
expenses bêtweentheçe twidates, apart from actually subscribing to the
receiver's certificates. For these expenses, Sidro is also entitled to ARGUMENT OF MR. LAUTERPACHT 493
Sor \i.:isSidro'sexpciiditurc li~iiittd to ttiose items; but 1sh31101 lis
an). more In vicw uf [lie cnorinous iomplesity of accoiinting for this
ext~enditiirç iri dct:iiltliçGoi~crriiiizriO! 13elciumlias dccided not to
inc'ludethese further items in its present c1aim.-~onetheless, the right is
reserved to revert to these matters should the Court eventually decide to
remit the question of damages to experts.
I pass now from the cost items to the second item, the bond items.
In the Memorial (1,p. 188), the Belgian Government put forward as one
ofthe component elements in the damage suffered by theBelgian interests
the value of Barcelona Traction bonds held by Sidro and Sofina. This
amounted to f 243,260.The basis for including this item in the claim was
the fact that under the Conditions of Sale in 1952. Fecsa was placed
under an obligation to repay the bonded debt of Barcelona Traction.
However, Sidro and Sofina took the position that the action of the
Spanish authorities in allowing the sale of the Barcelona Traction assets
and of allowing the purchase by Fecsa, was wrongful and so they did not
present their bonds. amounting to £243,000, for redemption by Fecsa.
In xi doing, they avoided providing any grounds for the Government of
Spain to assert subsequently that by their conduct the injured Belgian
interestshad acquiesced in the otherwise wrongfnl sale.
This claim was notdealt with in the Counter-Memorial. It was repeated
in the Reply (V,p. 758),at which time the sum was estimated to amount,
with interest to 4 January 1952, to £433,821; and further interest at 6
per cent. was claimed for the period from 4 January 1952to the date of
the Judgment of the Court.
The Rejoinder (Viï p,p. 869-970) makes certain points in connection
with this head of claim. First, it suggests that the non-presentation by
Sofina and Sidro of their bonds wasa voluntary açt. freely decided within
the framework ol the legal strategy decided by them.
Mr. President. this comment disregards the existence of a rule oflawin
international claims which could, had Sidro as a shareholder in Barcelona
Traction, and Sofina as the controlling shareholder in Sidro, acted
otherwise, have senously prejudiced the position of the Belgian Govem-
ment. \Vhat was this mle of law? While it is true that international
Droceedinesare Droceedinpsbetween States in whidi the riphts of States.
;.is-i-\,is ,->ch oihexi: 1; iisiic. the ktct r~<~ii:i-hirlt \vh;'rca cl31iç
prescritcd b\,a St:it,: on hcti:~lfof pri\.ati. p:irtits théci>ri(luitof tlic Icittcr
can, before-the preseutation of the claim, have an influence upon the
content of the States' international right. If therivate party had waived
his claim prior tothe action being brought, this waiver could affect the
rights of the State espousing the claim. So. in the present instance, had
Sidro and Sofina by their conduct acknowledged that the 1952 sale was
valid, or acknowledged the legitimacy of Fecsa's position-both of which
matters, of course, depended on the illegalhankruptcy proceedings-such
conduct might have had repercussions upon the whole of the Belgian
Govemment's claim. Even though this interpretation of the law is not
bevond controversv.. the fact remains that it-is a view certainlv no les5
:ir~uablc than its op;>oîitc,and it woiildhave bern foolhard!. of Sidro and
Sofina to have sp,:culntitd on ttic position in law bcin. ottier than tlit:y
took it to be. -
Yet, Mr. President, even if the Government of Belgium is wrong in
this submission and the Court finds thatthe matter is not relevant to the
assessment of damages as such, nevertheless this item would fall to be ARGUMEKT OF hlR. LAUTERPACHT 495

As regards interest. 1believe 1need address myself to only two points
in this connection. The firstis that 1should refer brieflv to the authorities
\\,hich support the payment of compensatory interést, the important
element in bridging the gap between a valuation of the enterprise on
12 February 1948 and the date of the Court's judgment. And, secondly,
1 ought to say a word about the appropriate rate of interest.
As to the authorities bearing on this matter, they are conveniently
collected in Miss Whiteman's work on Bamages in International Law
(Vol. III, Chap. IX, pp. 1913 et sep.). It is, 1 venture to think, scarcely
necessary for nie to do more than provide references to the pages
at which the precedents for the payment of compensatory interest are
set ont: the May case (ibid., p. 1915); the Norwegian .Shi@case (iùid.,
p. 1916) ;thecasesunder theconventionsof 1818-1826(ibid.,~. 1926); the
IllinoisCentral Railroud case (ibid., p. 1928),and a large number of others
which are also set out in Note 109ta page 1934.1venture to submit that
there can really be no doubt that it is perfectly proper that compensatory
interest should be awarded for the period from 12 February 1948 to the
date of the Court's iu,em-nt on whatever sum the Court mav find to
represent the value of the enterprise asat 12 February 1948.
The same cases as constitute the precedents for the payment of
compensatory interest also provide some guidance as to the appropriate
rate. Pemsal of the rates used in these authorities show that while on
occasion the rate has been as low as 5 percent., and on one occasioneven
3 percent., the rate generally used has been 6percent. For reasons already
certainly does not exceed the general level of interest rates prevailing it
since 1948,as 1indicated yesterday. If anything, the rate claimed should
probably be more than 6 per cent.
Turning from compensatory to moratory interest, the Govemment of
Belgium believes that the Judgment of the Permanent Court of Inter-
national Justice in the Wimbledon case, where 6 per cent. interest was
awarded on the principal snm of damages from the date of judgment
until the date of payment, renders it unnecessary for me to argue this
point further.
So much, theii, for interest.
1must next sav a word about the ~ossibiiitv that the Court mav decide
tliat there arc i5suesiiitliiic;is<.ut;i<.lijiisiii\. the iiséof exper\'tlcle
jo of tlic Statiite uf the Co~irtempower.ithe Coiirt :itan). tiniito eiitriijt
anv individual. bodv. bureau. commission. or other oraanization that it
may select with thétask of carrying out an enquiry oÏgiving an expert
opinion.
Needless to Say, 1maintain my principal submission that there is no
need, in this case, for a reference to experts. Asrespectfully suggested to
the Court, it already possesses the information it needs to make an
over-al1assessment of damages, to produce a global sum which would in
al1fairness comprehend the various items which 1 have been examining
in some detail.
If, howcver, my principal submission is uot accepted, then the Govern-
ment of Belgium desires to do no more, for the moment, than recall the
tems of Article 57, paragraph 1,of the Rules of Court and ta reserve al1
its rights in connection therewith.
The Court will. 1am sure, appreciate the desire of the Govemment of
Belgium, should the Court decide to refer any matters to experts, that496 BARCELOSA TR4CTIOS
the Parties should be givenan opportunity to make suhmissions on
various relevant matters including, for example. the content of the
questions to be referred tothe experts, the qualifications of the experts

and the manner in which thev would conduct their enauirv. The Govem-
mciit of8elgium would hope.morro\.er. thnt in the c3s~of!ucli nrclrrvncc
thc 1'nrtir.s\\.'ouldbc given an oppr,nunity tu prcsent sucli additioii:il
materials to the experts as the eventual content of the questions might
suggest would be useful.
Though it hardly needs saying, 1should perhaps conclude my statemeut
on this point by expressly reserving the position of the Government of
Belgium in this connection until it has heard what, if anything, the
Governnient of Spain may have to say on the matter.
1come lastly to the question of a provisional payment.The Court is
now aware of the order of magnitpde ofthe amounts claimed in this case,
a basic sum of $78 million that isto say, 88 percent. of the value of the
enterprise of S88.6oo.000; $78 million which, when increased by appro-
priate interest payments and other additions, approaches $185million.
The Court will bear in mind that interest for a period of some zr years
has accumulated in respect of the basic sum. If the Court should find, in
principle, that the Govemment of Belgium is entitled to a payment of
compensation, but feels that without assistance from experts no final
o~ ~~ ~~ri be madefor the uavment of a eiven sum. then the Govemment
of Belgium subrnits thatthe Casewould Le a prope; one in which to make
au order for an immediate payment on account. This is a request made to
the Court to use its normal iurisdictional Dowersto make such orders for
the implementation of its décisionsas it déemsproper.
The basis on which this application is made is that over 21 years have
now elaused since thedate ofthe xwone. a -.ri.d much loneeÏ t~an that
tvhicliiiorm:illy p:issesbctween tlic iroiriiiiissionof an interiiational tvrong
and its rectification bisinteniatioiial jiiclicinldecision. Once a decisiun 011
the merits has been iiven, it seems hnly fair and natural. using simple
adjectives, that a beginning should be made in according some relief to
the injured shareholders.
hlr. President and hlemhers of the Court. this brines me tothe end of
my argument on the questions of tlic Hclgim nation;iïity ofthcclaimand
oii preju<lict.and reparation. 1 hnvr liern acutely a\r,nreof tiic fact ttiit 1
tia\.e takcn a good dcal of the (:niin's time in presenting the :irgumrnt on
drriiagei. tlitrelevance of \vhich iî dt.peiidr.nt upon 3 fa\.ournl;lc finding
by thc Coiirt on tlic nicrits of tlie <:,sYzt, as tlie Court \i,i.tpprçcilitt.,
1 coiild not nllow the continr?~!rit.\of f:iilure on the nierits to reduve ml.
argumcnt on dnmnges to a &rel). formal prc,seiitation of thr: claim. For
one thing. 1can oiil!. \.enturc tlic oytimistic assenion tlint tlie strength of
the Belëian case must have become even clearer as a ~esu~t of ifs full
exposition I,y my Icarnedcolleagiirs. or anoiher. it seemed to rnctliat the
Go\,emnient of Belgiiirn could not proprrl? be (leterred froni draling in
detail \vith a material Dan of its ~ositi\,çclaim hv \,irtue of the disinclinn-
tion-for whatever reasons there'may b-f the ~ovemment of Spain to
respond on this part of the case. It is my eamest hope that in thus
pursuing my argument 1 have not misjudged the wishes of the Court, and
1 beg to express my warm appreciation of the patience with which,
hfr. President and hfembers of the Court, you have heard me for so long. PLAIDOIRIEDE M. VIRALLY
CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

M.I'IRALLY: Monsieur le Président. Messieurs les iuees.,LW..our me
~~rrintritr~.?~inomcnt ouje ~>rciidsI:11:irolrI~oiirla prcmii:rr foisdc\.ant
vlle. dc lui csprimer iiies sentiments de d6fërencc. .['iii plcinemcnt
turiscience de I'tiorineuraui m'est ;iirisilat.tsurtout <le1:sresuons;.hilitC
qui incombe à tous ceuk qui, en se présentant devant la ~'our,ont à
apporter leur contribution, mêmemodeste, au règlement d'un différend
entre nations. Je me garderai de l'oublier.
hlonsieur le Président, l'exposéque la Cour vient d'entendre a été
consacré à la démonstration de la nationalité belge des actionnaires de la
Barcelona Traction pour lesquels le Gouvernement belge est intervenu,
de l'importance et de la nature de leurs intérêtsdans cette sociétéet
finalement de l'ampleur du préjudice qui leur a étéinfligé.La Cour, qui
avait déiàétémise en oss session de tous les élémentslui Dermettant de
d6termitkr I;gr;ivit&di5 n~anqu~n~~~i isi11r~itint~.rniitin~alimputables
à I'Espagiic ct commis au i1Ctrinicnt de ces rcjiortissaiits hel~es, cjt
maintenant en mesure d'a~~récierl'im~ortance de la réDaration à ïaaueiie
la Belgique a droit de ce fait.
Le Gouvernement belge a ainsi achevé la présentation de son cas et
satisfait àtous les devoirs qui lui incombaient en sa qualitéde demandeur
devant la Cour. 11en aurait donc terminé s'il ne lui restait encore à
répondre aux deux objections que l'Espagne a opposées à sa requête,
dèsle début de la procédure,et que la Cour a décidéde joindre au fond
dans son arrét du 24 juillet 1964 (C.I.J. Recueil 1964, p. I) - l'one
portant, comme le sait la Cour, sur le jus slandi de la Belgique, et l'autre
sur le non-épuisement de recours internes.
ble~olini'occupera un peu plus tard de cette dernière objection,dont
:a discussion a étédéjàtr&slargement entamée dans les plaidoiries anté-
rieures. 11 me revieidra, pou; ma part, de rencontre; les arguments
avancés par le Gouvernement espagnol en vue de contester le droit, pour
la Belgique, de protéger ses propres ressotissants en la présente affaire.
La Cour me permettra, au seuil de cet exposé,de partir des constata-
tions auxquelles ellea elle-même procédé dans son arrêtde 1964.Du fait
mémede la façon dont l'exception avait étéprésentéeet soutenue par la
Partie adverse, la question dont nous avons à traiter n'est pas purement
préliminaire.Elle ne concerne pas seulement la qualitédu Gouvernement
demandeur pour agir, mais touche aussi directement le fond mêmede
l'affaire. Elle ne pouvait donc être reprisequ'aprks que la Cour eut été
complètement informéede tous les élémentsde fond, ce qui est mainte-
nant fait et nous permettra d'y faire référence chaquefois que de besoin,
afin d'éviter les redites inutiles.
Pour reprendre les mots mêmesde la Cour,

«la question de la qualité d'un gouvernement pour protéger les
intérêts d'actionnairesen tant que tels n'est elle-même qu'un aspect
ou une conséquencede la question préalable dela situation juridique4g8 BARCELONA TRACTION
des actionnairestelle que le droit international la reconnaît o (C.I.J.
Recueil 1964,p. 45).

Te me Permets de souliener cette derniere ~hrase: utelle que le droit
rntcrnaiioiial la rcconiiaiïi., parcc qii'c,llcnoiiipnrait ;ibsolumbnt cnlitale
et qu'elle ;iétcsysténistiqucment igiior;~ par le Gou\,crnement cspagiiol
aui: comme nous le verrins, a bâtiwesque toute son arauinent-tioi en
&connaissance du principe qu'elle êxpriine.
Il s'agit, plus précisément encore,et nous nous excusons de citer à
nouveau la Cour,-de déterminer:

«si le droitinternational reconnaît aux actionnaires d'une société,en
cas de prgjudici: causé àcçtte joci6tépar urigou\.emement étraiiger
un droit ou un int4ri.t distirict et indipendant et. s'il cn est niiisi
dans quelle mesure et dans qucllcscircon~tances »(ibid..p.4).

C'ist à ces qucstions. 1,-liesquc lcs a fomiiilees 13 Cour ellr-rncnie.
.\Ionsieur It Président.q-. ie nie. .opusr (lerépondredans lesexplicatioris
qui vont suivre.
La réponsedu Gouvernement belge est d'ailleurs fort simple et tient
en peu de mots. De l'avis de ce gouvernement, les principes du droit
international autorisent. de facon générale.la ~rotection Dar leur Etat
national des actionnaires étrangeYsd'une soCiétécomkerciale; plus
spécialement, dans les circonstances de l'espèce,la Belgique est fondée à
ürésenter une réclamation Dar la voie iitdiciaire iitërnationale afin
d'obtenir réparation des dommages causb aux droits et intérêts des
actionnaires belaes de la Barcelona Traction par desactes internationale-
ment illicites imüutables A 1'Etat es~aenol
A cette pr&têntion,la Partie adverse a opposé une argumentation
multiforme, dont le volume et la complexité n'ont cesséde croître de
facon exubérante au cours de la ~rocédure.et dont la subtilité et l'ineé- -
niositéétaient cenes dignes d'un; meilleure cause.
Eii dépit(leI'eii\,ieque j'en niir;iii. Monsieurle l'rcsideiit. je iicvou<lrnis
pas sui\,re cette îrguriientatinii daiis12 inultiplicité de ses ni&iiidres,(Ic
si:s variantes et de ses vari;ttions. (:e sont trop sou\.cnt jeux de l'esprit 1:t
j'ai cùiiscienc~de mon de\wir d'Cp~rgner nu rnnxiniiirii le temps Je 11
Cour t:t de ne pas rnettre ?II'~xi2sla patience de ses riieiiihrck I'rprcuve.
Non suuci 5er:i.d&slors. (led;.l,irraii;cr Icprobl2nic qiii iiuusoccupe dc
toute vég6t;itioiip:irn.;itc. en\II? clcmettre à iiiiIr; puiiits cs;cnticls ct
d~iii'cntiiiir :eux, c.iirefiisant tuut? di\.<:riiun.Cecinit:yeriii<.ttr.i.je I'rs-
pi.rc. d,: mainteiiir ma p1;iiduirie dans des diniensiuiis raiaunn,it~lc.s .4
cette fin, et avec la pcrmissioii dr 1;iCoiir,ic souliaiterais i>ioc&dtrrl~la
façon suivante.
En premier lieu, je m'efforcerai de délimiter aussi exactement que
possible le champ qui reste ouvert à la discussion entre les Parties, en
écartant les points sur lesquels il y a accord et en définissant les termes
précisdans lesquelsle problème se trouve posé.
Ensuite, je rencontrerai successivement ce qui me paraît étre les deux
thèses fondamentales de la Partie adverse. suivant les deux lignes
maîtresses de son raisonnement. Ce seront les deuxième et troisième
partiesde mon exposé.
Pour terminer,-enfin, j'indiquerai pour quelles raisons, eu égardaux
circonstances de l'espece, le Gouvernement belge estime que sa qualité PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 499
pour agir est reconnue par le droit international sans aucun doute
possible dans la présente affaire.

L'audience,suspeitdueà II h20, estreprise II h35

1
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, ainsi que je l'ai indiqué
lorsque l'audience a été interrompue,je voudrais maintenant m'engager
dans la première partie de mon exposé.dans laquelle je souhaite définir
aussi clairement que possible les points qui sont en question et ceux qui
sont en discussion.
II convient tout d'abord, me semble-t-il, d'écarter du débat ceux sur
lesquels il n'existe pas de réelles divergencesentre les Parties et qui sont
d'ailleurs incontestables.
On a beaucoup parlédes règleset des principes du droit international
sur lesquels reposait ljus standde la Belgique.
Pour sa part, le Gouvernement belge se borne à invoquer les principes
les plus générauxet les plus fondamentaux du droit international en
matière de protection diplomatique et de protection par la voie judiciaire
internationale. Il me faut le répéter, puisqu'on lui a fait un procès
d'intention àcet égard.
Le Gouvernement belge ne fait appel à aucune règle particulière,
spéciale,exceptionnelle ou dérogatoire, mais ices principes seulement.
Le premier d'entre eux a étémaintes fois consacrépar cette Cour aussi
bien que par sa devancière, d'aprèslaquelle:
<C'est un principe élémentairedu droit international que celui
qui autorise I'Etat à protéger ses nationaux léséspar des actes
contraires au droit international commis par un autre Etat, dont ils
n'ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. n (C.P.J.I.
sérieA no2. p.12.)

de dire par la Cour en 1924.reste encore pleinement valable aujourd'hui,
parce qu'il correspond toujours très exactement au niveau actuel de
développement de la sociétéinternationale et qu'aucun Etat, faible ou
puissant, ne saurait accepter de se voir dépossédé d'un tel droit. Nos
distingués contradicteurs n'ont d'ailleurs jamaisréellementessayéde le
mettre en doute.
Le Gouvernement espagnol accepte aussi, sans équivoque,le deuxième
principe sur lequel repose la thèsebelgeà savoir que 1'Etat est fondé, en
droit international,à exercer la protection diplomatique non seulement
au profit de sesressortissants, personnesphysiques, mais aussi celui des
personnes morales, en particulier des sociétés.qui possèdent sa n t'ona-
lité.Certes. le Gouvernement espagnol assortit cette affirmation d'une
réserve: la nationalit- dit-il- doit êtreeffective. Mais il s'agit là, en
rbalité,d'une condition de portée tout à fait générale, puisqu'ellea ét6
expriméepar la Cour dans une affaire qui concernait un dommage subi
par une personne physique: l'affaireNottebohm. Le Gouvernement belge.
de son côté. asouvent soulignél'importance ne revêt,dansla pratique
internationale, l'effcctivitéde la nationalit1n'y a donc pas davantage
de divergence de vues entre lesPartie sur ce point.
Le troisième et dernier principe invoqué par le Gouvernement belge
n'est pas plus contestable etaété,lui aussi, exprimé par la Cour perma-500 BARCELONA TRACTION

nente en une formule fameuse et constamment reprise depuis lors, d'après
laquelle, en prenant fait et cause pour les siens,

«l'Etat fait, à vrai dire, valoir son propre droit, le droit qu'il a de
faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit inter-
national» (C.P.J.Z. sérieAno 2,p. 12, etsélie AIE noS20-21,p. 17).

La C~~rs'estelle-mêmeréféré àcette ~hrase dans sou arrêtsur l'af~ai~e
.Yo//ebok~n q,iie ]c citaid I'irist:iiit.en I'ascoinp~gnant d'uii eoii~niriit:iire
sinrulic'rciiiciit ?clsir.int: . L;i ilrotcetion ili~>luiiiatiquc.;i-t-cllc t:t.
la protection par la voie judiciaire internationale conitituent une mesure
de défensedes droitsde I'Etat »(C.Z.J.Recueil1955.p. 24).
Dans son arrêtde 1064, la Cour est encore revenue sur ce oint avec
dnvaiit;igt. d'insisrniicéer;ic~rv,et cil tir:iiit toutes léscoiishlu~iices de la
distinçtioii duiit nous \.eiioride relever Icnonii clansI'aff~ire :Yo//ebohm,
entre protection diplomatique et protection par la voie judiciaire inter-
nationale. Pour la Cour, en effet, la question «essentielle» - c'est le
terme qu'elle emploie - danscette deuxieme forme de protection est de
savoir sile droit international confèreou non à 1'Etat demandeur - nous
disoris hien: d I'Etat d~.iii;inJeur - en faveur de scs rcsjortisjnrits, des
droits qu'il piiisse iiivoquer d~:\ant le trit>iiii;.linternational.
Est-ilii6cesj;iired'insister sur des poirits qui app:irnisseiit aiijourd'liui
tell~.rneiité\,idrints?Ce ri'iit prot>ableiiieritpi inutile cnr I'Cvi,lcnccest
sou\.c:ntdgtit:epar leGouverneirieiit espagnol, ct lesionseilj du (;i,iiv<:riie-
ment belge au; m'ont réc cédoé ut eu à dusieurs re~rises à souiiener aue
le GouveFnement espagnol ou ceux qui Ont écritpÔur lui se sont rendus
coupables, à plus d'une reprise, de véritables abus d'bvidence. Et moi-
mêmej'aurai~l'occasiond'in évoquer quelques-uns au cours de ma plai-
doirie.

Devant lespositions prises par la Partie adverse, il est indispensable de
rappeler sans cesse que la protection de ses ressortissants par un Etat
constitue la mise en Œuvre par cet Etat de ses propres droits, tels que les
reconnaît l'ordre juridique international et non pas du tout L'exercicedes
droits des ~articuliers - ses nationaux - tels au'ils résultent d'un

doute à revenir à plusieurs reprises sur ce point, car ia nécessitéde
répondre à l'argumentation de la Partie adverse m'y contraindra.
Une des conséquences de ce point fondamental est que la nature
juridique spécifiquedes droits et intérêtsdes particuliers lésésest sans
importance au point de vue du droit de la protection de 1'Etat dont ils
sont les nationaux. Cedroit existe au profit de 1'Etat dèslors que celui-ci
a à seplaindre d'uneatteinte aux idroitsqu'il estime lui êtreconférés,en
faveur de sesressortissants, par les règlesde droit international relatives
au traitement des étrangers u,pour reprendre encore une fois les mots
mêmesde la Cour dans son arrêtde 1964.
Il est dèslorsindifférentque ledommage dont ilestdemandéréparation
ait atteint les particuliers en cause en leur qualité de propriétaires d'un
bien, de titulaires d'une concession ou encore d'actionnaires d'une socikté
commerciale étrangère.
Sur ce point encore, qui est évidemment capital dans la présente
affaire, il n'existe pas, semble-t-il. de désaccord entre les Parties, puis-
qu'on peut lire dans la duplique: PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 501
«La thèse du Gouvernement espagnol est exactement celle-ci:
lorsque les personnes dont 1'Etat prétend exercer la protection
diplomatique sont actionnaires d'une sociétécommerciale, ce fait
est sans influence sur l'application des principes généraux à leur casD
(D., VII, p. 1009).

Cette reconnaissance dépourvued'équivoque nouspermet de cerner de
plus prèsla question posée.11est inexact dedire, mon sens, que celle-ci
concerne l'existence du droitde protection diplomatique des actionnaires.
Ce droit, comme le Gouvernement belge ne cesse de le répéter,est in-
contestable et découle directement des principes généraux du droit
international en la matière. Le Gouvernement espagnol lui-même a dû
actionnaires en tant que tels.controverse sur le droitde protection des
Est-ce à dire que la question est définitivement résolueet que le jus
stand; de la Belaiaue se trouve établi au-delà de toute discussion? Te
ii'oscr:si.tir point. :~llr;III-dclde :V qiie la C'our:cIIt-in?iii~admis.
1Criiqn4, en cffvtli ('our;'ritiIriii.iiid<'iri'\,;ii.:pli lieu d'cri<lCcidcr
:~iiisier. cri t:~ins;aucni<1ç d&.lnrcr I'cxiention irrcic\.;il>lc. Ellc s'cd
bornéefina1ement;comme on le sait, à joindpe cette exception au fond en
constatant

«que l'exception a, à certains égards,un caractère préliminaire ou
qu'elle comporte des élémentsque l'on a étéportéjusqu'à présent à
envisager sous cejour ii(C.I.J. Recueil1964,p. 45.)
Un peu plus loin, dans le mêmearrêt,la Cour a reconnu que la troi-
sième exception présentéepar le Gouvernement espagnol comportait
nun tel enchevêtrement de ouestions de droit. de faitet de oualité Dour
agirs qu'elle n'estimait pas avoir lacertitude d'êtreen possesSiondetous
les élémentspouvant avoir de l'importance vour sa décision.Elle n'a pas
manqué d'ailleurs de souligner en que cet enchevêtremint
résultait surtout de l'argumentation présentéepar le Gouvernement
espagnol, qui ne s'était pas fait faute de traiter des points de fond à
l'aonui des excevtions dont il était lui-mêmel'auteur.
ïa difficulté'se trouve ainsi, pensons-~ous, circonscrite. Si nous
comprenons bien l'arrêtde 1964, bien plutôt que l'existence du droit de
~rotèction des actionnaires - oui se d6duit encore une fois. nous l'avons
bu, des principes du droit intfhational en la matière -'elle concerne
l'exercice de ce droit et le bien-fondéde la réclamation présentée, lorsque
les actes internationalement illicites revrochés à 1'Etat défendeur ont
c.iu,i iir]~ir'iiidiii 1.fui,.; IAsr>:il;tci:I i,.n~riuiiii:.ir~-i;trarigcri. II
r.iiiiic,pcut-êrrcriifini*.ijoiiti.r Iurs1iic:15 ;ict?s qui "rit ;atlvinrIV,
, dirigéscontre la société.;ails leur, druils t,u inr:r<r; Cr..,icnto,rt~n5ibl~incirc
Cette circonstance particulière, à mon sens ne conduit en aucune façon
à la conclusion que les principes générauxne seraient plus applicables
dans un cas de ce genre, comme le soutient le Gouvernement espagnol, et
qu'il faudrait dès lors faire appel à des règles spécialesde droit inter-
national. On ne voit vraiment pas pourquoi il en serait ainsi.
Il est vrai, en revanche, qu'on se trouve en présenced'une situation de
fait susceptible de provoquer certaines difficultésdans l'application des
principes. Ces difficultés,dans l'opinion du Gouvernement belge, ont été
considérablement exagérées par la Partie adverse. A notre sens,leur seul502 BARCELONA TRACTION
effet est de rcndrc n>cess.iirz.a\.Xnt toute dgiision liqualit: pour agir
de l'Etnt n3tional dcs actionnairc~, de procCdcr i 1examen dc rdus les
6l5meiitsde l'affaire et. notamment. dc tous les ilL'riiçiitsrlc foiid. commc
l'a décidéla Cour en 1~6~.Mais, & cet examen fait apparaîtré que les
droits et intérêtsdes actionnaires ont étéeffectivement et directement
atteints par les mesures iiicriininées,:LIOISc,ru!.ons-nous. Iç droit pour
1'Etat iiatiùiial dc ces actionn~ircs d'agir parlh voie ju<liciairt!iiitrr-
natiunalé SC trouve établien meme temps. .iie5ondroit à ulitcnir r2para-
tion.
cipes générauxdu droit international, le droit d'agir est inséparable du
droit à réoaration. dont il est véritablement l'accessoire. Oui oeut se
plaindrc d'une att&iritcdommageablr à ses droits:idruit aussiA ol~tenir
r6par:ition. et qui a droià une riparation peut la poursui\.rC par13\'oie
iudiciaire internatioiiale- si. toutefuis.il cxi5tc: ciitre lui et 1'Et:it
défendeur un lien conventionnel lui de saisir un tribunal
international.
Cesremarques, à mon sens, font apparaître déjàque le probletne de la
protection des actionnaires est infiniment moins complexe et diicile
qu'on serait orté à lecroire en raison de la réputation qu'on luia faitàet
laouelle le 8ouvernement es~a.no- a abondamment contribué dans la
pr&senteaffaire.
certains ~réiueés.relatifs notammenturcià la nature. lela ~ortéeet aux
conséquences de 'la personnalité morale des sociétés,et aussi par des
transpositions hktives et inconsidéréesdu droit commercial au droit
intemational public.
Il me paraît donc approprié, avant d'aller plus avant dans la critique
des thèses de la Partie adverse. de procéder. à la lumièrede la pratique
internationale. fiquelques conaat:iiions d'ordre gbnécil penncitant -de
mieux dkhnir le genre de dificu1ti.s susceptibles de se rencoiitrcr daris
la pratique en matière de protectiun des actionnaires, ct de mieux com-
prëndreia portéede ces difficultés.
La première constatation que je voudrais soumettre à la Cour est
toute simple et apparemment d'une grande banalité; c'est que le pro-
blèmede laprotection des actionnaires neseposeévidemmentpas-cette
fois il s'agit bien d'une évidenc- si la sociét4et ses actionnaires ont la
mêmenationalité.
et ses actionnaires possèdent, l'une et les autres, la nationalité de l'Etat
auteur du dommage. Alors, toute l'affaire se dérouleen totalité en dehors
de la s.hèred'ao~lication du droit international et il n'v a évidemment
aucune place ii&ginablc i une protection quclcoiique des actioniiaircs;
ou bien. I:Isociétéet ses actioiiii:iires ~,oss?dent. I'uiic et 1c.s.iutrcs. In
iiritionalitc d'un Etat outre uue cel011est l'auteur du domni.icr. Alurs
cet Etat a seul qualité assurer'la protection diplomatiqie de la
sociétéet de sesactionnaires. S'ilestime devoir endosser la demandede la
société,ceci assurera normalement la protection de tous les tntérêtsen
cause.
On peut faire, Ace propos, deux remarques complémentaires.
La premiere est la suivante: malgréla multiplication trèsremarquable,
enational dans le monde contemporain, les hypothèses que nous venonsinter- PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY Y="='

sociétéont la mêmenationalité. Ceci explique que les cas de protectiont
d'actionnaires demeurent relativement peu-nombreux dans la pratique
contemporaine, ce qui réduit le volume de cette pratique et, notamment,
de la pratiquearbitrale. D'où la difficultéqu'ont éprouvée,àdes moments
divers, les deux Parties de trouver dans cette pratique arbitraletous les
élémentsqui leur étaient nécessaires poursoutenir leur thèse.
La seconde remarque a trait à l'importance que revêt la question de
nationalité en ce qui concerne ce que la Cour, dans son arrêtde 1964, a
appelé la «situation juridique des actionnaires telle que le droit inter-
national la reconnaît »(C.I.J. Recueil 1964, p. 45).
Cette situation découlant des droits que les rkgles relatives au traite-
ment des étrangers confèrent à leur Etat national, il est bien évident
qu'elle ne pourra pas êtreidentiquement la même sice dernier est aussi
1'Etat de la sociétéou s'il ne l'est pas.
Au contraire, et ceci marque l'importance de cette remarque, la situa-
tion juridique des actionnaires telle que le droit commercial interne la
reconnait est normalement indifférente à cesconsidérationsdenationalité,
qui ne reprennent de l'importance que dans les secteurs du droit public
interne où des intérêtspublics sont en cause. Il y a là un élémentde
différenciation qu'il convient de noter en passant, car nous aurons à y
revenir.
Le problème de la protection diplomatique des actionnaires ne se
trouve donc posé pratiquement que lorsque les actionnaires ont une
nationalité différente de celle de la société.En effet, une atteinte aux
intérêtset aux droitsde la sociétéet de ses actionnaires risaue alors dans
ce cas <Irtoucher les droits <IrtI<:uxou mCme ale plusieurs Etltset par
consi(lii~iit dr fairi naitrc dciix ou plusieurs droità rEclamation (l.iiis
la mesureoù les règles relatives au traitement des étrangers n'ont pas
é~-~~ ~.ctées.
Plus exactement, comme dans le cas précédent,deux hypothkses bien
différentes doivent êtredistinguées: ou bien les actionnaires seuls sont
étrangers par rapport à1'Etatienu pour responsable du dommage qu'ils
ont subi, la sociétéayantla nationalité de ce dernier- nous dirons dans
ce cas pour simplifier qu'il s'agit d'une sociéténationale, en nous plaçant
simplement, bien entendu, au point de vue de la question de la nationalité
et non pas du statut de droit public ou de droit privéde cette société -
ou bien la sociétéposskde une tierce nationalité et est donc, elle aussi,
étrangère - nous parlerons dans ce cas de sociétéétrangère.
Chacune de ces deux hypothèses mérite, à mon sens, en raison de la
et c'est la raison pour laquelle, avec la permission de la Cour, je voudrais
les examiner successivement.
La première hypothèse, c'est-à-dire celle où la sociétépossède la
nationalité de 1'Etat auteur du dommage, constitue, bien évidemment
aussi, celle où, du point de vue juridique, les difficultésdéjà évoquées
dans l'exercice de la protection diplomatique des actionnaires sont les
plus considérables.
En effet, si l'on fait abstraction du fait que des actionnaires sontétran-
gers, si l'on admet que ces actionnairesétrangers n'ont pas de droits ou
d'intérêtsdistincts et indépendants de ceux de la société,qu'ils se con-
fondent totalement avec celle-ci vis-à-vis du monde extérieur, qu'ils
sont entièrement recouverts par le voile de la personnalité morale, alors5O4 BARCELONA TRACTION
il faut en conclure que, dans ce cas aussi. l'affaire se trouve entièrement
en dehors du champ d'application du droit international.
L'Etat national des actionnaires n'a àfaire valoir aucun droit qui lui
aurait étéconféréen faveur de ses ressortissants par les r-gles dëdroit
interiiation;il relatives au traitement des étranger;.
Pourtant il y a là qur.lque chose de remarquable - c'est dans des
hvwthéses de cette sorte oue l'on voit â~i~araitrcles nrcmirrs i)rçc2deiits
a;bitranx qui admettent'fa protection cÎifplomatiqueAdesactiônnaires en
cas de mesures ostensiblement dirigées contre la sociétéet lui ayant
causé préjudice.
Quelques-uns d'entre eux sont fort anciens, comme les affaires~uden
(La Pradelle et Politis, Les grands arbitragesinternationaux, vol. II,
p. 592).Cerruti(Bureau, Le conflititalo-colombien,Paris, 1899)et les deux
célèbres espècesde la DelagoaBay Railway Co. (La Fontaine, Pasicrisie
internationde,,17943 -17;o0o,pre, Digest, V, p. 647; 5 BDIL 535)
et El Triunfo (RSA, XV, 467). bien connus des membres de la Cour.
D'autressont plus récents,commeles affaires Kunhardt (RSA, IX, 172).
Bausch et Romer (RSA, X, 726), Alsop (Hackworth, Digest, V, 828).
Ziat, Ben-Kiran (RS.4, II, 729), Shufeldt (RSA, II, IO&), Spillane
(RSA, V, 289). etc.
la doctrine, notamment par le professeur Charles De Visscher, dans un
article bien connu de la Cour (RDILC 1934, p. 642) et le Gouvernement
belge a pu citer, dans lemêmesens, une abondante pratique diplomatique
et conventionnelle (R., V, p. 663 et 670).
Ce qui est également digne de retenir l'attention de la Cour,à mon
sens, c'est que le Gouvernement espagnol, de son côté, a longtemps
admis l'existence etla signification de cette pratique et de ces précédents.
La preuve de cette reconnaissance, je veux la trouver dans les con-
clusions aux exceptions préliminaires présentéespar la Partie adverse
et où l'on peut lire ce qui suit:

pratique des Etats et de la doctrine la plus autorisée, qu'une pro-la
tection diplomatique de sociétaires en cas de préjudicecauséà une
sociétéest admise exclusivement dans des cas où la sociétéa la
nationalité de 1'Etat mémecontre lequel la réclamation est adressée,
de sorte qu'une protection diplomatique de la sociétéen tant que
telle se trouve êtreexcluen (E.P.. 1,par. 6, p. 267).

Ainsi donc,à cette époque,le Gouvernement espagnol admettait, à la
suite d'une étude objective des précédents,comme il le dit lui-même,
et dans une occasion aussi solennelle que la formulation de conclusions
devant la Cour. qu'il existait certains cas où la protection diplomatique
des actionnaires en cas de préjudice causé àla sociétéétait admise par
le droit international.
ne partagetabs2;mentLpas l'opinion de 1; partie adverse sur le fait que
ces cas seraient limitésà l'hypothèse où la sociétéaurait la nationalité
de i'Etat auteur du dommaee
La position du ~ouvernenïent espagnoln'en est pas moins du plus haut
intérêt,d'autant plus qu'elle a ét4tr&sfortement motivée, reprise en-
core en des termes presque identiques dans lesconclusions finalesdéposées
le 8 mai 1964 au cours de la procédure orale qui a suivi (iiI, p. 1032). PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY
505
Il s'agit par conséquentd'une position mûrement réfléchie et soutenue
avec ~.rsévérance.
I)r.puis lors, I>ourt;iiit,et hieri quc iii la prntiqui. riiles pr6c6dcnts arbi-
traux ii'niriit cli3rigrIç (;ouvrriicrnent cspagiiol .iinodifiCr;idicalemi:nt
sn thcsc. Lc \.irîcc a 612oocrt; a\.ec bcaucoiin dAh.~bilzt2~~-~[le t~ncwe.
11n'en est pas m;ins tr&sabparent.
Certes,les conclusions de la dupliquen'en portent pas trace, mais c'est
qu'elles sont réduites & trois lignes. En revanche, dans le corps m&me
de la duplique, le Gouvernement espagnol s'efforcedésormaisde démon-
trer que dans tous les cas où la protection des actionnaires a étéadmise
les griefs invoqués concernaient des préjudices infligésexclusivement
aux «droits propres ,,des actionnaires eux-mêmestels que les conçoit
ce gouvernement, c'est-&-dire n'atteignant pas la sociétéelle-même.
Alors que, je rappelle que dansles conclusions précédentes.il s'agissait
de dommages qui avaient touchéla société.
On voit combien on s'est éloien-.desconclusions de 1~,4..
Puiir cri .irri\.I;i.ilurs ilut:, conime on \.it!iitdr le dire, les prccéJcnts,
ei liuiir c;itiie. t;t.,i,.iit tuili, ifallait bicii les soiiiiietàrun rr:iite-
ment qui Dermît de chanier du tout au tout l'inter~rétation au'on leur
en doinalt, et par conséquent la signification voulait ieur faire
,','.-.'
L:, dupliquc s'y c.;t :ippliqu;;e, ctde f;i~uiisigniiicati\,e. 3 nioii sens,
iI.ins iinr îiniplc ;innc,ue,mais qui ii'és,:Ir<:;ilitï<~ii'morcc,iiidL:tacli(.
dii carpi mEnit,dt: ln dupliqu, - ~,tlin mor~.t-aucoiisid6r;ible: 30 pages
- et qui aurait du normalement prendre place dans I'argumentatFon
développéedans le corps mémede la duplique dont il a étéséparéartifi-
ciellement (A.D., vol. III, no 201, p. 477-505). Le ton exagérément
agressif et méme acrimonieux de ce dociiment démontre peut-étre plus
que toute autre considérationla peine qu'il a donnée & ses auteurs.
Je m>n voudrais, bien entendu, d'importuner la Cour par une reprise
en détaild'une argumentation quine me paraît apporter aucun élément
nouveau. Je me permettrai d'inviter respectueusement MM.les juges
se reporter aux analyses contenues dans les écritures belges. dont j'ai la
faiblesse de croire au'elles conservent toute leur valeur .M. . . A. 1-- et
sui~., et R., V, p. 682 et sui~.).
11en va ainsi, en particulier, de ce que la réplique a misen lumiPre à
propos de l'affaire de la DelagoaBay (V,p. 667 et suiv.) et qui repose sur
des faits contredisant l'interprétation espagnole que la duplique n'a pas
contestés.
II est pourtant un cas sur lequel je demanderai la permission de m'ar-
rêterquelques instants, car il illustre magnifiquement la manière, digne
de Procuste, d'après laquelle le Gouvernement espagnol traite les espèces
qu'il discute pour les amener à s'ajuster aux exigences de sa théorie.
Je veux parler de l'affaire El Triunfo (Nations Unies, Recueildessentences
arbitrales, XV, p. 467 et suiv.). Je m'excuse à l'avance de reprendre
une espèce que la Cour connaît bien mais elle me paraît extrêmement
illustrative de la manière dont le Gouvernement espagnol a utilisé les
précédentsarbitraux au service desa nouvelle thèse.
Comme la Cour le sait, cette affaire concerne une sociétésalvadorègne,
El Tnunfo Company, Ltd., titulaire d'une franchise ou d'une concession
d'exploitation exclusive du port El Triunfo, et dont la majorité des
actions était entre les mains d'une sociétéaméricaine,la Salvador Com-
mercial Company, et de quelques autres citoyens américains. Profitant de l'éloienement des actionnaires américains. certains ad-
rniniitr;iteurs ~xl\.;id;r&~ncsrirziit d2cl:irer In suci616en fiiillitr, p;ir des
rnxiircuvrei fr~uduleus~s.dari%t'espoir de s'cil cinp;<rcr. Aii monieiit ou
les actionnaires étrang.,s avaient commencé à réa-.r ~our rétablir leurs
druits pir Icsactions appropriCes.le nouveauGouvcrnrrnent du Salvador,
6iiit!rg<~.iili1.1giizrrt: civile qiii veii.~itde 1cl)ortLU poii<.<>i<,i<:cida
d'abord de ilor<:le port d'El Triuiifo. ce qui rciidait la coric.:ssioiipra-
tiqurmcnt caduque, puis attril~un purement t:t simylt:nient i d'aiitr<.s
citoyen5 sal\.adorcgnei unr. ioncesiion leur accordant tuus 1,:s druiis
d'rui~l~itatiui~i~rL:cblçmincntcoofSr;s i la sociFti El 'l'riuiif81.
~éttepetite 'histoire ne manque certainement pas de saveur, si on la
rapproche des faits constitutifs de la présente espèce et la Cour appré-
ciera, j'en suis certain, l'intérêtdu parallèle entre les deux affaires. La
duplique n'hésitepas, d'ailleurs, à affirmer que

ucette affaire est l'exemple caractéristique d'un cas où le Gouver-
nement demandeur prend fait et cause pour ses ressortissants dont
les droits, en tant qu'actionnaires d'une sociétéétrangère,ont été
directement lkséspaF le fait de 1'Etat national de la société II(A.D.,
vol. III, p. 501).
C'est fort bien dit et le Gouvernement belge ne pourrait que se réjouir
de cette constatation faite par la Partie adverse. Mais qu'est-ce que cela
veut dire exactement dans L'espritdu Gouvernement espagnol? Celui-ci
s'en explique:
«Il est bien évidentque dans ce cas le Gouvernement [c'est-à-dire
le Gouyernement demandeur] a allégué commegrief le fait que ses
ressortissants avaient subi un préjudice par le fait même qu'ils
n'avaient pu faire usage des droits afférents à leur qualité d'action-
naires, d'une part pour agir en justice, d'autre pour réagir,
dans le cadre de la société,contre ceux qui avaient usurpéla direc-
tion de la société. n (Ibid. p. 500; cf. également, D., VII, p. 1043,
note 3, et p. 1054, note 1.)

En d'autres termes, dans cette affaire,il n'aurait jamais étéquestion
d'un dommage causé à la sociétéet, du mêmecoup, à ses actionnaires. .
Le seul dommage dont il était demandé réparation, d'après la Partie
adverse, aurait étécelui qui résultait de l'atteinte aux droits personnels
des actionnaires - et à ces seuls droits - en les empèchant d'exercer
l'action sociale et de tenir une assembléegénérale.
Il est évident, nous dit-elle, qu'il en est ainsi.
Une contre-véritéaussi patente peut-elle constituer une «évidence>,
aux yeux de quiconque? Voilà un de ces cas d'abus d'évidenceque j'ai
évoquéstout àl'heure. En effet, il ne s'agit en aucune manière, si on lit
avec attention la sentence rendue dans cette affaire,de dommages qui
auraient atteint directement les actionnaires sans toucher en même
temps la sodété.D'abord. il s'agit de manŒuvres tendant à empêcher
l'exercice de l'action sociale, il s'agit bien d'une atteinte aux droits de
la sociétéen mêmetemps qu'aux intérétset aux droitsdes actionnaires.
Ou bien les mots n'ont lus de sens. ou bien l'action sociale est celle de
13 socii.1;. m;me s'ilnpplrticnt niix actionnaires d'cn cuntr5lcr I'cxiriice
oii d'ortiuniicr .lux ;iilniinisrr:itciiriI:iJ>clciiclier.
Eiiiiiite. oiie d.ornrnsez donr il(rait <lein:iiid:r$ri;iraiion ait bien kt6
la perte de fa valeur éco<omiquedes actions. l'atteike aux intérêtsdes PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 5O7
actionnaires dans la société- donc du dommage infligé à cette dernière-
cela ressort de façonindiscutable des méthodes d'évalutation utiliséespar
les arbitres pour calculer le quantum de la réparation qui étaitdue. Et ce
n'est pas un hasard si mon distingué collègue, M. Lauterpacht, a pu citer
ce précédentcomme un modèle à suivre dans la présente affaire en vue
de procéderau calcul de i'indemnité (su$ra, p. 470).
Enfin et surtout, l'interprétation défendue.dans la duplique est en
contradiction flagrante avec tout l'exposéde l'affaire tel qu'il figure
dans la sentence et qui montre àl'évidence-cette foisdans lesenspropre
du terme - que la mesure qui, aux yeux des arbitres, a consommé le
dommage et engagé la responsabilité du Gouvernement du Salvador a
étél'annulation de la concession dont la sociétéétaittitulaire. (C'estpar
les décrets de l'exécutif, disent-ils, plutôt que par la procédure de
faillite, que les droitsdes citoyens américains en cause ont 4t6 irrévoca-
blement détruits)) (Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales,XV,
p. 476) (1902, Foreign Relations of the United States, p. 875).
Et encore, à propos de l'exception de non-épuisement des recours in-

ternes:
«Si le Gouvernement du Salvador n'était pas intervenu pour
détruire la franchise et concession de la sociétéEl Triunfo et ainsi
dépouiller les actionnaires américains de leurs intérêtsdans cette
entreprise, un appel aurait étéintenté ,devant les tribunaux du
Salvador, et l'intention de l'intenter était évidente, afin d'obtenir
l'annulation de la procédurede faillite ii;

mais, continuent les arbitres, c'est précisémentlorsqu'il apparut ainsi
que la sociétéelle-même, à la suite d'une assemblée générale d'action-
naires, allait redresser la situation que
«le Gouvernement du Salvador vint à l'aide des consuirateurs et,
p:ir uiacte dc I'esl.sutif. dirruihit Iî ïulc clidev ~3ieiu1qul vala11
la peine d'etre r>siipért::rict: aux tribunaux .i.

