Reply of the Great Socialist People's Libyan Arab Jamahiriya

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13651
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIRE RELATIVE A DES QUESTIONS
D'INTERPRETATION ET D'APPLICATION

DE LA CONVENTION DE MONTREAL DE 1971
RESULTANT DE L'INCIDENT AERIEN
DELOCKERBIE

JAMAHlRIYAARABELffiYENNE
CON1RE
ETATS-UNISD'AMERIQUE

REPLIQUE DE LA
GRANDE JAMAHIRIY A ARABE LIBYENNE
POPULAIRE ET SOCIALISTE

29juin 2000 TABLE o·Es MATIERES

Pages

INTRODUCTION ........................................................................1......................

CHAPITRE 1- PRINCIPAUX EVENEMENTS DEPUIS LE
MEMOIRE LffiYEN DE 1993 ....................................4

r:
Section 1 - Enseignements des arrêts de la Cour du 27 février
1998 sur les exceptions préliminaires ........................... 4

Section 2 - L'impact de l'acceptation par les défendeurs de la

solution de la Ligue des Etats arabes et la
comparution volontaire des suspects aux Pays-Bas ..•.•.•... •.8

A. La résolution 1192 (1998) du 28 août 1998 est 1'aboutissement
de propositions émanant de la Libye, relayées ensuite par
diverses organisations internationales, en particulier la ligue
des Etats arabes, avec l'accord de la Libye .......................9..............

B. Ces propositions furent rejetéesavec méprispar les défendeurs
jusqu'en 1998, époque à laquelle, totalement isolés
politiquement, ilst. sous couvert d'une initiativl~uepart,
enfin acceptéla voie proposée'origine par la Libye ...............19......

c. Conformitéde cette solutiànla convention déMontréaldont le
respect étaitdemandépara Libye ...................................22.........

D. Les demandes de déclaration d'illicéitéformulées par la Libye
conservent toute leur utilitérétrospective sont donc pas
sans objet ............:..........................................23...........

Section 3 - La rhétorique des contre-mémoires des défendeurs............ 24

A. Les présomptionsde mauvaise foi et de culpabilité-................25.........

1. Le prétendu défaut de la Libye de se conformer à la
résolution1192 etàses engagements antérieurs...................25.....

2. La présomptionde culpabilitédes accuséset de la Libye..........27.....

B. Le recoursàla force et la coercition économique des Etats-Unis
contre la Libye...................................................31................

CHAPITRE II L'INTERPRETATION DES DISPOSITIONS
PERTINENTES DE LA CONVENTION DE
MONTREAL ............................,..,.....,..,................... "........ 35 ~T
11 1
i
1
Section 1 - L'étendue du différend au regard de la convention de
Montréal......................... "......................................36.....

Section 2 - L'application en général de la convention de
Mo~tréa aul présent différend ••• o ............................... 37

A. Les défendeurs admettent que la convention de Montréal
s'applique à l'incident deLockerbie .....................................37.....

B. Selolles défendeurs, rien n'empêchaitles Etats parties à la
convention de Montréal à chercher à arrêterles auteurs de faits

visés par celle-ci en se fondant sur un autre instrument que la
convention ..............................................................39........
.

C. Selon le Royaume-Uni, La Libye n'aurait pas étéfondée à se
prévaloir de la convention de Montréaldès lors qu'elle serait
impliquéedans l'incident de Lockerbie ..................................41...

D. _Selon les Etats-Unis, la question de l'applicabilité de la
convention de Montréaln'avait plus d'intérêtpratique eu égard
aux résolutions du Conseil de sécurité...................................41....

Section 3 - L'application de l'art. 7 de la convention de
Montréal au présent différend o •••••••••••••••••o •o.o •o ••••••••42

A. Selon le Royaume-Uni, l'art. 7 se bornait à obliger la Libye à
poursuivre la personne concernée si elle ne l'extrade pas; il ne
conféraitaucun droit à la Libye..........................................45......

De toute façon, selon les défendeurs, l'art 7 ne les empêchait
B.
pas de soumettre l'affaire auonseil de sécurité..........................46..

C. Lu seulou en combinaison avec d'(\utres dispositions, l'art. 7,
selon les Etats-Unis, ne conféraitaucune exclusivité à la Libye
dans l'exercice des poursuites.........................._................47.

D. La Libye, selon les Etats-Unis, aurait prétendu que l'art. 7 ne
concernait que l'Etat où se trouvait l'auteur présumé de
l'infraction, non les Etats tiers .........................,............48

Section 4 - L'application de l'art. 11 de la convention de
Montréal au présent différend .................................. 49

A. Selon le Royaume-Uni, la question de l'application de l'art. 11
ne se serait posée qu'après que la Cour aurait reconnu
l'applicationelaconvention de Montréal..................................51

B. Selon les Etats-Unis, la demande d'assistance judiciaire de la
Libye étaittrop imprécisepour relever de l'art. 11 .....................52.... III

C. Selon les défendeurs, leur droit interne faisait de toute façon
obstacle à ce qu'ilfût donnésuite à la demande libyenne .................53.

CHAPITRE ill · LES RESOLUTIONS 731, 748, 883 ET 1192 •••..•• o o o oo 58

Section 1 - L'interprétation des résolutions 731, 748, 883 et
1192 suivant leur libellé et à la lumière de leur but .......... 59

A. y:Les résolutions 731, 748, 883 : étatde la question avant la
· résolution 1192.........................................................60........

1.La résolution731 (1992) ..............................................60.....

2.La résolution748 (1992) ..............................................62.....

3. La résolution 883 (1993) ............................................64.......

4.·Conclusion ..........................................................65........

B. La résolution1192 (1998).....................:..........................66....

c. Conclusion .............................................................71.........
.

Section 2 - L'interprétation des résolutions 731, 748, 883 et
1192 au regard des pouvoirs que la Charte des
Nations Unies attribue au Conseil de sécurité ..•o ••••o o •••••72

Les pouvoirs du Conseil de sécurité en vertu du chapitre Vll de
A. la Charte................................................................72......
...

B. Les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et
l'Assemblée générale hors du contexte de l'affaire de
Lockerbie...............................................................76.......
..

1.Les résolutions 1044 (1996), 1054 (1996) et 1070 (1996) ..............77

2. Les résolutions 1189 (1998) et 1267 (1999).........:.................77.

3. La résolution 1269 (1999) ...................:... _..;...-.·.........78.....

4. Les déclarationsde l'Assembléegénérale...............................79.

C. Le pouvoir d'interpréterles résolutions du Conseil de sécurité
en confonnitéavec la Charte et, le cas échéant,de vérifierleur
confonnitéavec celle-ci.................................................81.......

CHAPITRE IV- LES MENACES DE RECOURS A LA FORCE ET
LA CONVENTION DE MONTREAL .......................... 84 IV

Section 1 • Pertinence juridique des menaces de recours_ à la
force .........................................,..............................85..

Section 2 • Les affaires relatives à la compétence en_matière de
pêcheries....................................................................86

Section 3 • Le type de menace de recours à la force émanant des
Etats défendeurs.............................................................89.....

CONCLUSIONS ........................................................................
...,........... 95

1
i 1
1

.\ 1.

INTRODUCTION

Rappel de la pro~édure

0.1 Par requêtedu 3 mars 1992, la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et
socialis(ci~des Libe") ~:t"dliadeux instances séparées: contre les Etats­

Unis d'une part, et contre le RoyaumdeUGrande*Bretagne et d'Irlande du Nord
d'autre part, au sujet d'un différend entre la Libye et ces deux Etats "concernant

l'interprétation et l'application de la convention de Montréal"du 23 septembre 1971 pour

la prévention et la répression d'actes illicites dirigéscontre la sécuritéde l'aviation civile.

Par une ordonnance du 19 juin 19Coura fixéau 20 décembre 1993 la date

d'expiration du délaipour le dépôt du mémoire de la Libye et au 20 juin 1995 la date
d'expiration du délaipour le dépôtdu contre-mémoire des défendeurs. Le 20 décembre

1993,la Libye a déposéson mémoire:A l'expiration du délaipour le dépôtde leur contre­

mémoire, les défenseurs ont déposédes exceptions préliminaires touchant la compétence
de la Cour et la recevabilité des requêteslibyennes.

Par ses arrêtsdu 27 février1998, la Cour a.statuésur ces exceptions préliminaires.

Par son ordonnance du 30 mars 1998, le président de la Cour avait fixé au 30
décembre 1998 la date d'expiration du délaipour le dépôtdu contre-mémoire des Etats­

Unîs d'Amérique et du Royaume-Uni. Par son ordonnance du 17 décembre 1998, le juge

doyen, faisant fonction de présidentde la Cour a étendula date d'expiration de ce délai au
31 mars 1999. A cette date,eux gouvernements ont dépocontre-m~moire.

Par son ordonnance du 29 juin 1999, la Cour a autpré~ptat dunen

réplique de la Libye et d'une duplique des Lafdate d'expiration du délaipour

le dépôdela répliquede la Libyefixéeau 29 juin 2000.

La présenterépliqueest déposéeen vertu de cette dernière ordonnance.2.

Plan de la présente réplique

0.2 On se rappellera que par ses arrêtsdu 27 février 1998 la Cour, a conclu que
l'exception préliminaire d'incompétence tiréepar les défendeurs de l'absence alléguée de

différend entre les Parties concernant l'interprétationou l'application de la convention de
Montréal devait être rejetée et qu'elle a compétence pour connaître des düférends qui

opposent la Libye au Royàûme-Uni et aux Etats-Unis en ce qui concerne l'interprétation

ou l'application des dispositions de cette convention(§ 39 et § 53, 1 b de l'arrêtLibye c.
Royaume-Uni et§ 40et 53, l, b de l'arrêtLibye c. Etats-Unis). Elle a, de même,rejeté

l'exception d'irrecevabilité tiréepar les défendeurs des résolutions 748 (1992) et 883

(1993) du Conseil de sécurité(§53, 2, a de l'arrêtLibye c. Royaume-Uni et§ 53, 2, a de
l'arrêtLibye c. Etats-Unis).

La Cour a en outre tranchétrèsclairement que c'est à la date du dépôtde la requête
de la Ubye qu'il fallait se placer pour appréciertant la compétence de la Cour pour en

connaître(§ 38 de l'arrêt Libye c. Roya'ume-Uni et§ 39 de l'arrêtLibye c. Etats-Unis)
que pour en apprécier la recevabilité(§ 44 de l'arrêtLibye c. Royaume-Uni et § 43 de

l'arrêtLibye c. Etats-Unis). En d'autres mots, les résolutions748 (1992) et 883 (1993) ne

peuvent avoir d'effet rétroactif.

Par ailleurs, en ce qui concerne la recevabilité, elle a estimé que l'exception des

défendeurs selon laquelle les résolutions748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité
auraient privéles demandes de la Libye de tout objet, n'avait pas, dans les cfrconstances

de l'espèce, un caractère exclusivement préliminaire (§ 53, 1 b de l'arrêtLibye c.

Royalf!ne-Uni et § 53 1, b de l'arrêtLibye c. Etats-Unis).

Les implications pour la suite de la procédurede ces arrêtsseront développées ci-

dessous àla section 1 du chapitre 1.

La question qui peut se poser aujourd'hui est celle de savoir si d'autres
événements,qui se sont produits au cours des années 1998 et 1999 ne sont pas de nature

à priver les demandes de la Libye de tout objet: à savoir l'ac_ceptationpar les défendeurs

de la proposition de la Ligue des Etats arabes qui avait reçu l'appui de l'OUA, de
l'Organisation de la Conférence islamique et du Mouvement des pays non alignés et qui

s'est concrétiséepar la résolution du Conseil de sécurité 1192 (1998) et par l'ouverture

d'un procès aux Pays-Bas des deux suspects devant des juges écossais. C'est à cette
question que sera consacrée la section 2 du chapitre 1. 1

1
.1 3.

La troisième section de ce premier chapitretraiterde la rhétorique du contre­
mémoiredes défendeurs.

Le chapitre ~1 sera consacré à l'interprétationdes dispositions pertinentes de la

convention de Montréal.

Le chapitrern montrera que les résolutions731, 748, 883 et 1192 ne privent pas

le différendde son ob]et.

Enfm le chapitre IV s'attacheraà montrer l'impact sur la convention de Montréal

des menaces derecours à la force par les défendeurs.

0 •3 Conune elle l'afait pour son mémoireet pour les mêmesraisons - les demandes

de la Libye àl'égarddes deux défendeurssont identiques et les arguments de ces derniers
sont en substance les mêmes- la Libye a estiméplus simple de présenter une réplique

identique répondantaux assertions des deux défendeurs,mais en indiquant chaque fois les
différencesqui peuvent exister entre·leurs arguments respectifs. Seules les conclusions

diffèrent par le nom exclusif de chaque défendeur.4.

CHAPITRE 1- PRINCIPAUX EVENEMENTS DEPUIS LE MEMOIRE .DE1993

Section 1- Enseignements des arrêts de la Cour du 27 février 1998 sur les

exceptions préliminaires

1.1 Dans ses arrêtsdu 27 février1998 relatifs aux exceptions préliminaires sur la

compétenceet la recevabilité,la Cour a estimé nécessaire de se prononcer sur une série

de questions qui, sans consister en des prononcéssur le fond, présententcependant un
intérêtdirect pour certaines questions de fond, et en particulier, pour les questions

d'établissementde l'illicéitéet les conséquencesen matièrede responsabilité

1.2 Tout en reconnaissant qu'il appartient à la Cour seule d'interpréterelle-même
ses propres prononcés,la Libye estime qu'iln'estpas sans intérêd t'attirerl'attention sur

certains d'entreeux concernant les questions de compétence,de recevabilitéet d'absence
)
d'objetdes demandes libyennes (mootness) dans la premièrephase de la procédure.Aux 1
yeux du gouvernement libyen, il est appropriéque ces prononcésreçoivent l'attention
1
qu~i mlésritentà la phase du fond. t

1.3 Le premier prononcésignificatif concerne la question de la compétence.Selon 1
les termes de l'arrêdte la Cour :
li
! .
"37. Dans l'instance, le Royaume-Uni a cependant affmné que, quand bien mêmela convention
de Montreal confèrerait à la Libye les droits qu'elle revendique, ceux-ci ne pourraient être
exercésen l'espèce,au motif qu'ils auraient étésupplantéspar les ré748u(1992) et f
883 (1993) du Conseil de sécuritéqui, en vertu des articles 253 de la Charte des
NationsUnies, prévalentsur tous droits et obligcrééspar la convention de Montréal.
Le défendeur a aussi avancéque, du fait de l'adoption de ces résolutions, le seul différend
quiexisterait désormais opposerait la Libye au Consdelsécurité;or il s'agirait là, à
l'évidence,d'un différend n'entrerapasdans les prévisions du paragra1hde l'article ·Ï
i
14 de la convention de Montréalet dont la Cour ne pourrait dèslors co-~'ître. ·i
1
38. La Cour ne saurait accueillir cette argumentation. Les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) '1
du Conseil de sécuritéont en effet étéadoptéesaprès le dépôtde la requête,le 3 mars 1992. 1
Or, conformément à une jurisprudence constante, si la Cour étaitcompétenteà cette date, elle 1
l'est demeurée; l'intervention ultérieure des résolutions susvisées ne saurait affecter une 1
compétencedéjàétablie(cf. Nottebohm, exceptions préliminaires,arrêt,C.IJ., Recuei/1953,
p.122; Droit de passage en territoire indien, exceptions préliminaires, arrêt,C.l.J., Recueil
1957, p. 142). 5.
Chap.1- Principaux événementsdep1993

39. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que l'exception d'incompétence tirée par le
Royaume-Uni de l'absence alléguéede différendentre les Parties concernant l'interprétation
ou l'application de la convention de Montréaldoit êtrerejetée,et qu'elle a compétence pour
connaître des différends qui opposent la Libye au Royaume-Uni en ce qui concerne
l'interprétationou l'applicationdes dispositions de cette convention."

1.4 Le raisonnement de la Cour dans ce contexte confirme que, quel que soit l'effet

juridique des résol~t du C onsseil de sécuritéen vertu du chapitre VU, cet effet ne

peut êtrerétroactif. '

1.5 Le second prononcésignificatif des arrêtsde la-Cour concerne la recevabilité.

Les passages clésdes arrêtssontles suivants :

"43. La Libye appelle en outre l'attention de la Cour sur le principe selon lequel "la date critique
à retenirpour- déterminer la recevabilité d'une requêteest celle de son dépôt "(Actions
armées frontalières et transfrontalières(Nicaragua c. Honduras), compétence et
recevabilité,arrêtC.lJ., Recueil, 1988, p. 95, § 66). Elle observe à cet égardque sa requête

a étéintroduite le 3 mars 1992; que les résolutions748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de
sécuritéont étéadoptéesles 31 mars 1992 et 11 novembre 1993 respectivement; et que la
résolution 731 (1992) du 21 janvier 1992pasaétéadoptéeen vertu du chapitre VII de la
Charte des Nations Unieetne constituait qu'unesimple recommandation. En conséquence,
la Libye soutient que sa requêteest en tout étatde cause recevable.

44. De l'avisde laCourily a lieu de retenir cette dernièreconclusion de la Libye. La date du 3
mars 1992 à laquellea Libye a déposésa requêteest en effet la seule date pertinente aux
fins d'apprécier la recevabilité de celle-ci. Les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du

Conseil de sécuriténe sauraient êtreprises en considérationà cet égarddès lors qu'elles ont
étéadoptéesà une date ultérieure.Quant à la résolution731 (1992) du Conseil de sécurité,
adoptée avant le dépôtde la requête,elle ne saurait constituer Ùnobstacle juridique à la
recevabilitéde celle-ci car il s'agissait d'unesimple recommandation sans effet contraignant,
comme le reconnaît d'ailleurs le Royaume-Uni lui-même.requêtelibyenne ne saurait par
suite êtredéclaréeirrecevable pour cesmotifs.

45. Au vude ce qui précède,la Cour conclut qu'il y a lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité
tiréepar le Royaume-Uni desrésolutions748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité,et
2
que la requêtede laLibye est recevable."

'
1.6 Ces prononcés mettent clairement en perspective l'élémenttemporel de la
présenteaffaire. La premièrerésolutionobligatoire du Conseil de séc~t (Sé/Rés.748

(1992) ) fut adoptée le 31 mars 1992. Mêmesi cette résolution possède les effets

juridiques que prétendent les défendeurs, elle ne peut affecter la recevabilité des

1
C.IJ., Questions d'interprétationet d'application de la convention de Montréalde 1971 résultantde
l'incident aériende Lockerbie (Libye c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêtdu 27 février
1998,Rec. 1998, pp. 23-24, §§ 37, 38 et 39 ou C.IJ., Questions d'interprétationet d'application de la
exceptions préliminairearrêtu 27 février1998, Rec. 1998, pp. 128-129, §§ 36, 37 et 38.
2
C.I.J., Questions d'interprétationet d'application de la convention de Montréalde 1971 résultantde
l'incident aériende Lockerbie (Libye c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêtdu 27 février
1998, Rec. 1998, pp; 25-26, §§. 43,et45 ouC.IJ.,Questions d'interprétation et d'application de
la convention de Montréalde 1971 résultantde l'incidentaériende Lockerbie (Libye c. Etats-Unis),

exceptions préliminaires,arrêtdu 27 février1998, Rec. 1998,pp. 130-131, §§ 43,44 et 45. T1
6.
Chap.1- Principaux événements depuis1993 1

réclamations libyennes durant la périodequi s'étenddu 3 au 31 mars 1992. De plus, la

Cour ne préjugepas du point de savoir si, aprèsl'adoption des résolutionsobligatoires,

les réclamations pourraient être recevables.Pour sa part, comme elle le montrera plus
loin au chapitrern, la Libye estime qu'elles le sont.

1.7 Le troisième prononcéconcerne un autre chef de recevabilité invoquépar les

défendeurs, soit le faitq1:1les résolutions du Conseil auraient rendu les·réclamations

libyennes sans objet. La Cour conclut que cette objection n'avait pas un "caractère
exclusivement préliminaire"au sens de l'article79 du règlementde la Cour 3•

1.8 Ce troisième prononcéest certes sans préjudicedes deux précèdentsprésentés

ci-dessus. En d'autres termes, même si l'objection que la réclamation libyenne est

devenue sans objet à la suite des résolutionsintervenues à partir du 31 mars 1992 devait
êtreretenue par la Cour dans la présentephase sur le fond, il n'endemeurerait pas moins

que la fenêtretemporelle antérieure à l'adoptionde la résolution748 (1992) du 31 mars

1992 resterait ouverte. En tout état de cause, la Libye estime que les résolutions 1
subséquentes du Conseil ne font pas obstacle à ses demandes comme elle le montrera 1

infra au chapitrem.

1.9 En conclusion, les questions cléssoulevées par la requête ~e la Libye sont

recevables, que le cadre temporel couvre la périodequi s'étenddu 3 au 31 mars 1992 ou
du 3 mars 1992 à la date du jugement au fond. Les différentespériodessont pertinentes

en ce qui concerne la demande en réparation.

1.10 Le fondement de la réclamation libyenne repose sur des violations de la
1
convention de Montréal dont les défendeurs assument la responsabilité. Le mémoire
Libyen a exposé et la présente réplique rappellera les différentes dispositions de la
1
convention qui ont étéviolées.

1.11 Ces violations ont pris notamment la forme de menaces conjointes contre la

Libye pour l'empêcherde bénéficierde l'application des dispositions pertinentes de la
convention de Montréal et pour la forcer à renoncer au bénéficedes dispositions

juridictionnelles de la convention de Montréal.

3
C.IJ.Questions d'interprétationet d'applicationde la convention de Montréalde 1971 résultantde
l'incident aériende Lockerbie (Libyeyaume-Uni), exceptions préliminairedu 27 février
1998, Rec. 1998, pp. 26-29, §§ 46-51 et C.I.J., Questions d'interprétationet d'application de la
convention de Montréal de 1971 résultantde l'incident aériende Lockerbie (Libye c. Etats-Unis),
exceptions préliminaires,tur27 février1998,Rec.1998, pp. 131-§§345-51. 7.
Chap. ~Princip avénemendepuis 1993

Corrune la Libye l'adémontréà la Cour au cours des plaidoiries portant sur les

exceptions préliminaires,une grande partie des menaces se sont produitesnt le 31
mars 1992, c'est-à-dire, dans la période qui a précédé l'adoption de la première

résolutionobligatoireu Conseilde sécurité. outefois, certaines menaces opéréesavant

la date de la requête ne peuvent êtreignorées car elles visaient déjà à écarter
l'applicationdel~copvention.

l.U n est important de souligner que cette responsabilité spécifiquerésultantde

menaces prend sa source dans la violation de la convention de Montréal et est

indépendantede la violation des principes impératifsde la Charte des Nations Unies et
du droit international généralqui interdisent le recàula menace de l'emploi de la

force.

1.13 IDtérieurement,les défendeursont tentéd'utilis-erle Conseil de sécuritéà des

fins de politique personnelle et de substituer aux menaces, les sanctions du Conseil. Les
dommages matériels et moraux subis par la Libye à la suite de l'entêtementdes

défendeursà refuser le ~ropositions libyennes tendant à résoudrele différendpar des
voies respectueuses de la souverainetéde la Libye et des droits de l'homme, ont été

considérables. Des annéesde souffrances pour tout un peuple,sulta densanctions

injustes, auraient étéécartéessi le Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient accepté,
comme ils l'ont finalement fait en 1998, les propositions libyennes présentéesdès

l'originepour résoudrele différend.C'estce qui seraexpliquédans la section suivante.

1.14 n résultede l'analysequi précèdeque la structure temporelle est significative,

pour la raison suivante notamment :

- avant le 31 mars 1992, la violation de la convention de Montréalpar les défendeurs

engage leur responsabiliindépendamment de la portéeet des effets des résolutions
du Conseil de sécurité;

- aprèsle 31 mars 1992, la violation de la convention de Montréalpar les défendeurs

continue d'engager leur responsabilité,u de la portéeet des effets qu'ilconvient

d'attribueraux résolutionsduConseil de sécurité.

Dans les deux cas, les résolutionsne font pas obstacle aux demandes libyennes, fût­
ce pour des raisons différentes.Màspart ces questions procéduraleset de constatation . ';:''!

8. j
Chap. 1- Principau;r; événementsdepuis 1993

de l'illicite, les différentes périodesseront égalementpertinentes en ce qui concerne la
demande en réparation.

Section 2- V impact de l'acceptation par les défendeursde la solution de la Ligue

des Etats arabes et la comparution volontaire des suspects aux Pays-
Bas ,..

1.15 ll pourrait êtresoutenu que l'adoption par le Conseil de sécuritéde la résolution

1192 (1998) du 27 août 1998 et la comparution volontaire des suspects devant une cour

écossaiseaux Pays-Bas met fin au différendpuisque la solution trouvées'écarteraitde la
convention de Montréaldont il·n'yaurait plus lieu d'interpréterles dispositions.

Ceci n'estqu'une apparence. Afin de le démontrer,la présenterépliqueexposera:

en premier lieu, comment la résolution 1192 (1998) du 27 août 1998 est
l'aboutissement de propositions émanantde la Libye ou d'organisations tierces, en

particulier la Ligue des Etats arabes, dûment acceptéespar la Libye;

en deuxième lieu, on rappellera comment ces propositions furent rejetées avec

mépris par les défendeurs jusqu'en 1998, époque à laquelle, totalement isolés

politiquement, ils ont, sous couvert d'uneinitiative de leur part, enfin acceptéla voie
proposéeà l'origine par la Libye;

en troisième lieu, on montrera la conformité de cette solution à la convention de

Montréaldont le respect étaitdemandépar la Libye; .:t

en dernier lieu, il sera montré que les conclusions de la Libye ont toujôurs été
1
libelléesen termes de demandes de déclarationd'illicéité des actions des deux Etats
1
en ce que ces actions tendaient à imposer à la Libye des solutions qui contrevenaient
à la convention de Montréal; comme telles ces demandes conservent toute leur
1
utilitérétrospectiveet ne sont donc pas.sans objet.
1 9.
Chap. I Principaux événementsdepuis 1993

A. La résolution 1192 (1998} du 28 août 1998 est l'aboutissement de

propositions émanant de la L.ibye, relayées ensuite par diverses organisations

internationales, en particulier par la Ligue des Etats arabes, avec 1'accord de la

Libye

1.16 Le procès qui s'est ouvert aux Pays-Bas et qui devra enfin rendre justice aux

victimes de l'incident tragique de Lockerbie représentepour la Libye, l'aboutissement
d'un processus long, trop long, dontil convient de retraceà grand traits les linéaments.

En effet, ce dénouementest le produit de plusieurs facteurs que la Libye tientrappeler

afin de dissiper toute équivoque sur les responsables du retard dans le jugement des

deux accusés. Il s'agit d'abord de montrer que la solution d'un jugement dans un pays
tiers des deux ressortissants libyens est une des propositions prônées par la Libye et

certaines organisations internationales depuis1'origine du différend, toutes ayant fait

l'objet d'un refus net et catégorique par les défendeursCe rétablissement des faits est

rendu nécessairepar la présentationfallacieuse qui a étéfaite de l'originede la solution
adoptéepar la résolution 1192 (1998).

1.17 Les formules employéesdans la plupart des médiasoccidentaux et par certains

responsables politiques donnent à penser que la Libye afinalem ace~ettéde livrer les
4
deux accuséslibyens dans le cadre d'une initiative anglo-américaine • A cet égard, la
formulation du point 2 de la résolution 1192 (1998} du 28 août 1998 n'est assurément

pas étrangère àcette interprétation:

"Se félicitde l'initiative tendant à ce que le procèsdes deux personnes accuséesde l'attentat
contre le vol 103la PanAm ("ledeux accusés")ait lieu devant un tribunal écossaissiègeant
aux Pays-Bas, comme le prévoientla lettre datéedu 24 août 1998, émanantdes représentants
permanents par interim desats~ U'ni sriqueet du Royaume-Uni de Grande Bretagne et
d'Irlandedu Nord, ("l'initiative")et lespiècesqui y sontjointes [.j.]".

Pourtant, la solution finalement agréépar toutes les parties ne résulteen aucun
cas d'uneinitiative émanantdes Etats-Unis et/ou du Royaume-Uni. De plus, la Libye n'a

en aucun cas été contrainte d'acceptercette formule par le Conseil, pour la bonne raison

que c'estelle qui en avait pris, en réalitél,'initiative.

4 V. par exLe Monde, 31 août 1998, p. 4, annexe no 44; les propos de l'ambassadeur P. Burleigh

devant l'Assembléegénérle29 septembre 199USUN Press Release # 161 (9annexe n° 45. 10.
Chap. 1-Principaux événementsdepuis 1993

La Libye a déjà eu l'occasion de montrer, tant dans son mémoire du 20
5
décembre 1993 que dans ses observations et conclusions sur les exceptions

préliminaires du 22 décembre 1995 6,et au cours des plaidoiries orales devant cette 1
Cour, le 17 octobre 1997, qu'ilexistait d'autresvoies pour sortir de l'impasserésultant f
!
de la politique desdéfenQ.eursd ,es voies qu'ellen'avaitcesséde mettre en avant.

Un rappel histor i'qm~pesedonc.

Unprocès impartial dans unpays tiers (neutre)

1.18 On se rappellera que la premièreaccusation lancéepar le Royaume-Uni et les

Etats-Unis contre des citoyens libyens et la demande de livraison des suspects remontent

au 14 novembre 1991. L'ultimatum des deux, puis des trois Etats, est daté du 27

novembre.

Dèsle 20 novembre 1991, dans une lettre adresséeau Secrétairegénéraldes

Nations Unies, le Secrétaire du Comité populaire de liaison extérieure et de la

coopérationinternationale faisait savoir que:

"La GrandeJamahlriya se déclareentièremendisposéeà coopéreravec to8te instance juridique
internationalempartiale,car elleseconsidèrela vicdans cetteaffaire."•

Le 21 janvier 1992, au cours de la réuniondu Conseil de sécuritéqui allait

adopter la résolution731 (1992), le Secrétairedes industries stratégiquesde la Libye

rappelait la proposition libyenne de mettre sur pied une commission d'enquête
internationale, voire de créer un comitéd'enquête neutre ou de renvoyer l'affaire devant

la Cour internationale de Justice •

Cette proposition de commission d'enquête internationale fut s~.utenue
notamment par la Chinem,par le représentantde la Ligue des Etats arabes '\ parl1ran 12

5 Mémoirelibyen (ci-aprèML.),§§ 2.41 à2.42.
6
M.L., §§1.47 à1.52.
7 CR. 97/20,§§ 2.14 à 2.18.
8
M.L., §2.14, note 52, annexe n°36.
9 V. Doc ONU S/PV. 3033, 21 janvier1992,ML., § 2.17note 79,annexe no83 (p. 11).
10
V.·ibid., ML.,§2.20,note 108,annexen°83 (pp.84-85).
Il V. ibid.ML., § 2.20,note 109,annexen°83 (pp28-30).
12
V. ibid.ML., § 2.20, note 110,annexeno83(p.68).

1

·.. 1,-------.·

11.

Chap. I~Princip é vunementsdepuis 1993

et par le Soudan 13• Ces deux derniers pays insistèrent sur la nécessitéd'un lieu

impartial.

