Public sitting held on Tuesday 18 October 2016, at 10 a.m., at the Peace Palace, Vice-President Yusuf, Acting President, presiding, in the case concerning Immunities and Criminal Proceedings (Equatori

Document Number
163-20161018-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2016/15
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Corrigé
Corrected

CR 2016/15

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LA HAYE THE HAGUE

ANNÉE 2016

Audience publique

tenue le mardi 18 octobre 2016, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Yusuf, vice-président,
faisant fonction de président

en l’affaire relative aux Immunités et procédures pénales
(Guinée équatoriale c. France)

________________

COMPTE RENDU
________________

YEAR 2016

Public sitting

held on Tuesday 18 October 2016, at 10 a.m., at the Peace Palace,

Vice-President Yusuf, Acting President, presiding,

in the case concerning Immunities and Criminal Proceedings
(Equatorial Guinea v. France)

____________________

VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -

Présents : M. Yusuf, vice-président faisant fonction de président en l’affaire
M. Abraham, président de la Cour

MM. Owada
Tomka
Bennouna
Cançado Trindade
Greenwood
Mmes Xue
Donoghue

M. Gaja
Mme Sebutinde
MM. Bhandari
Robinson
Crawford
Gevorgian, juges
M. Kateka, juge ad hoc

M. Couvreur, greffier

 - 3 -

Present: Vice-President Yusuf, Acting President
President Abraham

Judges Owada
Tomka
Bennouna
Cançado Trindade
Greenwood
Xue
Donoghue

Gaja
Sebutinde
Bhandari
Robinson
Crawford
Gevorgian
Judge ad hoc Kateka

Registrar Couvreur

 - 4 -

Le Gouvernement de la République de Guinée équatoriale est représenté par :

S. Exc. M. Carmelo Nvono Nca, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale auprès des
Royaumes de Belgique et des Pays-Bas,

comme agent ;

M. David Nguema Obiang, procureur de la République de Guinée équatoriale,

M. Olo Mba Nseng, ministre délégué de la justice de la République de Guinée équatoriale,

M. Juan Carlos Ondo Angüe, président de la Cour suprême de la République de
Guinée équatoriale,

M. Rafael-Robustiano Doro Esuba, magistrat,

S. Exc. Mme Purification Angue Ondo, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale
auprès du Royaume d’Espagne,

S. Exc. M. Lazarus Ekua Avomo, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale auprès de
la Suisse et représentant permanent auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres
organisations internationales à Genève,

S. Exc. Mme Mari Cruz Evuna Andeme, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale
auprès du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,

S. Exc. M. Pantaleo Mayiboro Miko, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale

auprès de la République fédérale d’Allemagne,

S. Exc. M. Tito Mba Ada, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale auprès du
Portugal et de la représentation de la communauté des pays de langue portugaise (CPLP),

S. Exc. Mme Cecilia Obono Ndong, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale
auprès de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO),

S. Exc. M. Miguel Oyono Ndong Mifumu, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale
auprès de la République française,

comme membres de la délégation ;

M. Maurice Kamto, professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun), avocat au barreau de
Paris, membre et ancien président de la Commission du droit international,

M. Jean-Charles Tchikaya, avocat au barreau de Bordeaux,

sir Michael Wood, K.C.M.G., membre de la Commission du droit international, membre du barreau
d’Angleterre,

comme conseils et avocats ;

M. Alfredo Crosato Neumann, Institut des hautes études internationales et du développement,
Genève,

M. Francisco Evuy Nguema Mikue, avocat de la République de Guinée équatoriale, - 5 -

The Government of the Republic of Equatorial Guinea is represented by:

H.E. Mr. Carmelo Nvono Nca, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the Kingdoms
of Belgium and the Netherlands,

as Agent;

Mr. David Nguema Obiang, Attorney General of the Republic of Equatorial Guinea,

Mr. Olo Mba Nseng, Delegate Minister of Justice of the Republic of Equatorial Guinea,

Mr. Juan Carlos Ondo Angüe, President of the Supreme Court of the Republic of Equatorial
Guinea,

Mr. Rafael-Robustiano Doro Esuba, Judge,

H.E. Ms Purificación Angue Ondo, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the
Kingdom of Spain,

H.E. Mr. Lazarus Ekua Avomo, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to Switzerland
and Permanent Representative to the United Nations Office and other international
organizations in Geneva,

H.E. Ms Mari Cruz Evuna Andeme, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the
United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland,

H.E. Mr. Pantaleo Mayiboro Miko, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the

Federal Republic of Germany,

H.E. Mr. Tito Mba Ada, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to Portugal and to
the Community of Portuguese Language Countries (CPLP),

H.E. Ms Cecilia Obono Ndong, Ambassador to the Food and Agriculture Organization (FAO) of
the United Nations,

H.E. Mr. Miguel Oyono Ndong Mifumu, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the
French Republic,

as members of the delegation;

Mr. Maurice Kamto, Professor at the University of Yaoundé II (Cameroon), member of the Paris
Bar, Member and former Chairman of the International Law Commission,

Mr. Jean-Charles Tchikaya, avocat at the Bordeaux Bar,

Sir Michael Wood, K.C.M.G., Member of the International Law Commission, member of the
English Bar,

as Counsel and Advocates;

Mr. Alfredo Crosato Neumann, Graduate Institute of International and Development Studies of
Geneva,

Mr. Francisco Evuy Nguema Mikue, avocat of the Republic of Equatorial Guinea, - 6 -

M. Francisco Moro Nve, avocat de la République de Guinée équatoriale,

M. Omri Sender, George Washington University Law School, membre du barreau d’Israël,

M. Alain-Guy Tachou-Sipowo, chargé de cours, Université McGill et Université Laval,

comme conseils.

Le Gouvernement de la République française est représenté par :

M. François Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et du

développement international,

comme agent ;

M. Alain Pellet, professeur émérite de l’Université Paris Ouest, Nanterre-La Défense, ancien
président de la Commission du droit international, membre de l’Institut de droit international,

M. Hervé Ascensio, professeur à l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne),

comme conseils ;

M. Ludovic Legrand, consultant juridique à la direction des affaires juridiques du ministère des
affaires étrangères et du développement international,

M. Julien Boissise, consultant juridique à la direction des affaires juridiques du ministère des
affaires étrangères et du développement international,

M. Jean-Luc Blachon, chef du bureau du droit économique, financier et social, de l’environnement
et de la santé publique à la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la
justice,

Mme Diarra Dime-Labille, conseillère juridique à l’ambassade de France aux Pays-Bas,

comme conseillers. - 7 -

Mr. Francisco Moro Nve, avocat of the Republic of Equatorial Guinea,

Mr. Omri Sender, George Washington University Law School, member of the Israel Bar,

Mr. Alain-Guy Tachou-Sipowo, Lecturer at McGill University and Université Laval,

as Counsel.

The Government of the French Republic is represented by:

Mr. François Alabrune, Director of Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs and International

Development,

as Agent;

Mr. Alain Pellet, Emeritus Professor, University Paris Ouest, Nanterre-La Défense, Former
Chairperson, International Law Commission, member of the Institut de droit international,

Mr. Hervé Ascensio, Professor at the University of Paris I (Panthéon-Sorbonne),

as Counsel;

Mr. Ludovic Legrand, Legal Consultant, Directorate of Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs
and International Development,

Mr. Julien Boissise, Legal Consultant, Directorate of Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs and
International Development,

Mr. Jean-Luc Blachon, Head of the Office of Economic, Financial and Social Law, the
Environment and Public Health, Directorate of Criminal Affairs and Pardons, Ministry of
Justice,

Ms Diarra Dime-Labille, Legal Counsellor, Embassy of France in the Netherlands,

as Advisers. - 8 -

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est

ouverte. La Cour se réunit aujourd’hui pour entendre le premier tour d’observations orales de la

France sur la demande en indication de mesures conservatoires présentée par la Guinée équatoriale.

J’invite à la barre M. François Alabrune, agent de la France. Vous avez la parole.

M. ALABRUNE :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, c’est un grand honneur pour moi

de paraître aujourd’hui devant votre Cour en qualité d’agent de la République française. Je saisis

cette occasion pour réaffirmer l’importance que la France attache au respect du droit international

et au rôle joué par l’organe judiciaire principal des Nations Unies dans le cadre du règlement

pacifique des différends entre Etats.

2. Permettez-moi également de rappeler l’excellence des relations que la France entretient

avec la République de Guinée équatoriale. Le différend qui vous a été soumis par celle-ci ne remet

nullement en cause la qualité de nos relations bilatérales et les liens d’amitié forts qui unissent nos

deux pays. Je saisis cette occasion pour saluer les représentants de la Guinée équatoriale ici

présents, et de manière particulièrement amicale mon homologue, S. Exc. M. Carmelo Nvono Nca.

3. J’ajouterai que la Guinée équatoriale, hier, a fait état de sa volonté et de ses efforts pour

résoudre le différend par la négociation et la conciliation, et a fait état d’un refus des autorités

françaises à cet égard. La Guinée équatoriale a paru s’étonner de l’impossibilité des autorités

françaises de mettre fin à la procédure pénale. Il est vrai qu’en raison du principe d’indépendance

de la justice, inscrit à l’article 64 de la Constitution française, le Gouvernement français ne saurait

donner de directives aux juges français dans l’exécution de leur mission. Il n’y a rien d’insolite à

cela, Monsieur le président ; il s’agit de la traduction du principe de séparation des pouvoirs,

commun aux Etats de droit.

4. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, le moment n’est pas venu

d’aborder le fond de l’affaire. Il peut toutefois vous être utile de disposer d’une présentation

succincte des faits qui sont à l’origine de ce différend, ainsi que des étapes qui pourraient ponctuer

la suite de la procédure pénale en France. - 9 -

5. Cette procédure se caractérise d’ores et déjà par sa durée très longue. Alors que, dans les

affaires de délinquance économique et financière, la durée moyenne entre une plainte et le

jugement de première instance, est de six ans, c’est, en l’espèce, plus de neuf ans qui se sont déjà

écoulés entre les premières plaintes déposées en 2007 et la clôture de la phase d’instruction, qui

précède celle de jugement.

6. L’enquête ouverte dès 2007 a fait apparaître que la France n’était pas le premier pays dont

les autorités judicaires s’étaient intéressées aux activités de M. Nguema Obiang Mangue.

7. Les enquêteurs français ont en effet constaté que celui-ci avait fait l’objet de poursuites à

partir de 2006 en Afrique du Sud. Il avait ainsi déposé une déclaration écrite auprès de la

Haute Cour d’Afrique du Sud, dans laquelle il avait reconnu que des ministres du Gouvernement

équato-guinéen créaient des sociétés privées qui agissaient de concert avec des sociétés étrangères

lorsque des contrats gouvernementaux étaient accordés. Il reconnaissait que, dans ces hypothèses,

1
une part importante du prix du contrat revenait aux ministres du gouvernement .

8. Dès 2007, les autorités françaises ont également été informées de l’existence d’une

enquête ouverte aux Etats-Unis à l’encontre de M. Nguema Obiang Mangue et visant le patrimoine
2
qu’il s’était constitué dans ce pays .

