Public sitting held on Monday 15 June, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Schwebel presiding

Document Number
096-19980615-ORA-01-00-BI
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Number (Press Release, Order, etc)
1998/13
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1 Non-Corrigé 1

Courinternationale International Court
de Justice of Justice

LA HAYE THE HAGUE

ANNEE 1998

Audience publique

tenue le lundi 15juin 1998,eures, au Palaisde la Pair,

sous la présidencedeM. Schwebel,président

en l'affairede la Compétenceenredepêcheries (Espae. Canada)

COMPTE RENDU

YEAR 1998

Public sitting

held on Monday 15 June 1998, aam,0.at the PeacePalace,

PresidentSchwebelpresiding

in the case concerningFisheries Jurisdiction (Spainv. Canada)

VERBATIMRECORDPrésents: M. Schwebel,président
M. Weeramantryv ,ice-président
MM. Oda

Bedjaoui
Guillaume
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer

Koroma
Vereshchetin
Mme Higgins
MM. Parra-Aranguren
Kooijmans

Rezek,juges
MM. Lalonde
TorresBernardezj,ugesad hoc

M. Valencia-Ospina, greffierPresent: President Schwebel
Vice-President Weeramantry
Judges Oda

Bedjaoui
Guillaume
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer

Koroma
Vereshchetin
Higgins
Parra- ranguren
Kooijmans
Rezek

Judgesad hoc Lalonde
TorresBernirdezLe Gouvernementde l'Espagneest représenté par :

M. José Antonio PastorRidmejo, chef du servicejuridique internationaldu ministèredes
affaires étrangèresd'Espagne,professeur de droit internationaà YuniversitéComplutense de 4
Madrid,

comme agent etconseil;

M. Pierre-Marie Dupuy, professeur de droit international à l'universitéPanthéon-Assas (ParisII),

M. Keith Highet, conseil en droit international,vice-présidentdu comitéjuridique interaméricain
de I'Organisationdes Etats américains,

M. Antonio Remiro Brotons, professeur de droit internationalà l'universitéautonome de
Madrid,

M. Luis Ignacio Sanchez Rodriguez,professeur de droit international à l'université Complutense *
de Madrid,

comme conseils et avocats;

M. Félix Valdés Valentin-Garnazo,ministre-conseiller de l'ambassaded'Espagneaux Pays-Bas,

comme coagent;

M. Carlos Dominguez Diaz, secrétaired'ambassade, sous-directeurgénéral aux organisations
internationalesde gestion de pêcheriesau ministère del'agricultureet des pêcheries
d'Espagne,

M. Juan JoséSanz Aparicio, secrétaired'ambassade,membre du service juridique international
du ministère des affaires étrangèred'Espagne,

comme conseillers.

Le Gouvernementdu Canadaest représenté par :

S. Exc. M. Philippe Kirsch, c.r., ambassadeur etjurisconsulte, ministère des affaires étrangères
et du commerce international,

comme agentet avocat;

M. Blair Hankey, avocat générad lélégué, ministèr dees affairesétrangèreset du commerce
international,

comme agent adjointet avocat;

M. L. Alan Willis, c.r., ministèrede lajustice,

comme conseilprincipal etavocat;The Government ofSpain isrepresentedby:

Mr. JoséAntonio Pastor Ridruejo, Head, Departmentof International Legal Affairs, Ministry of
Foreign Affairs of Spain, Professor of International Law atthe Complutense Universityof
Madrid,

as Agent and Counsel;

Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor of InternationalLaw, Universityof Paris II
(Panthéon-Assas),

Mr. Keith Highet, Counsellor in InternationalLaw, Vice-Chairman, Inter-AmericanJuridical
Committee, Organization of AmericanStates,

Mr. Antonio Remiro Brotons, Professor of InternationalLaw, Autonomous Universityof
Madrid,

Mr. Luis Ignacio SanchezRodriguez, Professorof International Law, Complutense University of
Madrid,

as CounseIandAdvocates;

Mr. Félix Valdés Valentin-Garnazo,Minister-Counsellor,Embassyof Spain to the Netherlands,

as Co-Agent;

Mr. Carlos Dominguez Diaz, Embassy Secretary, Assistant Director-General for International
Fisheries Management Organizations,Ministryof Agriculture and Fisheries of Spain,

Mr. Juan José Sanz Aparicio, Embassy Secretary,Department of International Legal Affairs,

Ministry of Foreign Affairs of Spain,

as Advisers.

The Governmentof Canada isrepresentedby:

His Excellency Philippe Kirsch, Q.C., Ambassadorand Legal Adviser to the Department of
Foreign Affairs and International Trade,

as Agent andAdvocate;

Mr. Blair Hankey, Associate General Counsel, Departmentof Foreign Affairs and International
Trade,

as DeputyAgent andAdvocate;

Mr. L. Alan Willis, Q.C., Department of Justice,

as Senior CounselandAdvocate; -6-

M. Prosper Weil, professeur émérite de l'université de Paris,

comme conseilet avocat;

Mme Louise de La Fayette, Université deSouthampton,

M. Paul Fauteux, ministère des affaires étrangères t u commerce international,

M. John F. G. Hannaford, ministère des affaires étrangèrest du commerce international,

Mme Ruth Ozols Barr, ministèrede lajustice,

Mme Isabelle Poupart,ministère des affaires étrangèrest du commerce international,

Mme Laurie Wright,ministèrede lajustice,

comme conseils;

M. Malcolm Rowe,c.r., Gouvernementde Terre-Neuve et du Labrador,

M. Earl Wiseman, ministère despêcheset des océans,

comme conseillers;

Mme Manon Lamirande, ministèrede lajustice,

Mme Marilyn Langstaff, ministère des affaires étrangères et u commerce international,

Mme Annemarie Manuge, ministère des affaires étrangères ed tu commerce international,

M. Robert McVicar, ministère des affaires étrangèreset du commerce international,

Mme Lynn Pettit, ministère des affaires étrangèreet du commerce international,

commeagentsadministratifs. -7-

Mr. Prosper Weil, Professor Emeritus,Universityof Paris,

as CounselandAdvocate;

Ms Louise de La Fayette, Universityof Southampton,

Mr. Paul Fauteux, Departmentof Foreign Affairs and International Trade,

Mr. John F. G. Hannaford, Department of ForeignAffairs and International Trade,

Ms Ruth Ozols Barr, Department of Justice,

Ms Isabelle Poupart,Department of Foreign Affairsand International Trade,

Ms Laurie Wright, Department of Justice,

as Counsel;

Mr. Malcolm Rowe, Q.C., Government of Newfoundland and Labrador,

Mr. Earl Wiseman, Departmentof Fisheries and Oceans,

as Advisers;

Ms Manon Lamirande,Department of Justice,

Ms Marilyn Langstaff,Department of Foreign Affairs and International Trade,

Ms Annemarie Manuge,Department of ForeignAffairs and International Trade,

Mr. Robert McVicar, Department of Foreign Affairs and International Trade,

Ms Lynn Pettit, Department of ForeignAffairs and International Trade,

as AdministrativeOfSicers. -8-

The PRESIDENT: Please be seated. May 1cal1on the distinguished Agent of Spain.