Le 27 février1992, la Libye propose de recourir à la Cour internationale de
Justice pour vérifierla validitédes accusations portées à l'encontre de deux suspects

libyens et elle offre de les amener tous deux pour interrogatoire au Bureau du PNUD à

Tripoli. La Libye propose que le Secrétairegénéral des Nations Unies mette sur pied

une commission juridique composée des juges renommés pour leur probité et leur

neutralitéafin qu'ils examinent les faits et vérifientle sérieuxdes accusations ponées
14
contre les deux suspects •

Le 3 mars 1992, dans son rapport au Secrétairegénéraldes Nations Unies, son

représentantspécial,aprèsdes rencontres avecle colonel Khadafi, indiqua ce qui suit:

"d) Les autoritéslibyennes ne peuvent remettrede force les suspects à un pays étrangerpour
qu'ilsy soient jugés,ais les suspectseux-mêmes sont libres de se remettrevolontairement
aux autorités,et legouvememe!J.ltibyenn'apasl'intentide lesempêched re lefaire;
e)La possibilitde remettrelessuspectsauxautoritésd'unpays tiersen vue d'unprocèspourrait
êtreenvisagée. A ce propos le dirigeant libyen a mentionnéMalte ou un pays arabe
15
quelconque." 1
i
!
1.19 Le mêmejour, la Libye déposaitune requêteintroductive d'instance à la Cour

contre le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

Dèscette date, le différendest nouéentre le demandeur et les défendeurs.Le

premier se fonde sur la convention de Montréalpour soutenir son droit de juger les

suspects, par conséquentson droit de ne pas les extrader. Toujours sur la base de la

convention, il demande l'assistancejudiciaire des défendeurs.Ces derniers refusent de '!
·i
se situer sur le plan de la convention de Montréal,demandent la livraison ~e suspects et

ignorent la demande d'assistancejudiciaire de la Libye.
_~

Or on s'aperçoitque, dèsce moment, tout en insistant sur les droits qu'ilestime

détenirde la convention de Montréal,le demandeurrecherche une solution, dans le droit

fil de l'esprit de coopération dans la lutte contre le terrorisme aérienqui domine la
convention de Montréal.Cette solution devait permettre d'échapper à la contradiction

insoluble dans laquelle on se trouvait déjà.

B
V. ibid., M.L§,2.20,note 110,annexen° 83 (p. 32).
14 V. Doc.ONU S/23672, 3 mars 1992, M.L.,annexe n° 104.
15
V. Doc. ONU S/23672, 3 mars 1992, M.L, § 2.22,note116, annexen° 106. 12.
Chap.1- Principaux événementsdepui1993

1.20 L'idéeforce qui revient dans les propositions libyennes est celle d'un procès
impartial dans un pays tiers (neutre).

Le 31 mars 1992, critiquant devant le Conseil de sée uritéle projet qui allait

devenir la résolution748 (1992) adoptéesur la base du chapitre VTI,le représentant de
la Libye, rappelle que . ,.

"Lesautoritéscompétentesde monpays ont dit qu'ellesétaientfavorables à une nomination d'une
commissiond'enquête neutreou à la saisinedelaCourinternationaledeJustice"
...
"La Libye a fait les déclarationssuivantes: premièrement(elle) ne s'opposepas au principelae

remise des deux suspects au siègede la Mission des Nations Unies à Tripoli afin de faciliter
l'enquête,t elle n'apas d'objectionà ce que le Secrétairegénél ette enplace Wlecommission
judiciaire composéede juges réputés pour leur neutralitéet leur impartialitépour établirles faits
et s'assurerdela réalitédes accusations portéescontre nos deux concitoyens, y compris une
enquêteapprofondie. Si le Secrétairegénéraclonfirmait alors·lebien fondédes accusations,la
Libye ne s'opposerait pas à ce qùe les deux suspects soient remis, sous sa responsabilité
personnelle,à une tierce partiàconditionque le Secrétairegénéras l'engageà donner toutes les
garantiesjuridiques etjudiciairesen vue d'unprocèséquitableet impartialgui soit conforme à la
Déclarationdes droitsde l'hommeet auxprincipesdu droitinternational."16

Dans les mois qui vont suivre, la Libye va suggérerinlassablement cètte idée
d'un procès équitable et impartial qui soit conforme à la Déclaration universelle des

droits de l'hommeet aux principes du droit international.

Le 29 juin 1992, dans une lettre adresséeau Secrétaire généraldes Nations
Unies, le représentantpermanent libyen note:

"8) [...}le Congrèsgénéraldu peuple ne s'opposepas à ce que le Comité des Sept, créépar la
Ligue des Etats arabes ou l'Organisationdes NationsUnies effectue une enquêteet porte l'affaire
devant un tribunaljuste et impartialqui auraéchoisid'uncommun accord" 17• _

Le 9 décembre 1992, écrivant au Secrétaire généraldes Nations Unies, le

Secrétaire du Comité populaire libyen de liaison extérieure et de la coopération
internationale expose que

"le Bureau du peuple pour les relationsextériemeset la coopérationinternationalea saisi de cette
affaire les comitéspopulairesdebase (pouvoirlégislatif),lesquelsont décidde ne pas s'opposer 1
à ce que les deux suspects comparaissent devant un tribunal juste et impartial et désignéd'un 1
commun accord.Cette décisionvousa été immédiatemenc tommuniquée. ·' 1
1

Sur la base deladite décision,mon paysa déclaré que, sans s'opposerà ce que les deux suspects 1
comparaissent volontairement devant des tribunaux américainsou écossais,il est disposé à

16
Doc. ONU, S/PV. 3063, 31 mars 1992, ML, § 2.31,note 136,annexe 0° 125,pp. 6 et 11.
17 Doc. ONU S/24209,30juin 1992, M.L., §2.41,note 183,annexeno154.

1
1 13.
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

engager, sous l'égidedu Secrétairegénérle l'ONU,des négociationsavec les pays concernés

pou qu'ils soient jugésdans un pays neutre acceptable pour toutes les parties au différendet
présentanttoutes les garantiesdevant permettrel'établisst es faits, objectif qui consàitue,
notre avislaraisond'êtree la résolution731(1992)duConseil de séctrrité.
[..

TIs'agitmaintenantde déterminerle lieu du prQ.est non de discuter du principe du procèsque
nous acceptonset appelonde tousnos voeux" 1•

Le 14 aoûf1993, en dépitdu maintien des sanctions par le Conseil de sécurité,
la Libye con:fmne qu'elle

"convientde lanécessitde juger lesdeux personnesmisese19cause et est disposàdiscuter du
lieu du procès,qui doêtrchoisiavec équitéet impartialité•

Des juges écossais àLa Haye appliquant le droit écossais

1.21 Le 8 novembre 1993, par une lettre adresséeau Secrétaire généraldes Nations

Unies. le Secrétaire du Conùté populaire généralpour les relations extérieures et la

coopération internationale mentionne les nouvelles initiatives auxquelles collabore la
Libye avec d'autres pays arabes :

"De même,la Républiquetunisiennesoeur, en sa qualitéde présidenteen exercide l'Uniondu

Maghreb arabe, a proposé,de concertveclaJamahiriya,que les deux suspects soient interrogés
et jugésen France, d'autantque ce pays est l'undes auteurs des résolutions731 (1992), 748
(1992)et 883 (1993)du Conseilde sécuritrelativesau différendopJ)osalaGrandeJamahiriya
auxpays occidentauxen question.

Par ailleurs, la Républiquearabe d'Egypte,de concert avec la Grande Jamahiriya, a proposéau
gouvernementdu Royaume-Uni de fairjuger les deux suspects par un tribunal écossaislalon
loi en vigueur en Ecosse, le procèslui-mdevantavoir lieu dans un pays tiers ou au siègede
laCour intemationa1ede Justicà La Haye, mais nous n'avonsreçu aucune réponseà ce sujet."
20

Cet élémentest capital: la prétendue"initiative" des défendeurs:de 1998 a été

pronée par la Libye dès 1993. Elle sera répétée inlassablement et amplifiée par les

soutiens grandissants qu'elleva trouver dans la communauté international~.

Le 26 juillet 1994, le Secrétairedu Conùtépopulaire généralpour les relations

extérieures et la coopération internationale écrivaitau Secrétaire généralque

"[...} la Jamahiriya arabe libyennepourrait,en principe,accepter que le procès.aitlieu en dehors
de son territoire,laconditionque laprocéduresuivieà cet effet puisse garantir un procèsjuste

18 Doc. ONU S/24961, 14décembre1992, ML.§ 2.42,note 186,annexe n° 176.
19
Doc. ONU S/26500,28 septembre1993, ML.,§ 2.43,note 190,annexe n° 189.
20 0
Lettredu8 novembre1993, Doc. ONU S/26859, 10décembre1993,Obs. L.,annexe D 30. T

14. 1
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

et équitable aux deux accusés. La Jamahiriya arabe libyenne est d'avis que, pour ce faire, il
faudrait que les parties concernées acceptent la proposition qui a étéavparle secrétariat de ·
la Ligue des Etats arabes, puis entérinéepar le Conseil de cette mêmeLigue dans sa résolution
5373 datée du 27 mars 1994, et tendant à ce que les accusés soient jugés au siège de la Cour
internationale de JusticLaà Haye, par un tribunal écossaisappliquant la loi écossaise.
(.]. '

En conséquence, elle propose que pour traiter les aspects judiciaires du problème et pour pouvoir
déterminer les responsabilités des deux personnescusées d'avoir étéà t'origine de l'incident de
Lockerbie, l'onit recoursàl'unedes solutions suivantes : ·
[.] ,-·

3.Le procès se tiendrait au siège de la Cour internationale de Jusà La Haye ou au siège de
tout organisme du système des Nations Unies sis sur le continent européen, étantentendu que les
accusés seraient jugés par un tribunal écossais appliquant la loi écossaise. Au cas où les pays

concernés et l'Organisation des Nations Unies accepteraient cette dernière proposition et en
informeraient officiellement la Jamahiriya arabe libyenne, le gouvernement libyen se déclarerait
prêtà offrir toutes les garanties nécessaires pour que la procédure puisse suivre pleinement son
cours et prendrait toutes les mesures requisàcet effet, en concluant notamment des accords
avec les parties concernées et en prenant tous les engagements voulus auprès de vous ainsi
qu'auprèsdu Président du Conseil de sécurité•

1.22 Ce point de vue s'internationalise lorsque, le 27 mars 1994, par sa résolution

5373 (1994),le Conseil de la Ligue des Etats arabes adopte la position suivante:

"Décide[ ...)
2. d'appuyer la proposition du Secrétariat généraldemandant que les deux suspects soient jugés
équitablement par des juges écossais,·confonnément à la loi écossaiseet que le procès ait lieu au
siègede la Cour internationale de Justice" •

Le Conseil de la Ligue des Etats arabes confirme sa proposition le 15
septembre 1994 23; le 7 octobre 1994, la proposition est évoquéeavec approbation par

M. Omar Mustafa Muntasser devant la 49e session de l'Assembléegénérale des Nations

Unies 2•La Ligue des Etats arabesrépétera alors sanscesse sa position.

21
Doc. ONU S/1994/900, 26 juillet 1994, Obs. L., annexe n° 34.
22 Doc. ONU S/1994/373, 31 mars 1994, Obs. L., annexe n° 32. Cette proposition reçoit l'appui exprès,
le 26 juillet 1994, de M. Omar Mustafa Muntasser par une lettre adressée au Secrétaire général(Doc.

ONU S/1994/900, 29 juillet 1994, Obs. L, annexe n° 34). Et le 31 juillet 1995 (voy. lettre du
représen0ant pennanent de la Libye aux NU au SG, Doc. ONU S/1995/633, 1er août 1995, Obs.L., 1
annexe D 54): rappelde l'acceptation de la proposition du Conseil de la Ligue des Etats arabes par la
Libye. Le 21 septembre 1995, le Conseil de la Ligue des Etats arabes répètesa proposition du 27
mars 1994: Résolution 5506 (104/3) du Conseil de la Ligue des Etats arabeLe Caire, 104e session 1
(Doc. ONU S/1995/834, 4 octobre 1995, ObsL., annexe n° 57). Et le 3 octobre 1995, M. Omar
Mustafa Muntasser réitèreson appui devant la SOesession de I'AGNU (Obs. L., annexe n° 56). l
23
V,_Résolution5431 (1994) du Conseil de la Ligue des Etats arabes (S/1994/1071, 19 septembre 1994,
Obs. L.,annexe n° 37).
24 V. Doc. ONU S/1994/373, 31 mars 1994, Obs.L., annexe n° 32; GA/8740, 7 october 1994Obs. L.,

annexe 0° 38. 1

1

1 15.
Chap.1- Principauxévénement depuis 1993

Le 27 avril 1995, c'est au tour des Pays non alignés d'apporter leur soutien à

cette proposition :

"41. [...] lls.expriment leur solidarité avec la Libye et invitent les trois pays occidentaux
intéressés à 'répondreaux initiatives positives invitant au dialogue et aux négociations et
demandant que les deux suspects soient ~gés justement et honnêtement dans un pays neutre
convenu d'entente entre toutes les parties."

Le 23 juin"(Î995, l'OUA se rallie à la mêmeposition:

"[...] demande un jugement ju211 et équitabledes deux suspects dans un pays neutre accepté par
toutes les parties concernées"•

Et, le 12 décembre 1995, l'Organisation de la Conférence islamique se joint aux

autres institutions du tiers monde v.

1.23 Instituti.onnellement, la proposition de la Ligue des Etats arabes est renforcée

par une action conjointe avec l'OUA..Ainsi, on notera, le 11 avril 1996, le communiqué

de la réunionconjointe du Comitédes Sept de la Ligue des Etats arabes et le Comitédes

Cinq de l'O.U.A. concernant la crise entre la Libye et certains pays occidentaux :

"4. ont exprimé leur apprédation de la solidarité de la plupart des pays du monde avec la
Jamahiriya arabe libyenne et se sontréféré àce propos au paragraphe 163 du document fmal
publié à l'issue de la Ile session de la Conférence au sommet (les Non-Alignés, tenue en

Colombie le 20 octobre 1995.
[..]

6. ont insisté sur la positivité(sic) de la position fdansanla résolution n° 5373 du Conseil de
la Ligue des Etats arabes en date du 27 mars 1994 et demandant de faire juger équitablement
les deux suspects par des juges écossaisconformément à la loi écossaise au siège de la Cour

internationale de Justicà La Haye.

7. ont exhorté le Conseil de sécuritédes Nations Unies de prendre en considération cette
proposition comme base pour résoudre la crise et de revoir ses résolutions}31 (1992), 748
(1992) et 883 (1993) et ce qui conduirait à la levéedes mesures de l'embargo imposé à la
Grande Jamahiriya arabelibyenne" 28•

25
Communiqué de la réunionministérielle du Bureau de coordination desPays non alignés, Bandoeng
25-27 avril 1995 (Doc. ONU S/1995/381, 10 mai 1995, Obs. L., annexe n° 48). Voy. ensuite le 20
octobre 1995, le document final de la Ile session du Sommet des non alignés, Colombie, § 163, in
Documents d'actualité internationale (ci-après D.A.l.), n° 5, 1er mars 1996, pp. 202/203, annexe
no 13. Et le 22 novembre 1995, l'intervention au Conseil de sécuritédu représentant du NAM caucus

26 (annexe n° 10), ainsi que le 21 mars 1996 (annexe n° 15) et le 19 juillet 1996 (annexe n° 22).
Résolution du Conseil des ministres de l'OUA réunià Addis-Abeba du 21 au 23 juin 1995 (Doc.
ONU S/1995/596, 19juillet 1995, Obs. L., annexe n° 51).
27
V. Doc. ONU A/50/953, lO mai 1996 comprenant en annexe le communiqué final de la Conférence
islamique des Ministres des affaires étrangères(session de la Paix,e la solidarité et de la tolérance,
Conakry, 9-12 décembre 1995), pp. 22/23, §§ 77- 83, et les résolutions n° 12123 et n° 13/23, pp. 97

28 à 101, annexe n° 19.
Doc. ONU S/1996/369, annexe n° 17. 16.
Chap.1- Principaux événemendepuis 1993

La résolutiondu Conseil des ministres de l'OUA, adoptéele 5 juillet 1996 à la
64e session à Yaoundé, Cameroun (1-5 juillet 1996), fait d'ailleurs une référence

spécifiqueau procès à La\Haye par des juges écossaissuivant la loi écossaise 2•

Le 1er octobre 1996, dans son exposé à l'Assemblée généraledes Nations
Unies, le Secrétaire du ~omi ptopulaire généralp ·our les relations extén"eureset la

coopérationinternationale, M. Omar Mustafa Muntasser, réaffmne ce point de vue :Il.

Le 15 janvier 1997, les ministres des Affaires étrangèresde l'Organisation de la
Conférenceislamique adoptent une résolutionrappelant leur solidaritéavec la Libye et

"regrettant que les trois Etats occidentaux n'aient tenu aucun compte des résolutions

adoptées par les organisations régionales en vue de parvenir à un règlement juste et
31
équitabledu différend" •

Les trois options

1.24 A partir de 1997, les organisations régionales modifient la forme de leur
proposition. Le 28 février 1997, à l'issue de sa 65e session à Tripoli, en Libye, le

Conseil des ministres de l'OUA adopte une déclaration dont le point _5propose trois

options:

"le QPtion : Tenir le procès des deux suspects dans un pays tiers et neutre, à désigner par le
Conseil desécurité;

2eOPtion: Faire juger les deux suspects au siègede la Cour internationale de JustiàelaCIJ)
Haye, selon la loi écossaispardes juges écossais;

3eçption : Mettre sur pied un Tribunal pénalspédal pour juger les deux suspects à la Haye, au
siègede la CU"32• -''

Le 31 mars 1997, par sa résolution5639,le Conseil de la Ligue des Etats arabes

adopte, à son tour, les trois options:

29 V. Résolutiondu Conseil des ministres de l'OUA,CM/1652 (LXIV), sur la crise enGrande
Jamahiriya arabe libyenne et les Etats-Unis d'Amérique,le Royaume-Uni et la France, point 2,

30 annexe n° 21.
V. Doc. ONU N51/PV.l7, ler octobre 1996, p. 32, annexe n° 24.
31 Résolution 14/24 - P, adoptée par les Ministres des affaires étrangères des Etats membrede

l'Organisation de la Conférence islamique, Sommet de Djakarta, 9-13 décembre 1996, point 8,
annexée au Doc. ONU_S/1997(35, 15janvier 1997, annexe n° 26.
32 Déclaration du Conseil des ministres de l'OUA,CM/Déc.(LXV) (annexm. annexe no 28. 17.
Chap.1-Principaux événemend iepuis 1993
i1

"Regrettant que les trois Etats occidentaux n'aientpasdonnésuite aux initiatives internationales !j
et localeset aux efforts déployésvisant à parvenir à un règlement sur la base des principes du '!l
droit international et dans le cadre de l'ententemutuelle et d'undialogue constructif{ ...].
2. Demande aux trois pays occidentaux de répondreaux initiatives locales et internationales
[..].

3. Décide'de coordonner les travaux du Comitéarabe des Sept et du Comité africain des
Cinq en vue de demander au Conseil de sécuritéde tenir une séance privée et de lui
présenter des propositions concrètes afin qu'il adopte une des options suivantes comme
base du règlementde la crise :
- Jugement des deux suspects dans un pays tiers neutre choisi par le Conseil de

*ur ti;
- Jugement des deux suspects au siège de la Cour internationale de Justice à La
Haye, confomtémentau droit écossais,par desjuges écossais;
-Constitution d'uneCour pénalespécialechargéede juger les deux suspects au siège
de la Cour internationale de Justice à La Haye"3•

La déclaration du 4 juin 1997 adoptée par la 33e session ordinaire de la

Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA (Harare, 2-4 juin) est

symptomatique de l'irritationdu tiers mondedevant l'intransigeanceanglo-américaine

"4. Nous avons étéune fois de plus informésque la Jamahiriya arabe libyenne était prête à
coopérer pleinement à toute action régionaleou internationale qui viseraità résoudrela crise. A
cet égard, nous prenons note du fait que le gouvernement de la Jamahiriya arabe libyenne a
accepté l'initiative dea Ligue des Etats arabes, qui a reçu l'appui de l'OUA, du Mouvement des
pays non-alignés et de l'Organisation de la Conférenceislamique, tendant à faire juger les deux
suspects libyens par des magistrats écossaiset conformément au droit écossais au siège de la

Cour internationale de Justice (CU). Nous restons convaincus que cette initiative, si elle est
acceptée, constituerait une solution pratique et devrait garantir un procès équitable au cours
duquel les intérêtsde toutes les parties concernéesseraient pris en considération. De fait, la
résolution 731 (1992) vise non pas à violer là souverainetéde la Jamahiriya arabe libyenne, mais
de servir la cause dela justice età révélerla vérité.Nous déplorons fermement qu'un pays ou
deux pays concernés aient jusqu'ici traité par l'indifférence les initiatives qui leur ont été

présentéesafin de parvenir à un règlement juste et équitable de la crise. Cette indifférence a
conduit à une impasse et, de ce fait, l'ensemble de la population libyenne non seulement se
trouve prise en otage depuis cinq ans, mais a étévouéeà des souffrances collectives en raison
d'accusations dont aucun des deux pays concernésn'apu établir lebien-f )!ondé.~

1.25 Le 27 juin 1997, l'OUAet la Ligue des Etats arabes annoncent, P.arune lettre

adressée au président du Conseil de sécurité,les dispositions suivantes -'qu'ellessont
convenues de prendre :

"Premièrement : demander au Conseil de sécuritéde convoquer une réunion spéciale afin
d'examiner les propositions précisesci-après, dont l'une pourrait êtreretenue comme base pour
une solution:

i) Traduire les deux suspects en justice dans pays tiers et neutre que choisirait le Conseil;

ii) Faire juger les deux suspects par des magistrats écossaisà la Cour internationale de Justice de

La Haye, conformémentau droit écossais;

33
34 Doc. ONU S/1997/273, 3 avril1997, annexe n° 29.
Doc. ONU S/1997/529, 9 juillet 1997, annexe n° 34.

,,

:,li

"1 l

18. 1
Chap.1 ~Princip a uxnemen tpuis 1993

iii) Etablir au siège de la CU à La Haye un tribunal pénal spécial qui jugerait les deux
suspects."5

Une réunion du Conseil de sécuritéa lieu le 20 mars 1998. Elle donne
i 36
l'occasion à toutes les organisations susdites de soutenir les trois options Le

représentant de la France, souligne, à demi-mot, dans son intervention le caractère
positif de ces propositions

"Pour sortir de l'impasse, nous pensons que toute proposition compatible avec les résolutionset
acceptable par les gouvernements les plus directementconcernésmériteexn:r1•

Le représentantdes Etats-Unis n'ensouffle mot; celui de la Grande-Bretagne

les critique (voyez infra § 1.26).

A cette occasion, le représentant du Nigeria, aprèsavoir rejetésur leRoyaume­
Uni et les Etats-Unis la responsabilitépour le blocage du processus judiciaire devant

conduire au procèsdes deux suspects, d~lar :e

"[...] ma délégation souhaite rappeler aux membres du Conseil de sécuritéleur lourde
responsabilitécar ils agissent audeol'ensembledes 185Etats membres de l'Organisation des
Nations Unies. 0 n'estque plus juste que chaque décisionprise par le Conseil de sécuritéen ces
temps puisse résister à l'examen scrupuleux de tous les Etats membres, au nom desquels le

Conseil agit Faute de quoi la légitimitémêmedes décisionsdu Conseil serait sérieusement
sapée. Tout empressement du Conseil de sécuritéà prendre une décision imposée par une
minorité déterminée,aussi puissante soit-elle, aurait de vastes retombées qui pourraient
endommager la crédibilitéet l'image de notre Organisation avec les conséquences que cela
impliquerait pour la paix et .laséinternationales." -

35
Doc. ONU S/1997/497, 27juin 1997,annexe n° 32.
36
V. ONU S/PV.3864, 20mars 1998,annexe n° 37.
37 Ibidem, p. 31.
38
Ibid. , p. 71. 1'1

19.

Chap. I-Principaux événementsdepuis 1993

B. Ces propositions furent rejetéesavec méprispar les défendeurs jusqu'en

1998, époque à laquelle, totalement isoléspolitiquement, ils ont, sous couvert d'une
1::
initiative de leur part, enfin acceptéla voieproposéeà l'origine par la .Libye

Refus obstiné

1.26 Pendant toute cette période,les défendeursse sont obstinément opposésaux

solutions proposées par la Libye qui permettaient de sortir de l'impasse par une voie
respectueuse des droits de l'homme,de l'égalité des Etats et de l'espritde la convention

de Montréal.

On donnera ci-dessous quelques exemples des réponsesdu Royaume-Uni et des

Etats-Unis :

le 27 novembre 1992 : la Libye doit se conformer aux résolutions 731 et 748

(1992)~;

le 13 août 1993 : idem; une dernière chance est laissée à la Libye avant

l'accroissementdes sanctions 40;

le 5 août 1994, les gouvernements français, britannique et américain déclarent à

l'occasionde la révisiondes sanctions :

"S'agissant de l'affaire de Lockerbie, la Jamahiriya arabe libyenne a présentéplusieurs
propositions, qui toutes sont loin de remplir les conditions poséespar les résolutions.En
particulier,un procèsdansunpays tiers, même devantuntribunalinternationalou unesoi-disant
couré<:ossaise n,'estpasacceptable: les suspectsnesauraientêtreautorisésà choilerlieuoùils
seront jugés.Les propositionslibyennesne sont rien d'autreque des tentatives!'pourdétourner
l'attentiondeleur refusde s'exécuter; _

le 22 novembre 1995, dans une intervention au Conseil de sécurité,le représentant

du Royaume-Uni affirme:

"Alternativeproposalfor trialof theLockerbiesuspectsin TheHagueor elsewheredo not meet
the SecurityCouncilrequirementsandare unacceptable" 42:

39 M.L., § 2.44.
40
M.L., annexen° 188.
41
Doc.ONUN49/299 et S/1994/938,9 août 1994.Obs.L, annexen° 36.
42 Annexen°9. Traductionpar la Libye: 20.
Chap. -Principaux événementsdepuis 1993

à la mêmeréunion.le représentantdes Etats-Unis déclare:

n [ •Libya refuses to cornply witb its international obligations. Libyan efforts to dilute the
resolutions through o'ffersof compromise must be rejected. There will be no compromise with
the demands of justice. Libya should not believe that it can gain advantage through these
43
propositionsor the use of intennediarie;"

le 21 mars 1996, dans ;sa déclaration au Conseil de sécurité.l'ambassadeur des Etats­

Unis insiste sur le procès en Ecosse ou aux Etats-Unis et. à défaut,menace la Libye
44
de sanctions accrues ;

le 8 juillet 1997, les représentantsde la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis
répondent àla lettre conjointe OUA-Ligue des Etats arabes du 27 juin :

"Nous déplorons que la lettre des Secrétaires générauxde l'OUA et de la Ligue des Etats arabes

ne mentionne l'existence d'aucune desrésolutions du Conseil de sécuritéconcernant la Libye ni
le fait que celle--ci ne s'y conforme pas. Les Secrétaires générauxse contentent de réitérerdes
propositions antérieures tendaàtce que l'accuséde Lockerbie soit jugéen un lieu extérieàr
l'Ecosse ou aux Etats-Unis, propositions qui ne satisfont pas aux exigences des résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité.Nous ne pensons pas que les décisions du Conseil soient
négotiables; elles doivent êtreappliquées dansleur intégralité."

A la réuniondu Conseil de sécuritédu 20 mars 1998, le représentant des Etats­
46
Unis s'abstient de tout commentaire sur les trois propositions • Le représentant
britannique les commente comme suit :

"La solutionàcette question est entre les mains du gouvernement libyen. D suffit à la Libye de

respecter les résolutions du Conseil de sécuritéet de livrer les deux suspects pour que les
sanctions soient levées.On ne sait pour quelles raisons, la Libye refuse depuis plus de six ans de
le faire. Elle cherche au contraire à associer d'autres membres de l'ONU à ses politiques de non­
exécution, en se fondant sur des mensonges quant au processus judiciaire, quant à l'effet des
sanctions et, plus récemment, quant à la décision préliminaire de la Cour internationale de
Justice. Nous avons le plus grand respect pour l'Organisationnité africaine elatlgue des
Etats arabes. Nous comprenons les pressiondela solidarité régionale. Manou ~spèrons que
ces organisations ne seront pas utiliséespour saper les résolutions du Conseil de sécuritéet que
_,;'

"Des propositions alternatives pour juger les accusésde Lockerbie àLa Haye on ailleurs ne satisfont
43 pas les exigences du Consede sécuritéet sont inacceptables".
Déclaration de l'ambassadeur Edward W. Gnehm,Jr, le 22 novembre 1995, USUN Press Release #
211-(95 ), annexe 0° II. Traduction par la Libye :
"La Libye refuse de respecter ses obligations internationales. Les initiatives libyennes visant à saper

les résolutions à travers des offres de compromis doivent êlresrejetées.D n'y aura pasde compromis
à proposde l'exigence de justiLa.Libye ne devrait pas croire qu'elle peut obtenir des avantages par
le biais de propositions ou de J'appelà des intermédiaires".
44 V. la Déclaration de l'ambassadeur Karl F. Inderfurth, 21 mars 1USUN Press Release # 37-(96).

45 Aiinexèn° 14.
Doc. ONU S/1997/524, 8juillet 1997, p. 1. Annexe n° 33.
~ 3
V. Doc. ONU S/PV.3864, 20 mars 1998, p. 14, annexe n° 7. 1

1 21.
Chap.1- Principauxévénementdsepuis 1993

leur influence finira par êtreutiliséepour faire accepter par la Libye le droit international et la
justice pour les victimes.
...
[...] transférerle procèsdans un pays tiers serait une mesure sans précédent.Ce serait offrir à
ceux qui cherchent des moyensd'entraverl~rogr eè a justice une autre occasiode trouver
des faux-fuyantsetderetarderla procédure" .

Mouvement de révolte

1.27 Le représentant britannique faisait ainsi allusion à un mouvement de révolte

qu'appelaientl'intransigeanceet l'isolementdu Royaume-Uniet des Etats-Unis.

Depuis quelques mois, un certain nombred'Etatsafricains acceptaient la reprise
par la Libye de ses vols internationaux. Plusieurs chefs d'Etatafricains se rendaient par

ce moyen à Tripoli 48•

Qui plus est, le 10 juin 1998, lors de sa 34e session, la Conférencedes chefs

d'Etat et de gouvernement de l'OUA,réunie à Ouagadougou, annonça en ces termes le
refus d'obéissanceà des sanctionsinjustes :

"2. Décidede ne plus seconformer,à partir de septembre 1998,aux sanctions stipuléespar les
résolutions748 (1991) et 883 (1993) du Conseil de sécurité,a .u cas où les Etats-Unis et le

Royaume-uni refuseraient. àl'échéancd eela datedu réexamen des sanctions,à savoir en juillet
1998, de juger les suspectsdansun pays tiers neutre et ce, compte tenu du verdict de la Cour
internationale de Justice, du fait que lesdites résolutionssont en violation avec les articles 27,
paragraphe 3, de l'article33, et del'ar36cparagraphe3 de la Charte des Nations Unies et des
graves pertes humaineset économiquesqu'ellesont causées au peuple libyen et à bon nombrede
peuplesafricains"49•

C'estdans ces conditions d'isolementinternational que le Royaume-Uni et les
Etats-Unis ont enfin acceptél'option du procès aux Pays-Bas par des juges écossais

selon la loi écossaise ~ :

47
S/PV.3864,20 mars 1998,p. 31- 32,annexen" 37.
48 Voyez 29 janvier 1997: le Comitépopulairedu Bureaudu Peuple annonce au présidentdu Conseil

de sécuritéla reprise des vols internationaux de la compagnie Libyan Arab Airways (Doc. ONU
S/PV. 3734, 29 janvier 1997, annexe n" 27); 4 avril 1997 : vol de Tripoàidestination de Jeddah
(Doc. ONU S/PV. 3761, 4 avril1997, annexe n" 30); 20 mai 1997: vol de Tripoli à destination du
Niger (Doc. ONU S/PV. 3777,20 mai1997,annexen° 31); 31 décembre1997: Rapport du comité
du Conseil de sécuritépour le suivi des sanctions.(Doc. ONU S/1997/1030, 31 décembre 1997,
annexe n" 36); 31 décembre 1998 : Rapport du comité des sanctions, point C (Doc. ONU
S/1998/1237,31 décembre1998,annexen" 47).
49
Doc AHG/DEC. (XXXN) du 10juin,inDA.!., n"19,1eroctobre 1998,pp. 755-756, annexen°46.
'"50 Doc. ONU S/199Sn9s, 24 août 1998, lettre adresséeau Secrétairegénéralpar le représentant du
Royaume Uni et te représentantdes Etats-Unis datéedu 24 aoûtl998 (soulignéparlaLibye),annexe

n" 41. 22. Chap. I-Principaux événementsdepuis 1993

"Les deux gouvernements ont décid'accepte'à titre exceptionnel' que les accusés soient
traduits devant un tribunalisqui siégeraitaux Pays-Bas".