9. L’enquête menée par la justice américaine a conduit d’ailleurs à la signature d’un

accord en date du 9 octobre 2014 entre le département de la justice américain et

M. Nguema Obiang Mangue. En signant cet accord, celui-ci renonçait à une partie importante de

ses avoirs américains  à hauteur de 30 millions de dollars . 3

10. En France, les règles de la procédure pénale ne permettent pas d’interrompre une enquête

pénale si la personne qui en fait l’objet consent à céder une partie de son patrimoine.

11. Il convient de rappeler que la procédure pénale engagée en France à partir de 2007

concernait des activités privées de M. Nguema Obiang Mangue sur le territoire français, activités

soupçonnées d’être liées à des délits de blanchiment d’argent.

1 Voir mesures conservatoires (MC), annexe 1, ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi partiel devant le
tribunal correctionnel (5 septembre 2016), p. 22.

2Ibid., p. 22.
3
Ibid., p. 22-23. - 10 -

12. Ces investigations ont permis de confirmer que M. Nguema Obiang Mangue avait

notamment acquis en France des objets de très grande valeur, bijoux, œuvres d’arts, véhicules de

4
grand luxe notamment .

13. Les factures de tous ces biens de luxe étaient toutes adressées à lui-même, à l’adresse du

42 avenue Foch. Il a été rapidement démontré que cet immeuble appartenait bien à M. Nguema

Obiang Mangue. D’ailleurs le Président de la République de Guinée équatoriale, le père de

M. Nguema Obiang Mangue, le reconnaîtra dans un courrier adressé le 14 février 2012 au

Président de la République française . 5

14. Toutefois, le ministère français des affaires étrangères reçut, le 4 octobre 2011, une note

verbale de l’ambassade de Guinée équatoriale affirmant qu’elle «dispos[ait] depuis plusieurs

années d’un immeuble situé au 42 avenue Foch, Paris XVIème qu’elle utilisait pour

l’accomplissement des fonctions de sa Mission diplomatique» . 6

15. Il était pour le moins surprenant que le protocole du ministère des affaires étrangères, qui

est l’interlocuteur privilégié et quotidien des missions diplomatiques implantées en France, n’ait

jamais eu auparavant connaissance de ces prétendus locaux de la mission diplomatique

équato-guinéenne. Jamais aucun courrier relatif à l’ambassade n’avait été envoyé de cette adresse.

L’ambassade de Guinée équatoriale n’avait pas non plus sollicité de mesures particulières, de

protection notamment, s’agissant de ces locaux. Jamais une demande d’exonération fiscale n’avait

été sollicitée, à l’instar des seuls locaux de l’ambassade de Guinée équatoriale connus des autorités

7
françaises, et qui sont situés à une autre adresse, le 29 boulevard de Courcelles .

16. Le ministère des affaires étrangères notifia en conséquence à l’ambassade le

11 octobre 2011 qu’il ne considérait pas que l’immeuble faisait partie des locaux de la mission

diplomatique . 8

4 Mesures conservatoires (MC), annexe 1, ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi partiel devant le tribunal
correctionnel (5 septembre 2016), p. 9-10.

5Voir documents produits par la République française le 14 octobre 2016, annexe 5.
6
Ibid., annexe 1.
7
Ibid., annexe 29.
8Ibid., annexe 2. - 11 -

17. Quelques jours plus tard, le 17 octobre 2011, l’ambassade adressait au ministère des

affaires étrangères une nouvelle note qui ne présentait plus l’hôtel particulier comme faisant partie

de la mission diplomatique de Guinée équatoriale en France. Cette fois, l’immeuble du

42 avenue Foch était présenté comme la résidence de la déléguée permanente auprès de

9
l’UNESCO, Mme Bindang Obiang .

18. Cette présentation était également surprenante puisque, moins d’un mois auparavant, le

11 septembre 2011, Mme Bindang Obiang avait notifié sa nomination et sa prise de fonctions

comme déléguée auprès de l’UNESCO, mais en déclarant résider à une autre adresse, située au

46 rue des Belles Feuilles à Paris XVI et non pas au 42 avenue Foch.

19. C’est ce qui explique que le ministère des affaires étrangères ait, par note verbale du

31 octobre, contesté cette nouvelle présentation faite par l’ambassade du statut de l’immeuble du

10
42 avenue Foch .

20. Il est d’ailleurs à relever que l’UNESCO, pourtant concernée au premier chef, ne sera

informée du soudain et prétendu changement de résidence de la déléguée permanente de la Guinée

11
équatoriale que quatre mois plus tard, le 14 février 2012 .

21. Et, deux jours plus tard, le 16 février 2012, le ministère des relations extérieures de

Guinée équatoriale sollicitait l’agrément des autorités françaises à la nomination de Mme Bindang

Obiang comme ambassadeur de la République de Guinée Equatoriale en France, et celle-ci était de

e
nouveau présentée comme résidant au 46 rue des Belles Feuilles, Paris XVI , et non au 42 avenue

Foch .12

22. Le 19 juillet 2012, une ordonnance de saisie pénale de l’immeuble situé au

13
42 avenue Foch était rendue par les juges d’instruction . Une telle saisie, n’a qu’une portée

conservatoire, elle était motivée par le fait que les investigations avaient mis en lumière que l’hôtel

9Documents produits par la République française le 14 octobre 2016, annexe 3.
10
Ibid., annexe 4.
11
Ibid., annexe 8.
12Ibid., annexe 11.

13 Ibid., annexe 47. Voir aussi MC, annexe 1, ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi partiel du
5 septembre 2016, p. 20. - 12 -

particulier du 42 avenue Foch avait, selon toute vraisemblance, été financé en tout ou partie avec le

produit des infractions visées par l’information judiciaire.

23. Une semaine plus tard, la Guinée équatoriale adressait au ministère une note datée du

27 juillet 2012 indiquant que, à partir de cette même date, les services de l’ambassade étaient

désormais installés au 42 avenue Foch «pour l’accomplissement des fonctions de la mission

diplomatique». Le ministère des affaires étrangères y a répondu, par note du 6 août 2012, qu’il ne

pouvait reconnaître officiellement cet immeuble comme le siège de l’ambassade et a rappelé que

14
cet immeuble avait fait l’objet d’une saisie pénale immobilière .

24. Entre-temps, M. Nguema Obiang Mangue, alors ministre de l’agriculture et des forêts,

avait reçu une convocation des magistrats instructeurs pour une première comparution le

1 mars 2012, lui indiquant qu’ils envisageaient sa mise en examen. M. Nguema Obiang Mangue

n’a pas comparu.

25. Convoqué de nouveau pour le 11 juillet 2012, M. Nguema Obiang Mangue n’a pas

davantage comparu. Les autorités judiciaires françaises ont adressé plus d’un an plus tard, le

14 novembre 2013, une demande d’entraide pénale internationale aux autorités judiciaires de

Guinée équatoriale, aux fins de sa mise en examen.

26. Cette demande d’entraide judiciaire a été acceptée le 4 mars 2014, puis exécutée par les

autorités équato-guinéennes, lesquelles n’ont, semble-t-il, pas jugé que cette demande était

contraire au principe de l’égalité souveraine entre Etats.

27. Au contraire, ce sont des magistrats de la Cour suprême de Malabo, agissant en qualité

de juge d’instruction pour l’exécution de la demande d’entraide judiciaire avec les autorités

françaises, qui ont notifié le 18 mars 2014 à M. Nguema Obiang Mangue sa mise en examen.

28. C’est ainsi l’ensemble des charges accumulées tout au long de la procédure  que

encore une fois, j’ai particulièrement résumée  qui a conduit les juges d’instruction français à

adopter, le 5 septembre 2016, une ordonnance renvoyant M. Nguema Obiang Mangue devant le

Tribunal correctionnel.

*

14Documents produits par la République française le 14 octobre 2016, annexe 24. - 13 -

29. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, j’aborde ainsi à présent l’état

actuel et les développements ultérieurs possibles de la procédure pénale en France. Cet éclairage

paraît d’autant plus utile que les conseils de la Guinée équatoriale ont insisté hier sur le risque

prétendument réel et imminent d’une condamnation définitive de M. Nguema Obiang Mangue. Or,

en réalité, une éventuelle condamnation définitive de M. Nguema Obiang Mangue ne pourrait pas,

s’il exerce les recours à sa disposition, intervenir avant plusieurs années.

30. Je reviens sur l’ordonnance prise le 5 septembre 2016 par les juges d’instruction et qui

appelle plusieurs commentaires.

31. Tout d’abord, il convient de relever que cette ordonnance ne retient que l’infraction de

blanchiment commise sur le territoire français. Cette ordonnance confirme ainsi que la procédure

pénale française est la manifestation de l’exercice par la France de sa souveraineté et ne constitue

pas une atteinte à celle de la Guinée équatoriale.

32. Ensuite, l’adoption de cette ordonnance ne traduit aucun emballement de la procédure, ni

ne signale une volonté d’aggraver le différend, contrairement à ce que les conseils de la

Guinée équatoriale ont laissé entendre hier. Je rappelle qu’une durée de huit mois, qui est

particulièrement longue, s’était écoulée entre l’ordonnance du 11 août 2015, par laquelle le juge

d’instruction transmettait au parquet le dossier d’instruction, et les réquisitions du procureur de la

République en date du 23 mai 2016, réquisitions visant au renvoi de M. Nguema Obiang Mangue

devant le Tribunal correctionnel. Quant aux juges d’instruction chargés du dossier, ils ont ensuite

rendu leur ordonnance trois mois et demi après les réquisitions du parquet, ce qui représente un

délai tout à fait normal et habituel. Au total, c’est une année qui sépare la fin de l’enquête de la

décision de renvoyer M. Nguema Obiang Mangue devant le Tribunal correctionnel.

33. Enfin, il est important de relever que, loin de vouloir précipiter le début du procès de

M. Nguema Obiang Mangue devant le Tribunal correctionnel, le ministère public, qui est garant du

respect des droits de la défense, a pris une initiative qui a pour effet de retarder la procédure. Il a

en effet identifié, dans l’ordonnance du 5 septembre, une lacune, dans la mesure où cette

ordonnance ne visait pas les textes d’incrimination et de répression. Et le parquet a engagé les

procédures visant à corriger cette lacune. - 14 -

34. Il a sollicité une audience, prévue pour le 24 octobre prochain. Contrairement à ce que la

Guinée équatoriale a soutenu dans la demande de mesures conservatoires, cette audience ne

marquera pas le début du procès de M. Nguema Obiang Mangue. Elle ne saurait donc pas aboutir

au prononcé d’une mesure privative de liberté à son encontre ou à une quelconque confiscation de

l’hôtel particulier du 42 avenue Foch.

35. Le caractère uniquement procédural de l’audience du 24 octobre est attesté par un

document émanant du procureur de la République financier en date du 3 octobre, qui a été

communiqué à la Cour . Celle-ci a également reçu copie des échanges de messages entre le

procureur et les avocats chargés de la défense de M. Nguema Obiang Mangue. Ces échanges

attestent que, dès le 21 septembre, ses avocats ont été prévenus oralement de l’objet de l’audience

et ont eux-mêmes confirmé dès le 22 septembre qu’ils avaient bien compris cet objet, avant qu’il le

leur soit confirmé par écrit, dans un message en date du 26 septembre , soit plusieurs jours avant la

présentation de la demande en indication de mesures conservatoires de la Guinée équatoriale

devant la Cour.