M. PASTOR RIDRUEJO :Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour

1. L'objetdu différend : la questiondu titre

1.Face au renouveaudes efforts des conseilsdu Canada pourcontournerouredéfinirl'objet

du différend,nous devonsrappeler, encore une fois, qu'ilne s'agit pas,dans la présenteaffaire, de

la question de la gestion et de la conservation des ressources de pêchedans la zone de

réglementationde I'OPANO. C'estce que le Canada souhaiterait,mais nous avonsabondamment

montré à la Cour que ce que nous attaquons,aussi bien dans larequête que danslemémoire,c'est

le défautde titre du Canada pour agir en haute mer à l'encontredes navires battant pavillon d'un

autre Etat. Voilà l'objetdu différend. Bien entendu, il entraîne I'inappiicabide la législation

internecanadienne en haute mer, aux navires espagnolscomme aux autres. Il entraîneaussi notre

demande en réparationdes dommages causéspar les faits illicites du Canada.

En tout étatde cause, il est hors de doute que, dans une procédure devantla Cour, ce n'est

pas 1'Etatdéfendeur,en l'occurrenceleCanada,quidéfinitl'objetdudifférend.C'estle demandeur,

en l'occurrencel'Espagne,qui a ce droit et ce privilège.

2. Or, en ce qui concerne cet objet principal, l'agentdu Canada a dit dans sa plaidoirie

du Il juin que :«il saute aux yeux que cet objët principal est une question de fond, pas de

compétence» (CR98111, p. 17,par. 41). u'

Non,ce n'estpas le cas. Nous ne pouvonspas êtred'accordavec le défendeur.11est évident

que la question du défautdu titre de Canada pour agir en haute mer à l'encontredes navires

étrangers appartient, certes, aufond du différend,mais aussàla question de la compétencede la

Cour. Si, comme l'Espagnele soutient, le différendne porte pas sur les mesures de gestion et

conservationdes stocksde pêche dans la zone deréglementation OPANOm , ais surledéfautdetitre

du Canada pour agir en haute mer à l'encontre denavires battant pavillon d'unautre Etat, il n'est

incontestablementpas couvert par sa réserve à l'acceptation dela compétencede la Cour. Voilà

le premier argument principal de l'Espagnequej'avais annoncédans ma plaidoirie du 9 juin. -9-

3. Le Canadaa aussi soutenu que la réserve à sa déclarationd'acceptation dela compétence

de la Cour étantrédigéedans des termes très larges, la question du titre y serait comprise et

échapperait à la compétencede la Cour.

Quant àl'Espagne,ellecroit fermementqu'il n'enest pas ainsi. Il est évident quela question

du titre pour agir en haute mer à l'encontrede navires arborant pavillon d'unautre Etat, est un

préalable,uneprémisseaussifondamentaleet ayant une telle entitéqu'ellen'estpas comprise dans

la réservecanadienne à la compétence dela Cour. Elle ne peut pas être rattaché e une question

aussi spécifiqueque les mesures de gestion et de conservation des stocks de pêcheen haute mer,

et l'exécutionde ces mesures. Si le Canada avait voulu exclure de la compétencede la Cour le

différendportantsur le titre pour agir en haute merà l'encontre desnavires battantpavillon d'un

autre Etat,il aurait dû le faire expressément.

4. Je vaisillustrercetargument avecunexempletirédu droitde l'espaceextra-atmosphérique,

et notamment du régimejuridique de la Lune.

Nous savons tous, que le droit international n'accorde aucun titre de souverainetéou

d'appropriationauxEtats surlaLune. Celaressortdu droit internationalgénéralt,el qu'ilest énoncé

par le traité du27 janvier 1967 sur les principes régissant les activités des Etatsen matière

d'explorationetd'utilisationdel'espaceextra-atmosphérique,y comprisla luneet lescorps célestes.

Maistel est aussile cas de lahaute mer, selon lesprincipesde droit international généraplroclamés

par laconventionde 1982sur le droit de la mer.

Imaginons maintenant qu'un Etat exclut de sa déclaration unilatérale d'acceptation de la

compétencede laCour les différendsauxquelspourraient donnerlieu les mesures degestion et de

conservationdesressources naturellesde laLune, ainsi que l'exécution deces mesures. Est-ce que

cetteréserveferaitéchapperde lacompétence delaCourun différendportantsurunequestionaussi

fondamentaleque celle de la souveraineté étatique surun certain secteur de la Lune ?

Sans aucun doute, la réponse est non, car cette question - la question du titrede

souverainetéoude toute autre forme dejuridiction sur la Lune - serait bel et bien uneprémisse,

un préalableayantune entitétout à fait séparée des mesures degestion et de conservation de ses

ressources naturelles. II. Obligation du respect de votre Statut par toute déclaration optionnelle
de reconnaissancede votre juridiction

5.Une réservedont le senset laportéeseraient entièrementsoumisàl'appréciation exclusive

de 1'Etatdéclarant privelaCour de l'exercicede sa propre compétence.De ce seulfait, il est admis

par votrejurisprudence, commepar la meilleuredoctrine,qu'elleest incompatibleavecvotre Statut.

Je ne développepas ici ce fait fondamental, que mon collèguele professeur Dupuy abordera à

nouveau tout à l'heure.

III. L'usage de la force

6. Pour démontrer que la Cour est compétente dansla présenteaffaire,j'avais aussi avancé

dans ma plaidoirie du Il juin un autre argument principal.
*

La loi C-29 et la loiC-8 modifiant le code criminel du Canada prévoientl'usagede la force

à I'encontrede navires étrangersenhautemer,et mêmede causerlamort, danscertainesconditions,

aux personnes se trouvant à bord de ces navires. J'avais aussi dit que ce comportement était

contraireau droit international,conformémentauquel les déclarationsétablissantla compétencede

la Cour doivent êtreinterprétés.Il est clair que l'emploide la force n'est pascompris dans la

réserve canadienne (CR9819,p. 16-17).

Jeconstatequ'aucunconseildu Canadan'aréfutécea trgument,du moinsdemanièrefrontale.