Je le crois, vraiment, on ne peut êtreplus net. Aux yeux de la com-
mission, il n'y a pas eu d'atteinte aux droits personnels des actionnaires
qui fût imputable à I'Etat du Salvador. Et, en effet,Ia procédurede la
faillite avait étéprovoquée par les manŒuvres de simples particuliers
dont 1'Etat ne pouvait être tenu pour responsable. En outre, les action-
naires ont toujours conservéla possibilitéde se réunir, de nommer de
nouveaux administrateurs, et de façon utile, car cesnouveaux administra-
teurs auraient eu la possibilitéd'engager l'action sociale et ainsi de par-
venir à l'annulation de la procédure de faillite. Mais ces voies de droit
ont étévidéesde tout intérêtet mêmede tout objet par l'annulation de
la concession qui mettait fin, en tout état de cause, à l'activité de la
société,la dépouillait de son actif et, du mêmecoup, détruisait totale-
ment l'intérétque les actionnaires pouvaient avoir dans cette societé.
D'autres passages de cette décisionpourraient encore êtrecités,tant
la sentence est claire, mais j'y ai consacrétrop de temps déjàet je dois
m'arréter. Les indications données suffisent à montrer, à mon sens, à
propos d'un exemple très éclairant, dans quelles difficultéss'est jeté le
Gouvernement espagnol lorsqu'il a décidéde renverser les conclu~ions
auxquelles il étaitprécédemmentparvenu àla suite- comme il le dit -
<id'une étude objective des précédents 1).
Ceci alors pose un petit problème: pour s'exposer Aces difficultés,le508 BARCELONA TRACTION
Gouvernement es~aenol devait avoir des raisons bien im~érieusesoui
lui imposaient de procéder à un changement de cap aussi raiical que ceiui
auquel il s'est décidé.Quelles sont ces raisons?
A vrai dire, je crois qu'eues ne sont pas difficiàedeviner si nous pour-
suivons l'inventaire auquel nous avons commencéde procéderau sujet
des sociétésayant des actionnaires étrangers.
Nous avons, je le rappelle, jusqu'à présent, envisagé exclusivement
i'hypoth&se où la sociétéléséeavait la nationalité de 1'Etat auteur du
dommage. II y a l'autre hypothèse que j'ai évoquée,c'est-à-dire celle
où cette sociétéet ses actionnaires, bien que de nationalités différentes,
sont, l'une et les autres, étran.ers ~ar ra..ort à I'Etat, qui est le défen-
deur.
C'est cette sciondc hypothCjc \,ers laquelle e voudrais m? i'intenaiit rnv
tourner et je lie crois pas trop m'avancer en d isant que, en 1'ex:irniiiaiit.
nous trouverons la réponseiia question que je viensmoi-méme de poser,
c'est-à-dire, quelles sont les raisons du retournement de la tactique
espagnole?
Dans l'hypothèseque nousenvisageons maintenant - sociétéétrangère
avec des actionnaires d'une autre nationalité - 1'Etat national de la
societé a évidemment qualité pour agir par la voie de la protection
diplomatique et de la protection judiciaire internationale, en vertu des
principes que j'ai exposésen commençant et qui ne sont pas discutés,
tout au moins sila nationalité de la sociétéest effective.
Normalement, l'exercice de cette protection suffira à satisfaire tous
les intérêts rivés en cause. En effet. si 1'Etat national de la société.
aprésêtreiniervenu, aprèsavoir obtenu satisfaction. attribue à la sociétk
l'indemnité au'il a obtenue. les actionnaires en bénéficierontautomati-
quement et les dommages qu'il.; oiit soufferts se trouveront réparés.
II estremarquable - soit dit cn pasxiiit- qiie. dans unc telle h!.yo-
tli$se. le,ieu des ~)rinc,~>~.,6nCrnuxde la resr>ons:il>ilitbiiiterii;ition:ile
et de la protectio~i'<liplo oni i~tiiqir~.leii qiii, pourtaiit, est ha,é
siir l'existence d'un lien natioiial dl. f:itt;~clieiiicnteritre Inpersonne pri\,l'e
qui a subi 16 dommage ct I'Etat qui agit. xboutit ipermcttrc iun Etxt
d'ot>tenirrFpdration d'un préjudiceatteignant 2galement (le: /ntCr;ts qui
lui sont étrangers.C'cst liuiie cunjé<liieiicii:ml>ré\,iiem:ii$-.girl~<Itc<s
principes. -
Dans une telle hypothèse, existe-t-il également en mêmetemps un
droit de protection diplomatique an profit de 1'Etat national des action-
naires? C'estévidemmenttontela question dont nous discutonsactuelle-
-~~.~~~
Mais, je dois dire que je ne vois pas et on ne voit pasà priori pourquoi
cet Etat serait traité différemment de I'Etat national des actionnaires
d'une société qui a fait l'objet dc rnesurcsdommageables de la part de ion
propre Etnt. Au contraire, comme je l'ai dé1isoulijini.. ilcst he;iiicuiil)
plui difficiledeconcevoir que l'on puisse pénstrer dais la sphère d'appli-
cation du droit international à propos de rapports qui, ostensiblement.
mettent en présenceseulement un Etat et l'un de ses propres ressortis-
sants. Si cela a étéadmis, à fortiori doit-on l'admettre lorsque la société
préjudiciéeest elle-mhe etrangére,qu'on se trou\.e donc imm&Ji;iteineiir
et indubitablement dans une sitiiation d'extranéité.susceptilile d'avoir
des conséquencesinternationales.
C'est ce qu'a bien compris le Gouvernement espagnol, bien qu'avec
quelque retard, et c'est ce qui explique, pensons-nous, sa retraite straté- PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 5O9

giqiie. En admcttaiit quç la pratique - la pratique intsrnntionale, la
pratique iirhitrale - avait soiisacre ledroit (Ir protection dc.;actiunn«ires
nais&~ersinvolontairement. mais inévitablement, et par im~lication. qu'iloii-
n'txist~it ;iucune raison de priiicipe qui s'oppo+t i I':idmiisi<niide ce
mêmedroit lorsque la sociétëcn cause est d'une tierce nrttion;,litC.
eu - conime ie l'ai raoueléil v a un instant - inter-
ventionau. s'il v de la sociétéei si cette intervention a réussi. lesaction-
naires ont étédésintéressée st il n'y a plus de dommage, partant plus de
place pour une protection séparéedesactionnaires. -.
Et, en effet. c'est l'hypothèse laplus habituelle et ceci suffitàexpliquer,
je pense, que les cas de protection des actionnaires étrangers d'une
sociétéelle-mêmeétrangèrepar rapport à l'Etat auteur du dommage
soient relativement peu fréquents. En outre,dans la plupart d'entreeux
1'Etat des actionnaires n'a à intervenir qu'au stade de l'action diploma-
tique et il le fait alors le plus souvent conjointement avec YEtat de la
société.
C'est I'hypoth6se la plus habituelle. Il peut arriverpourtant -et nous
en sommes témoins - que la sociéténe soit pas protégéeou que la
protection dont elle bénéficiede la part de son Etat national doive être
interrompue avant d'avoir abouti. Ou bien encore il peut arriver que
1'Etat national de la sociétésoit dé~ourvu des movens iuridiaues lui
per~ii~tr;iiit(le recouriri 1.1voie jii(liciaire int~~rn;itiona1~~.':~10rs'cncor~:
iilieIt~i,dans iinc rcllv \iypotti&se.611 ii'aper(oit pas pour q~~1li.sraison-;
1'Et;it n:iiioiial cles:~ctionnniresdevrait Ctre tri,itédiif<rsmmtnt suivant
que 13soci6tZa UIIn'a [)asla ~tation:ilitJe 1'Et:ltiiuteiir di1~lumninge.
Si I'Et:it des actionnaires peut iri\,ui~iitrdes droits ii luiconfCrés,eii
faveur de ses ressortissants. Ûarle droit'international et Darles réelesde
ce droif relatives au traitément des étrangers, lorsque' la socié2 a la
nationalité de 1'Etat défendeur.il peut aussi les invoquer. toutes choses
étant é~-lesDa,ailleurs. ~. cette sociétéa une tierce riitionaiité
Si Ic droit intr.rri:rti~~ii;irlccoiinnit aux actioniiirircs <:tr:itigil'iiriç
socittr, ,:IIcas dc prCjudicr.causé ;7~c:tt<:jociétCpar son goiiverncment
tintio~~~-,riidroit ou u~ ~~ ~ ~t diitinctet iiidénendatit. ilen vadc mhc.
toutes choses étant égalespar ailleurs. lorsquele préjudice a étécausépar
un gouvernement étranger.
Pour échaDDer cette conclusion dontie n'osedire au'elle est évidente.
mais qui me'paraît telle, il n'existe que &euxvoies.
Ou bien il faut établir que I'Etat nationaldes actionnaires ne peut, en
~rincioe. invoauer en fa&r de ses ressortissants aucune rèele de droit
jnternLtiona1 ielative au traitement des étrangers. des ifinGant que la
société à laquelle ils ap~artiennent subit un préjudice en miime temps
qu'eux et dû fait des mgmes actes,- ce principe ne connaissant d'excep-
tion que lorsque la sociétéa la nationalité de I'Etat auquel ces actes sont
reprochés.
Ou bien il faut établir l'existence d'une règle spécifiquede droit inter-
national quiconférerait à 1'Etat national de la sociétél,orsque cen:cst pas
1'Etat auteur du dommage, le mono~ole de la protection des intérêts
rGunijdanscette suciL:tt'i,~coriiprisde~eu.s des ncrioniia~rr. 61rnngors.
Crs <It.iixvoies(1111ille p;Ir:itsscCtrr les sciilcs que l'on puisse songpr
3.tmi>runter sont. ;?niilrisens, aussi imi~r;iric;il~lcIs'i(lui.l'autre Et 1e
voudrais en quelques motsdire pourq<oi.
Tout d'abord, on conçoit mal comment et pourquoi le droit interna.510 BARCELONA TRACTION
tional devrait conférerou refuser à un Etat des droits en faveur de ses
ressortissants actionnaires d'une sociétéétrangère en fonction d'un
élémentquine concerne absolument pas cet Etat, a savoir le fait que la
sociétt!en cause aurait ou non la nationalité d'un Etat tiers. Ainsi que
nous aurons l'occasion de le constater. les iustifications aui ont DU êire
donnees <Iccette étrange discrimination ne~~orres~oiideni plus du tout
xus conceptions contemporaines en matléte d'in\~estlsseiiieiitsttranacr-,
ni àla ~ratiaue des Etats.
En .;iitrg-.;:uiiiiiicon l'a\~~,iespnncip~sgéiléraiu ridrndtional.
loin d~ proliih?~de façon g6nAralcIn protection dcj astionnaircj, condui-
sent à reconnaître cette Ürotection de plein droit. même si son exercice
peut soulever certaines difficultéspratcques, de caractère circonstanciel.
Voila pour la première voie.
D'un autre côté,unerèglededroit international conférantun monopole
de protection à I'Etat national de la sociétéapparaît, à priori, comme
droits d'un Etat sur ceux d'un autre et cecis6 3ans des conditions DOUrle
moins paradoxales. En effet,parce que, comme nous l'avons vu, 1'Etat de
la sociétése trouve, dans certains cas, en mesure de protéger en fait .
certains intérêtsqui lui sont étrangers, il se verrait reconnaître un droit
exclusif cette protection, interdisant toute intervention de i'Etat
national de ces intérêtsétrangers et ceci même si lui-mêmreefuse d'agir
ou si lui-mêmen'a pas les moyens de porter sa réclamation devant une
instance iudiciaire internationale,
A mon'sens, c'est le renversement de tous les principes et sans justifica-
tion aucune. Au plan des intérêtsprivés.une telle solution ne s'im~ose
pas. c'cst le iiioiri; qu'on puisse dire. :lu iliveau des droits i~it~r~iatioi~aux
(IcsEtats -- vtc'cit?ice nive~uque la qu<?jtionje pose -t:lle est ;il>surde.
Je crois~UL. l'on peut ajoiitcPII outre un tlclnieiit qui ii'est indiifé-
rent d.iiis I:i1)réseiitcaffl~re. II est permis en effet dc penser qiie lanCour
deji implicitzmeiit. mais clairciiieiit, repuussÈ I'hvpoth~sc d'une telle
récledans son arrêtdu ?d iuillet10h4 11sembl~.bien. en eflet. .u. si I:i
Cour avait estimé que ;&te règlé&tait, cette règle qui assure le
monopole de 1'Etat national de la société,il lui eiit alors su& d'en faire
a~~lication dans lecasd'esnèce.Dour déclarer irrecevable la requêtesans
a%r se préossiiperdes éiéinei;tsde fond. II nous parait très iignitiL.atif
que la Cour, en d?cillliit de joiiidrc I'cxccptioii ou fond, ait refus; siir cc
point d~.suivre II thésede ln Partic xlvt?rse. tl12je<lui.ibourtnnt. ét.ilt
déji devant elle à l'époque,car il ne s'agit pas d'une thèse'nouvelle; mais
au contraired'un argument qui a étédéjàloiiguement plaidéau cours de
la yrcinièrc pli:içe de la proiéaliirepar le GoÜvzriizmEiitesp.ignol (voir
E.PEn d;pit de cette ,)nie de position, et nussi pcii <:ng:igcniitesque soieiit
les deus voies que nous a;,oiis ivi~quCes. Iè Gou;~~~inc-mer eistl):ijiriol
mainticnt qu'rllzs condiiijent l'une et l'autre \.ers la vcriti sur I'étntdii
droit eii la iii,ttiC<e:oiit &me 13Icçdcux ttièjçs~~sii.iiti~lIca;iisquelles
nous avonsdéià fait allusion et sur lesauelles repose toute sa démonstra-
tion. Selon lu: en effet, d'une part, ilSerait juhdiquement ainconceva-
ble n - c'est son mot - d'admettre une réclamation internationale eu
faveur d'actionnaires en cas de dommages rés-ltant d'actes illicites
commis eii\ers I:sncictc. siirtout si celle-ci est étrangCrepar rdpport h
1'Etat auteur (lu pr6judice; et d'autre part. pour ce m$me gou\'erncment.
le droit internntiunal conférerait dans une telle hypothèse une uqu~lit6a PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 511
exclusive -un droit exclusif. pour re~rendre les termes mêmesdu Gou-
\,crneinciit espagnol- :I'Etat riatioii~lde la sociétspour agir.
1.e(;onvernement es]~~griola consacréde très longs dkvcloppeinents ;i
13démoiistratioii de ces deux thCses. et c'est la raison pour laquelle.
m:ilgré ILd^outes qu'elles font naitre de prune abord et que j'ai exprimcj,
et cn dcpit de la positioii prise p.i1.Cour. ilne iiousa vas varu possible
dc:nc y* rc!iconirer c~:tt~;~rgiiÏn~d ~oint~noiis;ivn~s,ditd6jtl;tloiirc
In iiiiilriplicitC et I'iiigt'nioîitC.l'oiir nc pas d:p~sscr dcs liniitci raisoii-
rial>lcs,toutcfois, ie iii'en tiendrai rius ;irmments ct:ntraus ausiiiiels le
Gouvernement espagnol a eu recours, sansprétendre répliquer à $ont. Il
va de soique Lefait que tel argument latéral ou secondaire sera négligé ne
sicnifie en aucune façon que nous le croyonsfondé
-Après avoir ainsi ÏendÜ justice succëssivement aux deux thèses de la
Partie adverse, nous examinerons, comme je l'ai déjàannoncé,la signifi-
cation que les circonstances propres à la présente affaire peuvent avoir
au point de vue desdroits de la Belgique.

II

Avec votre permission, Monsieurle Président, je me tournemaintenant
vers la memigre thkse aue ie viens d'évoauer et-oui constitue le premier
fondement, le premier p'ilie;de ~'ar~ument'atione~pagnole.
Sur ce point. à vrai dire, le Gouvernement espacnol n'a jamais été
jusqu'à prétendrequ'un Etat ne pourrait jamais, eh aucune ciiconstance,
demander réparation desdommagessubis, du fait d'un Etat tiers. par son
national actionnaire d'une société étranghre.Nous avons vu, au contraire,
qu'il admettait le droit de protection dans ce cas, mais cela -et pour ne
pas trahir la pensée denos distingués contradicteurs, je reprends ici les
termes mêmesde la duplique:
ncela à la double condition, que ce soit vraiment à un droit de cette
personne en tant qu'actionnaireque1'Etat Ltrangera porte!atteinte et
que, par une tdle atteinte, le même Etatait manqué à une obligation
internationale àl'égard de1'Elatnational a (D., VII,p. 1009).

Bien que le Gouvernement espagnol ne parle ici que de protection
diplomatique, il est dair que, par les conditions mêmesqu'il définit,il a
aussi dans l'esprit et mêmeprincipalement, la présentation d'une de-
mande par la voie judiciaire internationale. On ne trouve d'ailleurs nulle
part formuléedans les écrituresespagnoles la distinction entre ces deux
modes d'action: diplomatique et judiciaire. Ceci permet à la Partie
adverse de faire dépendre le jus standi de la Belgique, question prélimi-
naire, de considérationstouchant au fonddu droit, comme danslepassage
que je viens de citer.
Quoi qu'il en soit, le Gouvernement espagnol affirme que si les deux
conditions de fond qu'il a lui-même poséesne sont pas remplies, la
protection d'actionnaires serait inadmissible Det «inconcevable I)- en-
core une fois ce sont les termes mêmesqu'il emploie - au cas où les
mesures incriminéeset susceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat
étranger auraient étéprises ostensiblement à l'égardde la sociétéelle-
même.
Voilà la thkse. mais où la Partie adverse trouve-t-elle la justification de
cette cdouble condition »? Non pas dans le droit international, mais dans
le droit interne. De quoi s'agit-il, en effet? Le Gouvernement espagnol
soutient en réalité,si je le comprends bien, deux choses.512 BARCELONA TRACTION
Premikrement. pour lui, dans ses relations avec desétrangers, un Etat
ne peut être rendu internationalement responsable que s'il a porté
atteinte aux droits des particuliers. Ces droits sont évidemment définis
par l'ordre juridique étatique puisque, sauf exception, l'individu n'est
pas un sujet du droit international. En l'espèce,pour que la Belgique
puisse intervenir, il faudrait donc qu'il y ait eu violation des droits des
actionnaires belges tels que les définit ledroit national compétent. dont
il n'est d'ailleurs pas précisési, en I'espece,c'est le droit canadien. droit
de la sociétéo.u le droit espagnol, droit du for.
Deuxiemement. une telle violation est exclue. touiours d'aorès le
Couvcrnement es;~~gnol,si on se plaint dr niejures di&;es ost:iijihlc-
ment contre la iociGt2.Eii eifct.lapersonii:~litLIjuridiquedecett~dcrni~re
dres;~ un iiiur, ou uii \mil- pour rellrendre une image utilisée àsaticté
d~nsIecoursdecette aff:iire -, infranchissable. qui ernlléclieabsoluriicnt
lesmesures incriminees d'attriridre les;ictioiiriaircsdans leurs druits. 11\.a
de soi, pour la Partie adverse, que cette personnalit6 juridique est elle-
mêmeune institution du droit étatique, donc du droit interne, dont
l'identité en I'esphce, droit canadien ou droit espagnol, est aussi laissée
dans le vae-e.
Xuus penjons. \Ionsieur 1%P .rt:sidcnt. que les dcus br,tiiches de cette
nrgurneiit:itioii soiit 2g;ilernent I;iussej. au moins de la f;iqoiiradicale doiit
elles sont pr5sentc'es.ct nous iious proposons de le moiitrrr.
:\vant de procCrler àccttr d(inuiijtr;itiun.ILv~uJr.iis cepend;iiit kiire
une observation de caractère général.Le raisonnement espagnol. dans ses
deux branches. conduit à faire dé~endrela res~onsabilité~ ~er~--ionale
de 1'Etat de catégories du droit'interne et même,dans une certaine
mesure, du droit national de I'Etat défendeur.et non pas du droit inter-
national seulement
Ceci nous parnit dc ni:iii\,aisc iii&ttioJcct contraiRU princlpz fonda-
mental dc 1:suprCniatir:dudroit iiiterri:itioii.il.laiCour aeu I'ucc:isioii.
airisi<luesa dcvancic\rc.d'affirmerà mainticsrrnrises. lit (l:insune forniiil,:
restée justement fameuse, comme on le sait, la Cour permanente a jadis
proclaméque
cau regard du droit international et de la Cour qui en est l'organe.
les lois nationales sont desimdes faits. manifestationsde la volonté
ou de l'activitédes Etats, au &me titie que les décisionsjudiciaires
ou lesmesures administratives D(C.P.J.I. sdrieA no7,p. 19).

Sans doute. il n'en résulteDas.Dour autant. aue le droit international
n'ait pas Atenir compte du dioit ifiteriir. sl>éci~l;mçntdaiis lescas ou des
~~:~rticulierssoiit en cause. I.cs ;ifl:iires<l;injIcs(luellcsla Cour ou d'surrt:~
iiiridictioiis iiitt~rii:itionaless'y sont rél2r;es sont iriiioml>r~t n'ont
pas besoin d'êtrerappeléesi6. Mais une chose est de renvoyer au droit
interne ou mêmede l'utiliser; une autre chose est de subordonner l'appli-
cation du droit international. notamment en matière de res~onsab~lité,
auxcat6gories<Iii(lroit interne tine des ~.onséqucnces d'iinc tdle iittitudr
serait. en fait. de pcrmmrç I iiriEtnt d'olqloscr les dispositions dc son
. .Dreordre iuridiaue afin d'écha~~e..uxconséquences internationales
(les2.iactes, CCqui bst justc.ment considéréconiméiri;idriiissihleet a déjA
étérejet6 a plusieurs reprises par la Cour i~~ter~~atio~~eiitpar sa devan-
cière (par exemple C.P:J.I. skie A no6, p. 25; sérieAIB no M. p. 24).
C'est évidemment ce que tente de faire aujourd'hui le Gouvernement
espagnol dans la présenteinstance. PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 5I3

Sou; 1,:bCneii~.dccette reiii;iriliic,..\lonsic.urlc I'rc'iidsnr,je me propose
(l';il>ur<lrrmaintcnsnt, rlircctcmciit, I';irgiiinriir;itiuii pré,entcc sur
point par le Gouvernement espagnol.

L'audience estlm~éàe12 h58 DIX-NEuVIÈI~E AUDIENCE PUBLIQUE (12 V 69, 15 h)

Présents:[Voir audience du 17 IV 69: M. Forster, juge, absent.]

M.VIKALLY: Au moment où l'audience a étélevéevendredi dernier,
j'avais commencé à aborder la réfutation de la première grande thèse
espagnole, qui consiste à soutenir qu'il serait inconcevable d'admettre un
droit à réparation et un droit à réclamer cette réparation au profit de
1'Etat national des actionnaires, lorsque ceux-ci ont subi un préjudicedu
fait d'actes illicites ostensiblement diriaéscontre la société. T'avainsoté
qiiecrttc tliliiSCfondait cisciiticllcnicnt iur druu sCricsde coiisidir.~tii>iis
tirces du droit iiircrne. seloii 1esqiic.ll1)iin Etat n'est intérnatiui~alr-
ment responsable que s'il violelei droitsde particuliers étrangers; z)une
telle violation des droits des actionnaires est exclue s'il s'agit d'actes
dirigés contre la sociétécar le voile de la personnalité morale y fait
obstacle.
La première branche de cette argumentation se déploie elle-même à
deux niveaux. Je regrette cette succession de distinguos mais ce ne sont
pas les miens; j'essaie de suivre pas à-pas-1a.thèse.espagnole.
D'une part, est-il soutenu, la responsabilitéinternationale d'un Etat en
matière de traitement des étrangers ne pourrait prendre naissance que
s'il y a atteinte par cet Etat aux droits d'un particulier, tels qu'ils
résultent de l'ordre juridique interne; c'est la thèse de principe.
D'autre part, les droits des actionnaires sont totalement séparésde
ceux de la sociétéd, e sorte que les mêmesactes ne sauraient en aucun cas
atteindre les deux àla fois. C'estl'application -ou plutôt l'utilisatio-
du principe dans le cas d'espèce.
Commençons par le premier étage de cette construction.
A vrai dire.à ce point, la véritable penséedu Gouvernement espagnol
n'est pas très claire. Elle a pris tant de formes di-verses,revêtutant de
variantes qu'on ne saitpas très bien ce qu'il faut retenir.
Dans de nombreux passages de ses écritureset plaidoiries, le Gouverne-
ment espagnol s'est attaché à démontrerquesa responsabilitéinternatio-
nale ne saurait être engagéevis-à-vis de la Belgique parce que les actes
qui lui sontreprochés n'ont pas porté atteinte aux «droits »des action-
naires belges en tant que tels,mais tout au plus à leursccintérêts»et qu'en
prétendant endosser leur réclamation, le Gouvernement belge poursuit:
<Il'idéeextravagante de transformer en «droits 1,les simples intérêtsdes
particuliersi, (C.M.,IV, p. 716).
hlalgré ces termes catégoriques, la doctrine soutenue ici n'est pas
acceptée partout par le Gouvernement espagnol lui-même. Dans une
partie de la duplique - qui poursuit d'autres objectifs il est vrai,
puisqu'il s'agit de la discussion relative aux nominees - on peut voir
expriméela thèse opposée.Pour éviter toute contestation sur ce point,
je citerai la phrase entière:
rIl y a desdroitsde propriété quine sont pas protégéspar le droit
international. tout comme il y a des droits- et dans quelques cas il
peut y avoir aussi de simples intérêts - qui ne sont pas des droitsde
propriétéet dont le droit international assure le respect. D (VII,

P. 958.) PLAIDOIRIE DE hl. YIRALLY 5I5

Je ne veux pas discuter ici la référencefaite aux droits de propriété.
Je me bornerai à constater que nos distinguéscontradicteurs admettent,
dans ce passage, que de simples intérétspuissent êtreprotégéspar le
droit international alors que, ailleurs, comme nous venons de le voir, ils
traitent cette idéed'extrava ante
Dans ce mêmetexte, le l ouvernement espagnol exprime simultané-
ment une thèse plus radicale encore que la première citée, thèse qu'il
reprend d'ailleurs à d'autres endroits de ses écritures.
i)'.,pr& ci:ttz iiiiii\~tIcon<eptioii, ilric-suilirait pas, nu point dc \.tic
[le 1.re;poniat>ilitL:intérnntion:ilcilc I'l<t~t.ile <listingiiïr entrILS droit3
et Ics iiiti'rCtdes ~x~rticuliers il 1;iiidr:iituli6rt.r iiricdis~riiiiiii:~tioiieiitrc
ces droits eux-mknies. Seuls certains d'entre eux mériteraient, s'ils
étaient violés,d'engager la responsabilité internationale de I'Etat. Ici
encore,pour plus de siireté,je me permettrai de lire le contre-mémoireoù
il est dit que le droit international est très loin
.de l'idée d'accorder une protection sur le plan international à
n'importe quel droit qu'un particulier étranger posséderait sur le
plan interne. ce qui impliquerait, il ne faut pas l'oublier, que l'on

transforme en droits nantis d'une garantie internationale tous les
droits accordés à des étrangers par les règles d'un droit national
quelconque »(IV,p. 716-717).
Cette singulière conception aboutirait, si on voulait la suivye, à une
classification des droits attribués aux étrangers par la loi nationa le
deux catégories: ceux qui sont nantis d'une garantie internationale et
ceux qui ne le sont pas.
Il y a là, manifestement, une confusion d'idées.Cen'est pas la fonction
du droit international quede garantir les droits privés quelsqo'ils soient.
Le droit international se borne à imposer à I'Etat un certain nombre
d'oblieations vis-à-vis d'autres Etats. dont celle de réserveraux étraneers
un trztement déterminé,par exemple de leur ouvrir ses tribunaux e? de
leur permettre que leurs recours soient impartialement jugés, da~s-des
délai; raisonnables et sans discrimination.
Il va de soi que, pour s'acquitter de ces obligations, 1'Etat doit conférer
ou reconnaître aux particuliers, dans le cadre de son ordre juridique
interne, les droits leur permettant de bénéficier effectivementdu traite-
ment que le droit international requiert.
Toutefois, mis à part certains régimesconventionnels bien déterminés,
le droit international, qui est essentiellement réaliste, ne se préoccupe
~ L ~~ ~ ~ ~ultat. c'est-à-dire des intérêtsrbels oui sont en cause. Peu lui
importent les modalitéstechniques qui sont .cenues par le droit interne
Dourv parvenir: elles sont librement déterminéespar chaque Etat, dans
~'r~ ~ ~ ~desa souveraineté. Comm~~n le sait. ellës varieni considérable-
ment siii\.ant les s)~sténies juridiques conii.l;ris 1.1Iciirginiz propre, tllc;
ioiit plus ou riioii~ip:irfaitcs. 1)lusoii riir>iiisavantageuses psur Ics parti-
ciilicrs Ilans roui les c:is, 1'b:tntest conjidCrc!cuiniiic ~dtisfnis;iiit :$sri
ul~1il;;itiuiijiiit~.rnationnles aiiisi longrriiips qiii. 1'r'tr;ingcrbériéficen
il11du traiteni~iit requis p:irle droit iiitcirintional. >oit[l'un tr;iitcrii<:rit
éouitable en matière d'ad-ministration de la iustice. dans l'exem~le aue
j'ai choisi. . .
Réciproquement, l'acte internationalement illicite ne dépendpas de la
violation d'un droit consacrépar l'ordre juridtque national.
Comment le Gouvernement espagnolpeut-il soutenir la thésecontraire,516 BARCELONA TRACTION
à propos du jus standi, après avoir. à propos du déni de justice, plaidé
avec tant de vigueur que la violation du droitnational au détriment d'un

responsabilitéinternationale de l'Etat?e d'autres éléments,engager la
Il faut toujours en revenirà la mêmeconstatation, qui est presque une

droit iniematitnal et, lorsque la situation juridiqÛe d'un particulier estdu

en cause, ce ne sont pas les élémentsjuridiques qui définissent cette
situation dans l'ordre interne aui com~tënt. mais biën les caractères oue
lui recunnait l'ordre j~ridi<~iieintcr&.tional, dans Ic cadre des r~gl,.;
relatives au traitrn~eiiilcsrtrangers. comme l'a r;ippcl; la Cour cil 1qb4.
0ii:irrivtàune concliision identiouc si011exiiii~iiit:I'éltmcntcui cuiisti-
tue, d'aprèsla conception universeliement admise,la seconde côndition à
la mise en jeu de la responsabilitéinternationale d'un Etat, c'est-à-dire le
dommage causépar l'acte illicite. Le dommage,en effet, ne se définitpas
davantage par référence àla violation d'un droit considéréet conférépar
l'ordre juridique national. Son existence et son quantumsont avant tout
des questions de fait qui dépendent de valeurs économiques, c'est-à-dire
de la nature et de l'importancedesintérêtslésés.
Ceci apparaît clairement dans l'analvse classique qui distingue entre
le damnüm emergenset le lucrumcessani pour en âppÎécier l'étendue. Ni
l'une ni l'autre de ces deux expressions ne se rapportent à desdroits -la
seconde moins encore que la première - mais~bien à des intérêtsécono-
mioues.
II n'cst donc pas surprenant qiic:,lors<jiicI:ICotir:Iciià coiisidcrc:I;i
b:isr d iine récl;imntioninternationalc. elle nL.>'estiamais liiiiit:il'id~c
d'une atteinte à un droit, ou mêmene l'a pas du iout évoquée,mais a
utiliséd'autres expressions telles que <nationaux lésé s,«atteinte à un
intérêtprivéu (C.P.J.I. s&ie A no z, p. 12),rdroits ou intérêtsdont la
violation cause un dommage »(C.P.J.I. sérieA no17, p. 28). idommage. ..
causé», «sociétélbséen(C.P.J.I. sérieAIE no 76, p. 17) e,tc. Voilà les
expressions que l'on rencontre dans la .uris.rudence de la Cour perma-
.,nt,..
I)çf:iruiil'ltgi.n<:r.ileeiicore, I'attitudzdu drnit iiiternntion;iI:i l'égard
des catégories juriiiiquri dit droit interne, en m;itiér: dc r~spunsal~ilitc'
iiotamment. est bii:n ~Ilu~trc'c nrI'esorcssiun clasiiour de biens. droits
et intérêtsuque l'onren~ontre'~artout'. aussi bien dak la *ratGui diplo-
matique et conventionnelle que dans la jurispmdence de la Cour et des
tribunaux d'arbitrage. Cette expression a été utiliséeen particulier par la
Cour permanente dans l'affaire de l'Usine de Churïdw (C.P.J.I. série A
n0r7?p. 31) et dans celle reIativeà Certains intéréfsallemands en Haute-
Silésse$olonaise(C.P.J.I. sérieA no7 citédans laréplique,p. 708).
Les trois termes de cette énumération sontplacéssur le m&meplan.
Ils sont destinés, par leur généralité, à couvrir toutes les hypothèses
possibles et à éviter, précisément,que les distinctions du droit interne
puissent êtreinvoquéesau plan du droit international, La responsabilité
internationale de I'Etat est engagéedès lorsqu'il y a atteinte,par un acte ,
internationalement illicite, à des biens, à des droits ou à des intérêts
étrangers et le dommage à réparer doit êtreévalué en fonctionde ula
valeur des biens, droits et intérêtsqui ont été atteints »,pour reprendre
I~Stermes rnéinçsdunt s'est servie ia Cotir pcrmanciitc diiis ~':iMaire <le
I'L'st~ideC/~orzd~ iuIaqueII~je f;iis:iis:illu>iily :iiiiinstant Iloc cil.).
Eii I'cspéce,d'aillriirs -cticci jc crois cljt ledtba- InCour :Icl;iirc>- PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 5I7

ment fait connaître son sentiment.Dans son arrêtde 1964, elle a indiqué
que la question poséeétait de savoir si le droit international

rt;coi~i~~ti~.~ :tiX ;tcrioi~i~:,ir~;'ui~e .<oc:ii:t<v,l txs clc,l>r<ju,licc
caus; :Icçttt suii~:ri... iiiilruit uu IIIiiit;,rir <Ii,rin~tci indc~cndnnt ,.
(C.I.J. Recueil 1964, p. 44).

Bien mieux, dans un autre passage du mêmearrêt,la Cour parle de la
qualité d'un gouvernement pour protéger les intérêtsdesactionnaires en
tant que telso (p. 49, sans plus faire allusion à leurs droits, et ceci,
certainement, fait disparaître toute équivoque.
La Cour me pardonnera, je l'espère, de m'êtreattaché un peu longue-
ment à présenter une question qui paraît tranchée par elle-même.J'avais
deux raisons de le faire.
La première, c'est que le Gouvernement espagnolsembleestimer que la

question est encore ouverte ou, tout an moins, qu'il pourrait convaincre
la Cour de renverser sa jurisprudence sur ce point.
On nevoit pas d'autre explication àl'espèced'acharnement avec lequel
il essaie de démontrer qu'il n'a jamais porté atteinte aux cdroits » des
actionnaires de Barcelona Traction, mais que les actes invoqués contre
lui auraient touché seulement, et éventuellement, les «intérêts»de ces
actionnaires.
La seconde de mes raisons est que les explications déjà données me

permettront de placer dans sa juste perspective la discussion de cette
dernière prétention, qui constitue en réalité une pièce maîtresse de la
thèse de la Partie adverse et le deuxième étage de l'argumentation que
nous sommes en train de démontrer. C'est ce deuxième argument que je
voudrais maintenant discuter.
Pour le Gouvetnement espagnol, un acte internationalement illicite
qui est dirigé ostensiblement contre les droits d'une sociéténe peut pas,
en mêmetemps, atteindre les droits des actionnaires.
II y a lieu, selon lui, de distinguer soigneusement deux Iiypotbèses, qui

s'excluent mutuellement. A son point de vue, de deux choses l'une: ou
bien il y a atteinte illicite aux droits des actionnaires, et la protection
diplomatique de ces derniersest permise et mêmela seule à l'être,ou bien
il y a atteinte illicite aux droits de la sociétéet seule celle-ci peut faire
l'objet d'une telle protection. Il serait radicalement impossible de sortir
de cette alternative. Mêmesi on parvient à imaginer des circonstances
où il v aurait des atteintes ~arallèles aux droits de la sociétéet à ceux de
1'.L.i,~iiiiairc,xla 1.1is;trait le prinripc intact <.nron -c trou\.~r:,it<l:iiici*.
rellcs ~ir.unitan~~i, cn yrisciicc d'lin~ yliir;ilir;. <l';iitc,pri'lii<liItbk-i.

duiit cli.icuii ionctituerait soit Uri: .irtt iiiri. :rux droitJr. 12 so:iirr,, .i)it
une atteinte à ceux de l'actionnaire, mais jamais aux deux à la fois (D.,
VII, p. 1013-10x6).
J'en demande pardon à la Cour, mais je ne suis pas encore parvenu à
comprendre l'intérêt et la portéede ce raisonnement, dont le formalisme
et la laborieuse complication me semblent au contraire très apparents.
Tesais bien que le Gouverneme~it espaynol veut en réalitédémontrer
là qu'en casde réclamations muitipiesTniti ne peut agir en invoquant
le droit de l'autre. Mais est-il nécessairede passer par cet extraordinaire

détour pour en arriver là? Surtout que personne-ne conteste ce point.
La Belgique ne se préoccupe pas du préjudice subi par la Barcelona
Traction elle-même - ce qui serait l'affaire du Canada - mais bien de51~ BARCELONA TRACTION

celui qui a étésupporté par ses propres nationaux, actionnaires de la
société.
L'essentiel est qu'on se mette d'accord sur la réalité. Est-il Dossib.e
<III'IImtme ivÇnemcnt. impiit:ible ;iu inEmesuji.t dc droit. provoqur. iiii
<luriirii;igc1ttei:n3iit simultniicriicnt ylusic.urs pcrsoriiics - i'cst-Mirc
fasse viusieurs~victimes? La réoonsë. à mon-sens. ne souffre oas la
<liiciisiion. tant Ici c~enipltt~:iffliient i l'esprit,i ci.inmvnicr pi;r t:~nt
d'accidciit; ~I'nutuuii d :ivion qui. rnall.eiirciisi.iiicnr. font nujoiird'liui
iinrticilc iiotrc1.i~(IUO~I<~IC'O IIrIs.'i1,il~Iuralitridt:vicfiiii~~,II\.i4iir:i
;ioriii;iltiiiL~tl~cci)our une p1iir;iiitC (icdemandeurî en r6p;iratioi. sniif
s'ilsc trou\.c iliicI'uii~L.S \,ictimei agit pfiiirI'eiijeiiil>l<d:ei sutics.
Le Gouvernement espagnol, qui a Lonstmit sa théorieipropos de l'avis
consultatif sur la réparation des dommagessubis au service des Nations
Unies (C.I.J. ReczreilI949, p. 174)n .e pouvait évitercette conclusion -
aui résultede l'avis lui-méme.leauel, comme la Cour le sait bien. autorise
irécisémentde façon expresse uie pluralité de protections pour le même
individu lésé. Cela suffit. Peu importe qu'on dise qu'ily a eu un seul «acte
préjudiciable n, parce qu'un seül fait a causé tous les dommages. ou
plusieurs «actes préjudiciables u, parce qu'il y a eu plusieurs victimes. Le
seul point à retenir est quechaque victime a droit à une réparation pour
le préjudicequ'ellea elle-mêmesupportédu fait de cesactes et qu'elle a le
droit de la réclamer à l'auteur de ces actes, si elle n'est pas indemnisée
d'une autre façon.
l'évoquais il v a un instant les accidents d'avion. Ce n'est Das un
cscmyle'imayina'irc.La Cour a ét&;niiii..il yiiqiicl<~ucs:innGei - ;II? s'eii
suu\iciidu -. ;i propos d uii incident ar:ri,-n. di: plusieurs rcqiiétes
Ciii:~ii:iiiti.l unc part, dc 1Exit dont l'avion nortnit Ivs<oulciirsct. d ;iiitre
part, de deux Eiats dont les nationaux avaient péridansla catastrophe
(Incident aériendu 27 juillet 1955. C.I.J. Recueil 1959, p. 127 et p. 264;
C.I.J. Recueil1960,p. 146).Sielleavaitétécompétentepour en connaître,
la Cour aurait DU déciderd'examiner les affaires coniointement. mais les ~~
requ;tes n'en sernieiit pas moins restces distinctes, chaque Etat se plai-
rnant (I'uii vr<:iiidiccdistinct. Et qiiiniirnit us; dire. dans ce cas, oiie les
passagers n'&Gent pas étédirectement atteints par les balles qui abaient

aucun préjudice qui puisse étre reparé par la voie internationale? subi

Après tout, et toutes proportions gardées, la présente affaire est-elle
tellement différente? La Barcelona Traction a étélittéralement descen-
due en pleine activité, par un coup tiré du territoire espagnol, alors
qu'elle,portait bien apparentes sescocardes canadiennes et se trouvait en
temtoire canadien. Elle n'est plus, désormais, qu'un amas de ferraille
juridique, que nul ne pourra jamais remettre en fonctionnement. Grâce
au ciel.ses v.ssaee~. ...Dardon: ses actionnairesn'ont Dasététués dans la
c~ti-trul,lic, i~r c:ln. i'~jt1)1~liLdniis I'iiiii\.~r~di~Iruitvt non p:is d:iiii
cdui dr.5corp:. .\I.iiiliont Itr'déiioiiillCsdc letir; bicns ct oii>iiI>:,insiiin
~réiudiced'une extrêmearavité..
Peut-on, raisonnablem>nt, interdire à leur Etat national, pour des
raisons empruntées au droit interne, de poursuivre la réparation de ce
préjudice? -
Si ingénieusesoit-elle, la théoriede la pluralité des «actes préjudicia-
bles n passe totalement à c8téde la question. Mais est-il mèmepossible et
raisonnable de soutenir, commele fait le Gouvernement espagnol, que les
droits des actionnairessont à ce point.séparésde ceux de la sociétéqu'ils PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 519
ne puissent jamais êtreatteints par les actes qui violent ces derniers,
ouelle oue soit la gravitéde cette violation?
.~Comparaison n'Yestpas raison j'en conviens, et le rapprochement que
j'ai fait,il y a un instant, entre la destruction d'un avion et celle d'une
sociétén'est qu'une image. Une image n'en permet pas moins, parfois, de
saisir d'un seul coup la réalitéd'unesituationquede longs raisonnements
dissimulent, mais que le bon sens découvre.
L'explicatiori de la séparation radicale voulue par le Gouvernement
espagnol n'a connu son épanouissement que dans le contre-mémoire, qui
contient à cet égard une théorie très élaboréedes droits apropres 1des
actionnaires (voir IV, p. 642 et suiv.; 738 et suiv.).Devant les critiques
que le Govvernement belge a adressées à cette théorie, qui se trouve
contredite par les règles du droit commercial interne en matière de
sociétés,le Gouvernement espagnol a, dans la duplique, abandonné le
mot, mais conservél'idée,qui lui est indispensable, et l'a mêmedévelop-
péeencore, de façon plus systématique, s'il est possible, ce qui nous
contraint à revenir sur cette ouestion.
De quoi s'agit-il? pour le Gouvernement espagnol les actionnaires
d'une sociétécommerciale sont titulaires d'un certain nombre de droits,
dont la liste n'est établie ni clairement ni exhaustivement, mais qui
comprendraient entre autres le droit au titre, le droit de participer aux
assembléesd'actionnaires et d'y voter, ceux de poursuivre en justice les
mandataires qui auraient abusé de leurs pouvoirs, de participer à la
distribution des dividendes éventuels,de figurer au partage de l'actif en
cas de dissolution.
D'aorèsla Partie adverse. si un Etat étraneer -ort- atteinte à l'un de
ces drAit~,il peut y avoir là ;n acte internationalement illicite qui engage
sa responsabilité internationale. Si, au contraire, il a soin de laisser ces
droitcintacts. mêmeen les vidant de tout contenu. aucun acte inter-
nationalement illicite envers les actionnaires ne peut êtremis à sa charge
et la protection diplomatique de ces derniers est tout simplement incon-
ceva6le. En effet. Ôn oouriait tout au lus. Do,.le Gouvernement esDa-
gii<,l,p.irl<:rd,ii<:cl<.rniirr:i.;cl'iini.. ri.pr.riu;;,tirIeiir.ii,tL.r:i: II<.<
<Iorniiingci,ui unr iuuclic:1.1sut.i;t; rCprr;usjiuii qiii Ict;oiivt rncincnr
t>uit.nul lficct~ clc8.0ii,idirzr coninie ,iiniilciii+iilcvrntuclliii;.iisi 1;i
s&iéTé a étédépouilléede la totalité de son patrimoine.
On voit ainsi se manifester - et combien concrètement - les consé-
quences et l'importance de cette distinction entre droits et intérêts, à
laquelle le Gouvernement espagnol tient tant, pour les effets de droit
international qu'il y attache, et on comprend fort bien son insistance!
Le fait vaut d'ailleurs d'êtrenoté.La séparation entre droit et intérêt
va si loin pour le Gouvernement espagnol que les seuls droits qu'il recon-
naît aux actionnaires - et que j'ai énumérétsout àl'heure - sont, soit
des pouvoirs dépourvusde contenu économique,comme le droit de vote
ou celui de, poursuivre en justice des mandataires indélicats, soir des
avantages simplement éventuels, comme le droit au partage des dividen-
des, qui ne se matérialiseque s'il y a un bénéfice à distribuer, ou le droit
aupartagedel'actif qui n'a d'actualité que lorsque la sociétéest dissoute
et de valeur que si la liquidation laisse apparaître un solde créditeur.
Nous ne vaudrions. sur ce oint, Monsieur le Président, laisser place à
aucune équiv~qu~.Xtius nc'.uiitt itoni p;is ~IIC i~r 1,:yl~ii di; droit
coinmcrcial Interne de be:iuiuiili <I'Et:,tIcidroits dont Jisl,usc I'.iction-
nairc, sp:~.ialt~riiritnns srî r;ijiports a\.ec I:Ljoci;t<. compicnnciit CilSz0 BARCELONA TRACTION

effet,entre autres, ceux qu'évoquele Gouvernement espagnol. Comme ce
gouvernement, nous croyons que toute violation de ces droits, si elle
résulte d'un comportement contraire au droit international, engage la
res~onsabilitéinternationale de 1'Etat oui s'v laisse aller. Et ie demande
re~pçctiicu;ciiieiit iiI;Cuur de bieii voi;l<>iir>rendrenotc (lecctti ,.oiicur-
dancc Je \.ucs sur cc puint entrr. les I'.irtizs.
\l:iisct:;droits, le<lr<-,coniiii~r,.i:ICS confbrt h I',~ctit~ii~~;ics~nticl-
I~ment pour lui pcriii* ttrc rlc di.tt-n<lrtr dc iairc valoir sr; intcréts, qiii
s~i~tcriix d iiiSI.-su~irp,orti~.ip.iiit.dani la Iiniitc dcxI;i,.uuuidu ~i:iquct
d'actions ciu'ildt+tir.ntà la ~rosni.rir;u~~ iila dl:coriritiiir (t:i~iiuiiicIci<
entreprise; gérées cetté siciété,gestion à laquelle il prend part,
toujours dans la limite de l'action ou du paquet d'actions qu'il détient
Darl'exercice des uouvoirs aui v sont attachés.
Maisce qui compte, en déknkve, pour I'actionnaire, ce n'est pas en soi
le droit de participer à une assembléegéiiéraleet d'v voter, ce ne sont là
que des movens. C'est la valeur économiaue de soinaction aui comute
j;~iir1111:It~onnlirc, et uii nc salirait iSrio;<-rjiiirrrncnt et simplciii<:nile
~oilteiiu ;~conoiiiiqii~i.le I:iitu.itic>i]iiri<lirluequi t:;t I:ii,.iiii,: etLx
>pi.~.i,iIçriict rsqu'iliics'iigit~~nfiiniplcrnentdc la gciiion de In ;oci>ti,
(lcscs relatioiii cuinrncr~~ial~iiii~iiii.t;i\.cc(Ir; c~liciitioiiclc, futiriii~~çiirj

m?is de In(Iisp~~itiundc.?on patriiiiuinc, ct de In total116tic iclui-ci,pr
des moyens qui mettent en càusr la puissance publique, comme c'esi le
cas dans l'affaire qui nous occupe.
On ne saurait nier que de telles mesures n'atteignent directement et
immédiatement, non seulement les intérêtsde l'actionnaire mais ulus
encore sa situation juridique, le droit qu'il a de voir l'entreprise à laqÛelle
il est associé poursuivre son activité normale dans le cadre des lois
commerciales qui s'appliquent tous, avec les chances de gain et de perte
qui en résultent pour tous, et non pas êtreconfisquéeou transféréesans
indemnité par une intervention ouverte ou déguiséede 1'Etat. C'est là,
à n'en pas douter, un élément fondamental de la situation juridique de
l'actionnaire telle que le droit international la reconnaît. L'atteinte qui y
est portéepar un Etat, dans des conditions qui fontapparaître une viola-
tion des regles internationales en matièrede traitement des étrangers,met
en cause indubitablement, la responsabilitéinternationale de cet Etat.
Pour s'en convaincredéfinitivement, il suffit d'ailleurs de considérerles
conséquencesinjustes et absurdes auxauelles conduirait la thèse espa-
griule.'siCIIC;tait arc*-pt6e 1:11cidc:iiioRtrziitinicux que n'importe quel
r:giîi,iiiiriiizQitmoi1 îziis. ~)uurquoile droit intcrnntional ne se ~uI,oT-
donne pas aux catégories du droit interne, variables avec chaque droit
national, et tient 1'Etat pour responsable des dommages qu'il cause aux
droits ou aux intérêtsdes particuliers.
Pour combattre les thèsesrelatives aux droits propres des actionnaires,
telles ou'elles avaient étédévelo~néesdans le contre-mémo. .. le Gou-
vernement belge avait, dans la rJ<liq"e, eu recours à un exemple que je
voudrais, avec la permission de la Cour, reprendre maintenant.
Envisageons le Casde la nationalisation et supposons, pour les besoins
de la cause, qu'il existe, à la charge du gouvernement qui nationalise,
une obligation internationale d'indemniser les transferts forcésattei-
gnant des biens étrangers. Peu importeque cette obligation soit d'origine
conventionnelle ou coutumière, nous supposons par hypothèse qu'elle
incombe au gouvernement qui nationalise dans l'espèceque nous discu-
tons. PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 521

Deux techniques de nationalisation, on le sait, sont couramment
utilisées: ou bien transférer à la collectivité les installations, comptes
bancaires. droits. etc..ani constituent l'actif des entre~rises géréespar
une société,cette dernhre conservant sa personnalitéLjuridique et >es
actionnaires privés;ou bien, nationaliser la société elle-même e,n transfé-
rant la totalité de ses actionàI'Etat
Dans les deux cas, le résultat pratique est évidemment le mêmepour
l'actionnaire: il estcompl&tement dépossédé. Orq , uelles vont êtreles
conséauences internationales. si l'on a~.. .ue la théorie esuaz.o-e,
lorqu'il existe des actioiiiiaires étr;.ng~.rs?
A\.ec la permission deIlCour, je \.ou<lraislire les quelques p;issngesde
la dui,li~iiieoiii ccmticnncnt la réuoiiAc$.ette qiicitii~n. Elle est inii>or-
tant; câr c'e'çtàpropos des casdapplicationpr~tique quel'on peut &ri-
tablement iucer la valeur et la portée d'une théorie. Et une telle expé-
rience est .~articulièrement utfie et révélatrice lorsau'on se trouve.
comme dan's le cas présent, devant une construction' qui reste assez
obscure, il faut bien le dire, sur le plan des idéesgénérales.
Pour le Gouvernement espagnol
aLa question qui se pose, dans les deux cas, ce n'est pas de savoir
si un droit à réparation existe ou n'existe pas; c'est de savoir, s'il
existe,à qui il doit appartenir»(D., VII, p. 1012).
Et la duplique continue :

(Quand I'Etat confisque les biens et les droits qui constituent
l'entreprise appartenant àune société,c'estcette dernière qui sevoit
privéede son droit de propriété.C'est doncelle qui, s'ily a lieà une
indemnisation adéquate, a le droitde la recevoir» (Ibid.)
Si elle ne l'obtient pas, ce sera par conséquenà 1'Etat national de la
sociétéet àluiseul d'agirsur leplan international.

nDans le cas où. Dar contre. I'Etat laisse subsister intact le droit
de propriétéde la 'sociétésu; son entreprise, c'est-à-dire sur ses
biens et sesdroits. mais où il confisqueles actions en se substituant,
sont directement atteints dans leurs droits sont les actionnaires
eux-mêmes.n(1bid.)

Ces derniers par conséauent sont seuls a avoir le droit d'êtreindem-
niséset leur Eta't nationaiest le seuà pouvoir agir sur le plan internatio-
nal, toujours dans la perspective dela thèseespagnole.
Et voilà lconclusion :-
nLe choix entre les deux voies ouvertes à un Etat pour réaliser
une nationalisation devra normalement se porte:. dans le cas d'une
sociétéétrang&re,sur la confiscation de l'entreprise appartenantà la
société.à cause des difficultésévidentesde réalisation que présen-
terait lesecondprocédéL . orsque, aucontraire.lasociétéest nationale,
encore qu'elle ait des actionnaires étrangers, 1'Etat peut choisir
librement, car alors l'opérationconsistant a confisquerou à annuler
les actions età se substituer aux actionnaires comme actionnaire
unique devient réalisableenpratique. i(Ibid., p. 1013.)
Mon savant coll&gue.le docteur Mann, a retenu, dans sa plaidoirie, la
C.)ur s'en souviendra, l'aveu que contiennent ces phrases quantjZZ BARCELONA TRACTION

l'impossibilitéde mettre la main, par des procédésnormaux et légaux,
sur des actions qui se trouvent en territoire étranger (supra, p. 421).
Pour ma part, je voudrais relever la leçon qu'elles comportent et qu'un
juriste, sansdoute, aura de la peine à accepter.
Si la conception de la duplique doit êtretenue pour vraie, alors, dans
le cas d'une sociéténationale avec des actionnairesétrangers, un conseil-
ler cynique, mais avisé,conseillera au gouvernement désireux d'échap-
per à ses obligations internationales de choisir la première méthode,
qui consiste à confisquer l'entreprise appartenant à la société.D'aprèsla
doctrine que nous venons d'entendre, c'est cette dernière et elle seule
qui peut prétendre à une indemnisation mais, comme elle est nationale,
elle ne peut faire appel à aucune protection diplomatique. Quant aux
actionnaires étranges, ilssont tout autant désarmés,puisque,

"si le titulaire du ou des droits auxquels il a étéporté atteinte est
la sociétéet non pas l'actionnaire, il est hors de doute que l'on se
trouve entièrement hors du domaine dans lequel une protection
diplomatique d'actionnaires par leur Etat national peut être
admissible, voire même concevable il.

Ainsi donc, comme le disait déjà le Gouvernement belge dans sa
réplique, la théorie espagnole, si elle était conforme au droit en vigueur,
c~ermettrait à un Etat. .-âce à un Dru d'habileté dans le choix d~s ~ ~
tt.c:liriiq~su droit interne, d'4cliapprr à tontes les coniC~~iicii~c;e la
responsabilité inttrnationaler IR.. 1'.u 643). 3I.iis pcut-on \.raimcnr
criire que le droit international'oreaniçé lui-m'&mde 1; sorte les movens
de toumer sespropres exigences? J'ai beaucoup de doutessur ci poiit.
Au surplus, il serait aisé,Monsieur le Président, de montrer que ces
subtilitésn'ont jamais étéretenues dans la pratique. II suffirait pour cela
d'examiner lesaccordsd'indemnisation intervenus précisément àla suite
denationalisations et dont leGouvernement belgea citéun certain nombre
en annexe ino 120) à sa ré~liaue.
Ce que montre 1; patiqÛe, gui déborde d'ailleurs très largement le cas
des nationalisations,c'est qu'il existe,par la nature'mêmedel'institution.
une association tellement-étroite, une communauté de destin et d'in-
térêtstellement marquée entre une sociétéet ses actionnaires, qu'un
dommage infligék la sociétéporte atteinte aussi et en mêmetemps,
presque automatiquement, aux intérèts de ses actionnaires et que le
droit international tient compte, bien entendu, de cet aspect essentiel de
leur situation juridique.
Le Gouvernement espagnol se refuse à reconnaître cette solidarité,
qui pourtant résulte des statuts sociaux et que ceux-ci ont pour objet
d'établir. Sa critique, cependant, est essentiellement verbale. II fait
observer que le terme de asolidarité »,employédans la réplique, posséde
dans la langue du droit une signification technique différente, et désigne
la relation entre deux débiteurs engagéschacun pour le tout d'une dette.
Peut-être,sans doute, mais après? En parlant de solidaritéd'intérêts.et
non pas d'obligations, la réplique ne créeaucune équivoque. llanifeste-
ment, le terme était pris dans sa signification vulgaire et non dans une
acception technique. Que prouve-t-on par de tels arguments? S'il s'agit
de mots, nous sommes prêts à les changer. II y a un instant j'employais
l'expression de ccommunauté d'intérêts in,ce qui conviendra peut-être
mieux à la Partie adverse: je suis prêtà m'y tenir. L'essentiel n'est pas PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 523

dans les mots, mais dans les réalités qu'ils désignent.La réalitéécono-
mique et juridique de la situation d'actionnaire, c'est que tout ce qui
atteint la sociétéatteint du même COUD. et inévitablement. les action-
naires dans leurs droits et intérêts,par 1; nature mêmede cette situation,
dèsl'instant que le coup est assez grave pour compromettrela situation
économiaue et financière de la sociétéou diminuer de facon sensible son
patrimoike.'Voilà la réalité quin'est pas niable.