36. Lors de l’audience du 24 octobre, les juges devront constater l’irrégularité de

l’ordonnance de renvoi, ils devront renvoyer le dossier au ministère public, lequel devra saisir à son

tour les magistrats instructeurs, en vue d’adopter une nouvelle ordonnance de renvoi devant le

Tribunal correctionnel, qui sera cette fois-ci exempte de tout vice de procédure.

37. Et ce n’est qu’une fois cette nouvelle ordonnance prise que les premières audiences

tendant à examiner au fond l’affaire pourront être fixées, en consultation  M Tchikaya l’a

rappelé hier  avec les conseils de M. Nguema Obiang Mangue. Selon toute probabilité, ces

premières audiences au fond n’auront pas lieu avant l’année prochaine.

38. Il importe par ailleurs de préciser que M. Nguema Obiang Mangue ne sera pas obligé,

par principe, de se présenter à l’audience en personne. Il pourra en effet décider de se faire

représenter par ses avocats, en adressant une lettre au Tribunal en ce sens.

39. Il est vrai que dans des audiences au fond, le Tribunal correctionnel disposera de la

faculté de décerner un mandat pour exiger la comparution personnelle de l’intéressé à cette

15Documents produits par la République française le 14 octobre 2016, annexe 50.

16Ibid., annexe 51. - 15 -

audience au fond. L’exercice de ce pouvoir relève de la libre appréciation du Tribunal. Une

décision en ce sens est toutefois hautement improbable dans le cas de M. Nguema Obiang Mangue

pour trois raisons : d’abord, M. Nguema Obiang Mangue peut être jugé en son absence ; il peut

d’autre part être légalement représenté à l’audience par ses avocats ; et, enfin, un tel mandat, pour

être véritablement opératoire, supposerait qu’il soit interpellé et remis aux autorités judiciaires dans

le temps de l’audience, alors que la durée de celle-ci ne devrait pas durer plus de quelques jours.

40. Durant cette audience, il est possible que le Tribunal, d’office ou à la demande d’une

partie, fasse procéder à un supplément d’information ou à une expertise, si ces actes lui paraissent

justifiés. Le procès serait alors reporté à une date ultérieure.

41. Le premier jugement du Tribunal sera rendu à la fin des débats ou plus probablement à

une date ultérieure annoncée par le président du Tribunal. On parle alors de jugement mis en

délibéré.

42. Une éventuelle première condamnation de M. Nguema Obiang Mangue ne pourra donc

pas intervenir en tout état de cause avant la fin du premier trimestre de l’année prochaine.

43. La question peut se poser de savoir dans cette hypothèse si le Tribunal correctionnel

pourrait assortir une éventuelle condamnation pénale d’un mandat d’arrêt à l’encontre de

M. Nguema Obiang Mangue, hypothèse qui a été évoquée par la Guinée Équatoriale hier. En vertu

de l’article 465 du code de procédure pénale, un tel mandat ne pourrait être décerné que si le

Tribunal condamnait M. Nguema Obiang Mangue à une peine de prison d’au moins une année, non

assortie de sursis, c’est-à-dire une peine de prison ferme. Or, une peine d’emprisonnement avec

sursis est la solution la plus souvent retenue par les juridictions françaises pour les prévenus qui

n’ont pas d’antécédents judiciaires. M. Nguema Obiang Mangue n’ayant jamais été condamné en

France, il devrait donc bénéficier d’un sursis, s’il était condamné à une peine de prison. Dès lors, il

ne pourrait pas faire l’objet d’un mandat d’arrêt.

44. Dans l’hypothèse d’une condamnation en première instance, M. Nguema Obiang

Mangue conserverait la possibilité de faire appel par simple déclaration au greffe du Tribunal qui

aura rendu la décision contestée, et ce, dans un délai de dix jours suivant la décision. - 16 -

45. L’appel constitue l’une des voies de recours dont les effets sont les plus larges. Il s’agit

d’une voie de réformation qui remet en cause l’autorité de la chose jugée en première instance, afin

qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit. On parle à ce sujet de l’effet dévolutif de l’appel.

46. En outre et surtout, l’appel possède un effet suspensif. Celui-ci est de principe s’agissant

de la procédure pénale. Il implique que l’exécution de la décision contestée n’est pas possible, non

seulement pendant la durée du délai d’appel, mais aussi pendant toute la durée de la procédure

d’appel.

47. Il importe de préciser qu’en France, le délai moyen actuel pour fixer une audience

d’appel est d’un an à compter de la décision du juge de première instance. Ainsi, dans l’hypothèse

d’un jugement du Tribunal correctionnel rendu courant 2017, les audiences devant la Cour d’appel

n’interviendront, selon toute vraisemblance, qu’au cours de l’année 2018. Pendant les délais

d’appel et durant l’instance d’appel, il serait donc sursis à l’exécution du jugement de première

instance.

48. La décision rendue en appel pourra également être contestée par M. Nguema Obiang

Mangue par le moyen d’un pourvoi devant la chambre criminelle de la Cour de cassation. Dans

cette hypothèse, l’arrêt rendu par la Cour d’appel ne serait donc toujours pas exécuté, l’effet

suspensif s’appliquant en principe à la totalité de la procédure pénale.

49. Dans le cadre d’un pourvoi en cassation, l’affaire serait soumise à la plus haute

juridiction judiciaire française. Si la Cour de cassation estimait qu’il y a violation de la loi, elle

«casserait» l’arrêt de la Cour d’appel, qui se trouverait ainsi annulée totalement ou partiellement.

50. La Cour de cassation ne jugerait pas toutefois l’affaire au fond. Si l’arrêt de la Cour

d’appel était cassé, la Cour de cassation renverrait, en principe, l’affaire devant une autre cour

d’appel que celle initialement saisie.

51. Le procès pénal en France est donc une procédure longue, menée dans le respect des

droits de la défense. Sans préjuger du dépôt d’une éventuelle question prioritaire de

constitutionnalité qui pourrait retarder encore la procédure, une décision définitive ne peut donc

être attendue qu’au cours de l’année 2019.

52. Une éventuelle peine privative de liberté à l’encontre de M. Nguema Obiang Mangue ou

la confiscation éventuelle de l’hôtel particulier ne pourraient donc pas être exécutées avant - 17 -

plusieurs années. Et je répète qu’une condamnation à une peine de prison ferme est hautement

improbable compte tenu du fait que M. Nguema Obiang Mangue serait condamné, si c’était le cas,

pour la première fois.

53. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, la France conteste ainsi le

bien-fondé de la demande en indication de mesures conservatoires dont la Cour a été saisie. Elle

estime en effet que cette demande est dépourvue de tout fondement.

54. La demande ne démontre tout d’abord en rien que la Cour aurait, prima facie,

compétence pour connaître de la requête équato-guinéenne. C’est ce qu’établira le

professeur Alain Pellet.

55. La demande ne démontre pas non plus que les procédures qui se dérouleront devant les

juridictions françaises seraient de nature à causer un préjudice irréparable aux droits allégués. Et

Elle n’est pas plus convaincante s’agissant de l’urgence de la situation. C’est ce qu’établira le

professeur Hervé Ascensio.

56. En conclusion, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, deux points me

paraissent revêtir une importance particulière pour la décision que vous aurez à prendre sur cette

demande de mesures conservatoires :

 Tout d’abord, à supposer que M. Nguema Obiang Mangue bénéficie d’une immunité

personnelle en raison de ses fonctions  quod non , et qu’il soit exposé, avant votre arrêt au

fond, aux effets d’une mesure affectant sa liberté, ce qui est très improbable, il n’existe aucune

base de compétence prima facie pour permettre à la Cour de connaître du statut de

M. Nguema Obiang Mangue, qui relève du seul droit international coutumier.

 Par ailleurs, s’agissant de l’immeuble sis 42 avenue Foch, à supposer que la Cour dispose

d’une compétence prima facie sur ce point  ce qui n’est pas le cas non plus , il n’existe

aucun risque réel et imminent de préjudice irréparable, et donc aucune urgence justifiant

l’indication de mesures conservatoires.

57. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre

attention et je vous prie maintenant de bien vouloir appeler à la barre le professeur Pellet pour qu’il

poursuive notre présentation. Je vous remercie. - 18 -

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je remercie M. François Alabrune,

l’agent de la France. Je donne la parole au professeur Alain Pellet. Monsieur le professeur, vous

avez la parole.

M. PELLET : Merci, Monsieur le président.

L’ INCOMPÉTENCE PRIMA FACIE DE LA C OUR

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, nos contradicteurs se sont

montrés hier d’une discrétion remarquable sur la compétence qu’ils attribuent à la Cour :

sir Michael s’est borné à rappeler, en citant votre ordonnance du 3 mars 2014 dans l’affaire

opposant le Timor-Leste à l’Australie, que, je cite, «[l]a Cour ne peut indiquer des mesures

conservatoires que si les dispositions invoquées par le demandeur semblent prima facie constituer

17
une base sur laquelle sa compétence pourrait être fondée» . Ayant cité cet extrait, sir Michael

s’est borné à renvoyer à la requête et à la demande en indication de mesures conservatoires de la

18
Guinée équatoriale .

2. Dans ces écritures, l’Etat requérant se borne à prétendre fonder la compétence de la Cour

sur l’article 35 de la convention sur la criminalité transnationale organisée adoptée par l’Assemblée

générale des Nations Unies le 15 novembre 2000, traité que l’on appelle communément la

«convention de Palerme», et sur le protocole de signature facultative à la convention de Vienne sur

19
les relations diplomatiques, du 18 avril 1961 . Or il se trouve que ni l’un ni l’autre de ces

instruments ne peuvent être considérés comme offrant une base crédible à l’exercice de votre

compétence.

3. Certes, une lecture superficielle de ces textes pourrait donner à penser le contraire, du

moins pour une partie de la requête de la Guinée équatoriale. Mais, d’une part en effet, vous ne

sauriez raisonner globalement et il est manifeste que les demandes de l’Etat requérant concernant

les immunités auxquelles M. Teodoro Nguema Obiang Mangue pourrait prétendre n’entrent pas

17Questions concernant la saisie et la détention de certains documents et données (Timor-Leste c. Australie),
mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 2014, C.I.J. Recueil 2014, p. 151, par. 18.

18CR 2016/14, p. 23, par. 9-12 (Wood).
19
Requête introductive d’instance de la Guinée équatoriale (ci-après «RGE») (13 juin 2016), par. 4-10, et
demande en indication de mesures conservatoires (ci-après «MC»), par. 5. - 19 -

dans les prévisions de ces instruments (I.). Et, d’autre part, s’agissant des autres aspects de la

requête, ou plutôt de l’autre aspect, car il s’agit exclusivement du statut de la prétendue mission

diplomatique de la Guinée équatoriale à Paris, la simple mention d’une clause de juridiction ne

suffit pas à établir votre compétence, fût-ce prima facie : dans les circonstances de l’espèce, ces

demandes sont non seulement invraisemblables mais très évidemment abusives (II.).

I. L’absence manifeste de base de compétence aux demandes équato-guinéennes
concernant les immunités de M. Obiang

4. Monsieur le président, je commence par les évidences textuelles  et, puisqu’il s’agit

d’évidence, on peut, et on doit, être bref. Et je le serai.