7. En outre, en réponseaux développementspluslongsfaits à ce propos parles conseils de

l'Espagne,l'agentdu Canada vous a dit dans sa plaidoirie que

«les mesures d'exécutionqui ont été appliquéesl'Estain'ontstrictementrienà voir
avec le recoursà la force dans les relations entre Etats dont il est question dans la
Charte des Nations Unies))(CR 98111, p. 18, par. 45).

8.A la suitedeseffortsdesconseilsduCanadapourmasquerl'importanceeffectivedel'usage

de la force par les patrouilleurs canadiens, lesconseils de l'Espagnese verront obligés demontrer

toutà l'heureà la Cour que la force utiliséele 9 mars 19à5I'encontrede l'Estaiest contraire au

droit international.Il en va de même pourle harcèlementsévèred'autres bateauxespagnols

quelquesjours plus tard. Ils démontreront notammentque notre argumentation ne se réfèrepas

exclusivement à I'usagede la force dans ces incidents concrets.Elle vise d'une manièreplus

générale l'emploi de la force prévudans les lois C-29 et C-8 modifiant le code criminel, que le - 11 -

Canadaapromulguésanstitre international. CommemoncollègueleprofesseurSanchezRodriguez

l'adéjàdémontré à la Cour, lejeu combinéde ces lois permet d'employercontre une personne à

arrêter, ême dans la haute mer, danslazone de réglementation OPANO, une forcesusceptiblede

causer la mort de celle-ci ou des lésionscorporelles graves.

9. Certes, dans ses plaidoiries, le Canada a tenté de minimiser l'importance de ces

dispositions,en alléguantqu'elless'appliquentaquestiondepêche «onlyincidentally))et que leur

«main purpose has nothing to do with$sheries» (CR 98/12, p. 9, par. 47). 11n'enrestepas moins

que le Canada a admis que son code criminel est applicable dans la zone de réglementation de

I'OPANO.

S'agit-ildans ce cas-la, commel'agentdu Canada l'aprétendudanssa plaidoiriedu 11juin,

d'unmoyen d'exécution «de mesures de gestionet de conservation quisont toutà fait classiques

dans la pratique des Etats?) (CR 98111,p. 18,par. 45.)

Nous ne le croyons pas.. Il est hors dedoute que la mort d'une personnetentantd'échapper

à l'actiond'une autorité canadienne dansla zone de réglementation deI'OPANO,en l'occurrence

sansaucuntitre international,n'estpas unemesureclassiquedans lerégimejuridique despêcheries.

10. En tout cas, comme les conseils de l'Espagne I'expliqueront,la coercition militaire

interditepar ledroit internationaln'estpas seulementl'agressionarmée. L'emploide laforce, c'est

l'usagede la coercition arméed'un Etatà l'encontre d'unautre, qu'ils'agissedu territoire, ou des

personnesou des objets placés sousla souverainetéou sous lajuridiction exclusive de ce dernier.

La définition laplus traditionnelle du recoàrla force en haute mer corrobore la définition qui

précède. Elleest contrairà la ChartedesNations Unies, et ne peut donc pasêtrecouvertepar une

interprétationlégale dela réservecanadienne.

IV. La question de la persistance du différend

11. J'aborde maintenantun sujet qui sera développéen long et large par mon collègue le

professeurRemiro Brotons.

Dans le chapitre IV du contre-mémoire,le Canada a nettement soutenu que l'accord

du 20 avril 1995 entrel'Union européenneet le Canada a réglé toutles aspects du différend - 12-

hispano-canadien. Ainsi, dans la conclusion,ilnous a di:«Lesquestionsen litige entre leCanada

et l'Espagneont étéréglée s..La requêtede l'Espagneest maintenant sans objet.)) (Par. 230 du

contre-mémoire.)

Cependant, dans sa plaidoirie, l'agentdu Canada nous a reproché ((l'importandémesurée))

(CR 98111, p. 21, par. 56) que nous avons donnée à ce sujet. 11a ajoutéque : «la question à

laquelle est consacréela présenteprocédureest celle de la compétencede la Cour ... Que le

différendait été régléc,mmele croit le Canada,ou qu'ilpersiste,comme le soutient l'Espagne, est

indifférentaux fins de la présenteprocédure.))(Ibid., par. 59.)

Monsieurleprésident,MadameetMessieursde laCour,c'estavecplaisirquenousconstatons
1
que leCanada sembleainsiavoirabandonnésesallégationssurladisparitionde l'objetdu différend

qui l'oppose à l'Espagne.

V. Les liens entre le fond du différendet la compétencede la Cour

12.Dans les plaidoiries de son agent et de ses conseils, tout en s'occupant longuement des

questions de fond, le Canadaa reproché à l'Espagne,une fois de plus, le fait que nos allégations

ont largement porté surle fond du différend.

13. En tout étatde cause, le Canada paraît oublier que le paragraphe 7 de l'article79 du

Règlementde la Cour permet àcelle-ci de déclarer qu'une exception préliminairesa compétence

n'a pas,dans les circonstancesdu cas, un caractèrepréliminaire.C'est-à-dire, qu'elle peut,si elle
w
lejuge opportun,joindre son examen à celui du fond de l'affaire, commeelle l'afaià plusieurs

reprises. Si nous mentionnons cette possibilité c'est pour rappelerau Canada les liens étroits

susceptibles d'existerentre le fond d'undifférendet la compétencede la Cour. Ces liens sont

manifestes dans le cas d'espèce.

14.Dans cet ordre d'idéej,e tiens aussà faire remarquerque le Canadan'apas contestéle

bien-fondédel'argumentquej'ai soulevédansma plaidoirie du 9juin, à proposdu critèredes liens

raisonnablesexistant dansuneaffaire entre lefond du différendet la compétencede la Cour. Dans

le cas d'espèce,je le rappelle, ces liens étaient au nombre detrois - 13 -

primo, les termes de la réservecanadienne à la compétencede la Cour contiennent des

définitions de fond;

secundo, la nécessitépour l'Espagnede démontrer à la Cour quel est l'objet véritabledu

différenda aussi besoin de considérationsde fond;

tertio, la réfutation duchapitredu contre-mémoiredu Canada nécessiteaussi ce genre de

considérations.

J'insiste, cetargument n'apas étéréfutépar les conseilsdu Canada.

Le professeur Dupuy reviendra de toute façon sur l'analyse de votrejurisprudence en la

matière.

VI. Le reproche des excèsdes plaidoiries espagnoles

15. Dans sa plaidoirie du 11juin l'agentdu Canadas'estpermis de déplorer«les excèsqui

ontmarqué lesplaidoiries espagnoles))(CR 98111,p. 9,par. 6). Nous imaginonsque le Canada se

réfère icià des hypothétiques excès verbaux ou des concepts, excès qui, s'ils étaientcertains,

seraientbien peu de chose si on les compareà l'arraisonnementen haute mer par ses patrouilleurs

d'unnavire battantpavillonespagnolet au harcèlementd'autresbateaux arborantle mêmepavillon.