Pour tenter de le faire, en dépit de tout, le Gouvernement espagnol fait
état d'une affaire sur laauelle il insiste beaucouo. bi.n aue. as.ez .u-
rieusement, elle ne concerne pas les relations entre une sociétéet ses
actionnaires, mais celles existant entre une société commercialeet son
fournisseur, auquel le prix des marchandises fournies n'a pas étépayé.
Je veux parler de l'affaire Dickson Car WheelCompany (Nations Unies,
Recueil dessentencesarbitrales, IV, p. 669; D., VII, p. 1022).
La Cour a pu déjà beaucoup lire sur cette affaire qui opposa les Etats-
Unis au Mexique. Je crois, cependant, utile de m'y arrêter un instant,
car elle est importante. Non point par ce que voudrait lui faire dire le
Gouvernement es~aenol et aui ne tient Das - nous le verrons - mais
. u
li:ir,,~IIC cette aif:iir,: t<lit.iinv<]iiL.,tio;iqti'il fa:IniGn S~II;,aboid<>r
tris li;tnchcni,-iit et ~8iisclctuur dlni 1;-11,;scntt-niinirt-, jr vcii-.pnr1i.r
de la question des dommagesindirects.
En effet, ce que la Partie adverse insinue de multiples façons bien
qu'elle ne le dise nulle part de façon tout à fait claire, c'est que les
dommaees subis Dar les actionnaires. du fait d'actes ostensiblement
<lirig:s :ontrc 1;ii;.iit;., jeraient rles doninilgrs iildirects ct. ;i cc,titic,
iioii ~ii;~vlxilil~~, rclinrntiori îiirIcpl:iii dii druit iiitrrn:ition;il.
'\lui1intention, '\l~~iisi~ii1r1.Priiirlcnt, n'est pai d<:fairt! la tliCoric dei
~loiiiiii;igrsinclirc~tiii clioir iiitrrn;iriuii:tl, c]c n'ai ;iuctinc 1iCsit.itiun

i diii. qii'clllie i';ippli<liic~zrt.~iii~ri~riitp:tj d;iiijca5 dc, ~loiiiiii~gï~
jiil>iiiar de; .irrii>iin;xirxj.Kt ie moi=\.oir dans1;ivoie obliaiic clioiîic Dar
nos dktingués c~ntradicteurs,'~our aborder cette question,'l'indice qdils
partagent cette conviction.
On est amené à cette conclusion, précisément,en tirant un parallèle
entre la situation juridique de i'actionnaire vis-à-vis de la sociétéà la-
quelle il appartient, et celle qui existe entre les deux parties à une relation
contractuelle quelconque.
J'en viens à l'affaire. La Cour sait qu'elle concernait la réclamation
présentéepar les Etats-Unis pour le compte de la Dickson Car Wheel
Company, sociétéamériciane. Celle-ci avait fourni un certain nombre de
roues à la sociétémexicaine National Railwavs of Mexico. Les chemins
~ ~ ~~ ~ ~
de fer mexicains ayant étésaisis par le ~ouve/nement con:titutionnaliste
et leur gestion temporairement étatisée,la societé mexicaine en avait
pris prérexte pour ne pas payer ces fournitures. Tel était le dommage
dont il était demandé réparation.
Un premier point est hors de discussion. La requêtea étérejetée pour
deux raisons, dont ni l'une ni l'autre ne nous concernent. La commission
arbitrale a constaté, tout d'abord, que la sociétéaméricaine avait négligé
de poursuivre le paiement devant les tribunaux mexicains, alors qu'elle
aurait pu le faire et, alors surtout, que sa débitrice, d'aprés les preuves
fournies, avait des ressources suffisantes pour payer si elle y était con-
trainte par voie de justice. Par conséquent, cette sociétéaméricaine

n'avait aucun grief à faire valoir contre le Gouvernement mexicain. Ce
dernier, d'autre part, de l'avis de la commission, n'avait bénéficié d'aucun524 BARCELONA TRACTION
enrichissement sans cause, contrairement à ce que soutenait l'agent des
Etats-Unis.
Voilà les motifs du rejet. Par surabondance. la commission ajouta
encore que, en tout état de cause, un Etat ne saurait êtretenu ~our
internationalement responsable du préjudicesubi par un étran er comme
corollaire ou conséquenced'un dommage causépar cet Etat f un autre
particulier ulorsque les rapports entre~le premier et le second sont de
nature contractuelle» (Nations Unies. Recueil des sentences arbitrales,
IV. p. 681,traduction dansladuplique, VII,p. 1023).
Et la commission de continuer, de fason quelque peu équivoque,je le
concede, que cette «conclusion » n'admet qu'une exception aux termes
de la convention qui l'a établie, celle des dommages subis par ceux qui
mêmesubi une perte ou un dommage (ibid).deu dans une sociétéayant elle-
Le Gouvernement espagnol s'est emparé avec enthousiasme de cet
obiterdictumet, surcette base fragile, il a construit un syllogisme que l'on
pourrait formuler ainsi: L'Etat qui cause un préjudice à un particulier
ou à une sociétén'est pas internationalement responsable des consé-
quences qui peuvent en résulter pour les tiers avec lesquels la victime
avaitdes relationscontractuelles.
Or, une soci&t&est lieza sesactiorinair~s par dtlsrelationscontractuelles.
I)onc.I'l:t;iqui c:iuse iin i>réiudii:1iiiie sociftén'est ~3sinternatio-
nalement responsable des domhages qui en résultent pour ses action-
naires.
J'en suis désolém. ais on ne pourrait ajouter: c.q.f.d. la suite de cette
démonstration, car la fausseté de la mineure suffit à transformer le
syllogismeen sophisme.
Il suffira,croyons-nous, de deux observations pour lemontrer.
Lapremièreest la suivante: la passation d'un contrat entre deux sujets
de droit est toujours occasionnelle. S'il s'agit d'un contrat de vente. il
n'établit entre eux Qu'unerelation temporaire et limitée au transfert de
l'objet vendu et au bersement du pix.-11 n'y a là rien de comparable à
la situation juridique de l'actionnaire dans la société, pourla simple
raison que la relation qui lie ces derniers n'est pas accidentelle. mais
constitutive. Il n'existe pas de société commercialesans associés ou
actionnaires. Ceux-cipossedent dans la société une situation statutaire -
comme le soulianait la répliaue fV. D... 64...-c'est-à-dire établie et
orga111sLp 'ar leqst;itiitj. iiiuaiioii qui cst inimuable tant qiic les statuts
n'ont 1)asCtémodifiL:setc'est celaen difinitii.r.(liii est ln bnsi juridiquede
I:Icomniunniit5d'intcritsi lauiielle i'nifait 3llusion tout 3 I'li.u.e. oui lie
les actionnairesi la société. '
céder leurs actions'aàid'autres sans porter atteintectàonl'existence età la
personnalité de cette derniere, mais, tant qu'ils conservent la qualité
d'actionnaires, ils sont attachés à la société,suivent son sort, bénéficient
de sa prospérité,souffrent de ses pertes aussi longtemps tout au moins
que la sociétéest elle-mêmeun going concern, qu'elle constitue une
entreprise en activité.
Le Gouvernement espagnol le conteste (D.,VII,p. 1022) et affirme que
les rapports de la sociétéet de ses actionnaires sont bien de nature con-
tractuelle- et non pas statutaire comme l'avait dit la réplique -
puisque la base de la sociétéest un contrat. C'est, encore une fois, jouer
siir les mots. Faut-il rappeler que le contrat de sociétéest passéentre les PLAIDOIRIE DE hl. VlRALLY s25

futurs associés ou actionnaires et non pas entre eux et la société elle-
même?La sociétén'est pas partie à un contrat qu'elle aurait librement
conclu (maisqu'elle aurait aussi pu ne pas conclure) avec ses actionnaires:
il y a là tout de mêmeune différence fondamentale par rapport à la
situation juridique d'un acheteur vis-àvis de son vendeur, auquel il doit
le prix de la marcbandise fournie.
Entre ces derniers, il n'y a pas communauté, mais, tout au contraire
opposition d'intérêtsquant à l'exécution du contrat.
Parce que la situation de l'actionnaire est statutaire - ce sera là ma
seconde observation - elle ne peut étre ignorée des tiers. Lorsqu'un
suiet de droit inflige un dommage à une personne auelconque, il ne Deut
p;is connairrc toiiies Ics sonskliieiiics (lui en résulteront pour ceiis qiii
p~urcii,:rir :<i.oir;iveccerr~ ocrsonrie<ie~r~pports c<)ntr~ctueIs:I'CXISIC~~~C

de tels rau..rts. nous l'avons dit. est ~urëment accidentelle et la ré~er-
ciissioii du dommage qui pcut en rt;s;iltzr, ti~iit 3 la fois iniertainF et
iiicuriiiue <1çla p:irt de 1':iiitcurdu domiii:igt:. Ils':içir bicii, <]anscc cas,
cl<:dorniiiagcs iridirczt;. nbsulurnciit imortki;ihlcs. dii'i1serait iniuste ct
irrationnel-dd'obliger à reparer. Au contraire, lorsqu'on frappe unc'société,
on frappe du même coupet inévitablement ses actionnaires. Il ne s'agit
plus d'une répercussion indirecte et éventuelle, il s'agit d'une consé-
quence immédiate, directe et nécessaire, que personne, s'attaquant à
une société, nepeut prétendre ignorer.
Bien entendu, cette communauté d'intérêtsaura aussi pour effet que
l'actionnaire bénéficieraavec la mêmeautomaticité - je I'ai dit déjà -
des indemnités qui pourraient êtreverséesà la sociétéen compensation
du dommage a., c.lle-ci a subi.
\lai; que se p;isst.-r-il si le durnriiagc n'est lias r;paré ct si la socibtk ne
1i6ut 1x1sen poursuii.rc l'in<-leiiiriii:itioi~?l.';i~:tiuni~~~irici'a-1.11aucun
intérêtà faire baloir?
La réponse est évidente. Si les intérêtsde la sociétéet de ses action-
naires sont statutairement liés,comme je I'ai dit, tant que la sociétéagit,
ils n'en sont pas moins distincts. de mémeaue les uatrimoines respectifs
de la prcmi&;c dej secoiids. Ili se <lii,issnii partir du moment r;ul':is-
tio~iiii~ircnc peut pliij compter siir I';ictiuii ~oii:,lt:isiirtu~it si l'ul>]rt<le

la sor.i&ti:iCr,!<ICtruit ct IIIICccllc-ci a verdu ii I;lois route \.ie et toutes
ressources. Il ne reste plu~alors à l'actionnaire que de tenter d'agir pour
son propre compte, de façon indépendante, dans la défensede ses intérêts
personnels. - ~
Dans l'ordre interne. c.~ ~ action n'est nossible oue dans la mesure où
Ic ~lroitci~iiiinr:rci;iIrccoiiri:Il'~iiioiinai;c iin droii d'actioii individuelle
c'<.jt-:i-(lirc.dans bc;~iiioup de c:ii ~C~II~CIII~~,l,rr, l:disso11111oln<:g,il<:
(ILI':i<,~:ii.tl:I:L.~:;ouv~rn~inciitbelcc;i cIi>iiiiiicertniii iioiiibre d'escni-
ples de ~é~isiationsnatioBales ouvrant a un tel droit de facon plus large.
biais ceci ne présente, en définitive, ue très peu d'intérèt, puisque la
question posée icine concerne pas les %roits de l'actionnaire dans l'ordre
interne, mais ceux de son Etat iiational dans l'ordre international. Or
nous avons vu qu'ils étaient indépendants.
Dès lors qu'un dommaee a étécausé Dar un acte interiiationalement
illicite aux droits ou aux 'htérêtsde s& ;essortissants, I'Etat est atteint
dans les droits qui lui sont conféréspar l'ordre iuridique international en
leur faveur etadouc analité pour en ~oursuivie la réüaration
Le Gouvernement e;pagnoîs'éiève avec vigueur contre cette conclusion
en invoquant l'obstacle que constituerait le trop fameux (<voilede la526 BARCELONA TRACTION
personnalité moralen, dont il a ététant parlé au cours de cette affaire.
Nous rencontrons ainsi ce qui constitue la seconde branche de son argu-
mentation et je voudrais maintenant la considérer,mais sans m'yattarder
indûment car Dieu sait que la question a perdu depuis longtemps Ic
charme de la nouveauté et, au sürplus, nous croyoni que ceproblème
aussi est déjàtranché dans une très large mesure.
La thèsedel'Espagne sur cepoint encore procèdepar deus affirmations
successives.
11est dit tout d'abord que ce fameux voile séparerait totalement
l'actionnaire du monde extérieur,en particulier de tous ceux qui traitent
avec la sociétéou ont affaire avec elle.
Le Gouvernement espagnol affecte ainsi de s'indigner que la Belgique
invoque des actes qui ne la concernent pas puisque, A supposer qu'ils
aient étéétablis,ils auraient étéaccomplis envers une sociétécanadienne,
la Barcelona Traction, et non pas envers les actionnaires belges de cette
société.Pour lui, si quelqu'un a subi un dénide justice, c'est celle-ci et
non pas ceux-là. En intervenant, la Belgique invoquerait des règlesde
droit international en matière de traitement des étrangers, auxquelles
l'Espagne étaittenue envers la société canadienne, donc envers le Canada,
et non pas du tout envers la Belgique.
Il està peine besoin de répondre à cette argumentation, Monsieur le
Président. Son caractère extraordinairement formaliste et verbal saute
aux yeux. Il est bien clair que si la Barcelona Traction a subi un déni
de justice, c'est-à-dire a supporté un dommage du fait des violations du
droit international que révèlela procédure de faillite à laquelle elle a
étésoumise, le dommage subi du mêmecoup par ses actionnaires a les
mêmes causeset engage les mêmesresponsabilités.
Il n'est pas contestable que l'Espagne était tenue de respecter les
impératifs du droit international en matière d'administration de la
justice vis-à-vis de la Belgique aussi bien que du Canada, car il s'agit de
règlesde droit international généralet non pas du tout de règlesde droit
conventionnel.
Si l'Espagne a commis un deni de justice et si ce dénide justice a causé
d'un acte internationalementssantillicite envers la Belgique et celle-ci ale
qualitéuour en demander ré~aration.
' 1.e Gbuvernrn1,:nt cspah.i;ol sc reiid birii compte qiie. prc'seniGe dc
ccttt: f:ijun rs<licn.t:il,,uliit.. s:i tlibe est insoutt:nettconrrcditt par
ln pratique iiit~:rriati~,ii:ile.qiiipasa hésitedans bien dcs cas. noiis IL.
savuiis ct nuus leverrons eii<ure, h :tdniettre13 levécde ce Lnineiis ,vuilc
dr 13 pcrsoriii;ilitéiiior:i>i.
Pour tenter deparer à cedanger, ilavance alorsune secondeaffirmation
selonlaquelle, si la levéedu voile est en effet concevable, elle ne pourrait,
en tout cas, jamais êtreopérée azrprofitdes actionnaires. Elle ne serait
admissible que si elle se faisait au bénéficede tiers et donc contre les
nctioiiii:iirejCÇS dernicri, iiuiis dit-il, b6nifiiierit dcji d'uii privilégc
consi<lirnbl,: gricc ii I;ipcrsonnalitt: ~iiridicliiede la sociétc dcrriCrc
Intiuellcils ic di~iiriiiil~.iit.Cc serait nio-tpriviléaesiir r)riviléc1~iiit.
deles autoriser encore à écarter ce voile lorsq;'ils y ;nt avantager
L'explication est peu convaincante, c'est le moins qu'on puisse dire.
Elle repose sur une conception de la société commercialequi pouvait
avoir cours il y a un siècle,dans certains milieux, mais qui nous parait
aujourd'hui terriblement désuète. Elle ignore complètement le rôle que PLAIDOIRIEDE M. VIRALLY
527
joue l'institution juridique de la société commerciale,et spécialementde
la sociétéanonyme, dans toutes les économiesmodernes fondéessur le
principe de la libertéde l'entreprise.
Dèsque l'entreprise atteint une certaine dimension, elleprend la forme
d'une sociétéC . e n'est pas un privilège, c'est une nécessité,t on ne voit
pas pourquoi ceux qui utilisent un instrument aussi banal et aussi
indispensable devraient êtreconsidérés commesuspects et même péna-
lisés.
Soiis peiisonr, eii tuiit cas,sur ci point ;galenir.rit, q1:iCuiiravait
~>:irtngcette conviction, elle 1':iur:iitdit d:in5son ar<1ii24 jiiill1961.
C'est eii cffcl, eiicore ilrie foiiiii(~UCIIIOIIqui puu\.ait étrc tranchet:
sans empiétersur l'examen du fond.
En nosant la ouestion de savoir si le droit international reconnaît aux
actionnaires d'une société,au moins dans une certaine mesure et dans
certaines circonstances, un droit ou un intérêtdistinct de ceux de cette
société,en cas de préjudice causé à cette dernière par un gouvernement
étranger, la Cour, me semble-t-il, a implicitement écartél'idéeque la
principelitune telle reconnaissance.oserait un obstacle absolu et de
En outre, la prétention du Gouvernement espagnol est d'autant moins
soutenable que, comme je viens de le dire, elle est contredite par la
jurisprudence des tribunaux d'arbitrage et par la pratique diplomatique
et conventionnelle.
Comme nous l'avons déjà relevé, le fait qu'un certain nombre des
affaires où a étéadmise la ~rotection d'actionnaires concerne des hv~o-
théses où ceux-ci alipart&aicrit :L <les snciétcs nationales de 1'Éiat
défendeur ades effets p:irticiiliCremt-ntdrvÿstreus pour la tliéseespngiiolc
parce que la seule esisteiice de ces pré<:é<lrntr'truit le foiidemeiit iiiérne
de cette tIi>sc,le principi: siir lcqucl cll~rctiose ct qu'nii voit ainsi écarté.
!daisce qu ilest iinportant d<.oiili:nrr Accstade. c'est que cesafiaires
ne revêtent en aucune facon le caractère.d'une exce~tion-dans le cadre
d'une pratique qui serait fixée,dans son ensemble, en'sens contraire.
Il s'en faut,et de beaucoup, que les précédents soient limitésaux seuls
cas de sociétés nationalesde 1'Etat défendeur. Comme la logique I'impo-
sait, tout autant que le développement des relations économiquesinter-
natioiiales, une pratique diplomatique et conventionnelle sans cesse plus
abondante consacre. de façon de lus en plus marquée.le droit pour 1'Etat
d'intervenir au profit de ses na'tionaux',actionkires de soci'étéé s tran-
gères, et d'obtenir réparation, le cas échéant, des dommages subis par
eux en cette qualité,que cessociétésaient ou non la nationalité de 1'Etat
auteur du dommage.
On ne trouve aucun cas, dans toutes les espèces citéespar les deux
Parties, où un gouvernement se serait abstenu d'agir parce qu'il aurait
cru êtreempêché de le fairepar une règlede droit international prohibant
de façon générale la protectiondes actionnaires.
défendeur a contesté le droit de 1'Etat national des actionnaires d'agir.
Elles sont, finalement, assez peu nombreuses et, la plupart du temps. se
sont malgétout terminées par une transaction - donc par une recon-
naissance imolicite du droit d'intervention. L'attitude néeative du eou-
vernement défciirli:iir,dans uricertain nonibre dc s:is, s'~~xp1iquat:ir<lvs
circoiistaiices p:.rticiilièrrs que Ic Gou\.<riicrnrnt bclge a exposécsdans
SC< (ciitures de f;,(uii d(.taillr:cet siir Icsqiicllespar curiséqucntle ne crois528 BARCELONA TRACTION

pas devoir revenir maintenant. (R., V, no' 918à949, p. 665 et suiv., et
nos940 à 944, p. 688et suiv.)
sa diipliqiie et mente <luelqi~~scommentaircsenraison decetténou\~eautc.
IIs'agit de l'affaireSociorniesar~tomoliçucsI.eier,\'II. p. 1050).
üaiis cettenffairc. le Gouvernement :trnéric:était iritervenii pour le
comDtedes actionnaires américainsd'une société beleeaui se ~laiènait de
divek dommages à elle causéspar le ou verne mhtenn'iqu< lequel
n'aurait pas respecté un droit d'exclusivité dont elle était titulaire et
l'aurait soumise à des contributions de guerre non prévues dans les
contrats passésavec cegouvernement.
Laduplique cite deux passages de la note par laquelle levernement
britannique dénie toute assimilation de ce cas avec celui de la Delagoa
Bay, mais elle omet toute allusion au motil véritable du rejet de l'inter-
vention américaine: à tort ouà raison, le Gouvernement britannique a
estimé que les Etats-Unis cherchaient à protéger non pas leurs propres
(US ForeignRelations, 1934, vol. 1, p. 808).Sur ce point, la note britan-s
nique condamne l'application de la théorie du contrôle en matière de
protection diplomatique, ce qui lui suffit, étant donné sa position de
principe dans l'affaire. Elle ne rejette donc aucunement la doctrine de la
DelagoaBay, elle l'estime tout simplement non applicable en l'espèce.
II n'est pas inutile, en outre, pour comprendre pleinement l'attitude du
Gouvernement britannique, de rappeler que le Royaume-Uni a également
rejetéla demande parallèledu Gouvernement belge, gouvernement natio-
nal de la société, pourdes raisons de fond cette fois et parce qu'elle
estimait n'avoir commis aucun acte internationalement illicite. II n'v
avait donc pas lieu pour le Gouvernement britannique d'aller plus loi;
dans l'examen destitresdesEtats-Unis.
l'encontre d'une pratique qui se généralisede plus en plus àla forma-
tion de laquelle participent tous les Etats. quel que soit leur&mede
droit interne et ouel uue soit le cadre iuridiaue dans leauel s'inscrivent
leurs rapports internat;onniix.
l'en donnerai deus esernples sculement
Le premier est une décisionde la Commission eriropéennedesdroits de
l'homme rendue en 1966. Son intérêt tient à ce que cette décision nous
fait sortir du cadre de la protection diplomatique et mémede celui du
traitement des étran.,rs. Nous sommes en effet dans une hv~othèse où
lesquestions de nationalitc. doj'nipourlant misen lumi>rcI'imlr~rtancc
et les consCquences, ne louent aucun r6le puisqii'un recours peut Ctrc
rése entéar"n-ressortissant contre son ~ro~re~ouvemement.
société,par suite de difficultésinanci&resprovoquéespar l'action d'une
ou verne m et d'une Drocédurede faillite aüi ~réientait. dans son
déroulement, diverses anomalies. La Commission'a bté saisie par un
actionnaire. Comment a-t-elle a..réciélejus standi du requérant? Voici
sa décisionsur ce poin:

.Considérant que mêmesi, aux termes du droit autrichien, seule
la sociétéen tant que telle a le droit d'intenter une action en justice
fondéesur les griefs formuléspar le requérant, la Commission est
d'avis que le requbrant doit êtreconsidéré commeune victime au PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 529

sens de l'article 25 de la convention. des violations alléguéesde
l'article~remier du protocole additionnel: considérant au'à ce
propos. 1; ~oiiiniiîsion'a tout pnrticiiliérzmtnt tenu compte'<lu fait
que le requérant pojs;<lait environ <)II!des:tctioiisde ladite sociCté;
qu'il r:clic.t.en cunsé<4ucnce<,lerejeterI'objcctiori gén6ralcformuléc
par le Gouvernziiicnt iiutricliien sur ce poriit.ii(Ijécisiun du 4 oct.
1966. rl>r>ri<rtir(ele lu C'o>rie,rleampée~~~ dris droilsde l'li<~nrrnt.
1966.p. 131.)

L'autre affaire que je voudrais citer encore se recommande cette fois
à notre attention par l'identité des parties: elle met en cause le Canada,
dans.ce cas Etat national des actionnaires, et l'union soviétique. Elle a
étéprovoquée par le transfert du territoire de Petsamo de la Finlande
àl'Union soviétique,par la convention d'armistice du 19septembre 1944,
ce qui devait entraîner, en raisoii du régimede propriétéexistant en
URSS, la prise de possession par I'Etat soviétiquedes mines de nickel se
trouvant sur ce territoire. Or, ces mines étaient alors exploitéespar une
société finlandaise,la Petsamo-Nickeli O/Y, dont toutes les actions
étaient détenuespar une sociétéde nationalité anglaise, la &fondNickel
Com~anv.cette demiere n'étantelle-mêmeau'une filialedeI'International
Sickcl Company of Caiiaki. wsiét6 c;iii:,diriine. d2tenant toute; les
actions de la .\landSickel Comyaii!'. Cette sittiation. uii lc vuit, n'csr pas
sans I~DDCI~ celle uui existait dans l'affaire de13 LJ~lueo~ jirv ct diiiis la
présenteespèce. "
Or, le Gouvernement soviétiqueaccepta sans aucune difficultéd'entrer
en néeociationsavec le Rovaume-Uni et le Canada ~our réglerles consé-
quen&s du transfert à sin profit des mines expioitées iar la société
finlandaise. II convint finalement, dans un protocole signéle 8 octobre

1944par lui-même,le Gouvernement britannique et léGouvernement
canadien, d'allouer au Canada une compensation de vingt millions
de dollars américains (cf. M. M.Whiteman, Difest O/ International Law,
1279 et suiv.)
"OV1.oil cesdeux affaires que je voulais présenter àla Cour. Elles prennent
place dans le cadre d'une pratique qui ne concerne pas seulement les
accords d'indemnisation, que les nationalisations postérieures à la
deuxième guerre mondiale ont multipliés, mais se constate ,dans les
secteurs les plus variés des relations internationales conventionnelles,
surtout évidémmentdans les domaines des relations économiques et
commerciales, et qui sont telles que l'abondance et la variété desdo-
maines dans lesquels les mêmesprincipes se trouvent confirmésinter-
disent de considérer commeexceptionnellela prise en considérationde !a
situation des actionnaires étrangers au sein d'une societé - que ce soit
d'ailleurs à leur profit ou à leur desavantage: les deux hypothèses se
rencontrent aussi couramment l'une que l'autre. II s'agit désormais de
quelquechose d'acquis et de tout àfait normal. On peut dire, aujourd'hui
- et la doctrine la plus récenteet la plus autorisée l'abien reconnu' -,
qu'il s'agit d'un principe d'aprèslequel chaque fois que l'existence et les
intérêts desactionnaires étrangers d'une sociétécommerciale, au moins

1 Cf. notamment: S. Petdn, u La confiscation des biens etrangerslesr6clama-
tions internationales auxquelles epeut donner lieua (Acadhmie de droit interna-
tional, Recueil dcours, 19631. p.505 et sui".); P. de VisschILCI protection di-
plomatique des personnes maidesn (ibid.1961,1. p.q?g etsuiv.).53" BARCELONA TRACTION
lorsqu'il s'agit d'intérêtssubstantiels, ont une raison d'être pris en
considération dans les rapports internationaux, ils le sont et le droit
international le reconnaît.
Cette pratique, le Gouvemement belge a essayéde la montrer dans sa
répliquede façon très abondante. Le Gouvemement espagnol, bien qu'il
conteste radicalement le sens de l'évolution dont je viens de parler, a
voulu minimiser son importance et sa signification. Il a pourtant fait
porter sa critique sur quelques accords d'indemnisation passésentre le
Mexique et un certain nombre d'autres Etats entre 1923et 1927. C'est
peu par rapport à la masse des traités invoqués, mais je pense que la
contestation qu'apporte ici le Gouvernement espagnol mérite d'être
retenue en raison de l'importance à première vue inattendue que ces
accords viennent prendre dans l'ensemble de son argumentation.