5. Une remarque préliminaire tout de même : l’objet du différend que la Guinée équatoriale

prétend soumettre à la Cour a été décrit hier matin par sir Michael de la manière suivante :

«The case concerns the application, as between Equatorial Guinea and France,
of fundamental principles and rules of international law, among them the sovereign
equality of States, non-intervention in the internal affairs of States, the immunity of

certain holders of high-ranking office in the State and the status of the premises of
diplomatic missions and of State property. All of these principles and rules are
essential for the conduct of peaceful relations among States.» 20

6. Votre compétence, Mesdames et Messieurs les juges, ne saurait dépendre de l’importance

des principes en cause. Le seul fait que des droits et obligations erga omnes ou même des normes

impératives du droit international général soient «en cause dans un différend ne saurait donner

compétence à la Cour pour connaître de ce différend».

«En vertu du Statut de la Cour, cette compétence est toujours fondée sur le
consentement des parties.

[L]a Cour n’a de juridiction à l’égard des Etats que dans la mesure où ceux-ci y
21
ont consenti.»

7. Or, si la Guinée équatoriale prétend baser votre compétence sur les deux instruments que

j’ai cités (le protocole à la convention de 1961 sur les relations diplomatiques et la convention de

Palerme), la Guinée équatoriale invoque également la convention des Nations Unies sur les

20CR 2016/14, p. 21-22, par. 5 (Wood).
21
Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 32, par. 64-65, citant l’ordonnance du
10 juillet 2002, Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), mesures conservatoires, ordonnance du 10 juillet 2002, C.I.J. Recueil 2002, p. 241, par. 57. - 20 -

22
immunités juridictionnelles de l’Etat de 2004 , qu’elle n’a ni signée ni ratifiée et qui n’est, au

surplus, pas entrée en vigueur. D’ailleurs, peu importe que cet instrument reflète (ou non) «[l]es

règles de droit international coutumier gouvernant les immunités des Etats en matière de saisie de

leurs biens» comme l’affirme la Guinée équatoriale dans sa requête : il n’existe pas davantage de

fondement, à l’application par la Cour en la présente espèce, du droit international général sur

lequel, pourtant, la Guinée équatoriale se fonde copieusement.

8. Elle le reconnaît d’ailleurs expressément. Après avoir cité le principe de l’égalité

24
souveraine , qui semble former une des armatures de ses plaintes, et avoir cité les deux

instruments conventionnels que j’ai mentionnés, la Guinée équatoriale affirme, au paragraphe 36 de

sa requête et dans ses plaidoiries orales : «[d]ans le présent différend [s’applique] également ... le

droit international général...» . Elle l’évoque en effet abondamment tant dans sa requête initiale

que dans sa demande en indication de mesures conservatoires et dans ses plaidoiries d’hier, et elle

le fait en particulier à l’appui de deux de ses demandes . 26

9. En premier lieu, la Guinée équatoriale tente d’étendre l’application de l’immunité

juridictionnelle des diplomates à M. Obiang, au prétexte qu’en droit international coutumier

«certaines personnes occupant un rang élevé dans l’Etat» en bénéficient . Monsieur le président,

je n’en sais rien  et je ne veux pas le savoir. Ce que je sais c’est que la Cour n’a pas compétence

pour se prononcer sur la question : ni le protocole de 1961 ni la convention de 2000 n’ont la

moindre pertinence à cet égard  or ce sont les seules bases de compétence invoquées en la

présente instance. Et je me permets d’insister, Monsieur le président, car ceci est particulièrement

important  et je dirais même décisif. L’essentiel du cas de la Guinée équatoriale repose sur cela :

les faits qu’elle reproche à la France seraient internationalement illicites car ils violeraient

l’immunité juridictionnelle du vice-président. Mais celui-ci n’est pas un diplomate  il est... le

vice-président, une fonction qui n’entre pas dans le champ d’application de la convention de

22RGE, par. 39 ou CR 2016/4, p. 24-25, par. 15 (Wood).

23Ibid., par. 39.
24
RGE, par. 35.
25
Ibid., par. 36.
26 Voir notamment RGE, p. 11, par. 37-39 ; MC, p. 3, par. 7 ; CR 2016/4, p. 19, par. 14 (Tchikaya) ; p. 24-25,
par. 15 (Wood) ; p. 26, par. 21 (Wood) ou p. 31-32, par. 9 (Kamto).

27Voir RGE, par. 13, 19 in fine, 25 ou 41. b) i) (Conclusions) ; voir aussi MC, par. 7. - 21 -

Vienne de 1961, et ceci rend dès lors inopérant le protocole dont l’article premier précise que,

seuls, «[l]es différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la Convention relèvent de la

compétence obligatoire de la Cour internationale de Justice». Il n’est pas plus pertinent de se poser

la question de savoir si M. Obiang, en tant que vice-président, pourrait bénéficier des immunités de

la «troïka» : celles qui sont reconnues au chef de l’Etat, au chef du gouvernement ou au ministre

des affaires étrangères. Il n’est ni ceci ni cela, et une telle extension paraît plus que douteuse.

Mais, de toute manière, la question est hors sujet : si elle se posait, ce ne pourrait être qu’au regard

du droit international coutumier  qu’invoque en effet la Guinée équatoriale à cet égard. Or elle

ne peut se prévaloir d’aucune base de compétence qui vous permettrait de vous prononcer sur ce

point (et elle n’en n’allègue en effet aucune).

10. En second lieu, l’Etat demandeur vous prie de faire respecter «les principes de l’égalité

28
souveraine des Etats et de la non-intervention dans les affaires intérieures d’autres Etats» dont le

prétendu non-respect fait l’objet de la première conclusion formulée dans la requête de la Guinée

29
équatoriale et est également mentionnée dans la demande en indication de mesures

conservatoires . Cette prétention se heurte à la même objection que la précédente : la Guinée

équatoriale ne peut invoquer aucune clause de compétence qui permettrait à la Cour de se

prononcer sur ces allégations.

11. Il est vrai que nos contradicteurs tentent de rattacher cette demande à la convention de

31
Palerme qui, en son article 4, intitulé «Protection de la souveraineté», dispose :

«Les Etats Parties exécutent leurs obligations au titre de la présente Convention

d’une manière compatible avec les principes de l’égalité souveraine et de l’intégrité
territoriale des Etats et avec celui de la non-intervention dans les affaires intérieures
d’autres Etats.»

12. Mais il s’agit là d’une directive générale qui éclaire la manière dont les autres

dispositions du traité doivent être exécutées mais qui n’impose pas aux Etats d’obligation

spécifique dont les autres parties à la convention pourraient invoquer la violation devant la Cour de

28
RGE, par. 35 ; voir aussi MC, par. 13.
29Ibid.

30MC, par. 13.
31
Voir CR 2016/14, p. 21-22, par. 5 (Wood). Voir aussi MC, p. 4-5, par. 13. - 22 -

céans. Comme celle-ci l’a dit au sujet de l’article premier du traité d’amitié, de commerce et de

droits consulaires de 1955 entre les Etats-Unis et l’Iran, l’objet et le but de cet instrument

«n’étaient pas d’organiser les relations pacifiques et amicales entre les deux Etats de
manière générale. L’article premier ne saurait dès lors être interprété comme
incorporant dans le traité l’ensemble des dispositions du droit international concernant
de telles relations.»32

Il en va de même ici : l’objet et le but de la convention de Palerme n’est pas de protéger la

souveraineté des Etats parties d’une manière générale, il n’est pas non plus de conventionnaliser

l’interdiction de l’intervention dans les affaires intérieures des autres Etats : la référence à ces

principes dans l’article 4 indique la manière dont les autres dispositions doivent être appliquées ; il

peut servir à leur interprétation mais, en aucune manière, il ne saurait fonder, de manière autonome,

la compétence de la Cour . 33

13. Mais interpréter, cela ne veut pas dire neutraliser ou empêcher la réalisation du but et de

l’objet de la convention. Pour les atteindre, la convention de Palerme impose aux Etats parties

d’adopter les mesures législatives nécessaires pour incriminer et rendre passibles de sanctions les

infractions de nature transnationale qu’elle définit  notamment le blanchiment  lorsque ces

infractions sont commises sur leur territoire. Mais la convention ne saurait constituer, par

elle-même, et ne constitue pas une base de compétence pour l’exercice de la juridiction pénale. Du

reste, les poursuites contre M. Obiang n’ont pas été engagées sur le fondement de cette convention.

Et je mets au défi nos contradicteurs d’en citer une seule disposition qui soit applicable en l’espèce.

14. Il paraît donc très évident que la Cour n’a aucune compétence pour connaître les

demandes de la Guinée équatoriale concernant :

 la prétendue violation de la souveraineté ou la tout aussi prétendue intervention de la France

dans ses affaires intérieures ;

 celle de la convention de 2004 sur les immunités juridictionnelles des Etats, quand bien même

on considérerait que ses dispositions reflètent des règles coutumières ; ou

32 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 814, par. 28.
33
Voir ibid., p. 815, par. 31 ; voir aussi Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 137, par. 273. - 23 -

 les atteintes aux immunités juridictionnelles dont se prévaut M. Obiang, qui ne sont garanties

ni par la convention de 1961 sur les relations diplomatiques  il n’est pas diplomate , ni, à

plus forte raison, par la convention des Nations Unies sur la lutte contre la criminalité

transnationale organisée.

15. A tous ces points de vue, vous ne pouvez, Mesdames et Messieurs les juges, que

constater votre incompétence prima facie, ce qui entraîne évidemment le rejet des mesures

conservatoires correspondantes demandées par la Guinée équatoriale. Et cela concerne dans son

intégralité le volet «immunités et procédures pénales» de l’affaire (pour reprendre le titre que vous

lui avez donné) et donc le rejet de la première des mesures conservatoires demandées.

16. Cette constatation d’incompétence prima facie de la Cour pour se prononcer sur les

demandes de la Guinée équatoriale concernant les immunités prétendues de M. Obiang «rejaillit»,

si je peux dire, sur le sort des demandes relatives à l’immeuble du 42 avenue Foch. Comme l’a dit

mon excellent collègue et ami Maurice Kamto, «le sort de l’immeuble sis 42 avenue Foch est

34
inextricablement lié à celui du vice-président de la Guinée équatoriale» . Et mon également très

bon ami  mais pas collègue !  sir Michael, de renchérir : «The request that the inviolability and

immunity of the building at 42 avenue Foch be respected is … intimately linked to the rights at

35
issue in this case regarding the building.» En effet, comme l’agent de la France l’a expliqué il y a

quelques instants, il n’existe aucun risque de confiscation puis de vente de l’immeuble aussi

longtemps que la condamnation de M. Obiang pour blanchiment n’est pas définitivement acquise.

Dans la mesure où la seconde demande dépend de la première, pour laquelle vous n’avez,

prima facie et très évidemment, pas compétence, cette incompétence s’étend à la seconde qui, par

ailleurs, ne présente aucun caractère d’urgence comme Hervé Ascensio va le montrer dans un petit

moment.

II. La demande équato-guinéenne concernant le 42 avenue Foch est
non plausible et abusive

17. Au demeurant, Mesdames et Messieurs de la Cour, votre incompétence pour connaître le

volet «42 avenue Foch» de l’affaire que la Guinée équatoriale a cru bon de vous soumettre peut

34CR 2016/14, p. 35, par. 17 (Kamto).