A la vérité,les défendeursont étcontraints d'accepterla proposition libyenne,
qu'ils étaient les seuls à ne pas trouver raisonnable, par la conjonctione divers

facteurs: leur déconvenueà la suite des arrêtsde la Cour internationale de Justice sur la
compétenceet la recevabilité,le refus historique d'obéissancedes paystie ~osnde à

des sanctions injustes,erqui allait porter atteinte au créditdu Conseil de sécurité,la
pression des parents des victimesqui souhaitaient l'ouvertured'unprocèsmettant fin aux

incertitudes.

1.28 Mais il est assez piquant de noter que ce que les défendeurs présentaient
quelques mois plus tôt comme une intolérable violation des résolutions du Conseil,

comme un compromis inacceptable avec la légalité,devenait soudain "une initiative"
angle-américaine.De deux choses l'une: ou bien les défendeurs violent à leur tour cette

légalité;ou bien, comme elle l'a toujours soutenu, la Libye n'a jamais violé les
résolutionsdu Conseil de sécurité,car sa proposition étaitune réponseadéquate aux

demandes contenues dans ces résolutions.

C. Conformité de cette solution à la convention de-Montréal dont le respect

étaitdemandé par la Libye

1.29 Sans doute, la solution fmalement adoptéen'est-elleà proprement parlni une

application de l:exttadition, ni un jugement dans le pays où les suspects se trouvaient.
Elle n'enest pas moins conforme à l'obligation des Etats parties à la convention de

Montréal de rechercher de bonne foi, devant l'impasse d'une application littérale du
principe aut dedere aut punire, une interprétation raisonnable dlaconvention afin

d'assurer la comparution des suspects devantun tribunal pénal.Cette troisième voie,
avancéedès l'originedu différendpar la Libye, est conforme à l'espritde la convention

de rechercher une solution respectueuse de l'égalisouveraine des Etatset des droits
des victimes, parun procèsqui respecte les droits des accuséset ne les livre àaune

procédureoù ils n'auraientpaseu les garanties suffisantes d'unebonne administration de
lajustice.

On signalera, au passage, que cette solution n'estpas une extradition déguisée. 1

C'estde leur plein gréet aprèsavoir reçu l'accordde leurs conseils, que les suspects ont

1

' 1 23.
Chap. -Principaux événementsepuis 1993

,,
accepté de comparaître volontairement devant un tribunal qui se réunissait dans des

conditions leur offrant des garanties d'unebonne adnùnistration de lajustice.

D. Les demandes de déclaration d'illicéité formuléespar la Libye conservent

toute leur utilitérétrospectiveet ne sont donc pas sans objet

1.30 Les conclusions de la Libye ont toujours été libelléesen termes de demandes de
déclaration d'illicéitédes actions des deux Etats en ce que leurs actions tendaient à

imposer à la Libye des solutions qui contrevenaient à la convention de Montréal. Les

demandes de la Libye se rapportent, dans le temps, à toute la périodepour laquelle la

convention étaitpleinement applicable. La violation continue de cette convention - qui
est toujours en vigueur entre les parties- par les deux défendeurs jusqu'à ce qu'ils

acceptent une solution conforme au droit international, constitue un acte illicite dont la

constatation par la Cour conserve toute sa valeur. Si les actes illicites ont désormais

cessé par l'adoption de ce qui étaitdemandépar une large portion de la communauté
internationale, les effets dommageables de ces actes illicites perdurent. La Libye a subi,

du fait de ces violations, des dommages matérielset moraux considérables.

1.31 Une constatation par la Cour des droits de la Libye et des violations corrélatives

de la convention de Montréal par les défendeurs est nécessaire pour fonder une

réclamation ultérieure en réparation. C'est ce qui distingue la présente espèce des
51 52
affaires du Cameroun septentrional et des Essais nucléaires •

1.32 Les défendeurs eux-mêmesont reconnu que la violation de la convention
,,
pouvait donner lieu à des réparations.

La note 8 de la page 18 du contre-mémoire britannique es_{explicite. Le

Royaume-Uni se réservele droit suivant:

"The United Kingdom reserves, however, ali of its rights in respect of Libya's responsibility for
violations of its obligatiollS under the Montreal Convention".

De même,le contre-mémoiredes Etats-Unis contient l'indication suivante:

51
C.IJ.,Cameroun c. Royaume-Uni, Recueil 1963, pp.37-38.
52 C.IJ.,Australie et Nouvelle-Zélandec. France, Recueil 1974, p. 272. 24.
Chap.l- Principaux événemdepuis 1993

"5.2 The position of the United States set out in this Counter-Memorial is without prejudice to
the rightf the United States, at an appropria te toinitiate separate proceedings against
theLibyan Arab Jamahiriya for breach of its obligations to the United States under the Montrea1
Convention or otherwise."

En tout étatde cause, ce qui est intéressantde relever, c'est que le Royaume­
Uni et les Etats-Unis admettent explicitement qu'unedemande en jugement déclaratoire

sur les droits respectifsd~~ parties au regard de la èonvention de Montréal dans les
relations entre les parties au.litige, peut êtrecomplétpar une réclamationfondéesur la

responsabilitéinternationale d'unedes parties (par une demande reconventionnelle ou au

cours d'uneinstance distincte).

Section 3 - La rhétorique d~ contre-mémoiresdes défendeurs

Introduction

1.33 Dans leurs exceptions préliminaires,les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient

déjàconsacré de longs développements à diverses questions étrangèresau différend

portédevant la Cour. Ces développementsavaient pour point commun de chercher à
convaincre la Cour de diverses affirmations (en particulier que la Libye serait un Etat

terroriste,t que la destruction du vol Pan Am 103 aurait étécauséepar des agents
libyens) tout en insistant sur le fait que la Cour n'avait à se prononcer sur leur bien­

fondé.Dans ses observations sur les exceptions préliminaires,la Libye a dénoncécette
tentative de conditionnement idéologique et de manipulation des faits, qui est

incompatible avec les exigences de rationalitéet d'objectivitéqui sont au coeur,,de la
procédurejudiciaire 53•

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni n'ont pas, pour autant, renoncé à cette
approche. Leur contre-mémoiren'est que le reflet de leur politique générale à l'égardde

la Libye. lls cherchent à diaboliser l'Etat libyen, en recourant à des présomptions de
mauvaise foi et de culpabilité(ci-dessous, A). Loin de se limiter à la rhétorique, cette

politique trouve une expression concrète dans les sanctions économiques américaines,
qui témoignent égalementde la tentative des Etats-Unis de mettre les Etats tiers et le

53 ~
Observations de la Libye sur les exceptions préliminairesdes Et(ci-aprèObs. lib. E.-U.),
Chapitre1er. observations de la Libye sur les exceptions préliminaires du Roya(ci-après
Obs. lib. R.-UChapitre1er. 25.
Chap.1- Principaux événementdepuis1993

Conseil de sécuritélui-mêmeau service des intérêtsnationaux des Etats-Unis (ci­

dessous, 8).

A. Les présomptions de mauvaise foiet de culpabilité

't-:

1. Le prétendu défautde la Libye de se conformer à la résolution 1192 et à ses
engagements antérieurs

1.34 La tentative de diaboliser la Libye apparaît dès la première page du contre­
54
mémoire des Etats-Unis. Se présentant- à tort - comme les .initiateurs de la

proposition de faire juger les accuséspar un tribunal écossaissiégeantaux Pays-Bas, les
Etats-Unis font valoir qu'au moment du dépôtde leur contre:..mémoire,sept mois après

la proposition anglo-américaine, la Libye n'apas encore donnéeffet à cette proposition
55 56
•Le contre-mémoire du Royaume-Uni est rédigé dans la mêmeoptique •

1.35 Cette présentation des faits ne correspond nullement à la réalité.Les défendeurs

se sont appropriés la proposition libyenne de tenir le procèsdevant un tribunal écossais

siégeant dans un pays neutre, pour l'organiser au moyen d'un arrangement avec les

Pays-Bas, en l'absence de la Libye et sans la moindre consultation avec celle-ci. Suite à

l'adoption de la résolution 1192 du Conseil de sécurité,la Libye, qui n'étaitpas partie
aux arrangements intervenus entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas, a étéamenée à

entamer et à poursuivre des pourparlers par l'entremise du Secrétaire généraldes

Nations Unies afin de régler les aspects pratiques de la solution avalisée par cette

résolution. Ces pourparlers se sont terminésavec succès dèsavant le dépôt des contre­
mémoiresdu Royaume-Uni, le 30 mars 1999, et des Etats-Unis, le 31 mars:·1999. Le 19

mars, le Secrétaire du Comité généraldu Peuple pour les relations. extérieures et la

coopérationinternationale de Libye annonçait au Secrétairegénéraldes Nations Unies:

"La Jamahiriya est d'accord pour que les deux accusés comparaissent devant le Tribunal le 6
avril1999, confonnément aux points qui avaient étéconvenus et qui se présentent comme suit:

1.Le tribunal écossaisse rendra aux Pays-Bas pour juger les deux accusésselon le droit écossais,
conformément à ce qu'avait convenu l'équipe juridique, en présence d'observateurs
internationaux désignéspar le Secrétaire généralde l'Organisation des Nations Unies, et en
consultation avec la Républiqued'Afrique du sud et le Royaume d'Arabie saoudite.

54 V. infra,laIlepartiede cette réplique.
55
.Contre-mémoire des Etats-Unis (ci-aprèsC.MA.), pp.1-2,§ 2.
56
Contre-mémoire du Royaume-Uni (ci-aprèsC.M.B.), pp. 3-5, §§ 1.9-1.13. ~T 1

26. 1
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

1
2. Les accusés,s'ils sont déclaréscoupables, purgeront leur peine en Ecosse, sous la supervision i
de l'Organisation des Nations Unies et les auspices du consulat libyen en Ecosse, 1
conformément aux dispositions qui ont étéconvenues avec le gouvernement britannique.
[...]"57

L'accord réalisépar l'équipejuridique dont ilest question au paragraphe 1er

marquait l'accord de la Libye avec le mécanismedestinéà procéder au jugement des

accusés, suite à ce que,.d.iverses garanties supplémentaires aient étéoctroyées aux

accusés,assurant ainsi leur comparution volontaire devant le tribunal écossaissiégeant
au:xPays-Bas.

Le mêmejour, le Secrétairegénéral des Nations Unies a transmis la lettre de la

Libye au Présidentdu Conseil de sécuritépour qu'elle soit distribuéeaux membres du
58
Conseil de sécurité •Par la mêmeoccasion, le Secrétairegénérala annoncéque le
Secrétariat allait prendre les mesures requises pour procéderau transfert des accusés

vers les Pays~B 59•Les 23 mars 1999, suite à des consultations plénières,le Président

du Conseil de sécurité a fait une déclarationà lapresse au nom des membres du Conseil.

Ila notamment déclaré ce qui suit:

"Les membres du Conseil de sécuritésesont félicitésde la lettre dmars 1999 adressée au
Secrétaire généralpar le Ministre des affaires étrangères de la Jamahiriya arabe libyenne,
indiquant queles deux accusésseraient mis à la disposition du Secrétaire généralafin qu'il en
assurela détentionle 6 avril au plus tarcf.[••.] ·

Les membres du Conseil de sécuritése sont félicitésde la perspective de ce transfert w
conformémentaux arrangements pris. [...]

Les membres du Conseil de sécurité ont remercié le Secrétaire général pour les efforts
inlassables qu'il a faits pour parvenir à un accord 61ec la Jamahiriya arabe libyenne concernant
l'application de résolution1192 (1998) du Conseil [...]."

Dès avant le dépôt des contre-mémoiresdu Royaume-Uni et des Etats-Unis,

toutes les modalitéspratiques de la mise en oeuvre de larésolution 1192 avaient donc

été réglées. Une date préciseavait été fixéepour la comparution volontaire des accusés

devant le tribunal écossais siégeant aux Pays-Bas. La déclaration du Président du
Conseil du 23 mars ne faisait aucune réserve à cet égard.

57 Lettre datéedu 19 mars 1999, adresséeau présidentdu Conseil de sécuritépar le Secrétairegénéral,

58 S/1999/311, 23mars 1999, p. 2annexen° 48.
Ibid.
59
Ibid.
60 Ifs'agit en réalitéd'une comparution volontaire des accusés.
61
Lettre datéedu 23 mars 1999, adresséeau Secrétairegénéralpar le Président du Conseil de sécurité,
S/1999/312, 23mars 1999, annexe:Déclarationfaite à la presse le 23 mars 1999,annexe R0 49. 27.
Chap. 1-Principaux événementsdepuis 1993

Le Royaume-Uni et les Etats-Unis auraient donc pu annoncer dans leur contre­

mémoire qu'un accord était intervenu sur le procès des accusés, et que ceux-ci
comparaîtraient à bref délai au tribunal écossaissiégeantaux Pays-Bas. lls ont toutefois

préféré accuser la Libye de ne pas respecter ses engagements et de ne pas répondreaux

"initiatives" anglo-américaines,pour y voir une preuve de 1'implication libyenne dans le

terrorisme intematioP:al. La suite des événementsconfirme, pour autant que de besoin,
que ces accusations sont dépourvuesde tout fondement

1.36 Ces accusations injustifiéesdoivent êtrerécuséesavec d'autant plus de vigueur.

qu'elles cherchent à influer sur un aspect essentiel du différendportédevant la Cour. La
Libye a en effet montré dans son mémoire que les résolutions 731, 748 et 883 du

Conseil de sécuritén'exigeaient pas que la Libye .livreles accusésaux Etats-Unis ou au

Royaume-Uni, mais rappelait son obligation de coopéreravec ces Etats pour garantir un

procès impartial des accusés afin de contribuer à la répression du terrorisme
international 6• Cette analyse est entièrement confirmée par les événements

subséquents, et en particulier par la résolution 1192 6• C'est sans doute pourquoi, ne

pouvant plus arguer du refus de la Libye d'extrader les accusésvers les Etats-Unis ou le

Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Royaume-Uni se prévalentdans leur contre-mémoire
du prétendu refus libyen de collaborer avec eux afin de réprimer le terrorisme

international. Cette argumentation est incontestablement et définitivementcontredite par

les faits.

2. La présomptionde culpabilitédes accuséset de la Lib:t:e

1.37 La Libye a montré dans son mémoire 64et dans ses observations sur les
65
exceptions préliminaires que l'action des Etats-Unis ést fondée sur .:une double
présomption, à savoir (1) que l'explosiondu vol Pan Am 103 a été causéepar un attentat

commis par les accusés, Abdel Basset et Lamen Fhimah, et (2) que''cet acte est

attribuable à l'Etatlibyen.

Le contre-mémoiredes Etats-Unis con!mne cette analyse puisque les Etats-Unis

y soulignent que

62
M.L.,IVepartie.
63
V.aussi laIlle partde laprésenteréplique.
64 M.L., §§ 5.69et6.82ets.
65
Obs.lib. E.-U.p.lO,§§ l.l0-1.11. T

l
28. 1
Chap. I -Principaux. événementsdepuis 1993
1
\
1
"there was a reasonable and sufficient b66is for believing that the Government of Libya is
implicated in thedestmction PanAm 103" , 1

1
et que !

"these matters cannat be disregarded, since they are fundamental to the actions of the United
Kingdom, the United States atheSecurity Councilfil. .

De même,le contre-mémoiredu Royaume-Uni fait valoir, entre autres, que la

convention de Montréal

"provides no basis for a supposed right opartof a State 68!f!.licatedin·the commission of an
offence to insist on trying the perpetrators before its own courts"

C'est donc l'allégationde culpabilitédes accuséset de la Libye qui constitue le

fondement des prétentionsdes Etats-Uniset du Royaume-Uni, sans que le bien-fondéde

cette allégation puisse êtrevérifiée,puisqu'ils soulignent aussi que "the guilt or

innocence of the persans accused of this crime is not an issue before the Court" (/}et que
"as already explained inits prelinùnary objections, the United Kingdom cannot properly

make public further details of theevidence while criminal proceedings are pending" 7•

1.38 Il sera montréailleurs dans cette répliqueque les Etats-Unis et1e Royaume-Uni

ne sont pas en droit d'écarter la convention de Montréal en se prévalant de telles

accusations unilatérales et non vérifiées 71•Il n'en irait pas autrement du Conseil de

sécurité- dans l'hypothèseoù celui-ci aurait, comme le prétendentles Etats-Unis et le
Royaume-Uni, fait siennes les exigences angle-américaines 72: le Conseil violerait le

principe de l'égalitésouveraine inscrit dans l'article 2 (1) de la Charte et la présomption

d'innocence à l'égarddes accusésen accordant, sans justification aucune, plus de foi à

la parole des Etats-Unis qu'à cellede la Libye. ·f

66
CM A.,p.6·7, § l.l.
67
68 CM A.,p.6, § l.l.
CM.B .•p. 20, § 3.9. Soulignépar la Libye.
69
CM A.,p. 4, § 5.
70 CM.B•• p. 12, § 2.5.
71
V. la Ile partie de cette réplique.
72 V. infralame partie de cette réplique. 1

1

l'

.~·"i 29.
Chap.1 -Principauxévénementsdepuis1993

1.39 La façon dont les contre-mémoires cherchent à distiller la présomption de

culpabilité de la Libye en ce qui concerne la catastrophe du vol Pan Am 103 mérite
néanmoinsd'êtrerelevée.

Les Etats-Unis reviennent d'abord sur leur proposition d'un procès écossais aux

Pays-Bas pour conclure que "to date, those efforts bave not been met by Libyan
73
compliance with the .,:equirementsof resolution 1192" •Le prétendurefÛs de la Libye

de se conformer à la résolution 1192 constituerait ainsi une nouvelle preuve du soutien
qu'elle apporterait au terrorisme. ll a déjà étémontré ci-dessus que l'arrangement

intervenu le 19 mars 1999, avant mêmele dépôtdes contre-mémoires des Etats-Unis et

du Royaume-Uni, et le déplacementsubséquentdes accusésvers les Pays-Bas, excluent

définitivement les insinuations de cet ordre.

Les contre-mémoires invoquent ensuite ce qui est présenté comme "des
indications complémentaires du soutien de la Libye au terrorisme". Divers dossiers

étrangersà la destruction du vol Pan.Am 103 sont ainsi évoqués,comme s'ilspouvaient

constituer la preuve de l'implication des accuséset de la Libye dans la catastrophe de

Lockerbie ou fonder les exigences angle-américaines y relatives. Les Etats-Unis se

prévalent ainsi de ce que dans sa lettre du 14 mai 1992 au Secrétairegénéral,la Libye a

déclarérompre ses relations avec toutes les organisations et tous les groupes impliqués
74
dans le terrorisme international , pour en déduireun aveu de l'implication de la Libye
dans le terrorisme international 7• Dans l'optique des défendeurs, les mouvements de

libération nationale sont d'ailleurs tout simplement assimilés à des groupements

terroristes : le Royaume-Uni déduit ainsi de ce que la Libye a indiqué avoir soutenu

"certain liberation organisations" que "Libya bas accepted that it bas had links with
76
terrorist organisations" • Or, en réalité,la déclaration libyenne du 14 mai 1992 ne

signifie pas que la Libye a soutenu des activités terroristes. La Libye J'avait déjà
soulignélors des plaidoiries sur les exceptions préliminaires 7•

73 C.MA .•p. 7-10, citation p.lO, § 1.8.
74
Lettre datée du 14 mai 1992, adresséeau Secrétairegénéralpar le représentantpermanent de la
Jamahiriya arabe libyenne auprès de l'Organisation des Nations Unies, S/23917 du 14 mai 1992,
annexe: Déclaration en date du 13 mai 1992 émanantdu Comitépopulaire pour les relations
extérieureset la coopérationinternationale. Annexen°5.
75
C.MA., p. 12,§ 1.13.
,76
C.M.B., p. 14-15,§ 2.8etnote 11.
77 V. la dédaration de AH. Elhouderi, Agent de la Grande Jamahiriya, dans CR. 97/20 du 17 octobre

1997,§ 1.04. 1

30. 1
Chap. -Principaux événementsdepuis 1993

1.40 La politique de diffamation qui sous-tend ce type d'accusations est apparue en 1

toute clartélors de l'accident du Boeing 747 assurant le vol 800 de la TWA, le 17 juillet· 1

1996. Cette catastrophe a immédiatement étésuivie d'accusations des Etats-Unis à
l'égarddes "pays soupçonnés de soutenir le terrorisme", dont la Libye, et a mené à 1

l'adoption de la loi d'Amato du 5 août 1996 7• Selon le rapport technique préliminaire,
19
le réservoir central du TWA 800 a, en réalité,explosé accidentellement • Le 7 mai

1998, la Federal Aviation.-Authority a décidéd'exiger certaines inspections sur les B737,
747 et 767 afm d'éviterles explosions des réservoirsd'essence tel celui qui a détruitle

TWA 800ro.

Dans ces circonstances, mêmel'afft.rmationdu Royaume-Uni qu'il est "common
ground" que la catastrophe de Lockerbie a étécauséepar un attentat terroriste 81devient

sujette à caution.

1.41 Enfin, lorsque la Libye fait étatde sources journalistiques écartant la version

officielle anglo-américaineconcernant la destruction du vol.Pan Am 103, les Etats-Unis

qualifient ces sources de ''wildand unsubstantiated" et dépourvuesde valeur probante
82
•Mais les Etats-Unis n'hésitentpas, pour autant, à se prévaloirde la presse lorsque
celle-ci suggère qu'Abu Nidal aurait étéprésent en Libye jusqu'en été1998 &3.Cette

attitude incohérente montre que les "preuves" dont se prévalentles E!ats-Unis doivent

faire place à une administration de la preuve conforme aux principes dela justice et du

droit international.

La Libye n'est pas seule à soutenir cette exigence. Dans sa résolution51/210 du

17 décembre1996, l'Assembléegénérale des Nations Unies a demandé

n 0 "
Iran and Libya Sanctions Acof1996,l.L.M.,vol. 35, 1996,p. 1273et s., annDxe23.
79 Le Monde, 19juillet 1999,p. 23, annexen° 51, appendice 2.
80
Statement of Chairman Jim Hall, National Transportation Safety Board. 7 -·mai 1998,
http:llwww.ntsb.gov.pressrel/1998!980507./um. Par ailleurs, fin 1999, le National Transportation
Safety Board,qui enquêtesur l'accident du vol TWA 800, a déclaréregretter de nepas avoir eu
connaissance d'une étude sur les réservoirsdu 747, réaliséeen 1980 par Boeing sur la version
militaire du B747, et qui ferait ressortir des problèmes de surchauffe des réservoirs centraux (Le
Monde, 5 novembre 1999,p. 20, annexen° 56. V. aussi les documents officiels disponibles sm le site
du National Transportation Safety Board: http://www.ntsb.gov. annexe n° 35, et annexe n° 38,
appendices let2). Selon certaines sources, Boeing aurait connu les risques desécuritéque posaient
les réservoirs de ses 747, mais aurait refusé d'appliquer les mesures proposées par la Federal

Aviation Administration pour des raisons d'économie(Le Monde, 19juillet 1999,p. 23, annexe n° 51,
81 appendice 2).Pour plus de détailsvoirannexe n° 51.
C.M.B., p.1,§ 1.1.
82
83 CM A., p. 13-14, § 1.15.
CM.A ..p. 13,§ 1.14. 1

1

!":
j
'HdJl<J

• 31.
Chap. 1-Principaux événementsdepuis 1993

,1
"à tous les Etats, en vue d'assurer l'application effective des instruments juridiques pertin.'ts,
d'intensifier, selon qu'il conviendra, l'échanged'informations sur les faits liésau terrorism..,1.t
en évitantde diffuser des informations inexactes ou non vérifiées." .,

B. Le recours à la force et la coercition économique des Etats·Unis contre la·

Libye

1.42 Le contre-mémoiredes Etats-Unis passe entièrementsous silence l'historique du

recours à la force des Etats-Unis contre la Libye, tel qu'il a étédétaillédans les
observations libyennes sur le,sexceptions préliminaires 1•n suffrra donc de rappeler ici

que la politique coercitive des Etats-Unis confirme entièrement la politique de

diabolisation systématiquesuiviepar les Etats-Unisenvers la Libye.

Ainsi, lorsqu'en 1989, les Etats-Unis menacent de détruireune prétendueusine

d'armes chimiques située à Rabta, au sud-ouest de Tripoli, la Libye propose à
86
l'administration américainede visiter le site litigieux. Les Etats-Unis refusent •En
1996, les Etats-Unis menaceront une nouvellefois de détruireune usine à Tarhunah près

de Tripoli, dont ils soutiennent qu'elle serait destinéeà produire des armes chimiques.

Mais lorsque les autorités égyptiennes et françai dsee ~ndent un complément
d'informations aux Etats-Unis avant de prendre position, l'absence d'élémenttangible

mènele présidentMoubarak à conclure que l'histoireest unmythe~.

Apparemment, les intérêtd ses Etats-Unis sont mieux servis par une accusation
non vérifiéeque par un établissementdes faitsen bonne et due forme.

1.43 Les sanctions économiquesadoptéespar les Etats-Unis le conflilliént.Ainsi, la
destruction du vol TWA 800, le 17juillet 1996, a donnélieu àl'adoption de la loi du 5

août 1996 (Iran and Libya Sanctions Act) 8•Or, rien ne permettait d'affrrmer que cette

catastrophe était due à un attentat terroriste. Conune il a étémontré ci-dessus, les
rapports techniques préliminaires ont révélé que le réservoircentral du TWA 800 a

84
NRés/51(210 du 17 décembre1996, § 4, annexe n° 25, Soulignépar la Libye.
85 Obs.lib. E.·Upp.18et s.
86
V. loc. cp.24, § 1.2etles annexes 10 etdu1M. L.
~. S.International Herald Tribu8avrill996, p. 6, annexe n° 16, etInternational Herald Tribune, 31
mai 1996,. 2, annexe no20.
88
Iran and Liaya Sanctions ACIof 1996, IL.M., vol. 35, 1996, pp. 1273 et s., annexe n° 23. 32.
Chap.1- Principaux événemedepuis 1993

exploséaccidentellement Qui plus est, Boeing aurait dissimulédes informations sur les

défaillances techniques de ses appareils9•

Au regard de ces informations, la politique anti-terroriste des Etats-Unis apparaît
non seulement comme un prétexteà la guerre commerciale que cet Etat mène contre la

Libye depuis que celle-ci a mis fin àla présencemilitaire américaine sur son territoire,

procédé à la nationalisatiop des compagnies pétrolièreset menéune politique active à

'OPEP !IlElle sen aussi, objectivement, les intérêtsde .Boeing à un moment où cette
sociétésubit les conséquences financières des accusations de défaillances techniques de

ses appareils9•

La portéede l'Iran and Libya Sanctions Act de 1996 est à cet égardrévélatrice.
Cette loi vise à sanctionner par divers moyens, dont une limitation d1accès au marché

des Etats-Unis, les sociétéset individus de pays tiers qui entretiennent certaines relations
92
économiques avec l'Iran ou la Libye • La loi s'applique indépendamment de la

nationalité de ces sociétéset individus •.mais obligelePrésident des Etats-Unis à faire
rapport aux comités appropriés du Congrès sur les sanctions adoptées par certains autres

Etats93,qui sont les principaux concurrents des Etats-Unis sur le plan corrunercial. C'est

l'économie de ces pays, autant ou plus que celle de l'Iran et de la Libye, que la loi

américainecherche à contrôler. L'Union européennea condamnéla loi c~rru conetraire
au droit internationalet a pris des mesures législatives pour contrer ses effets extra­

territoriaux4•

1.44 L'Iran and Libya Sanctions Act témoigneaussi des tentatives des Etats-Unis de

mettre les autres Etats du globe et le Conseil de sécuritédes Nations Unies au pas de la
politique étrangère des Etats-Unis. Dans la section 2 de la loi, le Congrès détermine

ainsi que

"The failure of the Govemment of Libya to comply with Resolutions 731, ~83 of the
Security Council of the United Nations, its support of international terrorism, and its efforts to

89
V. ci-dessus, note 80.
so V. les Obs.. lib. E.-U., pp.15-18, et les Obs.. lib. R.-U., pp. 18 ss.
91
Quant aux: effets des défaillances techniques des Boeing sur les parts de marché respectives de
Boeing et Airbus, V. Le Monde, 4 novembre 1999, p. 38, annexe n° 51, appendice 4 et Le Monde, 5
novembre 1999, p. 20, annexe n° 56.
92
V. les Sections 5 de la loi, annexe n° 23.
93 S~çti 4(e) (1) de la loi, annexe n° 23.
94
Règlement (CE) n° L 2271/96 du Conseil du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de
l'application extraterritoriale d'une législationun pays tiers, ainsi que des actions fondées
sur elle ou découlant,J.O. n° L 309 du 29 novembre 19%. 1

l

i

··':,··:"·'··1 33.
Chap. I-Principaux événements depuis1993

acquire weapons of mass destruction constitute a threato international peace and security that
endangers the national security and foreign policy interests of the United 95ates and those
countries with which it shares common strategie andforeign policy objectives"•

La référence aux prétendus efforts de la Libye d'acquérir des armes de

destruction massive rappelle l'action des Etats-Unis relative aux usines de Raptah et de

Tarhunah, en 1989 et 1996, dont il a étéquestion ci-dessus ex;La loi vise à obliger les

Etats tiers à se contormer à des sanctions américainesfondéessur des accusations non

vérifiées,et que les Etats-Unis refusent de vérifier. Qui plus est, la loi cherche à
attribuer les "constatations" américainesau Conseil de sécuritédes Nations Unies. A la

section 3 (b) de la loi, le Congrèsdéclareen effet que

"[...] it is the policy of the United Stoseek full compliance by Libya with its obligations under
Resolutions 731, 748, and 883 of the Security Council of the United Nations,încluding ending ali

support for acts of international terrorism and efforts to develop or acquire weapons of mass
destruction."<n

Contrairement à ce que suggèrecette disposition, les résolutions731, 748 et 883
ne visent nullement les prétendues tentatives de la Libye d'acquérir des armes de

destruction massive.

1.45 Enfin, l'Iran and Libya Sanctions Act permet aussi aux Etats-Unis de

multilatéraliser leurs sanctions nationales contre la Libye, contre-la volontédu Conseil

de sécurité. La section 8 de la loi prévoitainsi que les sanctions qu'elle édicteprendront

fm, en ce qui concerne la Libye.

"[. ..] if the President detennines that Libya has fulfilled the requirements of United Nations
Security Council Resolution 731, adopted January 21, 1992, United Nations Security Council
Resolution 748, adopted March 31, 1992, and United Nations Security Council Resolution 883,
adopted November 11, 1993." 98

95
Section 2 {4)de la loi (soulignépar la Libye), annexe n° 23. Traduction par la Libye:,
"Le défaut du gouvernement libyen de se confonner aux résolutions 731, 748 et 883 du Conseil de
sécurité des Nations Unies et ses efforts visant à acquérir des armes de destruction massive

constituent une menace à la paix et à la sécuritéinternationales qui met en danger la sécurité
nationale et les intérêtsde politique extérieure des Etats-Unis et des pays avec lesquels les Etats-Unis
partagent des objectifs stratégiqueset de politique extérieurecommuns".
96 Supra, § 1.42.