L'audience, suspendue à 16 h 20, est reprisà 16 h 40

Lesaccordsmexicains quej'ai mentionnésily a un instant sont lesseuls
dontla duplique ait voulu discuter. La Cour s'en souviendra, d'autre part,
l'un d'entre eux,la convention générale Mexique-Etats-Unisdu 8septem-
bre 1923a ,servi de base à la décisionMcPherson,qui a été commentéepar
mon éminentcolMgue,M. Lauterpacht (supra, p. 444 et suiv.), et à celle
de l'affaire Dickson Car WheelCompany dont j'ai parlémoi-mêmeil y a
un instant. Il m'a donc paru intéressant d'examiner d'un peu plus près
comment le Gouvernement espagnol avait présentécet ensemble d'ac-
cords.
J'ai dû malheureusement constater que les méthodesd'interprétation
auxquelles il avait eu recours dans ce cas rappelaient ficheusement celles
que j'ai déjàanalysées à propos de l'affaire El Triunfo.
Je passerai sur le fait que la duplique tente de faire croire que le Gou-
vernement belee se serait mé~ris.en imaeinant aue ces accords étaient
relatifs à des mesures de naiionilisation: alors Qu'ils concernaient des
désordres civils. Il suffit de se reporter au texte de la réplique (V,
A. 87,),.our rétablir la vérité.
Comme la Cour le sait, les accords en cause - bien qu'ils ne soient pas
tous identiques, nous le verrons -contiennent tous la même clause,qui
autorise exüressément la ~résentation de réclamations Dour des dom-
ni:igc: ,iibiIJ:'I CVIqui oiitd,.sint;rCti .iilihtnnricl,çlonu li<led:~~~le;
I I - donc dc; 3ctioiiii:iirci- en r:iis<idis pertes et prilu(1iccj
subis Dar ces sociétés elles-mêmes Il. s'aeissait. ~ar-conséaueit. Üour le
Gouvérnementespagnol, de démontrerq<e cette ilause avai'tun câractèra
tout à fait déro.atoire par rap--rt aux principes-géné-auxdu droit
international.
La difficultéde l'entreprise venait de ce que le premier en date de ces
accords, la convention générale Mexique-Etats-Unis, que je viens de
citer, stipulait expressément dans son article II que la commission
d'arbitrage qu'elle créaitdevait déciderdes réclamations qui lui seraient
présentées: «conformémentaux principes du droit international, de la
justice et de l'équité» (Nations Unies, Recueil dessentencesarbitrales,IV,
p. 12).La référence à la justice età l'équité,classique dans ce genre de
conventions (A. M. Feller, The Mexican Claims Commissions, p. 221)
devant guider l'arbitre dans l'application du droit, suivant la règleque la
Cour a heureusement rappelée dans son dernier arrêt(C.I.J. Recueil1969,
P. 48). PLAIDOIRIE DE DI. VIRALLY 53I
En outre, là où la convention écartait l'application des prjncipes
reconnusdu droit international, c'est-à-dire dans sonarticle V,qui dispense
de l'épuisement des recours internes, elle disait expressément -qu'il
s'agissait d'une exception à ces principes, et que cette except?on était
introduite pour des raisons d'équité (ibid., p. 13). Tout ceci,permet
d'inférer, à tout le moins, que les parties n'avaient pas en conscience de
dérogeraux principes du droitinternational, en admettant la rbparation
des dommages subis par les actionnaires.
Comme l'a lumineusement montréM.Lauterpacht à propos del'affaire
McPherson, la commission arbitrale, de son côté, s'est bien considérée
comme appliquant le droit international général.Bien plus: c'est.le
Gouvernement espagnol lui-mêmequi soutient cette these dans l'affaire
DicksonCar WheelCompany - en maintenant il est vrai que laprotection
des actionnaires serait une exce~tion vaulue par la convention.
Nais poiirqiioi sertiit-cc,une {sccytion?Li preuve, nous dit la Partie
:i~l\,rrjeest qué 13CGIl\~lltl(lirnpoirIn prCsenrntion. avec iine rCc1nm.l-
tion noiir It:coriii>tt.cl'ortionnairrs. d'une cession par Insociété. auprofit
des premiers, de'leur part dans le dommage subi par la seconde.-C'est
donc, dit le Gouvernement espagnol, que c'est la sociétéqui a droit à
réparation. Cette disposition est exceptionnelle, en effet, je n'eu discon-
viens pas, mais elle est justifiéetrès clairement par la mise à l'écartpar
la convention de la règlede l'épuisement des recours internes: !I fallait
par conséquent éviter que la sociétépût réclamer devant les tnbunaux
~~~~~~.~-~les indemnités dé~àversées à leurs actionnairesà la suited'une
action internationale. Cela ne prouve donc rien.
Alors,la duplique fait un nouvel effort pour démontrer sa these. Les
parties aux cônvéntions, nous assure-t-elie,

((ont tenu à souligner expressément le ,cafactère dérogatoire des
critères adoptés ... par rapport aux principes générauxdu droit
international. Il y est uniformément prévu,par un article expressé-
ment prévu à cet effet, que le Mexique ayant acceptéque sa respon-
sabilité ne soitbas iiétablieconformémena tux brincib.s aénkaaux du
drriil i~il?rr!dliu~;i.r.îdoniniijies proii\,és&ont v:rucirtrscme>iv
rCparésnifrric <I:in>desc3i OU ces yriiicipes ji:nCrauu n'auraient pas
cornport; l'rohligntioii<I'a~cordcrune r;l)arationv (D.,\'II, p. 1060.)

Cet article existe bien, Monsieur le Président. Mais dans d'autres
accords: dans la convention spéciale Etats-Unis-Mexique signéedeux
jours après, leIO septembre 1923,et dans toute la sériede conventions de
réparation signéespar le Mexique avec un certain nombre d'Etats, dont
l'Espagne, auxquelles cette convention spécialeservira de modèle.
La duplique àvertit loyalement qu'il s'agit de conventions différenJes,
mais, dans son commentaire, elle les traite commesi el+ se confondaient
toutes. ou avaient le même obiet et les mêmesdispositions.
Tel n'est pas Itc;ir.1.3c.on;.cntio~igc'néralcconcerne routes sortes de
rt~clainatioiisque lei ri.sortijj:intJe I'unc des pcirties pourraiciit avuir
contre l'autre: La convention spéciale vise uniquement les dommages
subis par les ressortissants américains du fait des désordres civilssurve-
nus au Mexique de 1910 à 1920, et que le Mexique declare accepter de
réparer exgralia, sans que sa responsabilité,en effet, soit fixéeaen confor-
mitéavecles principes et règlesacceptésdu droit international D (aft. II,
RCA, IV, p. 780).Et la commission, dans cecas - ajoute la convention -532 BARCELONA TRACTION
statuera aconformément aux principes de la justice et de l'équité))
(mêmearticle). II n'est plus question du droit international, Et, par
conséquent, la commission statuera ex aequoet bonodans le cadre di la
convention.
Ici, par conséquent, très clairement, en matière de responsabilité pour
faits de guerre civile, nous sommesréellement en dehors de l'application
des principes généraux.C'est cet article pourtant que la duplique cite en
vue de prouver que la clause relative aux réclamations des actionnaires
serait dérogatoire au droit international. On voit qu'il a un tout autre
objet. D'ailleurs la duplique elle-même (VII p,. rojg) avait relevé que
cette clause avait étéinséréesur le modèlede l'article premier de la con-
vention généralequi, elle, seréfèreexpressément,comme nousl'avons vu,
aux ~rinci~esdu droitinternational.
~&eAt admettre qu'une clause non dérogatoire à cesprincipes dans
une convention le devienneparce au'elle est inséréedansd'autres accords
qui, surd'autres points, contiennent de telles dérogations?
Le seul commentaire que je voudrais ajouter prend la forme d'une
question, déjà formuléedansla réplique,et qui est la suivante: alorsque,
en signant laconvention de 1925 (R.,V, p. 673;A. H. Feller, TheMexican
C1aim.sCommissimts, New York, 1935; Nations Unies, Recueil des
sentencesarbitrales,vol. IV, II; vol. V,p. 17,313.517).le Gouvernement
espagnol a trouvé tout naturel de protéger lesactionnaires espagnols de
sociétésétrangères, est-il admissible qu'il adopte les positions qu'il
soutient aujourd'hui sur ce point, simplement parce qu'il a dù troquer la
place du demandeur pour celle du défendeur?
Sans attendre la réponsequi y sera donnée,je crois pouvoir conclure
que le Gouvernement espagnol n'a pas réussi à prouver lebien-fondédesa
premièregrande thèse. Rien, ni dans les conditions de mise en jeu de la
responsabilitéinternationale de 1'Etat. ni dansla personnalitémoraledes
sociétés,n'interdit, par principe et de façon générale,qu'un Etat soit
tenu pour internationalement responsable des dommages qu'il a infligés
aux actionnaires étrangers d'une sociétécommerciale, du fait d'actes
ostensiblement dirieéscontre cette société.
On serait donc jÜstifiéd'en conclure que rien non plus n'interdit, par
principe et de façon générale, à 1'Etat national des actionnaires, de
jurlici.iire iiitarit:~tiC.'csticialors que l'onrenionrrc1;sccoii<lt.tlii~ieion
gC~téraId~i1(;o~i\~cnirin~iitcsl>:ignol.selon liyuclle unc relle rt?clamation
serait prohibéepar le droit intemational. loriaue la sociétéen cause est
étrangèrepar rapport à 1'Etat auteur du dommage, parce que 1'Etat
national de la sociétéaurait, dans ce cas, le monopole de protection de
tous les intérêtsprivés concernés
C'r>ti'ett~.sïroiiile grande tli~sc qje \.oudr;iii mainti.ii3n.î\.icIn
~>ennissioiic lnCotir.cuitàidi.rcr.

III

A vrai dire, Monsieur le Président, cette nouvelle thèse se heurte à
tant d'objections et a étédéjàtellement critiquéedans les écritures (R.,
V, p. 659-662)que nous pourrons en disposer beaucoup plus brièvement.
Elle consiste essentiellement à postuler l'existence de ce que la Partie
adverse appelle «la règlede la qualité exclusive de 1'Etat national de la PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 533
sociétépour agir en casde préjudice causéAla sociétépar un Etat étran-
gera (D., VII,p. 1008).
Quelle serait l'origine de cette règle et d'où tirerait-eue sa valeur
iiinArnni~?
1 "D'après le Gouvernement espagnol, elle se déduirait logiquement des
principes générauxdu droit international en matière de protection diplo-
matique.
L'analvse de ces princip.s. à laauelle nous avons déià,~.océdéen
commenqant, iiiuiitre l'iiiconjijtance dc cette préteiition.
.\l:iisil faut d?livrer cette r&glede tuute c~~uivoqiiti.
Oii :iurîiDU la formuler autrement aue ne l'a fait le Gouvernement
rspagnol tt dire: 1'Etat national d'une s;cié3scul quîlité pour exercer
S:Iprùtcction diplomdtique cn faveur de cette socil.téet pour r6clarner.
pa? la voie judiëiaire internationale, réparation des dommagessubis par
elle dufait d'un Etat étranger.
La Belgique, à vrai dire. n'aurait pas de difficulàéadmettre qu'une
teile règle est, en effet, directement déduite des principes générauxdu
droit international. Sa portéeest claire: elle viàne retenir que le seul
critère de la nationalité en matière de protection des sociétésetàrejeter
celui du contrôle. Exprime-t-elle avec exactitudel'état du droit positif en
la matière? C'est là une question sur laquelle le Gouvernement bel e n'a
pas à prendre parti: il n'est intervenu, pour sa part, dans la pfsente
affaire, aue Dour des sociétésbelres. Les ~roblèmessoulevéssont donc
tot:ilemt:nt c"trîngers au debat îcfuel.
nient esnnciiol. I'our au'(:ll(:soit :If:iit claire et cun1»lilfaudraiterne-
la libellér&ore autrement, et dire - ce qui ne ressort pas déla formule
de ce gouvernement: REn cas de préjudice causé à une sociétépar un
Etat étranger, le gouvernement national de la sociétéa seul qualité pour
agir par la voie judiciaire internationale, afm d'obtenir réparation du
dommagesubi par celle-ci. ainsi quedudommagesimultanémenc tausCaux
actionnaires.même si ceux-cin'onlbas sa nationalito.
C'est bien'cela que le ouv verne empagnnol veut dire et c'est cela
qu'il fait plaider. hlais il suffit aussi de l'exprimer de facon claire et sans
equivoquë pour qu'apparaisse, en mêmelemps, qu'une telle règle, A
supposer qu'elle existe, ne serait en tout cas pas déduite des principes
généraux. Eiierevient, en effet, à introduire une exception au principe
fondameiikal selon leouel un Etat est touiours autorisé à intervenir en
faveur de ses nationiux, lorsque ceux-ci'sont victimes d'un préjudice
causépar le comportement illicite d'un Etat étranger.
Pour les raisons qui ont déjàétéexposées. nous pensons que la Cour a
implicitement refuséd'admettre l'existence d'une telle règledont I'appli-
cation aurait automatiquement Ccartéla Belgique de ce prétoire, sans
qu'ily ait besoin d'examiner le fonddel'affaire, comme la Cour l'a décidb.
Il ne nous paraît donc pas nécessairede nous attarder sur ce point. Au
surplus, si cette prétendue regle ne résulte pas de l'application des prin-
cipes généraux,elle ne peut être forméeque par une accumulation de
précédents susceptible d'avoir donnénaissance à une coutume. En I'es-
pèce, il faudrait alors démontrer que les Etats dont les nationaux,
illicites d'un Etat tiers dirigésostensiblement contre cette soc,e sont
abstenus, de façon tout à fait générale,d'intervenir en faveur de leurs
ressortissants. Bien davantage, il conviendrait encore d'apporter la 534 BARCELONA TRACTION
preuve que cette attitude n'a pasétémotivée par des raisons d'opportu-
nité politique,mais a étécommandéepar la conviction juridique qu'une
interventionde leur parteûtétécontraire au droit international, ainsi que
l'a rappelé laCour permanente dans l'affaire du Lotus (C.P.J.I. sérieA/B
no 22, p. 23) et la présente Cour elle-mêmedans son dernier arrêtsur le
Plateau continentalde la mer du Nord (C.I.J. Recueil 1969, p. 44).
II est bien clair que, dans l'état actuel de la pratique, qui est bien

connu de la Cour, une telle démonstration est rigoureusement impossible.
Elle n'a mêmepas ététentée par le Gouvernement espagnol, qui s'en est
tenu prudemment à l'idéede l'application des principes généraux.Cela
:nous dispensera de tout effort supplémentaire de réfutation.
Mais, faute d'espérerréussirsur le plan du droit positif, de legelata, le
Gouvernement espagnol se place alors dans la perspective de iconsidéra-
tions de politique législative ii(C.M.,IV, p. 746et suiv.) c'est-à-dire delege
ferenda. Il agite le spectre des abus de protection diplomatique, qui
seraient mtiltipliés - selon lui - si l'on ouvrait la voie aux protections
multiples eu admettant le droit de protection des actionnaires à côtéde
celui de la société.
Ce n'est pas très sérieux.
Pour répondre à cet argument, quin'est pas nouveau, le Gouvernement
belge avait rappelé les constatations faites par la Cour dans son avis
consultatif sur la réparation des dommages subis au service des Nations
Unies, où la Cour avait estiméqueles inconvénientsrésultant deréclama-
tions multiples étaient néa-i..ablcs car. avait-elle dit: ciLestribunaux
iiiterii:trioiiaux coiinnis;tiit Iiien le probl>me qiii: poir une ri:i:lam;irion5
laqucllt- ioiit iiitércssii deus uii pliisiçurs Etari nationnilx t,tils s.~\.ciit
comiiient protegcr. cn pareil c.~,,I'Etxr d&fr.ndcur. 3(('1.j. h'?crzil1949.
u. 1?0!
' Le Gouvernement espagnol est manifestement gêné par cet avis qui
contredit ses thèses. Nous avonsvu que, pour détourner le coup, il avait

cru devoir élaborer à cette occasion une théorie très compliquée de la
<pluralite d'actes préjudiciables iipour expliquer qu'un mêmefait puisse
donner lieu à plusieurs réclamations internationales indéuendantes, ce
qui es1 1.lii~~#ati,ii e i.cqu'il souticrit S~iii awns \.u aihi que CCtte
thbinrie.;IIoiuppoirr nrliiiijsil>lc,ne faisnit qui di.pl;,;cr Icpruhl&inc i:iiij
ler&;oudrc.Ellr ri'i.nlt\.cpar cuiiiboii~iirrien ilcsa forcé la conitntntioii.
qui est autant une consfatation dêfait que de droit, formuléedans le
dictum de la Cour que je viens de lire.
Dansla duplique aussi on trouve une attaque plus directe encore contre
les daneers suécifiauesaui r&sulteraient ~ ~~ ~ ~connaissance du droit de
protectyon diplom~tiqué des actionnaires. Cette reconnaissance, nous
affirme-t-on, assurerait le triomphe de la force sur le droit. A maintes
reprises, le Gouvernement espagnol exprime son intérêtet sa préoccupa-
tion pour le petit et le faible, udout la résistance, mêmevaincue » nous
dit-il, «peut être souvent plus importante que la prétention, même
victorieuse, du grand et du puissant r(D., VII,p. 1050).
Il affirme:

«La société internationale d'auiourd'bui ne demandecertainement
pas 1111rçiiforccnient iiltcriciir di la protecrion dr. certain; groupci
capitnli:tcs tlf:j:trop piiiisniitj trop capabIr; <le sr.pro:urCr dci
ïr~i~uii. renfort:r.rncnt riui se trl~irit d;iiii iine 1it~i11t <Ir
pÎêssi&accrue sur les pays plus faibles)) (D., VII, p. Î062). PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 535

Il ajoute enfin:
«Le droit international contem~orain est amené à se méoccu~er
davantage des exigences de protéction des pays économiefai'ble
qu'à favoriser, comme le voudrait leGouvernement belge, les besoins
de financement des grandes entreprises modernes ii(ib?d.).

Les intentions de pareils propos ne sont pas mystérieuses.A défautde
pouvoir présenter son cas comme celui d'un pays faible,en état de sous-
développement, livré à des groupes capitalistesétrangers qui exploitent
ses richesses naturelles, et faisant faceà un Etat ~uissant et dépourvude
scrupules. qiii miiltiylie les prcjsioii, p:ir tous le.i'mo!~ens(lont'il ~lislnsc
pour nsiiirer :1seî rc:sîortiss:iiit; des privilégcsaliiiiilj. Ic (;uuvr:riieriicnt
espagnol aimerait beaucoup faire croire que sa cause se confond avec
celle des pays faibles et en voie de développement, et que ce sont ces
pays-là qui perdraient, si jamais les droits de la Belgique étaient re-
connus.
J'ai beaucoup trop de respect pour la sagesse des membres de la Cour
pour imaginer un seul instant qu'une tentative de cette nature puisse
avoir une influence quelconque sur leur jiigement. Je ne voudrais donc
pas m'arrêterlongtemps sur ce point. Il y,a cependant, dans les écritures
espagnoles un certain nombre d'affirmations que je ne puis pas laisser
passer sans lesrelever.
C'est eut-êtredans le contre-mémoireaue le Gouvernement esvaen01
a fait le idus grand effort de dcmonstrntioii desN dangers fnde la proiec'iion
diploniatique d'actioniiairés. II \,consacre tout un p.ragr..tie et qu;itre
grandes piges (IV,par. IO et p. j46 à 749).
Or, la moindre surprise que l'on éprouveen lisant ces pages n:est pas
de constater qu'il n'y est pas du tout question de la protection des
actionnaires. hors le cas ~articulier des sociétésnationales de 1'Etat
auteur du domninge.
1.eGouv.irn,:nient espagnol dCnon~.e.en ré:ilitC,les perilj que rzprCsen-
ternit la siibstitution di] critkre (IIIcoiitralcelui clc1;iiiationalitL:ooiir
1;iprotection diploniatique des socictés.Pour rendre sa demoiistr~tion
plus frappante, ilimagine mêineqiie le traitemt:nt :iccordé3.unc sociité
Gtranrkre ~ar un Etat. sur son territoire, Jéi)c.ndr;iit;iusii dii contriile
exerck sur Cette sociétéetnon pas de sa nationalité. II a beau jeu alors de
montrer les incohérenceset l'incertitude qui en résulteraient.
Tout ceci est peut-être vrai mais n'a rien à voir avec la question
examinéeici.
Il se peut, comme le Gouvernement espagnol l'affirme, que l'abandon
du critère de la nationalité au profit du contrôle Dour la protection des
sociétéscomporte des dangers. Aucun de ces dangêrsne concerne la pro-
tection des actionnaires en tant que tels et ne saurait par conséquent
nous concerner.
L'autre uartie du Dara~raDhe du contre-mémoire aue ie commente
maintenant est beauc'ouppl;s intéressante. Elle est mêmetrès remar-
quable. Elle opèreen effet la synthèse des idéesdu Gouvernement espa-
-nolsur cetroÜfameux rsoulè<ementdu voile »de la ~ersonnalitémorale.
Bien que nouiayons déjà évoqué la question, et que'je n'aie pas l'inten-
tion d'y revenir, il y là quelques points qui méritent d'être notés en

Comme on sait, pour le Gouvernement espagnol, le «soulèvement du
voile Dn'est licite que s'il s'opèreau profit de tiers. Comment expliquer536 BARCELONA TR4CTION

alors qu'il ait pu l'être auprofit d'actionnaires dans le cas des sociétés
nationales de 1'Etat auteurdu dommage? Voilà ce qui n'avait jamais été
expliqué. Le Gouvernement espagnol va donc s'employer à démontrer
que l'objection qu'il a lui-même formulée à l'encontre du soulèvement du
voile, n'est pas valable dans le cas où «c'est l'Etat contre lequel on agit
qui est le véritable créateur du voile" (C.M., IV,p. 748). autrement dit,
dans le cas où l'auteur du dommage est l'Etat national de la société.
Pourquoi cela? Parce que, très souvent, un Etat oblige les intérêts
étrangers à opérersur son territoire isous le couvert de sociétés fondées
sur place et ayant la nationalité du pays iiEt le Gouvernement espagnol
ajoute:

G.SiiiiiEt:it impose di..icon(1itioii;p;ircillsj, Ic but,avi,ii<ou iiuii,
de I'o11Grdtion est joiivcnt d'avoir tourc libcrtr' pour nc pas :ivoir
iubscrvcr à I'Gearddrs iii\~estiisc:nit.ntsi.traneeri. 11:sré~lcauiic lc

droit intematiolal prévoit, justement en ce q;i concerne le Gaite-
mentdesétrangers il(ibid.).

On se demande avec inquiétude de quels commentaires le Gouverne-
ment espagnol aurait assorti cette phrase si elle avait étéécritepar le
Gouvernement belee. Le moins au'on ~uisse dire. en effet. est au'elle

(VII,p. 1050, note 1), mais elle en mêmetemps que

«La sociétéinternationale d'aujourd'hui [ne peut aspirer à ce que]
les groupes en question puissent se soustraire encore plus que par le
passé à l'observation de la loi de 1'Etat ...à ce qu'ils réussissent.
Darexemple. .à tourner les ~rescri~tions aui réserventaux nationaux
i'c~~luitation drs ressuurt.c.jnîti;rclles du pavj rii ,,).aiit r~xours :I
laconstitution de soci:t6; 1iationn1r.s.quittc cil rrietcr Icindntciiu
au moment choisi »(VII,p. 1062).

C'est dire exactement le contraire. De ces deux phrases parfaitement
contradictoires. auelle est celle aui exprime la véritable pensée du
Gouvernc~nciit e~pn~iioi?Est-ce ct:llf tr~duit di. 1.1sullii/tudc pour
Icspn\.;en voie dc.di\~~~l~~lilicinc ti clc13 rii;nanic:, I'6g;irJJcicayit;~us
ttr,~Wr.eri.oii ct.llc ouiti;il.i$IV I:mc:li:aii<.ciI';uinrd dl.. i,ivi iiiii>urt.i-
teur; de i::tj)itaux edr 1.1ioll~iitiid<~jn>iirceux qui ~iiv<,rii,ini dani ce=
pays? Jr nc sais; ct: n'est[I:,>.cil toiif c;is, .tu i;<8iivernc~iiciitbelge de
répondre à la question.
'Puiirnotre I;.~rt. inous iiiffirn112 noter en p;iji,~iirqur ;iI.?prot<-ctioii
(Ics nctiunnaircs II? ilc<.:,iCtre ioriirl<:r;c conini, I,.gitinic que J'IIIS
1'hyr)ottifiszil'iinr joc~iétri:itit,ii:rlc l'Etct[<I;f~n~lsui uiit-till.disrri-
mination ne manouerait uas de revêtir la sienification d'une sanction
- ou tout au moins d'une'méfiancemarquée à l'égardde la pratique
consistant à imposer aux capitaux étran~ersde s'investir sous la forme
juridique de soiiétésnationales. -
Cette suspicion a pu jouer, en effet, un certain r61e à l'origine de la

formation de la jurisprudence arbitrale, à la fin du XIX' siècleet au
debut decelui-ci, dansle contexte, notamment, de la discussion relative à
la clause Calvo. PLAlDOIRlE DE M. VIRALLY 537
Aux yeux du Gouvernement belge, eue serait aujourd'hui injustifiée
et injustifiable. Elle ne correspond ni à l'état actuel de la pratique nià
celui des idées.De très nombreux Etats exiaent, pour de trb bonnes
raisons, que les capitaux étrangers s'invezisseni dans des sociétés
nationales. C'est le fait. en particulier, de beaucoup de pays en voie de
déveio~pement,mais un certain nombre de pavs hautement industrialids
posenf,>n fait ou en droit, des condition; analogues. Bien mieux, les
investisseurs étrangers choisissent eux-mêmes spontanément, dans
plus d'une occasion, cette formule juridique qui peut présenter i leurs
yeux desavantagescertains.
Il ne saurait donc être question, en 1968, de tenir de telles solutions
pur suqxctes et Je leur nppli<lucruii rigime juridique d'exception. en
fuiictioii d'idks périmees,niais auxquelles funt encore écholes passages
du coritrc-mimoirc que l'on vient dr lirr.
Il n'va plusainsi aucune raison pour au'on limite le droitde ~rotection
des actionnaires aux seuls cas de Sociétén sationales. Cette opinion a pu
êtredéfendueen doctrine, et mêmedans quelques notes diplomatiques,
surla base des premières décisionsarbitralès en la matière, une époque
où des préjugéstenaces. issus des théoriessur la réalitéde la personnalité
morale, empêchaient que l'on envisage, dans son ensemble, le problème
de la protection des actionnaires. Et, à tort ou à raison, les auteurs,à
cette époque,ont penséqu'il serait plus facile d'ouvrir une brèche dans
cespréjugésen commençant par les sociétésnationales et en évoquant
l'éauité.Mais, cette première destruction opéréedans le rem~art des
tli&ri,.î juridiqiici'&t eii rGalit2tout le iiiu; qui s'Ccroule.On mis un
cvrtnin teriips;i s'en nperce\.oir cil dustrint:, mais lcs réalitésde la vie
intrrnation:~lr uiit étéplus fortes ct 1r'\,olution <lela pr:itique ne nous
pcrniet pliis, aiijoiird'hui, de les igiiorer.
II nous suN~ra.au surplus,de constater qiic la Partie adverse continue
à confondre les deux auestions aue la Cou; a distineuées dans son arrêt
(Ir196.l.L)'unepart. le'droit de p;otection diplomati~ue des actionnaires.
dont elle:iimplicitçnient reconnu l'existciice en droit international; et,
d'autre part, les droits substaiitiels in\.oqu;s plr un Etati l'appui de la
rr'claiiiation qu'il prr'scnte dcvant un tnl~iin:il iiiternational. il,ftiiit
bien rr;onnairre qiie les :ibus auxquels les Et.its kiihles pourraient Etre
ex~osésne concernent certainement Dasla ~résentation d'une demande
dc;..int laCour OU un :iiitre tribunal ini<:rnat;oii:il.
(:CSabus rt'siilterniciit hc3iicoiil)pliisilc. pre;sionsgui peuvent s'dxerccr
au cours de la phase diplomatique de 1a protection par un
Etat des intérêts de ses nationaux. Or, nous savons que ce droit de
protection diplomatique est consacré,sans aucun doute possible, par les
nrincineseénérauxdu droitinternational en la matière.
uni foi; de plus, le Gouvernement espagnol, pour vouloir trop prouver.
a passé à côté de la véritable question. C'est toute l'institution de la
protection diplomatique qui se trouve, en réalité.mise en cause par son
argumentation. On sait d'ailleurs que les Etats faibles ont d'autres
moyens de se prémunir contre d'éventuels abus, dont la convention
rédieéeDar la Banaue mondiale. sur le rèelement des différendsrelatifs
aux'(n\~Cstissement&constitue iS~xcm,~l$ cut-~tre le plus rernarquahle et.
cn tout cas, le plus récent. C'est dans ccttr direction que des rem&dcs
peuvent être tfouvQ et non pas dans celle, purement illusoire, que
suggèrele Gouvernement espagnol pourles besoins desa cause.538 BARCELOXA TRACTION

IV
Ces arruments écartés,on ne peut que constater l'échecde la seconde
tentari\.;' çffectuéç ar Ir(;ou\:eriicnient espngiioliii \.u,: dc aircsscr.
dcrltnt II dcinaiideAe a Hclgiquc. l'obstn~.lcde principes ou de rbg1cJe
norttk c&i?rnlz et ahsolue,CIIIdc\.r:ii~iit la faire Ccartcr d'<:nibl;<..
On e: revient nécessairerient, comme on vient de le dire, à l'applica-
tion des principes générauxdont nous avons admis, en commençant,
qu'ils pourraient laisser apparaître des difficultésd'application, dans le
cas où le préjudice subi par les actionnaires étrangers d'une société
commerciale a été causé par des actes illicites qui ont atteint, en même
temps, la société elle-même.
De telles difficultésexistent-elles dans l'affaire qui est présentement
soumise à la Cour? C'est, en définitive, le sens de la question qui a été
poséedans l'arrêtde 1964et a conduit la Cour à joindre l'exception au
fond,la réponsenepouvant, à son avis, êtrefournie de façon sûre qu'après
un examen de tous les élémentsde faitet de droit sur lesquels s'appuie la
réclamation de la Belgique, et c'est la dernière question qu'il nous reste
à examiner.
II nous paraît,àcet égardtrèssignificatif que leGouvernement espagnol
n'ait pas fait porter L'essentielde ses efforts sur ce point, mais qu'ait
préféré s'en tenirà des considérations de caractère généralet théorique,
dont nous avons montré la fragilité. Les circonstances de l'espècesont
tellement frappantes et tellement démonstratives à la fois des violations
du droit international imputables aux autorités espagnoles et des dom-
mages qui en ont immédiatement et directement résulté pour les action-
naires de la Barcelona Traction qu'il valait mieux ne pas s'aventurer sur
ce Poiirtnnt. I:LPartie nii\.crse a avanci' trois faits pro3rla préi<!iitz
aif~ire ct qui. selon clle, auraient de>~-oris5i1uesurs12jas stnndr dc la
liclgiglue.
1.~1rcnlier 3déjii.térencoiitri C'estqueleplusimportant actionilaire
bi:lge, la Sidro, a, peiidant uii teriips. d;l)os> ses titres entre les mnii~sdr
~~omtnt-easméricains. 1,'absciice di Dertirieiicc <lecette ol>iccrion a 616
lumineusement démontrée par mon'collègue, M. ~auter~a'cht, il n'ya
donc pas lieu d'y revenir.
Le second fait concerne la protection diplomatique dont la Barcelona
Traction a bénéficié p,endant assez longtemps, de la part du Canada.
Le troisième a trait à ce que le Gouvernement espagnol appelle les
(intérêtsbelges » dans Sidro et Sofina.
Nous nous occuperons rapidement de ces deux dernières objections,
qui, nous le verrons, ont peu de consistance. Après quoi. nous voudrions
montrer, pour terminer, que les circonstances de l'espece, loin de faire
difficultéquant à l'application des principes généraux,concourent toutes,
comme on vient de le dire, à fonder, en droit et en équité,le droit pour
la Belgique d'obtenir réparation du dommage infligépar les autorités
espagnoles àses ressortissants, en violation du droit international, et de
présenter à cet effet une demande devant la Cour.
Prenons d'abord la protection diplomatique exercéepar le Canada au
profit de la société.
Pour écarter d'entrée de jeu toute une partie de l'argumentation de
nos adversaires, je voudrais rappeler que le Gouvernement belge n'a
jamais prétendu que le droit de protection des actionnaires fût un droit PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY
539
exclusif et qu'il pût aboutArécarterla protection de la sociéen tant que
telle. Toutau contraire. ila toujours envisagéla possibilitéd'actionsral-
Iélesou conjointes et, comme on le sait, il a pris effectivement part,
pendant assez longtemps, à des démarches conjointes au début de la
présente affaire.
L'existence de telles actions conjointes, dont un certain nombre
d'exem~les dans la pratiaue internationale ont DU êtrecités dans les
écriturés,montre bien qui si la communauté qG lie les intérêtsde la
sociétéet ceux de ses actionnaires est telle qu'ils se trouvent simulta-
némentatteints par les mêmesactes dommageables, ils ne se confondent
pas pour autant, mais restent distincts, et que ceci apparaît notamment
au point de vue de la réparation.
Sansdoute, si, dans le cas d'espèce, lesdémarchesentreprisesconjointe-
ment ou individuellement par 1'Etat national de la sociétéavaient abouti,
et que la réparation obtenue par la sociétéait bénéficiéaux actionnaires,
le dommage étant réparé,il n'y aurait plus eu de droit pour la Belgique
de se plaindre. Mais, comme on le sait, ce n'est pas ce qui s'est passé.
Le Gouvernement canadien est intervenu tr&sactivement au débutde
cette affaire, aprés avoir mis en lumière, dès sa note dii 27 mars 1948
(A.E.P. 1960, vol. III, p. 195)~que trois sociétésconstituées au Canada
étaient vitalement affectées par la procédure de faillite instituée en
Espagne, parmi lesquelles une société«purement canadienne n (ce sont
des obligations en livres de la Barcelona Traction. Le Canada s'étaiturs
déclaré particuliérementaffectépar l'usurpation de compétence commise
Dar le iuee de Reus et les dénisde iustice dont les trois sociétésétaient
i'objet:éf qui aboutissaient en p&ticulier à la méconnaissance de la
personnalité juridique de sociétéscanadiennes, au mépris des traités
du 31 octobre.1gzz et du 27juin 1924,auxquels les deuxgouvernements
étaient parties- ce dernier point étant spécialement soiilignédans une
note du 21 juillet 1949 (ibid., p. 203).L'importance de ces intérêts
justifiait pleinement, à n'eu pas douter. les nombreuses démarches
effectuéespar le Canada jusqu'en 1952.
Aprèscette date, le Gouvernement canadien a cesséd'intervenir, si ce
n'est par une démarche verbale, en juillet 1954, et une lettre du21 mars
1955 (ibid., p.244). destinées, toutes deux, à appuyer la mission d'un
envoyé de Sidro auprès des autorités espagnoles. Le Gouvernement
es~aenol avance une exvlication inaénieuse de cette interruution de la
p;otgction canadienne, Selon laquefie il aurait lui-méme cônvaincu le
Canada du mal-fondé des reproches que ce dernier lui adressait. Bien
qu'il n'apporte aucune preuvë ni mêmeaucune présomptionen faveur de
cette interprétation, il la présente commeunevéritéd'évidence.
Monsieur le Président, même sicette interprétation était exacte, elle
serait sans effet sur le droit de la Belgique. Celle-ciconservait intégrale-
ment le droit de ne pas se satisfaire des explications espagnoles et de
poursuivre seule la protection des intérêtsde ses nationaux, si elle Conti-
nuait à penser que la conduite des autorités espagnoles était contraire
aux esigences du droit international auxquelles elles étaient soumises.,
Mais cette interprétation est fausse et insoutenable: elle est contredite
par le texte mêmedes dernières notes canadiennes.
Dans une note du 21 avrilI,-Z. .roduite Darla Beleiaue en avril 1964
(document nouveau), qui clôture les htervéutions dl Canada pour Son
propre compte et à laquelle on ne connait pas de réponse, leGouverne-54" BARCELONA TRACTION

ment canadien maintient intégralement sa position, en ce qui concerne
notamment la violation des traités de 1922et 1924.mais ajoute qu'il est
inutile de pounuivre davantageune discussionjuridique, dès lors que le
Gouvernement espagnol s'en tient à ses postions antérieures et ne se
montre pas disposé à soumettre le différendqui en résulte à uneprocédure
d'arbitrage.
Ne pouvant fairetrancher la question de principe qui présentait pour
lui un intérêt certain, on comprend qu'il ait renoncé à aller plus loin.
On sait, d'autre part, que le paiement des obligations en livres, à la suite
du la vente du 17 juin 1952, allait mettre un terme aux obligations de la
National T~st, cette sociétéupurement canadienne », supprimant ainsi
un autre important motif d'interventon du Gouvernement canadien.
La National Trust et le receivercanadien conservaient sans doute une
crk~nce contre Harcclona Traction, qui serait irrecouvrable si cette
sociéténe recevait pas une compeiisaton, mais il ne s'agissait que d'uiie
cr>ance et les sommcs en cause n'étnierit pas assez considérable^i>our
poursuivre une action que l'obstination du Gouvernement espjgnol
rendait vaine.
On peut penser aussi que le Canada était d'autant moins disposé à
poursuivre une discussion sans issue sur un probléme qui avait perdu
beaucoup de son intérêtpour lui qu'il se trouvait, à la mêmeépoque,
engagédans d'importantes négociations commercialeset financiéresavec
l'Espagne
Tl n'en est pas moins significatif que la note canadienne de 1955,
appuyant les démarchesdu représentant de Sidro, contenait l'espoir que
tout reelement à intervenir tiendrait comDte des droits du receiuer
canadie; et de NationalTrnst.
Ce sont là les textes, Monsieur le Président. Contrairement à la Partie
adverse. nous n'entendons Das dévoiler à la Cour les ~ensées~rofondes
du ~ouvernement canadien, que lui seul connaît:-~out '~ - ce que nous ~-

savons des motifs de ses décisionsse trouve dans les notes qu'il a écrites
et dans les attitudes qu'il a prises. Encore faut-il tenir compte des unes
et des autres, ceque le Gouvernement espagnol serefuse àfaire.
Le fait est que, depuis 1952, le Gouvernement canadien a cesséde
protéger la Barcelona Traction et que, comme il a étéindiqué dans les
écritures belges et lors de la précédente procédureorale, bien qu'il ait
étépleinement tenu informépar la Belgique de leur déclenchement, il a
conservé le silenceaux différenteséta~esdes deux instance-~~~~~essive-
ment introduites de\,:*iit 1;Cour. II ;l'a pas davant;ig~ jugc utile de je
pré\.aloirdes dispùsitions de I'nrticlç62 (lu St:itiit d1;i(uur ;iIiicl'iiitér-
tenir dans la préiente instance.
C'est un fait, par conséquent, qu'il n'y a pas, au moins à ce stade de
l'affaire, de concurrenced'actions menéesséparémentpar deux gouverne-
ments et c'est une quasi-certitude qu'il n'y en aura pas davantage dans
.'-ve.~--..
Il nous est donc permis de conclure que,sur ce point déjà,rien dans les
circonstances de l'affaire, ne vient faire obstacle àl'action entreprise par
la Belgique.
Mais, pensons-nous, il est légitimed'aller plus loin encore. Ce sont, en
réalité, desconclusions inverses qui peuvent êtretirées de la circons-
tance que le Canada ait dù interrompre la protection qu'il accordait à la
Barcelona Traction et renoncer à l'exercer par la voie judiciaire inter-
nationale, non pas à la suite d'un choix délibérém . ais par nécessité, PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 541

eteI~>i-mkme parce qu'iln'existait aucun lien de juridiction entre l'Espagne
- .-. ..-. -.
Ainsi que i'ai déià eu l'occasion de le mentionner. les urécédents
arl~itr:~u.\'rélitifsi ia protection des actionnaires étranger> be socir:tk
nationales de l']:rat délendeur ont étc ;- -rou\.t.s parILI<loi:tniiî. notam-
ment pour des raisons d'équité.
On a soulignéle fait que, si cette protection n'était pas admise, les
actionnaires en cause se trouveraient dépourvus de toute protection
diulomatiaue.
'Cequi eit vrai de la protection diplomatiquedes actioniiaires étrangers
d'une sociéténationale de 1'Etat auteur du dommage l'est tout autant
de la urotection Dar la voie iudiciaire internationale des actionnaires
étraii&rs d'iine ikiité dont l'l?tat ii.itioii.il n'a pas Icsiiioyeiis jiiricliqiics
d't:x,-rcsr urle tcllc ~,r~>tccrioiiEt, d:iCCiins, tri. <I:iircniciit, riqiit.
d'une dualitéde reours setrouve exclu.
Ces considérations d'équité sontassez fortes pour avoir frappé, bien
des décadesavant que la présente affaire soit portéedevant la Cour, des
juristes aussi éminentsque M.Charles De Visscher (Revuede droit ilrter-
national et de Législationcomparée,1934, p. 642), Borchard (Rapport d
l'Institut de droit international, Annuaire, 1931.p. 307 et 312) et Ralçton
(TheLaw and Procedure O/ International Tribunals, revised edition 1926,
p. 154).En les invoquant, la Belgique n'entend certes pas demander àla
Cour de statuer ex aequo et bono. Elle a suffisamment montré que son
droit d'agir se déduisait immédiatement et nécessairement des principes
uénérauxdu dro~ ~int~rnational.
!Jais ellelieriseqii'karter I'applicnrioii ri<,ccsprincipesi1:iila prCsciite
instaiiir. i>oiirlei raijonspiireni~nt loriilellei, tir;i.;<lii droit intcrn~.riii'in-
\roque le Gouvernement éspagnol,serait pakiculièrement inéquitable.
Or, comme l'a récemment rappelé laCour dans son arrêtsur le Plateau
continental de la mer du Nord (C.I.J. Recueil 1969. p. 48), l'équitéa
toujours sa place dans l'application du droit et "c'est précisémentune
règlede droit qui appelle l'application de principes équitables ».
J'en viens maintenant au dernier des faits invoqués par la Partie
adverse pour contester le droit de la Belgique d'agir dans la présente
espkce.
Le Gouvernement espagnol prétendque, puisque la Belgique seprésente
'pour la défensedes actionnaires belges de la Barceloiia Traction,en dépit
de la personnalité morale de cette dernière, elle ne peut faire état de la
personnalitéjuridique d'aucune société.Elleseraitdonctenue de montrer
qui sont les iivéritables intéressés >-, terme employépar le Gouverne-
ment espagnol - derrièrela persorinalitémorale de Sidro et de son prin-
cipal actionnaire, la Sofina.
Si les actionnaires de Sofina sont eux-mêmesdes sociétés.il faudrait
aller plus loin encore, jusqu'à retrouver les personnes pliysiques, de
nationalité belgc, pour lesquelles seulement le Gouvernement belge aurait
qualité pour intervenir. '
La thèse espagnole est expriméeen des formules percutantes:

<Le Gouvernement espagnol, il l'a ditet il le répète,ne s'intéresse
nullement à la nationalité de Sidro et Sofina qui, à son avis, n'entre
pas en ligne de compte dans de procks, et il n'a jamais eu l'intention
de s'attarder à contester le caractére effectif ou non de cette natio-
nalité. r(D., VII, p. 978.)542 BARCELONA TRACTIOX
Et plus loin:
uLa recherche des sv4ritables intéressés*dans Sidro et Sofina
n':~(loii~riciii vuir CC la d;>tcrniiii:itiundii cnr;ictéreeifectii ou
lion cflectil di: la ii~tionalitl'de ces société;.EIIc ne coiistiriic qu'uiic
it.ipé indispcn~nblr sur le chemin qiii doit xmcner A I;id6coiiverte
dc ces ,vérit;il)lcsiiitcrr.snqui, aux dirt:~dii Gou\,crneinent belge.
sont les \,raies \.ictinies des prétendus agisjemcnts illicites de
l'Espagne ..x (Ibid.)

belge de Sidro et de Sofina ni sur le caractère effectif ou non de cetteté
nationa!ité. Elle est beaucoup plus radicale. Le Gouvernement espagnol
ne s'estimera satisfait que si on lui présente les particuliers belges qui,
au bout du compte, ont investi leurs économiesdans les actions de Sidro
ou de Sofinaou d'autres sociétés directement ouindirectement intéressées
dans le capital de ces dernières.
Le Gouvernement belge et moi-mêmen'avons pas réussi à saisir la
logique qui inspire cette argumentation, dont le caractère excessif et
presque passionnel est, en revanche, très apparent.
Faut-il rappeler, encore une fois, ce que je disais toutà l'heure: qu'en
demandant reparation des dommages subis par certains de ses ressortis-
sants en tant qu'actionnaires. la Belgique n'a jamais, A aucun moment,
mis en doutc le droit. .our le eouvernement national de cette société.
d';igir dc sori ,.&tépoliI;yrote;tiun de cettr dçrnitre?
L'idCede proi~.ctioii<I,.s;ictionnnirIILyostulerii :iiicunclayonqiic I'uii
riicI'cxistciiceet la sixnitication de la ~ersoriii;ilit; iondiaue de; soci~tés.
puisque des sociétéspeuvent être - ei sont en fait'très couvent - elles:
mêmesactionnaires d'autres sociétés.
Cette idéedemande seulement que l'on reconnaisse - ainsi ue l'a
souligné la Cour elle-mêmedans son arrêt de 1964 - au pro 1t des
actionnaires iiun droit ou un intérêt distinctet independant n de ceux de
la sociétéà laquelle ils appartiennent.
En un mot, la thèse espagnole ne présenterait quelque cohérenceque
mutuellement, s'il fallait choisir entre un système ou l'autre. Nul n'a
jamais soutenu une théorie aussi absurde et irréaliste, en dehors de la
Partie adverse pour les besoins de sa cause. Ce faux dilemme détruit, la
thèse elle-mêmes'effondre.
Il convient, au surplus, de noter que le Gouvernement espagnol se met
en contradiction avec lui-méme, puisqu'il admet comme indiscutable
- c'est son mot - comme nous I'ivoni relevéen commençant, le droit
pour un Etat de protégerune sociéténationale. En mêmetemps, il veut
interdire àla Belgique d'invoquer le bénéfice de cette règle.
J'ajouterai, enfin, que l'objection ainsi opposée n'est pas du tout
relative aux circonstances particulières de l'affaire, bien qu'elle soit
présentée comme telle.Si elle était fondée,elle serait valable chaque fois
que l'on prétend agir pour le compte d'actionnaires. Or, il est très
remarquable qu'elle n'a jamais étérencontréedans la pratique, pas même
sous la plume d'un des Etats qui, dans une affaire particulière,se refusait
à admettre une telle protection.
Dans ces conditions. le Gouvernement belee -e s'estime tenu à aucune
d;monstratiori siippl6rnenrairc. Eii ce qui concerne Sidro, I'nctionnairc le
plil; iinporr:inr de I<~rccloii:il'rlctioil :Ictr' 6t;ihli qii'il agiss:iit hieri PLAIDOIRIE DE M. VIRALLY 543

d'une sociétéde droit et de nationalité belges et, comme on l'a relevé,
cette nationalité n'est Dasmise en doute Dar la Partie adverse. Celle-ci.
comme I'expriment cla&&nent les citations que jPai,lues, n'entend
davantage contester le caractère effectif de cette nationalité. Sathèse se
place sucun tout autre terrain.
Si le Gouvernement belge souhaite néanmoins montrer brievernent à
quel point Sidro et Sofina sont profondément intégréesdans I'économie
belge, ce n'est donc pas pour s'acquitter d'un devoir juridique. Beaucoup
plus simplement, c'est pour lamoralité du proces et en raison des considé-
rations d'équitédont j'ai moi-mêmesouligné l'importance, il y a un
instant.
Le Gouvernement belge tient donc à mettre en lumière qu'il n'a pas
fait usage de son droità la légèreet n'a introduit la présenteinstance ni
de gaieféde cŒur ni par esprit de chicane, comme i'a prétendu parfois
la Partie adverse. S'il s'est présentédevant la Cour, c'est qu'il y a été
contraint par la gravité du coup porté à l'économie belgeet le refus
intransigeant de toutes les tentatives, qu'il a favorisées, de parvenirà
l'amiable à un arrangement raisonnable.
S'agissant d'une question qui concerne l'économie belge,je vous
demanderai dans un moment. Monsieur le Président. de bien vouloir
bel~e,MCGré~oire.Maisauparavant, si la Cour point consent. ie souhaiterais
ajourer <.ilCori:uelqiics niors poiir acht\.cr iiiuk csposl'.
Aprrs avoir ril,uiidii a routcs les obj~~ctide I:iP:,rtie arlverse, il mc
reste en effetà montrer que les circonstances particuli6res de la présente
affaire, loin de soulever des difficultésquanà l'application des principes
généraux,justifiaient au contraire. en droit et en équité,l'exercice par la
Bekiaue de son droit de ~rotécerses ressortissants et d'obtenir ré~ara-
tiondÙ dommagequ'ils on'tinjüstement subi.
Monsieurle Président,Messieursde la Cour. je ne crois pasm'aventurer
beaucoup en affirmant aue ces circonstances sont réellement tres excep-
rionnell~s,pour ne p;isd;re uniqiiesd;ins 1cs;~niialcsjudiciaires internari;)-
naleset ceci mémesion a plireleverq-.lques .îffairzprésentant ccrt:rincs
analogies avec la présenteespèce.
Elles sont telles que, si l'on devait un instant, pour les besoins du
raisonnement, non pas imaginer que les deux thAses du Gouvernement
espagnol sont fondées,ce qui me parait impossible, mais supposer que,
pour une raison quelconque, la protection des actionnaires par la voie
judiciaire n'est, en règlegénérale,pas admise par le droit international,
je resterai encore convaincu que le jus standi de la Belgique est bien
établidans la presente affaire.
Dans ce cas, en effet, le point de savoir si les actionnaires peuvent
justifier, au regard du droitinternational, de droits ou d'intérdistincts
et indépendantsde ceux de la société, pour reprendre les termes del'arrêt
du 24 juillet 1964, deviendrait une pure question de fait, à décider
exclusivement in concreto.en considération des circonstances de chaque
espèce.Or. <I:~nslecas prgseiit, Ic préjudiccsiibiplesnctionii;iiresI~elgt~i
cjt tellerneiit patent e~T;I\.L13 rcsl~onsahiliti>des aiitoritis espagriolcs
dans sa réalisation tellement éclatante. et. Dar voie de conskauence,
1';ittciiite3ux druitsde la Uelgique<:nmatiérC& traitement des~ti;<iigers
tcllernent sGrieuse,que Ir.droit du C;uiiv,?rriemétclgc à obtenir r.+;ira-
tion par la voie judiciaire internationale ne manquerait pas, j'ei suis
persuadé. d'êtreadmis par la Cour surcette seulebase.544 BARCELONA TRACTIOZI
De l'avis du Gouvernement belee. un arand nombre des faits aui ont
;téexpoXs (1la Cour par sesconseiïs;uffir;iicnt, pris isoléineàtc6nduirc
à cette conclusion \lais lciir accumulation y 3niC.n~de facon irréjistible.
Il est certes inutile de revenir sur cet exposé,dont lesmembres de la
Cour ont certainement déjà tiré les conséquences. J'ai moi-même,en
passant, touché certains des faits qui sont les plus remarquables à cet
égard, tels quel'interruption de la protection du Canada ou l'importance
du dommage subi par l'économie belge.On pourrait encore évoquer le
nombre assez incroyable de recours introduits en Espagne et qui ont tous
été,infailliblement, jugésdans un sens défavorable aux intérêts quela
Belgique défend aujourd'hui, de sorte qu'on reste stupéfait de voir le
Gouvernement espagnol soutenir le plus sérieusement du monde qu'il
n'a pas été satisfaitaux exigences de la réglerelative à l'épuisementdes
recours internes.
Mais il reviendra à Mc Rolin de répondre à cette prétention. Pour ma
part, je voudrais seulement mentionner encore très brievernent trois
points que je n'ai pas eu l'occasion d'évoquer jusqu'àmaintenant et qui
sont. à mes yeux, d'une grande signification dans la perspective où je
viens de me placer.
Le premier concerne l'importance de la participation belge dans le
ca~ital de la Barcelona Traction.
La Uelgiqiir:n'est pas intcr\.ciiiie pour protbger iiiactionnaire isolc,
ce qui aur.iit111Ctrçcoiisidt:rï, ijuste titrc. coniritinnbus de son droit.
iiiméineau ~~rotitd'liri-.ouvc minoritaire. Commc elle IL!sou1ucn;iid5ii
dans son mémoire:

4 La participation belge dans lecapital de la Barcelona Traction à
la date de la mise en faillite de cette socatteignait un pourcentage
non inférieurà 89.3% du capital socialémis a (hl., chap. 1, p. 9).
Et cette participation dépassait encore 88% à la date de l'introduction
del'instance internationale. Un seul actionnaire belge, la Sidro,possédait
respectivement 75.75% et 77% du capital social aux mêmesdates.
Ce sont là, Monsieur le Président, des pourcentages extrêmement
élevés.Ils montrent la gravité du dommage immédiatement subi par les
ressortissants belges par suite de toute mesure ayant pour effet de
déoosséderla Barcelona Traction de la totalité de son actif sans contre-
p&tie réelle.La communauté d'intérêts dontnous avons faitétat, entre
la sociétéet ses actionnaires, apparaît ici de façon particuliérement
frappante, avec toutes les conséquëices qui en ressoitenfinévitablement.
Ces chiffres méritent aussi d'êtreretenus, lorsqu'on se souvient de
l'importance prise, dans la pratique internationale, par la notion d'ninté-
rêtssubstantiels »,pour justifier une prise en considération de l'existence
et des intérêtsd'actionnaires étrangers à côté de ceux de la société
elle-même.
En second lieu, je voudrais rappeler que cette situation n'était ni
occulte, ni anonyme, comme l'aurait permis la forme de la société.Elle
était, au contraire, publique. En particulier, elle était bien conniie des
autorités es~aenoles.
C'estun PoiRtqui a toujours ététrèsapparent, mais qui est maintenant
indiscutable après la démonstration irréfutable qu'en a fournie mon

~Gmi tontes les preuv& avancées,je rappellerai seulement le discours
du ministre Suanzes, le rz décembre 1946, et les nombreuses démarches PLAIDOIRIE DE M. VlRALLY
545
effectuéespar la Belgique aupres du Gouvernement espagnol à partir de
'Y'tY
Ce dernier ne saurait doncprétendre qu'il ignorait à qui les actes qui
lui sont aujourd'hui reprochés allaient porter préiudice. Bien mieux.
commel'a montrétrès clairement Me Rolin. siI'oneniuee uar lesviolentes
attaques dirigées,dansla déclarationminiStériellequ'on vient d'évoquer,
contre la Belgique et l'un de ses dirigeants éminents de l'époaue.
Af.Soaak. on oëut suuooser aue cette circGstance. c'est-à-dire I'existekce
d'aciionnaire; belge; dans harcelon Tsraction, n'a pas ktéétrangère à
l'attitude des autorités espagnoles à I'éaardde cette société.Les actes
clirig2soîensiblemeiit cunirrccttr dcrnsrc visai~nt tout atitmt et peut-
étrr cl;i\,:int:igcces actioiinniré,\I'C[)oque.cri toiit cas. lz (;oii\.eriie-