35Ibid., p. 25, par. 19 (Wood). - 24 -

être établie plus directement : la demande de la Guinée équatoriale à cet égard est, par elle-même,

non plausible et abusive.

o
[Projection n 2 : Chronologie d’un détournement de procédure]

18. Monsieur le président, une chronologie que je ferai plus rapide que celle que vous a

présentée l’agent de la République sera plus parlante, je crois, que de longs discours :

 2007, ouverture d’une enquête pour recel de détournement de fonds publics, blanchiment, abus

de biens sociaux, abus de confiance et recel ; (in fine, seule sera retenue l’accusation de

blanchiment par l’ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi partiel devant le Tribunal

correctionnel du 5 septembre 2016) ;

 3 décembre 2010 : deux juges sont désignés comme magistrats instructeurs ; 36

 en septembre 2011, Mme Bindang Obiang est nommée représentante permanente auprès de

l’UNESCO, elle réside 46 rue des Belles Feuilles à Paris  une belle adresse aussi et ce n’est

pas très loin du 42 avec Foch mais... ce n’est pas 42 avenue Foch ;

 le 28 septembre et le 3 octobre, dix-huit véhicules dont deux Ferrari, deux Bentley, une

Maserati, trois Bugatti, une Porsche et quelques autres Aston Martin ou Mercedes appartenant

à M. Obiang sont saisis dans le jardin du 40-42 avenue Foch ;

 en septembre, l’immeuble semble avoir été cédé précipitamment à la République de Guinée

équatoriale après le déclenchement des poursuites contre M. Teodoro Obiang ; le prétendu 37

changement d’affectation de l’immeuble ne sera toutefois notifié que le 4 octobre au ministère

des affaires étrangères ;8

 [projection de l’affichette] toujours le 4 octobre, des membres du personnel de l’ambassade se

rendent 42 avenue Foch pour apposer des «affichettes de fortune» indiquant de manière un peu

39
pathétique «République de Guinée équatoriale  locaux de l’ambassade» , formule

36 MC, annexe 1, ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi partiel devant le Tribunal correctionnel,
5 septembre 2016, p. 6.
37
Voir ibid., p. 20.
38Voir RGE, annexe 8, note verbale de l’ambassade de Guinée équatoriale au ministère des affaires étrangères et

européennes de la République française.
39 MC, annexe 1, ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi partiel devant le Tribunal correctionnel,
5 septembre 2016, p. 16. - 25 -

visiblement téléguidée par les juristes auxquels la Guinée équatoriale s’était très probablement

adressée ;

 dans une note verbale du 17 octobre 2011, l’ambassade ne présentait plus l’hôtel particulier

comme faisant partie de la mission diplomatique. L’immeuble du 42 avenue Foch était décrit

cette fois comme la résidence de Mme Bindang Obiang, déléguée permanente auprès de

l’UNESCO ; 40

 le 18 octobre 2011, passation de pouvoir entre l’ambassadeur de Guinée équatoriale en France,

rappelé précipitamment à Malabo, et Mme Mariola Bindang Obiang qui assure l’intérim

 intérim que la France ne peut valider car incompatible avec l’article 61 de la convention de

Vienne sur les relations diplomatiques ; la scène de passation de pouvoir ne se passe toujours

pas 42 avenue Foch mais 29 boulevard de Courcelles , adresse  comme l’a dit l’agent 

traditionnelle de l’ambassade de Guinée équatoriale à Paris ;

 l’UNESCO, pourtant concernée au premier chef, ne sera informée du soudain et prétendu

changement de résidence de Mme Bindang Obiang que le 14 février 2012, premier jour des

42
perquisitions diligentées par les autorités judiciaires françaises au 42 avenue Foch ;

 14 février 2012 : le président Obiang indique, dans une lettre adressée au président Sarkozy,

43
que l’immeuble appartenait bien à son fils ;

 une perquisition est effectuée dans l’hôtel particulier de l’avenue Foch les 14, 15 et

44
16 février 2012 ;

 le 15 février, note verbale par laquelle l’ambassade de Guinée équatoriale en France informe le

ministère des affaires étrangères que ce bien était sa propriété, pour laquelle il souhaitait une

45
protection policière ;

40
Documents produits par la République française le 14 octobre 2016, annexe 3.
41 Voir «Comment le président Obiang démine ses affaires à Paris...», «La Lettre du Continent»

(20 octobre 2011) (consultable sur le site de l’Association France-Guinée équatoriale http ://www.france-guinee
equatoriale.org/News/540.html).
42Documents produits par la République française le 14 octobre 2016, annexe 8.

43Documents produits par la République française le 14 octobre 2016, annexe 5.
44
Procès-verbal de transport et perquisition de l’hôtel particulier sis 42 avenue de Foch 75016 Paris du
14 février 2012 (pièce D.555) ; procès-verbal de transport et perquisition de l’hôtel particulier sis 42 avenue de Foch
75016 Paris du 15 février 2012 (pièce D.556) ; procès-verbal de suite de perquisition de l’hôtel particulier sis 42 avenue
de Foch 75016 Paris du 16 février 2012 (pièce D.557). - 26 -

 le 16 février 2012, le ministère des relations extérieures de Guinée équatoriale sollicite

l’agrément des autorités françaises à la nomination de Mme Bindang Obiang comme

ambassadeur de la République de Guinée équatoriale en France. Dans le CV joint à cette

demande le lieu de résidence indiqué est 46 rue des Belles Feuilles, Paris XVI e46 ;

 Mme Bindang Obiang est nommée ambassadeur de Guinée équatoriale en France le

21 mars 2012 ;

 le 27 juillet, la direction du protocole du Quai d’Orsay reçoit une note émanant de l’ambassade

de Guinée équatoriale indiquant que «les services de l’Ambassade sont, à partir du

e
27 juillet 2012, installés à l’adresse sise 42 Avenue Foch, Paris 16 , immeuble qu’elle utilise

désormais, donc à partir du 27 juillet 2012, pour l’accomplissement des fonctions de sa

47
Mission diplomatique en France» ;

 à partir de l’été 2012, les services de l’ambassade de Guinée équatoriale en France semblent

48
avoir été effectivement transférés à cette adresse .

J’ajoute, mais l’agent de la République l’a déjà dit, que si la Guinée équatoriale a sollicité,

durant cette période, les exemptions fiscales auxquelles elle a droit en vertu de la convention de

Vienne sur les relations diplomatiques pour son ambassade sise boulevard de Courcelles, elle n’a

jamais formulé à l’époque une telle demande s’agissant du 42 avenue Foch.

o
[Fin de la projection n 1]

19. Monsieur le président, je crois que cette chronologie se suffit à elle-même : il en résulte à

l’évidence que l’immeuble de l’avenue Foch ne relevait pas, à la date critique, de «locaux de la

mission» diplomatique de la Guinée équatoriale à Paris et qu’ils ont été «déguisés», dans la

précipitation et dans une certaine improvisation, tantôt en résidence du représentant permanent

auprès de l’UNESCO, tantôt en ambassade de la Guinée équatoriale en France. Mais ceci ne

saurait dissimuler le fait qu’ils n’ont jamais acquis en droit la qualité de «locaux de la mission».

45 o
Note verbale n 185/12 du 15 février 2012 de l’ambassade de Guinée équatoriale à Paris (pièce D543/2 du
dossier d’instruction).
46
Documents produits par la République française le 14 octobre 2016, annexe 11.
47 Note verbale n 501/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des

affaires étrangères de la République française, 27 juillet 2012 ; les italiques sont de nous.
48Voir note verbale n 501/12 du 27 juillet 2012 de l’ambassade de Guinée équatoriale à Paris. - 27 -

Au même titre que les biens meubles qui y ont été saisis, l’immeuble du 42 avenue Foch est un bien

privé  et un bien soupçonné d’être le fruit de blanchiment d’argent.

20. Monsieur le président, je l’ai déjà rappelé, la Cour, avec la prudence polie qui la

caractérise ordinairement lorsqu’il s’agit de donner un titre à une affaire dont elle est saisie, a

intitulé celle-ci «Immunités et procédures pénales». C’est de la bonne «diplomatie judiciaire» et

nous ne critiquons pas cela. Mais, chacun le sait, le langage diplomatique relève de l’art de ne pas

indisposer ; la Cour a de bonnes raisons pour ménager les Parties. Mais la presse qui s’embarrasse

de moins de scrupules terminologiques, la presse désigne cette affaire d’un nom moins poliment

49
neutre ; c’est celle des «Biens mal acquis» ; elle veut signaler par là que cette affaire concerne des

biens dont les juges instructeurs ont considéré qu’ils ont été acquis par le biais du blanchiment

d’argent sale, ce qui les a conduits à estimer que les charges pesant sur M. Obiang sont

suffisamment graves pour demander son renvoi devant le Tribunal correctionnel  son renvoi

devant le Tribunal correctionnel mais rien de plus : la France est un Etat de droit et la présomption

d’innocence y est respectée.

o
[Projections n 2 : Biens mal acquis

21. Mais ce qui reste certain, c’est que, bien ou mal acquis, les biens saisis dans l’enceinte du

42 avenue Foch ne constituaient pas, de quelque manière que ce soit, des biens d’une mission

diplomatique qu’il s’agisse

 Projection n 2-1 : d’œuvres d’art ;

o
 Projection n 2-2 : de costumes de grand couturier  innombrables ; ou

 Projection n 2-3 : de voitures de grand prix.

o
 Projection n 2-4 : Maserati, Ferrari ou Bugatti Veyron (entre un et deux millions pièce  il y

en avait trois) entreposées dans le jardin  aucune demande de plaque diplomatique n’a

d’ailleurs jamais été faite pour ces voitures.

 Projection n 2-5 : Il en va de même s’agissant de l’hôtel particulier, de 4 000 m², sur l’avenue

Foch  la plus chère de Paris.

49«Biens mal acquis : l’enquête empêchée», Le Monde du 9 juin 2011 ; «Biens mal acquis : Le jeu trouble de la
Société générale en Afrique», Le Monde, 14 février 2014 ; «Biens mal acquis» : Les dépenses astronomiques de
Teodorin Obiang», Le Monde du 27 mai 2016 ; ou «Pièces A Conviction, Reportage Sur Les Biens Mal Acquis Des

Présidents Africains» (M6), visible sur https ://www.youtube.com/watch?v=Qwl-7GkB0T8 (consulté le 13 octobre 2016). - 28 -

os
[Projeter progressivement les projections n 2-6 à 2-12 + salon doré jusqu’à la fin du par. 23]

22. Tous ces biens, qu’il s’agisse des biens meubles ou de l’immeuble dont vous voyez des

photos à l’écran, ont la même fonction : satisfaire le besoin compulsif d’acheter qui taraude non pas

le ministre Obiang, non pas le vice-président Obiang, qu’il soit le second ou le premier, mais

M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, car toutes ces dépenses n’ont évidemment rien à voir avec

les éminentes fonctions qu’il occupe ou qu’il a occupées. Il s’agit d’achats purement privés, faits à

des fins purement privées et financées  formellement  par des fonds privés, même s’ils

proviennent peut-être du «blanchiment» que le code pénal français définit comme «le fait

d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit

50
direct ou indirect d’un crime ou d’un délit» . Mais, de toute façon, cela ne transforme pas ces

biens privés en biens publics. L’hôtel particulier de l’avenue Foch a été acquis par M. Obiang à

titre privé, via l’interposition de sociétés suisses, comme cela a pu être clairement établi au cours de

51
l’instruction . Cet immeuble n’avait, à l’évidence, lorsque les poursuites ont été lancées, pas

vocation à bénéficier de la protection qu’accorde la convention de 1961 aux locaux d’une mission

diplomatique. Le prétendre, c’est commettre un très grossier abus de droit.