16.Mais nous ne sommes plus choqués par les expressions et les mots que,aussi bien dans

le contre-mémoireque dans les plaidoiries, le Canada emploie à notre égard. Bien entendu, le

Canadaest tout à fait librede les choisiret de lesutiliser. Cependant,et pourconclure,je me pose,

à ce propos, la question suivant:

Le Canada n'aurait-il pas aussiemployédes termes indignésdansl'hypothèse - je souligne,

dans l'hypothèse- où un patrouilleur espagnol ou d'unautre Etat aurait arraisonnéun bateau

arborantpavillon canadien en haute mer ?

Monsieur le président, Madameet Messieursde la Cour,je lirai mes conclusions à la fin de

nos plaidoiries.

Je termine ainsi mon exposé etje vous remercie de votre aimable attention.

Monsieur le président,je vous prie de bien vouloirdonner la parole à mon collègue, le

professeur Sanchez Rodriguez. Merci beaucoup. - 14-

The PRESIDENT: Thank you. 1cal1on Professor Sanchez.

M. SANCHEZROD~GUEZ : Monsieur le président, Madameet Messieurs lesjuges. La

tâche que je doisaccomplirce matindevantvous, m'oblige, unefois de plus, àme référer aux faits.

Compte tenu du peu de temps dont je dispose, je suis certain que vous comprendrez que mon

intervention porte tout de suite sur les points concrets queje considèreles plus importants. Je le

fais en outre le plus brièvement possible, ce qui exclut toute possibilité dethéâtraliser ou de

dramatiser.

1. Sans nul doute, le premier point vous surprendratous,à ce stade de la procédurecar il

s'agitde revenir au texte complet du paragraphe 2 de la déclaration canadiennede 1994,si souvent

citéepar la partie adversemais jamais analysée dans sa totalité.

Il s'agit d'affirmer,une fois de plus, que toute interprétation dela réserve canadiennedoit

êtrefaite en tenant compte de tous les termes employés dans sa déclaration,du texte complet de

celle-ci. Par contre, nos adversairescontinuenà s'obstineà y faire référencle moins possible et

gardent un silence éloquent. L'exemplele plus clair se trouve dans la dissection minutieuse et

systématique que le conseil canadien a faite devant vous jeudi dernier (CR 98111, p. 36-43,

par. 44-59). Pas un mot sur des expressions aussi importantes que le Canada ((acceptecomme

obligatoire de plein droit..lajuridiction de la Cour en ce qui concernetousles diflérendsqui

s'élèveraientaprèlsa date de laprésentedéclaration,au sujetde situationsoudefaits postérieurs
I
à ladite déclarationautres que»;et bien, je vais vous parler aujourd'huide situations et de faits.

Aucuneallusionautrès intéressantalinéa c) quiexplique,parexemple, quela législationcanadienne

de 1994 ne soit pas inclue dans celui-ci étant donnéque cette législation ((d'aprèsle droit

international))ne relève pas«exclusivementde lajuridiction du Canada)). En effet,si la Iégislation

de 1994 ne relevait pas du droit international, le nouvel ali4éaserait parfaitement inutile car il

constituerait une question relevant de lajuridiction exclusivedu Canadaet serait donc inclus dans

I'alinéac). Partant, s'ilrelève dudroit international, I'al4nédoit être interprété conformément

audit droit international. - 15-

Madame, Messieurs les Membres de la Cour,je me permets de vous demander : avez-vous

entendujeudi et vendredi dernier, une seule explication, un seul mot de la délégatcanadienne

concernantsadéclaration,mis à part l'alinéad? L'Espagne considère qu'une interprétatimnutilée

qui se limite au texte de l'aliné4, séparédu texte complet de la déclaration, est tout à fait

inacceptable car insuffisanteet incomplète.

2. Le second point auquel je vais faire référenceimmédiatementest directement liéau

précédent.Nos collèguesde la partie adverse insistent sans cesse, sur tous les tons, sur ld)linéa

de la déclaration,à savoir, sur la réserve,le noeud du différend. Au fond, ils ne font que

poursuivre une manoeuvre qui fut déjà dénoncép ear l'agent del'Espagne lors de sa première

intervention(CR9819,p. 14-15,par. 4) :ilscherchentàredéfiniroucontournerl'objetdudifférend.

Comment ? En essayant deconvaincre lesjuges de cette Cour que levéritable objetdu différend

résidedans la réserveet n'estpas celuidécritpar l'Espagne. Je ne mepermettraijamais derappeler

aux membres de cette Cour que c'estle demandeur qui fixe l'objetmêmesi cela ne plaît pas au

défendeur;mais il n'appartientjamaià ce dernierde remplacer le demandeurdans ladéfinitionde

l'objet dudifférend.L'objetest celui décritpar l'Espagneet non celui que le Canada suggère parce

qu'ille préfèreet lui offre de meilleures possibilités de défense.

3. Le troisième pointporte sur l'undes sujets préférése notre adversaire:le texte de la

réserve. Je me demande donc ce qui s'est passéavec la nouvelle catégorie crééedans le

contre-mémoire,lacatégorie des ((mesuresd'exécution)).Jeudi et vendredi derniers,mescollègues

canadiensn'yont fait aucune allusion. Mais ils ont égalementgardéun silence scrupuleuxsur le

terme «exécution»; cemot leur plaît-il ou non? Mêmele professeur Weil suggère habilement

l'exclusionde ce fâcheux problème. En effet, il nous dit «que les mesures litigieuses sont des

mesures de gestion et de conservation des ressources de la mer» (CR 98/12, p. 44, par. 49) et il

ajoute que «la question est exclusivement de savoir si le différend porté devantla Cour par

l'Espagneest néde,ou serapporte à,desmesuresde gestionet de conservationprisesparleCanada

à l'égardde navires pêchantdans la zone de réglementation deI'OPANO))(CR 98/12, p. 46-47,

par. 55). Pourquoi notre éminent adversairefait-il cetteff~rmation? Parce qu'ila subitement

modifiéles règlesdujeu. - 16-

Jusqu'au momentde sonintervention,vendredidernier,l'emploide la force contredesnavires

de pêche enhaute mer était qualifiépar le Canada commedes ((mesuresd'exécution)),maintenant
v

il ne l'estplus. L'undes conseils canadiensnous parlait même jeudi de «mesures» et de ((mesures

coercitives))(CR 98111,p. 42, par. 57), expression qui ne figure pas dans la réservecanadienne.