ment espagnol n'éprouvait aucune difficuité.ni aucun scrupule, à ulever
le voileiide la personnalité morale. Il est mal venu à vouloir le baisser
aujourd'hui.
En troisieme lieu, enfin, le dommage qui a étéinfligé à la Barcelona
Traction et, du mêmecoup, à ses actionnaires, n'est pas un dommage
quelconque.
Je voudrais, à cet égard,faire deux observations.
La première est la suivante. Le moyen choisi pour mettre la main sur
les avoirs de la Barcelona Traction a étéune procédurede faillite. Comme
l'a bien montré RI.Lauterpacht, le premier effet du jugement de faillite a
étéd'arracherdes mains des administrateurs nomméspar les actionnaires
tous les pouvoirs qu'ils possédaient pour contrôler et orienter l'activité
des filiales en Espagne. Du premier coup, les actionnaires se voyaient
enlever par une décisioncontraire au droit internationaldesdroits essen-
tiels.
On sait -et W Rolin en a fait un exposé lumineux-comment furent
écartés,par une sériede violations grossieres du droit espagnol et de
violations du droit international lui-même,tous les recours dont les
actionnaires ~rovoauèrent la urésentation pour défendre leurs droits.
jusqu'au moient oh l'entreprise, propriétédes filiales. fut vendue dan;
des coi~ditionsdont MeGrégoi.ea montré avec tant de force cequ'elles
avaient de scandaleux.
C c, ~ir:uiist:inics font iipli.ir.iitrt, ;,in3 ziiicuiiduutc pLCiqiie le
(;oii\.eriicment cspa:nol apl~ellcunc :itt~.intc(Iireaux .droits yruyrcs »
rl~~~;ictioiinaire.roit dccbrer 1ciaif.iircs.la soci?te onr 1iiitrrrn6clinire
d'administrateu;~ désign&par eux, droit d'exercer l'action sociale, sans
se heurter à un déni de justice, droit de participer à une liquidation
régulièredes actifs de la sociétéet de ne pas êtresoumis, par conséquent,
à une vente judiciaire abusive. Dans le système mêmequ'a voulu cons-
truire la Partie adverse. le droit de la Belgique à obtenir réparation et,
Dar conséauent. à u-. Dar la voie iudiciaire internationale. se trouve
~ndij,.utablcment ct:il>liilans lei iirc~nst;liices de I'espCce.Or. comme je
l'ai riotéen piiîsant, si la I<elgi(liicconteste que toutc 1':iff;iircpuisîc Etre
réduite à cela. elle ne nie pas aue la oroteciion des actionnaites ne soit
admise aussi dans le cas de simple atteinte à leurs droits personnels, ce
qui, àses yeux, va de soi.
Mais il v a plus ici. Faut-il ra~peler auelaBarcelona Traction est une
socict; lioidini. JontICp2triiiiui'cori>&taitcxclusi~~rrnentcn actions de
jociCtCicxploitiint des entrepriic., en 1:spagne' Par lesdivers \ito&dtsqui
unr CtC dccrits en dctiiil et <lorit1,.~.nractCrt,contraireaii droit int~,rnatio-
na1a étéamplement démontré,ces actions, qui restent entre ses mains,546 BARCELONA TRACTION

ont étéréduites à l'état desimples feuilles de papier dépourvuesde valeur
et auxauelles aucun droit ~ratiauement utilisable ne se trouve ~lus
attaché:
En d'autres termes, ellea étédépossédéd eelatotalité de son patrimoine
sans aucune contrepartie après avoir étéprivéede tous ses pouvoirs sur
ses filiales.
Monsieur le Président, par une image peut-être audacieuse, j'ai
comparétout à l'heure la Barcelona Traction à un avion abattu en le in
\.olCrj'nidit qu'aprl:i cct artriitnt elle ii'ctait pluiqu'un aiii;isdc feG;iille
~iiridiilue,iinecpiisr. C'?.CiIincdescription ~reiit->trr-x;i~t;r$nii.ritcol<irCc,
mais fidele. de ia réalité.
Dépouilléede tout, n'ayant plus rien à gérer, ne disposant d'aucune
ressource, la sociétéest pratiquement délunte. Son dernier bilan date de
pouvaient plus espérerqu'en leurs propres efforts pour obtenir réparation
du dommage qui leur a étéinfligé.
Le Gouvernement espanol lui-mêmeavait reconnu, avec les auteurs les
plus hostiles à la protection des actionnaires, les conséquences qui
résultent, à ce point de vue, du fait qu'une sociétéest $ractically defuncl
(E.P., 1,p. 223). Sur ce point encore, il a changé d'avis, répondaujour-
d'hui en des termes difficilement acceptables, car ils mettent en cause la
bonne foi de la Belgique, que la Barcelona Traction a peut-être cessé
toute aclivild sociale, mais qu'elle peut toujours exercer l'action sociale,
parce qu'elle n'a pas étédissoute (D., VII, p. 1040).
Pour édifiersur la portéede ce médiocre jeude mots,il suffit, hlonsieur
le Président, de rappeler ce qui adéjà été exposé, c'est-à-direque ce sont
les actionnaires belges de la Barcelona Traction, en l'espècela société
Sidro, qui ont dû avancer les fonds nécessaires à la poursuite des actions
entreprises au nom de la sociétécanadienne, celle-ci ayant tout perdu.
Une demande en réoaration suéciale. à titre de réoaration des,or.iudices
:iccc.scoires.a d'aillciirs ;t6 pr4scntc:ce. cticf piirInHrlgiqtie, la Coiir le
sait.i'a-t-il iiiicdénionitration pliis Ir;ippnnt,: dii lait que lei actionnaires
oiit bien des inrrrcts ili-tii1ct.i et iiidL'ueii<ln:ifciirt:\.;il,~irdans In
présente affaire et qu'ils ont étédirectement et immédiatement touchés
par le dommage infligé à la sociétéà laquelle ils appartenaient?
Cefait si éloquentne fait pourtant ques'ajouter à tous ceux qui, nous
croyons l'avoir montré à l'évidence, fondent le droit de la Belgique
d'obtenir la réparation qu'elle demande à la Cour de lui allouer pour le
préjudicesuhi 'parses rc;sortiisniits, non setilemcnt d'ayr2s Ics rèklesles
plus certaines (lu droit iiiternntional, mais encGre cn coiiforniité des
exigences les plus pressantes de l'équité.
L'audience estlevéeà 18 h 3 VINGTIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (13 V 69, IO h)

Présents:[Voir audience du 17 IV 69; hi. Forster, juge, absent.]

PLAIDOIRIEDE M.GRÉGOIRE
CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

hi. GRÉGOIRE: Monsieur le Président, Messieurs de la Cour. M. le
professeur Virally, dans sa lumineuse plaidoirie, a démontré, à mon
humble avis d'une manière absolument péremptoire, que la Belgique
était en droit d'exercer sa protection diplomatique à l'égarddes action-
naires belges de Barcelona Traction et, notamment, à l'égard de
l'actionnaire qui possédait plus de 75% des actions de cette société,la
sociétébelge Sidro.
II a également rappelé lasingulière position prise par le Gouvernement
espagnol. Celui-ci, qui avait longtemps soutenu que la Belgique, lors-
qu'elledéclaraitvouloir protégerlesactionnaires delaBarcelona Traction,
ne oouvait êtrecrue en ses affirmations.car elle nrotéeerait la société
canadienne elle-meme, proclame maintenant que 1e:~ou;ernement belge
intervient bien pour protégerdes actionnaires,mais pas ceuxqu'il désigne,
à savoirceux de la Barcelona. car il agirait en réalitéen faveur de ceux de
Sidro, de Sofina, d'autres SociétésYactionnairesde ces dernières et,
finalement, des simples épargnants belges qui ont investi leurs économies
dans l'une quelconque de ces sociétés.
Autrement dit, ce qui caractériserait d'une manière permanente
l'attitude du Gouvernement belge, c'est qu'ilne saurait ce qu'il veut ni ne
ferait ce qu'il dit et que, plus particulihrement, il n'aurait pas endosséla
demande des actionnaires belges de la Barcelona Traction, comme ses
écrituresledisent. comme ses conseilsle plaident et comme tout lemonde
le croit.
Pour ma part, je relèverai ce qui suit. A la page 978 de la duplique
(VII), leGouvernement espagnol soutient n'avoir jamais eu l'intention de
Sidro oii de Sofina,puis,àcla page 979 de la mêmeduplique, ilcommence de
comme suitune longue démonstration:

Le Gouvernement es.aanol n'a eu aucune difficulté àcontredire
In .;Grisil'li!~pothè~siir I~:s~liiellesse I~aseIJ soi-disant dL:nionsir;i-
tioii du c;~r:airti.rrI>i:Ic3iJrel Soiiii;déji b,uriiir. 1lt:(;ouver-
nement belge. ,,
Si ce n'est pas là contester le caractère effectif de la nationalité belge de
Sidro. c'est aue. manifestement, pour les auteurs de la duplique, le mot
ccontester »n'a pas lesens que luidonnent tous lesdictionnaires. En sorte
que le Gouvernement espagnol se condamne à I'inconséqueiice, sinon&,la
contradiction,quand il prétend nepas vouloir se soucier de la nationalité
de Sidro et de Sofina alors ou'en réalitéil consacre vinet -.-es de la
duplique à s'en préoccuper.
illaispourquoi, tout en contestant, leGouvernement espagnol prétend-il
ne pascontester?Parce qu'il espère ainsirenverserle fardeau de la preuve548 BARCELONA TRACTION
et échapper A la dthonstratioii qu'il se sait inc:ipable de rapporter. Parce
qu'il esvkrc aussi, du mêmecoup. acculer le Guuveriit!nieiit d~.mandcuri
qui, n'étaient Lesciiconstances spéciales à cette cause, serait
trb difficile,puisqu'il s'agit de démontrer la nationalité de propriétaires

de titresau porteur représentatifs du capital.
Quel est, en effet. leysthme que le Gouvernementespagnol demande à
la Cour de consacrer? Nous disons, nous: «Les Belges ont des intérêts
importantsdansla Barcelona puisque la sociétébelge Sidro y est majori-
taire.r «Cela ne suffit pas. rétorquent nos distinguésadversaires, il vous
faut démontrer que dans Sidro les actionnaires belges sont prépondé-
rants. n ciNous n'acceptons pas cette thèse, répondons-nous, mais nous
prouvonsen tout cas que, dans Sidro. la sociétéSofina détientplus de 32%
des actions, et d'autres actionnaires belges 40%. R cela ne suffit pas,
reprennent les Espagnols, il vous faut démontrer que dans Sofina les
actionnaires belges sont prépondérants. 1,
Et si nous démontrionsque, parmi les actionnaires de la Sofina, il y a
plusieurssociétésbelges. le Gouvernement espagnol dirait encore que cela
ne suffit pas et le jeu continuerait.
Or, l'exigence ainsi émiseva àl'encontre de ce quiconstitue la caracté-
ristique mêmede la sociétéanonyme. Car pourquoi la qualifie-t-on
d'anonyme? Précisément - je m'excuse de cette lapalissade -parce que
les associéssontdes inconnus dont le droit est représentépar un titre qui,
lorsqu'il est au porteur, ne fait aucune allusionà celui quile détient et est
né~n-~ ~ ~ ~ ~ formaliténi ~ublicité.
En sorte que.dans tous le: cas, ou presque, où les actions sont disper-
séesentre les mains d'une multitude d'actionnaires, la preuve demandée
par leGoiivrrnernent espagnol serait iiurinalcincnt impu~~Jil~lic n,humain?
le type méme -- c3r on suiiii:iit ccl:~dcpiiis iungtcnips, uii IL!disdr'ji
en iaiin - de la arobatiodiabolica
Est-ce ?ïdire <Iu'onnc puise jnrn~lisiuntester le cardctèrc iiation~l de In
sociéti.dr'coulnritde I:Iloc:<lisation(leson sifigesoci:ilou de iGnincorpor;~.
tion en excipaiit de In iintiunrtlitéCIs:s ;ictionn;tirea? Certsincmznt uaj,
maisc'est opposealors, àla règle,une exception ;et c'est en ce Casà
celuiquiseprévautde l'exception à rapporter la preuve de son bien-fondé.
C'est donc uniquement pour les motifs extra-juridiques rappelés par
M. le professeur Virally que le Gouvernement belge va se livrer à des
développements dont il aurait parfaitement pu se dispenser.
Car je note ce qui est acquis:
1) les intérêtsbelges dans la Barcelona étaientnon seulement importants.
mais ils y étaient majoritaires, puisque, à elle seule, la sociétéSidro,
sociétébelge,était propriétaire de plus de 75% desactions;
2) plus de 32% des actions de la Sidro appartiennent à la Sofina, autre
sociétébelge;
3) le caractère belge de ces deux sociétés,Sidro et Sofina, n'est pas
contestépar le Gouvernement espagnol.

En sorte que, au seuil decette ~laidoirie. i'ai très nettement conscience
-et jc priei:i Cour(12bien \,oiilc;ircil :ijirc,:i I'ajjur--cqiic je vais lui
imposer un effort nettement disproportionn6 avec l'importance juridiqiie
dela auestion
Ilsi trouvr que. pour des r:iijoiis dii,erses -et c'est unc circonstance
rarissime, j'ose l'affirmer, lorsqu'il s'agit d'une sociPtCayant de multiples
actionnaires - nous pouvoiii, <I:iiisI'~spéceactiielle. disposer de diffé-rentes sources qui, toutes, donnent des renseigncmcnti à la fois prgcij et
concordants sur la nationalité des actionnairesde Sidroet de Sohna.
Ces sources sont au nombre de trois que, pour faire bref, je designerai
comme suit :

1) le recensement destitres qui apu êtrefait en conséquencedes mesures
ordonnéespar le Gouvernement belge en 1944 et en 1945, et d'où il
. résulte que 74.97% des titres Sofina appartiennent à des Belges;
2) la localisation des coupons des actions Sofina régléseii 1947-1948 et
d'où il résulteque 86,72% de ceux-ci appartenaient à des Belges;
3) le recensement systématique opéré à la demande de la Sofina des
coupons des actions Sofina payésen 1961 et en 1962, et d'où il résulte
que 81.69% appartenaient à des Belges.
Comme la Cour le remarquera, je ne rappellerai pas la manière dont,
lempore non suspecto. le Gouvernement espagnol lui-mêmereconnaissait
l'importance desintérêtsbelges dans la Barcelona Traction: M. Lauter-
pacht l'a fait, et bien fait. Je ne parlerai pas davantage de Sidro, encore
qu'une démonstration similaire établisse que. dans Sidro, 40% des
titres appartenaient à des actionnaires belges autres ue Sofina -
Sofina en étant propriétaire elle-mêmede 32%. Mais la puy ne m'en
voudracertainement pasde nepas rendre pluslongue une plaidoine qui ne
lesera déjàquetrop,d'autant plusqu'àla page 992(VIl), c'est la duplique
elle-mêmequi estime qu'il est c peu utile de s'arrêterlongtemps à l'argu-
.~ntatio~.~~ -.rn~nt la nationalité des actionnaires de Sidro. vu aue
cette sociétéest plus ou moins un figurant par rapport à Sofina a.
J'aborde ainsi, avec votre permission, Monsieur le Président. la pre-
mière source, celle qui a pour origine les opérations de recensement. de
certification et d'échangedes titres belges mises sur pied au lendemain
de ladernièreguerre mondiale.
Le régime mis sur pied par le législateur et l'administration belges
poursuivait deux objectifs. D'abord, commele disait le rapport précédant
L'arrêt&-loidu 6 octobre 1944 (A.O.C.,vol. II, p. 328). il s'agissait de
cdéceler et de saisir les valeurs mobilières qui sont en possession de
l'ennemi ou qui sont détenues pour son compte>,. Ensuite, et toujours
d'après le mêmerapport, il fallait assurer l'exacte perception des impats
exceptionnels sur bénéficesde guerre, la loi du 16 octobre 1945 taxant
ces bénéfices à un taux qui variait entre un minimum de 70% et un
maximum de gj%
En vue de réaliserce double objectif, tous les titres belges et donc,
notamment, les titres Sofina. durent êtredéclarés, qu'ilsfussent détenus
en Belgique ou à l'étranger.En Belgique, cette déclaration devait se faire
entre le 16octobre et le 30 novembre 1944, soit durant une périodede
six semaines. Si le titre n'était pas déclarédans ce délai, il était pure-
ment et simulement annuléet sa contre-valeur attribuée à 1'Etat belxe.
Par la suite, en vue de permettre la libre circulation des titres ainsi
déclarés,desarrêtésorganisèrent l'apposition sur les titres de certificats
de declaration: tant que les titres n'étaient pas munis de ce certificat de
déclnrntion, iln'+tait bas possil)lede lesaliéner
Enfin, les titrzi r6g1iliér,:mentdéclarésdurent Ctrcictinng2s contre des
titres nouveaux: ces opérations d'échance ont eu lieu en I~.- -our la
Sofina.
Grâce à cesopérations d'échange,la Sofinaest ainsi entréeen possession
destitres anciens qui ont pu, dèslors,êtreclassésen trois catégories:55O BARCELONA TRACTION
a) les titres nantis d'un certificat de déclaration apposé à l'étranger;
b) les titres nantis d'un certificat de déclaration apposé en Belgique;
c) les titres non munis d'un certificat de déclaration.
Les titres de chacune de ces trois catégoriesont alors étécomptéspar
une firme de charteredaccounlants (A.Xf., vol. 1, no' 16 et 18). et ce
comptage a établi que les titres nantis d'un centificat de déclaration
apposé en Belgique et les titres non munis d'un certificat de déclaration
représentaient environ 75% de l'ensemble (A.R., vol II, no 133, p. 773).
Or, le Gouvernement belge a démontrédans une annexe à la réplique
que ces deux catégories de titres - les titres nantis d'un certificat de
déclaration en Belgique et les titres non munis d'un certificat de décla-
ration - peuvent êtreprésumésavoir appartenu à des Belges tandis
qu'il n'a pas considéré comme belgesles titres nantis d'un certificat de
déclaration apposé à l'étranger.
Et ce sont les grandes lignes de cette démonstration que je voudrais
indiquer à la Cour, en essayant à la fois d'êtreaussi bref et aussi clair
que possible, ce qui - vous le savez, hfessieurs de la Cour - n'est pas
toujours compatible.
Et tout d'abord, les titres nantis d'un certificat de déclaration apposé
en Belgique. Pourquoi furent-ils présumésappartenir à des Belges?
Cestitres ont dù êtredéclarés enBelgique, le Gouvernement espagnol
ne le conteste pas (A.R., vol. II, p. 760, par. 3). Déclarésen Belgique, ils
peuvent êtreconsidérés commeappartenant à des Belges au moment de
la déclaration, c'est-à-direà la fin de 1944.Pourquoi?Parce quedevaient
&tredéclarésen Belgique d'après l'arrêté-lod iu 6 octobre 1944:
a) tous les titres détenus en Belgique, c'est-à-dire se trouvant maté-
riellement en Beleiaue:
b) les titres détenus-àAl'étrangerpar des personnes ayant en Belgique
leur résidencehabituelle ou leur sik~e-ocial ou administratif. (A.R.,
vol. II, no 133, p. 762, par. 5.)
Or, les titres se trouvant matériellement en Belgique en 1944devaient
normalement appartenir à des Belges, car, dès la déclaration de guerre
de 1939, la Belgique ne pouvait étre considérée commeun pays-refuge
des ca~itaux. Au contraire. les étraneers aui détenaient des titres en
Belgiq;e s'étaient empressés de les udépo&ren des pays plus surs;
beaucoup de Belges d'ailleurs firentde même.Et la preuve s'en trouve au
dossier en ce auilconcerne la Sofina...uisa.e c'est des se.tembre 1,-, -
vous vous cil soiii.ieri<lrr- (~~i'elle-rn~nir. Iriioci&tL:sdc son groiipc
j>nr~:iitdes Jisposiiions poiir tr:iiisft;rcr Iciir; titres Iiu(12 R~l-iq-e
{A.R., vol. II, ho 125, p.-7~~).
Quant aux titres détenus à l'étranger par des personnes ayant, en
Belgique, leur résidencehabituelle ou leur siègesocial ou admininistratif,
il est également raisonnable de les présumer belges. A l'appui de cette
présomption,je rappellerai seulement que, suivant l'annuaire statistique
publiépar le ministkre belge des affaires économiques,la population du
Royaume ne comptait en 1947 - c'est-à-dire trois ans après - que
A.R.. vol. II.no 133. p. 763).. II, no 30, p. 319 et 320, reproduit dans
Qu'oppose alors le Gouvernement espagnol àces considérationsde bon
sens?
En premier lieu :

I[il] ne voit pas pourquoi [les titres appartenant à des actionnaires allemands] n'auraient pu êtregardésen Belgique dûment à l'abri
en 1943.1944 II(D.. VII,p. 985).

Il imarine donc - et voici que commence le ieu hasardeux de ses
rioiiibreu';cjIiy~iutli5s-s que ries actionnaires ;ilit~~i;~~idiraient jugC
iitile ~l'iiirri~t~n: Ijelgiqiic 1%-titres Sufiii;~pendant l'occupation Jc
norrc IJ:I!.~.(:'CS!ddL:j;iisi.~eutrnorilin;iirr Eii revanche - et \-o).rî.
coniriic tout ceci continue iCtrc \~r:iiscnil~l.~b-c ilsiic.Ics aur,tiriit p;<s
r:il):ttril's?n .Allciii:tgiicoii tr:iii.;f&run~lniitri 11;i\sCI;.%ii.itiiiit.i.t
oii ~':<iiiioiiz;iiItn lin (1,.I'8~ic~idii 1.1I<clziiiii~.Ainsi s',svliriu~r:iit
que des ac<ions appartenant a des ~1lemand;aÛraient étéd&e&es en
Belgi ue en 1944et y auraient étédéclarées.
hla1 eureusement ~our l'auteur de cette étranee hv~othèse. il lui était
possible, même à lui,'d'en vérifierla crédibilité.Ën ;fit, les titres belges
appartenant à des Allemands ont été, à lalibération de mon pays, placés
sois séauestre. Or. comme nous l'indiouions déià (A.R.. \soi. II. . A. ,6-.
no note 2). le nombre des actiins mise; sous séquestre comme
propriété ennemieallemande s'élevait - quela Cour veuille bien retenir
CeChiffre - à Ipour la Sofina.
En sorteque le seul méritede l'argument qui nous est opposéest qu'il
égaied'une note légèrement comiqueune matière naturellement aride.
Deuxièmement, la seconde objection présentéepar le Gouvernement
espagnol n'est pas plus heureuse: d'après la duplique, à la veille de
l'invasion allemande du IO mai 1940, cla Belgique jouissait, par rapport
à bien d'autres pavs, d'une situation relativement tranquille ... des
capitaux de toute Gitre origine pouvaient probablement sire mieux là
qu'ailleurs » (VII,p. 985).
Cette hmothèse - ce n'est que cela - méconnait tout ce qui s'est
passéen Bêigiqueavant I'invashn du 10 mai 1940. L'arméey &tait sur
pied de guerre; 500 ooo hommes avaient étéincorporésdanscettearmée;
une sériéde dispositions avaient été prises par le parlement et par le
gouvernement en vue de parer aux conséquencesde l'invasion qui, à tout
moment, pouvait êtredéclenchée.
Ainsi, dèsle 7 septembre 1939. et comme le disait l'exposédes motifs,
en raison udes graves événements internationaux qui viennent de se
produire», une loi accordait au gouvernement des pouvoirs extraor-
dinaires. Usant de ces ~ouvoirs, le gouvernement avait décrétéd ,ès le
.rfç\.ricr 1940.lin arr;tC'-luiqiii <I;si<lnit~~'qu~s~fiiift,n t~ni~~sdcgucrrc.
1'a~lminiitr;itiuri(les joci6ti.s ;oinniercialc: bclgtj replij.I'Ctrangcrct
avait notamment suspendu les pouvoirs des organes sociaux restés en
13elgiqueen ce qui concerne les biens ou les droits sociaiix se trouvant
hors du territoire occupé. C'estdire que devaient êtrenombreuses les
sociétés belgesqui, comme la Sofina, avaient transféré leurs avoirs à
l'étranger,puisque le legislateur belge s'étaitcru obligéd'intervenir pour
tirer les conséquencesde cette situation.
Comment, dans ces conditions, est-il possible de soutenir qu'au début
de l'année 1940, la Belgique serait apparue, aux yeux des capitalistes
étrangers,comme un havre de paix particulièrement abrité!
Troisièmement, le Gouvernement espagnol conteste encore que les
déclarationsde titres aient étéfaites à la fin de 1944 (D., VII,p. 983).
J'ai dit toutA l'heure à la Cour qu'aux termes de l'arrêté-loidu 6 oc-
tobre 1944, les titres devaient obligatoirement étre déclarésentre le
16octobre 1944et le30 novembre 1944.faute de quoi ilsétaient purement59 BARCELONA TRACTION

immense majorité, les déclarations ont étéfaitesment àucette époque: qui

aurait en effet risquéde tout perdre en ne déclarantpasà temps?
de courtes périodes, lesdélais pour ceuxqui justifiaient, d'une part, avoir

circoiist;iiiccs:inurnialcs qui les a\.nicnt criipictic'sde It?s<I;c~lxr~c.irl t~.iiilis
iitilr. <a clair. crpenddiit. qu'i moirisd'Crrrprophéteoudt.viri,yersoiinc>,
en IOM. ne ~ouvait ima~inër aue les délaicseiaient ~roro~é<une Dre-
eii ig46. et uric;c.cond>foisen 1g49. -
mi&
nement rin.iciiol s eHorced':iccr;<literl'id& riu'uncraiid numbréde titrcs\.er-
auraient éiédYéclareé ns1946et en 1949.Et pa;tant Je cette premièrehypo-

théseinexacte, le Gouvernement espagnol passe à une seconde hypothèse
tout aussi inexacte: ilimagine que cestitresdéclaréstardivementauraient
pu êtreen grande partie des titres qui étaient détenus à l'étranger au
lendemain de la guerre et qui auraient étéenvoyésen Belgique pour y
êtredéclaréset certifiés,afin d'échapperainsi aux conditions plus sévères
requises pour la déclaration et la certification de ces titreàl'étranger.
Il estexact que la déclaration et la certification étaient soumiseà des
conditions plus sévères lorsqu'elles avaient lieuà l'étranger. Mais à quoi
auraient servi ces précautionsparticulières s'ileût suffi,pour y échapper,
d'introduire les titres en Belgique? Evidemment à rien.
Aussi ne faut-ilpas s'étonnerque cette possibilitén'ait jamais existé.
En effet, l'article 7 de l'arrêtédu régent du 6 octobre 1944 relatif au
contrôle des changes soumettait à l'autorisation de l'Institut du change
toute importation en Belgique de biens et valeurs quelconques. Et cet
instituta déclaré,la preuve s'en trouve à l'annexe de la réplique, qu'il
n'autorisait pas l'importation en Belgique de titres belges non déclarés
à l'étranger(A.R., vol. II, no129).
Qu'à celanetienne, répond le Gouvernement espagnoldans saduplique:
comme ils'agissait de titresau porteur, il étaitaiséde leur faire passer la
frontière en fraude (D., VII, p. 983) Ce qui constitue, que la Cour ait
l'obligeance de le remarquer, une troisième hypothèse dans le raisonne-
ment, et assez hasardeuse, car elle est baséesur l'idéeque les porteurs
étrangersde Sofina auraient systhmatiquement passédes titres en fraude
à la douane.
Supposons cependant qu'elle puisse êtreadmise.
Cesporteurs étrangersqui, par hypothèse, auraient détenu leurs titres
à l'étrangeren 1944et qui, par hypothèse. les auraient introduits fraudu-
leusement en Belgique en 1946 ou eu 1949, auraient dû faire croire qu'il
s'agissait de titres détenus en Belgique depuis 1944: ils n'allaient évi-
demment pas avouer qu'ils venaient de les introduire en fraudedans le
pays. Quelles explications, dès lors, auraient-ils pu donner aux autorités
administratives belges chargées de l'enquête?La fertilité inventive des
auteurs de la duplique n'est pas embarrassée pour si peu. Ils imaginent,
dèslors, une quatrieme hypothese:

"un prête-nom, quivenait de recevoir destitres. pouyait facilement
affirmer, en 1946 ou en 1949. qu'il possédait des actions Sofina ou
Sidro d&savant la guerre, qu'il les avait encore en 1944 et qu'il ,
n'avait pas fait les déclarations à temps à cause de la situation
générale n (VII,p. 983). PLAIDOIRIE DE M. GREGOIRE 553

Mais contrairement à ce que parait croire, pour les besoins de sa dé-
monstration, le Gouvernement espagnol, il n'aurait nullement suffi àcet
hypothétique prête-nom d'unhypothétique étran~er faisant hypothéti-
quement exporter en fraude des titres qu'hypothetiquement il n'aurait
pas déclarésdans les délais utiles, d'affirmer qu'il était propriktaire
des actions Sofina depuis 1944, encore aurait-il dû apporter une justi-
fication de cette prétendue propriétéet cette justification ne pouvait
résulter que d'élémentsde preuve extrêmement sévères,ainsi qu'il
ressort des articles 3 et 4 de l'arrêtéde 1946 et des articles 4 et 5 de
l'arrêtéde 1949. Ces textes ont été produits dans la réplique (A.R.,
vol. II, no133, app 2, doc. I et z),mais ils paraissent avoir échappé àla
perspicacité des auteurs de la duplique. En réalité, laCour pourra elle-
même aisémentle contrôler, au cas où la quatrième hypothèse retenue
par le Gouvernement espagnol se fût réalisée,le résident belge qui l'eût
imaainée.eût dû faire usage de faux documents.
Qi'uni îrguiiieiitnti~n doivs:11rCjumcr I;fr:iiidz poiir asseoir son hieii-
foiid2ioiijtituc J(j3, cri sui, iiiir prr.ii\,c,lc în frngilit>.
3l;iis cuiitiiiuoiiî isui\,ri. la dupliquc dnni toiit~i lcj supposirionCIqu
6ch:if:iiidCcsson esprit in\,enrif. Quelle ciit 616la iitu;,riuii du rCsi~lcnr
belge qui d'a\,ciiture. et Ic mot, \lesjieiirj. c~):irri<.iilii:rçnd;giiat.
eût-accepté de faire passer pour siennes des actions appartenant i des
étrangers, surtout si, comme le soutient la duplique, il s'agissait de gros
intérêts?II eût d'abord risquédes poursuites pénales.Ensuite, tout ce
qu'il eût déclaréeût été purementet simplement confisqué.Pourquoi?
D'abord. parce que, comme le reconnaît le Gourvernement espagnol lui-
même,il eût dû payer une amende équivalant à 5% de la valeur des
actions tardivement déclarées.Ensuite, parce que les actions ainsi
déclarées à son nom seraient venues du même COUD enrichir son ~atri-
nioinc ctqu'en \,ertu Je I';irti<l2, p:ir;tgraplic 3cl;la loi diiiOoitobre
1')15. lui rijcal<tIn<]iicllej'ni d;];?f:it ;illiisiun. clle.;;iiit;iprCsii-
iiibe, nr~~.ciiirrlc bC~iCticiIducrrc. Lttc III~IIIlui. culnineie vuiij ;ci
dit, f;appait lourdement ces Ybénéfice dse guerre - et donc les titres
déclaréstardivement par le prête-nom - d'un impôt qui était, je le
rappelle, au minimum de 70% mais, lorsqu'il s'agissait des gros intérêts
viséspar la duplique, était de 95%.95% à titre d'impbt, plus5% à titre
d'amende, cela fait 100% ou la confiscation totale. Et je n'ai pas tenu
compte de la rémunérationdu prête-nom.Or, on s'en doute,des services
du genre de celui qu'on réclamait au prête-nom, surtout lorsqu'ils
portent sur de gros paquets de titres, ne sont jamais gratuits. En sorte
que la duplique raisonne comme si les fraudeurs, et plus spécialementles
gros fraudeurs internationaux, étaient totalement dépourvusde logique:
connaît-on en effet des fraudeurs qu~prennent le risque de frauder pour
finalement ne recueillir de leur fraude aucun bénéfice?Personne ne m'en
voudra, j'espère,d'estimer que pareille manière de raisonner n'est guère
raisonnable.
Des considérations et réfutations quiprécèdent,deuxpoints sont ainsi
acquis au sujet des titresnantis d'un certificat de déclaration apposéen
Belgique.
Primo, ces titres ont étédéclarésen Belgique et étaientpropriétébelge
au jour de leur déclaration.
Secundo, cette déclaration a eu lieu, sauf cas exceptionnels justifier,
auprès d'une administration réputée justementsévère, à justifier par des
circonstances anormales, à la fin de ~gqq.554 BARCELONA TRACTION

faillite, c'est-à-dire début1948.De quoi résulte-t-ilque lestitres, propriété
belge à l'époquedeleur déclaration en 1944,étaient restéspropriétébelge
au 12 février1948? C'est fort simple.
Pour obtenir la libre disposition destitres, il ne suffisaitp-s je vous
l'ai dit toutà l'heure - de les déclarer conformément à l'arrêté-loide
1944, il fallait encore les faire munid'up certificat de dbclaration (voir
arrêté miiiistérielduII ianvier 1446relatif àla librc circulation des titres
belges et étrangers,A.O:C., vol.11; no30, p. 347).
Cette certification a pu êtreeffectuéesoit avant soit après le12 février
1948.
Pour ceux des titres aui ont étécertifiésabrésle 12 février 14, , ils
ioiit rit-,-essairementre3tC.iaux inlins drs in&nicspersunnes qiii cn Ctaicnt
le5 prnpri6t:iirïs i1'6poquedr Ieiir d;clar:ition en 1944. p~iisqur.comint:
le reconn:iit le Gou\.erneinent c's~~:~~~l~ ui-lrnérnc. sans cenificat de
déclaration con ne pouvait en aucunemanière disposer des titres » (C.hl.,
IV, p. 691, no 70).
Pour ceux destitres qui ontétécertifiés avant le12 février 1948,leurs
propriétaires avaient certes la possibilitéde les vendreàdes étrangers.
Maisil ne faut pas perdre de vue que ces ventes n'ont pas pu êtrenom-
breuses, en raison des entraves apportées au mouvement international
des titrespar les mesures de contrôle des changes adoptéespar la plupart
des Davsau lendemain de la werre.
6'a<tre part, rien ne permet de supposer que les exportations de titres
àl'étranger auraient dépassé à cette époqueles importations de titres en
Belgique-alors que, comme nous leverrons tout à l'heure, on retrouve une
,ré.ond~ ~nce&rasante d'actionnaires belees.,n 1462
Eii sorte que j'ai ainsi démontré - tréslongiie~ent, je m'cil excusr,
.\lonsieiir le Président, .\lcssiciirs, mais cl;iircnieiit, en tuut cas je nic
p1:iik l'espére- qiieles titres 5ofin:imunis d'un ccr1ific;itde décl;tr:ition
appas; en Ijclgi<lueont étéICgitiriitmriit cnnsid6rc'spar le (;ouvernement
belge comnie propriité belge en ii).lS.
II cr23 de mémedes titres I>eli!fiiion inunis d'un certificat de dicla-
ration. En effet, le Gouverneme& espagnol admet que les titres non
munis d'une certificat de déclaration ont éténécessairement déclarés en
êtrealiénés.h(ibidV,p.,241). D4clarés en Belgique, ces titres, pour lesaient
raisons déjà indiquéestout à l'heure, doivent êtreconsidérés comme
belees au moment de leur déclaration et. non néeociables. ilssont. dès
lorsrestésbelges jusqu'au moment où ils ont étééchangéscontre d'autres
titres, c'est-à-dire qu'ilsl'étaientnécessairement encorele xzfévrier 1948.
J'aborde maintenant la seconde source de renseignements au sujet
de la nationalité des actionnaires Sofina:la localisation des paiements du
dividende de l'exercice 1946.
Cedividende a étémis en paiement à partir du 28 avril 1947et, au 31
décembre1949, il avait étépayé à plus de 99% des actions existantes. 11
était payable non seulement à Bruxelles, mais également à Londres,
Xew York, Amsterdam, Paris, Zurich et Bâle. L'examen des documents
relatifsà son paiement a permis de constater que 86,72% des dividendes
ont étépayés enBelgique (A.M.,vol. 1, no 19).Ce pourcentage de 86,72%
fait mieux que confirmer le pourcentage de 74.98% d'intérêtsbelges
obtenu par la mkthode des certificats de déclaration, puisqu'il lui est
supérieur. Et pourquoi est-il supérieur?C'est fort simple. Alors que le Gouverne-
ment belee a acceotéde considérer commeappartenant.. à des étrane.,s
tous les titres belg;s munis de certiriiats apl~os<s i 1ëtrnnger, iln'cst pas
~loutcusqu'une graiide partic de ics titres iil)l~arrcniiicnt iiles I3clgcsqui,
<"mine I:,Siclro eii ce qiii cunccrnt: .SV> ,I.:~I~~II3:,rielona, ICA:i~~;,i~~iit
cliposr'.;en k~nquc 1L:tr.ingt:r~12.;eptciiil>rc193, oii sc:l>triiil,18139.
eii yr&\,isidnd'unc iiiv:iiioiCILI.II<elgiqu~, rtqui uiit dù ot~li~:ituir~~in~.nt.
rl;il:irci Iriiri titre:II;tr;liicerçt Içs \,inirc cvrtiIier. En re\.niiili~. cil
vertu de la réglementation des changés en vigueur en 1~4~1~~8,'ces
mêmes Belges,propriétaires donc de titres belges déposés,déclaréset
certifiésà l'étranger, n'ontpu recevoir leurs dividendes qu'en Belgique et
en irancs belges. D'où la différenceeu faveur des Belges entre le recen-
sement des titres et le recensement des coupons détachésde ces titres
(A.R., vol. II, no133, p. 776,e)).
Le Gouvernement espagnol s'efforcede mettre en doute la confirmation
éclatante que le lieu de paiement des dividendes de 1946apporte aux con-
clusions fondées sur les opérations de déclaration, de certification et
d'échange.
Il formule, tout d'abord, une premièrehypothèse: sila Sofinaelle-même
a prévu le paiement de ses dividendes dans plusieurs places étrangkres,
c'est que les actionnairesétrangersdevaient avoir une grande iinportance
(D.. VII, p.,985, no50).
C'est vrai qu'ils n'étaient pas négligeables; mais, pour le malheur du
Gouvernement espagnol, ils sont très exactement connus: le nombre des
actions dont les coupons ont étéencaissés àl'étrangers'éleve à 2 288sur
210 000,soit 13.28% de l'ensemble. Est-ce là une proportion qui etruirait . .
le caractère effectif de la nationalité de la Sofina?
Le Gouvernement espagnol se rabat alors sur un autre argument: les
actionnaires étrangers de la Sofina, délaissant la possibilitéqu'ils avaient
d'encaisser leurs coupons dans leur pays et dans leur monnaie nationale,

hvpothèsepréàépartir de laauelle le Gouvernement es~amol raisonne serait

aSsÙrément extraordinai.re: en décrétant le pa&mënt du coupon à
l'étranger,et en monnaie étrangère,la Sofina a certainement voulu étre
aeréabfe à ses actionnaires. Ellëse serait ainsi trompéedu tout au tout.
car ce qu'auraient désiréen réalitéles ictionnaiks étrangers, c'était
d'êtrepayés en Belgique, en monnaie belge. Et quelles auraient étéles
raisons de cecomportement anormal! Je vais les dire à la Cour, et la Cour,
une fois de plus, va pouvoir apprécier leur véritable valeur.
«Tout le monde sait i,,commence par affirmer la duplique avec une
beiie assurance, «que c'est une pratique très répandue que l'actionnaire,
pour toute une sériede bonnes raisons, détienne les titres d'une société
étrangèreau lieu où cette société a son siège,surtout si celieu correspond
à celui de la Bourse du pays. u
Si itout le monde le sait ».il est évident aue cela se saurait. car. pour
ma piirt, je n'ai truiivénulle p:irtIiiiiioii~d~s;ndicatioiiprobanle au iujct
de I8exi~tc.nce dc ~.ettcprL'tenduepratique.
CC ~IICj'libsite, en rwanche, icroire -- et LII:ICU d~'~iitrc nous ici peut,
à cet Cgards'en r&f?rer à son comportciii,:iit personnel - c'est que I'<:pdr-
fit~:int.~Itfclrtr~rrd'lin portefcuillc où sc trvii\~:nt dt-svaleurs étraiigcrcs.
SC fasseou\,rir, a1L:tr:,iigçr,<Ic.oi~ve~i~rcxonlptes :,IIfur et:tincsure qu'il
aiIit\te dcs titres de n;itioii:~litédiifëiciiti., pour Icsfairç fcrriizrau fui et
mesurequ'ils les vend.556 BARCELONA TRACTION

réglementation de l'Institut belge du change étaitde nature àdécouragerla
le dép6ten Belgique par des étrangers de leurs titres belges: il su&a à
la Cour, pours'en convaincre, de prendre connaissance du règlement no 12
de l'Institut belgo-luxembourgeois du change qui est reproduit dans les
annexes (A.O.C., vol. II, p. 294 et suiv.) et spécialementdu chapitre III
decerèglement intitulé: «Du statut des dossiers de titres appartenant à
desétraneers. »
Au sif~l~s, méme si certains actionnaires &rangers de la Sofina
avaient eu l'idée bizarrede déposerleur5 titres en Belei~ue au lendemain
ds la guerre, il rie fant pas Perdre de VUL. qu'ils p~Üvkient n6;iiiinoins
cncaissçr lescoiipuiisdans leur pays et daiis leur monnaie nationale. :ilors
flue s'ils les avaient encaissésen Ucleinuc. comme l'imaeine l'h1'1mttiL1se
<lela dupliqiie. ils n'eusseiit resu que dei franis belges non transfirables:
ceci résulteclairement (1~la licence dç l'Institut duch3nge accordée iila
Sofina et aui est reproduite dans la ré~liaue(A.R.. vol. II. no 177. D.774
et 775).~iors, je le'demnnde, I,ounluo~airaiènt-ils refusécet indiscutable..
avanta~e? Encore une fais, les Ii\.pothi.scs de la duplique supposent des
actionnaires étranaers au cervea; iéeèrementdéséaüilibréa .lÔÏsaue rien
n'autorise à leur Gtribuer un comp~~ment aussi'dérais&mable>t aussi
contraire à leurs intérêts.
Se fondant sur les ternes de la licence dont je viens de parler, le
Gouvernement espagnol a relevé que les dividendes ne pouvaient être
payés à l'étranger qu'aux actionnaires qui avaient déclaréleurs titres.
Le contre-mémoireen déduit l'hypothèseque les étrangers qui détenaient
des titres Sofina non déclarésont dû envoyer leurs titres en Belgique
pour y toucher leurs dividendes et, faisant fond sur cette hypothèse, il
n'a pas hésité à conclure que le raisonnement du Gouvernement belge
(est proprement absurde D(C.M.,N, nO81,p. 701).
Malheureusement pour le Gouvernement espagnol, il résulte de I'ar-
ticle46 durèelement del'Institutduchaneeduzzmars 14461A.O.C..vol. II.
no 28. p.30;) que les coiipoiis de titrt.s'i>elgSCtrou;,aiii il'étrÜngcrci
appartenant ides étrangers lie pouvaient Ctreimporté. en Uelgiqiiequ'à
la condition oiie les titr~.saienNG~ ~ ~~ ~r6sconlormeiiicnt ailx disriosi-
tions de l'arrê'té~d 6uoctobre 1944relatif au recensement des titres bélges
ou étrangers >,Il est donc exclu que des gens quidétenaient l'étranger
des actions belges non déclaréesaient pu se faire payer leurs coupons en
Belgique. C'est ce que le Gouvernement belge a fait valoir en réplique
(A.R., vol. II, no 133,p. 775).
Mais, j'ai déji dit, Monsieur le Prksident, Messieurs, qu'il en faut
beaucoup pour désarçonner les auteurs de la duplique. Tout de suite ils
partent à l'objection en inventant une nouvelle hypothèse.
S/ les actionnaires étrangers ne pouvaient encaisser les coupons sans
avoirdéclaréles titres, c'est donc - écrivent-ils- qu'ils ont «envoyéou
apporté en Belgique les titres qui se trouvaient à l'étranger pour les y
déclarera (D., VII, p. 986).
Et la du.liq~ecroit mêmepouvoir ajouter:

ala réou\,erture des rlillis utiles pour effrctiier 1;idéclarntion. au
monieiit où le paiemriit des dividendes étaiten cours, est à cet tgard
particulièremënt significative »(ibid.)
Lc <.;oui.erncment esliagnol n'a dl:cidL:mentpas de chance. Ledividt:iide
Soiii1.- c'Ct;iitlepreniiei d':ipr6~-giierrr.,pour lessept annGesré\.uliies- PLAIDOIRIE DE M. GREGOIRE 557
a étémis en paiement à partir du 28 avril 1947,c'est-à dirà un moment
où le nouveau délai de déclaration ouvert par l'arrêtédu 22 mai 1946,
c'est-à-direusqu'au 30juin 1946,étaitexpirédepuisprèsd'un an. Certes,
l'arrêtdu 18 janvier 1949a ultérieurement ouvert un dernier délai,mais
les vérificationsauxquelles il a étéprocédéétablissent que sur les61828
coupons recensés commepayés en Belgique, il n'y en a que 5850 qui
aient étépayésaprèsle 1''janvier 1949 (A.M.,no 19.p. 138).
Cette nouvelle hypothèse espagnole ne peut donc concerner, en mettant
les choses au mieux -ou au pire, cela dépendde quel côtéde la barre on
raisonne -que 3.5% environ des titres!
A cela s'ajoute que I'arrétédu 18 janvier 1949n'autorisait les déclara-
tions tardives que pour les titres détenus en Belgique au 6 octobre 1944:
j'ai déjàeu l'occasionde signaler ce point. II n'étaitdonc pas question de
déclarertardivement en Belgique des titres importés à cette fin, contrai-
rement à ce que suppose la nouvelle hypothèse du Gouvernement
e~ -~o----
La Cour m'autorisera-t-elle dèslorà conclure ques'ils veulent prouver
l'absurdité des arguments belg-.. mes distingués contradicteurs devront
désormaistrouve~mieux?
aborde maintenant la troisième preuve de la prépondérance des
intérêtsbelges dans Sofina. à savoir le recensement svstématiaue des
coupons &&entés à l'encaissement à l'époquede l'inteitement de l'ins-
tance internationale.
Lors de la mise en paiement du dividende pavable à partir de 1961.la
Sofina avait adressé ;ne lettre circulaireà tÔuSles banquiers, beiges et
étrangers, et à tous les agents de change, leur demandant d'indiquer le
nombre des coupons qui>ont de provenance belge. Encore une fois, le
résultat fut plus que significatif du point de vue qui pour l'instant nous
préoccupe: 8~69% des titresappartenaient àdes Belges. Et cette preuve
est doublement intéressante: il s'agissait, cette fois, d'une preuve directe
de la propriétébelge et elle confirme, d'une manière éclatante, les résul-
tats desdeux premiers recensements.
La duplique (VII,p. 992 et 993) s'est alors efforcéede démontrer que
banques et agents de change auraient présentécomme belges un grand
nombre d'actionnaires étrangers. A nouveau, et comme de juste, elle ne
formule àcet égardaue des hvoothèses et des suvvositions. La Cour va

ad;esse, non pas la sienne à lZéiranger,mais cille d'un correspondant à
Briixelles. La duplique n'a pas daignénous dire ce qui expliquerait une
pratique aussi anorniale mystérieuse,inc~m~réhënsibk ef complète-
ment inutile.
Deuxième hypothèse: il se pourrait qu'un ressortissant étranger n'ait
pas déposéses titres dans une banque, mais ait chargé un Belge de pré-
senter les coupons en paiement, en lui interdisant de révélerl'identitéet la
nationalité du propriétaire des actions. Mais, que la Cour veuille bien y
êtreattentive: identité, adresse ni mêmenationalité précise n'étaient
demandées: il suffisait au Belge ainsi imaginé et qui était interrogé
d'indiquer si les titres appartenaientà un étranger, sans aucune autre
précision.Pourauoi une indication aussi généraleet àtous les ooints de
bue aussi,peu ~Ôm~romettante aurait-elleété refusée?
Aussi est-il significatif de le constater: aucune des banques belges ou558 BARCELOXA TRACTION
étrangères, aucun des agents de change, invités à faire connaitre iule
nombre de coupons qui sont de propriétébelge)), n'a répondu qu'il lui
était impossible de fournir une réponse à cettc question. N'est-ce pas
décisif?
Une conclusion dèslors est certaine: les troisrecensements, opérés des
dates différentes, confirment, d'une manière remarquablement conver-
gente - 74,97%# 86,72%, 81,64% - la prépondérance des intérêts
belges dans la Sofina. Vainement, le Gouverrrement défendeur a essayé
d'en contester les données;aucune de ses objections ne résistàl'examen.
Je vais entamer, Ilonsieur le Président,une seconde sériede considéra-
tions.

L'audience,suspendue à II hIo, estreprise àII h35

aux mêmes conclusionsque celles que je citais toutst fiàal'heure. Ayant
pratiquement bchouédans ses efforts pour écarter les résultats concor-
dantset chiffrésdes trois recensements dont je vous ai parlé,la duplique
s'est enfin décidéeà tenter de fournir la preuve qui lui incombe, c'est-à-
dire à démontrer le bien-fondéde sa contestation et, en conséquence,le
caractère non belge de Sofina.Elle y consacre les pages 987 et suivantes
(VII).
~;e faut-ilen penser?
Al'appui de laprétendue prépondéranceétrangèredans Sofina en 1948
et en 1962, le Gouvernement espagnol n'a avancé,dans ses écritures, en
réalité,qu'un seul argument, et il y revient comme un leitmotiv: c'est la
composition des assembléesaénéralesde la Sofina.
Li Gouvernement helee.....rsa Dar.. n.a eu aucune ~eine à démontrer
qu'on ne peut rien déduire de ces nssemblGesgénérales.pour une raison
lort simple et très bien connue: c'est'ahsentéisniedes nctioriri;iiresdans
tous lespays où l'action au porteur prédomine.
Arrêtons-nouspar exem le à l'assembléegénéraleextraordinaire de la
Sofina du 6 décembre 1~4l(ann. du Moniteur belge,29 décembre1946),
qui s'est tenue àune date proche de la déclaration de faillite et dont le
Gouvernement espagnol a fait grand état.
Sur 200 000 actions ordinaires existantes à cette époque, 23 104
seulement étaient représentées.ce qui fait moins de 12%.
Par ailleurs, sur l20 543 actions ordinaires déposéespar des sociétés,
dans les uelles Sofina possédaitelle-mêmedes participationsimportantestés
(groupe%ovalles-~odec,Sidro, Société centralepourl'industrie électrique,
Société généraled'entreprises).En d'autres termes, la Sofinaétait,àcette
époque,contrôléepar des sociétésqui possédaient ensemble moinsde 8%
de ses actions ordinaires et qui étaient elles-mêmescontr6léespar... la
Sofina. La nationalité de ces sociétés,dont certaines sont étrangères, ne
peut dès lors êtreinvoquée pour identifier la nationalité de la Sofina,
puisqu'clles ne sont, en quelque sorte, que son émanation. C'estd'ailleurs
ce que souligne le Gouvernement espagnol à la page 992, VII, de la
duplique, lorsqu'il parle des actions Sofina 'appartenantà Sidro; ce qui
vaut pour Sidro vaut évidemment pour les autres sociétés du groupe.
Il est donc absolument impossible de déduire, du procès-verbal de
l'assemblée générale extraordinaire du 6 décembre1946, ni que les 88%
d'actionnaires ni présentsni représentésétaient des sociétés età fortiorides sociétésétrangères,ni mêmeque les sociétés nefaisant pas partie du
groupe Sofina et effectivement présentes ou représentéesétaient en
majorité à l'assemblée.
Passons maintenant à l'autre assemblée généraleextraordinaire de
Sofina dont faitétat la duplique, celle du 20 décembre1956, qui a décidé
de la fusion entre Sofina et la société belgeEngetra. Cette fois, environ
17% des actionnaires étaient présents ou représentés. Leprocès-verbal
de cette assembléeindique quels étaient les principaux actionnaires de la
Sofina à cette époque:du côtébelge, la Compagnie d'outremer (société du
groupe Lambert possédant environ 5% des actions), l'Union financière
Boël (2,5%) et la Financière Allard (0.4%); du côtéétranger, la société
française Lazard Frèreset Cie(2,5%), le Crédit Suisseet d'autres banques
(z%), la sociétépanamienne Pan Holding (1.5%) et, enfin, deux sociétés
françaises filiales de la Sofina: la Sociétécentrale pour l'industrie et la
Société généralde'entreprises (ensemble 5%).
Si l'on écarte ces deux dernières filiales. pour les raisoiis que je viens
d'indiquer. on arrive à la conclusion que, parmi les principaux action-
naires de Sofina (détenant ensemble 14,5% du capital), les sociétés belges
avaient, à l'époque,un pourcentage un peu plus élevé(c'est-à-dire 7.9%)
que les sociétésétrangères (6.6%).Mais tout cela importe peu, puisque la
proportion de Belges et d'étrangers, dans le pouvoir de contrôle, n'a
absolument rien à voir avec la question examinée ici et qui est de déter-
miner quelle est la part de l'ensemble des actions Sofina qui appartient à
-.. RrleO--~
Ace propos, le Gouvernement espagnol invoque, à tort, quelques lignes
d'un article Daru dans le iournal 1'Echo de la Boursedes 22-22 novembre
1964. à l'occasion d'une Offre publique d'achat (take over &) dont les
titres Sofina avaient fait l'objetà l'époque.
En 14,.. le erouue Lambert. oui détenait déià , "%."des actions de la
Sofinti.;i\.oiilcn ac'qii<:"IVcun'tklc en faisan; iineoffrepublique li':icli:jt
port:int siir iin iicrs ,:11vi1lci titre3 cn circiilation. Ccttc ufa.~par 1;i
çuite, étéretirée et remplacée par une offre publique d'achat de la
Société généralede Belgique (la société holding belgela plus importante)
qui elle aétéeffectivement réalisée.
A l'occasion de la ~remière de ces offres ~ubliaues - donc celle du
groupe Lambert - et ieii croire l'article dI>rcsje'cit~par Ii'Gouverne-
ment cip:ignul. linporte-p:irolcJe la lhiique l.aiiil,t rt aurait <ICclquc
<cc ,xiic veut la Baiii1iie I.a~~il>~ric.'cst fair, dc la Stitin:~tinc soci;.;ij
vraiment belge inet «que ~ors~u'onexamine la répartition des actions, on
constate que c'estsurtout l'étranger quidétient le contrôle dela société),.
Le mêmejournal, dans le numérode la veille, et toujours à propos de
cette offre publique d'achat, écrivait que crien n'autorise à croire qu'il
puisse s'agir de la mainmise étrangèresurl'une des plus grandes sociétés
belges,, - c'était ainsi qu'était qualifiéela Sofina. Ce aui ramène à son
t:xiite portce la d~claraiioii. ;i1:;supposer rs:ictcmcnt' rdppr,rtbc - et
vous iave;. CLqu~en est de Inprcsîe ;icesiijrr,ilsuffidç iuir lésdéb;its dz
ce procès pour-en êtreédifié - c'est donc ramener à son exacte portée la
déclaration du porte-parole de la Banque Lambert: elle visait les actions
qui apparaissent aux assembléesgénkrales,et ces actions-làseulement.
Quant aux 83% de titres qui jamais n'y apparaissaient, d'une part, le
porte-parole de la Banque Lambert ne les visait pas, d'autre part, il ne
pouvait en connaître la répartition, et enfin, ces titres ,n'ont aucune
incidence sur le Icontrôle de la sociétéa puisqu'ils n'apparaissent pas aux560 BARCELONA TRACTlON
assembléesgénérales, nesont pas représentésau conseil d'administration
et n'exercent donc aucune influence sur la marche et le contrôle de la
société.
Il n'empêche: d'aprèsle Gouvernement espagnol, ces 83% de titres
non représentésappartiendraient surtout à desétrangers. Comment est-il
amené à formuler ce diagnostic hasardeux? Voici: il veut bien concéder
que 5l'absentéismedes actionnaires est un phénomhnegénéralisé et bien
connu n,mais, ajoute-t-il,

a[ce phénom6neJimplique toujours une autre circonstance, à savoir,
la participation aux assemblées de banques qui se chargent de
recueillir lesmandats des nombreux petits actionnaires,quihabituel-
lement déposent leurs titres en banque et de les représenter aux
assemblées I(D., VII, p. 990).

Dèslors, dit un peu plus loin la duplique:
,s'ilétait vrai que les actions de Sofina se trouvaient. en 1948et en
1952, largement disséminéesdans l'épargne privée. l'on devrait
pouvoir constater, dans lesassemblées [de la Sofina], la large partici-
pation des banques belges qui, précisément,auraient été làpour
représenter ces actionnairesabsents. Or, il n'en estpas du tout ainsi:
il n'y a pas une seule banque belge, à part les quelques banques
d'affaires, intéresséeselles-mêmesdirectement à la Sofina. Personne
donc ne représentait les actionnaires absents si nombreux. Dans ces
conditionsLpeut-on vraiment croire que Sofina aurait été un cas
unique [sic] dans l'histoire des sociétépar actions, où nonseulement
les actionnaires brillent par leur absence dans les assemblées - ce
qui est normal - mais iis ne prennent mêmepas le soin de se faire
représenter par l'intermédiaire des banques - ce qui est plus
anormal? (Ibid.)

C'est une longue citation. \l<irisieur le PrGsident. !dejsieurs, mais