23. Il est du reste tout aussi évident qu’il n’est pas devenu un immeuble à usage

diplomatique : une boîte de nuit avec écran de cinéma, un bar, une chambre de 100 m², une salle de

52
sport, un salon oriental, un salon de coiffure , tout cela ne se prête guère aux activités habituelles

d’une ambassade et est assez insolite même pour la résidence d’un ambassadeur, mais de toute

façon, la Guinée équatoriale ne prétend plus que ce soit le cas de l’immeuble du 42 avenue Foch . 53

[Fin de la projection n 2] o

50Article 324-1 du code pénal français.

51Voir l’ordonnance de non-lieu partiel, de renvoi partiel devant le Tribunal correctionnel du 5 septembre 2016,
annexe 1 de la demande de mesures conservatoires, p. 13) (pièces D.434 à 493 du dossier d’instruction, D.762, D.765).

52 Voir ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, dossier photographique,
24 février 2012 (pièce D.584).
53 o
Voir notamment : note verbale n °501/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au
ministère des affaires étrangères de la République française (27 juillet 2012) ; note verbale n °517/12 de l’ambassade de
la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des affaires étrangères de la République française
(2 août 2012) ; note verbale n °227/15 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
o
affaires étrangères de la République française (13 mars 2015) ; note verbale n °230/2016 de l’ambassade de la
République de Guinée équatoriaoe adressée au ministère des affaires étrangères de la République française
(21 avril 2016) ; note verbale n °316/2016 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère
des affaires étrangères de la République française (11 mai 2016). - 29 -

24. Certes, aux termes de l’article 22 de la convention sur les relations diplomatiques, les

«locaux de la mission» et les objets qui s’y trouvent jouissent de l’immunité de juridiction et

d’exécution. Encore faut-il qu’il s’agisse de «locaux de la mission», expression que

l’article premier i) de la convention de Vienne définit comme les «bâtiments ou ... parties de

bâtiments ou du terrain attenant qui, quel qu’en soit le propriétaire, sont utilisés aux fins de la

mission, y compris la résidence du chef de mission». Ils ne l’étaient évidemment pas avant le

maquillage juridique auquel a tenté de se livrer la Guinée équatoriale en nommant en catastrophe

M. Obiang représentant permanent adjoint auprès de l’UNESCO (alors même qu’il demeurait

ministre ... de l’agriculture et des forêts), bien que cette nomination ne semble pas avoir été

formalisée  en tout cas, le service du protocole du Quai d’Orsay n’a jamais reçu de notification

(pourtant obligatoire) à cette fin. Mais le simple fait de cette nomination  ou tentative de

nomination  témoigne clairement de la volonté de la Guinée équatoriale de déguiser un

immeuble privé en un bien public à usage diplomatique. Cela s’appelle un détournement de

procédure  un abuse of process. Les affichettes sont un autre épisode, parmi beaucoup d’autres,

qui conforte cette conclusion.

25. Du reste, les officiers de police judiciaire, qui ont procédé aux perquisitions de

l’immeuble en février 2012, n’y ont découvert aucun document officiel de la Guinée équatoriale,

ou de sa mission diplomatique en France . Il résulte des témoignages recueillis lors de l’enquête

qu’il n’y avait, en effet, jamais eu ni de documents ni d’activités diplomatiques dans ce vaste

bâtiment jusqu’à l’été 2012.

26. Monsieur le président, il est tout à fait clair  il est clair prima facie  que la prétendue

transformation de l’immeuble du 42 avenue Foch en mission diplomatique est un pur «habillage

juridique» pour reprendre la très juste expression des juges d’instruction dans l’ordonnance du

5 septembre 2016 . Intervenue après la naissance du différend, cette tentative n’est bien sûr pas

susceptible de modifier la nature de l’immeuble. Et votre saisine est, si je puis dire, une «fraude

54 Procès-verbal de transport et perquisition de l’hôtel particulier sis 42 avenue de Foch 75016 Paris du
14 février 2012 (pièce D.555) ; procès-verbal de transport et perquisition de l’hôtel particulier sis 42 avenue de Foch
75016 Paris du 15 février 2012 (pièce D.556) ; procès-verbal de suite de perquisition de l’hôtel particulier sis 42 avenue
de Foch 75016 Paris du 16 février 2012 (pièce D.557).
55
MC, annexe 1, ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi partiel devant le Tribunal correctionnel du
5 septembre 2016, p. 20. - 30 -

(une fraude grossière) à votre compétence», que vous ne sauriez exercer prima facie sauf à valider

un abus évident de procédure juridictionnelle.

27. Monsieur le président, il ne suffit pas d’invoquer des dispositions conventionnelles

constituant des bases de compétence vaguement possibles de la Cour, encore faut-il qu’elles soient

plausibles. Dans l’affaire des Plateformes pétrolières, la haute juridiction a posé avec fermeté le

56
principe du fumus boni juris dans un arrêt se prononçant sur une exception préliminaire . Puis

vous en avez étendu l’exigence aux demandes en indication de mesures conservatoires dans vos

ordonnances du 2 juin 1999 rendues dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force

opposant la Yougoslavie à dix pays de l’OTAN :

«[A] l’effet d’établir, même prima facie, si un différend au sens de l’article IX

de la convention sur le génocide existe, la Cour ne peut se borner à constater que l’une
des parties soutient que la convention s’applique alors que l’autre le nie; et (...), au cas
particulier, elle doit rechercher si les violations de la convention alléguées par la

Yougoslavie sont susceptibles d’entrer dans les prévisions de cet instrument et si, par
suite, le différend est de ceux que la Cour pourrait avoir compétence pour connaître
ratione materiae par application de l’article IX de la convention sur le génocide...» 57

28. Ce test de la plausibilité est maintenant bien ancré dans la jurisprudence de la Cour en

matière de mesures conservatoires  je vous cite à nouveau cette fois, l’ordonnance de 2009 sur

l’obligation de poursuivre ou d’extrader  :

«un lien doit donc être établi entre les mesures conservatoires sollicitées et les droits

qui font l’objet de l’instance pendante devant la Cour sur le fond de l’affaire ;

[L]e pouvoir de la Cour d’indiquer des mesures conservatoires ne devrait être
58
exercé que si les droits allégués par une partie apparaissent au moins plausibles.»
59
Sur le principe, la Guinée équatoriale n’en disconvient pas . Mais pour ce qui est de son

application à l’espèce, c’est une autre affaire.

56
Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), exception préliminaire,
arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 810, par. 16.
57 Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999,

C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 137, par. 38.
58Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires,
ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 151, par. 56-57 ; voir aussi : Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 18, par. 53 ; ou Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de

Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires, ordonnance du
18 juillet 2011, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 545, par. 33.
59Voir CR 2016/14, p. 21, par. 2, p. 23-24, par. 13-15 (Wood), p. 31, par. 7, p. 31-32, par. 9-10 (Kamto). - 31 -

29. Or il est évident que les droits invoqués par la Guinée équatoriale ne fleurent nullement

le bon droit, ils ne présentent pas une once de vraisemblance :

 je l’ai montré : la convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 et son

protocole s’appliquent aux diplomates ; M. Obiang ne l’est pas ;

 de même la convention de Vienne concernant les «locaux d’une mission diplomatique»

s’applique à une mission diplomatique, or il est incontestable que l’immeuble du 42 avenue

Foch ne relevait pas de cette catégorie à la date de sa saisie ; et lui reconnaître, aujourd’hui, la

qualité de «local de la mission», ce serait consacrer le fait accompli résultant d’un abus de droit

flagrant et évident ;

 la convention de 2004 sur les immunités juridictionnelles de l’Etat n’est pas en vigueur ;

 celle de 2000 sur la criminalité transnationale ne comporte aucune clause d’immunité et n’a, de

toute manière, pas vocation à permettre le déclenchement de poursuites pénales ;

 pas davantage qu’elle n’offre une base de compétence à un Etat partie pour intenter des actions

contre un autre Etat partie au sujet de prétendues violations de sa souveraineté ou du principe

de non-intervention.

30. Utiliser la voie de la demande en indication de mesures conservatoires pour ralentir ou

empêcher des poursuites pénales qui, ni prima ni secunda facie ne peuvent être rattachées à une

base de compétence crédible de la Cour constitue bien un détournement de la procédure des

mesures conservatoires.

31. Dans ces conditions, la Cour ne peut que constater non seulement qu’elle n’a pas

compétence prima facie pour se prononcer sur la requête dont la Guinée équatoriale l’a saisie, mais

encore que cette saisine même est un cas flagrant de détournement de procédure qui doit entraîner

le retrait de l’affaire du rôle de la Cour .

32. Il n’est pas douteux, Mesdames et Messieurs les juges, que vous bénéficiez d’une

certaine marge d’appréciation en matière de mesures conservatoires, qu’il s’agisse de leur prononcé

ou, si vous en indiquez, de leur contenu. Cela est très apparent dans le texte de l’article 41 du

Statut lui-même, qui confère à la Cour «le pouvoir d’indiquer ... quelles mesures conservatoires du

60Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Espagne) et (Yougoslavie c. Etats-Unis d’Amérique), mesures
conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 769 et suiv., par. 22 et suiv., et p. 923, par. 19. - 32 -

droit de chacun doivent être prises à titre provisoire» «si elle estime que les circonstances

l’exigent». L’article 75 du Règlement confirme la large latitude dont dispose la Cour à cet égard en

l’autorisant à examiner d’office l’opportunité de mesures conservatoires ou à indiquer «des

mesures totalement ou partiellement différentes de celles qui sont sollicitées». Et votre

jurisprudence l’atteste également : vous n’avez jamais hésité à vous écarter des mesures demandées

par les parties ou à en indiquer de votre crû.

33. Nous sommes convaincus, Mesdames et Messieurs les juges, que, si, par impossible,

vous refusiez de rayer l’affaire du rôle et acceptiez de vous prononcer sur les demandes

équato-guinéennes, ce ne pourrait être que pour les rejeter. Vous auriez à cœur, dans l’exercice de

votre pouvoir d’appréciation, de mettre en balance, d’une part, les bénéfices  inexistants  qui

résulteraient pour la Guinée équatoriale de l’indication des mesures conservatoires qu’elle vous

prie d’indiquer et, d’autre part, les très graves difficultés que rencontrerait la France pour les mettre

en œuvre, pour les raisons que l’agent de la République a évoquées au début de sa présentation

 étant rappelé que, lorsque vous prononcez une demande en indication de mesures

conservatoires, il vous appartient de protéger les droits des deux parties  de chacune des deux

parties . Ceux de la Guinée équatoriale ne sont nullement menacés  en tout cas dans l’immédiat

et, sans aucun doute, jusqu’au prononcé de votre arrêt.

34. Monsieur le président, je sais bien que le droit et la morale sont deux choses distinctes.

Mais il y a des limites. Dans notre affaire, elles sont franchies. Je suis convaincu que la Cour ne

perdra pas ceci de vue.

35. Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre attention renouvelée.

Monsieur le président, puis-je vous demander de donner la parole au professeur Ascensio qui

montrera que les autres conditions nécessaires à l’indication de mesures conservatoires : le risque

de préjudice irréparable et l’urgence d’y parer ne sont, de toute manière, pas non plus réunies ?