Le jour suivant, le professeur Weil nousa dit que: ((Arraisonnerun bateau, inspecteret saisir sa

cargaison, est une mesure de gestion et de conservation))(CR 98/12,p. 33, par. 18)pour glisser,

quelques instants plus tard, l'expression ((mesuresd'exécution))CR 98/12, p. 39, par. 31) et se

référer précisémentàl'emploide laforce contredes naviresenhautemer. Cette ambiguïtécalculée

exige que l'on donneuneexplication à laCour. Il est indispensablequele Canada seprononce,une

I
fois pour toutes, et dise si l'emploi de la force est une mesure de gestion, une mesure de

conservation,une mesured'exécution,l'exécution d'unemesure de gestion et de conservation,tout

ce qui précède à la fois ou rien du tout. L'emploi de la force est-il compris dans la réserve

canadienne ? Où se trouve-t-il? Ou simplementne setrouve-t-ilpasdans les termes delaréserve

et la Partie adverse fait tout ce qu'ellepeut pour le cacher.

4. Le quatrièmepoint cache égalementun élément évidentJ .e vous prie de m'enexcuser

mais compte tenu des silences de la Partie adverse, les faits évidentsdoivent êtresoulignés. J'ai

écouté attentivemenmt es collèguescanadiensetje ne lesai presquepas entendu parlerde la haute

mer. Ils essaient d'éviterle plus possible de faire référence au fait qla législationcanadienne

s'appliqueà la haute mer. Et ils préfirentparler de la zone OPANOou de la zone au-delà des W

200 milles. C'estune façonpour eux de noyer le poisson ! (CR 98111, p. 11, 16-17,40, 46, 58,

etc.).Etant donnéque nosadversairesne lefont pas, il m'appartientdevous rappelerque lethéâtre

des actions canadiennes est précisémenl ta haute mer, et que le droitapplicableàcette affaire est

celui qui régitla haute mer. Ce ne sont pas les normes relativesà la zone économiqueexclusive

et moins encore celles qui concernent la mer territoriale ou d'autresespaces sous souverainetéou

juridiction des Etats qui nous intéressentmais celles qui concernentla haute mer.

Dans ce contexte,nos collèguescanadiens n'hésitenp tas à appliquertout naturellement àla

haute mer le régimejuridique des espaces nationaux pour essayer dejustifier certains pouvoirs

coercitifs de1'Etatà l'encontrede navires de pêcheétrangers. En plus, ils nient que le Canada ait - 17-

étendusajuridiction nationale ou qu'ilait créun nouvel espace complémentaireet adjacent à la

zoneéconomiqueexclusive. Deux conseilscanadiens(CR 98111,p. 59,par. 35etCR 98/12,p. 33,

par. 19)n'hésitent pas non pluà affirmer que les mesuresadoptéespar le Canada à l'encontre des

navires espagnolsen haute mer sont conformes à l'article73 de la convention de 1982sur le droit

de la mer.

En toute franchise, Madame et Messieurslesjuges de la Cour, la position canadiennesur ce

point est presque insolente. Ils reconnaissenttout naturellementqu'onapplique en haute mer les

mesures prévues par laconvention des Nations Unies de 1982pour lazone économiqueexclusive

tout en niant que le Canada a étendu sa juridictionen haute mer. D'une part, ils reconnaissent

implicitementcette extension de lajuridiction puisqu'ilsjustifient et expliquent l'application dela

législationpénalecanadienne, la plus territorialiste de toutes les législationsnationales, en haute

mer. D'autrepart, il est alarmant qu'ilsfassentune lectureaussi incomplètede laditeconvention,

enoubliant lesarticles 86à 89,92, 110, 111,116, 118et 119,en plusde l'obligation de coopération

de l'article63,paragraphe 2, pour les stockschevauchants.11n'estpasétonnantque leCanada n'ait

pas ratifiéla convention de 1982,mais ceci n'empêche pas que les articles cités reflètent àesd

normesde droitinternationalcoutumier. LeCanada aétendusajuridiction sansformellementcréer

un nouvel espacecomme le reconnaît implicitement le ministre Tobin (cf. mémoirede l'Espagne,

annexe, vol. 1, p. 106 et contre-mémoire, annexes,p. 364) mais en augmentant sa juridiction

matériellementet réellement. Mon éminentcollègue fiançaisne peut se limiter au formalisme le

plusstrict en soutenantque leCanadan'a pasformellementcréé une zone. Ce formalismejuridique

serait la négationmêmedu droit; mais il connaît le droit et trèsbien. Fitanaurice avait raison et

son affirmation de 1973 donne raison aux thèsesespagnoles.

Finalement, lahaute mer a disparu,non seulementdansune large mesuredescartes marines,

mais aussi des plaidoiries de la partie adverse.

5. Le cinquième point se réfêre à l'inclusion des navires espagnols et portugais dans le

règlementcanadiende 1995. Nos adversairesont essayédejustifier cette inclusion enemployant

des argumentsprétendumentconservationnistes,qui offensentmon pays et notre voisin ibériqueet

qui, de surcroît,sont faux. Nos collèguesnous accusent à présentde surpêcheet de violation des - 18-

règlesOPANO(CR 98111,p. 47, par. 75) et - ceci est surprenant-parce que l'Espagneaurait

épuisé toutle quota del'Union européenne(CR 98111, p. 60, par. 39). Je tienà souligner,

Monsieur le président, que cette accusationtoute nouvelle, qui nes'appuied'ailleurssur aucun

document, est en contradiction flagrante avec la reconnaissance, effectuéeau paragraphe41 du

contre-mémoirecanadien selon laquelle les prises espagnoles se situaient, au moment des faits,

en-dessous du quota fixépar l'Unioneuropéenne.

Tout ceci,bien entendu, en 1995. Néanmoins,un an avantà savoir en 1994à l'occasion

des débatsparlementaires,le secrétaireparlementduministredespêches et desocéansaffirmait

à la Chambre des communes que le danger provenait des pavillons de complaisance,
-
particulièrementdu Panama,du Honduras,de Belizeet de SierraLeone(Gazette du Canada,Partie

III, le mardi 12juillet 1994, p. 1316, exemplaire qui fàgl'alinéa2 du dossier présenté par
l'Espagnelundi dernier, documents dont Messieurs lesjuges ont une copie). Le même
jour, le
ministre Tobin affirmait au Sénat que«L'Espagneet le Portugal respectent effectivement les

contingents fixés parI'OPANO. Ces deux pays participentpart entièrà titre d'Etatsmembres

de I'OPANO))bienque certainsnavires portugais-et non espagnol- soient qualifiésde pirates

car ils battent pavillonde complaisancedu Panama,du Hondurasou de Sierra Leone(mémoire de

l'Espagne,annexe, vol1,p. 470 des Débatsdu Sénat, etp. 238 du mémoirede l'Espagne).