CJ7 Section 3 (b) de la loi (soulignépar laLibye), annexe n° 23. Traduction plaLibye :
"(...) lpolitique des Etats-Unis est de rechercher le respect intégralpar la Libye de ses obligations en
vertu des résolutions 731, 748 et 883 du Conseil de sécuritédes Nations Unies. en ce compris la
cessation du soutien aux actes de terrorisme international eles efforts de développerou d'acquérir

des armes de destruction massive".
Section 8 (b)de la loi, annexe n° 23. Traduction par la Libye :
"[...] si le Présidentconstate que la Libye a satisfait aux conditions de la résolution 731 du Conseil de

sécuritédes Nations Unies, adoptée le 21 janvier 1992, de la résolution 748 du ConseiJ de sécurité 34.
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

L'octroi de ce pouvoir de constatation au Présidentdes Etats-Unis, plutôt qu'au

Conseil de sécuritédes Nations Unies qui est seul compétenten la matière, n'est pas le

fruit d'une rédaction malencontreuse. Les sanctions édictéespar les résolutions 748 et
883 ont étésuspendues, conformément à l'engagement pris par le Conseil de sécurité S9,

lors de l'arrivée aux Pays-Bas des accusésde l'attentat sur le vol Pan Am 103. Or, le

Présidentdes Etats-Unis n~ toujours pas procédé à la constatation requise pàr la section

8 (b) de la loi, qui reste dèslors en vigueur. Cette tentative des Etats-Unis de maintenir
un embargo multilatéralcontre la Libye est manifestement contraire à la résolution 1192

du Conseil de sécurité.

A l'évidence,le Conseil de sécuritén'est pour les Etats-Unis qu'une couverture

habile pour sa politique nationale à l'égardde la Libye. C'est ainsi qu'à la section 2 (b)

de la loi, les comportements attribuésà la Libye sont qualifiés de

"[...] threto international peace and securthat endangers the national security and foreign
policy interests of the Uni100 States and those countries wirh which it shares common strategie
and foreign policy objectives•

ll n'y a de vraies valeurs universelles que celles des Etats-Unis.

***

i

1

1

des NationsUnies, adoptée le31 mars 1992, etla résolution883duConseil de sécuritédesNations 1
Unies,adoptéele 11novembre1993".
99
S/Rés/1192{1998).27 août1998, § 8,annexe n°42,
100 Seeti.on2 (4)delaloi (soulignparlaLibye),annexen° 23.Traduction par la Libye :
"menace à lapaixet à la sécuriinternationalesqumet en danger la sécuriténationale et les intérêts 1

de politique extérieuredes Etats-Unis et des pays avec lesquels les Etats-Unis partagent des objectifs. 1
stratégiqueset de politique extérieurecommuft.
1

1 35.

CHAPITRE II L'INTERPRETATION DES DISPOSITIONS
PERTINENTES DE LA CONVENTION DE

MONTREAL

Introduction

2.1 Dans son mémoire,la Libye avait montréque l'incident aériende Lockerbie était

une des infractions viséespar l'art. 1er de la convention de Montréaldu 23 septembre

1971, que cette convention liait les parties et qu'il n'existait pas d'autre convention
particulièreentre les partiesportant sur l'objetmême du différend. C'étaitdonc au regard

de la convention de Montréalqu'ilfallaitconsidérerles requêteslibyennes 1.

La Libye avait ensuite montréque laconvention :
.: l
1,:
l'obligeait à établir sa compétence pour connaître des infractions visées par la
!1
convention (an. 5 § 2); '
'1
1'
i'
l'autorisaità ne pas extrader les suspects dès lors que ceux-ci étaientses nationaux

(art.8 § 3);

- l'obligeait à déférerceux-ci à ses autoritéscompétentespour l'exercice de l'action

pénaledèslors qu'ellene les extradait pas (art. 7);

- obligeait les défendeurs àaccorder à la Libyel'entraidejudiciaire la plus large possible
(art. li§ 1)2,

2•2 Les défendeurs n'ont pas nié dans leur contre-mémoire que la s,onvention de

Montréalliait les parties et ils n'ont plus contestéque l'incident aériende Lockerbie était
une des infractions viséespar l'art. 1er de la convention. Ils ont mêmeexplicitement ou ::
'1
implicitement reconnu que la convention s'appliquait à l'incident tout en excluant cette '1

application incasu au profit decelle de la Charte des N. U. Ils observent égalementque ' !
i
la Cour a décidé,dans son arrêtdu 27 février1998, non que la convention de Montréal

s'appliquait au présent différend, mais qu'un différend opposait les parties sur 1!
1
l'appli.cationde la convention, et plus précisémens tur le point de savoir si : i,

'·1
1 M.L., § 4.1.
2 M.L., §§ 4.2- 4.47. 1'
1
.1
'·· 36.
ù Chap. II-L'interprétationde la convention de Montréal

- la destruction du vol Pan Am 103relevait de la convention de Montréal;

- l'art. 7 de la convention. (renvoi des suspects devant les autorités compétentes pour

l'exercice de l'action pénalesi les suspects n'étaientpas extradés)lu en combinaison
avec les art. 1,5, 6 et 8 avaviolé;

- l'art. 11 de la convent~(d derloLibyt d'obtenir l'entraide judiciaire la plus large

possible) avait éviolé;

- les comportements des défendeursviolaient la convention

Partant de cette hypothèse, les défendeurs ont développédes arguments portant

sur l'étendue du différend au regard de la convention de Montréal (Sect. 1), sur
l'application en généralde la convention au présent différend (Sect. 2), et sur

l'application desart. 7 (SecL 3) et 1(Sect.4).

Ces arguments concernent, bien entendu, la situation juridique des parties au
regard de la convention de Montréalavant qu'un accord définitif ne soit conclu. pour

l'organisation du procès des deux suspecàsLa Haye. Cet accord apparaissant comme
une manière d'appliquer la convention de Montré(supra § 1.29), les développements

qui vont suivre ne concerne que l'époqueoù les défendeurs refusaient d'appliquera

convention.

*

Section l - L'étendue du différend au regard de la convention de Mon,tréal

2 •3 Dans son mémoire,la Libye avait montréque les défendeursviolaient l'art. 5 §§ 2-
4
3,l'art. 7, l'art. 8 § 3 et l'art. 11 de la convention de MoLa Libye estime que la
Cour, en se reconnaissant compétentepour trancher le point de savoir si la destruction du

vol Pan Am 103 relevait de la convention de Montréalet si ses art. 7 (lu en combinaison

davec les art., 5, 6 et 8) et 11 avaientviolés,n'a pas réduitl'étenduedes questions
soulevéesdans le mémoirelibyen.

3 C.M.A., §2.2C.M.B., §1.17. 1
4 M.L., §4.1 - 4.47.
1 37.
Chap. II- L'interprétadeola convention de Montréal

Le fait que la Cour se réfèreplus explicitement aux art. 7 et 11 de la convention
qu'aux art. 5 §§ 2- 3 et 8 § 3 de la convention ne réduitpas l'étenduedu différend dès

lors que la Cour préciseque l'art7 doit êtrelu en combinaison avec les art.1, 5, 6 et 8.
n en résulteque le~ arguments développéspar la Libye dans son mémoire en ce qui

concerne l'art. 5 §§ 2 - 3 et l'art. 8 § 3 ne sont pas caducs, mais doivent êtrereplacés
dans le cadre de leur combinaison avec l'art. 7, ainsi qu'on le verra plus loin (infra §§

2.15/16).

..,
Section 2 - L'application en général de la convention de Montréal au
présent différend

2. 4 Tout en admettant que la convention de Montréal s'applique à l'incident de

Lockerbie (ci-dessous, A), les défendeursrejettent cetteapplication au présentdifférend
en raison du fait que:

rien n'empêcherait les Etats partiesà la convention à chercher à arrêterles auteurs de
faits viséspar la convention en se fondant sur un autre instnunent que la convention

(ci-dessous, B);

la Libye ne serait pas fondée à se prévaloirde la convention de Montréaldès lors

qu'elle serait impliquéedans l'incidentde Lockerbie (ci-dessous, C);

.la question de l'applicabilitéde .la convention de Montréal n'aurait plus d'intérêt
pratique eu égardaux résolutionsdu Conseil de sécurité(ci-dessous, D).

A. Les défendeurs admettent que la convention de Montréal_ ..'applique

à l'incident de Lockerbie

2. 5 Les Etats-Unis reconnaissent implicitement que la convention de Montréal

s'applique à l'incident de Lockerbie, mais ils font valoir que cela ne les prive pas du droit

de chercher àobtenir la livraison des suspects par d'autres moyens:

C·'.
i." '
·, j:

1:

t. l'
38. 1
Chap. TI- L'interprétatide la conventiodeMontréal
r
. '
"[...] the legal regime of the Montreal Convention is nottheexclusive source of legal rules
potentially applicablin this situation. The Conventiondoes not barthe United States(or the l
United Kingdom) from seeking to exercise jurisdiction over the accused through other legal
avenues." 5 1

r
Ce moyen sera, 'quant au fond, rencontréplus loin (§§ 2.8/10), mais on peut
d'ores et déjànoter que si la convention de Montréaln'est pas la seule source de droit [
1
applicable à l'incident deLockerbie·, a contrario, les Etats-Unis reconnaissent qu'elle n'en
l
reste pas moins une souréeapplicable.
1

2. 6 Plus clairement encore, le Royaume-Uni admet que la convention de Montréal-

peut s'appliquer à un Etat impliquédans un attentat tel que ceux visés à 1'art. 1 de -la
convention de Montréal:

"[...] whether the Montreal Convention is applicaroea casein whicb aState is implicated in
the commission of one or more of the actsto which Article1 of the Convention refen;. The

United Kingdom considers that the Convention isapplicable in such a cas6."

Le Royaume-Uni ajoutetoutefois que la conventio!lne s'applique pas "in the sarne

way when a State party is implicated in a grave Conventionoffence" 7.

Ce point sera aussi évoqué plus loin (§ 2.11), mais il n.en démontrepas moins la

reconnaissance explicite par le Royaume-Uni que laconvention de Montréals'applique à
l'incident de Lockerbie.

2. 7 Enfin, les Etats-Unis et le Royawne-Uni reconnaissent encore l'application de la
convention de Montréalau présentdifférenden envisageant une éventuellemise en jeu de

la responsabilitéde la Libye sur la base de la convention de ... Montréal à la suite de

l'incident de Lockerbie ! Tel est le cas lorsque les Etats-Unis déclarent, dans leurs
conclusions, que leur position .~-~

"is without prejudice to the right of the United States, at an approplatertime;''to initiate
separate proceedings against the Libyan Arab Jamahiriya for breach of its obligations to the
United States under the MontrealConvention or otherwise."

De même,le Royaume-Uni

5 G.MA., § 2.11, soulignépar les Etats-Unis; voy. aussi C.M.A., § 2.17.
6 C.M.B., § 3.1.
7 C.M.B., § 3.2.
8 C.M.A., § 5.2, soulignépar la Libye. 1

f

. f ··.
··l'"

39.
Chap. II- L'interprétatidela conventionde Montréal

''reserves,however, aliof its rights in respect of Libya's responsibility for violations of its
obligations under the Montreal Convention."9

' '~ :
En réservant leurs droits vis-à-vis de la responsabilité de la Libye pour une

prétendueviolation de la convention de Montréal,violation résultantde la destruction du

vol Pan Am 103, les défendeursreconnaissent ipsojure l'application de la convention de

Montréalà cette affaire.

B. Selon les défendeurs, rien n'empêchait les Etats parties à la

convention de Montréal à chercher à arrêter les auteurs de faits

visés par celle-ci en se fondant sur un autre instrument que la

convention

2. 8 Cet argument est surtout développé par les Etats-Unis 10,plus implicitement par le

Royaume-Uni 11 . Selon les Etats-Unis, la Libye aunùt prétendu que la convention de

Montréalne reconnaissait qu'àla Libye, et à elleseule, le droit de juger les suspects, alors

que la convention ne prive nullement les défendeursdu droit de chercher eux aussi à
poursuivre les suspects:

"Libya essentially contends that the Montreal Convention assigntoLibya, and to Libya alone,
the sole right to determine the dispositionhe two persans accused of destroying Pan Am 103.

[..•) The Convention does not bar the United States (or the United Kingdom) from seeking to
exercise jurisdiction over the accused through other legal avenues." 12

Le Royaume-Uni estime, quant à lui. ne violer aucune disposition de la

convention en cherchant simplement àjuger les suspects :

·};'
"(•..] the objective of procuring the accused for trial before the courts of United Kingdom cannot,
by any stretch of the imagination, be alleged to be a 'violation'of the ConventI3n."
.. r~

2. 9 Les Etats-Unis sont évidemmentbien enpeine de citer un seul extrait des écritures

libyennes où la Libye aurait soutenuqu'elleétaitle seul Etat à pouvoir juger les suspects.

Et pour cause : la Libye a écrit exactement le contraire de ce que les défendeurs
prétendent. Dans son mémoire. la Libye affirme expressément qu'elle "n'a jamais

9 C.M.B., p.18, no 8.

1.0 C.M.A., §§ 2.11 - 2.17.
11 C.M.B., §§ 3.45 - 3.46.
12 C.M.A., § 2.11.
13 C.M.B., § 3.46. 'l
40.
Chap. II -L'interprétationde la convention de Montréal
1
1
prétenduque l'article 5, alinéa3 conféraitune compétence exclusive à ses oib\maux pour 1
juger de l'incident de Lockerbie" et qu'elle "n'a jamais contesté que le Royaume-Uni
4 i
aussi bien que les Etats-Unis, ont une compétencedeprincipe à cet égard" 1 .

1
Certes, la Libye'n'en accuse pas moins les défendeurs de "violation" de la

convention, mais cette accusation est fondée- la Libye regrette de devoir répéterce
qu'elle a déjà écrit l5 - non sur le fait que les défendeurs-voulaient exercer leur
1
juridictionà l'égarddes siispects, mais sur le fait que leur stratégieconduisaità empêcher
1
la Libye d'exercer sa propre juridiction sur les suspects en vertu de la convention de
Montréal. Les défendeurs allèguentque la Libye voulait les empêcherde poursuivre

pénalementles suspects - quod non - et ils font semblant de ne pas voir que c'est leur
attitude qui a empêché la Libye d'exercer son droit de les poursuivre également

Autrement dit. les réponsesdes défendeursles conduisent à revendiquer un droit qui est

précisémenc telui réclamé par la... Libye-le droit de poursuivre les suspectS- tout en
prétendantempêcherla Libye d'exercerledit droit !

2.10 Dans ses observations écritesstir les exceptions préliminairessoulevées par les
défendeurs, la Libye avait poursuivi le raisonnement et montréqu'encherchant à priver la

convention de Montréalde tout effet pratique, les défendeurs violaient le prin_cipede

l'applicationde bonne foi qui s'attache à l'application de toute convention (convention de
Vienne sur le droit des traités,art. 26; Déclarationsur les relations amicales, 7e principe,

A/Rés.2625, 24 oct. 1970) ainsi que les principes de lalex specialis et de I'electa una

via. La convention de Montréalayant été acceptéepar toutes les parties, elle devait être
appliquéede bonne foi à l'instar de tout traité.Chercher à éviter l'application de la

convention en s'adressantau Conseilde sécurité revenait à ne pas respecter la convention.
Si, en soi, le recours au Conseil de sécurité n'étaitévidemmentpas illicite, ille devenait

lorsque son objet consistait à éviter l'application de la convention conclue précisément
·~-~?
pour réglerla question soumise au Conseil. La convention apparaissant alors tant corrune
une lex specialis que comme une e/ecta via par rapport à la Charte de_§,N. U.

qu'invoquent les défendeurs, ceux-ci commettaientun abus de droit en "court-circuitant"

l'applicationnormale de la convention sans raison décisive 16.

Les défendeursn'onttoujours pas réponduà ces arguments.

14 M,.L.,.§3.5; voy. aussi plaidoirie du J.Salmon, C.I.J., audience publique du 22 oct 1997, CR
97/24, p. 10 (français).
15 M.L.. § 3.5.
16 Obs. lib. Etats-Unis,§§ 2.17- 2.20; Obs. lib. Royaume-Uni,§§ 2.13 - 2.18. • 1
41.
Chap. II- L'interprétationde la convdetMontréal

Co Selon le Royaume-Uni, la Libye n'aurait pas été fondée à se
prévaloir de la convention de Montréal dès lors qu'elle serait

impliquée dans l'incident de Lockerbie

2.11 Exposé longuement par le Royaume-Uni 17. cet argument ne mérite pas de

réponsetrèslongue dèslors qu'il n'est nullementdémontré que la Libye est en quoi que ' '~

ce soit impliquée da.r liitragédiede Lockerbie. Le Royaume-Uni reconnaît d'ailleurs ce
18
fait mais n'en poursuit pas moins une démonstrationqui ne tient que si l'on accepte
pour prémisseque laLibye est à l'origine del'incidentde Lockerbie, ce dont la Libye ne

veut mêmepas discuter dès lors que l'établissementde la preuve en droit international

n'est pas encore fondé sur les présomptions émises par une minorité d'Etats, aussi

puissants soient-ils.

'1
Do Selon les Etats-Unis, la question de l'applicabilité de la convention 1

de Montréal n'avait plus d'intérêtpratique eu égard aux résolutions

du Conseil de sécurité

1
1
'1
2o12 Sur ce point exposé par les Etats-Unis 19, la Libye explique ailleurs dans la

présente réplique pourquoi sa réclamationconserve un intérêtpratique eu égard au

dommage grave qu'ellea subi à cause du refus des défendeursd'appliquer la convention 1
(supra§§ 1.30/32), 1

* .1
1
1
2 o13 En conclusion. et sans préjudicede ce qui seradit plus loin à propos d .'efet des 1

résolutions du Conseil de sécurité sur l'application de la convention . d.e Montréal,

l'argumentation des défendeursrevient à dire que mêmesi la convention de Montréal

s'applique à l'incident deLockerbie,chaque Etat est autorisé à faire du "treaty shopping"
et à choisir à volontéle traitéqu'il souhaite appliquer au lieu du traiténormalement

applicable. La Libye a montréque cet argument se heurtait à un certain nombre de

principes générauxdu droit international (supra § 2.10) auxquels les défendeursn'ont

pas répondu.

17 C.M.B., §§ 3.104- 3.121.
1
8 C.M.B., § 3.104.
19 C.M.A., §§ 2.52 • 2.54. r
42. Chap. II L·interprétadeola convention de Montréal
1
1
Section 3 - L'application de l'art. 7 de la convention de Montréal au 1
présent différend
1

f

Introduction

2.14 Les défendeurs soutiennent que l'art. 7 de la convention ne comere aucun droit

dont la Libye aurait pu se prévaloir. L'art. 7 dispose

"L'Etatcontractantsurleterritoireduquell'auteurdeél'undesinfractionsesdécouvert,
s'in'extradpascederniersoumetl'affaire,sansaucuneexceptiquetl'infractionoutnon
étécommisesur sonterritoire,à sesautoritéscompépour.l'exercdeel'actionpénale.Ces
autoritésprennentleurôsion dansles mêmesconditionsquepour toute infraction de droit
commundecaractèregrave.confonnémenatuxloisdeceEtaH

2.1 S La Cour, dans sa décision du 27 février1998, a reconnu qu'il existait un différend

sur l'art. 7mbiné avec les art. 1, 5,et 8 de la conventio2°.

Dans son mémoire, la Libye avait montréque

la destruction du vol Pan Am 103 étaitun fait visépar l'art. 1 de la convention

les personnes accusées d'êtreimpliquées dans l'infraction étaient des ressortissants
libyens se trouvant sur le tenitoire libyen;Etats~ etnliRsoyawne-Uni avaient

demandé à la Libye de leur livrer ces personnes; il n'existait entre les reqetlants
Libye aucune convention d'extradition en dehors de la convention de Montréal; or,

l'art. 8 § 3 de la convention disposait que l'Etat requis ne devait répondre
favorablement à une demande d'extradition que dans les conditions prévues ,:•rson

propre droit; le droit libyen excluant l'extradition des nationaux, la Ubye était fondée
àrefuser l'extradition de ses ressortissants vers les Etats-UniRoyaume~Uni 22 ;

l'art. 5 § 2 obligeait l'Etat qui n'extradait pas vers un autre Etat partie l'auteur présumé
d'une infractionà établirsa compétence aux fms de connaître de J'infraction; le fait

qu'il s'agissait'une obligation et non d'un droit n'invalidait pas le droit pour la

20 Arrêtdu 27 février1998,C./.1., Rec. 1998. p. 21 § 29.
21 ML., §§ 3.2et3.4.
22 M.L., §§ 4.14~4.31.

. :..
'-.•: 1
·,;~-~{·'
l -----~---
1 :

43.
Chap. ll- L'interprétation de la convention de Montréal

Libye que les Etats-Unis et le Royaume-Uni respectassent le souci de la Libye de
remplir son obligation 23;

l'art. autori lE taidu lieu où se trouve l'auteur présumé de l'infraction à prendre

les mesures nécessairespour assurer sa détention et procéder à l'enquêtepréliminaire
en vue d'établirles faits; la Libye jouissait donc d'un droit que l'action des Etats-Unis

et du Royaume-Uni visait à entraver 24;

l'art. 7, en tant qu'expression de la règlautdedereautjudicare, obligeait l'Etat partie .<1
à la convention de Montréal qui n'extradait pas l'auteur d'un fait visé par la i'

convention à soumettre l'affaire à ses autoritésjudiciaires; autrement dit, il s'agissait

d'assurer une soumission sans faille de l'affaire à la justice tout en respectant le droit

interne de l'Etatrequ 2~, s

2•16 En limitant le présent différend à l'art. 7 combiné aux art. 1. 5, 6 er 8 de la

convention, la Cour n'a nullement suppriméla nécessitéde vérifierl'applicabilitéde ces

dispositions au différend. n s'agissa-it en effet de savoir si la Libye était fondée à se
prévaloir de la règle aut dedereautjudicare, prévueà l'art. 7 qui l'obligeait à soumettre

l'affaireà ses autoritésjudiciaires compte tenu deson droit de ne pas extrader (art. 8 § 3)

l'auteur d'unfait visé par la convention (art 1); cela impliquait d'une part, que l'Etat eût

conférécompétence à ses autoritésjudiciaires pour connaître du fait (art.5 § 2), d'autre
part, que l'Etat pût arrêtercette personne (art. 6).

On voit donc que la limitation du différendà l'art. 7 combinéavec les art. 1, 5, 6

et 8 de la convention ne supprimait en rien la nécessitéde vérifier l'applicabilité de ces
dispositions au différend.Les défendeursont préféré faire l'économie de cet examen et se·
•1
sont bornésà l'examen du seul art.7.

C'estdonc sur cette base qu'il leur sera répondu tout en maintenantJ'ensemble de
l'argumentation développéedans le mémoire libyen relative aux art. 1, 5 (§ 2). 6 et 8

(§ 3), et synthétiséeci-dessus.

2. 17 Dans son mémoire, la libye avait rappelé les arguments présentés par les
défendeurs à propos de l'art. 7 lors des plaidoiries sur les mesures conservatoires et y

avait répondu, grossomodo, comme suit :

23 M.L., §§ 4.2- 4.12.
24 M.L., § 3.6.
25 M.L., §§ 4.32 - 4.40.
:.

'1' r
44.
Chap. II -L'interprétationde la convention de Montréal 1

les défendeurs présentaient les suspects comme des "agents libyens"; la convention de
Montréalne leur serait donc pas applicable : la Libye avait répondu que les employés

des Libyan Air/ines n'étaientpas des agents étatiques;à supposer mêmequ'ils le

fussent, la convention ne faisait pas de différenceentre particuliers et agents de l'Etat
et restait applicable mêmesi l'infraction étaitle fait d'un agent de l'Etat re;les

défendeurs n'ont plus repris leur argument dans leur contre-mémoire; la Libye en
prend acte et n'y revieniÎra donc pas;

selon les défendeurs, la Libye revendiquait l'application d'un droit alors que l'art. 7

énonceune obligation; la Libye avait montrépourquoi on pouvait bel et bien parler de
droit27;le contre-mémoire des défendeurs n'en tient pas compte etrépètel'argument

que l'art 7 ne confèrerait pas de dr9it particulier à la Libye, mais lui confèrerait
seulement une obligation si elle n'extradait pas les intéressés(ci-dessous, A);

selon les défendeurs, la Libye n'aurait pas àse plaindre d'une violation de l'art. 7
puisqu'elle avait pu soumettre l'affàisa justice; la Libye avait répondu que l'action

des défendeurs cherchaità l'empêcherd'appliquer cet article en fait et qu'ils violaient
donc la convention 28;dans leur contre-mémoire, les défendeurs, sans véritablement

répondre àl'argument libyen, ont insistésur le fait que l'art. 7 ne les empêchaitpas de
soumettre l'affaireu Conseil de sécurité(ci-dessous, B);

selon les défendeurs, la Libye n'avait pas d'exclusivitédans l'exercice des poursuites;

la Libye avait montréue la convention de Montréaln'en octroyait pas davantage aux

défendeurs 29; cela n'a pas empêchéles défendeurs de répéterdans leur contre­
mémoire, sans tenir compte de ce que la Ubye avait dit, que l'art. 7 ne conférait

aucune exclusivitéà la Libye dans l'exercice des poursuites (ci-dessous, C).

Enfm, selon les défendeurs, la Libye aurait prétenduque 1'art.7 ne concef9ait que
l'Etat où se trouvait l'auteur présuméde l'infraction, non les Etats tiers (ci-deD).us,

26 M~L §.,.42.
27 M.L.,§ 4.43 b.
28 M.L., § 4.43 a.
29 M.L., §4.43 c.

1

1 .·:.
45.
Chap. TI- L'interprétatide la convention de Montréal

A. Selon le Royaume-Uni, l'art. 7 se bornait à obliger la Libye à
poursuivre la personne concernée si elle ne l'extrade pas; il ne

conférait aucun droit à la Libye

2.18 En substance, le Royaume-Uni affirme notamment :

"ThatArticle.[ArF7] doesnotconferany 'right'uponthe Statewhichhas custodyof the aŒused;

it imposesan obligationtoprosecute." 30

Cetargumentdéveloppéparle Royawne-Uni 31 avait déjàété exposé, ainsi qu'on

l'adit, lors de la demande en indication de mesures conservatoires par la Libye. Celle-ci

l'avaitalors rencontrétant à ce stade que dans son mémoire 32. La libye avait montréque
l'actiondes défendeursconduisait à violer un droit de la Libye, et ce, à un triple titre.

D'abord, l'art.7 étaitl'expression de la règleclassique aut dedere aut judicare, ce
33
que reconnaissait le Royaume-Uni lui-même • Aut dedere aut judicare, c'était par
définition la reconnaissance d'un choix. En conférantaux Etats un choix, l'art. 7 leur

reconnaissait un droit, le droit de choisir entre deux obligations : soit extrader 1'auteur

présuméde l'infraction, soit le poursuivre directement Les défendeurs, en cherchant à

obliger la Libye à extrader les suspects, l'avaientnécessairementprivéede ce choix, c'est­
à-dire, de ce droit d'option figurant à.l'art. 7. Dans leurs opinÎons dissidentes aux

ordonnances du 14 avri11992,les juges Bedjaoui, Ranjeva et Ajibola avaient reconnu ce

point, lequel n'avait d'ailleurs été démentini par les ordonnances, ni par aucun autre

juge 34.

Ensuite, l'exercicede l'obligationde poursuite énoncéeà 1'art. 7, aussi paradoxal

que cela puisse paraître, étaitaussi, en soi, l'exercice d'un droit : celui "de,ne pas être

entravédans l'accomplissement de son devoir international" 35.Autrement dit, en voulant

forcer la Libye à leur livrer les suspects, les défendeursavaient bel et bien privéla libye
de son droit de remplir son obligation de poursuite.

Enfin, les défendeursconduisaient aussi la Libye à violer ses propres lois : la loi
·..
libyenne faisait obstacle à l'extraditiondes nationaux; la convention de Montréal,en son :.!

1
30 C.M.B., § 3.49.
31 C.M.B., §§ 3.47-3.51.
32 M.L., § 4.43. .1
33 C.M.B., § 3.47. 1

34 Extraits pertinents in M.L.,pp. 108-109.
35 C./.J.,f?.ec1992, op. diss. Bedjaoui, pp. 38-39, 148-149. .'
·.146.
Chap. II- L'interprétationlaconvention de Montréal

art. 8§ 3 reconnaissait que l'extradition ne devait êtreaccordéeque "dans les conditions

prévues par le droit de l'Etat requis". L'ar7 qui devait êtrelu en combinaison avec l'art.
8- ainsi que la Cour l'a admis 36 - • conférait donc bien aux Etats parties le droit

d'agir dans les limites prévuespar leur loi interne. En voulant obliger la Libye à leur livrer

les suspects, les défendeurs avaient entravé là aussi l'exercice du droit par la Libye de

n'agir que dans les limites de ses lois nationales.

Tous ces arguments"ftmtétélonguement développésdans le mémoirelibyen 3 . La

Libye doit bien constater que les défendeurs n'ontpas vraiment tentéd'y répondre, et que
le Royaume-Uni en pamculier se borne à répéterune argumentation déjà présentéelors

des plaidoiries relatives à la demande d'ordonnance èn indication de mesures

conservatoires. La Libye ne peut donc que s'entenir à ce qu'elle a déjàdit et qu'elle vient

de rappeler ci-dessus de manière synthétique.

2.19 llc~nvi e'njtuter que l'art 7, en prévoyantque l'Etat partie à la convention,

soumet l'affaire à ses autorités, jouit aussi, implicitement, du droit de choisir le lieu du
procès. A cet égard, le fait de laisser les suspects se rendre à La Haye pour comparaître

devant la juridiction écossaiseest une forme d'application de la convention de Montréal.

B. De toute façon, selon les défendeurs, l'art. 7 ne les empêchait pas

de soumettre l'affaire au Conseil de sécurité

2.20 Mêmesi l'art.7 conférait un droit à la Libye, les défendeurs estiment qu'ils n'

avaient pas violéce droit en soumettant l'affaire au Conseil de sécuritécar rien dans la

convention n'interdirait à un Etat de soumettre l'affaire au Conseil de sée_.~:é
conformément à l'art35 de la Charte des N. U.3 8•Ainsi, pour les Etats-Unis :

"Many - indeed, perhaps most -of the situations on which the Security Couneil is urged to
actinresponse to threatopeace and security are regulated in sorne degreeby treaties or involve
claims of rights by states undertreaties. That is part of the rincludingArticle 103in
the Charter. lt cannat violate those treaties for one of the states concemed itserightse

underthe Charter to appeto the Security Counci39"

Pour le Royaume-Uni,

36 Arrêtdu 27 février1998, C.IJ., Rec. 1998, p.§229.
37 M.L., §§ 4.14- 4.31 et 4.43.
38 C.M.A., §§ 2.48 - 2.51C.M.B., §§ 3.52- 3.61.
39 C.M.A., § 2.51.1
47.
Chap. II- L'interprétationde la convention de Montréal

"To argue, as Libya does, that a State may violate a bilateral or multilatreatymerely by
bringing before theecurity Council a matter concenùng international peace and security, would
introduce a serious and whollywarranted obstacletothe exercise by the CoWlcil of its primary
responsibilityWlderthe United Nations Charter. The act of referring the matter to the Council
cannot, therefore, of itself, be a credible and sufficient foundation for the Libyan allegation that
the United Kingdom acted in such a way as to frustrate the operation of the Montreal
Convention." 40

2 •21 L'argument est identique à celui déjà évoquéplus haut, à savoir que rien

n'empêcheraitles Etats parties à la convention de Montréal de s'efforcer· d'arrêter les
auteurs de faits visés.par celle-ci en se fondant sur un autre instrument que la convention

(supra § 2.8).. La réponse à cet argument se trouve ici aussi dans les principes de

l'application de bonne foi des traités, de l'interdiction de l'abus de droit, de la lex

specialis et de l'eJectauna via (supra §§ 2.9/10). L'argument ne serait acceptable que
s'il étaitdûment prouvé que la Libye avait étéimpliquéedans l'incident de Lockerbie,

preuve qui, faut-ille répéterencore et encore, n'atoujours pas été rapportée.