61 Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d’Amérique), mesures
conservatoires, ordonnance du 9 avril 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 257, par. 35 ; LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis
d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 14-15, par. 22 ; Avena et
autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du
5 février 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 89, par. 49. - 33 -

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je remercie le professeur Alain Pellet.

Je donne la parole au professeur Hervé Ascensio. Monsieur le professeur, vous avez la parole.

M. ASCENSIO :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, c’est un grand honneur pour moi

de paraître ce matin devant votre Cour au nom de la République française.

2. Le professeur Pellet vient de démontrer que votre Cour n’était pas compétente prima facie

dans la présente affaire, que les droits revendiqués par la République de Guinée équatoriale

n’étaient pas plausibles et que la demande de mesures conservatoires constituait un détournement

de procédure. Pour surplus de droit, je rappelle que l’indication de mesures conservatoires est

soumise à d’autres conditions, bien connues et établies de longue date par votre jurisprudence :

l’urgence et le risque de préjudice irréparable.

3. Or, l’analyse des circonstances de la présente affaire montre clairement que ni l’une ni

l’autre de ces deux conditions n’est remplie. Cela est vrai pour l’ensemble des demandes de la

Guinée équatoriale, qui portent,

 premièrement, sur la suspension des procédures pénales contre M. Teodoro Nguema Obiang

Mangue ;

 deuxièmement, sur le traitement de l’immeuble sis 42 avenue Foch comme locaux de la

mission diplomatique ; et

 troisièmement, sur la préservation d’autres droits et la non-aggravation du différend.

4. J’examinerai simultanément la question de l’urgence et celle du préjudice irréparable pour

chacune de ces trois demandes, en suivant l’ordre retenu dans la demande en indication de mesures

conservatoires du 29 septembre 2016. Il apparaîtra également au cours de l’exposé que certaines

d’entre elles sont sans lien avec les demandes figurant dans la requête en date du 13 juin 2016, et

qu’elles devraient, pour ce motif, être rejetées. En premier lieu donc :

I. L’ABSENCE D ’URGENCE ET DE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE DANS LES PROCÉDURES PÉNALES
ENGAGÉES CONTRE M. T EODORO N GUEMA O BIANG M ANGUE

5. Dans sa demande en indication de mesures conservatoires, la République de

Guinée équatoriale argue de «l’imminence d’un procès pénal» pour en justifier l’urgence. Elle cite - 34 -

à ce propos l’ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel du 5 septembre 2016 et la

convocation de M. Nguema Obiang Mangue devant ce même Tribunal le 24 octobre. Elle souligne

encore que l’ordonnance de renvoi n’était pas susceptible d’appel, et en déduit que le prévenu peut

être condamné à une peine privative de liberté à tout moment.

6. Contrairement à ce qu’affirme la République de Guinée équatoriale, une condamnation

définitive n’est pas du tout imminente.

7. L’agent de la République française a expliqué tout à l’heure que l’audience du 24 octobre

n’aura pas pour objet le jugement au fond. Elle vise à remédier à l’absence de visa des textes

d’incrimination et de répression dans l’ordonnance de renvoi, de manière à respecter au mieux les

droits de la défense. L’audience du 24 octobre ne crée donc aucune urgence, et elle ne fait

apparaître aucun préjudice d’aucun genre. Au contraire, la France se montre soucieuse du parfait

respect des droits de M. Nguema Obiang Mangue dans le déroulement de la procédure pénale

française.

8. Compte tenu des délais habituels devant les juridictions répressives françaises, l’affaire

dans laquelle M. Teodoro Nguema Obiang Mangue est cité ne devrait être audiencée et jugée que

l’an prochain. Or, et contrairement à ce qui a été suggéré hier, le prévenu n’est pas forcément tenu

d’assister aux audiences devant le Tribunal correctionnel. En vertu de l’article 411 du code de

procédure pénale, il peut demander à être jugé en son absence, tout en étant représenté par son

avocat. Sans doute le Tribunal peut-il estimer la comparution du prévenu nécessaire, mais les

circonstances de l’affaire rendent l’hypothèse hautement improbable. En effet, l’on imagine mal le

Tribunal correctionnel suspendre ses audiences pour attendre l’arrivée d’un prévenu résidant à

l’étranger.

9. De surcroît, l’existence de voies de recours est un élément essentiel à prendre en

considération au regard du critère de l’urgence. Comme l’agent de la République française l’a

expliqué tout à l’heure, une éventuelle condamnation à une peine privative de liberté ne deviendrait

définitive qu’après plusieurs années, en tenant compte de la possibilité d’un appel puis d’un recours

en cassation. Cela fait perdre tout caractère d’urgence à la demande de la République de Guinée

équatoriale. - 35 -

10. Il n’existe pas non plus de risque de préjudice irréparable aux droits de la République de

Guinée équatoriale. A cet égard, les arguments soulevés par la partie demanderesse restent très

généraux, à savoir un obstacle aux déplacements à l’étranger de M. Teodoro Nguema Obiang

Mangue et la non-reconnaissance d’une immunité. Aucune précision n’a été apportée, ni aucun

élément démontrant que M. Nguema Obiang Mangue aurait été empêché, en une ou en plusieurs

occasions depuis 2012, d’exercer ses fonctions.

11. Qui plus est, l’ensemble de cette argumentation est hautement contestable aussi bien du

point de vue juridique que factuel.

12. Sous l’angle juridique, l’idée que M. Teodoro Nguema Obiang Mangue bénéficierait

d’une immunité internationale, y compris pour des actes accomplis à titre privé, est fondée sur une

analogie abusive entre sa fonction et la fonction des trois autorités qui bénéficient

traditionnellement d’une immunité personnelle en droit international : le chef de l’Etat, le chef du

gouvernement et le ministre des affaires étrangères. On parle également de la «triade», ou de la

«troïka».

13. Or, dans sa jurisprudence sur les mesures conservatoires, votre Cour n’a jamais jugé

qu’une procédure pénale en cours concernant un agent de l’Etat autre que ces trois personnes

risquerait de causer un préjudice grave et irréparable. Dans l’affaire du Mandat d’arrêt, vous avez

estimé que le préjudice irréparable n’était pas établi du fait qu’un mandat d’arrêt visait M. Yerodia,

62
le ministre de l’éducation nationale de la République démocratique du Congo . Dans l’affaire

relative à Certaines procédures pénales engagées en France, vous avez écarté l’idée qu’un tel

préjudice résulte du mandat d’amener délivré à l’encontre du général Dabira, inspecteur général des
63
forces armées congolaises . Vous l’avez également écarté s’agissant de la citation dans le dossier

d’instruction du général Oba, ministre de l’intérieur, de la sécurité publique et de l’administration

64
du territoire .

62Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), mesures conservatoires,
ordonnance du 8 décembre 2000, C.I.J. Recueil 2000, p. 201, par. 72.

63Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), mesure conservatoire,
ordonnance du 17 juin 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 111, par. 38.
64
Ibid., p. 111, par. 37. - 36 -

14. Qui plus est, M. Teodoro Nguema Obiang Mangue ne fait plus actuellement l’objet d’un

mandat d’arrêt. Le mandat d’arrêt délivré le 13 juillet 2012 a cessé de produire tout effet le

lendemain du jour où il a été mis en examen, le 18 mars 2014. Comme l’agent l’a exposé tout à

l’heure, l’hypothèse d’émission d’un nouveau mandat d’arrêt avant la fin de la procédure est

hautement improbable. Dès lors, il n’existe aucun risque réel et imminent de préjudice irréparable,

65
au sens de la jurisprudence de votre Cour .

15. Par ailleurs, les activités officielles de M. Nguema Obiang Mangue, telles que présentées

par la République de Guinée équatoriale, ne sont pas de nature telle que la procédure pénale

déclenchée en France constitue pour cet Etat un préjudice irréparable. Il convient de rappeler ici

que ses fonctions ont évolué dans le temps. Lorsqu’une enquête préliminaire a été ouverte en 2007

à propos de ses activités privées, il était ministre de l’agriculture. Le 21 mai 2012, il a été nommé

second vice-président de la République de Guinée équatoriale, puis vice-président le 21 juin 2016,

peu après le dépôt de la requête devant votre Cour. Pour autant, le champ de ses fonctions n’a pas

évolué depuis 2012 : il est en charge de la défense nationale et de la sécurité de l’Etat.

16. Ceci étant, M. Teodoro Nguema Obiang Mangue n’est pas le seul membre du pouvoir

exécutif chargé de ces domaines. En effet, le Gouvernement de la République de Guinée

équatoriale comprend aussi un ministre de la sécurité nationale, un ministre de la défense nationale,

un ministre délégué auprès de la présidence de la République en charge de la sécurité extérieure, un

ministre délégué à la sécurité nationale et un vice-ministre de la défense nationale.

17. Dès lors, je m’interroge. Si l’on devait reconnaître une immunité ratione personae à un

vice-président ou à un second vice-président parce qu’il est en charge de la défense nationale et de

la sécurité de l’Etat et parce qu’il peut être amené à se déplacer à l’étranger, faudrait-il le faire aussi

pour les autres membres de l’exécutif ayant une responsabilité à ce titre ? La demande de la

République de Guinée équatoriale, comme on le voit, soulève en réalité un risque considérable

d’élargissement des immunités personnelles, alors que le droit international coutumier s’en est

toujours tenu à la troïka. Les travaux en cours à ce sujet à la Commission du droit international des

65
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires,
ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 152-153, par. 62 ; Certaines activités menées par le Nicaragua dans
la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 21, par. 64. - 37 -

Nations Unies le confirment, et n’envisagent nullement un élargissement. A tout le moins, une

procédure en indication de mesures conservatoires ne se prête guère à trancher une question aussi

sensible et complexe.

18. En outre, il faut le souligner à nouveau, M. Nguema Obiang Mangue n’est pas empêché

d’effectuer des déplacements à l’étranger du fait de la procédure pénale en cours en France. Il n’y

a plus de mandat d’arrêt en vigueur à son endroit et, comme cela vous a été expliqué, l’édiction

d’une nouvelle mesure de contrainte est hautement improbable avant le terme de la procédure,

c’est-à-dire avant qu’une éventuelle condamnation ne devienne définitive après épuisement de

toutes les voies de recours.

19. D’autre part, et en tout état de cause, il peut parfaitement se déplacer à titre officiel dans

le cadre d’une mission diplomatique spéciale, car il bénéficiera alors d’une immunité

conformément au droit international.

20. Enfin, la République de Guinée équatoriale demande à votre Cour d’ordonner que la

République française s’abstienne de «lancer une nouvelle procédure» contre M. Teodoro Nguema

Obiang Mangue. A l’évidence, la demande ne revêt aucun caractère d’urgence et ne soulève aucun

risque de préjudice irréparable, en l’absence du moindre indice suggérant que les autorités

françaises s’apprêteraient à ouvrir une enquête dans un autre dossier impliquant la même personne.

Par sa généralité et son caractère hautement hypothétique, cette demande n’a pas de lien avec

l’affaire soumise à votre Cour.

21. J’en viens maintenant, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, au

deuxième point.