qiiand on I;iliton demciire confondu de la magnifique :issur;<nccavec
laqiirllc Icsauteurs de la duuliuucie soiit lancésdans uni:nr-urnentntioii
aussi dépourvuede tout fonkeient.
En réalité, aucune banque belge, et pas mêmeune banque belge
d'affaires, contrairement à ce au'affirme la du~lique. n'aurait DU être
prtsentc :aI'asscnihlée,iiipoiir eilt,-rnime, pair répréseiitt.rdes'action-
nnires, et pour une raison nl~soliirnrritpéremptoire c'cst q111, rn \.c,nii
de 1':irticl71 des anciens statuts et dc 1arr~~.le70 des nouveaux statiits
de la Sofina,c nul ne peut représenter un actionnaire s'il n'est pas action-
naire lui mkme »; or. les banques beiges ne peuvent êtreactionnaires de
la Sofina. car en vertu de l'article 14de l'arrêté roylu 9 juillet1935 sur
le contrôle des banques, toujours en vigueur aujourd'hui, il est interdit
à toute banque constituée sous formede sociétéde capitaux de posséder
des parts d'associés oudes ~artici~ations, auelle au'en soit la forme. dans
iincoii 1)iusicurj socitt;i Commc'rciaiesoi i fuime comincrcinic nutrcs
qiic des b:iiiqucs. Unc t~anquc,cn I3elh.iqiiz.riepeut Ctreqix l'actionnaire
d'un.: autre Iinnaue: il lui CE^interdit d'6trc actioniiairc d'uiie société.
comme la Sofinn..
En sorte que toiitesles hyyothi.scsimagin6esparl'aud tuylrqdeela
polir fair,?In Dreu\.caui lui incombe sont littéralement construites sur dii
Gent; elles font pensér à cet architecte qui aurait conçu une maison de PLAIDOIRIE DE M. GRÉGOIRE 561

plus ou moins belle apparence à plusieurs étagesniais à laquelle manque-
raient les fondations et le rez-de-chaussée.
Au surplus, Me~ieuys, pour qui connaît un peu la, vie des sociétés
belges, il apparaît inoui qu'il puisse être soutenu que si les titres Sofina
appartenaient en majorité à des personnes physiques qui ne se font pas
représenter par des banques aux assemblées générales, l? Sofina serait,
comme on le soutientde 1:autrecôtédela barre, «un casunique dans l'his-
toire des sociétéspar actions ».
C'est très exactement le contraire qui est vrai. Dans la plupart des
sociétésbelges lesplus importantes, dont les titres sont les plus largement
répandus dans le public belge, il n'y a jamais qu'un pourcentage infime
de personnes physiques aux assemblées générales - moins de un demi
pour cent - et aucunebanque ne représenteles actionnaires absents.
Pour s'en convaincre, il suffit de consulter aux annexeS.du, Moniteur
belge les procès-verbaux des assemblées générales extraordinaires de ces
sociétés,c'est-à-dire des assemblées appelées à modifier leç statuts et
qui sont donc, en principe et en raison de leur objet, plus importantes
que les autres.
Les chiffres constatés sont les suivants:
Union minière,
15 février1968 (prorogation)
[LeMoniteurbelge, j mars 19681:
Personnes morales représentées 35,06% du capital
Personnes.physiques O,IO% ,, ..

Electrobel,
19 mai 1952 (modification des statuts)
[LeMoniteurbelge, 22 mai 19521:
Personnes morales ~5~05% , ,,
Personnes physiques 0~6% ., ,,
14 novembre 1957 (augmentation du
capital) [LeMoniteurbelge,5 mars 19681
Personnes morales 34,05% ,. ..
Personnes physiques 0.25% ,, ,,
16 mai 1960 (augmentation du capital)
[LeMoniteurbelge,27-28 mai 19601:
Personnes morales 3~~87% ,,
Personnes physiques 0~14% ,, ,,
22 décembre1961 (augmentation du capital)
[LeMoniteurbelge,9 janvier 19621:
Personnes morales 36,33% .. S.
Personnes physiques 0.04% ,, S.
9 avril 1964 (créationd'obligations conver-
tibles)(Le Moniteurbelge; 21 avril 19641:
Personnes morales 38.97% ,* >j
Personnes physiques 0~2% ,, ,,

Société généralede Belgique,
23 mars 1948 (modification aux statuts)
[LeMolziteurbelge,16 avril 19481 :
Personnes morales 4~3% ,. .#
Personnes physiques 0.33% ,, ,,562 B.4RCELOK.4 TRACTION

27 novembre 1951 (modification auxstatuts)
Personnes moralese,19 décembre~gjr]: 3,92% du capital
Personnes physiques 0,08% ,, ,,

28 [Le Afoniteairbelge,21adécembre1q611:s)
Personnes moraïés . -
Personnes physiques 5.91% .. ..
0,36% .. ,,
Banque de Bruxelles,
13 juillet 1961 (augmentation de capital)
[Le Monileur belge,31 juillet 1961;:
Personiles morales ~5~43% ,. ,,
Personnes physiques 0,27% ,, ,,
16 août 1962 (augmentation de capital)
[Le Afmiileurbelge,30 aout 19621:
Personiies morales 22.30% ,. ..
Personnes physiques 0,39% .. ,,
Fidécembre1962 (augmentation de capital)
[LeMolziteurbelpe. 20 décembre1q62*: -
Personnes iiioraïes 16~26% ,, ,,
l'ersonnes pliysiqucs 0.23% ,, ,,

etc., Monsieur le Président, hlessieurs, je lasseraisla Cour si je citais plus
longuement d'autres chiffres.
Mais ce n'est pas tout. Le Gouvernement espagnol veut, à toute force,
faire admettre par la Cour que les 83% d'actions qui n'étaientni présentes
propriétéde sociétéset, bicn entendu, de sociétésétrangèresqui, d'après
lui, en possédaientdans leur portefeuille de gros paquets.
Sur quellesnoiivelles hypothèses sefonde-t-il?
Il avait relevédans lecontre-mémoire:

iique l'action ordinaire Sofina était un titre lourd, coté autour de
Sooofrancs belges [et en avait hardiment dhduit qu'il était]plus apte
à se troiivcr, en paquets importants, dans le portefeuille de sociétés
D., VII, p. 989). personnes physiquesr (C.M., IV, p. 704, no 85;

La duplique revient avec insistance sur ce point et croit pouvoir
souligner - parce qiie la réplique n'avait rien répondu à l'argument du
contre-mémoire :
iul'incapacitéévidente [du Gouver~ement belge] de donner une
réponsesérieuseu (D., VII, p. 939).

De fait, laépliques'étaitabstenue de répondre,car, hlessieurs, vousle
savez, il n'est pas toujours facile de répondreavec sérieux à un argument
qu&laispuisque la duplique insiste, voyons, une nouvelle fois,les chiffres.
J'ai déjà dit à la Cour qu'en 1964, après que I:iBanque Lambert eut
retiréson offre publique d'achat de titres Sofina, la Société généraldee
Belgique avait, à son tour fait une offre publique d'achat (take overbid)
portant sur les actions Sofina. PLAIDOIRIE DE M. GRÉGOIRE 563

Selon un communiquéofficielpublié à l'époqueet dont un exemplaire
figure parmi les pièces nouvelles (nouv. doc. no 3). 31 017 actionnaires
présentèrent à la vente 362 585 titres, soit plus de la moitiédes actions
en circulation, dont le nombre était passé à 627 ooo à la suite d'une
augmentation de capital par voie d'attribution gratuite d'actions.
Nous avons demandé à la Sociétégénéralede préciser comment se
répa~tissaient ces offres de vente. Elle nous a remis un tableau très
detaillé, et nous avons verséce tableau parmi les piècesnouvelles. Vous
le consulterez, Monsieur le Président, Ilessieurs les juges, et vous verrez
que ce tableau permet de faire les constatations suivantes:
1) 25 365 porteurs ont présentéde I à IO actions;
21 5521Dorteurs ont rése enté de II à200 actions:
3jgj po;tcurs ont pr.jscntt de 201 j.400 actions; z7 de 401 ;i700 actions;
IO de 701 à roooactions; 8de rooi i 4oooacrions et 3 - .seulement -
plus de 4000 actions. . .

Letableau de la Saciétegénérale (nouv.doc. no 4) prouve ainsi que
56% des actions présentées à la vente étaient entre les mains de porteurs
de moins de 50 actions et 75% aux mains de porteurs de moins de zoo
actions.
La réponsefournie à la dupliqueest donc non seulement sérieuse,mais
elle démontre péremptoirement, contrairement à ses allégations, que les
actions de la Sbfina &aient éparpilléesdans le public et se trouvaient
pas, en paquets importants, dansle portefeuille de sociétés, ni belgesni
à fortiori,étrangères, ce qu'il fallait démontrer.
D'ailleurs, comment expliquer que ces sociétésétrangèresaussi mysté-
rieuses qu'inconnues, qui posséderaient d'importants paquets d'actions
Sofina, ne sont jamais apparues aux assemblées généralesalors que,
d'après ce que nous dit le Gouvernement espagnol,
uc'est pour elles [les sociétés]que la participation aux assemblées,
l'exercice du droit de vote, etc. ...prennent vraiment de I'impor-
tance, (C.M., IV, p. 693).
. .~
Le Gouvérncment espagiiol :<sciiti toutc l'iniportnnce de I'objcctioii
ct ila rcnt;.ile I:Ipri.\,cnApropos de I':is,eriil>l<!i.:n&r:itli6 d2ccmbrc
ici$: d'aprbs le contre-niéiiioire.tla plupai tdcc gros groupes étraiigers
Cprouvcnt cncurc ii I'cpoqiicd'i.vi~lenreidithc~iltC;i je faire rcprCscntcr u
,C \I., IV,p. 706, iiotç r! Coininç Ic pruprc rle I'C\,idciiir:c>t qii'clle n'csr
bas à dérioitrer, le Gouvernement espagnol espèresans douie qu'en les
qualifiant d'évidentes, ilsera dispenséde nous dire en quoi ces difficultés
consistaient et, de fait, à cet égard,nous restons sur notre faim. Mais il
faut croire que cesdifficultésexistaient encore en 1956,car, à l'assemblée
extraordinaire du 20 décembre1956,comme je l'ai tout à l'heure démon-
tré,les actions déposéespar des sociétés étrangèresreprésentaient en tout
et pour tout 6.6% du capital. Or, Ilessieurs, cette fois-ci,j'ose l'affirmer,
s'ily auneévidence-et cette fois-citout àfait vraie-c est qu'en r956
les sociétésétrangères, à supposer qu'elles eu aient connu en 1946.
n'avaient en tout cas aucune espècede difficulté à êtreprésentes en 1956.
Si elles n'étaient ni présentes ni représentées, c'estdonc qu'elles ne
possédaientpas les paquets de titres que, pour les besoins de leurs suppo-
sitions,leur ont généreusementattribués nos distinguéscoiitrndicteurs.
Ainsiacculés,Ceux-ciont alors fait une découvertëdont la dupliquenous
a réservéla primeur effarante. Si les sociétésétrangères,pour qui, nous564 BARCELONA TRACTION

disent-ils la participation aux assëmbléesa vraiment de l'importance, n'y
participaient pas, c'est que ces sociétésétrangèresétaient des filialesde la
Sofina. Je cite, car la Cour pourrait croire que c'est moi qui, pour cette
fois,me mets à inventer:
aL'absentéisme desactionnairesde Sofinaet le fait qu'ils n'étaient
mêmepas représentéspar délégation prouveque la petite épargne
belge ne pouvait représenter qu'une proportion très limitée. Vrai-
semblablement, d'ailleurs, la petite épargnen'était pas très impor-
tante, qu'il s'agissede l'épargnebelge ou de celle étrangère.
Au fond, tout seréduisait à un capital, essentiellement non belge,
investi dans la Sofina par les actionnairesde contrôle. On a constaté
en effet, dans l'exemple de la Sociétéd'Electricité de Rosario et
dans celui de Sidro qui détenaient des actions privilégiéesSofina, le
recours à la technique des participations réciproques qui, vraisem-
blablement, était employée bienplus largement encore. Le reste des
actions se trouvaient donc très probablement, en 1948et après, dans
les portefeuilles de sociétés dominées par le groupe de contrôle et
dont la participation aux assemblées de Sofina n'aurait pas eu la
moindre utilité pratique pour la formation de la majorité. >(D., VII,
P 990-991.)

11 a certes existé, jusqu'en 1956, des participations croisées entre
Sofina et certaines sociétés contrôléespar elle. Mais le Gouvernement
belge n'a pas manqué de signaler la plus importante dès le début de la
procédure: le groupe Sovalles-Sodec possédait IO 137 actions Sofina en
1948 (CertificatDeloitte du 22 février1961,A.M.,vol. 1,no18,p. 133).
Au surplus, ces actions étaient représentées,je l'ai dit, à l'assrmbl6e
généraleixtraordinaire du 6 déccmkre1946,de m@meque les 995actions
appartenant à Sidro et les 3 665 appartenant à laSociétécentrale pour
l'industrie électrique. C'estce quim'a d'ailleurs permisde souligner qu'à
cette époque,la Sofina était contrôléepar des filiales, au moyen de ce
petit nombre d'actions (moins de 8%). Tous ces éléments,Messieurs,
étaientconnus du Gouvernement espagnol depuis le début dela procédure
sans qu'il ait songé avant la duplique à donner à ces participations
croiséesplus d'importance qu'elles n'en ont.
D'autre part, à côtédes actions ordinaires, la société Sofinaavait émis
4,'u 8.a\ti<,ni pri\.ili,gi;cs qui a\.aicniii~lrr)iII?\.ote ~galiicilui dr>
actions i,iiiiii:iirc>, ni.(liinr: rlonii:iiéiitdrcutilii clividcii<lcInnucl
de 5% de leur montant nominal et au remboursement de ce montant en
cas de liquidation. Il s'agissait somme toute d'obligations à droit de vote
plutôt qued'actions et, ce qu'il importede retenir, c'est que leur montant
total de 20 millions de francs représentait moins de un pour cent de la
valeur du patrimoine de la Sofina à l'époquede la faillite. (A.R., vol. II,
no 133, p. 778 et note 2.)
Ces sortes d'obligations à droit de vote appartenaient à des sociétés
contrôléespar lasofina. Leur but étaitde découragertoute tentative d'un
autre groupefinancier des'emparer du contrôle de la sociétéE . n Belgique,
ce genre de participation croiséen'est pas prohibé par la loi; il remplit
le rôle que jouent, dansd'autres pays, comme aux Pays-Bas par exemple,
les actions à vote plural.
Les actions privilégiéesprésentaient sans doute de l'importance au
point de vue du contrôle de la Sofina. Mais elles n'en présentaient abso-
lument aucune pour la seule question qui nous occupe ici et qui est uniquement celle de savoir comment est réparti,entre Belges et étrangers,
l'ensemble des actions Sofina. C'est oourauoi le Gouvernement belee .,
n'avait pas jugi utilc .le iuiiipliqucr I:,;ii;itié'rc<I;j:i~~:~si:~blcmcn arilue,
dcs intL:r&tsbelges oit iiidirluanr In it!p:~rririondri .irtion.; pnvili.çii'rs.
Je \roudrdis niiiiiitciinnt -s'est la dt,rni&rçlccrurc quc je Iiiinlligcrni.

\lonsicur le Président - ~IIC I:L(:OUT mc permette ilt Iiii liry en yucls
terineî le contre-m(.moire. IV, aux ringrs 60,) et 701,.rcproch3it au i;ou-
vernement belee son silence. car il; ~ërrnétiront de vé;ifier iusau'où,ne .
craiiit pas d'alGr Ic(;uiivc.rn~nicnt e;l>;ijinolqiinncl il s'agit <I';rncttre dvs
tivpottiCscs ou de forniiiler df;s ;iccui-:itioiis i.[ quel ~rtdi~, dés lori, il
convient d'accorder aux unes comme aux autres:
Je lis:

aCe silence serait-il dù, par hasard, au fait que, au moment où
la faillite de la Barcelona Traction a étédéclarée,ces 40 ooo actions
privilégiéesse seraient trouvées toutes ou presque toutes en mains
étrangères? On peut toutefois être sûr [veuillez retenir ces ternes,
Messieurs de la Cour] que si la situation des actions privilégiéesà
I'é.oa.eavait été favorable. vo~.e mêmeoas troD défavorable. l'on
;riirait rctrou\,i les nctioiis privil;gi;,rs <lniil;Ic, <:;lriils prcsentl:, par
le Cou\~criiçinciit bclce. 'l'oiit :,IIi)liiiIi;ivoiirs~ ccii, .\lc.<i,.uri les
juges] y aurait-on joi'nt quelque savant commentaire pour montrer
que ce qui apparaissait comme n'étant pas belge devait quand même
être considérécomme l'étant dans les faits. Si l'on a évitéaussi
soieneusement d'en oarler. si [et ie demande à la Cour d'êtreici
paniciili~reincnt ;itt~iiti\,t:] si I'u:iprcfcri ar rciidrc coiil>:ihlt:d'uiic
oinisjiuii \~oli~iitnircdont la Coiir apyr&ier.i IL graiiré, c'est que.

~videriiniciit L,oiiioiirs ces &\.idc-iicescliCrci i In Partie advcrsel..I'oii
cr:iignnit d,: prodiiire iiiiducument :rt ceci eir ~6ritnblcrnerit Ir
I)uiiqiir:t: qui :tur:tit prol>l:il>l~.riit;iit s'écroular, il'uii soutHc, le
cliiteaii <les:irtr> si coirriieiiscint,iit b:t:i nriluos <Ir5 :ii:tioni ordi-
naires qui, très utilement. étaient des actiok au porteur. i)
La Cour va maintenant apprécier. Car, à ce fougueux réquisitoire,
aussi agressif que tempétueux, puisqu'il devait balayer la thèse belge,

la réplique (A.R.. p. 778, no 33) avait répondu qu'au 12 février1948, date
de la faillite, les 40 ooo actions privilégiéesSofina - actions nominatives
-étaient inscrites dans le registre ad hoc à concurrence de 22 ooo au nom
de Sidro, sociétiibelge, et à concurrence de 18000 au nom de la Société
d'Electricité de Rosario. autre société belee. LeG-uvernement belee -
mettait ainsi à néant, de la manière la plus péremptoire qui se puisse
concevoir, les allérations du Gouvernement espa~nol selon lesquelles ces
actions, à l'époque «se seraient trouvées toites ou presque ioutes en
mains étrangères » et, du mêmecoup, se lavait de la grave accusation de
déloyautéque le Gouvernement espagnol n'avait pas hésitéà formuler
contre lui.
11aurait donc pu espérer qu'ainsi éclaire, le Gouvernement espagnol
reconnaisse s'êtretrompé - cela arrive à tout le monde - et regrette
les termes pour le moins excessifs dont il avait uséà son égard, ou, en
tout cas, se taise.

Non seulement le Gouvernement espagnol ne fait ni l'un ni l'autre,
mais en du~liaue. articulant une nouvelle accusation. il reuroche cette
fois au Gouberiekent belge d'avoir cachéuun élémentassezkênant pour
lui, à savoir l'existence de participations réciproques».566 BARCELONA TRACTION
Les auteurs de la duoliaue feienent ainsi de découvrir brusouement
I'esistencc di: participaiion; crois&s. alor; qii'en rialit&. depuis ie di.but
de Inprocédurc.ilsconiiaissaient les participations récii)roquesen actioris
ordinaires, bien plus importantes aupoint de vue qui ~o~~~réoccu~e ici.
Mais cette soi-disant découverte leur permet d'émettre une nouvelle
hypothèse: si toutes les actions privilégiéesfont l'objet de participations
croisées,pourquoi pas aussi toutes les actionsordinaires non représentées
aux assembléesgénéralesde 1946et de 1956?(VII, p. 988.)
C'est là le type mêmede la supposition gratuite - gratuite, enfin,
c'est une manière de s'cx~rimer.
On je borntr;~ à ~liielquesobicrv:itiuns.
1) Les ;<wons ordiri;iirzs ;il)partennnt ;?di-s ;<~zi;.t;;iuntri,lr'es par In
Sofina ktaieiit r<:pr6jenties. on1';i\.II:II'a;scmbl?e du 6 d+ceiiibre 1949.
ou elle; ;,taient mCiii~en majoritL:.Ainsi doric. lorsqii'il !.,avait des p;irti-
cip;itioris croisCesen actions ordinaires. i:lle ;ipp:ir;ii;saient aux asieni-
biéesgénérales,et rien ne permet de supposer qü'il y en ait eu d'autres.

l'effet de la fusion Sofina-Engetra du 26 décembre1956:la société belge
Eneetra avait. avant la fusion. acheté aussi bien les 40 000 actions
pri;ilégiéesSofina que les IO 13~ actions ordinaires appartenant à la
Sodec, et toutes ces actions, les ordinaires comme les priviléeiées,furent
donc annulées à l'occasion de la fusion. -
3) Et enfin, si les participations croisées avaient existé dans les
proportions fantastiques imaginées par le Gouvernement espagnol, la
position des actionnaires qui contrôlaient la Sofina et qui sont connus
par le procés-verbal de l'assemblée du zo décembre 1956 aurait été
absolument inexpugnable, en sorte qu'or1 n'aperçoit pas comment le
mouDe Lambert aurait eu l'inconscience de mêmeenvisager ce au'il fit
cependant effectivement, à savoir une offre publique d';chat ;ortant
sur environ un tiersdestitres de la sociétéE . n effet,à la supposer couron-
née de succès. cette offre ne lui aurait en aucune maii'kre donné le
colitri~lri1cI:lsoci&t&C . 'est(lire qii'uiie[riit*niorc I'li).puthc'seiniagin6e
par In(liil)liquctoiiihe 3 plnt ct \.;iI'eii<'ontrcdc In rc'llitcdes faits.
II ser;iit sans duuti!. \lonsieiiI<;PrFsiùleiit.\ltc;iieiiri. dç la Cour. tiuisi
inutile que cmei d'insister. Et j'imagine déférerau vŒu de la cour en
concluant: cette fois. je l'espèreet à la fois je le crains, il s'agit d'une
hypothèse vraie, car elle repose sur des fondements divers, mais solides.
C'eût été auGouvernement espagnol à démontrer le caractere non
belge de Sidro et de Sofina et à nous dire, en conséquence,de quel autre
pavs était leur alléeeance. Non seulement il ne l'a pas fait. mais le
Gouv~rn~.riiriitI1cl~6qiii eiit pu se boriii:r .i~.uiijt;itcr!cttc L:ireiicct <i
preii~lrc nctc dc cc que le Gouvernement csp:igiiul lit.coiitotç p:is 1"
c.lr:iith l~elgi.iii (Ir:Sidro ii<leSohii;,,a foui iiiiiiics;rii. <I'~lc'iii~:iictlic
11r~'iive.onil~r<iis ct c<jiici)rilniitj.et quit<,ii>cuiiiiriii~:i(111~. CL. <ilI
~iitYiiaitjiiridiiliit:iiioiii <IcprCsi~iiv,tr~ffci.tivt:ni~iirc~nformï i la
réalité.
Comme il s'agissait essentiellement de savoir combien d'actionnaires
de la Sofina pouvaient êtreconsidérés comme belges, cesont des ren-
seignements chiffrés qui ont étéfournis. Le recensement tiré de la
déclaration et de la certification des titres et d'où il résulteque 74,98%
appartenaient à des Belges; le recensement des coupons payés eii 1947-
1946 et d'où il résulte que SG,72%étaient encaisséspar des Belges; le
recensement des coupons payés en 1961 et 1962 et d'où il résulte que81,69%des titres appartenaient à des Belges. De même, à la thèse
espagnole baséesur la négationde l'éparpillementdes titres, nous avons
opposéles donnéeschiffréesfournies par le take over bid de 1964et tous
ces chiffres ainsi recueillis.concordent remarquablement; tous achevent
de démontrer ce dont Dersonne n'avait iamais douté. v com~.is..comme
1' r~ioi~trc1. ~.aiit,:rpiclil, le Gou\~ernéinentespagnol jiisqu'au jour di-
Indeniandc d'nrhitrnirc dr 195r, Asavoir i~iicIcsnctionnniresde la soci6tC
des B~I es En sorte q;e, aprèstie étran~lesach verne meeur enpagnoi s'es;é.
trouvé jais l'impossibilité de démontrer le contraire, il est maintenant
impossible à quiconque de soutenir que la Sofina ne serait belge que de
nom et qu'elle recevrait ses directives d'ailleurs- d'où on ne nous l'a
jamais dit et pour cause -que de Bruxelles.
Cette argumentation dont le Gouvernement belge aurait pu juridi-
quement se dispenser est donc écrasante. Elle l'est en elle-même,en
raison des chiffres que je viens de vous citer. Mais, Messieurs, elle l'est
davantage encore si on la compare à l'indigence non pas des preuves
qu'apporte le Gouvernement espagnol au sujet de la prépondérancedes
intérêts étrangers - il n'en apporte aucune - mais des moyens par
lesauels il s'efforced'atténuer la ~ortéede I'ar..entation belee- Cette
f$ni;nucunc donncc chirfrccde qiic'lq~nntiirç queCL.soit sur I'iniportaric~.
qui it'oiit ria1loir .i~.ecI;Iqiiçsrion, taritSr (lei p),rnniides d'li!.potliéscs
construites sur des cascades de suppocitioris et ilonr aucune ne rbiiste:L
I'eunmen; oii bicn clles sont in\~raisemblables, ou bien rlleipartent dc
bases complètement erronées, ou bien elles sont carrément contredites
par la réalité démontréei;l leur anive mémeparfois d'êtreen contradic-
tion avec ce qu'en d'autres endroits de sa défense le Gouvernement
espagnol a lui-même affirmé.
En bref, rien de sérieux,rien de ferme, rien de solide, mais uniquement
du vent ou du sable ou encore ce château de cartes dont, vous vous en
souvenez, la duplique parle. 11 serait, je crois, fastidieux d'en dire
davantage: il ne fait aucun doute que dans la Sofina les actionnaires
belges étaient plus que très largement majoritaires.
Ce que je devais démontrer se trouve ainsi acquis. PLAIDOIRIEDE M.ROLIN

COAGENT ET CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

M. ROLIN: îvlonsieur le Président, Messieurs les juges, je ne puis
cacher à la Cour que lorsqu'il apparut, il y a quelques semaines, qu'il
m'incomberait de mecharger d'exposer à la Cour la réponsedu Gouverne-
ment belge à la quatrième exception touchant le no?-épuisement des
voies de recours interne, j'ai éprouvéune certaine inquietude.
Certes, je m'en étais occupéeu 1964~mais elle m'avait demandé à
l'époque, enpremière plaidoirie, près de trois audiences. Or, depuis lors,
la procédureécrite y relative s'était accrue de cinquante pages environ
dans le contre-mémoire seulement, de plus de soisanté pages dans la
duplique, sanscompter les annexes. Pendant combien d'audiences allais-
je devoir solliciter l'attention et la patience de la Cour si je voulais
rencontrer, dans le détail, les observations et critiques de la Partie
adverse?
A l'examen pourtant mes craintes se sont largement dissipées.D'une
part, j'ai constaté qu'une bonne partie des plaidoiries qui avaient été
prononcéessur la question il y a cinq ans par mon collègue,M.le,profes-
seur hlalintoppi, et moi-même,avait été consacrée à des explications
anticipatives sur le fond de l'affaire, indispensables pour comprendre
cette question d'exception des voies de recours interne. Ce qui avait du
reste amené la Cour, assez naturellement,à ordonner !a jonction au fond,
ainsi que le Gouvernement belge l'avait proposé à titre subsidiaire. Le
fond ayant été dèslors traité par différentsde mes collègues, ilme sera
aiséde me référer à ce sujetà leurs plaidoiries.
D'autre part, les critiques formulées par la duplique ont souvent eu un
caractère que je qualifierai de personnel,c'est-à-dire.qu'elles ont moins
visé lefond des thèsesbelges que l'expression quien avaitétédonnéedans
la réplique dans laquelle nos adversaires ont prétendu découvrir des
contradictions. Je ne vais pas m'attarder, Blonsieur le Président, à
discuter le bien-fondéde ces critiques, ni à justifier la fonne qui a été
donnée ànotre argumentation dans tel outel paragraphe de nos écritures.
&latâche est plus simple, elle est d'exposer nos thèseà la Cour, une lois
de plus, le plus succinctement et le plus clairement possible.
Une troisième raison qui m'a semblém'autoriser à ne pas donner à
mon exposé sur cette quatrieme exception plus d'étendue qu'il n'est
souhaitable après quatre semaines de plaidoiries, est que de toutes les
questions sur lesquelles nos adversaires et nous-mêmessommes d!visés,
la auatrième exce~tion me ~arait ëtre celle dont laréfutation requiert le
inojiisde d&vclopl;cinerit\.;l'accumulation s:ins pr&ii.d<:ntdes d'icisioiis
iiidiciaircs interileh iiui sc soiit succïdC daris cette affaire et dont le plus
grand nombresont dies aux recours exercéspar les victimes des actesque
le Gouvernement belge a dénoncés: 2 736 ordonnances suivant les
exceptions préliminaires du Gouvernement espagnol (1p .. 716)et ce non
compris, dit une note, la plus grande partie de celles rendues par la Cour
suprême,494 jugements, 37 arrêts,qualifiésde sentencias.Rien d'appro-
chant, à ma connaissance, n'a jamais étérelevédans la jurisprudence
internationale. PLAIDOIRIE DE hl. ROLIN 569

~'aut're part, il a étéfait allusion, dans les exceptions préliminaires(1,
par. 63, p.51), Kaux illustres membres du barreau et des facultésdedroit II
consultéspar les deux Parties, M.le professeur lllalintoppi a, de son côté,
décritdans sa plaidoirie l'activité déployéepar la sociétéfaillie, tout au
moins du 18 juin 1948 à 1956, il l'a qualifiéede fiévreuse,menéeavec
une habilité à laauelle il a rendu hommaee I..~.. D. 2,... Comment croire
qiic 'le tels effort's,poursuivis pendant plus (le Iiuit ans, aient eu pour
réhultat,par une mnletinncc uii iiii~f;it;ilitépersistarites. (lc faire cn sorte
<luedei i)nrticulicrj. dont le Gou\,crncment t~clrreiir6teiid :iiiioiird'liui
&sumer Caprotection, n'aient cessé, commele so;ti<nnent les exceptions
préliminaires (1,pa.. .., p. 2-81,d'avoir recours à des procéduresinap-
propriii~s.
[hi,-je, nii seuil CICmil plaidoirie. revenir siir les priiicipcs jiiridiqiics
qiii r.:siijent In m:itit!re ilii iiuii-é)iuiicniciitdei \se re-ours intcrne?
le neïe DenseDas. Il est vrai aue. suivant la duulia....il v aurait entre
;ou, ui; di.snccord foii~lninciitaldont IcsdonnL:essoiit poiirtnnt eisen-
ticllcs i>oiirapprécierla prc'ienicaecption 12(I)., VII,no 18. p. 656).
-uela Cou; se rassure: il n'en est -rien. et,i'aurais ététrès décusi la
chose ;<\.aitci2 vraic. car s'il est normal qiic, comme ilest cgnlenicnt
rcle\.t<I:tiiIndupliqiic, lei coiijeilj du goiivcrneinent dt:1'EintdCfendeur
s:~isid'iiiie action intcrnntionale inrtterit I';iicrnt iiir son droit nd'cxigrr
qiic: Ton s!.jtc'rnï dc lirutecriijii juridiqiic nitCt; cffccii\wnent riiis à
I 61,rriivc parIC rcssoriiiii,nt ;tr:ingcr,(I).. \'II, 21. p. "'47t1andis qiiz
Ir.sioiisciljiliicuiivçrn~iiiciit di: 1'Et:tt dciii;indc!urniettent 1':icccntsur '
«les limites deï'ob~i~ation d'épuisement » (ibid.), je trouverais persan-
nellement déplorable que, sur les données essentielles d'une question de
droit international aussi ancienne, d'a~~lication aussi fréauente aue
l'obligation d'épuisementdesvoiesde re'c'oursinterne, des iniematioia-
listes qui se respectent manifestent un désaccordprofond.
Le fait est que nous sommes d'accord pour reconnaître qu'il y a lieu
tout simplement, pour la Cour, de faire application de l'article 3 du
traite hispano-belge de 1927 ;e le cite:
iS'il s'agit d'une contestation dont l'objet, d'après la législation
intérieurede l'une des Parties, relèvede la compétencedes tribunaux
nationaux, cette Partie pourra s'opposer à ce qu'elle soit soumise à
la procédure prévue par le présent Traité avant qu'un jugement
définitif ait été rendu, dans un délai raisonnable, par l'autonté.
judiciaire compétente. n(AM., vol. 1, no I,p. 3.) -

Peut-êtreles termes de cette disposition ne sont-ils pas fort clairs.,En
effet, si on les prend dans leur sens littéral, ils ne paraissent pas exiger
qu'il y ait eu effectivement recours actif aux juridictions internes;,ils
semblent se borner à instituer une sorte de litispendance entre I'action
internationale et celle qui serait en cours ou serait possible devant une
juridiction interne. Mais le Gouvernement belge n'a jamais tenté de
défendre pareilleinterprétation. Il a, dèsle premier jour, reconnu comme
étantde l'intentiondesPartiesde ne pas dérogerau droitinternational et,
l'épuisement desvoies de recours interne.ité de l'action internationale à
Je suis heureux. toutefois, que les rédacteurs de cette convention
hispano-belge aient expressément dispensé les intéressés de poursuivre
leurs efforts devant les juges de l'ordre interne au-delà du délairaison-
nable.57O BARCELONA TRACTION

Le Gouvernement belge a, d'autre part, également souscrit volontiers,
tout comme le Gouvernement espagnol du reste, à la définitionqui a été
donnée de la règle de l'épuisement dans la résolution de l'Institut de
droit international, dont je rappelle également les termes:
nLorsqu'un Etat prétend que la lésionsubie par un de ses ressor-
tissants dans sa personne ou dans sesbiens a étécommiseenviolation
dii droit intcrn;t.tioii;il. toute rCcl;imatioiidiplo~n;~tirlueou judicinirç
lui appartenant de cc chef est irrecevable. s'il existe dans l'ordre
iuridi<iueiiitcrne <leI'IStat contre le<I:iprétention est éle\,éedcs
toies ae recours accessiblesà la iésée,et qui vraisembla-
blement sont efficaceset suffisantes, et tant que l'usage normal de
ces voies n'a pas étéépuisé.La rhgle ne s'applique pas:a) au cas où
l'acte dommageable a atteint une personne jouissant d'une protec-
tion internationale spéciale; b) au cas où son application a été
écartéepar l'accord des Etats intéressés. » (Annuairede I'Institul
de droitinternational,1956, p. 358).

Pour le commentaire de cette résolution,je me réfère,d'une manihre
énérale, à ce qui a étéexposé dans nos observations et conclusions
71,p. 215 et suiv.), et dans notre réplique(V,p. 593et suiv.).
Je me permets, toutefois, de mettre à nouveau l'accent sur le fait.
comme nous l'avons déjàfait remarquer dans nos observations et con-
clusions, que les voies de recours doivent êtreaccessibles à la personne
léséev,raisemblablement efficaceset qu'il en ait étéfait un usage normal.
définition progressivede la règleoua àuaune sériede définitions pro res
sives fournies par la jurisprudence internationaleo (VU, no 17, p. 885):
Je ne sais pasà vrai dire. ce que mes estimésadversaires comprennent
par des définitionsprogressives. J'imagine qu'ils ont mis cela en liaison
avec une autre observation que je trouve également dans la duplique.
laquelle fait mention avec insistance duidéveloppement du osystème de
protection judiciaire des Etat» (VU.no19,p. 886).Elle paraît en déduire
que l'obligation d'épuisement devrait être appliquée de nos jours avec
une rigueur particulière, et dans la duplique le raisonnement se termine
par une sorted'avertissement solennel à notre adresse:

"Si la Partie adverse estime, par contre, qu'il n'y a pas, de nos
jours. un développement de l'organisation judiciaire des Etats ou
qu'en tout cas il n'en résultepas une vérification plus rigoureuse de
l'épuisement des recours internes, le Gouvernement espagnol lui
laisse volontiers la responsabilité de ces convictio»(Ibid.)

Au risque d'encourir le méprisde la Partie adverse, personnellement
je confesse n'être aucunement convaincu que nous assistions de nos
jours à un développement du systèmede protection judiciaire des Etats,
de nature à réduirele con-le international ou à rendre les juridictions
relativementleà l'obligation d'épuisement.reuses dans leurs exigences
Tout au plus peut-on dire que, dans la plupart des pays. l'opinion
publique manifeste un intérêtde plus en plus vif pour un meilleur
fonctionnement de l'administration de la iustice. Mais cette tendance
ne fait que niieux apparnitrc les imperfecti<;riset les lacudesI'orgaiii-
sation Judiciaire ou di, son fonctionnement Aiiisi. I'occ;isiurirne fut PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 57I

donnée,il y a peu de mois, d'assister à Rome - et cela aurait pu être,j'en
suis convaincu, dans beaucoup d'autres capitales - à un colloque
relatif à l'administration de la justice et aux droits de l'liomme. Je fus
surpris de l'extrême vivacité - je dirais presque: violence - des cri-
tiques qui furent émiseS.parun professeur de Milan au sujet de la Iégis-
lation pénaleet des institutions italiennes en matière répressive.Il reçut
une approbation enthousiaste, et non moins extraordinaire, des très
nombreux magistrats et avocats qui étaient présents dans l'auditoire.
La Cour sait, du reste, que, loin d'écarterle contrale international, ce
réveil de conscience qui se manifeste dans la plupart des pays a, au
contraire, conduit il y a vingt et un ans à l'élaborationde la Déclaration
universelle desdroits de l'homme, doubléeaujourd'hui de deux conven-
t~~ns aui sont en cours de ratification. tan.i~~ ~e les Etats membres du ~ ~ ~
Coiiseililc I'liiiropc ont crt;i iinc org:inisation (Irs;.iiv~gnr(lcclesdroit, iIc
I'~ioiiiriie,qiii n rezii d'iine dizaiii~ d'Etnts d'Eiiropc orriclcntnl,- ronip;'-

tence pouÎstatuei, mêmesur les réclamations poÙr violation des droits
de l'homme dirigéescontre euxpar leurs propres ressortissants.
Le Gouvernement espagnol se réfèrevolontiers à la iurisprudence de
cette Commission européefinedes droits de l'homme et kouç'reproche de
ne pas en tenir compte. Reprochecertes immérité, car nul moins que moi
ne méconnaîtl'intérêd tesavis de la Commissioneuropéenneque publient
les Annuaires de Strasbourg. Mais j'avoue ne pas voir de différenceentre
les principes affirmés dans les avis de cette commission en matière
d'épuisementdes voies de recours et ceux du droit international général -
auiauels. du reste. la commission est tenue de se conformer.
~e' cueille notamment dans la jurisprudence de cette Commission
européenneces paraphrases de la condition d'efficacité à laquelle doivent
satidaire les reèoursinternes visésdans l'exception:
Il faut que lesressourcesjudiciaires offertes par la législationnationale
.se révèlent susceptibles de fournir un moyeu vraisemblablement
efficaceet suffisant deredresserlesgriefs articuléssurleplan international 1,
(Autriche c. Italie, 1961, Annuaire, p. 169; Autriche c. Belgique, 1963,

Annuaire, p. 329; Autriche c. R.F.A., 1965,Annuaire, p. 155).
Ailleurs. la ommission émetl'avis aue 1'Etat .défendeur est en droit
d'exiger I'ipuiseincnt pr;aIablc <lx; rciours inrcrncs de r;irni~i.rr.
~uriiiiqu,:qiii p:arais;ciit de i1;itiir:i ofirirililrriii>iic vlfis:iit!tsuffii~liit
snni <.rablirde distinction cntre Icsriciouri ordinnir<,;ct estr;iur;liri;iires
(Nielsen c. Danemark, Annuaire 1958.1959,p. 439).
Tout ceci ne s'écarte pas de la résolution de l'Institut de droit inter-
national, ni du droit international traditionnel.
Ceci dit, il n'est pas douteux que, dans l'application de la règle,
Commission européenne s'est montrée relativement exigeante, mals
cela se cornurend. vu au'elle avait le nlus souvent à statuer sur des
rc:cl:itn:itiuii;ilirigt'l>.i;CILiSndivi~luscbntrc I<,iiproprr Et;~t
II \.a de soi quc I:iCour inrernîtion3lc de Jii~tiie ne 5~.tr<)ii\.pai (111
ti~iitclans la iii>nicsitii.~ti~iii.t ir:tic vui, i>;i.il+; lors, ciuellesscr.iient,
dani ion c:ii, les r:iisons dc sc montrer pliis rigoureusr (111sil:~iisIIl~~isr',
c-oiiiiiit-on senihli voiiloir Ic Iiiidïin:ittdcr. cI;iris1':ipprrcintionde I'ii;ngr.
fait des voics dr. recours iiiti-rnc nl:itivcriicrit niis rricfs frlisi<iifI'obiet
-
d'une réclamation internationale.
Au surplus, les points de désaccord qu'on peut trouver dans la du-
plique me paraissent provenir beaucoup moins de conceptions theo-
riques différentessur l'étendueou le contenu de la règleinvoquéepar le572 BARCELONA TRACTION
Gouvernement espagnol que sur son application au cas d'espèce de l'af-
faireBarcelonaTraction. Ils sont, je pense, aunombre de trois:

1) Comment la règle doit-elle jouer en cas demultiplicité des griefs?
2) Par qui les récoursdoivent-ils être intentés?
3) Qye faut-il entendre par la condition d'efficacité des recours en cas
d absence de jurisprudence nationale sur la question soulevée?

Voilà les trois questions sur lesquelles je voudrais m'expliquer.
Quant au premier point, le Gouvernement espagnol prend prétexte
de la thèse belge relative au grief global pour soutenir que nos griefs,
bien qu'en apparence multiples, n'en font qu'un et qu'aucun d'entre eux
ne pourra êtreexaminé par la Cour sans qu'au préalable nous ayons

justifié que les voies de recours interne ont été utilisées et épuisées,
relativement à l'acte qui est à l'origine de la procédure de faillite, à
savoir le jugement de faillite (D., VII, no 15, p. 884). Telle serait, à l'en
croire, la conséquence du lien logique et-nécessaire que le grief global
aurait prétendu établir entre les divers actes incriminés.
Ce soutènement n'est pas fondé.
Que la Cour nous entende bien. 11va de soi que le Gouvernement belge
n'a pas changé d'avis quant àla gravité toute particulière du jugement de
faillite. Mon collèeue. Me Van Rvn. ne s'est Das fait faute de vous dé-
-.
III~~III~r I,,s ~ini~~IIIt C,t xrus;~>rcAt.~c-,l,ttiui~<.rtlruit int~rn:~t~on:~ II
clc, ~)riii~~i~ ~Ie~droit les plus 6161rir11r~~irqcu,i IV cx~cIGr~;cnt, ct IICIII~
II':III~C~Ipas pf111~ montrer <,la ('t811t111r.:cjtigr~nent L i:tit 1'oI)jct
de trbi nonibreu rtmiiirs ~i:irfiirumcnt o<lt,qii;iti,111;9iil ii'eii dc.liieurc
Ilaj m%iillsi~ill\~~n:~~,rlie~illeltrc ,:I~1illll;r~I~c:vicc dl1 r~iionilfrili.nt dt.
nos adversaires. Il faut aue la Cour se convainaue au. la s.ule facon ~ou. .
rllr <I':~ppli(~~i~<r1,,,11u.jCI~IX C:<JIIIIICCIIC-C 13, rCgIcde I'&~uIs<.I II~
rit <l'cilv;riri<:Ic rc;p~.~'tIwur ;11i1~11rii.grirfi (111111~115:<$UIISfur111uISi
wuf :IriSnIrrumure, .t.îni l':~i>i)ri:~i~tio(nle chaiiuc cri<-1.dt; iri,li<.:iriuiis
A-.
résultant de l'examen d'ensêible.
Comment le Gouvernement espagnol ne se rend-il pas compte, à
propos du grief global, que c'est lui et non pas le Gouvernement belge
qui verse à ce sujet dans une contradiction lorsqu'il défend la thèse de
I'inciivisibilitédes griefs belges à raison du fait qu'ils découlent d'une
mêmeprocédure, alors qu'il a vivement combattu l'invitation faite à la
Cour par le Gouvernement belge de tenir compte, dans l'appréciation de
nos griefs, de ce que pouvait révélerun examen d'ensemble?

Au contraire, en ce qui nous concerne, il n'y a pas la moindre contra-
diction entre les thèses que nous défendons relativement à l'épuisement
des voies de recours interne et celles concernant le grief global. Combien
de fois en effet n'avons-nous pas dit et répété que les décisionsjudiciaires
qui avaient suivi le jugement de faillite n'en étaient pas la suite logique,
nécessaire et inévitable, et qu'elles faisaient l'objet de griefs autonomes
(R., V, no 818, p. 597)?
Le grief global, ai-je dit et répété moi-mêmeau cours de l'audience du
16 avril dernier, loin d'absorber tous les autres griefs formulés dans nos

écritures, ne constitue mêmepas un grief distinct et supplémentaire,
mais «un procédétechnique indispensable à tout juge ou arbitre appelé
à apprécier le caractère culpeux d'une séried'actes connexes ayant les
mêmesauteurs ou dont les auteurs appartiennent à un mêmeEtat et
concourent au mêmerésultat » (supra, p. 52).
Au surplus, si nous nous rapportons à l'ensemble des faits de la cause PLAIDOIRIE DE M. ROLlN 573
tels qu'ils nous apparaissent apres les exposésde nos collègues,les pro-
fesseurs Mann et Van Ryn et 11'Grégoire,nous constations que le juge-
ment de faillitep'est pas le seul, ni mêmele premier des actes incriminés
aui a eu une influence déterminante sur la s~oliation de Barcelona
.traction et deses ;ictionnairesUn iiiCiiicef1i.td8it êtrerecuii:,Lrefus
oppusC p;ir IcsautoritCs ;idiiiiriistrati\~es,en dice1<,4h,iI'c.x;ciition
du- lai d'arraneemeut dans sa troisième modalité ->ette convention
conhue entre Bûrcelona Traction et ses obligataires. Car si cette conven-
tion avait reçu exécution, il n'y eiit plus eu de passif obligataire de
Barcelona Traction, ni par conséquent de jugement de faillite, ni de
vente desavoirs de la sociétéfaillie, ni de réclamationinternationale.
De mêmefut déterminante, par exemple, l'impression des faux titres,
l'autorisation de vente, le cahier des charges et combien d'autres actes
sur lesquels je reviendrai dans le cours de cette plaidoirie.
Cela me paraît clair et nullement énervépar les considérations que la
du~liaue emDrunte tantôt à la science mécaniaueet tantôt au droit.
j'acoue aboir mal compris les premières 06servations (D., VII, no 7,
p. 87~) . e Gouvernement espa~nol,constatant queles décisionsdes auto-
Îitéijudiciaires ont étépréie<téespar nous c8mme un enchaînement,
s'étonne ironiquement irqu'aucun anneau de la chaîne ne soit soudé
aux autres inA mon avis, si ces anneaux étaient soudés,ce ne serait plus
unechaîne mais une barrede fer.
Il semble que nous ayons aussi parlé d'engrenage alors que, lit-on
dans la duplique (ibid), les roues dentées ne s'engrènent pas l'une à
l'autre.Oh ai-je dit que les roues ne s'engrenaient pas l'une dans l'autre?
Sùrement elles s'engrènent; cela ne les empêchepas de présenter des
caractéristiques propres ayant un effet propre. différentde celui qu'au-
rait eu un autre rouage, et surtout, d'avoir étémises en place successi-
vement.
Quant àl'argument juridique, il est tiré d'une citation d'un extrait de
la sentence Ambatielos dans laquelle on lit:

RL'Etat défendeur a le droit d'exiger qu'on ait profité pleinement
de tous les recoursinternesavant que les questions en litige soient
portées sur le plan international par 1'Etat dont les personnes
prétendument lésées sont les ressortissants.(Il., VIX,nozo. p. 887.)
Mais rien n'autorise le Gouvernement espagnol à soutenir que dans
l'esprit du tribunal arbitral présidépar M. Alfaro et dans lequel siégeait
M. Bagge et mon regretté compatriote, le professeur Rourquin, cela
impliquait que dans le cas de pluralité de questions, aucune d'elles ne
pouvait êtreportéesur le plan international si la preuve n'étaitpas faite
qu'on avait profité pleinement detous lesrecours internes, non seulement
pour cette question, mais pour chacune des autres; la preuve que telle
n'a pas étél'intention du tribunal arbitral est que, saisi par le Gouver-
nement hellénique de trois griefs relativement à la vente des navires
britanniques à M. Ambatielos, il a procédé à un examen séparépour
chacun d'eux du point de savoir s'il avait été fait usage, en ce qui le
concerne, de façon exhaustive, des voies de recours interne, examen qui
l'a conduit chaque fois,de façon indépendante, à une réponsenégative.
Le bon sens me parait du reste indiquer qu'il doit en êtreainsi. En
effet, l'obligation de l'épuisementdes recours ne se limite pasà I'inten-
tement de divers recours; il faut encore que dans ces recours aient été
visésles faits précisou, s'il s'agit de décisions judiciaires, lesparties du574 BARCELONA TRACTION
dispositif de ces dkcisions qui feront ultérieurement I'objet des griefs
internationaux,Mais ceci a logiquement pour conséquencequesi un fait
concret a fait l'objet d'un recours devant le juge national, il pourra être
soumis l'arbitre ou au juge international, quand bien m&med'autres
griefs annexes ne pourraient l'être,parce qu'ils n'auraient pas fait I'objet,
en ce qui les concerne, de recours dans l'ordre judiciaire interne.

L'audienceestlevéeà 12 h 55 VINGT ET UNIÈAIE AUDIENCE PUBLIQUE (14 V 69, 9 h 30)

Prksenls: [Voir audience du 17 IV 69; M.Lachs, juge, absent.]

AI.ROLIN: J'ai commencéhier ma plaidoirie consacrée à la quatrième
exception préliminaire par un rappel sommaire des principes juridiques
qui gouvernent la matière et j'ai réfutéla première thèse espagnole
suivant laquelle, en présencede la multiplicitédes griefs belges, la notion
de grief global aurait dû amener la Cour à serefuser à examiner aucun
des griefs particuliers si le Gouvernement belge ne faisait pas. au préa-
lable, la dénionstration que les voies de recours interne avaient été
épuiséesen ce qui concerne le fait qui étaità l'origine de la procédure,
c'est-à-dire le jugement de faillite.
T'enviens maintenant à la deuxième thèse imaginéepar le Gouverne-
ment espagnol pour écarter comme sans pertinence le contrôle du
respect de l'obligation d'épuisement, le plus grand nombre possible de
recours qui furent réellemint introduits.
Une section entière est consacréedans le contre-mémoire et dans la
duplique à la question des «sujets qui auraient dû épuiser les recours
internes dans la présenteaffaire3 (C.M.,IV, p. 602 et suiv.; D., VII, noSz7
et suiv., p. 891et suiv.).
Dans la duplique.lereproche est faitau Gouvernement belge de n'avoir
rien répondu aux considérations de droit qui avaient étéformulées à ce
sujet par le Gouvernement espagnol dans le contre-mémoire. Or, j'ai
relu le contre-mémoire, j'y ai trouvé non pas à proprement parler une
considérationde droit, mais la simple affirmation que
«si le grief avait pu êtreredressé. soitpar des recours ouvertsà la
société,soit par des recours directs des actionnaires ou des obliga-
taires, c'est l'ensemble de ces recours qui doit êtreutilise afin de
respecter la règleinternational» (IV,p. 603).

A premièrevue, ceci supposeadmis àtitre de postulats deux principes.
Primo, pour qu'un recours interne satisfasse à l'obligation d'épuise-
ment, il ne suffit pas qu'il ait fourni au juge national la possibilitéde
redresser le grief dénoncé,il faut encore qu'il émane.de la personne en
faveur de aui une action internationale a été introduite.
secundo: si le droit interne ouvre des recoursà diverses catégories de
personnes, il est nécessaireque toutes les catégories aient us6 de cette
FaEst-il besoin de dire que pareilles affirmations à l'appui c es quelles
aucune autorité n'est citéesont sansrapport aucun avec la raison d'être
de la règleque nous étudions. Cette raison d'êtrea étéparticuliérement
bien mise en lumière dans l'arrêt rendu par votre Cour dans l'affaire
Interhandel (C.I.]. Recueil 1gj9, p. 27):

«La règle selonlaquelle les recours internes doivent êtreépuisés
avant qu'une procédureinternationale puisse être engagee est une
règle bien établie du droit international coutumier; elle a été
généralementobservéedans les cas où un Etat prend fait et cause
pour son ressortissant dont les droits auraient étélésésdans un576 BARCELONA TRACTION

autre Etat en violation du droit international. Avant de recourir X
la juridiction internationale. il a étéconsidérken pareil cas néces-
saire que 1'Etat où la lésiona étécommise puisse y remédier par ses
propres moyens, dans le cadre de son ordrë juridLque interne. »

Il résulte clairement de cet arrét, comme du reste de la plupart des
opinions dissidentes ou séparées qui l'accompagnaient, que la ratio legis
de la règle quinous occupe n'est nullement de refuser toute possibilité
de protection gouvernementale aux personnes privées qui n'auront pas
fait elles-mlmes l'effort et le sacrifice d'action iudiciaire voursuivie
jiisqii'i I'6clirli1iisupérieur, iii;iiuiiiqiienizrit de dhnn,-r :iiix'l3tats qui
sont nsiigriCz.qiii ont ~:itc'a dei;irit la Cour 1':issuraiiceqii'ils ne pourront
itrc rendus réiy~nsatilc~; rlii~ir;:iii~licatis; :tIn personne et aiis biens de
ressortissants étranee~, Da. i'aite ou I'omissiond'un maeistrat u ou d'un
tril>iiii;qiic si I'nctc ou I'omiiiion pr2tendument illicites ont fait l'objet
de tous lesrecours priviii par la liçislation <lecet Etat comme susceptibléi
dc ri:nit':dicciuareillc sitiiation II inii>orte donc vcu <luele recours n'ait
. .
pas &téutilijL"juqii'à 6piii.icnic.iit p:I:i personne protc'géepar I'Etar
clcmnnilt.iir dnrii I'nctt-intrrnai~oiial s'il l'a étépar d'autres coiiitcressés.
L'incidence de ces principes sur le cas d'une dion internationale pour-
suivie en faveur des actionnaires d'une société miseen faillite mérite de
faire l'objet d'un rapide examen particulier.
C'est un fait en effetque dans la plupart des pays, et il en va ainsi en
Espagne, aucune voie de recours n'est en pareil cas ouverte aux action-
naires. Comment joue en ce cas l'obligation d'épuisement préalable des
voies de recours interne?
1.c Gi~ii~criieiiicnt eip?gnol dans ses cxccptions prlinnir a
d>fcndu I'irlGe(lii'en l~:.r~,il.:cellc iir I>riitp:iq joiier et il e;icoiiclii <Ic
f;ijoii:I.SVZiriiiiii.,ii,.IIfîveiir dt l'inipiissil>ilit~d'iiitrndiiirt? iiiir:nit ion
iiiti.rii:ition;~én faveur dei actionnaires rlii itief d'un prCjiidicc cnusC

itla auci.'.rC(1:P ,1,p. 24.. 111%>IL,I)..I~~~~:I~~:~II cIIit,CC <nu iilit:
«La faculté de demander devant les tribunaux la révocation de
la faillite d'une sociétéanonyme ou de s'opposer à sa déclaration
appartient, en principe, à la société.Donc, la déclaration en faillite
d'une sociétéanonyme ne peut jamais, par elle-m&me, constituer
un motif ou un prétexte aux effets d'une réclamation pour déni de
justice vis-à-vis des actionnaires. ,,

Partant de la mêmeconstatation que les actionnaires n'ont pas de
recours propre, l'éminent juriste suédois, RI.Bagge, a abouti avec plus de
logique à la conclusion inverse dans une étude publiée en 1958 dans le
British Year BookofInternational Lam. ((Intervention on the G~o~nd of
1)nriiagç C:iiisr3<tlo ~atioriali, \vit11~a;tiiiilar Refereiicc to E~liaiistioii
of Local Rciiiediei and the liiclits of >liareholdcrsr. II s'esurimc comme
suit (p. 170):

uLa réclamation internationale contre 1'Etat défendeur baséesur
un dommage causé à l'actionnaire est recevable indépendamment
de l'épuisement des voies de recours interne par l'actionnaire
puisqu'il n'y a pas de voies ouvertes à l'actionnaire. »

II va de soi que pareille solution nous eût convenu parfaitement, \ moi
en particulier, puisque si l'absence de voies de recours pour les a .t'ion-
naires doit aboutir à la dispense de l'application de la règled'épuisement
des voies de recours interne, en l'espèce, il n'y aurait plus place pour la PLAIDOIRIE DE hl. ROLlN 577

quatrième exception et je n'aurai pas dù imposer à la Cour et à moi-même
ce dernier cha~itre de nos plaidoiries.
>lais noua ii'a\,ons pas c;u pou\.oir pl~iiicnient souscrire au raisorin,,.
ment <le 11.U;<ggç.En effet. comrnc noiis I'nvonsindiquédalis nos obser-
vations ct coniliisions (1.p. 223). il nous paraisj:iit~CII raisonni~hlt.d~
(lispenser lcs :lctioiin:iire?riprotection des(lii~~l iiii.rCclnmation inter-