Si l'Espagnepêchaitlégalementdans la zone OPANO en 1994(paroles du ministre Tobin)

comment nos collèguesde la Partieadverse peuvent-ilsaffirmer aujourd'huiqu'en 1995,l'Espagne
r
s'est subitementconvertieen undangereuxpaysprédateuret pir?tAcepropos,leterme«pirate»

a, dans lejargon«tobinien», un sens peu respectueux de ce que le droit international considère

comme des navirespirates. L'unique conclusionpossible est que l'affirmation canadienneest tout

à fait fausse, selon leurs propres déclarations etl'inclusionde l'Espagneet du Portugal parmi les

navires pirates est tout simplement inadmissible et injustifiable.

6. Passonsmaintenant directement au point six. Entrons maintenantsur un terrain que nos

adversaires aiment, nous entrons dans le domainede l'écologieconservationniste,de la protection

des espèces, despréoccupations concernantl'environnement. A savoir, un terrain politiquement

correct. L'agent duCanada se plaint même dufait que'Espagnene le reconnaît pas (CR 98111, -19-

p. 9-10, par. 9-10). A cet égard, la Partie adverse se présentedevant la Cour comme un pays

respectable qui se préoccupede ses stocks. De stocksou de ses stocks? L'Espagne,au contraire,

serait un danger public pour les espèces. Le Canadasuggèremêmel'existence d'uneespèce d'état

de nécessitéécologiqueou d'une légitime défensepréventiveégalementécologique(CR 98111,

p. 46-48, par. 72-77).

Rien de tout cela n'estvrai. En premier lieu, parce que celui qui a épuiséla majeure partie

des stocks chevauchants en question, c'est précisémenlte Canada lui-mêmecomme il le reconnaît

implicitement dans son contre-mémoire.

En effet, le chapitre1de ce dernier (p. 9 et suiv., par. 17et suiv.) est basésur l'imaged'un

pays qui se présente comme Lechampion de i'écologiede la conservation, au nom du «monde

entier)) (p. 16, par. 29). En revanche, il admet, en mêmetemps, que dès le début des années

quatre-vint-dix ses propres pêcheurs ont commisdes déprédations dansla ((quasi-totalitéde ses

stocks de poisson de fond d'importance commerciale entièrement situés dans sa zone des

200 milles))et que «la crise de la conservation se poursuit)) encore aujourd'hui(p. 9, par. 17).

Cependant, pour protégerleflétandanssondéclin, puisque c'est uneressourcechevauchante,

il faut éliminerla surpêcheau-delà des 200 milles (p. 19-20, par. 36), mêmesi quelques pages

avant, la Partie adverse n'avait pas hésitéà affirmer qu'uniquement «IO% (du stock) s'étend à

l'extérieur de lazone de pêchede 200 milles du Canada)) ! Poursuivantce raisonnement il soutient

en plus que : «En raison de leur unité biologique,les stocks chevauchants qui sont surexploités

au-delà de la limite de 200 milles s'épuisentaussi dans lazone dejuridiction nationale))!(p. 11,

par. 19). Cela signifie que ceux qui pêchent10% du stock contribuent à I'épuisementdes 90%

restants sous juridiction canadienne. Malgré tout, le Canada n'hésitepas à accuser l'Espagne de

I'épuisementet de la déprédation des ressourcespendant la périodeallant du début des années

quatre-vingt-dix jusqu'à la fatidique année 1994 alorsque la flotte espagnole pêchaituniquement

en dehorsdes 200 milles ! Le Canada impute toute laresponsabilité à l'Espagne(10% du stock en

quatre ans), et exclut la sienne (90% pendant toute la période).Il faut le voir pour y croire. Nous devons être reconnaissant à la Partie adverse de la sincéritéquand elle reconnaît

finalement «les efforts du Canada pour protégerses stocks au-delà de la zone de 200 milles)) !

(p. 49, par. 108,réitéréà la p. 75, par. 185).

En second lieu,ses affirmationsconcernant lesquotas de I'OPANOsontégalementinexactes

et inadmissibles. Le Canada doit prouver ses affirmations ou s'abstenir de lesfaire; en effet,

l'Espagneatoujoursrespectéles limitesde capturejuridiquement établiesdanslesystèmeOPANO.

En ce qui concerne la suggestion d'unelégitime défense préventive inéditeen matière de

pêche,ou bien d'unétat de nécessité conservationnistequi seraiene t,n fait, des causes d'exclusion

de l'illicite, cela n'a rienoir avec les articles 33 et 34 du projet de la Commissiondu droit

international, ainsi que la Cour a pu le dire dans son arrêt en l'affaire du Projet J

GabEkovo-Nagymaros. Les questions de conservation des espècesmarines ont précisémené t té

étudiées par la Commission dudroit internationalet il est intéressant de noterque dans l'affairede

laChasse des otaries àfourrure dans la merde Béring,l'agentduGouvernement britannique avait

nié ((qu'unEtat euten temps de paix le droit de commettre en hautemer, à titre de self-defenceou

de selfpresewation, un acte quelconquejugépar lui nécessairepour protégerce qu'ilestimaitêtre

sa propriétéou son intérêt)).
Et la cour d'arbitragelui a donnéla raison et:

«ne se laissa donc pas influencer par l'argumentdu prétendu massacred'otariesqui
étaità craindrede la part des chasseurscanadiens,et vit dans les mesures américaines
une action menée essentiellementdans le but de protégerles intérêté s conomiques
d'uneindustrieaméricainecontrela concurrenced'uneindustrie étrangèree ,n assurant
à la premièreun monopole inadmissible de la chasse aux otaries à fourrure dans
certains espaces maritimes qui doivent rester accessibles à tous)) (Annuaire de la
Commissiondudroit international, 1980,vol. II, premièrepartie,p. 27 pourla citation

et p. 26 et suiv. pour l'analysecomplètedes deux affaires citées).

7. Le point queje vais aborder maintenant concerne les faits, mais les faits qui ont eu lieu

en réalité.La mutilationdes faits réalisépar nos adversaires est frappante quandils font allusion

aux incidents de pêche :ces incidentsn'occupentque sept lignesdans leursplaidoiries(CR 98111,

p. 9, par. 7 et p. 48, par. 76) et de plus elles sont inexactes. Pour le Canada, il s'agiraitpurement

et simplement de l'inspectionet de l'arraisonnementde l'Estai. C'esttout. -21 -

En réalitél,es faits sont plus complexeset plus brutaux. Pour commencer,l'agentcanadien

a affirmé dansson intervention :«Tout ce qui a ététiré,c'estun coup de semonce à l'avantdu

bateau)) (CR 98111, p. 19, par. 47). C'est faux. La «note verbale du ministère des affaires

étrangères etdu commerce international du Canada à l'ambassade d'Espagne à Ottawa)) du

10mars 1995 dément lespropos de l'agent canadien en affirmantque : «Le patrouilleurcanadien

a donc dû recourir, après avoir obtenu les autorisations nécessaires, autir de quatre coups de

semonce.))(Mémoire del'Espagne,annexes, vol. 1,annexe 9, p. 45).