C. Lu seul ou en combinai$on avec d'autres dispositions, l'art. 7,

selon les Etats·Unis, ne conférait aucune exclusivité à la Libye dans

l'exercice des poursuites

.
2.22 Cet argument est présentépar les Etats-Unis 41 . Après avoir étudiéles travaux

préparatoires de la convention de Montréal, ils concluent à propos de déclarations faites

par les Etats lors de la conférencediplomatique :

"As these statements show, there was no agreement to OOdany system of priorities to the
Montreal Convention, and none was written into the text. The delegates at Montreal did not give
any of the States authorized to exercise jurisdiction under the convention priority over any other."
42 {... ]
"Thus, none of the additional provisions invoked by Libya [... ]-Artil, 5, 6'and 8 - [...]
supports Libya's daim to have an exclusive right or priority in the investandtprosecution
of those accused of destroying PanAm 103.43 · "

2 .23 Encore une fois, la Libye ne réclameaucune priorité de juridiction, et elle lit la

convention et ses travaux préparatoiresde la mêmemanièreque les Etats-Unis, à savoir
qu'aucun système de prioritéde compétencen'ya étéprévu. Si la Libye rejoint les Etats­

Unis sur ce point, les conclusions qu'elle en tiresont toutefois diamétralement opposées à

celles des Etats-Unis : c'est précisémentparce que la convention de Montréalne prévoit

~40. C.M.B., § 3.59.
41 C.M.A., §§ 2.21 - 2.34.
42 C.M.A., § 2.29.
43 C.M.A., § 2.34. -T
48.
Chap.li- L'interprétationde la convendeMontréal
1

aucune prioritéque l'action des défendeurs, en tendant à leur assurer l'exclusivitédes
1
poursuites - donc une priorité !... -, apparaissait comme une violation de la
1
convention.

1

1
D. La Libye, selon Les Etats-Unis, aurait prétendu que l'art. 7 ne
concernait que l'Etat où se trouvait l'auteur présuméde l'infraction,
l
non les Etats tiets
1

1
2. 24 Variation de l'argument précédent,les Etats-Unis soutiennent que la Libye aurait

revendiqué, en tant qu'Etat du lieu de l'arrestation, un droit prioritaire de poursuite 44•

Ainsi, ils écrivent:

"Libya must be contend:ing that Article 7 implicitly gives Libya, where the accused persans
apparent!y are located, a right to investigate and perhapstry them that is superior to the right of
any other Convention party. In addition, this implicit right precludes other parttosthe
Convention from seeking to exercise jurisdiction if Libya says it intends to do so." 45

2. 2 5 L'argument est fondésur une nouvelle déformationde l'argumentation libyenne.

La Libye n'a jamais prétendu jouir d'une quelconque priorité dans l'exercke des

poursuites et, d'ailleurs, il est significatif que les Etats-Unis sont [email protected] citer le
moindre extrait du mémoirelibyen qui confirmerait les prétentions qu'ils prêtent à la

Libye. Celle-ci dit simplement que, en tant qu'Etatdu lieu d'arrestation des suspects, elle

avait le droit et l'obligation de les poursuivre en vertu de l'art.7 de la convention combiné

avec les art. 5 § 246 et 8 § 347. Dèslors, ni ce droit ni cette obligation ne pouvaient être
mis en périlpar l'actiondes défendeurs.Lorsqu'une convention multilatéraleconfère des

droits aux Etats parties et que l'un d'eux entend exercer son droit, il ne prétendpas pour

autant jouir d'undroit prioritaire sur celui des autres Etats parties. Tout ce qu'il pretend,
c'est exercer son droit dans les conditions prévuespar la convention. Si dans le contexte

propre à cette convention, l'exercice de ce droit implique, de facto, une priôli.tépar

rapport aux autres Etats, c'estparce que laconvention l'aadmis et on ne peut reprocher à

l'Etat d'exercer un droit qui découle des termes ou de -l'économie généralede la
convention.

44 C.M.A., §§ 2:19- 2.20.

45 C.M.A. § 2.20.
46 Obligation pour l'Etatd'établirsa compétenàl'égardde l'auteurprésuméd'uneinfraction viséepar la
convention si l'auteur se trouve sur le territoire del'Etat et si celui-ci ne l'ext:rndepas vers un aune
Etatpartie.
47 Obligation pour l'Etat dconsidérela convention deMontréalcomme convention d'extraditiondans
les conditions prévuespar le droit de cet Etat. 49.
Chap. II -L'interprétationde la convention de Montréal

2. 26 Dans le cas de la convention de Montréal, c'étaitjustement l'absence de priorité

dans l'exercice des compétences qui obligeait chaque Etat partie à respecter le droit des

autres Etats de P,Oursuivre l'auteur présumé de l'infraction conformément à ses

compétences. La Libye n'empêchaitpas les défendeurs.de pousuivre les suspects in
abstentia si leur droit les y autorisait alors que les défendeurs cherchaient à empêcherla

Libye d'exercer sa compétencepersonnelle active.
-~··

2.27 En conclusion, on voit qu'aucun des arguments des défendeurs relatifs à

l'impossibilitépour la Libye de se prévaloirà leur encontre de l'art. 7 ne résiste à une

analyse sérieuse. La Libye s'estime fondée à considérer que par leur action visant à
refuser d'appliquer la convention de Montréal, les défendeurs ont violé celle-ci, et

notamment son art. 7. Leur responsabilitéest engagéede ce fait.

*

Section 4 - L'application de l'art. 11 de la convention de Montréal au

présent différend

Introduction

2•28 Pour rappel, 1 'art11 § 1dont la Libye demande 1'application, dispose :

.,,
"Les Etatscontractantss'accordenlt'entraidejudiclaplus largepossible danst' ute procédure
pénalerelative aux infractions. Dans tous les cas, la loi applicable pom l'exécutid'une
demanded'entraideestcellede l'Etatrequis."

Dans son mémoire, la Libye avait souligné que cet article énonçait une règle

d'entraide judiciaire obligatoire entre les parties avec pour seule limite l'application du
droit de l'Etatrequis 48.

2. 29 La Libye avait égalementmontré,en réponse à des arguments développéspar les ' i
'
défendeurs lors des plaidoiries sur la demande libyenne d'indication de mesures

conservatoires. que :
'1
48 M .L.. 4.44.

·,'
il:
':1
'i --,

50.
Chap. II-L'interprétatdela convention de Montréal

rien ne permettait de dire que l'art. 11 étaitune disposition annexe, secondaire ou

accessoire 49;les défendeursn'ontpas contestéce point dans leur contre-mémoire~

il était évident que l'art. 11 ne s'appliquait que si la convention de Montréal
s'appliquait 50; les défendeurs ont repris cet argwnent; on y reviendra (infra §§

2.31/32);

l'art. 11 § 1 obligeait l'Etat requis à apporter sa coopérationjudiciaire à tout Etat qui
51
veut poursuivre l'auteur présuméd'un fait visépar la convention ~ les défendeurs
n'ontpas contestéce point dans leur contre-mémoire;

la communication des preuves de l'infraction ne compliquait pas l'exercice de l'action

pénalechez les défendeurs 52;les défendeurs n'ont pas contesté ce point dans leur
contre-mémoire;

l'octroi de l'entraide judiciaire ne dépendpas d'un jugement d'opportunité de la part
53
de rEtat requis ; les défendeurs n'ont pas contesté ce point dans leur contre­
mémoire;

le fait que le Royaume-Uni refuse de délivrer les preuves qu'on lui réclame alors

qu'en matière d'extradition et en tant qu'Etat requis, il a pendant longtemps

subordonné l'octroi de l'extradition à la condition que l'Etat requérantlui apporte un
primajaciecase, tend à montrer que les preuves qu'il possède ne sont peut-êtrepas

aussi solides qu'il le prétend54;les défendeurs n'ont pas contestéce point dans leur

contre-mémoire.

2.30 Les défendeurs n'ont repris qu'un de ces arguments, et en ont invoqué deux

nouveaux:

la question de l'application de l'art. 11 ne se posera qu'après que la Cour aura
reconnu l'application de la convention de Montréal(ci-dessous, A);

49 ML., § 4.46 a.
50 ML., § 4.46 b.
51 M.L§ :4.46 c.
52 ML.,§ 4.46 d.

53 M.L., §4.46 e.
54 M.L., §4.46 f. 51.

Chap. II - L'interprétationde la convention de Montréal

la demande d'assistance judiciaire de la Libye étaittrop imprécisepour relever de l'art.

Il (ci-dessous, B);

le droit interne d~s défendeurs fait de toute façon obstacle à ce qu'il soit donné suite à

la demande libyenne (ci-dessous, C).

A. Selon le Ro;·aume-Uni, la question de l'application de l'art. 11 ne

se serait posée_qu'après que la Cour aurait reconnu l'application de

la convention de Montréal

.i
1
1
!
1
2. 31 Le Royaume-Uni. reprend ici un argument consistant à dire qu'étant donné 1.
•.1
l'existence d'un différend entre les parties sur le droit pour la Libye de poursuivre les
:: ~•

accusés au lieu de les transférer vers un des défendeurs, la question de l'application de

l'art. 11 n'aurait dû se poser qu'à l'issue du règlement du différend 55 :

"Where thereis a dispute over jurisdiction, the obligation in Article 11 cannot arise until such • ' 1
time as that dispute has been resolved." 56 1
' 1
1 :
1
,.,,
2.32 n est exact que l'art. 11 de la convention de Montréal ne s'applique que si la
'1
convention elle-mêmes'applique, mais si la Cour reconnaît que la convention s'applique, 1.1,

l'art. Il apparaît alors comme violé ipsojure et ab initio par l'Etat qui ne s'y est pas 1·
(1
!1,1
conformé. La Cour peut le reconnaître dans le mêmetemps qu'elle reconnaît l'application

de la convention. ·r

1
'i
Le raisonnement du Royaume-Uni revient à dire que la reconnaissance de la '!
,J

violation d'une règle est toujours subordonnée à une première phase procédtirale où le 11 1
1;i 1
juge devrait se prononcer sur l'applicabilité de la règle avant de pouvoir ouvrir une

seconde phase où il se prononcerait sur son éventuelle violation. S'il en_ allait ainsi, il ; 1
1 1
suffirait à tout défendeur de soulever une exception préliminaire d'applicabilité de la règle
: ! i
:.:1
en cause pour ouvrir 1Ule procédure en deux étapeset retarder d'autant la décision finale . '
:.'
du juge. Le droit et la pratique montrent qu'il n'en va pas ainsi en dehors de certaines 1 ;

procédures spécialement organisées de cette manière conune en matière d'exceptions
1 :
préliminaires de compétence et/ou de recevabilitédevant la C.I.J. 57 ·1
1 1

1:
. ' i

•• ••1
55 C.M.B., §§ 3.86- 3.91.
56 C.M.B., § 3.91. .-: 1
•.1
57 Règlement de la C.I.J., art.79. : 1

' i 1

1.

•;1.
...................... __________________________________ ._J:I
l152.
Chap. TI- L'interprétation de la convention de Montréal

B. Selon les Etats~U landemsa,nde d'assistance judiciaire de la ·Libye

était trop imprécise pour relever de l'art. 11

'
2.33 Les Etats-Unis estiment que la demande d'entraide judiciaire du juge al-Zawi
adresséeau président du grand jury fédéraldu Districtof Columbia aurait étéimprécise

ou non conforme aux standards usuels pour qu'il y fût-donné suite 58• Les Etats-Unis

invoquent deux arguments. y:

2. 34 La demande était" impréciseen ce qu'elle n'invoquait ni la convention de Montréal,

ni afortiori son art. 11 :

"AState called upon toprovidelawenforcementassistanctherequesterclaims to be legally
requiredsurely is entitled~ttold of the requester'spositandof the legal basis of the
requesl Judgeal-Zawi'requesdidnot do either." 59

L'argument n'exige pas une réponse très approfondie : il est évident que, de

manière générale,l'application d'une règle (convention, loi, règlement ... ) n'est pas

subordonnée à son invocation expresse : nemo /egem censetur ignorare ! De toute façon,
si· les autorités judiciaires américaines ignoraient l'existence de la convention de

Montréal (!) au moment où le juge al-Zawi leur adressait sa lettre (27 novembre 1991},

cette ignorance supposéen'étaitplus demise lorsque le 11 janvier 1992, la Libye fondait

expressément sa position sur la convention60.

2.35 Pour les Etats-Unis, la requêtelibyelllle d'entraide judiciaire ne précisait pas que

l'octroidel'assistance étaitune obligation:

"Ididnotsuggest that there wasanyobligationto providethe materialsought. Instead, the letter
wasframed as arequestin languageindicating that complianceby the addresseewun~.ol
('We hope that you willmak:etpossible...emphasisadded)"61 .

L'argument paraît bien formel : la convention de Montréal ne prévoit pas de

condition de forme particulière pour les demandes d'entraide judiciaire; dans ce domaine,

il existe des usages plutôt que des règlescoutumières sur les formes de cette entraide. En
outre, l'utilisation de formes courtoises n'exclut pas l'existence'une obligation sous­

jacente.

58 C.M.A., §.2.35 - 2.38.
59 C.M.A., §2.37.

60 M.L., §2.15.
6l C.M.A., § 2.37. 53.
Chap. IL'interprétation de la convention de Montréal

2 •36 Les Etats-Unis invoquent aussi le fait qu'ils ne devaient pas donner suite à une

demande qui ne correspondai~ ce que le Conseil de sécuritéex.Ceapoint est
liéau problème du conflit entre la cpnvention de Montréalet les résolutions du Conseil de

sécurité;il sera plus lodan cscadre (infra, chap. III).
' 1 .

1
C. Selon les ~_éfe lne .u.ot enuere .faa.is ,e ,t.oute façon ii

obstacle à ce qu•JI fut donne smtà la demande libyenne

2. 37 Les défendeurs observent du'ils ne devaient doàla demande d'entraide

judiciaire que dans le resp1ct de tek droit, càce que prévoit l'art. 11.
1

Sur cette base, le Ro1aurAe-Uni observe que le droit écossais autorise le refus
''.
d'assistance notanunent pou1 des rusons de sécuritétational; il aurait dès lors
étécontrairà l'intérêtnational d'accorder l'assistance à la Libye, d'une part, en tant
1
qu'Etat impliqué dans l'infraction,ld'autre part dès lors que l'cormniseon avait été

sur le territoire de l'Eta~u'equenuuêtyeétaitmené63.Ainsi, le Royaume-Uni
écritque si

1
"The Lord advocate bas, on the basis of enquiries carried out on his behalf,',eason to suspect that
the requesStatis itsurtplicatthe crime, he would binhis public toty
uphold the law if he 1ere to distlose the authoriries of thal State material which would otherwise
be confidential to the Public Prosecutor." 64

De manière analogue, les Etats-Unis affurnent qu'il existait "substanrial grounds

for believing that alleged operativJs of Libyan.intelligence bad dest65yed Pan Am 103"
1
etque 1

"In these circumstances, it was reasonable for U.Sthatc~~iais wihcolyinge
Libya's requeIdproba rbslintheprematwdisclosurthe alleJx.!rpetsfaor
terrorist act of the evidence agmnst them prior to their appearance before the coUrt. This would
give those perpetrators a povJ-erful tool to disruptandtoprevent anigations
effectiveal." 66

62 C.M.A.§ 2.38.
63 ·c.M.B.,3.92- 3.10voy. auss3.104-3.121.
64 C.M.B.§ 3.102.

65 C.M.A., § 2.46
66 C.M.A., 2.47. Chap. ll - L'interprétationde la convention de Montréal

Ce type d'argument est fondé sur la présomption récurrente que la Libye est
responsable de l'incident de Lockerbie. Sans preuve, l'argument n'est qu'un slogan sans

valeur juridique (cfr. supra § 2.11).

2. 38 Le Royaume-Uni dit aussi que le droit écossais de l'assistance judiciaire

internationale tel qu'il ressort du 1990 Act et des Guide/ines qui les accompagnent
interdisait aux autorités écossaises d'accorder leur collaboration lorsque des ·poursuites

avaient été entreprises devant unejuridiction écossaise:

"[... ] under the ·1990 Act and the Guidelines, the Scottish authorities are entitled to refuse
assistance in circumstancesn. which criminal proceedings have already been initiabeforea
67
court in Scotland."

Le Royaume-Uni s'abstientsoigneusement de citer le moindre extrait pertinent; et

pour cause :la Libye ne trouve pas dans les documents produits par le Royaume-Uni 68

une disposition qui confirmerait l'interdictionfaite aux autoritésécossaisesde·délivrerles

élémentsd'un dossier parce qu'il fait l'objet d'une procédure devant une juridiction
écossaise.On litau contraire dans les GUide/ines que:

"The United Kingdom will renderthe maximum possible assistance, and cases of refusai are
expectedto be rare. 1twillfurthennore be the nonnal practice, excepin clear-cutcases, to

consult the requesting State before finally concluding trequest cannot be executed (eilher
wholly or in part), and to discuss any possibility for overcoming the dif!kulties preventing
execution.n69

Le moins qu'on puisse dire est que le Royawne-Uni n'a guère abusé de cette

disposition ! Sans doute, le Royaume-Uni a-t-il considéréconune un "clear-cut case" le
fait d'accuser la Libye d'être impliquéedans l'incidentde Lockerbie.

2. 39 Les Etats-Unis prétendentaussi faire échec à l'applicationde l'art. 11 en raison du
-.~.J
fait que la règle6 (e) des Federa/Rulesof CriminalProcedure interdit aux membrës d'un

grand jwy et aux personnes qui font partie de son staff de transmettre toute· inf~~tkm

relative à l'exercicede leurs fonctions. Les Etats-Unisécrivent:

"No exception to this rule of secrecy aptogrand jw-ors or the foreperson. For them, the nùe

of non-disclosure is absolute, andany knowing violation 'may be punished as a contempt of
court'."0

67 CM.B., § 3.101.
68 Les UK Guide/ines d'août 1991, reproduites in C.M.B., annexe 104.
69 Guide/ines,§ 40, in C.M.B., annexe 104, soulignépar la Libye.
70 C.M.A., § 2.43. ~----~1

r

55.
Chap. II- L'interprétation de la convention de Montréal

L'argument est vain : d'abord, l'obligation d'entraide énoncée à l'art.11 lie l'Etat

américaindans son ensemble, en ce compris un grand jury en tant qu'organe de l'Etat;

ensuite, la règle du secret, si elle s'applique au grand jury, ne lie pas le gouvernement
américainqui reste .pour la Libye le premier débiteur de l'obligation; en outre, cette règle

du secret vise essentiellement les membres du jury dans leurs relations avec le public; elle

ne s'applique évidenunent pas aux relations de l'organe judiciaire avec un autre organe

judiciaire dès lors que celui-ci est aussi liépar une règle de confidentialité; il est d'ailleurs
imaginable d'assorti'! d'une condition normale de confidentialité la transmission du

dossier aux autorités libyennes; enfm, si la règle de confidentialité devait faire obstacle à

l'entraide judiciaire, l'obligation énoncée à l'art. 11 ne pourrait quasiment jamais être
remplie de manière satisfaisante, et telle n'étaitcertainement pas l'intention des rédacteurs

de cette disposition.

2. 40 Le R.-U. prétend aussi que l'obligation énoncée à l'art. 11 § 1 de la convention
de Montréal serait de caractère limité, et il laisse entendre que l'obligation d'assistance

judiciaire prévue à la première phrase du § 1 de l'art. 11 serait subordonnée au droit

interne de l'Etat requis :

"[...] iis evident from the negotiati:reror[de la Conférencde Montréal] that the second
sentence ofAn. 11 (1) wasinfact intendetoqualify the substantive scope of the obligatoon
co-operate.Itwas not intended simply to address issues of proce71re."

A l'appui de cette affinnation, le Royaume-Uni cite un extrait des actes de la

Conférence de Montréal où, répondantau représentantde l'Australie qui s'interrogeait sur
72
le sens de la 2e phrase de l'art 11 § 1 (art.10 § 1 dans le projet initial) ,le Secrétaire de
la Commission plénièreexpliquait que cette disposition s'inspirait de certains instruments

européens d'extradition: si les deux Etats étaientparties à un traitéd'extradition, le droit

interne s'appliquait conformément à ce que prévoyait ce traitési aucun trait·.-}~e genre

ne liait les deux Etats dans leurs relations mutuelles, le droit interne de l'Etat requis
s'appliquait 73 .

ll semble difficile devoir dans une explication aussi lapidaire un fondement à la
thèse "that the second sentence of Art. 11 (1) was in fact intended to qualify the

substantive scope of the obligation to ~o-operate".

71 C.M.B., § 3.79.
72 ~Datn ous les cas la loi applicable pour une demanded'entraideest celle de l'Etatrequis."

73 Texte in C.M.B., § 3.79. ~

1
56.
Chap. II- L'interprétationde la convention de Montréal

En réalité,l'obligation d'entraide énoncée à l'art. 11 § 1 doit êtreremplie de

bonne foi, à l'instar de toute obligation internationale (convention de Vienne sur le droit

des traités,art. 26; Déclarationsur les relations amicales, 7e principe, NRés. 2625, 24
oct. 1970), et de manière exhaustive : l'entraide judiciaire que les Etats sont tenus de
;
s'accorder doit être '1a plus large possible" (en anglais, "the greatest measure of

assistance") (art. 11 § 1, le phrase). ll s'agit à la fois d'une obligation de résultat -
s'accorder l'entraide judiciaire - et d'une obligation de moyen - le quantum de

l'entraide doit êtrele plus Ùtrgepossible.

Or les défendeurs, en prétendant subordonner l'obligation d'entraide au droit de

l'Etat requis, déforment complètement le sens de l'art Il § 1. Ils conîerent à la deuxième

phrase de cet alinéaWle portéequi ne correspond ni à la lettre, nà l'esprit du texte. En
appliquant àce dernier les critèresde l'art 31 § 1 deIa convèntion de Vienne sur -ledroit

des traités- donner aux termes du traité leur "sens ordinaire" en tenant compte du

contexte, de l'objet et du but du traité-, on constate·que la deuxième phrase du § 1 de
l'art. 11 se borne à renvoyer aux modalités d'exécution de l'obligation, mais il ne

subordonne nullement cette exécutionaù droit interne de l'Etat requis. S'il en avait été

autrement, le texte l'aurait indiqué, par exemple en disant, conune pour l'extradition telle
que prévue à l'art. 8, soit, que l'entraide "est subordonnée aux autres conditions prévues

par Ie droit de l'Etat requis" (art.8 § 2; souligné par la Libye), soit que celle-ci est

accordée "dans les conditions prévues par le droit de l'Etat requis" (an. 8 § 3, souligné
par la Libye). L'art. 11 § 1 aurait, par exemple, étérédigécomme suit :

"Les Etats s'accordendons les conditions prtvuepar le droit de l'Etat requiI'entmide
judiciaire la plus large possible dansprocédur eénalerelative aux infractions." (souligné
parlaUbye)

Sous cette forme, la disposition aurait clairement fait dépendre l'exécutiop de
l'obligation du droit interne de l'Etatrequis. Tel n'estpas Ie cas dela rédaction actueÎle de

l'art.11 § 1 qui opère une nette distinction entre l'obligation d'une part, ses modalités
....
d'exécutionde l'autre. Le moyen des défendeurs fondésur les restrictions prétendues de
leur droit interne étaitdonc sans fondement

* ------ ------- -

57.
Chap. II- L'interprétationde la convention de Montréal

2.41 En conclusion, aucun des arguments avancéspar les défendeursne faisait obstacle

à l'application de l'art. 11 de la convention au présentdifférend. En ne respectant pas

cette disposition, les défendeurs ont violé ici aussi la convention de MontréaL Leur
responsabilitéest e9-gagée de ce fait.

* * *

1
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1,. T
58.

CHAPITRE III - LES RESOLUTIONS 731, 748, 883 et 1192

Introduction

3 .1 ll a étmontrédans le chapitre Ier de la présenterépliqueque le différend n'est pas

privéde son objet par la :tenue du procès des deux accusés devant le tribunal écossais
siégeant aux Pays-Bas. Si la Libye et les défendeurs ont résoluleur différendquant au lieu

du procès. ceci n'empêcheque les défendeurs ont violé la convention de Montréal de
façon continue entre 1992 et leur acceptation de la tenueu procès aux Pays-Bas. La

constatation de cette violation par la Cour doit peràelaLibye de demander réparation
pour le préjudice qu'elle a subi.

Ce chapitre montrera que le différend n'est pas non plus privé d'objet par les
résolutions 731. 748, 883et 1192 du Conseil de sécurité.Plus particulièrement. on verra

que les décisionsdu Conseil de sécuritérelatives au procèsdes accusésn'ont pas privé­
ni pu priver- la Libye de ses droits en vertu de la conventiode Montréal, tels qu'ils

sont exposésau chapitre TIde cette réplique.Les décisionsdu Conseil ne portent donc pas
atteintà la constatation que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont violéla convention de

Montréal.

1
La section 1 rappellera d'abord l'interprétation des textes des résolutions 731, 1
748 et 883 et des déclarations y relatives, telle qu'elle a notamment étédéveloppéedans le

mémoire de la Libye. et selon laquelle les résolutions 731, 748 et 883 exigeaient 1
uniquement que les Etats directement concernés négocientune solution adéquate.ll sera
1-
répondu aux arguments des défendeurs sur ce point. n sera montré ensuite -~~;la
résolution 1192 a consacré l'interprétation libyenne des résolutions antérieures. Cette

interprétation a ainsi acquis un caractère que l'on peut qualifier d'authent,....}, qui a
depuis égalementétéconsacréepar les faits.

A lasection 2, il sera montréque cette interprétation s'impose d'autant plus
qu'elle est la seuàpouvoir garantir la conformitédes résolutions en cause avec la Charte

des Nations Unies. Sur ce plan, la Libye rappellera d'abord son interprétation des
pouvoirs du Conseil de sécuritéen vertu du chapitre VII de la Charte, telle qu'elle a été

développéedans le mémoire.La Libye répondra à la thèsedes Etats-Unis et du Royaume-
·-
1 C.PJJ.,affaireconcernantladt/imitationdelafrontièrepolono--tchéceffairede Jaworzina),
6 décembre1923, avis consultati.P.J.fSérieB °8, p. 37. 59.
Chaprn- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

Uni sur ce point. TIsera montré ensuite que, depuis le dépôt du mémoire libyen, Je

Conseil de sécuritéet 1'Assemblée généraleont adoptédiverses résolutions qui confmnent
l'interprétation libyenne des pouvoirs du Conseil de sécurité.Pour conclure, la Libye

montrera que la Co,ur a le pouvoir d'interpréter les résolutions du Conseil de sécuritéde

façon à garantir leur conformité avec la Charte des Nations Unies.

Le présent chapitre n'approfondira palaconstatation que les résolutions 731,
748, 883 et 1192ne~ri en aucnn tas de son objet le différend reàla tentative des

Etats-Unis et du Royaume-Uni de se soustraire à leurs obligations en vertu de la

convention de Montréalen menaçant de recourià laforce contre la Libye. Cet aspect du
différend sera analysé au chapitre IV, où il sera montréque ces menaces constituent une

violation de la convention de Montréalet que les résolutions du Conseil de sécuritén'ont
en aucun cas privéd'objet le différendy relatif.

Section 1 - L'interprétation des résolutions 731, 748, 883 et 1192 suivant

leur libelléet à la lumière de leur but

3. 2 ll est montréci-après que les résolutions 731, 748 et 883 n'exigeaient pas, sans
aucune alternative possible,ue la Libye livre ses nationaux aux Etats-Unis ou au

Royaume-Uni. Ceci ressort de la rédactiondes résolutions 731, 748 et 883 (ci-dessous,

A),et est confmné par la résolution 1192 (ci-dessous, B).

En procédant à cette analyse, la Libye souscrit donc à la thèse du Royaume-Uni

qu'en interprétant une résolution, il faut tenir compte de ce que "a given resolution is
frequentlypart of a series of resolutions addressing the same subCect"tst au coeur
·.;
de l'analyse de la Libye.

Ce faisant, la Libye souscrit égalementà la méthode d'interprétation proposée par

le Royaume-Uni, pour qui une résolution doit êtreinterprétée"de bonne foi suivant le
sens ordinairà attribueàses termes dans leur contexteàela lumière de son objet de

son but"3• La Ubye ne peut que regretter que, comme il apparaîtra ci-après, les Etats­

Unis n'aient pas estiménécessairede se conformer à ce principe élémentaire.

2 C.M.B, p.69,§ 4.12.
3 Ibid.pp. 68-69§§4.10-4.11.60.
Chap.ill -Les résolutiodu Conseide sécurité

A. Les résolutions 731, 748 et 883 : état de la question avant la

résolution 1192

1. · La résolution 731 (1992)

3. 3 Dans la résolution 731, le Conseil ne reprend pas le contenu des demandes anglo­

américaines et françaises. n ne fait qu'y renvoyer 4. Au deuxième paragraphe du

dispositif, le Conseil refofl11nleces demandes, en déplorant

"que le Gouvernement libyen n'aitpas répondueffectivement à ce jourdemande si-dessusŒ
coopérer pleinement pour l'établissement des responsabilités dans les actes terroristes
susmentionnés [...]" 5.

Il s'agit donc, pour la Libye, de coopéreravec le Royawne-Uni et les Etats-Unis,

ce qui implique une relation d'égal à égal. Cette coopération doit viser à établir les

responsabilités dans les actes terroristes.Ceci suppose bien sûr que les accusés soient

jugésde façon indépendante et impartiale, mais le Conseil ne dit pas que cet objectif doit

êtreatteint par la livraison des accusésaùx Etats-Unis ou au Royaume-Uni.

Le troisième paragraphe du dispositif confirme cette analyse. Le Conseil y

demande à la Libye

"d'apporter immédiatementune réponsecomplèteet effectiàces demandes afm de contribuerà
l'éliminationdu terrorisme international".

Contrairement aux verbes "satisfaire" et "se conformer", qui impliquent la

sownission à la volonté du demandeur, le verbe "répondre" signifie: "faire connaître en
6
retour sa pensée àquelqu'un qui s'adresse à vous" . En demandant une "réponse" aux
demandes anglo-américaines, le Conseil loin d'exiger que la Libye se soillnette à la

volontédu Royaume-Uni et des Etats-Unis, reconnaît implicitement à la Libye le droit de

faire des contre-propositions.

4
Doc. ONU S/RésR31 (1992), § 6 du préambule: "Profondémentpréoccupépar ce qui résultedesen­
quêtesimpliquant des fonctionnaires du Gouvernement libyen et qui est mentionné dans les
documents du Conseilde sécuritqui fontétatdes demandesadresséeasux autorités libyennes par les
Etats-Unis d'Amérique[...], la France [...] et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d1rlwnde
Nord [...]". Annexe n1.
5 Ibid.,§ 2 du dispositif, soulparéla Libye.