iiationale est introdiiite, dé toute ol>lijiatioiid'utilisation des voies de
recours interne sous prétexte que dansï'ordre interne ils ne disposaient
pas eux-memes pers6nnellemeit de pareils recours, sans qu'il; aient à
justifier qu'ils avaient au moins usé,dans une mesure raisonnable, de leur
influence sur la société Dourinciter celle-ci à user elle-mêmedes voies aui
lui étaien~o~ver-~~~
Il est vrai que dans le cas de la faillite d'une société,la sociétéfaillie,
par ~rincipe, ne dispose Daselle-mêmedes fonds nécessaires à sa défense
êtq;e les'actionna.ires. kurtout les actionnaires d'une sociétéanonyme
qui ne sont pas tenus au-delà de leur souscription, peuvent raisonna-
blement hésiter à consentir des sacrifices supplémeniaires - ce qu'on
appelle du bel argent -dans l'espoir desauver leur mise.
C'est pourtant, commc vous l'a montréhl. Lauterpacht (supra, p. 460)
ce que Sidro a fait dans une mesure considérable et la question se pose
même sérieusementde savoir si, en poursuivant la lutte avec cette
intensité jusqu'en 1956. soit jusqu'à quelques années après la vente,
Sidro, loin de manquer à son obligation d'épuisement, n'a pas étébien
au-delà de ce qu'on pouvait attendre d'un plaideur normal.
Dans le passage cité dans la duplique au début de mon exposé, le
Gouvernement espagnol considère, il est vrai, qu'indépendamment des
recours de la sociétéfaillie, il y a lieu de prendre en considération les
recours des actionnaires et obligataires qui auraient pu et dû épuiser
simultanément les voies de recours quileur étaient ouvertes.
A vrai dire, lorsque le Gouvernement espagnol parle des voies de
recours ouvertes aux actionnaires, à premihre vue, on ne comprend pas
ce qu'il veut dire car il se met en contradiction avec cet autre passage de
la duplique que je viens de vous citer égalementet où, plus exactement,
il constate que les actionnaires n'ont pas personnellement d'actions.
Mais ce qu'il a en vue, c'est le fait que certains actionnaires comme
Sidro joignaient à leur qualitéd'actionnaires celle d'obligataires. Et qu'à
défaut de pouvoir intervenir comme actionnaire, Çidro pouvait le faire
en tant qu'obligataire et, disent-ils, Sidro aurait manqué à sesdevoirs en
n'agissant pas comme obligataire. 11est exact que Sidro cumulait cette
qualitéavec celle d'actionnaire, mais la Cour voudra bien se souvenir que
Sidro était non seulement obligataire mais de très loin le principal ac-
tionnaire de la sociétéBarcelona Traction, que Sidro -comme principal
actionriaire de Barcelona Traction - avait pleinement connaissance du
contrat intervenu entre la Barcelona Traction et la National Trust aux
ternies duquel 13 S;iti~i,;iTru:t ai..~it le niuiiuyx~l<Ir1:1I>rotestii>nilr,
ohIig~t;iir~s et qi1'11<!tait ~i~~~r;ilemeit~otut fxit irn1~osjit)lt:i Siclru
(l'iiitciitçr uiii::<ciioniiidicia;ililIicu et place tir I:LSntional l'riit en
violation d'une clause-formelle des coutrats.de trust.
Quant à la troisihme observation que j'ai relevée hier commeétant un
des points juridiques sur lesquelsles Partiesétaient endésaccord,ils'agit
de la auestion de savoir cc au'il faut entendre Dar efficacitélorsaue l'on
se troive devant un point dédroit sur lequel 1; jurisprudence esbagnole
est, non pas divisée, mais absente, c'est-b-dire lorsqu'il n'y a pas de578 BARCELONA TRACTION
décisiondu Tribunal suprême.La Cour se souviendra peut-être qu'au
cours des exposéspréckdentscertains de mes collèmes, et peut-êtremoi-
même.nousnous sommes trouvésdevant des situaTiionsseriblables.
-Ide~ou\'ernemerit l~elgene fait aucune difficulté à adniettre ue c'est
en fonction de la jurispydence nntionale que le droit espagnol 3 oit étre
i11tt:rprLipiar une autorit6 internatioriale. >laiil ne peut pas souscrire
{i la tIi$sz fomul2c dans la duplique par Id (;ouvcrneinent espagnol
{L) ..II.no22, p. 868) sui\.ant laquelle. <.detoute évidrnce. I'incxistencc
d'une jurispmcience d'espèce eit autre chose qu'une jurispmdence
négative i,et devrait avoir pour conséquence d'imposer aux intéressés
l'intentement d'une action dont la jurispnidence ne démontrerait pas
l'inefficacité.
Si le Gouvernement espagnol avait entendu soutenir que i'absence de
jurisprudence relative à l'objet d'un recours ou à sa recevabilité ne suffit
pas à écartertoujours l'obligation d'épuisement, à dispenser les intéressés
d'exercer ce recours, nous serions aisémement d'accord. Mais il serait à
notre avis certainement inexact de considérer les recours au suiet
dcsquels n'existerait aucunt juriiprudence commt ayant toujours ;ne
apparence d'efficacité sufisÿntc pour qu'ils soient obligatoires. Cela
conduirait à imuoser aux int6ressésI'intentement dc recours tellement
absurdesque jamais personiic avant eux ne les aurait teiitéset qu'il n'y
aiirait pJi trace d'une jurispnidencc dcmoiitraiit leur inefficitcitC. '1
toutc évidcncc, en 1'~bseiic~<Iciun;oriidenc< il{.lut chercher dans la
ligisl~tion clle-iiiEnic.évcntuellen;cnt hans la doctrinr ou dans la prdtiqu:
judiciaire, des élémentspcrniett;int d appr&cier si 12 recours en\,isagç
doit. cndroit es]~agnol,, treconsidéré>oitcomme prob:il)leriieritinefficace.
soit comme eKicn<:es.oit méiiieconimedouteux. 1'ul~lig:ition d'épuiseriieiit
n'existant quc d.<risleideux dçrnierscas.
Aprèsce préambule théorique, voyons si vraiment un quelconque des
causés àoses ressortissants par les agissements des autorités espagnoles,
administratives ou judiciaires, doit êtreécartécomme non recevable
pour non-épuisementdes voies de recours interne.
Je commencerai par la catégoriedes griefs pour lesquels l'examen sera
le plus rapide pour la bonne raison qu'ils n'ont fait l'objet, en Espagne,
de la part des intéressés,d'aucun recours quelconque. J'ai en vue, la
Cour l'aura compris, les griefs relatifs aux actions administratives.
Suivant le Gouvernement espagnol, deux voies s'ouvraient à Barcelona
Traction ou aux sociétésauxiliaires ou à tout autre intéressé qualifié
pour s'en plaindre: le recours hiérarchique et le recours contentieux
administratif. Le ~remier s'adresse au ministre. le second au Tribunal
suprçrne Pour 1'11et I'at~tre,le Goi~\~çrilcmentbelgc a ni6d;iiis in procç-
diire ecritciIn foisqu'ilsaient 6tL:aiiessil,les et ilii'ils:iicnt préde:t&
~)ossibilitsiiffis:intrsd'efficacitépour eii imposer 1'g-niploi
Le premier puiiit ~oiil&\.~des qii~~stionsJC 11rc,ites[);tgnol <:tje scr.li
bref i cc siijccar I'incfficacit6cîrt;iinc iles r~,c"iirsq#i<l'on rcyIlr .i
Rare-cloiiTr;ictioii (lenr p:ii avoir introduits rrsiiltç :ivcctnrit d'>videriy
Jc I'cx;~meiisommaire clesgriefs <:ilqu~stiori qu'il nie parditrait exce,ssif
de dciii~iider i I:i Cour d'c:ntcndre iin espos5 <litnillGcles qucsrioris
juridiques soulevées en l'espèce. Je me bornerai donc à lecexposer
sommairement.
Lerecours hiérarchiqueest lerecours au ministre contre les décisionsdu
sous-secrétaire d'Etat et des directions généralrsd'un ministère. Ce PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 579

recours prévu pour le ministère de l'agriculture par un règlement général
de procédureadministrative du ministèredel'agriculture du 14juin 1935
a étérendu applicable à l'instruction des dossiers du ministère du com-
merce par ordonnance du 25 juin 1942. Les articles 19 et 26 de ce règle-
ment généralsont reproduits dans notre Liÿre orange '.
Le Gouvernement espag~iola soutenu dans sesécritures que l'Institut ,
espagnol de monnaie étrangère,en abrégéI'IEfiIE, qui a eu à connaître
des demandes de Barcelona Traction relatives au plan d'arrangement,
était assimilable à une direction généraleet que ses décisionspouvaient
donc faire l'objet de recours hiérarchiques. Le Gouvernement belge l'a
contesté et il a reproduit dans ses observations et conclusions le texte
d'un arrêtdu Tribunal suprême.cité tort dans les exceptions, car on y
trouve dans un considérant l'indication formelle que I'IEME «n'avait
aucune obligation de se conformer aux dispositions du règlement de
procédurequi est d'application pour le ministère du commerce » (O.C.,1,
p. 267,note 1).
Ceci dit, il est exact qu'il résultait de deux autres arrêts de 1957 et
1959 qu'en fait des particuliers, avant de s'adresser au Tribunal suprême
par la voie du contentieux administratif que j'exposerai dans un instant,
avaient effectivement utiliséla voie administrative (O.C.,1, p. 266). et
voici que, dans la duplique (VII, p. 896 et A.D. nos193 à 197, vol. III,
p. 454 et suiv.) nos adversaires produisent triomphalement le texte de
cinq décisionsdu ministre du commerce statuant sur des recours dirigés
contre les décisionsde 1'IEME.
Je crois toutefois que nos adversaires ont tort de considérer leur '
documentation comme décisive. Je pourrais me contenter de leur faire
remarquer que les cas dont ils font état datent de 1951, 1952 et 1953,
tous donc postérieurs à l'époque1945.1946 dans laquelle furent prises
les décisionsque nous critiquons. Celapermet de supposer que la pratique

qu'ils signalent ne s'est forméeque quelques années après l'époqueoù
le plan d'arrangement essuya les refus du ministèreet de 1'IEME.
Mais il y a plus, et ceci sans doute explique cela. Aux termes de I'ar-
ticle 19du règlementgénéralde 1935.la notification d'une décision edevra
contenir l'ordonnance ou la décisionen entier, la désignation des recours
qui sont kventuellement pertinents et des délaispour les interposer ..n.
J'ai la conviction que si le Gouvernement espagnol avait bien voulu
joindre aux cinq décisionsministérielles reproduites dans les annexes à
la duplique le texte des communications qui ont étéfaites aux intéressés,
la Cour y aurait découvert que dans ces cinq espèces l'on avait effecti-
vement indiquéaux intéressésquelsétaient lesrecours dontilsdisposaient.
Dans les communications qui furent adressées aux représentants du
groupe de Barcelona Traction, il n'y a l'indication d'aucun recours
quelconque. D'autre part. dans les décisionsde 1'IEME que le professeur
Nann a incriminéesdans sa première plaidoirie (szcpra,p. 80), il n'y a
que des embryons de motifs et aucune indication quelconque de recours.
Dès lors, de deux choses l'une: c'est que, ou bien, en 1946, I'IEME
estimait que le règlement de 1935 ne s'appliquait pas à lui, ou bien qu'il
a jugé sa décisionsans recours, notamment non susceptibte de recours
hiérarchique. Vu les circoristances dans lesquelles elle était prise - et
sur lesquelles je reviendrai dans un instant - ce que le Gouvernement

1 Document déposé au Greffe contenant les traductionsde dircrstextes juri-
diques espagnols.Non reproduit(voirX, Correspoiidance, n98 et99).580 BARCELONA TRACTION
belge ne peut admettre, c'est que l'on soutienne que pareil recours était
ouvert alors que l'Institut, à trois reprises, aurait induit en erreur les
membres du groupe de la Barcelona Traction en lui taisant l'existence de
pareil recours.
A aui fera-t-on croire aue l'abstention d'aeir des intéressésdans de
telles conditions puisse aviir pour effet de leur gouvernement de la
possibilitéde faire valoir leurs griefs sur le plan international?
-uant au recours de contentiëux. la aue.tion est ~lussimuleencore.
LJ~iijsoii :,nicle ~irciiii<,(r&palcnicntr~l~ro<lutl.;iiiiotre'Litrcorrr,rqz)
IJ luidiiir jiiiii8(,4sur I'cxerciccJe Iiijiiritli~tiuiicoiitenticiisc ntlniinis-
trativt- pr>vnit lerr:ouri aui>r?j (liiTrihiiiinl su~rCmccontre Icj d;iisioni
adminiitratives qui réunisséntles conditions s4vantes:

primo, lorsqu'elles sont irrévocables:
secundo, lorsqu'elles émanent de l'administration dans l'exercice de
facultésréglementées;
tertio. lorsau'elles uortent atteinte à un droit de caractère administratif
établi'antéÎieureménten faveur du demandeur par une loi, un règlement
ou un autre précepte administratif.

Pourêtresusceptibles de recours contentieux administratif, lesdécisions
de I'IEME devaient donc réunirtrois caractères. Or, en l'espèce,elles ne
possédaientau moins pas le deuxième ni le troisième.
En effet, les décisions prisesen matière de devises n'étaientsoumises à
aucune prescription légale quelconque. L'administration avait un pou-
voir discrétionnaire d'appr.c.er s'il convenait d'accorder ou non les
autorisations deiiiiiii~l~~r~E.til i.?t ni.<iiiii.it~.d .iiitrc ~i, u<1c.ir<'~us
lie portiiiciit i~iic~iiiti-lttilnte ii uii droit CI?c:ir.ic:r;:rc.tdniiiiiitratif quc
Uarceiona l'rncti.>ii c:r soli croupi ;iur3i~~rittir; <Ic II'II?.::si; iluelld loi
ou règlementantérieur.
C'est donc à tort que le Gouvernement espagnol soutient cette thèse
et j'ajoute que c'est à tort qu'il croit pouvoir nous opposer en duplique
un arrêtdu Tribunal suprêmedu 24 octobre 1957 (A.D., vol. III, no 192,
p. 449) Si la Cour veut bien lire le premier considérant, elle constatera
qu'il confirme entièrement la thèse que je viens d'exposer. Il s'agissait
d'un recours relatif à une décisionurise concernant le taux du change
ii~i~~liciilAliiiilicence d iiiii~urt:iri~ri.II j';igiisiit dc procluitj ~liiiiii~i~i
d'origiiir iiCerlandaisc. 1. niinist?rc public oppos:iir uiie exception
d'inconiuCtenc~c tir;,< tlif31taue In riiiesrion relc\.nit tlii ~ou\.oir Jii:ri.-
tionnai; du gouvernement. ia COU; écarta ~'exce~tion,~estimant qu'il
lui appartenait de vérifiersi

«lorsqu'il s'est fixéses-propres limites en obligeant l'administration
de 1'Etat à respecter ces rPglestant qu'elles ne seraient pas abrogées,
le gouvemement dans l'ordonnance, objet du recours, lésait ou non,
dans le cas d'espèce, les droits particuliers de caractère adminis-
tratif correspondant ».

Cela peut paraître assez hermétique, mais cela devient fort clair
lorsqu'on constate qu'une certaine quantité de sulfate d'ammonium
Drovenant desPavs-Bas. comme ie viens de le dire. avait fait l'obiet d'une
Ticencequiavait 8téaccordée à in taux de changéC,conformément à la
réglementation en vigueur à l'époque.Un ordre ultérieur du ministère PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 581

du commerce es~agnol décidaque le sulfate d'ammonium ap~artiendrait
dorénavant aubg;oupe D de; changes spéciaux, et l'administration
prétendit appliquer aux importations qui se trouvaient déjà couvertes
uar la licence ~Ïévovantle change C le nouveau change moins favorable
qui Çtait dais la nouvellë réglementation. II Y avait dans cette
application rétroactive une lésion manifeste de droit administratif
acquis et on conçoit que le Tribunal suprêmeait fait droit au recours.
Est-il besoin de dire qu'en l'esphce, lorsque Barcelona Traction se
heurta à des refus, elle ne pouvait faire état de la violation d'aucune
dis~osition &a-e ou rédementaire. ni d'aucun droit administratif
:isqios en wrtu de diq>o.irionî ICgnlcsqui auraici1étkm<:ruiinues.
la duplique pour convaincre la Cour que nonobstant-lesrt partrestrictions
dérivant de l'article premier de la loi de 1894. le Tribunal suprême,
mêmelorsqu'il est saisi par la voie contentieuse administrative d'un
recours dirigé contre un acte administratif relevant du pouvoir discré-
tionnaire, doit se considérer commehabilitépour censurer tout arbitraire
ou détournement de pouvoirs. Le contre-mémoireavait cité ence sens un
arrêtdu z octobre 1931; la duplique en a'oute trois autres du 4 février
1928,du 29 mars 1933et du 3o juin 1936 (II., "II, p. gor. 902).
La Cour voudra bien constater qu'aucun de ces arrêtsn'est postérieur
au début de la guerre civile, et ce bienque la procédure des recours de
contentieux administratif suspendue en 1938 ait étéremise en ,'gueur
par la loi du 18 mars 1944. N'est-il interdit de conclure que depuis la
réouverture de cette procédure, le Tribunal suprêmese montre moins
enclin qu'autrefoisà encourager les recours contre l'arbitraire?
Mais même sil'on se réfèreaux arrêtscités,on constate qu'en fait
il s'agissait chaque fois de cas où l'autorité administrative était accusée
d'avoir statué hors des limites de sa compétenceet en violation de regles
obligatoires.
Ainsi il en va du cas de l'arrêtde 1931.Comme la réplique l'a signalé
(V, no 867, p. 627). l'administration, sous Primo de Rivera, avait pris un
décret royal du 16 mai 1926 que le Tribunal suprême en1931 considéra
comme une violation de la Constitution de 1876. Le Tribunal suprême
décida en conséquence
«qu'en prenant l'ordonnance royale attaquée, la Présidence du
Conseil des ministres a agi sans compétence et en abusant de ses
pouvoirs n.

C'est pour celaque la décisionest annulée,et j'attends avec impatience
qu'on me montre où se trouve, dans l'arrêt reproduit en annexe à la
duplique (A.D.,vol. III, no198, p. 465). une indication quelconque que
le Tribunal siiprêmeaurait entendu contrôlerl'appréciation des faits par
l'autoritéadministrative et son évaluation du montant de l'amende.
C'estdonc tout à fait gratuitement, pour reprendre l'expression dont se
sert la duplique(VII,no44, p. 901) que le Gouvernement espagnol relève
le fait qu'il s'agit en l'espèced'un acte administratif concret adoptédans
unematiérediscrétionnairepar excellence, puisqu'elle touche au maintien
de l'ordre. L'observation est démunie de toute pertinence puisque ce
n'est pas là-dessus qu'a portéle contrôle du Tribunal suprême.
Les trois autres arrêts citésprêtent le flancà des observations iden-
tiques.582 BARCELONA TRACTION

Il s'agit dansl'arrêt de 1928de la iïxation du chef-lieu d'un canton par
l'autorité cantonale sans observation des critèresque la loiimpose.
Dans l'arrêtde 1933. le considérant reproduit dans la duplique (VII,
p. goz) n'affirmele pouvoir de contrôle illimité du Tribunal suprêmeque
Dourvérifiersi. en menant ses décisions,l'administration a fait usage des
pouvoirs que l'uiréconnaît la loi ou s'il'y a eu exces de pouvoir. Ce que
le Tribunal suprêmevérifien'est donc pas la manière dont il a étéfait
usaee des ~ou;oirs. mais uniauement 1; auestion de savoir si l'autorité
adrniuist:a'&e est restéedans ieslimiteslégales.
au tribunal municioal no 193I,de Madrid. Le Tribunal su~rêmesemble greffier
effectivement s'arroger des pouvoirs assez étendus. hiais la portée
véritable de sa décisionest indiquée par elle comme étant le fait que
L'autoritécompétente avait elle-même épuis6sonpouvoir discrétionnaire
en décidant préalablement la désignationdu greffier, que de telles dési-
gnations devaient sefaire suivant l'ancienneté, non suivant l'autre sys-
teme autoriséDar laloi.à savoir le concours. et.au'elle avait méconnu la
furcc ol>ligato;requi s'attacliaitj.cette dicision jusqu'à son abrogation
,:Iri'ohjervant pas le critérede I'ancieiiiiete dails.1101.xc c~greherd<
tribunal.
Si mon estimé contradicteur revenait sur cette argumentation, je
prierais les membres de la Cour qui attacheraient de l'importance à la
question de consulter le texte entier des décisionsinvoquées dans la
duplique qui eu donne les références,mais je crois vraiment qu'ils
pourront s'en dispenser quand ils aurontconstatéqu'en l'espècela nature
des griefs formuléscontre les autorités administratives espagnoles et les
circonstances dans lesquelles les actes incriminésont étéaccomplis ne
permettent pas le moindre doute quant à l'inefficacitéde tous recours
hiérarchiques ou de contentieux administratif qui auraient ététentés.
De quois'agit-il en effet? Le professeur Mann vous l'a exposédans les
audiences des 17 et 18 avril (sz~pra,p. 55-109). 11s'agit avant tout des
refus d'autorisation relatifs la dernikre modalitédu plan d'arrangement.
Le groupe de Barcelona Traction fut informéd'abord du rejet d'une
demande formuléepar Ebro par deux communications datees du 30 avril
1946, l'une de l'IEME. l'autre, du mêmejour, émanant du ministre
(APuis, le12 décembre1946,aprèsune nouvelle démarchedu groupe de la
Barcelona Traction. avant de lui répondre, le ministre fit aux Cortes la
déclaration fracassante (supra, p. 18)que la Cour connaît et c'est deux
jours seulement plus tard que 1'IEME confirma,le rejet de la troisième
modalité,rejet qui fut confirmépar lettredu ministre du même jour.
Je demande ilaCour:
Toute question de 16gislationet de jurisprudence mise à part, eût-il été
sérieuxde la part des porte-parole ou répresentants du gfoupe de Barce-
lona Traction d'adresser dans ces circonstances au ministre un recours
hiérarchi.ue .our au'il réformeles décisions rise espar lui-mêmeou avec
...~~~.~rd?
Eût-il étésérieux de demander aux représentants du groupe de
Barcelona Traction de s'adresser au Tribunal suprême par un recours de
coiitcntirux administratif pour qu'il se penche k son cour siir le dossier
(lu plan d'arrangement et discerne dans Icsdécisions prises des \.iol:<tioiis
de lois ou de ?èglements, ou des marques d'arbitraire- à supposer,
quod non, qu'il eût compétence pour censurer ces dernieres - alors que PLAIDOIRIE .DE M. ROLlN 583

les auteurs des demandes eussent étédans l'incapacité soit d'indiquer
quelles étaient les dispositions légales violées,rlls n'en connaissâient
pas, soit d'étayerleurs soupçons d'arbitraire et de discrimination par les
nombreux faits et documents qui ne vinrent qu'ultérieurement % leur
p. 95 et suiv.)?dont hl. Mann vous a fait le lumineux exposé (supra,
A cet argument. le Gouvernement es~aanol a bien voulu reconnaître
dans I:iduplique (\'II, p. 897,plr. jq) ~sïuellement,. une üppareiice de
puids. mais puiir le rcjcter aiissiti.~aprc'scomine vaine rliétorique, ctir,
nuuj rxi~liquc-1-il, Ic rt:fu.sdu ministr,: ct de 1'1):.\115était motivé i)ar
l'insuffi<anie des renseignements fournis,en sorte que le recours hiéiar-
chique aurait pu êtreaccueilli s'il avait étéaccompagné des renseigne-
ments demandés. Tene veux pas qualifier cette obiectio~idu Gouverne-
ment cspagiiol; qu'il me siiflise'lÙifiiircohser\.er ;liie cette qucstioii des
reiiscigiiements prétcndiimcnt dcmaiidr:s et prétcnduniciit non fournis
est toialement éirangère à la question du non-épuisement des voies de
recours interne. C'esttrèsexactement la question qu'a plaidée ledocteur
Mann et il a, je crois, de façon décisiveréfutéla thèse espagnole. De
toute façon ilseraità tous les pointsde vue de ma part hors de propos d'y
revenir.
Ajoutons pour finir que l'opposition au plan d'arrangement ne cons-
titue pas Le seul grief dirigé contre les autorités administratives. ,Le
professeur Mann l'aexposé à la Cour. Il a également indiqué,en se basant
sur nos écrits.que des griefs non moins graves existaient concernant les
facilitésdonnéesau croupe March et à Fecsa Dourse rendre acauéreurs
de l'affaire(sufira,P. 9j); d'autre part, en ci qui concerne la kaniere
anormale dontavaitété forméela commission internationale d'experts et
surtout la maniére dont les conclusions de cette commission avarent été
cornrnuniqu5s ofici~ls espagnols. ce quirafounii aux syndics un prétexte
,>Oursolliciter 1'autoris:itioiiCI,i!.tIsuarn.D.aY et sui\..).
Fallait-il que sur ce; points aussi s&ei;t iriiroduits des kecours tiiérar-
chiques ou de coritentietix admiiiistr;~tif Dourque le Gouvernement belge
soitautorid à faire valoir sesmiefs devait la Cour? -
Une tellesupposition est. Gr sa nature, tellement évidemmentabsurde
que le Gouvernement espag.ol-lui-méme n'a pas voulu l'avancer dans
ies écritures.
J'eu arrive maintenant aux recours motivés par les griefsrelatifs aux
actesdes autoritks iudiciaires.
Je crois utile, pburI;iclnrtC dc mon L-xposk,de distinguer, parmi les
griefs formul6s par Ic Goui,~rncment I>zlgerelativement I ces actes.
quatre cat6jiories auxqutlles correspr~ridrontnCcessaircnienr quatre cat6-
-ories de récours dont l'omission-aurait ~our cons6auence d'enlever à
la Cour 11connaissance des griefs n(.glig~<ssir le plan iniernAmoins que
la preuve soit faite qu'il; euaeiit 6t;'iiiefïicaces.
La oremièrecatéeorievise les eriefs relatifs aux usumations de com~é-
tencci la deuxiéme:ccux relatifs-au jugement de failliîe et ;iux décisions
connexes; la troisiéme.îeiix rel;itifs ailx mesures de I>locagequi cnusérent
I'aioumement au-delà de tout délairaisonnable des recouÏs diriees contre
1e;gricfs des deux catégoriesprécGJtntes; la quatrihme catégo;e vise lcs
griefi relatifA la nomination des syndics. aux actes prApa-atoires à la
Genteet àla vente.
En d'autres mots, ce sont les griefsq;i ont étéexposessuccessivement584 BARCELONA TRACTION

par le docteur Mann, par 1; professeur Van Ryn, par moi-mêmeet par
IlcT'aborded'abord la auestion des recours motivés var les eriefs relatifs
à ïusurpation de comp&ence. -
Le professeur Mann vous a exposé,dans l'audience du 5 mai dernier,
quelles étaient les dispositions de la loi espagnole que le juge de Reus
avait mentionnées à l'appui de la juridiction et de la compétence qu'il
assumait pour connaître de la demande de faillite dirigéecontre la société
canadienne Barcelona Traction. Il a montré à la Cour l'erreur grossière
et manifeste commise ainsi par le juge de Reus dans l'application de la
loi espagnole.
A l'audience du 6 mai, il a fait un exposésemblableen cequi concerne
le jugemerit du premier juge spécialdu rz février 1949 par lequel fut
rejete le déclinatoirede juridiction opposépar Boter.
C'est en effet, la Cour s'en souviendra, un homme de paille de Juan
March qui. singulièrement, prit l'initiative de soulever l'importante
question de juridiction; mais son attitude fut si singulière que le juge
sdcial releva cette~co~duite comme une des raisons de le condamner
Lux frais de l'incident pour témbritém~nife;te.
Aiiur6iiiznt. un tcl jimu1:icdc: contestation dc iuridictioii, qiii ne fiit
au'nn rét texte à susaensions successives de la vrocédure. n'aurait vas
sutli isatisfaireà la coiiditioii d'c'piiiscindcs voies <lerecotirs
13:ircelona1'r;ictionn'intervint ~)~~rnrne<liatcnientcil Esl):ignc ni pour
coiitester la iuridictioii ni pour :.tt:tt:aifimd Itiiideniciit de faillite.
Si elle n'agi<pas immédiatement, c'éstparce que c6n;aincue - Ajuste
titre, comme nous le montrerons - qu'aucun délai d'opposition ne
courait contre elle. elle avaité-ard aux mises en ea-de de ;es conseils
considCr6een Grande-Brrt;igrir oii cr;IICanada conirnc ayant ;içceptL'larï
iuridiztioii dps tribunaux esua~noli si. les tnbuntiiisSC déclarant corii-
'pétents, elle avait cornpan; devant eux, fût-ce uniquement pour en
dénier lacompétence.Cela parait saugrenu mais une jurispmdence en ce
sens s'était établie en Grande-Bretagne à la suite de l'arrêtde la cour
d'appel Harris v. Taylor, en 1915 (z KB 580), et elle n'a étémodifiée
qu'à la suite de la position inverse adoptée par lord Denning dans un
arrêtRe Dulles'Setllementde 1951 (Ch842et 850).
Lorsque Barcelona Traction se rendit compte toutefois que les sociétés
auxiliaires étaient réduites à l'impuissance par les décisions qui leur
contestaient qualité pour agir et par les substitutions d'avoués,elle se
décida,malgréle risque que je viens de signaler, à entrer elle-mêmeen
lice et elle le fit par une opposition en date du 18juin 1948 Alaquelle elle
donna, comme tout premier motif, le manque de juridiction destribunaux
espagnols à son égard.En mêmetemps, elle demandait que le juge spécial
lui fît notifier le jugement de faillàtToronto (A.M.,vol. II, p. 441). En
suivant cette voie pluttit que d'intervenir devant le juge spécialdans la
procédure pendante relativement au déclinatoire Boter, Barcelona
Traction espéraitéviter de consolider l'effet suspensif attaché par l'arti-
cle114de la loide procédurecivileaux déclinatoiresde compétence,forme
que Boter avait indûment donnéeAsa contestation de juridiction, sans
aucun doute pour provoquer cette suspension.
Mais le juge spécial, tout en admettant Barcelona Traction comme
partie à la procédure de faillite, estima ne pas pouvoir statuer sur les
deux demandes qu'elle avait introduites, notamment sur celle relative à PLAIDOIRIE DE Dl.ROLIN 585

la compétence, mêmepas pour les recevoir a trimite,à raison de la
suspension résultant du déclinatoire Boter.
Le 27 novembre 1948 u,ne deuxième offensive fut prononcée par le
groupe Barcelona Traction contre la juridiction des tribunaux espagnols.
C'est toutefois National Trust qui comparut à la procédurede faillite
en limitant volontairement son écrità la démonstration du manque de
juridiction des tribunaux espagnols et en demandant que cet incident de
compétence soit joint à celui pendant devant le tribunal et relatif au
déclinatoire Boter. L'argumentation de cet écrit National Trust est
particulièrement soignée: ellecorrespond sensiblement à celle qui a été
développéepar le professeurMann, on y trouve notamment descitations,
les memes des professeurs Trias de Bes et Guasp (A.M.,vol. III, no141,
P. 5'7).
Malheureusement. comme la Cour le sait. la National Trust ne fut pas
reçue comme partie par le juge spécialet le recours en reconsidérafion
contre son ordonnance fut tenu,par décisiondu 25 mars 1949 ,nsuspens
nendant auinze ans
~arcelôna Traction comparut alors elle-même,le 23 avril1949 , oins
d'un mois après l'ajournement de la demande de National Trust en
proccrluri. peiidantc (luv:int la cour cl';ippcirclativcmtiit au di.cliiiatoirc
LIoteret, aprks que cette procGcliireeut ire susp~ndu~.pcndaiit quatre ans
uar l'incident Genora. Uarcelona'lraction -et c'estI;<iiiatricmt.initia-
;ive prise par le - le II avril 1953 d,éveloppa devant la cour
d'appel un long réquisitore contre la juridiction assumke par le juge de
Reus et admise par le juge spécial,et, tout en demandant la Cour de
refuser à Boter le nouveau délai extraordinaire de preuve qu'il avait
demandé. déclara sejoindre à son appel du jugement qui avait rejeté
son déclinatoire (A.M.,vol. IV, n229, p.887).
L'écrit compte cette fois 25 pages. II n'a pas étéalléguéjusqu'ici
qu'il fût incomplet.Le déclinatoirefuà nouveau suspendu par l'incident
de nullitéAndreu et Sagnier, introduit et prolongédans lescirconstances
que j'ai exposéesà la Cour au cours d'une audience prkcédente.,
A cette date, du reste, il y avait quinze mois que l'adjudication à
Fecsa avait eu lieu, en sorte qu'à supposer qu'il se trouvat encore en
Espagne une juridiction disposée à mettre à néant, par une décision
d'incompétenceaussi tardive, ce qui s'était fait depuis12efévrier1948,
l'efficacitédu recours aurait étéfort douteuse.
Ne suis-je pas, dèslors, en droit de conclure de cepremier examen qu'en
ce qui concerne le grief de dénide justicelato sensu par une vjolation
grossièreet manifeste du droit espagnol l'exception de non-épuisement
s'avèresans fondement?
Il est vrai que, dans le contre-mémoire, le Gouvernement espagnol
nous a opposédeux objections; l'une et l'autre ne manquent pas d'une
~e~ ~ ~~~ ~dace.
LL il>cliiiatoirc de Hutcr nurnit Sti tardidCslors,cgal~riit~iittoiitcs
leiioiitest.ntiori~ult61iei<:niaii.iiitdc Barcelnn~Tr;~ctiari et de Satio-
na1Trust qui avaient étésoulevées soiten liaison avec l'incident Boter
soit séparément.
D'autre uart - nous dit-in - les recours de Barcelona Traction ne
pou\,aient houtir trvant les jiiri(lictioni esp:ignoles),:irce133son
nctc iiiitinl d'opliojiti<,iidaiis lec~uelcllr ~Iéiiiaitla )undiction, pararlux:i-
1t:iiiciitr211raurait acquits:irettc juridictiuii. On iruit rêvrr. :\injij86 BARCELONATRACTION
l'incident Boter, dont l'effet suspensifs'est prolongépendant quinze ans.
aurait di êtrerejeté des l'origine comme tardif. et personne ne s'en
serait aperçu, ni lejuge de Reus,ni lejuge spécial,ni mémela cour d'appel
de Barcelone lorsqu'elle statua en 1963. Et il n'aurait pas suffi que
BarceIona Traction présentât sa dénégation de la juridiction des
tribunaux espagnols en têtedes moyens indiquéscomme formant partie
de son opposition: par un maléfice inattendu, sa contestation de la
juridiction des tribunaux espagnols aurait eu la portée et l'effet d'un
acquiescement.
Ces deux objections parurent au Gouvernenient belge à ce point
saugrenues lorsqu'il rédigea la réplique,qu'il crut pouvoir ne pas en faire
mention dans le corps mêmede ce document et les reléguerdans deux
annexes (A.R.,vol. II,n"s~~7et 118.p. 595.603).
Le Gouvernement espagnol n'est pas revenu dans la duplique sur
l'argument juridique développépar nous relativement à la prétendue
tardiveté. Je crois,d6s lors, pouvoir me dispenser de lui faire une place
importante dans ma plaidoirie. Je me réfkredonc, pour autant que de
besoin, à la réfutation contenue dans nos écritures. Je désiretoutefois
souligner que le Gouvernement espagnol reconnaît lui-meme qu'en vertu
de l'article 74 de la loi de procédure civile les questions de défaut de
juridiction aussi bien que celles d'incompétencerationematen'aepeuvent
êtresoulevéesd'officepar le juge. L'article 74 prkvoit expressément que
cela vaut également pour la juridiction d'appel. Du moment que la cour
d'appel pouvait d'officesoulever la question de compétence,il va de soi
que cela impliquait pour les parties le droit de les lui signaler, sans
s'exposer au reproche de tardiveté.
Je ne m'attarderai pas davantage à rencontrer les appréciations
gratuitement malveillantes mais sans portée pratique émises dans la
duplique quant à l'attitude de la Barcelona Traction au cours de ces
premiers mois (notamment, VII, p. 744et suiv.).
Quant au prétendu acquiescement de la société faillie à la juridiction
des tribunaux espagnols, c'est dans une annexe à la duplique (A.D.,
vol. II, njj, p. 489) que l'on trouve une note intitulée: «Silence de la
répliquebelge au sujet de la valeur de la soumission en tant que titre de
juridiction et compétence des tribunaux espagnols. u Apparemment, le
Gouvernement espagnol joue sur les mots lorsqu'il dénoncenotre silence
puisque, comme je l'ai dit, la question a été abondammenttraitée par le
Gouvernement belge dans une annexe à laréplique, l'annexe 118.
Quant àson argumentation, je suis gêné de confesser que je ne l'ai pas
compnse.
Elle commence sous le numéro Ipar une double affirmation que je prie
les membres de la Cour de bien vouloir écouter avec attention car. à
premikre vue, la logique du Gouvernement espagnol ne correspond à
la mienne, et i'ai lieu de croire, pas non ~luà celle de la Cour. Voici ce
que je lis:

@LeGouvernement es~acnol a prouvé aussi aue l'article 74 du
Code <leprocédurecivile'inïerdit aiix juges d'intFodiiird'otfic~des
questions de compctcnce, a moins qu'il ne s'agisse d'apprécier leur
manque de juridiction ou de compétencerationëmateriaë.i (Ibid.)
C'est l'article dont i'ai fait mention ,l v ~ ~n instant. Cet article est
trhs semblahlei celui que connaissent 1:iplupart de nos Iégislatioiis.
\lais la duplique cn tire cette conclusion sinyli+reuLe juge de Kcus iic PLAIDOIRIEDE M. ROLIN 587
pouvait donc s'abstenir de recevoir la demande [il s'agit d'une demande
de nullité)sous prétexte d'un manque de juridiction ou de compétence. r
En logique, on semble devoir étre conduit à une déduction diamé-
tralement opposée, à savoir que le juge de Reus. ayant pouvoir d'intro-
du~r~ d'officedes auestions de manaue de iuridiction ou de com~étence
rurione ?nureriue-'s'est que <litfa prcrii$re phrtise-. pou\'a;t s'abs-
teiiir pour ses niotils de rece\.oirlitdeniandc de faillite. Et du mornent
que la <~ucstioii e juridictiuii. comme ccllc<lecoiiipCtencernlionenrurerinc
<Ioi\.ciitCtre considCrces cornnie d'orilrc public, cela doit suflire. a inon
~\.is.i c'carte13 qu~jtioiiJe I'nc~~uiejiemeiit,de la \~:iliditl:d'un acquies-
cementéventuel. -
Au surplus, on voit mal comment Barcelona Traction, en déposant un
acte du 18 juin 1948 en têteduquel elle contestait la juridiction des
tribunaux espagnols, devrait être censéel'avoir acceptee. Le Gouver-
nement belge a, dans une note de cinqpages de fait et de droit, développé
les arguments de texteet les autorités dedoctrine et dejurisprudence qui
militent contre pareille thèse.
Le Gouvernement espagnol, pour sa part, se borne à reproduire l'arrêt
de la cour d'appel de Barcelone du 15mai 1963suivant lequel il y aurait
eu acquiescement (ibid.. p. 491, note 3). Pour le surplus, nous sommes
accusésde nous êtreservis
«d'opinions doctrinales qui ne servent absolument pas d'appui [à
nos prétentions] et de[s] citations de jurisprudence qui prouveraient
exactement le contraire de ce que le Gouvernement belge affirme u
(ibid., p. 492).

C'est là assurhent une appréciation sévère,mais elle est aussi vague
que sévère,et, comme à la relecture de l'annexe 118 à la réplique, les
autorités invoquées par nous continuent à me paraître convaincantes,
j'attendrai que mes estimés contradicteurs veuillent bien montrer en
quoi nous nous serions trompés (A.R.,vol. II, p. 599et suiv.).
Rappelons au surplusque dansl'affaire Niel-on-Rupell-dont ilaétéfait
état dans les écrituresdesdeux côtésde la barre -. la sociétéfai!lie con-
que nul ne songektonàdmettre en doute la régularitéde cette mani6re d'agir
et à considérerqu'il y avait acquiescement (A.R., vol. II, nq718, p. 602).
Voilà ce que j'avaisà dire au sujet de l'épuisementdes voies de recours
relativement à notre grief de la violation grossièreet manifeste,du droit
espagnol commise par le juge de Reus en assumant la juridiction pour
prononcer lafaillite de la Barcelona Traction.
Mais ce n'est pas le seul grief formulé par le Gouvernement belge
relativement aux usurpations de juridiction.
Dans sa plaidoirie du 5 mai dernier, le professeur Mann a dénoncé
aussi un second grief consistant dans la violation du droit international
en matihre de juridiction lorsque le juge de Reus avait prononcé la
faillite de la Barcelona Traction (supra,p.400).
Et dans un troisièmeerief, il a déclaréviser la violation du droit inter-
national en matière dëcompétence d'exécution (enforcement jurisdic-
lion) consistant dans (supra, p. 420):
Primo, l'octroi par le juge de Reus d'un, curieux et unique titre de
possession sous une forme médiate et civilissime d'actions de sociétés
auxiliaires de la Barcelona Traction, alors que ces titres se trouvaient5s8 BARCELOXA TRACTIOX
Secundo, la décisiondu séquestre provisoire, approuvée par le com-
missaire, de se servir des droitsattachés auxdits titres pour révoquer les
membres du conseil d'administration de ces sociétésauxiliaires, les
canadiennes y comprises.
Tertio, la décisiondu séquestre provisoire, approuvée par le commis-
saire, de nommer des nouveaux administrateurs d'Ebro et des autres
sociétésauxiliaires.
Quarto, les résolutions des pseudo-conseils d'administration des
sociétés auxiliaires, ratifiéespar de pseudo-assembléesgénéralesdécidant,
en apportant aux statuts les modifications adéquates: que le registre des
actionsserait tenu iBarcelone: aue les bureaux et le sièeesocial seraient
transftrr';à i3:ircelone:(~IICdestitres de rern~~lnct.mc.nstcraient cmii;
I'iiii~>ii:ssioieit 1L:iiiii~ rioii\~(;nuscertific:it~d'actionsliiwiite: dcs
nouceaux titres en janvier 1952 et leur remiseilFecsa quelques mois plus
tard.
Je n'aurai garde de répéterl'excellente démonstration qui fut faite à
ce sujet par mon collègue et ami, le professeur Mann. Ma tâche est
simplement de convaincre la Cour que si, en ce qui concerne ces divers
griefs, les auteurs des recours ne se sont pas directement réclamésdu
droit international, ils ont itérativement réfuté,dans les recours que
nous avonscitésplus haut et dans ceux que je mentionnerai à la fin de
ma plaidoirie, l'existence des liens de rattachement avec 1'Espagne
nécessairespour l'exercice de la juridiction en matière de faillite. Ils ont
également soulignéle situs au Canada des actions dont les tribunaux
espagnols attribuèrent fictivement la possession et la jouissance aux
organes de la faillite et quifurent dans la suite annuléset remplacéspar
les faux titres. Nul doute, dès lors, que les tribunaux espagnols eurent
la possibilitéde se prononcer pour le respect des principes de droit inter-
national s'ilsestimaient que la loi espagnole le leur permettait.
Il est vrai que, suivant nos estimés contradicteurs, les décis,ions
incriminées furent rendues conformément à la loi, soit que celle-ci les
leur imposât, soit qu'elle lestolérit.
Je n'ai pas besoin de direà la Cour que si mémecette thèseétaitadmise
comme vraie, contrairement à ce que le docteur Mann a plaidédans la
première partie de sa plaidoirie, elle serait sans portéesur les violatioiis
du droit international que mon collèguea dénoncées à la Cour, dans la
deuxième et la troisièmepartie de son exposé.
".ai lein nconfiance dèslors aue la Cour ne sedéroberaDas àl'examen
dc nos grieis tl'iijurpdtioii dr cumpitence en aiiueil1;iiit iii;r çxception (le
iion-Cpiiiscnieiitdes \,oies Jc rccoiirs interne.

L'audience,srrspendt~e à IO It40, estreprise à II herires

J'aborde maintenant la deuxième catégorie de recours, ceux qui
concernent les griefs relatifs aux décisionsde jugement de faillite et
décisionsconnexes.
(:'ejtau sujet de cette carr'gr~riedc.gncfs q111I:c Gouvcrncmcnt espa-
gnol a dori116i sa qiiatri6nit: cuieptioii Ic inasinluni d';iiiipli:ur \'II,
p.h7h, 905. 911 et suiv.]. Sa théserne parait poujoir SC rcsumer en trois
I'V'l.L"'
Primo. Icseul recours qui cùt prçscntéde I'ethcacit(.pour faire tomber
le jujicriitnt <lefaillite, au seils qur le (lroit intern:itioiial Jonnz au terriie
arffi~acitéalorsqu'il p:irle de I'<it~ligad'épuijemeiit,r'tait l'opposition PLAIDOIRIE DE 31. ROLlN 589

de la société failli. esrecours quiémanentd'autres entitésseraient donc
sans pertinence.
Secundo, en fait, Barcelona Traction n'aurait pas introduit d'oppo-
sition, son acte du 18 juin 1948 qu'elle qualifie tel n'aurait pas eu ce
caractère, non plus que les écritsultérieures.
Tertio, à supposer qu'il en fût autrement, l'acte du 18 juin 1948 ne
pouvait aboutir parce qu'il serait tardif vu que, à cette date,plus de huit
jours seseraient prétendument écouléd sepuis la prétendue publication du
jugement.
C'est à ces trois objections que je vais maintenant m'efforcer de
répondre.
Primo, quant à la première,je commencerai par rappeler à la Cour que
la société faillien'étant,pas plus que lessociétés auxiliaires ou la National
Trust, la personne en faveur de laquelle une réclamation a étéportée
devant la Cour par le Gouvernement belgeet, d'autre part, lesactionnaires
belges n'ayant pu agir que par penonne interposée, faute de disposer de
recours propres, il importe peu, du point de vue international, que les
actionnaires intéressés à la défenseaient provoqué ou financé le recours
de Barcelona Traction ou de l'une ou de l'autre des entitésprécitées,du
moment que la justice espagnole a eu la possibilité de redresser ses
erreurs. - -
C'est doncsur le plan internequ'il y a lieu d'appréciersiles recours qui,
en fait, ont été intentés pard'autres que la Barcelona Traction, à savoir
les sociétésauxiliaires, leur personnel supéfieur et la National Trust,

étaient ou non adéquats, c'est-à-dire accessibles, efficaces et suffisants,
et, dans l'affirmative, s'ils ont étéépuisés.Je ne peux, sur ce point, que
m'en référer àla plaidoirie que j'ai prononcéesur le blocage des recours.
Ai-je besoin de rappeler à la Cour qu'Ebro et Barcelonesa furent les
premières frappées, dès le 13 février 1948,que ce fut par un véritable
dénide justice au sens étroit du mot que le juge de Reus, et après lui la
cour d'a~ . L~e Barcelone refusèrent de les entendre en faisant bon
aciueil aux subterfuges du groupe March et en ratifiant, par leurs déci-
sions. les contestations de qualité et les désistements effectués après
s- ~ ~ ~ ~ ~ d'avoués.
J'ai retracé pour la Cour les avatars de quelques-unes de ces pro-
cédures dans ma plaidoirie sur les blocages -e recours à l'audience du
28 avril dernier (sÜpra, p. 269 et 291).
La Cour se souviendra que l'impuissance où Ebro se trouvait ains/
réduite la paralysa alors mêmeque, se conformant aux suggestions qui
lui étaient faites, elle introduisait des actions déclaratoires soit pour
revendiquer son patrimoine, soit pour contester la qualit4 d'adminis-
trateur de ceux qui avaient éténommés à ces fonctions par le séquestre
provisoire. Le volume II de: annexes au mémoire(nos77 à 83, 92.93. 116
à 121) reproduit les pièces essentielles de ces procéduyesdont une énumé-
rationà peu prèscomplètefigure au tableau desprincipaux recours publié
en annexe aux observations et conclusions (vol. II, no 31, p. 399). Ce
tableau occupe quarante pages; il est évident que je ne puis songer à le
lire, mais je m'y référeraifréquemment. IIemporte la conviction qu'Ebro
a fait tout ce qui étaiten son pouvoir pour recouvrer les droits inhérents à
sa personnalité et qu'ainsi il a pleinement étésatisfait à l'obligation
d'épuisement ence qui concerne lesgriefs viséspar elle.
La chosen'est du reste pas contestéepar le Gouvernement espagnol qui
préfèrese borner à écarterdédaigneusement lesrecours d'Ebro. parce que 5g0 BARCELONA TRACTION
des recours en reconsidération du jugement de faillite ne sont pas i'équi-
valent de l'opposition du failli, présentéecomme le seul remède efficace
par le Gouvernement espagnol.
Monsieur le Président. nous ~arlerons en son temDs. c.est-à-dire dans
peii d'iiijtaiits, de l'oppoiition qui lut intentbe par R:irceluii<il'ractioii.
Yaii je dois attirer I'attcntiuiilr I:Cour sur l'erreur grave dans laquellc
verse~le Gouvernement es~aenol en raisonnant comme il le fait. Assu-
rénieiit,le wcours dé 1'Ebrh portait pas sur 1enscmtilc ilii jugt:rn\,d,:
Piillitc ct nc peut doiicsuffircpoiiroii\'rir la pirl'action iiiternlitionalc,
rel;rti\,eiii,àitoutes les i1li~oalitque 11.le vrsfcssr.iir \'an l'<;ir<.l<:-
véesdans le jugement de fayllite et'les jugements connexes. gais si on
compare les griefs formulés par lui, au nom du Gouvernement belge,
avec les motifs et les obiets de la demande de reconsidération et les
actions JL:slaratoircs intr6diiitt.s p;ir Eljro. 11'3pas (le pcinc i cons-
césaux iuridictions es~aciiolcs ct <lueI'Etnt dL:fendeurne ~ciit. des lors.on-
s80pposér à cequ'ilssoie2 examiné:par votre Cour. .
Il en va ainsi notamment du premier grief indiqué, à savoir de la
méconnaissance arbitraire de la personnalité juridique des sociétésEbro
et Barcelonesa, puis celle des autres sociétésfiliales et sous-filiales,
en saisissant leurs biens pour les incorporer la masse faillie (supra,
P. 143). . .
Ceciest directement l'objet du recours d'Ebro du 16 février1948,et de
son action en revendication du 15 septembre 1949 (M. 1,,no 145, p. 69;
A.M.,vol. II ,o77, p. 326).
De même,la normalisation des filialespar révocationet remplacement
de leurs administrateurs (supra, p.222) a fait l'objet de l'action décla-
ratoire d'Ebro (mayor cz<antia) intentée aux administrateurs illégitimes
le 6juillet 1949 (A.M.,vol. II, no 118.p. 427). et le 28 février1956encore,
d'une action déclaratoire de BarcelonaTraction contre les organes de la
faillite et lessociétéauxiliaires passéessousle controle de Fesca, deman-
dant I'aniiulation des actes accomplis par les organes de la faillite au
sein des sociétésauxiliairesdepuis la déclaration de faillite(M. ,,no25-.
P. "5).
Le grief relatifà la révocation des administrateurs ne fit du reste pas
seulement l'objet de recours de la part des sociétés privées de leur direc-
tion statutaire, les administrateurs évincés,aussi, se pourvurent contre
cette décision(A.M., vol. II, no 87, p. 348), tandis que, par un autre
recours, ceux qui avaient étérévoquésen tant que personnel dirigeant
demandaient la réformation de l'ordonnance du commissaire qui avait
prononcécette révocation (A.M.,vol. II, no 84, p. 342). contestant à la
Reus et l'usage que le commissaire en avait fait. Or, cela aussi,est un des
griefs du Gouvernement belge qu'a rappelés le professeur Van Ryn

(~~Dèslors qu'il en est ainsi, dèslors qu'en tant que préjudiciés,Ebro et
lesautres sociétésauxiliaires,leurs administrateurs légitimeset dirigeants,
étaient en droit de se défendre,et que, quelle que soit la voie par laquelle
ils tenterent la chose, ils en furent empêchéspardes dénisde justice au
sens étroit du mot, il est clair que leurs recours suffisent à interdire à
I'Etat défendeur d'opposer à la réclamation de 1'Etat belge l'exception
de non-épuisement en cequi concernelesgriefs essentiels que je viens de
citer. PLAIDOIRIE DE 11. ROLIS 59I

Et il n'en va pas autrement des griefs relatifsaux mesures de pseudo-
normalisation des sociétésauxiliaires et de l'émissiondes faux titres.
Monsieur le professeur Van Ryn les a exposésen détail (supra, p. 222
et suiv.).
Tous ces griefs firent l'objet de recours multiples, tant de la part de
National Trust que de Barcelona Traction. Ces recours n'ont pas donné
lieu àcritique déla part du Gouvernement espagnol. 11serait Ôiseux,dès
lors, de les énumérer.La Cour en aura trouvédu reste la relation dans le
mémoire belge et les écritures ultérieures, notamment dans le tableau
joint aux observations et conclusions (A.O.C.,vol. II, n-31, p. 415 à 417
et 439.
Qu il me suffisede souligner, aprèsMcVan Ryn, la gravitédel'atteinte
nouvelle, nullement prévue dans le jugement de faillite, qui fut ainsi
portéeaux intérêts deBarcelona Traction et de ses actionnaires.
Ifais j'ai hate d'en arriver aux deuxième et troisiAme observations
suivant lesquelles Barcelona Traction n'aurait pas exercé,du moins dans
les délais légaux,le recours que l'article 1028 du code de commerce de
1829 et l'article 1326 de la loi de procédurecivile réservent au failli, ce
qui, si la chose était exacte, mettrait I'Etat défendeur à l'abri d'une
partie des griefs qui ont étéexposésdans les écritures du Gouvernement
belge et que McVan Ryn a développésen plaidoirie.
Barcelona Traction comparut à la procédure par un écrit du 18 juin
1948 (A.M., vol. II, no 125, p. 440). La sociétéy demandait, en ordre
principal, que le jugement lui soit notifiéet qu'il soit pris acte de sa
comparution; dans sa demande additionnelle, elle demandait que son
opposition au jugement de déclarationde faillite c soit tenue dèsà présent
comme faite en temps et forme iiet que le tribunal ouvreu la pièceséparée
de la procédure relative à l'oppositionB qui devra comprendre les divers
documents que lerecoursénumère.
Pour soutenir qu'il n'yeut paslà opposition, le Gouvernement espagnol
prend prétexte, dans le contre-mémoire(IV,p. 354).et à nouveau dans la
duplique (VII, p. grz), de certains considérants contenus dans la deman-
de additionnelle, suivant laquelle la société failliefaisait remarquer adès
maintenant et pour le moment oppotiunii qu'elle demandera la recon-
sidération du jugement de faillite et SC basait sur les articles 1028 du
code de commerce de 1829et 1326de la loi de procédurecivile, et que le
moment venu elle fondera son opposition sur l'incompetence et les autres
raisons qu'elle indique. On souligne les mots <<lemoment venu iiet les
mots pour le momentopportun ,n.
En outre et certes, si tout l'écritétait à l'unisson de ces mots que je
viens de souligner, le Gouvernement espagnol pourrait soutenir qu'il n'y
avait pas là opposition, mais seulement intention ou annonce d'une
opposition, comme il le soutient dans le contre-mémoireet la duplique.
Nais il y a le dispositif de l'écritdu 18juin 1948,dans lequel, comme le
soulinne la réplique,il est clairement demandéau tribunal de tenir dès à
présckt l'o..osit'ioncomme faite en temps et forme. que la pièceséparée
;rlati\.c i1'nppo~itinnsol1constitt16~ ~t L1l1lre coiite~>ioit CommtiRiquc