Mais ceci n'est qu'undétail. Entre le 17mars et le mois dejuin 1995, sixnavires de guerre

espagnols (les naviresVigia,Serviola, Centinela,Atalaya, Mahdn et Las Palmas) furent envoyés

dans la zone en question. Une telle mobilisationétaitla mesurede la protectiondue auxbateaux

de pêcheespagnols, exposésau harcèlement d'unemeute de plusieurs patrouilleurs canadiens

appartenant àlapolicedes pêches.Cetteprésencedes naviresdeguerre des deux paysdanslazone

de haute mer où les faits se sont produits impliquait undanger imminent et réelde conflitarmé

d'uneenvergure que l'onne peut pas précisémenq tualifier de mineure.

En outre, entre le 17 et le 31 mars 1995,plusieurs patrouilleurs canadiens harcelèrentet

eurent recours à la force contre d'autres bateaux de pêche espagnols dansla même zone. En

particulierles navires depêcheMonteAgudo,Freiremar Uno,JoséAntonioNores, Verdel,Arosas,

etleMayiCuatro firentl'objetdedifférentesmesuresde surveillance, d'inspectionetdeharcèlement

de la part de différentspatrouilleurs canadiens. Quantàlui, le bateau espagnolPescamaro Uno,

aprèsune manoeuvreextrêmementdangereuseréaliséepa lrpatrouilleurcanadien L.J.Cowley,eut

une coupure de ses hunes et filets, avec la perte subséquentede tout l'enginet le risque vital que

cela comportait pour les marins qui se trouvaientsur le pont à ce moment-là. Trop, c'esttrop,

Messieurs les conseils du Canada !

Monsieur le président,Madameet Messieurslesjuges, vous devez tenir compte du fait que

ces graves incidents onteu lieu dansdes conditionsmétéorologiques trèsdifficiles et de visibilité

quasi nulle, avec des vents de0 noeuds, dans une tempêtede neige et avec des creux de plus de

14mètres. Dans la plupart des cas, les patrouilleurs canadiens nerespectaient pas la convention

internationalepourprévenirles abordages en mer ainsi que la convention pour la sauvegarde de - 22 -

lavie humaine enmer (mémoirede l'Espagne,annexes,vol. 1,annexe 5,p. 23-30),sansoublierles

dispositionsde la convention desNations Uniessur le droitde lamer de 1982dont de nombreuses

dispositions lient le Canada au titre du droit coutumier.

En somme, sans chercher par làà dramatiser, nous devons souligner la complexitéet

l'ampleurdu conflit de pêchependant laditepériode. Il y a eu un risque grave, imminent,et réel

de pertes de vieshumaines et de navires. Partant, l'affirmationcanadienne selonlaquelle l'incident

consista simplementà visiteret arraisonnerl'Estaiparaît bien éloide laréalité. Les faisont

là et la Cour doit avoir la certitude de leur gravitéet du fait qu'unconflit armésérieux auraitpu

éclater.

8. Finalement, nous allons passerla question déterminante du codecriminel canadien.Le w

conseil de la Partie adverse, s'estétode plusieurs affirmations espagnolesrelatives au recours

de la force et aux mesures pénales canadiennes. Laissantde côtél'accorddes Nations Unies

de 1995sur lesstocks chevauchantscar il n'estpas pertinentpuisque ni l'Espagneni leCanada ne

sont des Etats contractants, il nous présenteun panorama presque idyllique de l'amendement

introduit par la loi C-8 dans la section 25 du code criminel canadien. 11s'agirait de limiter le

recours àla forceaux cas gravesdans des situationsde self-defence,mais il accepte expressément

qu'ilpermet aux dénommés agents dela paix de recourir à la force pour causer la mort ou des

lésionscorporelles graves dans certaines circonstances; cela bien entendu pour protégerla vie

humaine et uniquement de façon exceptionnelle, pas tous lesjours (CR 98/12, p. 9, par. 48). W

Voyons si lesfaits coïncidentavec un diagnosticaussi favorablement réductionniste. Evidemment,

l'Espagneconnaîtle problèmed'inconstitutionnalitédela législationpénale canadienne car ilallait

à l'encontre de la Charte canadienne des droits et des libertés,ce qui est significatif en soi

(Commons Debates, 14 février 1994,p. 1333,annexe 2 du dossier présenpar l'Espagnele 8juin

dernier).

A la Chambre des communes, M. Dhaliwal, secrétaireparlementairedu ministre des pêches

et des océans,a reconnu expressément l'applicationaux navires de pêcheen haute mer de la

législationpénalecanadienne qui permet de causer la mort ou des lésionscorporelles graves; il

ajouta mêmel'extravagante affirmation selon laquelle cela serait corroboré parla pratique -23 -

internationale quant à l'usagede la force dissuasive en mer contre des bateaux étrangers (ibid.,

p. 1316). Le député Bernier luirappela que l'applicationallait êtreexécutéen dehors dela limite

des200milles dans deseaux sousjuridiction canadienne, c'est-à-dire,en haute mer (ibid, p. 1317).

Le député Cumminslui dit que, compte tenu de la permission donnéeaux ((agentsde la paix))

d'employer des armes, tôt ou tard, il y aurait des morts (ibid., p. 1318). Le député

Benoît Sauvageau a affirmé, àpropos du Concordia, navire battant pavillon des Etats Unis, que

l'emploide la force en haute merne résoutaucun problème(ibid., p. 1325). Et plusieursdéputés

firent allusionà l'absence de titrejuridique du Canada pour légiférer ehaute mer concernantdes

navires étrangers (ibid.,p. 1325et 1333).

Conclusions de base de ce débat : primo, le Canada est dépourvude titre juridique pour

étendre saIégislationpénaleenhaute mer; secundo,lerecours à laforce en mer impliqueun risque

évidentde perte de vieshumaines;tertio, les parlementaires canadiensn'ontpas perçul'application

de la loi pénaleen haute mer commeune hypothèseexceptionnellecomme tente de leprésenterla

partie adverse, sans que laself-defencepuissejustifier, en termes de droit international,le recours

à la forceà l'encontrede navires de pêche étrangers au-delà des 200 milles.