6 Selon le Petit Robert, "satisfaiŒ" sign"fairepour quelqu'un ce qu'il demande"; la signification
premièredu verbe "répondre" est en revanche"fairconnaitre en retour sa pensée à quelqu'un qui
s'adresse'à vous". Selon le Longmnn Concise English Dictionary, la signification première de "to
respond" est:"towrite or speak in reply; make an answer". En revan"tocomply with" veut dire
: "toconfonn or adapt one's actiontoanother's wishes orto a rule"; et "to satisfy" signifie: "to
discharge; carry outomeet a fi.Dallcialobligation; to meet the requirements of', et ainsi de suite. 61.
Chap.ill- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

La pertinence de cette distinction entre "donner une réponse" et "se conformer" est
confmnée par la pratique ultérieuredu Conseil, qui sera analyséeplus loin 7•

3 •4 Cette anal y~ est par ailleurs confirmée par les travaux préparatoires de la

résolution 731, tels qu'ils ressortent des déclarations faites par des membres du Conseil, à
savoir, les déclarations faites par la Chine, le Maroc, le Zimbabwe, l'Equateur, le Cap

Vert, l'Inde, et le Venezuela, déjàcitéesdans le mémoire.libyen 8• Ces déclarations font

étatd'un avant-projet 'de résolution qui a étéamendéà l'initiative des Pays non alignés,

lors des entrevues précédant la séancepublique du Conseil. Les amendements visaient à

promouvoir le règlement du différend deconunun accord entre les parties, conformément
au droit international, et visaient à faire intervenir le Secrétaire généralà cette fm. Cette

approche était soutenue par sept membres du Conseil, dont un membre permanent

Indépendamment du droit de veto chinois, ces sept Etats disposaient ensemble d'une

minorité de blocage ou d'un "veto collectif'. Si ces Etats ont tous émis un vote positif,
c'est que leurs exigences ont été satisfaites, comme l'ad'ailleurs expressément souligné le

représentant de la Chine 9.

3 • 5 C'est donc à tort que le Royaume-Uni affmne, sans s'en expliquer, que "it is not a

full and effective response to demands that a State does 'x' that it offers to do 'y'
instead"10.

C'est également à tort que les Etats-Unis se prévalentde l'unanimité des membres
11
du Conseil pour affirmer que celui-ci a fait siennes les demandes angle-américaines • En

réalité,l'unanimitén'apu être obtenue qu'en raison du fait que le Conseil de sécuritén'a
pas repris les demandes angle-américaines. Le Maroc a ainsi déclaré:

"[...) nous sommesen présence de l'applicationd'unprincipde droitinternational [...Ils'agit
biensûrdu principed'extraderou de juger.

7 V. Doc. ONU SJR.és/1044(1996), § 4 (a)et itifra,3.24, annexen" 12. Ils'agit notamment de la
résolution1044 adoptéesuite à l'attentatcontre le PrésidentégyptienMoubarak en Ethiopie. Dans
cette résolution,le Conseil chercheà mettre en oeuvre le droitinternational applicable, puisqu'il
exigeduSoudanqu'ilextrade lessuspectsversl'Ethiopieconformémentau traitéd'extraditionconclu
en 1964entre I'Ethiopieet le Soudan.Dansce contexte,c'estbienunedemande "de se conformer" qui

est.adresséeau Soudan.
8 M.L., pp. 159 et s. 1:
9 Doc. ONU S/PV.3033,21 janvier 1992,p. 86,citédans le M.L.,p. 159, annexe n" 83.
lO C.M.B ., p. 83, § 4.46. S'agissant de l'argument du Royaume-Uni que "the Council has not

consideredLibya'sresponse tobe fullandeffective"(ibid.),estrenvoyéaux paragraphes3.11 et ss.
·ci-aprèsoù iseramontréque larésolution1192donneuneinterprétationauthentiquedes résolutions,
731,748 et 883, interprétationui consacrel'interprétatilibyenne.
11 C.M.A, p. 54, § 3.8 : "through Resolution 731, the SecurityCouncil unanimously adopted these !:
demands [contained indocumentsS/23308,23306and S/23309]as his own". 1
'
62.
Chap. III-Les résolutionsdu Consdelsécurité

Dans ce cas, le Maroc ne peut en aucun cas estimer que l'adoption du projet de résolution qui
nous est soumis aujourd'hui puisse consacrer une exception quelconque à ce principe
incontestable du droit international. [...] [La Libyàtout moment pouvoir faire valoirsa
position, ses droitssatbonne volonté.12

Les Etats-Unis n'étayentleur interprétation de la résolution 731 par aucun autre
argument que celui de l'unaninùtédu vote.

2. Larésolution 748.(1992)

3. 6 La résolution 748 confliTileentièrement ce qui précède 13.Au premier paragraphe

du dispositif, le Conseil, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte,

"Décide que le Gouvernement libyen doit désonnaisappliquer sans le moindre délaile paragraphe
3 de la résolutio731 (1992) concernant les demandesontenues dansles documents S/23306,
S/23308 et S/23309".

La reconunandation de la résolution 731 est donc transformée en décision, mais
son objet reste inchangé :la Libye doit ''donner une réponse complète et effective" aux

demandes angle-américaines "afin de contribuer à l'élimination du terrorisme

international". La résolution 748 ne fait que confirmer l'obligation de négocier, qui

s'impose à la Libye en vertu du droit international général.Si l'objectif d'établir les
responsabilités dans l'attentat sur le volPan Am 103 est bien fixé, et d'aille!lfS pleinement

soutenu par la Libye, le Conseil de sécuritélaisse aux EtatS directement concernés une

marge de manŒuvre quant au choix du moyen le plus approprié.

Cette interprétationest encore confortée par le deuxième paragraphe du dispositif,

où le Conseil décide

"que le Gouvernement libyen doit s'engagàrcesserde manière définitive toute ford~attion
terroristeet touteassistanceauxgroupesterroristes".

_..
Sur ce point, le Conseil ne dit pas que la Libye doit "répondre" aux demandes

anglo-américaines et françaises. n reprend expressément les tennes de la déclaration

tripartite des gouvernements américains, français et anglais du 31 décembre 1991

concernant le terrorisme. Ceci confmne a contrario qu'en demandant une "réponse" aux
demandes anglo-américaines concernant la livraison des suspects. le Conseil ne

s•approprie pas ces demandes.

12 Doc. ONU S/PV.3033, 21 janvier 1992, p. 58/60, M.L.160, annexe n°83.
13 Doc. ONU S/Rés(748 (1992), annexe n° 3. 63.
Chap. Ill- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

3. 7 Dans leur contre-mémoire, les Etatli-Unis contestent cette interprétation au seul

motif qu'immédiatement après l'adoption de la résolution748, la Libye aurait elle-même
interprétécette résolution comme l'obligeant à livrer les accusés aux Etats-Unis ou au

Royaume-Uni 14.4 Royaume-Uni défendla mêmethèse 15.

Cet argument n'est pas fondé. La première lecture que la Libye a pu faire de la

résolution 748 ne peut, à elle seule, en déterminerla portée. C'est seulement l'analyse
;j".
rigoureuse du texte, ·d.estravaux préparatoires, etc., à laquelle a procédéensuite la Libye

qui permet de détenniner cette portée.

'1

Les Etat~i- n'onntip as procédéà une telle analyse. lls opposent seulement à

l'interprétationlibyenne une affirmation péremptoirequi semble s'inspirer de la théoriede

l'acte clair connue de certains droits internes. La Libye reviendra sur ce point lors de

l'analyse de la résolution 1192 16. 1·
1
!,
):1
Le Royaume-Uni ne respecte pas d'avantage les principes d'interprétation qu'il ::1

s'est proposé d'appliquer 17•n fait valoir que : 1

"itisextraordinaryto argue that by expresslyendorsingthat end [to establish responsibility for

the terrorist acts] the Security Council was somehow tuming its back upon the·very clear and
express statements by the Govemementsof France, the United Kingdom and the United States
about the means by which thatendwas tobe achieved"

1
'1
et que ·Î
'1

"even if paragraph2 of Resolution731 stoodalone,its endorsementof theend wouldnot entait a
18
rejectionof themeansby which thethree governmentssoughttoachieve thatend" . '1'

Le premier argument est dépourvude pertinence, dès lors que la Libye ne prétend

pas que le Conseil s'est opposé à ce qu'elle livre les accusés au Royaume-Uni ou aux

Etats-Unis. La Libye soutient uniquement que le Conseil ne l'y a pas obli Lge~deu~xième i'

argument ne peut êtreretenu pour la simple raison que l'on ne peut pas attribuer au

Conseil de sécuritél'idéeque la finjustifierait les moyens. ''
.'

14 C.M.A., p. 55, § 3.10.

..15 C.M.B .• p. 89, § 4.58.

.16 V. infra,§ 3.16.
17 V. supra§ 3.2

18 C.M.B., p. 81, § 4.43.

i
1

,1 ......1...,
l
64. Chap.rn- Les résolutions du Conseil de sécurité

3. La résolution 883 0993)

3 .8 La résolution 883 19 confirme encore l'interprétationlibyenne des résolutions 731

et 748.

Au quatrième paragraphe du préambule, le Conseil de sécuritése dit "convaincu
que les responsables d'actes de terrorisme doivent êtretraduits en justice".n formule ainsi

le but de son action, sans à~po auctune rrécision ou restriction quant au lieu du procès.

ll a étémontré dans le mémoirelibyen que cette formule très large ne figurait pas dans
l'avant-projet de résolution rédigépar les Etats-Unis et le Royaume-Uni 2o.

1
Au septième paragraphe du préambule, qui ne figurait pas dans le projet initial 2 ,
le Conseil prend note de l'intention de la Libye "d'encourager les suspects [...] de se

présenter" volontairement pour jugement en Ecosse. De même, le 16e paragraphe du

dispositif se réfèreà l'hypothèse où la Libye aurait "assuré la comparution des suspects",
alors que l'avant-projet se référaità leur livraison, comme le font les demandes angle­

américaines 22•Or, si la résolution obligeait juridiquement la Libyeà livrer les suspects,

comme le prétendent les Etats-Unis et le Royaume-Uni, il serait absurde qu'elle fasse
référence à leur comparution volontaire.

Enfm, toujours au 16e paragraphe du dispositif, le Conseil

"sedéclaredisposéàprocéderàla révisiodesmesures (...] afm de les suspendre immédiatement
si le Secrétaire généralrend compte au Conseil quele gouvernement libyen a assuré la
comparution des suspects[ ...] devant un tribunal américainou britannique compétent[ ...]".

Ce faisant. le Conseil s'engage à suspendre les mesures si les accusés
comparaissent devant un tribunal écossaisou américain.D ne dit pas que la Libye ~~ peut

pas remplir les objectifs du Conseil de sécurité d'une autre façon. Le Conseil formule

seulement une hypothèse privilégiée.à laquelle il relie une levéeautomatique des g:Iesures
coercitives. La référence à cette hypothèse s'explique d'ailleurs par les efforts de 1aLibye

pour convaincre les accusés de se présenter volontairement devant les tribunaux écossais

ou américains. n n'est nullement exclu que les mesures puissent être levéesdans d'autres
hypothèses.

19 Doc ONU S/Rés/883(1993),8 novembre1993,annexe n° 6.
20 M.i.:p.·236 et annexen°190.
21 Ibid.

22 En anglais: "has ensured the appearance". Chap. Ill-Les résolutionsdu Conseil de sécurité 65.

3. 9 Le Royaume· Uni ne contredit pas cette interprétation de la résolution 883. D se
borne àaffirmer que "the relevant decisions are contained in paragraphs 1 and 2 and refer

back to the decisions taken in Resolution 748 23.Or, la Libye a montréque la résolution

748 n'exigeait pas ~a livraison des suspects (supra§ 3.6).

Les Etats-Unis opposent uniquement à l'analyse de la Libye que onze membres du

Conseil ont votéen faveur de ce texte, et que les déclarationsdes Etats-Unis; de la France,
' ,--
du Royaume-Uni, de la Russie, de l'Espagne et de la Hongrie démontreraient "the
Council's understanding that its resolutions required Libya to handover the suspects for

triaf'24.Une fois de plus, cet argument suggère à tortque tous les membres ayant votéen

faveur de la résolution 883 partageraient l'interprétation qu'en donnent les Etats-Unis. Le

Brésil,qui a votéen faveur de la résolution, a déclaréque

"[...]les effortsfaitSpourcombattreet empêcheresactesde terrorismedoiventreposersur une
coopération internationale ferme et efficace en se fondant sur les principes pertinents du droit
international et sur les conventions internationales existantes relatives aux différents aspects du
problème du terrorisme international.
[..]
Tel que cela est stipulé dans l"article 24 de la Charte, le Conseil de sécurité, dans
l'accomplissement Œ ses devoirs, agit confonnément aux buts et principes des Nations Unies.
Cela signifie aussi que les décisionsprises par le Conseil, y compris les décisionsprises au titre
du chapitre VIl, doivent êtreinterprétéesà la lumière deces raisons, qui, entre awres, exigent le
respect des principes de lajustice et du droit inter2 •ioruJr _

Les onze membres du Conseil ayant voté en faveur de. la résolution 883 ne

partageaient donc pas tous l'interprétation des Etats-Unis. Dans ces circonstances.
l'affmnation des Etats-Unis que six membres du Conseil auraient déclaréque la Libye

devait livrer les accusés,ne peut pas être invoquée à l'encontre de l'interprétation du texte

de ces résolutions, telle qu'elle est exposéepar la Ubye et que les Etats-Unis n'ont même

pas cru utile d'aborder.

4. Conclusion

3.10 n ressort donc d'une analyse textuelle des résolutions 731, 748 et 883, ainsi que
des travaux préparatoires et des déclarations des membres du Conseil, que ces résolutions

n'obligeaient pas la Libye à livrer les accusés aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, sans

laisser de place à d'autres solutions. Même à supposer qu'un doute puisse subsister sur ce

point, il n'est pas contestable qu'il s'agit au moins d'une interprétation possible des
résolutions en cause, puisqu'elle est explicitement soutenue par une partie du Conseil.

~ 23- C.M.B., p. 87, §4.54.
24 C.M.A., p. 56,§ 3.11.
25 Doc. ONU S/PV.3312, 11 novembre 1993, p. 62, soulignépar la Libye, annexeno7.

...................................... _____________________ ! 66.
Chap. ill~ Les résolutionsdu Conseil de sécurité

ll sera montré ci-après que cette interprétationdes résolutions 731, 748 et 883

s'impose afortiori comme la seule exacte au regard de la résolution 1192, et encore, au

regard des pouvoirs du Conseil de sécurité en vertu de la Charte.
'

B. La résolution 1192 (1998)

3 11 La résolution i192 du 27 août 1998 se lit comme suit :

'Le Conseil desécurité,
RJmpelant ses résolutions 731 (1992) du 21 janvier 1992, 748 (1992) mars11992 et 833
(1993) du 11 novembre 1993,

Prenant note duapport desexperts indépendadésignépsarle Secrétairegénéral(S/1997;991),

Considérantla teneur dela lettdatéedu24 août 1998, adressé eu Secrétaire généralpar les
Représentant<;permanentpar intérimdesÉtats-Unis d'Amériqueet du Royaume-Uni deGrnncJe..
Bretagneet d'Iilande du Nord auprèsl'Organisatides Nations Unie(S!l998n95),

Prenant note également. à la lumière des résolutions susmentionndescommunications Œ
l'Organisation del'unitéafricaine, de la LdeseÉtatsarabes,du Mouvement des pays non
alignés et de la Conférence islamique (S/1994/373,S/1997/834, S/1997/35, S/1997/273,

S/1997/406, S/1997/497 et S/1997/529), telles que mentionnées dans la lettre du 24 août 1998,

Agissant envertudu chapitre VITde la Chartedes Nations Urues,

1. Exige une foenoor eue le Gouvernement libyse confonne immédiatement aux
résolutions précitées;

2.Se félicite de l'initiative tendant à ce que le procès desdeux accuséeese l'attentat

contrele vol 103 de la Pan Am ("les deux accusés"ait lieu devant un tribunal écossais
siégeant aux Pays-Bas, comme le prévoienla lettrdaléedu 24 août 1998, émanant Œs
Représentants permanentspar intérim des États-Unis d'Amérique et du Royaume-Uni Œ
Grande· Bretagne et d'IrlandNord ("l'initiative") et les pièces qui y sont jointŒs, ainsi que
la volontdu Gouvernement néerlandaisde coopéràrlamiseen oeuvre de cette initiative,

3.Demand au gouvernement desPays-Bas etau gouvernement du Royaume-Uni- deprendreles
mesures nécessaires pour assuremise en oeuvre del'irutiative. y coparila conclusion
d'arrangements en vue de permettre au tribunal viparagraphe2 d'exercer sa compétence
conformément à l'accord prévuentre les deux gouvernements, joint à la lettre précitée,datéeàl
24 août 1998;

4. ~ que tous les États devrocoopé à ceterfin, et qu'en particulier le gouvernement

libyen devraasswerla remisedesdeux accusés aux Pays-Bas aux fins du procèdevant le
tribunaliséau paragraphe2,et qu'ildevra assurer que tous élé;e preuve ou témoins se
trouvant en Libye soient rapidement àla disposition du tribunal, sursa demande, aux fms
du procès;

5. Em; le Secrétaire général,après consultation du gouvernemennéerlandais, d'assister le
· gouvernement libyen en ce qui concerne les dispositionsmatérielles requises pour Je
transfèrement sûr des deux accusésdirectemelaLibye aux Pays-Bas;

.J 1 67.
Chap. Ill-Les résolutions du Conseil de sécurité

6. Invitele Secrétairegénéàldésignerdesobservateursinternationauxpourassisterau procès;
1'.
7. Décid en outreque,dèsl'arrivédesdeuxaccusésaux Pays-Bas, le gouvernement néerlandais 1

les placeraen détentionen attendantleur transfèrementaux fins du procèsdevant le tribunal
viséau paragraphe2;
l
8.~que les mesuresprévuesdans ses résolution748 (1992) et883 (1993) demeurenten
vigueur et continuentde lier tous leÉtats Membres et, dans ce contexte, réaffinnles
dispositionsdu paragraphe16dela résolution883 (1993), e~ que les mesuresprécitées

serontsuspenduesdès que leSecrétaigénéra aura faitsavoir au Conseil queJes deaccusés
sont arrivé<yiXPays-Basauxfins du procèsdevanJle tribunal viséau paragraphe2 ou qu'ils
ont comparu~ô uenvtinutal compétentaux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, et que le
Gouvernement libyen auradonnésatisfaction aux autoritésjudiciaires françaisesen ce qui
concernel'attentatperpétcontrele voUTA 772;

9.~son intentiond'envisagerl'adoptionde mesuressupplémentairessi deux accusésne
sont pas arrivésou n'ontpascomparuaux fins duprocès,conformémentau paragraphe8;

10. ~de demeurersaiside laquestion.26

3.12 Cette résolution a été adoptée, à l'unanimité des voix, trois jours seulement après

que les Etats-Unis et le Royawne-Uni aient présenté au Conseil leur soit-disante
"initiative" tendantà ce que les deux .accusés soient traduits devant un tribunal écossais

siégeantaux Pays-Bas. Cette céléritémontre bien que le déblocage du dossier dépendait

entièrement des Etats-Unis et du Royaume-Uni. La résolution 1192 confirme surtout le

bien-fondéde la thèse libyenne quant à l'interprétation des résolutions 731, 748 et 883 du

Conseil de sécurité.

3.13 Au premier paragraphe du dispositif de la résolution 1192, le Conseil

"exige [...] que le gouvernementlibyense conformeimmédiatemetux résolution[731 (1992),
748 (1992) et 883 (1993précitées".

La résolution 1192 ne dérogedonc pas aux résolutions antérieures. Le jugement
des accusés par un tribunal écossaissiégeantaux Pays-Bas et appliquant le di'oitécossais,

tel que prévupar la résolution 1192, est entièrement compatible avec les résolutions 731,

748 et 883 du Conseil de sécurité.Ceci a étéconfirmé à diverses reprises:· Lors de son

adoption, le représentant des Etats-Unis a souligné que les dispositions de la résolution

1192

"se fondentsur les décisionsprisesparla communautéinternationalete~'ell fgusrent dans
les résolutio731 (1992),748 (1992)et 883 (1992)du Conseilde sécurité"•

Le Portugal a déclaréque

26 Doc. ONU S/Rés/1192 (1998),27 août1998,annexe R0 42.

27 Doc.ONU S/PV.3920, 27 août 1998,p. 6, annexe n" 43.---------------------------------------------------------------------- ---------- -

68.
Chap. Ill -Les résolutions du Conseil de sécurité

"toute solution de compromis doit de toute évidenceêtreconforme aux aspects politiques et
juridiques consacréspar les résolutionsdu Conseil de sé28.ité"

Aucun des autres r:nembresdu Conseil n'a contredit ces déclarations. Le 23 mars
1999, le Président du Conseil a encore déclaréau nom de ses membres:

"Les membres duConseil desécuritése sont félicitésde la lettre du 19 mars 1999 adressée au

Secrétaire généralpa.~e Ministre des Affaires étrangèresde la Jamahiriyaarabe libyenne,
indiquant que les deu·accusésenüent misà la disposition du Secrétaire généralafin quenl
assurela détention 6eavril au plus tard.

Les membres du Conseil de sécuritéont réaffuméque lesésolutions existantedu Conseil Œ
sécuritéconstituent la base pour paràeun règlement complet et défmitifde la situat29n."

La résolution 1192 confirme donc que les résolutions 731, 748 et 883 ne

s'opposaient pas à la solution finalement retenue d'un jugement des accusés par un
tribunal écossais siégeantaux Pays-Bas.

3.14 Plus particulièrement, la résolution 1192 confirme que les résolutions antérieures

laissaient aux Etats directement concernés une marge de manŒuvre dans la recherche

d'une solution généralementacceptable et garantissant un procès impartial et équitabledes

accusés.

Les communications de l'OUA, de la Ligue des Etats arabes, du Mouvement des

pays non alignés et de l'Organisation de la Conférence islamique, auxquelles la résolution

1192 se réfère 30, ne se limitaient pas à proposer le jugement des accusés par un tribunal

écossaissiégeantà la Haye et suivant le droit écossais.Elles comportaient une alternative à

trois branches, qui avaient toutes étéacceptéespar la Libye, à savoir (1) la tenue d'un
procès des deux suspects dans un pays tiers et neutre à désignerpar le Conseil de sécurité;

(2) fairejuger les deux accusésau siège de la Cour internationale de Justice à la Haye

selon la loi écossaise et par des juges écossais; et (3) mettre sur pied un tribunal pénal
,.
spécialpour juger les deux suspects à la Haye au siège de la Cour intem~ti llonLoarle

de l'adoption de larésolution 1192, douze des quatorze membres du Conseil ayant fait

une déclaration ont souligné que les dites propositions étaient à la base de la résolution

28 Ibid.,p.7.
29 Déclaration faitàla presse le 23 mars 1999, annexàela lettrdatéedu 23 mars 1999, adresséeau
S~tair eénéralpar le Président du Conseil de sécuritDoc. ONU S/1999/312, p. 2, annexe
n°49.

30 §4 du préambule.
31 V. supra§§ 124- 1.25.' 1

69.
Chap. Ill- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

1192 32. Les trois propositions étaientdonc compatibles avec les résolutions 731, 748 et

883.

Ceci ne fait;que confirmer la teneur de débats qui s'étaient tenus au Conseille 20

mars 1998. Les représentants de plusieurs Etats ont appelé les trois protagonistes à

rechercher un compromis. lls ont appeléles Etats-Unis et le Royaume-Uni à faire preuve

de souplesse, conune l'avait déjàfait la Libye 33.

L'obligation des Etats directement concernés de rechercher un compromis ressort

enfin de la mise en oeuvre de la résolution1192. Lors de l'adoption de la résolution 1192,

les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont exigéde la Libye qu'elle accepte la proposition
immédiatement et sans condition 34. Les représentants de Bahreïn, du Costa Rica, du

Gabon et de la Chine ont toutefois souligné que diverses questions, notamment

juridiques, restaient à régler, et ont invitéles Etats directement concernés à s'efforcer de
5
les résoudre 3 . De fait, des négociations ont étémenées entre .lesEtats concernés, par
l'entremise du Secrétairegénéral, ce qui a permis à la Libye d'obtenir des garanties

supplémentaires sur divers points, tout en faisant des concessions à d'autres égards. Dans

son rapport du 5 avril 1999 conformément au paragraphe 8 de la résolution 1192, le

Secrétairegénérala noté:

"Comme ila déjàétsignaléofficieusementaux membres du Conseil desécurité,étantdonné la
naturecomplexeetsensibledes dispositionsprévuesparla résolution1192 (1998des questions
d'ordreà la fois politiqueet jmidiqueont étésoulevpar le gouvernement libyen en ce qui

concernel'applicatiode larésolution.Ces questions ont dû êtclarifiées la satüfactioŒ
tomeslespartiesconcernéeasfind'aboutr unaccordsurl'applicationdelarésolution.
..)
Je voudrais[...] exprimermareconnaissanceau gouvernemede laJamahiriya arabelibyeMe et
àtoutes les autres partiesconcernéeontibienvoulu fairepreuvede la souplesse requipour
parvenià une solutiomutuellementacceptable."36

De même, la déclaration du 23 septembre 1999 des ministres _ .des Affaires
étrangèresdes cinq membres pennanents du Conseil de sécuritéà la suite d'une réunion

avec le Secrétaire généradl ispose notamment que _1·

32 V. Doc. ONU S/PV.3920, 27 août 1998,p. 6 (Etats-Unis),'P· 7(Portugal)p. 8 (France),p. 8 1:
(Brésil),p. 9 (Russie), p. 10 (Suède),p. 10 (Gambie), p(Bahreïn),p. 12 (Costa Rica), p. 13 i
(Gabon),p. 13(Chine),p. 14(Slovénie)Le Kenyan'apas faide déclaratioannexe 0° 43.
33 V. Doc. ONU S/PV.3864, 20 mars 1998.p. 16 (Russie), PP. 17-18 (Chine), p. 21 (Kenya),annexe
n° 37.

34 V. aussi, dans le mêmesens, C.MA., p. 52-53,§§ 3.6-3.7.
35 V. Doc. ONU S/PV.3920, 27 août 1998, p. 11 (Bahreïn),p. 13 (Gabon), p. 13 (Chine), p. 14
(Slovénie)annexen° 43.
36 Doc. ONU S/1999/378, 5avril 1999,pp. 2-3,soulignépar la Libye, annen°50.

170.
Chap. III -Les résolutionsdu Conseil de sécurité

"Les ministres se sont félicitésdes progrèsconsidérablesréaliséssur la voie du règlement dela
question des vols Pan Am 103 et UTA 772 ainsi que de l'espritde coopérationmanifesté par
toutes lesparties concernées37. .

3 .15 Tant le texte de la,résolution 1192 que ses travaux préparatoires et sa mise en

oeuvre confirment donc que les résolutions731, 748 et 883 requéraient la recherche d'un

compromis apte à garantir le procès impartial des accusés. Si la solution du tribunal
écossais siégeant à La Hay~ a étéretenue parmi les propositions de l'OUA, etc., ceci
,.
résultedu choix du Royaume-Uni et des Etats-Unis, et non d'une préférencedu Conseil

de sécurité.Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont fait ce choix en vertu de la marge de

manŒuvre que les résolutions731, 748 et 883leur laissaient, à eux comme à la Libye.

3.16 C'est donc à tort que le Royaume-Uni affirme que la résolution 1192 offre à la

Libye une possibilité qui n'étajt pas prévue par les résolutions antérieures 3 • Cette

interprétation est totalement incompatible avec le paragraphe le du dispositif, où le

Conseil

"exige une fois encore que le gouvernèmentlibyen se conforme immédiatement aux résolutions
précitées[731. 748 et 883]'".

Elle n'est en rien confortée par le paragraphe 8 de la résolution, qu'invoque le

Royaume-Uni 39,où le Conseil

"réaffirmeles dispositions du paragraphe 16de larésolution883 (1993), et décideque les mesures
précitéesseront suspendues dèsque le Secrétairegénéralaura fait savoir au Conseil que les deux
accuséssont arrivésaux Pays-Bas aux fins du procèsdevant le tribunal viséau paragraphe 2 ou
qu'ils ont comparu devant un tribunal compétentaux États-Unis ou au Royaume-Uni[ ...]".

Le texte mêmede ce paragraphe montre qu'il a la mêmeportéeque le paragraphe

16 de la résolution 883, dont il a étémontréci-dessus qu'il ne faisait que relier la}evée

automatique des sanctions à la réalisationd'une hypothèse spécifique, sans en exclure
d'autres.

C'est égalementà tort- faut-ille souligner?- que les Etats-Unis se prévalent
4
de la prétendue "clarté"des résolutions du Conseil 0 pour défendre une interprétationde

37 Doc. ONU S/1999/996, 23 septembre 1999 (Annexe 1), Déclarationfaite le 23 septembre 1999 par
les Ministres des affaires étrangèresde cinq membres permanents du Conseil de sécàrrissue d'tme
réunionavec le Secrétairegénéralp, . 10, §31, soulignépar laLibye, annexe n° 52.

38 C.M.B., pp. 163-164, § 5.9:"theadditionapossibility. namely that Libya could comply with the
requirements of the Council by producingthe two accusedfor trial before a Scottish court in the
Netherlands, applied with effect fromthe dale of adoption of Resolution 1992". Souligné par la
Libye.

39 Ibid. 71.
Chap. ill Les résolutionsdu Conseil de sécurité

la résolution 1192 qui est l'exact contraire de l'interprétationbritannique, à savoir que la
résolution 1192 serait uniquement compatible avec les résolutions antérieures parce que le

tribunal écossais siégeantaux Pays-Bas serait toujours un "tribunal du Royaume-Uni ou
41
des Etats-Unis" .La prétendue "clarté"d'un texte telle qu'elle est perçue par le lecteur
est toujours le fruit d'une interprétation. Elle ne peut donc êtreinvoquée pour juguler le

pouvoir du juge d'interpréter le texte au moyen de toutes les données pertinentes,

conformément aux ~~cipe dsinterprétationapplicables en la matière. En !'·occurrence, il

en va d'autant plus··ainsi que les deux promoteurs de la résolution 1192, qui furent
également panni les promoteurs des résolutions antérieures, ne parviennent pas à

s'accorder sur leur portée.L'argument que les Etats-Unis prétendent tirer de la "clarté"de

ces textes est, dès lors, fallacieux.

C'est encore à tort que les Etats-Unis se prévalentdu paragraphe 4 de la résolution

1192 pour en déduire que "Libya's obligation [...] is not to make counter-proposals or to

offer to negotiate [...]"42.Or, dans ce paragraphe, le Conseil

"décide[..] qu'enparticulier le gouvernement libyen devra assurer la remise desdeux accusésaux
Pays-Bas aux fms du procèsdevant le tribunal viséau paragraphe 2 [...]".

Autrement dit, le Conseil consacre une contre-proposition faite antérieurement par

la Libye pour la tenue d'unprocèsdevant des juges écossaissiégeantaux Pays-Bas. TIn'y

avait, dès lors, aucune raison pour que le Conseil permette à la Libye de faire encore
d'autres contre-propositions. Pour le reste, il étaitparfaitement légitimed'exiger que la

Libye respecte l'engagement unilatéralqu'elleavait pris sur ce point

C. Conclusion

,,

3. 17 TIressort de ce qui précèdeque les résolutions 731, 748 et 883 exigeaient de la

Libye non qu'elle livre les accusés aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni; mais qu'elle
négocieavec les Etats directement concernés.La résolution1192 le confirme, et donne en

cela une interprétationauthentique des résolutionsantérieures.

40 V. le titre du Chapitre1erde la troisième partie du contre-mémoire des Etats-Unis:"Libya's
obligations under the resolutiareclearly inconsistent with its claims in this case" .
..41 C.MA., p. 52,§ 3.5:"Security Council Resolutions 748, 883and now 1192 requirethe transfer of
the two Libyan suspectsfor trial in a United Kingdom or United States court, includproposed
Scottish court to be convened in The Nethertands".

42 C.M.A., pp. 52-53,§ 3.7. 72.
Chap. ill - Les résolutionsdu Conseil de sécurité

L'affmnation du Royaume-Uni qu'il doit êtretenu compte de ce que "a given

resolution is frequently partof a series of resolutions addressing the same abject" et que
"the interpretation which the Council itself places upon a resolution in its subsequent
43
practice an~ in particular. in its subsequent resolutions, is of utmost importance" vient
icià point nonuné.