i L<arceloii;'ilrnction poii<litc<;oii a\.ou&puisse dé\,elopperles inotifs de
son opposition »,ce qui corfispond trèsexactement auxdispositions de la
loi (art. 1326de la loi de procédurecivile).
La réplique a aussi souligné (V, no 824, p. 600) que le jugement du
7 juin 1963, par lequel le juge spécialde l'époquea rejeté la demande
formuléele 18 juin 1948, porte expressément dans son dispositif:5g2 BARCELONATRACTION

nil n'y a pas lie...de déclarer recevable ni dedonner suite à 1'0990-
silion formuléepar ladite sociétécontrele ~.gement a.
Donc. en 1461 encore. sous réserve d'autres raisons oour reieter
l'opposition, on considéraitque l'écritétaitvéritablement uAopposi'tion.
La dupliquefait, il est vrai, observer (VII, no67.-p. 913) que les déve-
Io~~ementÇdes motifs d'o~oosition aui taient annoncésdans l'écritdu
18 juin n'ont jamais étép;Ôduits et {u'on ne les trouve notamment pas
dans l'écrit confinnatif présentépar la société faillie le3 se-tem-re
suivant.
Mais le Gouvernement espagnol perd de vue, en arguant de la sorte,
que parsuite de la suspension résultant du déclinatoire Boter l'opposition
de Barcelona Traction ne fut mêmepas reçue provisoirement par le juge
spécialet que celui-ci en suspendit l'examen jusqu'h cequ'il ait étéstatué
sur la question de juridiction, c'est-à-dire sur ledéclinatoireBoter. IIn'y a
donc pas eu possibilité. pour Barcelona Traction, avant le mois de juin
1963. d'introduire un écritde développement. C'est pourquoi la société
recourut àla demande incidente de nullitédes 5 et 31 juillet 1948dont il
sera question dans un instant.
D:ins ces cuiiilitions, je ne puis considérerque comnir pure chicnnc In
cuiitcstation de la rC;ilitc'deI'ul)poaitionprCsenti1~ .Sjuin 1948.
Au surplus si rnCineil a\.>it +te i>ussibledcnizrIcc:irnct6re d'ovi~usition
de cet &rit du 18 juin, comme& s'y prendrait-on en ce qui'&ncerne
l'écrit confirmatif du 3 septembre 1948 (A.M.,vol. II, no 135. p. 493)
auquel je viens de me référer,dans lequel Barcelona Traction a demandé
expressément au juge spécialde
econsidérerqu'est ratifiée, à tous les effets pertinents, l'oppositioà
la déclaration de faillite de la société, mamandante, dans la forme
exposée et sans préjudice de l'incident de prononcé préalable et
spécialsur la nullité de la procédure que-.'ai soulevéau nom du
mêmemandant a.

Rien de spécialn'était survenu entre le 18juin et le 3 septembre 1946,
Barcelona Traction auàdToronto de la commission rogatoire de notification
des saisies qu'avaient envoyéeles syndics (A.M., vol. II, no 134. p. 491).
Cet écritdu 3septembre étaitdonc de nature à purger complètement celui
du 18 juin du vice d'équivoque que le Gouvernement espagnol prétend
y déceler, àsupposer que cette critique ait étéjustifiée.
Mais, nous dit le Gouvernement espagnol, et c'est manifestement son
principal cheval de bataille, à supposer que l'écritdu 16juin 1948 ait eu
le caractère d'une opposition, il était tardif.
Monsieur le Président, Messieursles juges, ilne peut pas êtrequestion
qu'il ait été tardif.Les exceptions préliminaires de 1963 rappellent à ce
sujet qu'aux termes de l'article 1028du code de commerce de 1829,

«le débiteur mis en faillite est admis à former recours contre le
jugement ayant déclarélafaillite dans ledélaide huit jours ouvrables
à compter de la date de publication de ce jugement conformément
aux dispositions en vigueur II(E.P., 1,-. 249).
Ceque je viens de vous liren'est pas la reproduction littérale du texte
de l'article, mais c'est la reproduction littérale du résuméqu'en donnent
les exceptions préliminaire; de 1963 et j'y trouve la reco<naissance par
nos adversaires que,suivantcette disposition,la publication du jugement PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 593

de faillite ne peut avoir poureffetde faire courir le délaid'opposition de
huit iours accordéau failli au'à condition aue la ~ubliAation ait étéfaite
« conionnément aux disposiiions en vigueu; a.
Il est étrange, dès lors, que les rkdacteurs du volume d'exceptions
préliminairesde 1963 n'aient pas cru devoir indiquer quelles étaient ces
dispositions en vigueur. Me Van Ryn vous les a citées. Elles sont fort
bréves;il s'agit en réalitéd'un seul paragraphe de l'article 1044 de la loi
de procédure civile, le quinto de cet article, qui prescrit au tribunal
d'ordonner

"la publication de la faillite par avis dans la localitédu domicile du
failli et dans les autres localités où le failli a des établissements
commerciaux, ainsi que soninsertion dans lejournal de la place ou de
la province s'il en est D.

Lesilence desexceptions préliminairesde 1963sur cepoint est d'autant
plus singulier qu'en 1960, lors de la premiere instance engagee devant la
Cour, !e Gouvernement espagnol avait, dans le texte des exceptions
préliminaires, donné un résumédes dispositions en vigueur; un rEsumé
singulièrement fantaisiste mais qui avait la qualitésuprême à ses yeux de
faire apparaître la régularitédes publications du jugement de faillite
comme à l'abri de toute discussion. Il disait:
itoute déclaration doit faire l'objet d'une publicité au lieu où la
faillite était déclaréeou bien au lieu où le failli a des établissements
de commerce »(C.I.J. Mémoires,BarcelonaTraction,Lightand Power
Compa?zy,Limiled, p. 398).

Si tel était le contenu des dispositions en vigueur auxquelles se réfère
I'article 1028du code de commerce de 1829, que la Cour soit convaincue
que je ne plaiderais pas l'irrégularitéde la publication qui eut réellement
lieu.
En effet, la publication qui avait eu lieu B Tarragone, chef-lieu de la
province où se trouve Reus, suffisait, d'aprks ce résumé, puisquec'étaitlà
l'endroit où la faillite avaitétédéclarée.On pouvait mêmeavec pas mal
d'audace - mais le groupe Afarch et le juge de Reus n'en manquaient
pas - assimiler les sikges sociaux ou siègesd'exploitatioii d'Ebro et des
autres sociétésauxiliaires, c'est-à-dire Barcelone, à des établissements
commerciaux de Barcelona Traction et dèslors la publication au journal
de Barcelone non seulement se comorenait. mais B elle seule. elle était
suffisantepour satisfaire aux vŒuxdél'article 1026du code decommerce
et de I'article 1044de la loide procédurecivile.
Mais comme Cour l'aura constaté. le texte exact de I'article IO~A.
quinto. icliii q11<v,ouh :i It11'\':in 11>,1t1:,st total~iii~~ititlCrcnt et b<.:.u-
iuiip pli15csigérint I..,~>ul>lic:itio iiilieu oii sii'gclc trihiiii:il n'vip:i>
prO,ii"t siId f.iilli.I iiiCt-,l)lissini~iitcoiiiiiirrci;il cil il'.iiitrcs en(lr<iit>
que soii domiiilz. il faut uiie piil>lii:ttioiinon sculciiiziit d;ins cc, t:ii(lroits
où elle ;ides étahli.ijcm~~iits~omrnerci1ii m;iis;iiiisi iioii iloriiicile
I:iiefiet, (l;iiisIc.teste i~;rital~lc,II'!;ipas In ~:uii~,,iictiocci>iibicii.A.

il v a Iiiconjonction ..eto; il faiit la public:ition ail doiiiizilcrtdans 1r.s
endroits ou la soiiktc a ti\.entuellcmznt des établissçiii,~iitiummcriiaiix.
Ajoutons que si deux publications sont requises, c'est évidemment la
dernière en date qui fait courir ledélai,ceque la duplique reconnait dans
un autre passage (VI,no 199.p. 319).
Ainsi, à supposer mêmequ'on eût pu considérerla publication faite à594 BARCELONA TRACTION

I3arielone comme régiiliirr. elle ne pouv2it pas suffire i faire courir Ir
lieu etuu'ëlle n'a iamais eu lieu.publicntion à Turontü aiissi dev:iit iivoir
On comprend des lors la discrétion observéepar les exceptions prélimi-
naires de 1q63sur les dispositions en vigueur en matière de publication.
11a doncfallu trouver autre chose. Vous connaissez cette autre chose:
1;ip~iblicatioii,suivant Ic Couverncm~nt cspngiiol. serait uiirict,. d rwpi-
,tuni. tout comiiic lis:iisie<Irst~imsdii failli1-Li;ouvC'rnem~'n~ t ipiigilul
nrétendit. bizarrement. qu'elle ne ~ouvait donc pas donner lieu à corn-
missions rogatoires. comme . si 1c.i~ornmissioiisr6gatoitcs ii':~voitnt pas
prCciiéinentpour objet de laire appel iI'inip?rtrrrnd'Etats étraiigersafin
de fairc cx$cuter cr.rt;iiiir,jdfcisiuiis iudiciaires Et ~lut6t aue de rccrgurir
i des cominissiuiis rugiitoircs, sul~ioser c~u'ciiesfussent iRdispciisnb~,-j.
le juge de la faillite serait autorise i procfcler i iine sorte <I'~.rj~tzdc
~ublication enterritoire national
Ainsi. oii phide A la lois (lue la loi espagnole ~iitorise ses tribiinnuxa
pronoiiccr In laillite de coniinerTaiits 6trÿngers qui n'ont en Espagne iii
.<iégsiocial ni établissement commercial ni avoirs et, ég:ilement,quc cette
mCme ICgislation esqÿgnolc, dans routes ses dispositions léfi;iles,est
r.xcliisi\.cinr.nt oneiitec \'ers iirie cx<:sut<luine pcut avoir lie-IIqii'cn
territoire national età laquelle aucune commission rogatoire ni procidure
d'exécutionne peut suppléer(D., VI, p. 316, et VII, p. 907).
Comprenne qui pourra. Mc Van Ryn a, pour autant que de besoin,
vrocédé à une réfutation en règlede cette fable isubra. D. 1- , Ae l'arti-
de 1044ne prévoirait que des mesures d'exécution ierriforiales.
Je crois pouvoir me dispenser de la répkter, mais je voudrais, avec sa
peÏmission;ajouter à sa démonstration ciqui me paraît devoir mettre un
terme définitif à une mauvaise querelle.
Dans l'affaire de Barcelona Traction, il y a eu un autre magistrat que le
juge de Reus qui s'est trouvé devant une difficultésemblable quand il
estima nécessaired'ordonner les publications d'une de ses décisions.J'ai
en vue le premier juge spécial qui, le 28 juillet 1949. statuant sur la
demande en reconsidération de la sociétéNamel, à l'invitation ex.ress.
de la cour d'appel de 13arcelorie<lui,ydr son arrA dii 7 juin 1949.avait
dkidr' de faire cchapper i la suspriision la convocation Jc I'asscml~lCc
généraledes créanciers,ordonna que cette convocation, que cette réunion
des créanciersait lieu le rg septembre suivant à II heures du matin.Mais
que fit-ilpour la convocation des créanciersdont le domicile étaitignoré,
comme c'étaitle cas pourla majorité d'entre eux, puisqu'il s'agissait des
obligataires?
Le jugement prkvoit:
«on les insérera [les avis] en outre dans les Bulletins Officiels de
1'Etat et des Provinces de Barcelone et de Tarragone, et dans deux
journaux parmi ceux de plus grande circulation de Madrid. Barce-
lone, Tarragone, Reus, Toronto, Londres, Genève. Paris et Romea
(A.BI.,vol. III, no153,p. 602).
Ainsi la dkmonstration fut faite par le premier juge spécialque loin
de relever de I'imberitrm. la nublicat~o~ à l'étrangerd'un avis iudiciaire
rclaiif iun acte q;i, chose piiliiantt,, est pré\.udansléincniearticlc 1044
dii cudc ~lecomrnercedc 1620 que la piil~lirationdu iuceineiit de iliillite, h
savoir, sous le septimo, était-possible sans mêméavoir recours à des
commissions rogatoires. Ainsi s'effondre l'argumentation tortueuse par PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 595

laquelle nos adversaires se sont efforcés de dissimuler l'irrégularité
certaine des publications ordonnées le 12 février1948par le juge de Reus
et l'impuissance de ces publications à faire courir le délaid'o..osition de
huit jours.
Barcelona Traction n'étaitdonc nullement forclose lorsque, le 18 juin
1948, elle déposa son écrit. Sans doute avait-elle attendu quatre mois
avant d'agir et avait-elle préféréc ,omme le dit la duplique, lancer les
sociétésauxiliaires à l'attaque. Cette conduite était inspirée par les
raisons que j'ai déjà exposées à la Cour et nullement par les mobiles
invraisemblables aui sont aratuitement prêtés à la sociétéfaillie par la
dupliqiic. C'est jc;lemeiit I>;irc~qu'elles~r~iiditconipteqiic. yir jii;ttrlej
mesures iltblocage, les sociCtCsnuxili~ires nc r6usiircnt pas à sv fairç
cnttndri, qu't:llcs'est dicidL'e <Ientrer ellc-meme en lire. in:iisc';.tait si)ii
droit d'agi; ainsi du moment que le délai d'opposition ne courait pas.
Sansdoute n'avait-elle pas d6veloppédans ses écritsses griefs contre
le jugement de faillite, annonçant, conformément la loi, que leur déve-
loppementferaitl'objet d'un écritultérieur,mais si cet écrit nefut jamais
présenté,elle ne peut en êtrerendue responsable puisque ce fut la consé-
quence de la suspension de la procédureprolongee au-delà de tout délai
rai~o~nable.
C'estdés loriI'ciiivml~lcdes griefs rel:itilsaii'ugeiiieiit de faillitc qiii sr
troui.t cduvert p;ir I'ol>pvsirioiidii 18jiiin 1()& ct par I'lcrit confirrii~tif
ct qui IICIIdia lorsêtrt:\~:il:il>lt~ni~Crift6r6ila Coiirpar11C.ou\~vrii~-nient
belge.
Surabondamment, je me permets de présenter à la Cour une dernière
observation.
Supposuns qut. I'oppo~iti~~idit 13arcéloiiaTrnction cùt 616iiitrodiiitc
nun 11:'Ic:18juin 1945mais le 13 fr'wier r94S: cllc n'en aiir:iit pns moins
'tC suspcndue,c:tr Garciti clclCid ;<v:iitdéji iritrodiiid&s le 13IGvricrsuri
d6clinîtoiri. <Ircuinlhtcn<:t.ct Butt:r se teriait d:irisln coiilisse, prétiiiénie
:iv;iiiIr d&~>iidte I;ireqiiéte de fnillitc i introdiiirc son rliclinntoircde
iuridiction.-C'est celui-ci et non Das la tardiveté de l'o~~osition aui
yro\.oqu:i I';ijoiirrirrnerit sirie di? de l'examen & i'oppoji'tion. C'cst'lc
diclinatuire vuter et ce surit les niitri.s prnct:d(s (Ic blocage <Ic recours:
~UC j'ni <:xnminésdans ines plaidoiries <lefin avril (saprn, p. 240-306): <!III
ont cu cc rCsulttit d'çmlii.îlit.r jusqii'en 1963tout esanicn par lcs juridic-
tioric espagnoler des griefs lorniuléscontre le iuaement 11,:f:iillite et 1c.s
jugemeit<connexes. D&slors, plus l'examen des recours
- hélas!voués à l'inefficacit- qui furent dirigéscontre ces décisions,
est l'examen des recours qui furent utiliséspar les intéresséscontre les
décisionsjudiciaires qui instaurèrent le blocage. C'est la troisième caté-
gorie des recours dont j'ai annoncél'examen.
J'en arrive ainsi à cette troisième catégoriede recours, celle dirigée
contre les mesures de blocage. Je pourrai êtrebref sur ce point car, sans
aucun doute, des quatre catégories de recours, c'est celle dont l'exposé
est le plus étroitement liéavec l'exposédu fond, en l'espèce,avec l'exqosé
des divers movens de blocage des recours auauel i'ai moi-mêmeprocede.
- . ,
insi no; ad\.,-riaires n'ont pas con test^ qoç toiis Ics auteiirs dr ces
rccuur; ont f.iitde> cffurti consi~l~rnblcspour renverser les ol~ir.iclcsqui
leur barraient la route. Plusieurs des recours sont mentionnés dans le
tableau auquel je me suis déjàréféré, publié dans le volume des annexes
aux observations et conclusions, mais il est loin d'étre completen ce qui
concerne cette catégorie596 BARCELONA TRACTION
Bornons-nous à citer quelques casà titre d'exemple.
Primo, le 26 juin 1948. le juge spécial avait rendu une ordonnance
acceptant Barcelona Traction comme partie à la procéduremais. comme
nous l'avons vu, surséant àstatuer sur la demande de notification et sur
l'opposition (A.M.,vol. II, no126,p. 442).
Le 5juillet, Barcelona Traction introduisait un recoursen recousidéra-
tion (M., 1,no 150).
Le 5août, lejuge spécial confirmaitl'ordonnance (A.M.,vol. II, no127,
P. 443).
Le 9 août, Barcelona Traction interjetait appel.
Le 14 mai 1949. la cour d'appelconfirmait I'ordonnaiice (A.M.,vol. II,
no128,p.446).
11n'y eut pas de recours devant le Tribunal supreme, parce qu'un
pourvoi en cassation contre une décisionde cette espèce n'était, vu les
articles 1690 et 1729 de la loi de procédurecivile, sans aucun doute non
recevable,parce que cette décision ne mettait pas finà la procédure; c'est
pourquoi ilnefutpas formé.
Une deuxième tentative de Barcelona Traction pour mettre un terme
à la suspension eut lieu le 5juillet 1948.Cefut la demande de nullitéde la
procédure.Elle fut rejetée enpremièreinstance et en appel (A.M.,vol. II,
nos129,130,131,132 et 133.p. 447 à 491).
C'étaitpourtant bien le seul recours imaginable pour lever l'obstacle
auquel l'opposition de Barcelona Traction s'était heurtée, à savoir l'effet
suspensif attribué au déclinatoire Boter en vertu de l'article 114 de la loi
de procédurecivile. Il dénonçait notamment l'absence de notification du
jugement de faillite à la sociétéfaillie, les vices de procédure dans la
publication par annonces, les vices de procédure dans les déclarations
contenues au jugement à l'encontre des sociétés non déclaréeesn faillite,
l'illégalitéde la saisie des biens de la Barcelona Traction de manière
médiateet civilissime.
Le 31juillet 1948, ilétaitcomplétépar un nouvel écrit complémentaire
de Reus, notamment celle du 31mars 1948ordonnant la suspension de lae juge
procédurepar suite du déclinatoire Boter.
1.c; corisi:ide Harcçlona 'TractioncspCraient que. par une interpr4ta-
tion logique de l'article 744 de la loi dç prucrdiirr civile, 1;deinaiide
incidente de nullitéserait corisider6ecornriir;iv.iii1,-n;is sur . Ccl1n.z-
toire de procédure.Mais leur espoir s'avéravaiR.
Enfin, le 23 avril 1949, Barcelona Traction intervint devant la cour
d'appel de Barcelone dans la procédure relative au déclinatoireBoter et,
dans son écrit,elle demanda que la cour admette à un seul effet l'appel
que le tribunal avait admis à deux effets. Si elle avait réussi, le juge
spécialeût étéen mesure de statuer sur I'opposition qu'il avait déclarée
suspendue, mais la cour d'appel rejeta la demande par un de ses deux
arrêtsdu 7 juin 1949 (A.M., vol. II, no 113, p. 421) et je rappelle pour
mémoire à la Cour l'opposition acharnee de Barcelona Traction à l'inci-
dent Genora qui suspendit la procédure relative au déclinatoire Boter
lui-même.

L'aridience,suspeitdueà Ir h40, est reprise rr h55

Je suis arrivéaux recours de la quatrième catégorie, ceux qui ont été
dirigéscontre la décisionde la cour d'appel de Barcelone d'excepter de la PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 597

suspension de la procédurela convocation de l'assemblée générale pour
la nomination des syndics, ceux qui furent formés contre le jugement
ordonnant la convocation et ceux relatifs aux actes préparatoires à la
vente et à lavente elle-même.
J'ai déjàparlé des premiers. La Cour se souviendra sans doute de la
juin 1949.que je lui ai décritedans ma plaidoirie des 25, 28 et 29 avril
relative au blocage des recours. La cour d'appel, dans le moment même

où elle aioutait un étac- à la barrière aui emdchait la sociétéfaillie de
dé\,elopper ses motifs d'opposition devant 1; juge ipGcial. donnait :III
groupe Uarsli le I:<ii;t:~-passerqu'il dciiraict signih:iitau juge speiial
âjourne;la convo'cationdel'assemblée.de 13siisi)en~ion <IrIYi>rocédurepour

J'aj reconnu en plaidoirie qu'une fois l'obstacle de la suspension
supprimé par dispense illégalede la cour d'appel, disparaissait le motif
par lequel le juge spécialavait justifiéson refus d'ordonner la réunionde
l'assembléedes créanciers, bien que la loi prévoie que cette assemblée
doit se tenir dans les trente ionrs du iu,e,,nt. Barcelona Traction
cstiin:~iic;ininoiii<lï\.uirt<:iitt-rI'inil>os;iblc,fiit-cc cl:irisII.\,.iiri espoir
d'éviterqiie I'irrériiidiiblII?î'niconii>lisienvnnt qii'ellcait i>iid&vclopp~.r
ses ,>iefi
I,Ljugernciit or<lonn:int 1;icoii\~ocatioiiétait du 2Sjuillet 1949 (:1.>1.,
i.01 111,no 153, p. 600). l<lircelonaTraction interjeta ;ilipel Ic zq jiiillçt
inx et dzin:inJa uiic son ;iiincl soit admis ;idt:ux cifets. Lc I" :ioiit elle
i&sta, offrant de fkrnir caution.
La cour d'appel, par ordonnance du 2aoUt,le lui refusa (A.M.,vol. III,
no154,p. 603j.'
Le 17 juin 1950, arrêt de la cour d'appel confirmant le jugement
(A.O.C.,vol. II, no3r, p. 4x4).
Le 16 janvier 1952, arrêtdu Tribunal suprêmedéclarant le pourvoi
irrecevable (ibjd).
La nomination des syndics donna lieu de son côté à une sériede re-
cours (ibid p. ,15).
La Cour appréciera si, comme nous l'avons plaidé, ces décisions ou
certaines d'entre elles ont constitué des dénis de justice la10 sensu par
suite de la violation grossihre et manifeste du droit espagnol ou de
l'arbitraire qui lesa dictées.Maisje ne vois pas comment la Cour pourrait
songer à déclarer que, par suite de l'absence ou du non-épuisement des
voies de recours appropriées, la justice espagnole n'aurait pas étéen
mesure de redresser les décisionsjudiciaires, objets de nos griefs, en
sorte que la Cour se trouverait aujourd'hui dans l'impossibilité d'en
aborder l'examen.
Quant aux autres recours que j'ai rangésdansla quatrième catégorie.
ce sont tous ceux où furent visésles griefs exposéspar Me Grégoiredans
lestroisaudiencesdes I", 2et j mai et qui firentl'objet de son implacable
réquisitoire.
Ils concernent l'autorisation de vendre, les décisionsréglant les forma-
lités d'estimation des biens mis en vente, les décisionsapprouvant le
cahier descharges de la vente proposépar les syndics, la procédureayant
conduit à la vente, la vente aux enchèresdu 4 janvier 1952,son exécution
et son approbation définitives.
Tous ces recours, la Cour les retrouvera énumérés sousautant de
rubriques dans le tableau si souvent mentionné annexé à nos observa-5g8 BARCELONA TRACTION
tions et conclusions (ibid.,p. 417A433).Leur simple énumérationoccupe
seizepages.
Ces recours se prolongèrent bien après la vente. C'est ainsi que le
28 mai 1955 encore, Barcelona Traction intenta une action contre les
syndics et Fesca en vue de faire déclarer nul le contrat du 17 juin 1952
constatant authentiquement la vente et la délivrance des biens par les
syndics à Fesca. Cette action fut conduite jusque devant le Tribunal
suprêmequi dkclara le pourvoinon recevable (ibid..p. 430).
La Cour constatera qu'après la vente, les actionnaires eux-mêmes
entrèrent en lice. Ils estimèrent. par une construction assez ingénieuse,
que la société faillieayant étévidéede son patrimoine, ils devaient à-
toute évidence êtrereconnus par les tribunaux espagnols eux-mêmes
comme étant dorénavant les véritablespréjudiciésde ce qui s'étaitpassé
et comme devant être autorisés à agir.
Ily eut notamment l'action de fraude procédurale intentée par Sidro
devant le tribunal de première instance de AIadrid du 7 février 1953,
action qui ne visait pas seulement la vente, mais toute la procédure de
faillite qui l'avait précédée et suivie; l'action intentée par deux action-
naires belges de Barcelona Traction (MmeMathot et M. Duvivier), qui
faisait intégralement le procès du cahier des charges. Leur action se
basait principalement sur toutes les violations du droit espagnol dénon-
céespar leprofesseur Garrigues dans sa consultation (ibid..p. 433).
L'annexe aux observations et conclusions contient l'indication du sort
toujours funeste queconnurent cesdiversesactions.
Le Gouvernement es~aen.-. bien entendu. affec.e de tenir tout cela
pour n;gligcable. 11n'en dit iiiot d.~iijle cliapitre curisacrc ila <luatri6nie
du jugement de faillite et qu'iltf:illsid6s lors ilut. les intéresst:~le?aiciittj
signal& aux instances judiciaires compr'tentes espagiiolzs pour que le
C;ou\,~.rnementbelge soit :iiiiourd'hui recev;tble à en Inire l'obier d'uiiv
réclamationintern<tionale?
J'iii cependant relev; dnns une ;autre partie de la duplique ccrt;iinei
obiervations relative, idivers recours et ie ne \,eux pas m3nqiit.r dc Ici
rencontrerbrièvement.
C'estainjiqii'on trou\~edansInduplii~ue (\'Ilplr. 512.p. 561ct iiotc 2)
une objection que dans In proc;klurc intcriie il n':~urnit ricii ;!tt. ;III
suiet deI'obstnclelCralouc coiistitiiait. iluur I'ic,~ii\~ùi:iie I';isscinI>ll:c
dés créanciersappelée nommer les syndics, le fait que le commissaire
n'avait pas pu au préalable établir. conformément aux dispositions
impératives de la loi espagnole, la liste des créanciers au vu de laquelle
lejuge fixela date de cette assemblée(art. 1342,loide procédure civile).
11me suffira de prier la Cour de bien vouloir se référerau recours de
reconsidération (sziplica) (A.X., vol. III, no 151, p. 585) introduit par
Barcelona Traction contre le fameux arrêtdu 7 juin 1949 qui excepta
de la suspension la convocation de l'assembléedes créanciers.La société
faillie y a invoqué expressément l'article 1342 de la loi de procédure
civile qui fait obligation au commissaire d'établir la liste des créanciers.
Barcelona Traction en déduisait que la convocation des créanciersn'était
possible que quand cette liste avait étéétablie.Cette obligation légaledu
commissaire aencore été rappeléepar Barcelona Traction dans sonécritdu
13 octobre 1949 (A.M., vol. III, no 157,p. 616)par lequel elle attaquait
l'acte de nomination dessyndics. Lereproche du Gouvernement espagnol
s'avèredonc totalement injustifié. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 599

Il nous est reproché aussi -encore quela Cour ne pourra découvrirle
grief qu'à l'annexe 200 de la duplique (vol. III, p. 474) -de ne pas avoir
fait valoir dans l'ordre interne nos critiques quant au contenu du rapport
Soronellas. Il avait déjà étérépondu à l'argument dans la réplique (V,
no836, note I, p. 606).
Cette fois le Gouvernement espagnol veut bien admettre que le rapport
d'expert n'était pas, comme tel, susceptible de recours judiciaire. Mais,
nous dit-on. lorsqu'un tel rapport est pris comme base d'une décision,l'on
ne peut affirmer qu'il y a absence de recours appropriés.
La décisionqui a pris le rapport comme base est celle du zz novembre
1951 approuvant le cahier des charges, et je répondrai donc à cette allé-
eation en même tem-os uu'à celle qui vise une Drétendue absence de
recours contre ledit caher:
C'est dans la deuxième partie de la duplique que figure un paragraphe
intitulé: «Les griefs contre le cahier des charges n'ont pas étformuléspar
la faillie devant les tribunaux espagnols>>(D., VII, p. 656, et A.D.,
vol. III, nozoo, p. 473).
Le re~roche avaitétéformulédéiàdans le contre-mémoire (IV,no 274,
p.,4S~).'~ous y avons répondu dais la réplique en indiquant qie,-dais
1ecrit du recours en reconsidération formécontre l'ordonnance, la Bar-
celona Traction se réservait expressément de développer ses moyens, et
qu'il eût étéimpossible à son auteur de les présenter dès lesurlendemain
du dépôt dececahiervu le volume de celui-ci (V,note 3,p. 567, et p. 607).
S'il ne put êtredonnésuite à cette intention, c'est uniquement parce
que cette ordonnance, d'une gravité exceptionnelle, fut qualifiée icde
simple routine > ,ar le juge spécialOsorio, qualification qui fut ratifiée
Darla cour d'a~~eide Barcelone et aui avait pour conséquencederendre
i'ordonnance Gn appelable.
Le Gouvernement espagnol nous réponddans la duplique (VII,p. 657)
aue c'est la loi elle-mêmeaui fait la distinction entre les ordonnances de
&mple routine et les autre; (loi de procédurecivile, art. 376 et 377). que
l'avocat de la Barcelona Traction s'est sans doute prévalu dans son écrit
(A.C.X., vol. VIII, p. 404) de l'article 377 de la loi de procédurecivile qui
est relatif aux ordonnances qui ne sont pas de simple routine, mais qu'en
présentant son écritle surlendemain, alors que pour les ordonnances qui
ne sont Das de simole routine il disDosait de cinq i..rs. il a clairement
iiinrqii~~lt~'ilriitr~\~o!.li~~l'or~loiiii:tiicscerait ioiijidi.ri.t.coniiiicdcsim-
[>leroiitineet LIUC L'C~C~I.)i;îh,~iJroir <III<I:icour d'npl>c'lC:isuriroiir.
rrict; I'iiiii,.IIil<;.:lnrnntuuci',;t;,iinc orrlonn,iiiir di;iiiiplrouiinc
'~a Co;; ne sera pas dupéde ce raisonnement du momentque Barce-
lona Tractions'était prévaluede l'article 377 de la loi de procédurecivile
et pas de l'article 376 relatif aux ordonnances de simple routine. Elle
avait clairement indiquéqu'elle considérait l'ordonnance approuvant le
cahier des charges comme n'étant pas de simple routine; ce fut, dès lors,
manifestement la responsabilité exclusive du luge spécial Osorio, et
après lui celle de la cour d'appel de Barcelone que d'appliquer cette
qualification à l'ordonnance par laquelle le juge spécialavait approuvé,
sans avoir eu le temps de le lire, le gros volume que constituait le cahier
des charges.
Me Grégoireétait doqc pleinement justifiélorsque, dans sa plaidoirie
du 2 mai (supra, p. 374-375). il s'indignait de la qualification dérisoire
donnéepar les tribunaux espagnols à une ordonnance qui approuvait un
cahier des charges aussi insolite que celui qu'il a analysédevant vous.600 BARCELONA TRACTION

Pour énerver cette constatation, le Gouvernement espagnol ;I cru
pou\roir faire état de la corrzspondance échangéeentrel'avocat esp3griol.
.\leS;inchez. oui mena cette ~rocédure.et son client. le receiver
On peut s'étonner et regretter que le Gouvernement espagnol fasse
état d'une correspondance échangée entre un avocat et son client,
corresoondance aui ~araît bien couverte Darle secret ~rofessionnel: Mais
de to;te façon, iesècrits produits démontrent que,'quels qu'aient pu
êtreles sentiments de MeSanchez, il avait bien entendu à se réserverla
~ossibilitéde dévelovver ultérieurement ses movens a.nsi aue la loi lui
in donnait Içdroit. 0k:c'eit ccla qui importe.
Ajoutoiis qiir ci. ialiier des ~.li:arl;c.,n tant 111il compri.ii:iit d:inï
I'obict Jc ln ventc 1,-;;ictiuii>d'Ebro et de C:it~loiiinI.:intlin-criifs iI:~ns
les iegistres d'actionnaires au nom de National Trust, provoqua, de la
part de celle-ci, une action en revendication introduite le 3 janvier 1952,
que, dans les vingt-cinq heures, le juge spécialOsorio refusa de recevoir
a lrdmite (M., 1, no 226, p. 101 et 102).Cette procédure aussi fut poussée
jusque devant le Tribunal suprême.
Rappelons au surplus que le 27 décembre 1951, Barcelona Traction
introduisit encore une demande incidente de nullité de la procédure
(A.M., vol. Il', n" 208, p. 798) dans laquelle elle dénonçait diverses
irrégularités flagrantes qui viciaient le cahier des charges. Mais le juge
spécialOsorio refusa,par ordonnance du 31 décembre, de la recevoir a
lrdmile et, le IO janvier 1952, il rejeta la demande en reconsidération
introduite par Barcelona Traction (A.M.,vol. IV, no209, p. 809). Celle-ci
poussa la procédure jusque devant le Tribunal suprême(A.O.C., vol. II,
n031, p. 422).
A cette date du 10 janvier 1952,du reste. l'adjudication à Fesca avait
eu lieu aux conditionsinouïes que MC Grégoirevous a décrites.
Qu'est-ceque les intéresséspouvaient fairede plus pour l'empêcher?
Enfin, il me reste à rencontrer le dernier moyen que nous oppose le
Gouvernement espagnol. L'action du Gouvernement belge serait non
recevableparce que Barcelona Traction n'a pas tenté devant le Tribunal
suprême l'action en revision que l'article 1796, quarto, de la loi de
procédurecivile autorise con,tre les décisions qualifiéessentencias firmes
obtenues injustement à la suite de subornation, violence ou autre machi-
nation frauduleuse.
Des lesobservations et conclusions. il aétéréDondu cere~roche aue le
jugement de faillite rendu sur requêteavait étéqualifié,co/formémént à
la loi,d'auto var le iu~ede Reus lui-même,et qu'il n'étaitaucunement une
senleucia. CG il n'&ire dans aucune des troys catégories rév vue s l'ar-
ticle 369de ia loi de procédurecivile, à savoir: les duécisiokqsui statuent
définitivement sur les questions en litige dans une instance ou dans un
recours extraordinaire~celles aui..re.ldues sur incident. mettent fin à
l'action principalr, objct (IIIprocr'i en rcn<laii~imptxjililc la poursuit,: di.
celui-ci: et lor~<]u'cllcsdc'cl.irïntq.'il .y :i lieu oii iioii d't,ntciiiltiti
litkant condamnéDardéfaut.
cc Guii\.rrnemcnt belgt: :ilait \.;iloir nur-sique mCmcsi Ii:jiigrincnr,111
rzICvrier 19.48 rciidii iiir rcquCt,- puiii.;iit Ctre ctiniirlCrSLonin/irrnt,
I'ex~iration du délaid'oo~osition. à-la suoDosermêmeacauise - et nous
avons vu que ce n'était'certainekent p&'le cas -, n'aukit pas conféré
au jugement de faillite l'autorith de la chose jugéeau sens matériel visé
àl'article 1796,maisseulement au sens formel.
Et sur ces deux points de droit, beaucoup d'encre a coulédepuis, et en PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 601

14,4 ..as mal de salive a étédépenséeDar les ulaideurs. Tene rendrai
p:ij l'initiative ilc prolongcrIL,cliscu.sio;i surCA ileiix poiiits, d'biir part
VJrce quc je crois quc II dupliqiic ri';nuciinemcnt ent;iriiéI'arpiimrnta-
iion que nous avons présenteein réplique (V,p. 612 à 620), d'iütre part
parce qu'il y avait pour Barcelona Traction d'autres raisons péremp-
toires de ne pas recourir à une demande de revision.
II suffiraàla Cour de les constater pour écarteri'exceution sans au'elle
doivc ic li\.rcri 1rvamcn du droit c:~p3~nolqui s'iinl>oi~rnitrn l'n6;cncc
(Ic toutt jiirisprud~n~c rrl.~ti\ i:a 13reviji xi d'ii!i jii~ement dc lailiirt:,
voire mCmeJLtoiiti. iiidication (iu'iintel ri.coursait Ac ~aiiiaistcntr' dnrii
la pratique.
La première de ces raisons est qu'en fait, comme MCVan Ryn l'a
clairement démontré et comme je l'ai moi-même souligné au début de
cette plaidoirie, faute de publication du jugement de faillite au domicile
du failli, le délaide huit jours dont la sociétéfaillie disposait pour faire
opposition n'avait jamais commencé àcourir.
La seconde, c'est que Barcelona Traction a introduit son opposition le
18 juin 1948 et que le seul obstacle indiqué par le juge spécial comme
l'emuêchantde statuer à ce suiet était la susuension de la urocédure
pron'oncéepar ordonnance du 3; mars 1948.~aÎcelona Tractiôn ne pou-
vait pas, sans se contredire, introduire une demande de revision qui,
mêmedans le svstème du Gouvernement esuaanol, n'é.a..pas recevable
t;iiit qu'une uppoiition çtait pcn<l.iiitt:.Or,ion oy~l~u,iti~> iiiri lut, coninic
oii lc sait, dcclnrCctardiv~ qu cii jiiii1963.
Enfin.. il, ;i!int.troiiiiiiic iuiisirKrstion une le (;oii\,ernt,n~cI>c..rri,.
>C lasser;ip:~n il?r;p;ter: L"vjtqiir It.-.Gricfs'formiil~p;.rlui ail sultt <IrI:I
con~liiitedei autorir;.~ ]ii<liri:,irt:>~ipagnulc~,p;i, plu; du reste 111it"US
rt.l:,tiis aux iiiiroiitt's .t(lniiiiiitraii\~ci. nont r<IL .:oiiiiiiiirinvc;ILS;
~::iiii<ic rr\isit>ii in\.oqiiCcsp3rILS ,~xccption; pri.lii~iiii:~iet rv1,risc
dan 1 tr-iinor ct 1.<liipiiqiic,i >avoir I:iiiibornnticii. I;i\.i~-
lence ou autre machination frauduleuse, suivant les termes de la loi.
C'est en vain que la duplique aligne divers extraits de la réplique; le
Gouvernement belge n'hésite pas à inviter la Cour à les relire, il est
persuadé que la Cour n'y trouvera, en aucune façoii, les contradictions
que la duplique a cru pouvoir y relever et,au contraire, la preuve qu'en
dépit de ses dénégationsla réclamation belge n'a en aucune façon été
baséesur des machinations frauduleuses.
Certes, mes collègues ont affirmé, et iious ii~aiiitenoos, que divers
magistratsfurent prévenus,partiaux, passionnément hostiles à Barcelona
Traction, décidés à apporter à l'application de la loi les assouplissements
nécessairespour conduire la faillite au dénouementvoulu parJuan March.
Rien de tout cela n'eût permis aux intéressésd'introduire une demande
de revision.
Au surplus, si les intéressésavaient eu quelques doutes sur l'impossi-
bilitéd'obtenir par eux parcette voie l'annulation des décisionsdénoncées
par eux comme grossièrement illégales ouarbitraires, le sort fait à leurs
récusationsaurait suffi à les dissioer. Car il n'v eut vas moins de six récu-
s~iions, ~II~SI<lueI';;igiiiiiIA rripiique.
I.c, dciix pniiiiGres furent introiliiites piir I-liru It.IL fcvricr 19.9,
L'unevisait le iuee de Reus. L'autrele iueë de Barcelone (A.M..vol: II,
nos7~~79et 88. k.335-33s;'n0 83.,p: 3417.
La troisièmefut introduite le 14luin 1952contre tous les magistratsde
la premièrecliambre de la cour d'appel. La Cour se souviendra que je lui602 BARCELONA TRACTION

ai lu un extrait de la plaidoirie prononcéeà cette occasion par l'ancien
ministre Ramon Serrano Sufier.
La quatrième récusationle fut le 17octobre 1952 contre lesmembres de
la premièrechambre de la cour d'appel qui avait approuvé l'arrêtrendu
sur la demande des syndics de restituer à Ebro, soi-disant normalisée,
81 millions de pesetas déposés à la Caisse généraledes dépôts.
La cinauième récusation, le zz octobre Iaqz. à nouveau contre tous

Cesrécusationsavantété uniform&nen<rewussées. comment imaeiner<,
(lu' Ics :iutliir; dc cc5 rç..our,,, n',iy~iir pu zon\niiicre I'ensciiihlc dt. ln
cour d'.ippC~il1iiinractr'rc Ii:gitirn1.twi.picion qii'ilj in~niicst:~ieiit3
I'brrarddu iuee dc liciij drs iiii.iiibrc-.de Innr~eii~liunibrc (1,la coiii.
dZippel, ahraient eu une chance quelconq& d'établir des manŒuvres
qu'aujourd'hui encore le Gouvernement belgene soutient pas.
Ainsi la dernière carte jouéepar nos adversaires, celle de la revision,
s'avère une aussi mauvaise carte que les autres.
La Cour aura pu se convaincre en m'écoutant - et sa conviction se
fortifiera encore lorsqu'elle consultera nos écritures et notamment les
tableaux joints eu annexe aux observations et conclusions - que les
divers griefs énumérés dans les plaidoiries de Mc Mann, MC Van Ryn,
Me Grégoireet moi-mêmeont tous fait l'objet de recoursconduits 'usqu'à
l'épuisement ou arrêtéspar des décisionsque nous avons quali éesde
dénis de justice strictosmsu, auxquels il faut assimiler l'ajournement
au-delà du délai raisonnable: aue les recours étaient adéauats au oint
que leur omission eût été 'ustément relevée commefaisant obsta'cle à
l'insertion desgriefs qui ebrent l'objet dans la réclamation présentépar
le Gouvernement beige-.enfin. aue lis recours sienalésnarie GouveÎne-
iiii:iii<:paraitic RU.\iiir<:rc.iit.s<oit coinme in:iccr;siblit,itiommc Ir'giti-
probablcmt-iirincffiiacci et iiisiiffistanrs<oinmc fais.,iit duublccoiplui.
Et ]~ut-Cu~ ii'rst-il pas <.iiitl'ridc iigii;ilcr ila (:oiir ceen t.ît
pas sciileincnt la iii;itiri:ilitr dei griefs furmulCspar inci coll+giicser inoi
au nom du Gouvernement bel~e contre de nombreuses déckions iudi-
ciaires espagnoles qui fut dénokée à l'époque à la justice espagnol; par
Barcelona Traction et les cointéressés.Le langage utilisédans ces recours
rendait un son inusité quin'a pu échapperau?, cours et tribunaux qui eu-
rent à en connaître et qui devait les rendre sensibles et attentifsàl'ex-
ceptionnelle gravité que les auteurs de ces recours attachaient aux faits
dénoncéspai eux.
Ainsi, dans le recours de la sociEbro en reconsidération du jugement
de faillite, en février 1948,on pouvait lire:

ciNous déclarons préalablement qu'en rédigeant le présent écrit
nous devonsfaire un effort considérablepour lui donner le ton mesuré
qu'exige le respect dû à l'Autorit6 judiüaire.
Et la tentative, en véritén'est pas facile,parce que le devoir pro-
fessionnel nous oblige dans les limites de ces termes respectueux
obligatoires à déclarer que nous n'avons pas connaissance d'une
autre erreur judiciaire équivalente à celle que signifie la décision
d'étendre à la sociétéuRiegos y Fuerza del Ebro, S.A. » les mesures
dictées à son sujet dans le jugement de déclaration de faillite de la
Barcelona Traction. PLAIDOIRIE DE hl.ROLIN 603
Et il est difficile, oour toute Dersonne de formation iuridioue, de
réprimer l'impressiÔn de scandale que produit la dite d'éùsion
judiciaire dans sa partie expliquéeci-avant, la surprise et la stupeur
augmentant lorsqü'on se rend compte des préjud'icesextrêmement
graves et peut-être irréparables qu'a déjà provoqués le jugement
entrepris au patrimoine moral et matériel d'une sociétéqui, comme
aRiegos y Fuerza del Ebro, S.A. » a doté l'Espagne d'élémentsde
richesse d'une valeur incalculable»(A.M.,vol. II, no77, p. 326.)
Le conseil es.aenol du directeur e~.éralAl. Menschaert. de même.
dans Ic rvc0ur.i intrudiiir coiit$4destiliitioii par le ~oiiiriii~îaire.Licri-
\,ait'<~Plui~raii~lce~r:ii~-~anccjiiridiqiinï 1)etitCtrccumrniier (:\..\I.,
vol. II, no87. p. 350).
Le conseil espagnol de la Barcelona Traction, le 5 juillet 1948, n'était
pas nioins vif dans la rédaction de la demande incidente de nullité intro-
duite à cette date à la suite de l'ajournement sine die de l'examen de
l'opposition par suite de l'effet suspensif attaché au déclinatoire Boter:
«La réaction oblie-toire aue nous avons éorouvéeen orenant
conit;iis;ance pour la I~rt.rii'isdes ;icrcs de pru:érlurc intcnrenus
est d';le\.er iiotrc plus solcnietlénergiqueproteitatioii dc\.nnt13
\'iol;itiun syit6m3tique et totale dcs priiicipes les plus clérnenraires
Jiidroit. (.?nten ce qui concvriit: Ir. fon<lqti1:formc. \riul:ition
commiicdansles~lit~acte~dr~~~occ'diire c'iimciiluiices
notoire et manifeste. r(A.M.;vol. 1, p. 447,2 129)
Le 3 septembre 1949,le même conseilespagnol, dans l'écritconfirmant
l'opposition de Barcelona Traction au jugement de faillite,écrivait:
aQue ce digne Tribunal Spécial nouspermette avant tout, pour ce
motif, de réitérernotre plus solennelle et énergique protestation
devant le fait que lespromoteurs de la faillite et le Tribunal de Reus,
aui réoutaient inconnu le domicile de la Barcelona Traction afin de
Re lui notifier la déclaration de faillite alors qu'il figurait en
touteslettres dans lesdossiers, le découvrirent facilement par après,
sans nouveaux élémentsd'information, pour lui faire savoir que la
faillite et les actes de saisie (ocupacidn) etaient prétendument
coulésen force de chose jugée,situation provoquéepar le fait que
la société,ma mandante , a étémise par eux dans l'impossibilitéde
se défendre en justicei(A.M.,vol. II, no 135, p. 493.)
Dans son écritde comparution et de dénégationde la juridiction du
27novembre 1948, un autre conseil espagnol, défenseurde la National
Trust. écrivait:
atandis que la question de juridiction cst en discussion, on maintient
en vigueur des mesures d'exécutionextrêmement violentez, injusti-
fiéeset sans base légal- ceci étant dit, je le répète, entermes de
défense - qui supposent un privilège injuste d'une artie vis-à-vis
des autres et même vis-à-visde tiers, cc qui est geaucoup plus
surprenant.1)(A.M.,vol. III, no 140, p. 517.)
ahné n suivante, un conseil espagnol de Barcelona Traction, dans
l'écritdu 13mai 1949 par lequel il s'opposait à la demande de Genora
tendant Aobtenir de la cour le renvoi du dossier au juge spécial afinqu'il
puisse excepterde la suspension de laprocédurelanomination dessyndics,
dénon~aitcette manŒuvre dans les termes suivants:'5'4 BARCELOsA TRACTION

«La direction uniaue de la faillite. tendant vers un but connu de
tous, assigne nulourd.tiui a (;eiiora. coninie elle I'asiigii:~;iul>aravniit
i un autre des créanciers cuîdj~\.;iiits, la dcsagré;iI>mi;sioii dS;irgu-
mcntcr uour mettre le failli Iiori d'btsr(Ir:se dkleiidr~:.ct de soiittnir
que la <uspension n'affecte pas les mesures qui perso~nellement lui
conviennent, en prétendant que la procédure poursuive son cours à
l'encontre d'une entité privée à laquelle, jusqu'à présent, a été
refuséledroit élémentairede se défendre. I(Ibid., no149.p. 576).
Le II' septembre 1951, lorsqu'une ordonnance du deuxikme juge
spécial,M. Osorio, eut autoriséla vente des biens, le conseil espagnol de
Barcelona Traction, dans son recours de reconsidération, écrivait:

«Oue 1'011nuisse exécuterle patrimoine du failli sans l'avoir même
entendu est Ln cas sans précédentnon seulement en Espagne mais
aussi à l'étranger, et bien qu'une telle décisionne nous étonnepas,
parce que dais cette proëédure rien ne peut plus nous étonner,
elle méritenotre opposition la plus décidée mêmse 'ils'agit seulement
de la réaction de personnes habituées, sans doute erronément, à
maintenir la souveraineté du droit. ii(A.iil., vol. 111,no 180,p. 685.)
Et lorsque à la veille de la vente, Barcelona Traction, 1; 27 décembre
1951, tenta une nouvelle demande incidente de nullité de la procédure
son conseil espagnol écrivit:

(Le cas est si insolite que nous préféronsne pas ajouter de com-
mentaire, car le commentaire serait si dur que le respect de nous-
même nousl'interdit. ii(Ibid., p. SOI.)
En présence de ces cris de révolte d'une honnêteténon douteuse et
d'une sincéritéémouvante, on comprend mal que, renversant les rôles,
un des auteurs de la duplique ait pu écrire:

rLa Barcelona Traction et ses ncointéressés a ont plaidéavec une
mauvaise foi évidente. Le dialogue de procédure qÙ'ellea eu avec
les autorites judiciaires es-.gnoles n'a pas étéun dialogue loyal. ii
(VILP. 744.~
Mes estiméscontradicteurs seront-ils tentés d'ou~o..r à iiotre flori..~e
uii;<litreflurilL\gedaiis Içquel hgiircront les claineurs et les dol6niicci des
d~mxndciiij la lnillite çdc Iciirs innomhrdbles con1p:irses.Irnrsi.i clcl
Ciil. l<ott:r. S;iincl. Genor:~.dont i':rCU 1'oci;ision<Ir.dkrirc daii; nia
plaidoirie sur le blocage des rec6urs les extraordinaires manŒuvres?
Qu'ils n'oublient pas, dans ce cas, de faire figurer en têtede leur recueil
cette page #anthologie de la requêteen faillite déposéepar les trois
requérants et qui donnera A la Cour une belle idee du degr6 de sincérité
que l'on peut accorder à ces écrits.Ces Messieurs écrivaient, alors qu'ils
étaient obligataires depuis quelques jours à peine:

*Onzeans sans payer, c'estun cas qui appelledesconséquencesou
la renonciation. On ne nous accusera uas d'un manaue de Da-
tience. Si cet état de faillite devait pe;durer plus lon'gtemps,'on
pourrait sanctionner notreactivité comme un abandon. La résigna-
iion est une vertu devant la morale, mais une mauvaise affaireaux
yeux du droit.
Cen'est paspar goUtque nous attaquons, maispar nécessité. Nous
ne sommes pas pousséspar l'ambition, mais par la crainte de notre PLAIDOIRIE DE JI. ROLIN 605

propre putréfaction. Un absentéisme persistant, c'est le bannisse-
ment. Une syncope prolongée,c'est la mort. » (A.M.,vol. II, no49,
P. 259.)
Le texte, hlonsieur le Président, se passe, je pense, de commentaire.
Et j'ai confiance que la Cour n'hésitera pas rejeter la qnatrikme
exception préliminaire commenon fondée.
La discussion de cette quatrième exception, venant la dernière dans
nos ~laidoiries.m'a. Darsa nature même.naturellement amené à Dasseren
reviie lesdivrrsgric.fs qui sonstitiiriit Iniibstnnce iiikriiede I:Ir;.viainntion
dii (;ou\,crnern+iit hçlge. ce qui nie dispensera de tout,? autrc synttiéie.
.\les COII~YII et ~ilui ii'avi,ns 1)nsI'ill~isiond'avoir aiout;: erand-chose ;i

lSar&me&ation que le ~ouvérnement belge vous avait présentéedéjà
dans laprocédureécrite.Nous avons tentéd'en dégager lestraits saillants
et ainsi de vous en.faciliter la lecture. C'est donc dans l'esprit de nos
plaidoiries que doivent êtrelues les conclusions du Gouvernement belge
qui figurent dans lesdernieres pages de la réplique.
Si ~~Cour veut bien nous v autoriser. nous leur donnerons leur forme
dkfinitive loriiliic iioiisniiroiii eiitciidii 1;sp1;tidoiric13Partieadverse.
Ic voiii prie. llonsieiir Ic Pr6iidcnt. llr'ssieur$ les liiccs,d':i<:cepter
mis r- -rciements et ceux de tous mes collèeues oui 1';ttention ët la
bienveillance que vous n'avez cesséde nous"témAigner et qui nous a
grandement facilité la tâche.

L'audience est levéeà rz h 3j TABLEDE CONCORDANCD EESEXPOSÉSORAUX

On trouvera ci-aprèsune table de concordance entre la pagination des
exposésoraux dans la présente édition impriméeet leur pa ination dans
le texte polycopiéprovisoire distribué aux membres de laur pendant
duelles ou dissidentesjointesl'arrêtdu 5 février 1970 (C.I.J. Recueil
1970, p. 54-357) ayant citéles exposés oraux selon la pagination du
texte polycopié provisoire, la table ci-après permettra de retrouver
aisément dans la présente édition impriméeles passages ainsi cités.

TABLEOFCONCORDANCO EFTEE ORALSTATEMENTS

The following table indicates the relationship between the pagination
of the present volume and that of the provisional verbatim record
(stencil-duplicated) of the speeches made in Court, issued to Members of
the Court during the hearings, carrying the referenceCR6.Anumber
of referencesa the CR appear in the separate and dissenting opinions
of Members of the Court annexed to the Judgment of 5 February 1970
(I.C.J. Refiorts 1970, pp: 54-357); the passages so referred ta can be
identified by means of this table.

Présent Présent Présent
CR uoltime CR uolume CR uolume
&es Page pages #ale Pages page 607

Présent Présent Présent Présent
CR uolftme CR volirme CR volzr;;teCR voltrme
pages fiace pages page pagtspage pages page

26-28 96
28-30 97
30-32 98
32-34 99
34-36 IOO
36-37 IOI
37-40 102
40-41IO3
41-43'04
43-45'O5
45-46106
46-48107
48-50 108
50-51109
51-53 110
53-56 III
56-58 IIZ
58-60113
60 114608 BARCELONA TRACTION

Préseni Présent Préseni Présent
pags pageme pages pageume pages pageme CR volume
Pages Page

32-34 278 CR 69/12 49-52 371
36-38 280 13-15 326 54-56 373
38-40 281 15-17 327
40-41 282 17-18 328 57-59 375
41-43 283 18-20 329
43-45 254 zo-zz 330 CR 69/14
45-47 285 22-24 331 12-13 376
47-49 286 24-26 332 13-15 377
49-51 287 26-28 333 15-17 378
51-53 288 ~8.30 334 17-20 379
53-55 289 30-31 335 20-22 380
55-57 290 31-34 336 22-24 381
57-58 291 34-35 337 24-26 382
58-60 292 35-38 338 26-28 383
60-62 293 38-39 339 28-30 384
62-64 294 39-41 340 30-32 385
64-66 295 41-42 341 32-34 386
66-67 296 42-44 342 34-36 387
44-46 343 36-37 388
CR 69/11 46-48 344 37-39 389
12-13 297 48-50 345 39-41 390
13-15 298 50-52 346 41-44 391
15-18 299 52-54 347 44-45 392
18-20 300 54-56 348 45-47 393
20-zz 301 56-58 349 47-48 394
24-26 303 60-60 351 50-51 396
26-27 304 5I-54 397

29-30 306 CR 69/13 54-56 398
30-31 307 13-16 353 58-60 400
31-33 308 16-17 354 60-61 401
33-35 309 17-19 355 61-63 402
35-38 310 19-21 356 63 403
36-39 311 21-23 357
39-47 312 23-25 358 CR 69/15
41-44 313 25-27 359 12-13 404
44-46 3x4 27-29 360 13-16 405
46-47 315 29-31 361 16-18 406
47-49 316 31-34 362 18-20 407
49-52 317 34-36 363 20-21 408
52-54 318 36-37 364 21-23 409
54-57 319 37-39 365 23-25 4x0
57-59 320 39-41 366 25-27 411
59-60 321 41-43 367 27-29 412
60-62 322 43-45 368 29-30 413
62-64 323 45-48 369 30-32 414
64 324 48-49 370 32-34 415 TABLE DE CONCORDANCE

Présenl Présent Présent Présent
CR volume CR volume CR voliime CR volume
pages page pages page pages page pages page

5033 joj
53-54 506
54-56 507
58-60 509
60-63 510
63-65 511
65-66 512
66 513 The publications of the INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE may be ordered
from any bookseller. For information regarding the sale of the Court's publicatians
please write Io the Disrriburionond Soles Secrion,Ofieof the UniredNarions,1211
Geneva10 (Swilzerland), or the Sales Secrion.UnitedNarions, NewYork,N.Y. 10017

/USAI.
Thrp~blt2atic~nrofihe PER\1ANENTCOI.RTOFINTERiiATIOSAI. JUSTICF.
l1920.1910) are oblainahle frorn Kra~r Rrnrini Lid.. 9491 ScndrlnLlcchien>ie~n10
which al1requests should be addressed.

On peut acquérir les publications de la COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
aupres des librairies spécialiséesdu monde entier. Pour tous renseignements, prière
de s'adresserà la Serrionde la disrriburionet des ventesOfie des Nations Unies,

1211Genève10(Suisse)auàla Secriondesvenres,NarionsUnies,NewYork,N. Y.10017
(Elors-Unis).
On peut acquérir les publications de la COUR PERMANENTE DE JUSTICE
INTERNATIONALE (1920-1946) auprès de Kraus Reprint Ltd., 9491 Nendeln,
Liechtensteiii. Pour tous rendignements, prière de s'adresser à cette société.

PRlNTED IN THE NETHERLANDS

Document Long Title

Minutes of the Public hearings held at the Peace Palace, The Hague, from 15 April to 14 May 1969 the President, M. Bustamante y Rivero, presiding

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