II. LABSENCE D ’URGENCE ET DE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE DANS LE TRAITEMENT DE
L’IMMEUBLE DU 42 AVENUE FOCH COMME LOCAUX DE LA MISSION

DIPLOMATIQUE ÉQUATO -GUINÉENNE EN F RANCE

22. Contrairement à ce qu’affirme la République de Guinée équatoriale, il est certain qu’une

confiscation judiciaire de l’immeuble et une expulsion résultant de sa vente ne sont pas

imminentes. Il convient de préciser ici que, dans la procédure française, une saisie pénale

immobilière n’a qu’un effet conservatoire. Le propriétaire de l’immeuble ne peut pas le céder,

mais il en garde la libre jouissance jusqu’à ce que les juges se soient prononcés sur le fond de - 38 -

l’affaire en dernière instance. Dès lors, les explications données sur le déroulement de la procédure

concernant M. Nguema Obiang Mangue valent également pour l’immeuble du 42 avenue Foch. A

supposer que le Tribunal correctionnel prononce, l’année prochaine, une mesure de confiscation,

celle-ci pourrait faire l’objet d’un appel, puis d’un recours en cassation, avec effet suspensif. La

République de Guinée équatoriale pourra d’ailleurs faire valoir devant les juges du fond, si elle le

désire, ses droits éventuels relatifs à la propriété de l’immeuble. Une décision définitive de

confiscation, si elle était finalement confirmée, n’interviendrait pas avant plusieurs années.

23. D’autre part, la Guinée équatoriale invoque un risque d’intrusion qui l’empêcherait de

mener ses activités quotidiennes. Pour autant, elle n’apporte aucun élément précis démontrant un

tel risque. Elle n’a notamment exposé aucun argument relatif à une quelconque intrusion, ni à une

nouvelle mesure de contrainte qui serait imminente et imputable aux autorités françaises. Les

circonstances n’ont donc aucun rapport avec celles ayant conduit votre Cour à prononcer des

mesures conservatoires dans l’affaire du Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à

Téhéran, à la suite d’une prise d’otages . Tout parallèle serait des plus excessif, et il convient de

s’en tenir aux circonstances de la présente affaire.

24. En premier lieu, les perquisitions conduites au 42 avenue Foch l’ont été à la demande des

autorités judiciaires françaises, dans le cadre d’une procédure légale. Elles n’ont eu lieu qu’en

67
2011 et en 2012, et non pas, comme l’indiquait hier le professeur Maurice Kamto , sur une période

allant de 2011 à 2016. Depuis lors, c’est-à-dire depuis plus de quatre ans, aucune mesure de

contrainte en rapport avec cet immeuble n’est intervenue. Aucune intrusion non plus, à la

connaissance des autorités françaises.

25. Qui plus est, la République française a accordé une protection aux locaux du

42 avenue Foch, tout en rappelant sa position constante, à savoir que la mission diplomatique de la

République de Guinée équatoriale restait située au 29 boulevard de Courcelles. Cela s’est produit

notamment le 13 octobre 2015, en raison d’une manifestation des membres de l’opposition

66Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979, C.I.J. Recueil 1979, p. 19.

67CR 2016/14, p. 36, par. 21 (Kamto). - 39 -

équato-guinéenne en France, et plus récemment à l’occasion des élections du 24 avril 2016, car un

bureau de vote y était installé.

26. A l’évidence, la condition d’urgence requise pour le prononcé des mesures

conservatoires n’est pas remplie. Celle relative au risque de préjudice irréparable ne l’est pas

davantage.

27. Comme on l’a vu, l’immeuble fait actuellement l’objet d’une saisie pénale. Il est certain

que sa vente ne pourrait avoir lieu qu’à l’issue de la procédure pénale en cours, dans l’hypothèse

d’une décision judiciaire prononçant la confiscation, et lorsque ladite décision sera devenue

définitive. Dans l’affaire de l’Interhandel, qui portait également sur des biens saisis à des fins

conservatoires dans une procédure pénale en cours, votre Cour n’a prononcé aucune mesure

conservatoire . Elle a attaché la plus grande importance au fait que la vente ne pourrait intervenir

qu’au terme de la procédure judiciaire, excluant jusque-là tout risque de préjudice irréparable. Il

n’existe de même aucun risque dans la présente affaire.

28. Par ailleurs, la saisie de l’immeuble a pour effet de protéger les droits de toutes les

personnes concernées par l’affaire dont la justice française est saisie. La mesure protège aussi le

droit de la France à faire respecter sa législation pénale et à poursuivre et réprimer les infractions

commises sur son territoire. Conformément à votre jurisprudence, il convient, lors de l’examen

d’une demande en indication de mesures conservatoires, de préserver l’ensemble des droits en
69
cause . Or la mesure de saisie permet justement de maintenir l’équilibre entre les différents droits,

aussi bien dans la procédure judiciaire française que dans la procédure engagée devant votre Cour.

29. Une autre circonstance mérite encore d’être soulignée : les demandes de l’Etat requérant

relatives à l’immeuble du 42 avenue Foch sont d’autant plus contestables qu’il a lui-même

contribué à créer la situation dont il se plaint aujourd’hui.

30. L’agent de la République française a rappelé tout à l’heure que les déclarations de la

République de Guinée équatoriale avaient beaucoup varié entre 2011 et 2012 s’agissant de l’usage

de l’immeuble. Un point est clair cependant, la mission diplomatique de Guinée équatoriale en

68 Interhandel (Suisse c. Etats-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 24 octobre 1957,
C.I.J. Recueil 1957, p. 105.
69
Compétence en matière de pêcheries (République fédérale d’Allemagne c. Islande), mesures conservatoires,
ordonnance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 30. - 40 -

France a déclaré officiellement s’être installée à cette adresse seulement à partir du 27 juillet 2012.

Cette date critique apparaît avec la plus grande clarté dans la note verbale adressée le même jour

par son ambassade au ministère français des affaires étrangères et européennes, note qui a

également été citée par le professeur Pellet. En raison de son importance, je la cite à nouveau :

«les services de l’Ambassade sont, à partir de vendredi 27 juillet 2012, installés à
l’adresse sise : 42 avenue Foch, Paris 16 , immeuble qu’elle utilise désormais pour
l’accomplissement des fonctions de sa Mission Diplomatique en France».

31. Or la saisie de l’immeuble avait été ordonnée le 19 juillet 2012. Compte tenu de

l’extrême attention portée par la République de Guinée équatoriale à la procédure judiciaire

concernant M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, elle ne pouvait ignorer qu’elle déclarait ainsi

s’installer dans un immeuble faisant l’objet d’une saisie pénale. Ce point lui a d’ailleurs été

confirmé par la France dans une note verbale du 6 août 2012. La République de Guinée équatoriale

ne saurait donc aujourd’hui invoquer devant vous un préjudice en raison d’une situation qu’elle a

elle-même créée, à savoir l’installation dans un immeuble grevé d’une mesure de sûreté.

32. Rappelons encore qu’aucune perquisition ni aucune mesure de saisie n’a eu lieu après

cette date, après le 27 juillet 2012, dans l’immeuble du 42 avenue Foch.

33. Aux demandes relatives à l’immeuble, la République de Guinée équatoriale adjoint une

demande de protection de l’ameublement ou autres objets qui se trouvent, et même «qui se

trouvaient», dans les locaux prétendument diplomatiques installés au 42 avenue Foch.

L’expression est à vrai dire assez imprécise et elle n’a pas été reprise hier par le conseil de la

Guinée équatoriale, le professeur Maurice Kamto. Au lieu de parler des objets «qui se trouvaient»

dans l’immeuble, il a parlé des objets «qui s’y trouveraient» . La nuance est d’importance, car la

formule n’est plus tournée vers le passé et ne porte plus sur les objets saisis en 2011 et 2012.

34. S’il faut voir ici une évolution des demandes de la République de Guinée équatoriale,

elle est bienvenue. En effet, la République française considère que la demande relative à

l’ameublement et aux objets qui se trouvaient dans l’immeuble avant sa saisie est sans lien avec

l’objet du différend. Dans les conclusions de la requête, au point c), la requérante demande

seulement la protection de l’immeuble sis au 42 avenue Foch et des locaux de sa mission

70CR 2016/14, p. 30, par. 3 (Kamto). - 41 -

diplomatique à Paris. Elle n’a à aucun moment demandé la protection de mobiliers ou autres

objets, et notamment pas de ceux qui s’y trouvaient avant le 27 juillet 2012, date à laquelle elle

déclare officiellement transférer ses locaux diplomatiques au 42 avenue Foch.

35. Conformément à votre jurisprudence et celle de votre devancière, la Cour permanente de

Justice internationale, dans l’affaire de la Réforme agraire polonaise , de telles demandes

devraient être rejetées en ce qu’elles ne tendent pas uniquement à sauvegarder l’objet du différend

et l’objet des demandes, tels que soumis par la requête introductive d’instance.

36. En tout état de cause, si la demande portait véritablement sur des meubles et objets saisis

depuis plusieurs années, elle serait dépourvue de tout caractère d’urgence. De plus, la République

de Guinée équatoriale n’a jamais prétendu détenir un titre quelconque sur lesdits objets ; elle ne

peut donc subir aucun préjudice irréparable.

37. Il me reste, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, à aborder très

brièvement un dernier point.

III. L’ ABSENCE D ’URGENCE ET DE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE POUR LES AUTRES DEMANDES

38. La Guinée équatoriale demande, au point c) de ses conclusions tendant au prononcé de

mesures conservatoires, que la France «s’abstienne de toute autre mesure» susceptible de porter

préjudice aux droits revendiqués et/ou d’aggraver ou étendre le différend. Au soutien de cette

demande, elle invoque un risque d’atteinte à l’honneur et à l’image internationale de la Guinée

équatoriale et d’atteinte à la dignité du vice-président et de la mission diplomatique.

39. A l’évidence, la demande est particulièrement générale et vague. Aucun élément précis

n’a été avancé pour démontrer l’urgence ou le risque de préjudice irréparable, ni le risque

d’aggravation du différend. Dans l’affaire relative à Certaines procédures pénales engagées en

France, votre Cour a rejeté des demandes semblables, n’en voyant pas la nécessité dans les

72
circonstances de l’espèce . L’examen qui a été fait ce matin devant vous des circonstances de la

présente affaire ne peut conduire qu’à la même conclusion.

71Réforme agraire polonaise et minorité allemande, ordonnance du 29 juillet 1933, C.P.J.I. série A/B n 58,
p. 175.
72
Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), mesures conservatoires,
ordonnance du 17 juin 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 102. - 42 -

40. En somme, le déroulement normal d’une procédure pénale visant des infractions

commises sur le territoire français et concernant un ressortissant équato-guinéen ainsi que ses biens

situés en France ne saurait porter atteinte à l’honneur ni à la dignité de la République de Guinée

équatoriale, de ses représentants ou de sa mission diplomatique. L’issue de cette procédure reste, à

l’heure actuelle, à la fois éloignée et hypothétique. Et elle ne fait apparaître ni urgence ni préjudice

irréparable.

41. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, ainsi s’achève la présentation

des arguments de la délégation de la République française pour ce premier tour de plaidoiries. Je

vous remercie de votre attention.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je remercie le professeur Ascensio.

En effet, nous arrivons à la fin du premier tour d’observations orales de la France. La Cour se

réunira de nouveau demain, mercredi 19 octobre, à 10 heures, pour entendre le second tour

d’observations orales de la Guinée équatoriale. L’audience est levée.

L’audience est levée à 11 h 40.

___________

Document Long Title

Public sitting held on Tuesday 18 October 2016, at 10 a.m., at the Peace Palace, Vice-President Yusuf, Acting President, presiding, in the case concerning Immunities and Criminal Proceedings (Equatorial Guinea v. France)

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