Section 2 • L'interprétation des résolutions 731, 748, 883 et 1192 au

regard des pouvoirs que la Charte attribue au Conseil de
sécurité

3.18 Le Conseil de sécuritéviolerait la Charte des NationsUnies en exigeant de la Libye

qu'elle livre ses nationaux aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. La Libye l'a montré in
44
extenso dans son mémoire , auquel il est présentement renvoyé. Dans la présente
section, labye commencera par rappeler brièvementcertains élémentsessentiels de cette

analyse, ce qui lui pennettta de répondre au contre-mémoire des Etats-Unis et du
Royaume-Uni et de montrer notamment que les Etats-Unis ont totalement déforméla thèse

libyenne (ci-dessous, A). H sera montré ensuite que les résolutions adoptées. par le

Conseil de sécurité et l'Assemblée généraledepuis le dépôt du mémoire et des
observations libyeru1es sur les exceptions préliminaires, confirment entièrement

l'interprétationlibyenne des pouvoirs du Conseil de sécurité(ci-dessous, B). Enfin, il

sera montréque la Cour a le pouvoir d'interpréterles résolutionsdu Conseil de sécuritéau
regard de la Charte, de façonàgarantir leur conformitéavec celle-ci (ci-dessous, C).

A. Les pouvoirs du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII_-de la

Cbarte

3 .19 La Libye a montrédans son mémoireque, dans la mesure où elles exigeraient de Ja

Libye qu'elle livre les accusés aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, les résolutions en
45
cause violeraient l'arti.cle1er, paragraphe lerde la Charte des Nations Unies .La Libye
a notamment montrépourquoi les termes "confonnémentaux principes de la justice et du

43 C.M.B., pp. 69-70, § 4.12.
44 M.L., pp. 193et s.
45 M.L., pp. 193-206.

1 ' 73.
Chap. III-Les résolutions du Conssécurité

droit internlltionlll" n'ont pas trait aux "mesures collectives efficaces" visées au début de

l'article 1er, paragraphe 1e46.

A la Confp-ence de San Francisco, le chapitre Vil de la Charte a étéconçu

uniquement pour permettre au Conseil de sécuritéde créer les conditions dans lesquelles le
chapitre VI pourrait trouver à s'appliquer. Le chapitre VTI ne permettrait donc pas

d'imposer les term ~e~règlement d'un différend ou l'ajustement d'une situation. Ceci

ferait l'objet de recoinmandations en vertu du chapitre VI. Les auteurs de la Charte ont
donc jugéinutile de soumettre les mesures collectives aux principes de la justice et du droit

international, parce que le retour obligatoire au chapitre VI en garantirait l'applicLeson.

auteurs de la Charte ont d'autre part jugéinopportun de soumettre les mesures collectives
aux principes de la justice et du droit international, en raison de l'urgence qui caractérise

l'action en verm du chapitrevn.

n en résulte que les pouvoirs du Conseil de sécuritéen vertu du chapitre vn
peuvent êtreconçus de deux façons : si on se rétèreà la volonté des auteurs de laCharte,

le Conseil ne peut pas trancher un différend comme celui qui oppose la Libye aux

défendeurs en vertu du chapitre VIT de la Charte; il doit avoir recours au chapitrVI. et
respecter parconséquent les principes de lajustice et du droit internationaSi l'on admet

que le Conseil de sécuritépeut trancher le fond d'un différend en vertu du chapitrVU, il

faut que, ce faisant, le Conseil respecte les principes de la justice et du droit international.
Le texte del'article1 (1)ne soustrait pas le "chapitVIT" aux principes de la justice et du

droit international, mais uniquement les "mesures coercitives" adoptéesen vertu de celui­

ci. L'urgence et le caractère provisoire des mesures, qui seuls justifient que ces principes
soient écartés,font défaut lorsque le Conseil de sécuritése prononce sur le fond d'un

différend.

3. 2 0 C'est donc à tort que les Etats-Unis prétendent que la Libye "selectively takes the

reference tothe principles of international law out of the limiting context of.Ar1 (1) of
4
the Charter" 7 et soutiennent que l'artic1(1) fait référenceaux principes de la justice et
du droit international en ce qui concerne l'ajustement et le règlement des différends et

situationspar des moyens pacifiques, mais non en ce qui concerne les mesures collectives

en vertu du chapitre Vil de la CharteLa Libye a déjàrencontréce moyen.

46 ML., p. 197,§ 6.71.L'articleler, paragrapheler de la Charte prévoitquebutsndesNations
Uniesest Œ "maintenir la paix la sécuriinternationaleset cette finprendredes mesmes
collectives efficacesen Œupréveniret d'écartelres menacesà la paixdetréprimertoutacte
d'agressioou autre ruptude lapaix, etréalisepar des moyens pacifiques,conformémentaux
principes de la justicduedroit international, l'ajustementou le règlementdes différ<tdsou
situations,de caractèreinternational,susceptiblesde menerà unerlapaix".

47 C.M.A., p. 59,§3.21.74.
Chap. ill Les résolutions du Conseil de sécurité

C'est également à tort que les Etats-Unis avancent que la Libye prétendrait de

façon généraleque "the Council's power to require Members to cany out its decisions is
4
lirnited by the requirements pf other treaties" 8, alors que, toujours selon les Etats-Unis,
"the power to require measures inconsistent with treaties necessarily flows from articles

103,48 and 25 of the Charter'' 49.Cette affirmation, qui rejoint la thèsedu Royaume-Uni

5o,est dépourvue de pertinefi:.~e.

La Libye ne prétend aucunement que le Conseil devrait respecter le droit

international dans ses décisionsimposant aux Etats membres des Nations Unies d'adopter

des mesures coercitives (des "sanctions"). La Libye affmne uniquement que le Conseil de
sécuritédoit respecter le droit international dans les décisions qu'il prend à l'égard de

l'Etatsanctionnéet qui visent àréglerun différendou une situation.

L'article 103de la Charte ne contredit pas cette ânalyse. Cet article prévoitqu'"en
cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente

Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières

prévaudront" 5!.

L'existence d'une "obligation [...] en vertu de la [...] Charte" est donc une

condition préalable à l'application de l'article 103. L'existence d'une telle obligation

dépendnotamment des pouvoirs attribuésau Conseil de sécurité,qui sont énoncésdans
d'autresarticles de la Chane, notamment dans ses chapitres Ier, VI, Vll et VIII. Dans la

mesure où le Conseil de sécuritéprend une décision obligatoire conformément aux

pouvoirs qui lui sont conféréspar ces chapitres, il en découle une "obligation [...] en

vertu de la[ ...] Charte", et l'article 103 trouve à s'appliquer. ce qui garantit son effet utile.
Mais si ces chapitres n'octroient pas au Conseil le pouvoir de prendre une déc_ision

particulière, il n'existe pas d"'obligation des Membres des Nations Unies en vertu de la

[...]Charte", de sorte que l'article 103 ne s'applique pas. Les Etats-Unis et le Royaume­
Uni n'ontpas répondu à cet argument qui avait déjàétédéveloppépar la Libye 52• lls ont

préféréescamoter l'argumentation libyenne en critiquant diverses interprétations de

l'article 103, sauf celle avancéepar la Libye 53.

48 C.MA .. p. 59,§ 3.19.

49 C.M.A., pp. 62-70.
50 C.M,!J., §§ 4.64, 4.65, 4.161, 4.203.
51 Souligné par lLibye

52 V. notamment Obs.lib. E.-U.pp. 77-78; Obs. lib. R.-Upp.97-98.
53 C.M.A., p. 63, § 3.29. '.,

75.
Chap. III- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

L'article 48 de la Charte, quant àlui, a uniquement trait aux décisions imposant

aux Etats d'adopter des mesures coercitives (des "sanctions"). ll en va de mêmedes
mesures armées et non armées mentionnéesaux articles 41 et 42. De fait, tous le~

:1 exemples cités dans les contre-mémoires des Etats-Unis 54 et du Royaume-Uni 55

concernent des décisionspar lesquelles le Conseil impose des sanctions, conunerciales ou

autres. La Libye ne conteste pas que de telles décisionspeuvent porter atteinte aux droits
des Etats membres en vertu d'autres traités.Elle affirme, par contre, que les sanctions

édictéesdans de tel délciionssn~ peuvent avoir pour objectif d'obliger l'Etat sanctionné

à régler un différend en-dehors des règles pertinentes du droit international, et les

défendeursn'ont rien avancépour contredire cette thèse.

3. 21 C'estégalement à tort que les Etats-Unis se prévalentde la créationdes tribunaux

pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda 56 et des résolutions 1044,

1054 et 1070 adoptéesà l'encontre du Soudan 57,pour affirmer que dans ces affaires,

..the Council bas determinedwhich jurisdiction or jurisdictionare, in the particular
circwnstances,bessituated to carry ajustand effective trial.

Les Etats-Unis, comme le Royaume-Uni 59, négligent ainsi que les tribunaux

internationaux poursuivent des individus accusés de violation du droit international

humanitaire. n s'agit donc d'un mécanismed'exécutionforcéedu droit international, qui

est parfaitement conciliable avec l'interprétationlibyenne des pouvoirs du Conseil de
1:
sécurité.De même, les résolutions adoptées à l'encontre du Soudan visent à faire
appliquer un traitéd'extradition entre le Soudan et l'Ethiopie 60• C'est ce traité,et non le

Conseil, qui détermine le tribunal idoine. C'est ce traité, et non le droit interne de

l'Ethiopie, que le Conseil cherche à faire appliquer. Dans la présenteaffaire, par contre,

les Etats-Unis et le Royaume-Uni voulaient non pas faire appliquer le droit international,
mais au contraire écarter celui-ci au profitde leur droit interne. Le chapitre Vll·n'a pas été

conçu pour servir à l'exécutionforcéedu droit interne et des réclamationsunilatérales de

certains membres permanents du Conseil de sécurité. -"

.;
3.22 n ressort donc de ce qui précèdeque les exigences posées à la Libye par les
résolutions 731, 748-et 883 devaient êtreformulées conformément aux principes de la

54 C.M.A., pp. 65 66.
55 C.M.B., §§ 4.80-4.81.

56 C.M.A., p. 79, § 3.63.
57 Ç.M.A., p. 80, §3.64.

58 C.M.A .• p. 80, §3.5.
59 C.M.B., p. 148 etss., § 4.20etss.
60 V. infra,§ 3.24.

'ji
,:r1
''!
i
if,.'76.
Chap. DI - Les résolutionsdu Conseil de sécurité

justice et du droit international. Les conséquences concrètes de cette exigence ont été

amplement décritesdans le mémoirede la Libye, ainsi que dans ses observations sur les
exceptions préliminaires,auxquels il est renvoyé.ll suffitde rappeler ici que le Royaume­

Uni, les Etats-Unis et la F:ance ne pouvaient participer au vote sur les exigences posées à

la Libye 61, et que le Conseil ne pourrait exiger de la Libye qu'elle livre les accusés aux
Etats-Unis ou au Royaume-Uni, alors que la Libye n'aaucune obligation internationale de

ce faire. Pour les raisons rappeléesci-dessus, une résolutionposant une telle exigence

serait contraire à la Charte HesNations Unies.

La résolution 1192 ne peut pas êtreinvoquéeà l'encontre de cette analyse. Le

jugement des accusés suivant le droit écossais par un tribunal écossais siégeant en

territoire neutre avait étépréalablementaccepté- en fait, proposé- par la Libye, aussi
bien que par les accusés.Les aspects pratiques de cette solution ont étéréglésde commun

accord entre les Etats directement concernés.En consacrant cette solution, le Conseil n'a

donc imposéaucune nouvelle obligation à la Libye.

La résolution1192 respecte donc',sans la moindre trace d'ambiguïté,les droits de

la Libye. Qui plus est, elle satisfait entièrement ses intérêts,puisqu'elle avalise

expressémentla proposition libyenne susmentionnée.Dans ces circonstances, c'est à tort
que le Royaume-Uni croit pouvoir tirer prétextede ce que lors de l'adoption de la

résolution 1192, la Libye ne s'est plus prévaluedes limites aux pouvoirs du Conseil de

sécurité,ni de l'interdiction pour le Royaume-Uni, les Etats-Unis et la France de participer
au vote 62. La position de la Libye n'est nullement incohérente.

B. Les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et l'Assemblée
généralehors du contexte de l'affaire de Lockerbie

_,
3.23 Les résolutions 731, 748, 883 et 1192doivent aussi êtreinterprétéesau regard des

autres résolutionsdu Conseil et de l'AssembléegénéraleA . cet égard, il a déjàétémontré

que la créationdes tribunaux pénauxinternationaux ne contredit en rien la thèse libyenne,
puisqu'il s'agit dans ce cas de mécanismesinternationaux instaurés par le Conseil pour

l'application du droit international 63• Les résolutionsanalyséesci-après confmnent cette

conclusion.

61 Obs.lib R .-U.,§§ 4.43-4.48,etObs. lib. E.-U.§4.34 à 4.39.
62 C.M.B., § 5.11.

63 V. Supra, § 3.21. 77.
Chap. rn- Les résolutions du Conseil de sécurité

1. Les résolutions 1044 0996). 1054 C1996)et 1070 0996)

3. 24 A la suite, de l'attentat contre le Président égyptien Moubarak en Ethiopie, le

Conseil de sécuritéa exigédu Soudan qu'il

"prenne immédiatement desmesures afin d'extrader en Ethiopie [...] les trois suspects ayant
trouvé refuge,"au Soudan [..•], conjor111.émentu Traité d'extradition conclu· en 1964 entre
l'Ethiopie eliSoudan" 64.

Cette exigence est parfaitement conforme au droit international applicable. Le

représentantde la France l'aclairement constaté:

"[... ]le Soudan est tenu de s'emploàeextrader les personnes, si elles se trouvent bien sur son
tenitoireLui derru;tnderlus ne serait pas conforme au droit international de l'extradition, et la
résolution n'a pas cet obje65.

Par ailleurs, alors qu'il met en oeuvre le droit international conventionnel

applicable, c'est bien une demande -"de se confonner" que le Conseil adresse ici au
Soudan 66,et non une simple demande de "réponse". La distinction qui a étéfaite entre

ces deux expressions lors de 1'analyse de la résolution731 est donc pleinement justifiée.

2. L.esrésolutions 1189 C1998) et 1267 (1999}

3 •2 5 ll en va demêmedes résolutionsadoptéesà la suite des actes terroristes commis à
l'encontre d'intérêtsaméricains à Nairobi et Dar-es-Salaam, le 7 août 1998. Dans sa

résolution 1189 (1998), du 13 août 1998, le Conseil

"engage tous les Etatsà adopter, conformément au droit international, àttitre prioritaire, des
mesures concrètes et efficaces en deela coopérationen matière de sécuritéet.dela prévention
de tels actes de terrorisme international et en vue de traduire en justice et châtier lës auteurs de ces
actes"67.

Lors de l'adoption de cette résolution, les Etats-Unis ont appelé tous les Etats

membres à soutenir les enquêtesen cours et à appréhenderles coupables au cas où ils

seraient trouvéssur leur territoire, comme le requiert la convention sur la prévention et la

0
64 Doc. ONU S/Rés/1044 (1996), 30 janvier 1996, § 4.a, soulignépar la Libye, annexR 12.
65 Doc. ONU S/PV .3660, 26 avril1996, p. 21, souligné par la Libye, annexe n° 18.

66 Doc. ONU S/Rés/1044 (1996), 30 janvier 1996, § 4 (a), annexe n° 12.
67 Doc. ONU S/Rés/1189 {1998), 13 août 1998, § 5 du dispositif, souligné par la Libye, annexe
n° 39.78.
Chap.rn- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection
68
internationale • Dans sa résolÙtion1267. du 15 octobre 1999, le Conseil,

"Ravpelant les conventions internationalcontre le terrorisme pertinentes, et en particulier
l'obligationqu'ontlespartiàces instrumentd'ex/rader ou de poursuivles terroristes;
[..]
tlQ1a!l1quUsama bin l.aden et ses associéssont poursuivis par la justice des Etats-Unis
d'Amérique,notamment pour les attentats à la bombe commis le 7 août 1998 contre les
ambassadesde cepaysàNairobi(Kenya)et à Dar es-Salaam(Tanzanie)et pour complot visant à
tuer des citoyens américainsse trouvanà l'étranger,et notant égalementque les Etats-Unis

d'Amérique ontdemandéauxTalibansderemettre lesintéresséàlajustice (S/1999/1021);

Considérant qu'en-se refusant à satisfaire aux exigences formuléesau paragraphe 13de la
résolution1214(1998), lesautoritésdes Talibansfontpeseunemenacesur lapaix etla sécurité
internationales; [...]

Agissanten vertudu ChapitreVITde laChartedes NationsUnies;

1. ~pour que la faction afghanedénommé ealiban [...] seconl'actionmenéeen vue Œ
traduireenjusticelespersonnesaccuséede terrorisme;

2. Exigeque lesTalibansremettentsansplustarderUsarnabin Ladenaux autoritéscompétentes
soitd'Wlpays où ia étéinculpé,soitd'Wlpaysqui le remettrà un pays où il a étéinculpé,

m d'unpaysoù ilseraarrêtéeteff~tiv teamuitnnjustice;69_

Le préambulede cette résolutionrappelle le principe "juger ou extrader" consacré

par les conventions internationales contre le terrorisme pertinentes, sans formuler aucune

réserve à cet égard.Le dispositif n'exige pas que les accuséssoient livrés<:l:uE xtats-Unis.
L'alternative de livrer les accusés "aux autorités [...] d'un pays où il sera arrêtéet

effectivement traduit en justice" implique qu'ilspeuvent êtreremis aux mains de la justice

afghane. Les exigences du Conseil sont donc parfaitement compatibles avec le droit

international. Significativement, le représentant de l'Afghanistan auprès des Nations
70
Unies a déclaréque son gouvernement soutenait le projet de résolution .

3. La résolution 1269 (1999) 71

3.26 Cette pratique du Conseil de sécurité,qui illustre les limites de ses pouvoirs, a

trouvé confinnation dans la résolution 1269 (1999) du Conseil, relative non à une

situation ou un différendparticulier mais au terrorisme en général. Le Conseil,

"Ayant à l'espritoutes les résolutionspertinentede l'Assembléegénérale,y compris la
résolution49/60 du 9 décembre1994, parlaquelleellea adoptéla Déclarationsur les mesures
visantà éliminerle terrorismeinternational;

68 V. Qoc. ONU S/PV.3915, 13 août 1998,p. 4,annexen° 40.

69 Doc. ONU S/Rés/1267 (1999), 15octobre1999, soulignéparla Libye,annexe 0°53.
70 V. Doc. ONU S/PV.405l. 15octobre 1999,p. 2, annexe n°54.

71 Doc. ONU S/Rés/1269 (1999), 19 octobre1999,annexe n°55. -1

79.
Chap. III-Les résolutionsdu Conseil de sécurité

Soulignant qu'il est nécessaire[...] derenforcer, sous les auspices de l'Organisation des Nations
Unies, unecoopérationefficace dans ce domaine, fondéesur les principes énoncésdans la Charte
des Nations Unies et les nonnes du droitinternational, en particulier le respect du droit
internationalumanitaire et des droits de l'homme;

Réaffirman tue l'éliminationdes actes de terrorisme internatiyncompris ceux danslesquels
sont impliqués des Etats, constitue une contribution essentielle au maintien de la pailaet de
sécuritéinternationales; [...]

2. Demm ~·to lessEtats d'appliquer intégralement les conventions internationales de lutte
contre -le terrorisme auxquelles ils sont parties, les encourage à envisager à titre prioritaire
d'occéderà celles auxquelles ils ne sonpas parties, et les encourage également à adopter
rapidement les conventions à l'examen;( ...]

4. Pemm à tous les Etats de prendre notamment [...] les mesures voulues pour : [...]
- Empêcherceux qui organisent, fmancent ou commettent des actes de terrorisme de trouver
asile où que ce soit, en faisant en sorte qu'ils soieet traduits en justice extmdés;

[.]".

L'insistance sur le respect du droit international est pour le moins frappante. n en

va demêmede 1'appel lancé à tous les Etats d'empêcherles terroristes "de trouver asile où
que ce soit, en faisant en sorte qu'ils soient arrêtés et traduits en justice ou extradés". le

Conseil reconnaît ainsi l'efficacité totale du principe aut dedere aut judicare pour la

répression du terrorisme international, alors que l'interprétation angle-américaine des

résolutions 731, 748 et 883 est fondée sur la prétendue inefficacité de ce principe. En
demandant aux "Etats d'appliquer intégralement les conventions. internationales de lutte

contre le terrorisme" et de mettre en oeuvre le principe autdedere aut judicare, le Conseil

de sécuritéjustifie l'insistance de la Libye à exiger l'application intégralede la convention

de Montréal àl'incident de Lockerbie.

La déclaration sur la lutte contre le terrorisme international, adoptée par les

ministres des affaires étrangèresdes cinq membres permanents le 23 septembre 1999, est
72
.rédigéedans la mêmeoptique du respect du droit, tant international qu'interne •

4. I..esdéclarations de 1'Assemblée&énémle

3.2 7 Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis soulignent àjuste titre que

"in the final analysisisithe member states that have the power- and the duty - to ensure
thattheirCharter is maintained and respec73."

72 Doc. ONU S/1999/996, 23 septembre 1999 (annexe II), annexe n" 52.

73 C.M.A., p. 101, § 4.27. ~1

80.
Chap. III- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

C'est pourquoi les initiatives de l'OUA, de la Ligue des Etats arabes, de

l'Organisation de la Conférence islamique et du Mouvement des pays non alignés, qui

regroupent la grande majoritédes Etats membres de l'ONU, doivent être prises en compte
dans l'inteiJ>rétationdes résolutions du Conseil de sécurité 74. C'est aussi pour cette

raison qu'en interprétant les résolutions du Conseil, la Cour doit tenir compte des

résolutionspertinentes de l'Assembléegénérale.

3.28 La Déclaration'surHes mesures destinées à éliminer le.terrorisme international,
annexée à la résolution49/60 du 9 décembre1994, prévoitque

"5. Les Etats [•..] sont instamment priés de prendre des mesures efficaces et résolues,

conformément aux dispositions applicables du droit international et aux normes
internationales relatives aux droits'homme, pour éliminerrapidement et déftnitivement
le terrorisme international et en particulier :
[...] {b) de veillà arrêterraduireen justice ou extrader les auteurs d'actes de terrorisme,
conformémeniau:xdispositionspertinentes de leur droit national;.

Ceci a encore étéprécisédans la Déclarationvisant à compléter la Déclaration
précitée de 1994, annexée à la résolution51/210 du 17décembre1996 :

"5. Les Etats membres de l'Organisation desNations Unies réaffinnent qu'il importe d'assurer

entre eux wte coopémtionefficace, de façon que ceux qui ont partiàides actes terroristes
[... ].soientraduits en justice; ils soulignent qu'ils sont résolus conformément aux
dispositions_pertinentes du droit international [...joindre leursefforts pour prévenir
combattre et éliminerle terrorismeàeprendre touteslesmesures voulues, conformément à
leur législation interne, Eit.pour extraderles terroristes, soit pour lesaux autoritb
compétentes aux flnsdepoursuitesjudiciaires;
6. Dans ce contexte, et sans remenre en cause le droit souverain des Etats en matière
d'extradition,es Etats sont encouragés, lorsqu'ils concluent ou appliquent des accords

d'extraditionà nepas considérercomme infmction politique[ ...]
7. Les Etats sont aussi encouragés,mêmeen l'absence de tout traitéà envisager de faciliter
l'extradition desersonnes soupçonnées d'avoir commis des actes de terrorisme, ~
mesure_oùleur législationnationale lepermet; 76.

-
A aucun moment, il n'est indiqué que ces principes le respect du droit
international, le principe out dedere aut judicare et les droits souverains des E.tats en

matièred'extradition- devraient êtreécartéslorsque les individus soupçonnés d'avoir

commis des actes de terrorisme sont accusésd'avoir agi pour le compte de l'Etat dont ils

ont la nationalitéet sur le territoire duquel ils se trouvent.

74 V. supra,§ 3.14.
75 Déclaration sur les mesmes visant à éHminerle terrorisme international, annexée à la résolution
49/6.0,du 9décembre 1994, soulignépar la Libye, annexe n8.

76 Déclaration complétant la Déclaration de 1994 sur les mesures visant à éliminer le terrorisme
international, annexée la résolutionde l'Assembléegénéral51/210,du 17décembre 1996, souligné
par la Libyeannexe nQ25. 81.
Chap. III- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

C. Le pouvoir de la Cour d'interpréter les résolutions du Conseil de
sécurité en conformité avec la Charte et, le cas échéant, de vérifier

leur conformité avec celle-ci.

3 .2 9 ll a étémontréci-dessus que le Conseil de sécuriténe pouvait obliger la Libye à

livrer les accusés aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni sans violer la Charte des Nations

Unies. Or, les réselutions du Conseil de sécuritédoivent êtreinterprétéesde façon à
garantir leur conformité avec la Charte. Les résolutions 731, 748 et 883 ne peuvent dès

lors êtreinterprétéescomme exigeant que la Libye livre les accusés aux Etats-Unis ou au

Royaume- Uni.

3 •30 Le pouvoir de la Cour d'interpréter laCharte ou une résolution de ses organes ne

fait aucun doute. La déclarationsur l'interprétationde la Charte adoptéeà la Conférence de

San Francisco prévoitsur ce point que

"sideux:Etats-membresneparviennentpasà semettred'accorden ce qui concernel'interprétation
exactede laCharte, ils ont naturellementtoutlibertde soumet77e leurs différendsàla Cour
internationaledeJustice,commes'ils'agissaitde toutautretraité"•

La déclarationajoutait que

"les membres ou les organes de l'Organisationpourraientavoir re:Couà divers moyens afin
d'obteniruneinterprétatioappropriéeà leursbesoins",

de sorte qu'il n'était

"ni nécessaireni opportun de donner dans la Charte la liste ou la description des diverses
méthodesutilisables"78_

Les résolutions du Conseil de sécuritédoivent, quant à elles, être"interprétéesau

regard de la Charte afin de contrôler leur confonnité avec celle-ci. TouJ texte de droit

dérivédoit êtreinterprétéau regard des règles de droit sur la base desquelles il a été

adopté. Le Conseil de sécwitétient ses pouvoirs, et ses résolutions tirent leur validité, de
la Charte des Nations Unies. TIest à présumerque le Conseil entend s'y conformer, et

qu'il entend adopter des résolutions valides. ll faut donc également présumer que les

résolutions du Conseil sont conformes à la Charte. Ceci explique que la jurisprudence de
la Cour confère aux résolutions une présomption - fût-elle juris tantum - de

77 Conférencedes Nations Unies sur l'Organisationinternationale.doc. 933. IV/2/42 (2) du 12 juin
1945, Documents, vol.13, p. 719.

78 Ibid., p.720. ...82.
Chap. III Les résolutions du Conseil de sécurilé

constitutionnalité79•Cette présomptionde constitutionnalitéva de pair avec une obligation

pour la Cour de choisir, panni plusieurs interprétationspossibles, celle qui garantit la
conformitéd'une résolutionavec la Charte.

3.31 Dans leurs contre-mémoires, les Etats-Unis et le Royaume-Uni reconnaissent
80
d'ailleurs que la Cour peut interpréterles résolutionsdu Conseil de sécurité • Ds invitent
même la Cour à le faire en faisant valoir que ces résolutionsont rendu le différend sans

objet. On s'étonne,dès lo reSvoir:es Etats-Unis ajouter à cela que

"the inherent powers of the Cototinterpret texts cannat be stretched to create a power of
review"8•

L'interprétation est une interprétation tant qu'elle se conforme aux pnnc1pes

applicables en la matière. En J;'éalitle,s Etats-Unis cherchentà éviter que la Cour ne

vérifie l'exactitude de leur interprétation des résolutions en cause. Plus encore, ils
demandent à la Cour de confirmer leur interprétationdes résolutions, tout en se prévalant

de leur prétendue "clarté"pour éviterque la Cour n'en vérifiele bien-fondé. La Cour ne

peut recevoir une telle demande. Les Etats-Unis ne sont pas la bouche du Conseil. Les
interprétations divergentes qu'en donnent les membres du Conseil, en ce compris les

Etats-Unis et le Royaume-Uni, suffisent à le démontrer.

3.32 En tout étatde cause, les Etats-Unis et le Royaume-Uni font valoir à tort que la
Cour ne pourrait pas se prononcer sur la compatibilitéd'une résolution du Conseil de

sécuritéavec la Charte des Nations Unies.

Le Royaume-Uni reconnaît la compétence de la Cour pour vérifier la validité

fonnelle des résolutionsdu Conseil. mais nie que la Cour puisse aussi vérifierleur validité

matérielle&2• Or, cette distinction est dépourvuede tout fondement L'article 27.3, de la
Charte, qui interdit auxparties à un différendde participer au vote mais ne prévoitrien de

tel pour les "situations", suffàtmontrer que la validitéformelle met en cause le--pouvoir

de qualificationdu Conseil de sécurité,au mêmetitre que la validitématérielle. La règle

coutumière selon laquelle l'abstentiond'un membre permanent du Conseil n'empêchepas
l'adoption d'une résolutionen vertu du chapitre VIT de la Charte montre par ailleurs, que

la pratiquedu Conseil (mêmesi celle-ci n'est pas détenninante) joue un rôle en matière

procéduraleaussi bien que matérielle.Le pouvoir de contrôle de la validitéformelle que le

79 V. C.I.J. Recueil 1971, 22; Libye c. Etats-UC./J. Recueill992,§ 42.
80 C.MA.·, p. 93, § 4.13; C.M.B.• §§ 4.et 4.105.

81 Op. dt., p93,§ 4.13.
82 C.M.B.,p. 110 etss. 83.
Chap. III- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

Royaume~U rncinnaît à la Cour, appelle donc nécessairementson pouvoir de vérifier

aussi la validitématérielledes résolutions.

83
L'exposé d~s Etats-Unis quant au pouvoir de contrôle de la Cour montre
uniquement que la Charte des Nations Unies ne prévoitpas de procédurespéci[U[ue

pennettant à la Cour d'annuler une décisiondu Conseil de sécurité.C'est cela, et cela

seulement, qui ressort des diverses sources citéespar les Etats-Unis. La Déclarationsur
,..
l'interprétationde la Charte, citéeci-dessus, ne laisse planer aucun doute sur ce point Ik

même,le Professeur Sohn, qui a été citépar les Etats-Unis &4,écrit seulement que la Cour

"did not have the exclusive power to provide an authoritative interpretation of the
Charter", alors que le S Rosenne 85affirme uniquement que ..since the court is not a

constitutional court for the United Nations system, it has no general power of judicial

review". L'absence d'une procédure particulièreconférant à la Cour le pouvoir d'annuler

les décisionsdu Conseil de sécuriténe peut pas priver la Cour du droit, et du devoir,

d'exercer pleinement sa fonction judiciaire. Les Etats-Unis n'ont pas répondu au mémoire

libyen, où il a étémontréque cet exercice de la fonction judiciaire requiert, le cas échéant.

que la Cour refuse d'appliquer une décisiondu Conseil de sécuritéqui serait contraire à la
Charte des Nations Unies 6. C'est exactement ce que la Cour a fait dans son avis

consultatif de 1971 sur la Namibie, dont l'essence est parfaitement résuméedans le

contre-mémoiredes Etats-Unis:

"In thesenarrowlydefined cin::umstances,the Courtaddressedthe validity of the acts of other
7
organsin ardertoanswer the questionit wasasked"8 •

;
* 1·
1,'
•i'
3. 3 3 En conclusion, il ressort de la présentepartie que les résolutions731, 748 et 883 ·:\

du Conseil de sécuritén'ontjamais exigéde la Libye qu'elle livre les accusésde l'attentat

sur le vol Pan Am 103 aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Ces décisions n'ont pas ,,
privé, ni pu priver, la Ubye de ses droits en vertu de la convention de 1\::lontréalE . lles '.

n'ont donc pas pu priver le différendde son objet.

* * *

83 C.M.A., p. 87 et ss.

84 C.M.A., p. 91, § 4.9.
)35 C.M.A., p. 94, § 4.15.

86 M.L., PP• 182wl93.
87 C.M .• . 98, § 4.20.

i~
.i
li

1i~1

•.:1 84.

CHAPITRE IV- LES MENACES DE RECOURS A LA FORCE .ET LA
CONVENTION DE MONTREAL

Introduction : l'arrêt de la Cour relatif aux exceptions préliminaires

4.1 ll a déjà été montrtfci-dessus que les arrêtsde Ia Cour relatifs aux exceptions

préliminaires mettenten exergue trois élémentstemporellement reliést.Premièrement, les

résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité n'empêchentpas l'exercice
d'une compétence baséesur la requêtedéposéele 3 mars 1992. Deuxièmement, la Cour a

également établi que les deux mêmesrésolutions ne pouvaient pas porter atteinte à la
recevabilité de la requêtedéposéele 3mars 1992. Troisièmement, la Cour a décidéque la

prétention selon laquelle les plaintes étaient sans objet n'avaient pas "un camctère

exclusivement préliminaire".

4. 2 Comme il a étédit, ces affinnations de la Cour mettent clairement en perspective

l'élémenttemporel de la présenteaffaire.

La première résolution contraignante adoptée par le Conseil de sécurité, la

résolution 748 (1992), a étéadoptéele 31 mars 1992.

Dèslors, la recevabilitédes demandes libyennes dans le cadre temporel qui va du

J mars au 31 mars 1992 est totalement indépendantede l'effet des résolutions 748 (1992)
et 883 (1992).

Par ailleurs, le troisième prononcé susmentionné des arrêtsde la Cour sqr les

exceptions préliminaires est de toute évidencesans préjudicedes deux premiers. prononcés

présentésci-dessus. L'affirmation des défendeurs comme quoi la réclamation libyenne est
devenue sans objet à la suite des résolutions adoptées à partir du 31 mars 1992 est donc

dépourvue de pertinence pour la fenêtretemporelle antérieure à cette date. Cette fenêtre

est, en tout étatde cause, ouverte.

fi ressortira de la section 3 ci-après que cette constation est d'un intérêttout

particulier en ce qui concerne la menace de recours à la force.

1 Chapitre sectio1 decetteréplique. 85.
Chap. IV -Les menaces du recours à la force

Section l - Pertinence juridique des menaces de recours à la force

4 . 3 Dans la reguête originale, la Libye formule la demande suivante à la Cour :

"En conséquence,tout en se résetvantledroitde compléteret modifiers'il y a lieu la présente
conclusionen coursdeprocédure, laLibyeprie la Courde direetjuger :

a) que :1Libye a satisfaitpleinementà toutesses obligations au rederla conventionŒ
Montréal;
b) que lesEtats-Unisont violé,et continuent devioler, leurs obligations juridiquesenvers
.la Libye stipuléesaux articles 5, paragraphes2 et 3, 7, paragraphe 2, et Ilde la
conventionde Montréal; ·

c) que lesEtats-Unissontjuridiquementtenusde mettrefm et de renoncerimmédiatementà
ces violations et toute formederecoursà la forceou à lamenacecontre la Libye, y
comprisla menace derecourirà la forcecontre la Libye, ainsi qu'àtoute violatdela
souveraineté, e l'intégterritorialeet de l'indépendaeolitiquedelaLibye."

4 .4 Lors des plaidoiries relatives aux exceptions préliminaires, la Libye a dans ses

conclusions finales demandé à la Cour de dire que

"leRoyaume-Uniestjuridiquementtenuderespecterledroitde laLibye à ce que cette convention
nesoitpas écartéepardes moyensqui seraientau demeuranten contradictionavec les principŒs
la ChartedesNations Unies et du droiinternational générdlecaractèreimpératifqui prohibent
l'utilisation la forceet la violatiode la souveraineté,de l'intégritéterritorideel'égalité
souverainedesEtatset deleurindépendance politique." ·

4. 5 Les deux Etats défendeurs prétendent que la Cour n'a pas compétence pour

connaître des questions soulevéespar cette requête.En ce qui concerne le Royaume-Uni,

la Cour a rejeté cet argument dans les passages suivants :

"35. Le Royaume-Uni soutient qu'iln'appartientpas à la Cour, sur la base du paragrapheŒ

l'article 14 de la conventide Montréal, de se prononcer surla licéitédes actions, au
demeurantconformesau droit international, engagéesparle défendeuren vue d'obtenirla
livraisondes deux auteurs présumés de l'infraction. Il en déduitque 'a Cour n'apas
compétencepourconnaîtredesconclusionsprésentées sur ce pointpar la Libye.

36. La Cour ne saurait accueillirl'argumentationainsi formulée.Il lui appartient en eŒfet
juger, surla baseduparagraphe1de l'article14 dla convention deMdhtréal, de la licéité
des actions critiquépar laLibye, dans la mesure où ces actions seraient contraires aux
dispositionsde la conventionde Montréal.3

4
La Cour s'est expriméede la mêmemanièrepour les Etats-Unis •

2 M.L., p. 242,§ 8.1 d.

3 C.IJ., op. cit.p. 23.
4 C.IJ., op. cit., p. 12§§ 34-35.86.
Chap. IV -Lemenaces du recours à la force

4.6 Le fondement de la réclamation de la Libye repose sur des violations de la
convention de Montréaldont les-défendeurs portent la responsabilité. Ces violations ont

notamment pris la forme de menaces conjointes contre la Libye pour l'empêcher de

bénéficierde l'application des dispositions juridictionnelles de la convention de Montréal.
4 •7 La responsabilité pour de telles menaces de recours à la force relatives à

l'application de la convention prend sa source dans la violationde laconvention et est
indépendante de la violation des principes impératifs du droit international généralqui

interdisent le recourà la menace de l'emploi de la force.

4. 8 Conune la Libye l'a démontrélors de la phase orale de la procédure relative aux

exceptions préliminaires, une grande partie des menaces de recours à la force ont été
formulées au cours de la périodèantérieureau 31 mars 1992, c'est-à-dire au cours de 1a

période antérieure à l'adoption de la première résolutiocontraignante par le Conseil de

sécurité,le 31 mars.

4.9 Dès 1991, les défendeurs ont recouru à la stratégiede la menace du recours à la
force, ils ont poursuivi cette stratégieen ·1992,avant que le Conseil de sécuritén'adopte la

résolution 731. Cefaisant, les défendeurs ont violéla convention de Montréal.

Sur le plan de la logique juridique (ordinaire), de telles menaces sont en relation

avec l'exécution,ou de toute autre façon, de la convention de Montréal. Si M. X passe un

contrat avec M. Y et si par la suite M. X menace de recourir à la force afm d'empêcherM.
Y d'exercer une prérogative que lui confère le contrat, il s'agit d'une violation du contrat.

La conduite de M. X peut égalemententraîner sa responsabilité extra-contractuelle, mais
mêmedans cette hypothèse, cette conduite demeure une violation du contrat

4.1 0 Les menaces d'emploi de la force et leurs effets jtuidiques quant aux drQits du
demandeur concernent de toute évidencel'interprétation et l'application des dispositions

de la convention de Montréal;elles relèvent donc de lacompétencede la Cour.

Section 2 - Les affaires relatives à la compétence en matière de pêcheries

4 .11 La jurisprudence de la Cour montre que des actes constitutifs de recours à la force

peuvent entrer dans le cadre d'une demande basée sur une clause compromissoire. La

compétence de la Cour dans l'affaire de la Compétenceen matière de p~cheries 87.
Chap. IV- Les menaces du recours à la force

(Royaume c. UIlaide) reposait sur l'échange de notes anglo-islandais du 8 JUID
1961 5•

4.12 Au cours ~e la procédure orale subséquente, concernant la phase au fond, le

Royaume·Uni avait soulevéun certain nombre de questions qui ressortissaient clairement

de la compétenceconféréeà la Cour par l'échangede notes. La conclusion du mémoiredu
Royaume Uni relatif à la phase au fond se lisait conune suit:

"[...]le gouvernementRoyaume ~eUandiequ'ilplaise àla Cour direetjuger:

a) que la prétentionde 11slanded'avoirdràiune zone de compétenceexclusive sur les
pêcheriesjusqu'à50millesmarinà partdes lignesdebase trncéesautourdeses côtes est
sansfondementendroit internationalet n'estpas valable;

b) que, vis·àvis du Royaume-Uni, 11slanden'est pas en droit d'établirunilatéralementune
zone de compétenceexclusive sur lespêcheriesau-delà deslimites convenues dans
l'échangedenotesde 1961;

c) que l'Islanden'estpas endroitd'exclureunilatéralemenltesdepêchesbritanniqueŒ
la régioŒ la haute mer situéeau-delàdes limites convedansl'échangede notesŒ

1961 ni d'imposerunilatéralementdesrestrictions aux actdeces naviresdans ladite
région;

d) que les actes duGouvernementislandaistels queceux qui sont évdanssla cinquième
partiedu présentmémoire,c'est-à-direlesentravesappo,ar laforce ouparla menace
de l'emploidela force, aux activitésdesnavdepêche britanniquesopérandans ladite
régionde la haute mer, sontillicites et que l'Islandea l'obligation d'indemniserdece chef
le .Royawne-Uni(lanatureet le montant decette réparationdevantêtreétabàidéfaut
d'accordentreles parties,dmarùèrequela Courpourraindiquer);et

e) que, dans la mesureoù il est fait étadesomotifsde conservation corroboréspdes
preuves scientifiques dûment attestdeslanécessitéd'appliquedes restrictions aux
activitése pêchedans ladite partie de la haute ml'Islandet le Royaume-Uni ont
l'obligationd'examinerensembleet bonne foi (soit bilatéralement,soit de concert avec
d'autreEtatsintéressést enrecourantsoàtdenouveaux arrangements, soit aux organes
qui existentdéjàpour assurerlacollaboration internationaledans ces domaines, comme la
Commission des pêcheriesde l'Atlantiquedu nord-est), la réalitéet l'étenduede cette
nécessité,ainsiue l'obligation d'engades négociationsen vue d'instaurer pour les

pêcheriesdela régionun régimequi, compte étantdûment tenudes intérêtdes autres
Etats, garantisseà l'Islande, relativementaux restrictionsquini nécessaireainsi
qu'ilest dit plus haut, une situationpriconformeà sa position d'Etatspécialement
tributaireesdites pêcheries,et qui assureégalementau Royaume-Uni une situation
conforme àsesintérêttraditionnelsàtses droits acquis sur lesdites pêCheriesa,insi qu'à
sa situationactuellededépendaà l'égardeces pêcheries."

4.13 ll ressort clairement de cet extrait que pour l'Etat demandeur, la déclaration

unilatéralede l'Islande d'avoir une nouvelle zone de pêcheexclusive jusqu'à 50 milles de
ses côtes, l'exclusion unilatéraledes navires de pêchedu Royaume-Uni de cette zone et

5 Voy. C.IJ., Compétenceen matièredepêcheries(Royawne-Unic. Islande),arrêtsur la compétence,

Rec. 1973, p. 3.
6 C.IJ., Compétenceen matière de pêcherie(sRoyaume-Uni c. Islande), mémoiresur le fonddu
différenprésentparlegouvernement du Royaume-Uni de Grande../Jretaet dlrlanddu Nord, pp.
145-146.§ 319, soulignépalaLibye.88. Chap. IV -Les menaces du recours à la force

les entraves apportées, par la force ou la menace de l'emploi de la force, aux navires de
pêchedu Royaume-Uni couvraient les dispositions de l'échange de notes.

4.14 Lorsque les questions relatives à la clause compromissoire furent soulevées, la
'
Cour adopta une attitude pragmatique et ouverte. Le passage pertinent de l'arrêt se lit
comme suit:

"47. Laclausecompmmissoire del'échangede notesde 1961donne compétence à la Cour en Œ
quiconcerneun'différendr'elatifà l'élargissemdetla jwidiction sur les pêcheriesautour
de 11slande',Le présentdifférendrésultde l'élargissementunilatéralpar l'Islandede sa

juridiction.sur les pêcheries.Mais ce seraiinterprétela clause compromissoire lrop
étroitementqued'enconclurequelaCourn'acompétenceque pour répondrepar oui ou par
non à la questiode savoir si l'élargissemte lajuridiction sur les pêcheries,telle qu'elle
à étémise en oeuvre par 11slandele 14juillet 1972,est conformedroitinternational. Si
l'onconsidèreles négociationsquiont eu lieu entre les Parties en (paragmphe 25 ci­
dessus)et en 1971-1972{paragraphes2à 32ci-dessus),etpendantlesquellesla questioŒs
mesures de conservationen matièredepêcheriesdansla régionet la questiodes droitsŒ
pêche préférentieJse llslande ont étésoulevéeset discutées,si l'on considèreaussi la
procédurequi s'est dérouléeevant la Cour,il semble évidentque le différendentre les
Partiesenglobedes désaccordqsuantà l'étenduet à laportéede leurs droits respectifs sur
lesressoun:eshalieutiqueset quantauxmesurespropresàconserverces ressources. On doit

doncconclurequecesdésaccordssontdesélémentd su 'différendr'elaà'l'élargissement
lajuridictionsur les pêcherautourde11slande'.

48. Enoutre,le différendportédevantlaComdoit êtreconsidérésous tous ses aspects. Même
si l'onestimaitque lacompétencede la Cour est limitéeà la questide la conformitéŒ
l'élargissementpéré par l1slandeaveclesrèglesdu droitinternational,la Cour n'en devrait
pas moins détenniner dansce contextele rôle et la fonction que ces règlesréserventà la
notionde droitspréférentiste cellde conservationdes stocksde poi.ssons. Ainsi donc,
queUeque soit la conclusionà laquelle la Cour parvienne en ce qui concerne les droits
préférentiest les mesuresde conservation, eUe est tenue d'examinerces questionJm

rapport àla présenteaffaire.En conséquence,on seulementon ne saurait tirer argwnent
des tennes de la clause compromissoire à l'appui de la restriction suggéréequaàtla
compétence de la Cour, mais encore une telle restriction empiéteraitindûment sur le
pouvoirqu'ala Courde prendreenconsidérationtouslesélémentspertinents pourrendrela
justice entre les Parti7s."

4.15 Dans l'instance "parallèle" opposant la République fédérale d'Allemagne à

l'Islande, la Cour a expressément traitéde la question de sa compétence à l'égard des

actes d'entrave par la force. La Cour a affirmél'existence de sa compétence. Les ~~ssages

pertinents sont les suivants :

"71. Dans la quatrièmeconclusion de son mémoire,maintenue pendant la procédwe orale, la
Républiquefédérnld e'Allemagnea soulevéla questiond'uneréparationpour les actesŒ
harcèlementqueles garde-côtesislandaisauraientcommis contre ses navirde pêche.Sa
conclusionest ainsi formulée:

'Que lesactesdes gardes-côtesislandais visant à gêner,par la menaceou l'emploi
de la force, les navires de pêcheimmalriculés dans la République fédérale
d'Allemagneou à entraver lems opérationsde pêchesont contraires au droit
international et que l'Isladoità ce titre réparationà la Républiquefédérale

d'Allemagne.'

7 C.IJ., Compétenceen matière de picheries (Royaume-Uni c. Islande), Recueil 197pp .21et22. 89.
Chap. IV- Les menaces du recours à la force

72. La Cour ne peut admettre qu'elle n'aurait pas compétence pour connaîtte de cette
conclusion.Le problème soulevé à cet éganls'inscrit dans la controverse qui est survenue
entre les Partieset constitue un différenrelatif à l'élargissement par l'Islande de sa
compétence en matière depêcheries. La conclusion se fonde sur des faits postérieurs au
dépôtde la requêtemais découlantdirectement de laquestion qui fait l'objet de cette requête.
A ce titte, elle relève dela compétencede la Cour telle qu'elle a étédéfiniedans la clause
compromissoire de l'échangede notes du 19juillet 1968."

4.16 Le Juge O~yeam se rallià la majoritésurce point De ses propres mots:

"J'en viens à la quatrième conclusion de la République féd'Allemagne suivant laquelle les
actes desgarde-côtes islandais viàgênerpar la menace ou l'emploi dela force, les naviŒes
pêcheimmalriculés dans la République fédéraled'Allemagne ou à enttaver leurs opératiore
pêchesont contraires au droit international et l'Islanàce titre reparatiànla République
fédéraled'Allemagne. J'estime quela Cour est compétent_epour connaître de la demande ainsi
présentée,les actes incriminés tenant directementait que l'Islande s'efforcéed'appliquer
l'extensione sa compétence en matière de pêcheavant quela Couraitpu se prononcer sur sa

validité comme 1~ prévoyait l'échangede notesde 1961. A mon avis, quand les Parties ont
conférécompétence à la Cour, elles avaient certainement envisagé la possibilité de demandes en
réparationn cas de manquement à l'accord consapar J'échangede notes, et les actes précisdont
il s'agit en l'espèce me semblent rentrer dansle cadre de ce que l'échangede notes appelle un
'différendrelatàl'élargissement'9"

4.17 L'analogie entre la présenteinstance et les affaires de Compétence en matière de

ptcheries ne fait aucun doute. Dans les affaires relatives aux pêcheries,les mécanismes

des violations des obligations dénoncéespar le Royaume-Uni et la République fédérale

d'Allemagne consistaient dans des formes d'entrave à la circulatic:>,ntrave accompagnée

de recours ou de menace derecours à la force. Dans la présenteaffaire, les violations de la
convention de Montréaldont les défendeursportent la responsabilitéont pris la forme de

menaces précisesqui répondaient à une certaine stratégieet visaient à empêcher la Libye

d'exercer les compétences juridictionnelles que lui confèrent les dispositions de la

convention.

Section 3 • Le type de menace de recours à Ja·force émanant des Etats

défendeurs

4.18 Les "épisodes"pertinents sont présentéspar ordre chronologique.

8 C.l.J.,Compétence en matière dep&heries (Républiquefédéraled'Allemagne c. Islande), Recueil

1974, p. 203.
9 C.I.J., opcit., p250.90.
Chap.N -Les menaces du recours à la force

4.19 Au cours d'un briefing du Départementd'Etat, le 14 novembre 1991 1, M.

Richard Boucher affmna "nous explorons une séried'options" et plus tard:

"A ce stade je crains de pouvoir seulement dire que nous envisagerons toute une gamme
d'options, nous envisageons toute une gamme d'options".

4. 20 Lors d'une conférence de presse, le 19 novembre 1991, le président Bush affirma

clairement que le recours ~)a force n'étaitpas exclu. En réponse à une question relative

aux options considérées,il fit (entre autres) les observations suivantes:

"Third, we've not ruled out anything, we've not ruled it in, any option in or out. We must keep
our options open in responding to the incident, but. 1 hope you appreciatethe importance of

keeping our options secret as well. I don't wtottelegraph what we might do."

M. Bush déclaraégalement:

"So, with respectto your question, 1 hope you willforgive me if 1 don't show my bands, if I
don'tgo into more detail on what options are available."

Et il poursuit :

'Tm sure you've readabout economie sanctions, and l'rn sure you'vereadabout retaliation, but
beyond mentioning broadcategories, 1 would simply emphasize that 1 will continue to consult

with our allies, people whose citizens were also killed in this horrible act of terrorism, and when
we'Il mak:ea prudent decision on behalf of United States of America And l'rn confident thal
when that is done, the American people will be supportive of the President in this instance. This
is one that gets beyond any partisan politics and the-politics of 92 that 1 talked a little about a
while ago" li.

4.21 Le 15 décembre 1991. M. Cheney, Secrétaire à la défense, étaitinterrogé à la

NBC:

"Mr. Secretary, we just have less than a minute. Libya hasstill not tumed over the two alleged
hambers of Pan Am 103, "Ismilitary retaliation against Libya a real op?"on

10 M.L., vol. Ides annexes, annexe n° 11.

11 M.L., vol. II des annexes, annexe n° 33. Traduction par la Libye :
"Troisièmement, nous n'avons rien exclu. Nous n'avons ni exclu ni adopté aucune option. Pour
répondre à cet incident, nous devons garder nos options ouvertes, mais j'espère que vous comprendrez
qu'il est important de garder nos options secretes. Je n'ai pas envie d'envoyer un télégramme surce
que nous pourrions entreprendre."
"Donc en ce qui concerne votre question, j'espère que vous m'excuserez si je ne montre pas mes
cartes,sije ne vous en dis pas plus sur les options dont nous disposons."
"Vous savez ce qu'on a pu lire sur les mesures de représailles, mais je n'entredansle détail. Je

voudrais simplement souligner que je continuerai à consulter nos alliés.Ce sont des gens qui ont, eux
auSSi,perdu descompatriotes dans cet horrible acte deterrorisme, et que nous prendrons une décision
réfléchieau nom desEtats Unis. Et j'aioonftandans le fait que lorsque cela se présentera, le peuple
américain supportera son président dans cette affaire. Cette question se situe au--delà de toute
controverse partisane et des politiques1992 quej'aiévoquées ily a quelque temps." 91.
Chap. IV~ Les menaces du recoms à la force

La réponsede M. Cheney fut la suivante :

"We have never ruled anyoption in orany optionout."

Il poursuivit :

"Obviously we have continued to pursue that As the President'sindicated.we care very much
about bringi_ngto justice those people who were responsible for the bombing of Pan Am
103."12 :

4.22 A la Chambre des communes, le 20 janvier 1992, le Ministre d'Etat britannique,

M. Douglas Hogg répondait à une question poséepar M. Dalyell.

La question et la réponseétaientformuléescomme suit :

"Will the Minister answer the questionput by Dr. Jim Swire about how one avoids a cycle of

violence being unleashed? Ifmilitary action is not ruledout - and1 get the impression from
what the minister said thattis not ruled out -that does the Minister expect but this for that?
Should we not recognizethat the whole tragedy startewith the bombing of Tripoli, with the
bombing of the civiliansareas of Benghaziand with the shooting down by the Vincennes, now
discoveredto havebeen inlranianterritorialwaters,otheIranian airlines?"3

La réponsede M. Hogg fut la suivante :

"1have nevermadeanyreferenceto theuse of force. I have said here and elsewhere that we seek
to persuade theGovemmentofLibya to cornply with our request that the two people shouldbe
brought ta trial before the courts either of Scotland or the United States.We hope that we shall
secure United Nations resolution wtde1pinningthat request We hope that the Govemment of
Libya will comply. Clearly, if they do not, we shall have to consider our next step . I've not
suggestedforce. 1haverulednothingin and 1rule nothingout" 14

12 ML., § 2.8, notes 32 et 33, annexe n° 62. Traduction par la Libye:
"M. le Secrétaireilnous reste moinsd'uneminute.La Libye n'apas encore livréles deux suspectsŒ
l'attentat contre le vol 103de la Pan Am. Des représaillesmilitaires contre1"!Libye sont-elle

réellementenvisagées ?~
"Nousn'avonsjamais adopténi écartéaucuneoption."
" Bien entendu, telleest restéenotrepolitique.Comme le Présidentl'aindiqué,nous tenons beaucoup
à amenerdevant la justice les gens qui sont responsablede l'attentat contre l·ol 103 de la Pan
Am."
13 ML.,§ 2.8, note 35; annexeno80. Traduction parlaLibye:
"Le Ministrepeut-il répondreà la questionde M. Jim Swire quant aux mesures à prendrepour éviter

de déclencherun cycle de violence.Si uneoptionmilitairen'estpas écartée- et ce que le Ministre a
ditme donne l'impressionque cetteéventualité n'apas étéécartée- le Ministre s'attend-ilà autre
chose qu'une ripostedu tacau tac? Nedevrions-nous pasreconnaîtreque toutela tragédiea commencé
lorsqueTripoli a étbombardé,lorsqueles quartierscivilsde Benghaziont été bombardéset lorsquele
Vincennes, dont on sait aujourd'huiqu'ilse trouvaitdansles eaux territoriales iraniennes, a abattu
l'avioniranien ?"

14 M.L. § 2.8, note 36; annexe n° 80. Traductionpar la Libye :
"Je n'aijamais mentionné lerecoursà laforce.J'aidit icet ailleurs que nous essayons deconvaincre
le Gouvernement libyen de fairedroit à notre demandetendant à ce queles deux intéresséssoient
traduits en justice devantles tribunauxécossaisu américains.Nous espéronsobtenir des Nations
Unies une résolutionentérinantcette demande.Nous espéronsquele Gouvernement libyen y fera92. Chap.N - Les menaces du recours à la force

La déclarationdu Ministre d'Etat britannique envisage clairement le recours à la

force conune moyen de mise en oeuvre de ladite requête.Il ne s'agit pas d'une promesse

inconditionnelle de recourir à la force mais d'uneaffirmation que la force peut êtreutilisée

si cela s'avèrenécessaire.

41.23 Le 10 février 1992, le Vice-président des Etats-Unis, M. Dan Quayle, était
interviewédans le cadre de 1'énùssionde la BBC "Newsnight".

Déclarantque les Etats-Unis n'avaient pas une patience illimitée, M. Quayle

affirma:

"You just have to look at the past see thatwe have the political will to make theskinds of
requests happen."l5 .

Selon le gouvernement de la Libye, il s'agit d'une allusion faite de sang-froid aux

bombardements de 1986. Il ne s'agit pas ici d'une simple supposition de l'Etat

demandeur, puisque les médiasont coinpris ces remarques comme une invocation du
recours à la force 16.

4.24 Le 18 février à Londres, un porte-parole du Foreign Office a averti que "rien ne

serait exclu". L'emploi d'une formule identique aux précédentesconstitue une étape

supplémentairedans la campagne menéepour obtenir la détentiondes deux suspects.

Un article du correspondant économiquedu London Times, dans son éditiondu

21 mars 1992 n. donne une indication de l'impactde ces déclarationsrépétées :

"The pound and shares ended the week almost exactly where they started, despite a week ooffull
mairùy gloomy economie indîcators. ..

After figures that showed annual inflation in February dropping below the Germarate for the
first tirnen almost 25 years sterling yesterday stood at DM2.8919 at the official Bank of
England close, alrnost half a pfennig up on its Thursday finish. It began the week at DM2 ..6572.
The week's gyration Ieft the JXJUndat $1.7007 yesterday, down more than a cent fÎom the
previous close. Sterling'srade-weighted index was steady on 89.8 precisely where it started the
week. The dollar's strenght was the main featureforeign exchange markets yesterday.
The American cwrency moved aheadafterreportSthat PresidentBush was discussing Iraqwith
his chiefs of staff. Fears of rnilitary action in the Gulf, or against Libya, drove investors into the
dollar, thetraditional safe haven."

droit. Manifestement,si tel n'espas lecas, nous devons déterminerquelles mesures s'imposent. Je

n'ai passuggéréla force. Je n'ai rien chetje n'ai rien exclu."
15 M.L., annexe n" 98. Traduction parla Libye:
"Vo1!5n'~v quàregarder dans lepassépour vous apercevoir que nous avons la volonté politiquŒ
faire esorteque ce typede requêtesoit exécutée".

16 V. Washington Times Reports, in M.L., annexe n" 91.
17 London Times, 21 mars 1992, annexe n" 2.-1 -

93.
Chap. IV- Les menaces du recours à la'force

Dans son bulletin se référantaux indicateurs économiques de la semaine

précédente, M. Colin Narbrough, journaliste économique,affirme que :

"Fears of military actionin the Gulf, or against Libya, drove investors into the dollar, the
traditionalsafehaven."

4. 25 La lecture de ces extraits révèlede toute évidencel'existence d'tin modèle de 1
'f~
menace, qui se dégagede la phraséOlogierépétitive et unifonne de hauts responsables 1

politiques, depuis M. Bush jusqu'au porte-parole du Foreign Office. Ces déclarations 1
1.
couvrent une périodede trois mois. La premièredéclarationdate du 19 novembre- la 1

déclarationde M. Bush- et la dernièredéclarationqui apparaît dans la chronologie est
émisepar le porte-parole du Foreign Office le 18 février,il y a de toute évidenceune

stratégieconcertéedans la formulation des menaces d'emploide la force.

4. 26 Ces extraits de citations directes de personnes occupant des fonctions officielles en

réponseaux questions poséesfournissent la preuve de l'existence d'une telle stratégie.

Les réponses aux questions furent fournies par le Départementd'Etat américain, le

PrésidentBush, M. Cheney, Secrétaire à la défense,M. Douglas Hogg. Ministre d'Etat,
FCO, le Vice-présidentQuayle, et le porte parole du Foreign Office.

Les sources dans lesquelles ces personnes de haut rang· sont citées sont les

suivantes:

1

- U.S. Federal News Service;

- Conférencede presse téléviséd eonnéepar le PrésidentBush au Southern Newspaper

Association.;

- Compte rendu d'une interview sur la chaîne de télévisionNBC dans" le cadre de

l'émission"Meet the Press";

- Compte rendu officiel des débatsdu Parlement britannique;

- The Middle East EconomieDigest;
·j
1
!i
_-_The Scotsman newspaper.94.

4. 27 n est remarquable que les menaces de recours à la force persistèrent mêmeaprès
l'adoption de la résolution 748 (1992), le 31 mLes2 avril, M. Pickering, le

représentant américainaux Nations Unies, citWashington Postrépondant à la
question de savoir si une action ultérieureétaitenvisagée, en affmnait qu"'il n'est pas

possible pour nous d'adopter ni d'écarterune optiots.pécifique"

Autrement dit, le 2 avril 1992, un représentant officiel américain continuait· à
employer la formule- lameynce,~uiédtitapparue pour la première fois dans les

archives quatre mois plus tôtate du 14 novembre 1991 à l'occasion du briefing du

Départementd'Etat

* **

18 Washington Post, 3 avril1992. p. A24, col.3, annexe n° 4. 95.

CONCLUSIONS

Par ces motifs, et tout en se réservant le droit de compléter et modifier, s'il y a
1' lieu, les présentesconclusions en cours de procédure, la Libye prie la Cour
.f

I. de dire et juger :

a) que les requêtesde la Libye sur l'application de la convention de Montréal, en ce

compris l'interdiction de la menace du recours à la force, restent recevables à
l'égarddes Etats-Unis, nonobstant les résolutions 748 (1992), 883 (1993) et 1192

'(1998) du Conseil de sécuritéet l'organisation du procès des accusés aux Pays­

··Bas;

_, b) que, les Etats-Unis ont violéleurs obligations à l'égard de la Libye, obligations

formulées aux dispositions suivantes de la convention de Montréal :

-l'art.7 pris isolément;

·- l'art7 combiné à l'art. 5 §§ 2-3;

-l'art 7 combiné à l'art 8 § 3;

- l'art. 11;
.,
,.

c) que la convention de Montréal continue à s'appliquer dans la phase actuelle du
différendentre la Libye et les Etats-Unis à propos de l'incident de Lockerbie;

d) que la Libye a pleinement rempli ses obligations au regard de la convention de
Montréal;

e) que les Etats-Unis étaientjuridiquement tenus de respeë'ter le droit de la Libye à ce
que cette convention ne fût pas écartéepar des menaces de recours à la force qui.

au surplus. violaient les principes impératifs dela Charte des Nations Unies et du

droit international général;

t) que, par conséquent, la responsabilité des Etats-Unis est engagée pour les faits

illicites imputables au défendeur;

''
L96.

g) que toute conclusion contraire des Etats-Unis est rejetée.

II. de réserverle droit de la Libye de demander des réparationspour les faits illicites
imputables au défendeur.

,.

Document Long Title

Reply of the Great Socialist People's Libyan Arab Jamahiriya

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