Notre adversaire canadien, faisant un effort bien logique pour minimiser l'impact de la

Iégislationpénalede son pays, fait certainesaffirmations surprenantes :son but principaln'arien

à voir avec les pêcheries(CR 98/12, p. 9, par. 47) et je lui pose la, question suivante :

l'applique-t-on,dans certaines conditions, aux navires étrangersen haute mer, oui ou non ? Il

continue en affirmant, imperturbable,que les amendements introduitsdans la section25 du code

criminel ont pour objet de protégerla vie humaine(CR 98/12, p. 10,par. 49), étant donné que la

Iégislationantérieure était excessivemenp termissivequant au recours à la force (CR 98/12, p. 9,

par. 49); cette approchenous laisseperplexes. Quelgenrede viehumaine peut-on protégee rn tirant

sur des navires de pêche étrangerd sans les espacesmaritimes non canadiens, ou est-ce que notre

adversaire soutient qu'ils'agitd'unespace maritime canadien ? Il faut dire oui ou non.

Danscet ordred'idéeso , npeutsouligneruneaffirmationcommune ànoscollèguescanadiens.

L'agentdu Canada a soutenu quenous parlons de ((mesuresde gestion et de conservationqui sont

tout à fait classiques dans la pratique des Etats))(CR 98111, p. 18, par. 45); le second conseil a - 24 -

égalementglisséla thèse selon laquelle les «mesures» d'exécutio(enforcement) que lesofficiers

canadiens peuvent adopter en haute mer, sont normalesdans la pratique coutumière(CR 98111,

p. 42, par. 58);notre troisièmeadversairesoutienten faisantlanuance,que chacun sait c'estune

question de bon sens- que les arraisonnementsdes bateaux depêche «at sem exigentle recours

à la force et qu'ils sontpermis par l'article2flde l'accorddes Nations Unies de 1995sur des

stockschevauchants,sansqu'ilprêtelamoindreattentionau faitquecetaccord n'estpasen vigueur

et ne lie aucun Etat (CR 98111, p. 59, par. 35 et 36). Le stratagèmede la Partie adverse est

finalement couronnépar l'intervention deM. Weil, qui aprèsavoir soutenu que la loi canadienne

de 1994 «ne parle pas de juridiction étatique sur des zonesde la haute mer» (CR 98/12, p. 30,

par. 10) se contredit immédiatementaprès en affirmant que les mesures adoptées pendantles I

incidents constituent «des actes..courants et classiques en cette matière))(CR 98/12, p. 33,

par. 19), et que «ce sont ces mesures on ne peut plus classiques du droit de la men) (CR 98/12,

p. 39, par 33). Mais êtes vousbien sûr que ce soit vraiment le cas en haute mer

Cetensembled'affirmationsglisséesdanslesinterventionscanadiennesdelasemainedernière

sontextrêmementgraves. Elles impliquenu tnereconnaissanceréelledel'élargissemenm t atérielde

lajuridiction canadienne sur la haute mer. En effet, on ne peut pas admettre l'applicationde lois

nationales à des bateaux étrangers dansun espace non ((nationalisé)).Nos illustres collègues

peuvent-ils expliquer où se trouve cette pratique, mêmcoutumière,classique, bien connue, qui

permet le recours à la force en haute mer à l'encontre de bateaux étrangers,en marge des w

dispositionsrestrictives imposéespar lesarticles 110et 111de la conventiondesNationsUnies sur

le droit de lamer de 1982? Où sont reprises ces pratiques si usuelleset courantes dontvous nous

parlez tous? Ce que noscollèguesfont,tout simplement, c'est élargilres pouvoirs decontrôledes

Etats sur les espaces maritimessoumisà leurjuridiction ou souverainetéen haute mer. En haute

mer, il n'existe pas de pratique de contrôle comme celle que vous évoquezqui n'aille pas à

l'encontredu droit international. - 25 -

Monsieur le président,Madame et Messieurs les juges, je vais conclure mon intervention.

Ce fut une granderesponsabilitéetungrand honneur pourmoide défendreles intérêtsdm e on pays

devant vous. Je voudrais vousremerciertrèssincèrementde l'attentionet de la courtoisie de tous

les membres de Cour pendant les audiences. Merci beaucoup.

Monsieur le président,je vous prie de bien vouloir donner la parole à mon collègue le

professeur Remiro Brot6ns.

The PRESIDENT: Thankyou, Professor Sanchez. 1 cal1on Professor Remiro

M. REMIROBROTONS : Monsieur le président,Madame, Messieurs les Membres de la

Cour.

1.Persistance dudifférend

1. Jeudi dernier,nous avons entendu l'agent canadiendire: «que le différendait étéréglé,

comme le croit le Canada, ou qu'ilpersiste, comme le soutient l'Espagne,est indifférent auxfins

de la présente procédure)). 11poursuivait: ((c'esttrès délibérément en toute connaissance de

cause que le Canadaa limitéson objection à la questionde lacompétence dela Cour au regardde

la réserve».LeCanada,a conclul'agent,«n'apas entenduetil n'entendpasaujourd'hui,fonder son

objection àla compétencedela Coursur autre chose que saréserve. C'estsur ce problème, etsur

nul autre, que la Cour est appelée statuer» (CR 98111,p. 21-22, par. 56-62).

2. L'Espagneconsidère dèslors que, sans préjudice dudevoir statutaire qu'a la Cour de

vérifierl'existenced'undifférendentretats pourexercersafonction, leCanadaarenoncéauxchefs

d'irrecevabilitét,elquecelui selonlequel la requête appelliteulementauprononcéd'unjugement

déclaratoire.

II. Le différend soumis à la Cour par l'Espagnene concerne pasla gestion
et la conservationdes pêcheriesc ;elles-cirelèventde la
compétencede la Communauté européenne

3. Puisqu'ilconcentre son opposition à la compétencede la Cour sur la dernière de ses

positions, celle de l'alinéadu paragraphe 2 de la déclaration,le Canadadoitàprésentaffronter

une situationdélicate.L'Espagnesoutientqu'enqualité d'Etatsouverain,elle n'estpaspartie directe - 26 -

à un différend quelconqueavec le Canada sur la gestion et la conservation des pêcheries,une

questiondont lacompétenceaétéentièrementtransférée àlaCommunautéeuropéenneparsesEtats

membres. Le différendentre l'Espagneet le Canadaest d'uneautre nature et l'onpeut leconstater

dansl'objetde larequête.Or, si le différendestautre, il n'a passa place dans lecadre de laréserve

canadienne. S'ily a différend,la Cour a compétence (CR9819,p. 43, par. 10-11).

4. Le conseil du Canadaqui s'estoccupéde ce problèmel'abien compris, mais quandil a

falludonner uneréponse,il n'atrouvéque desépithètes etnon des arguments;pire encore,il a dû

recourirà des simplificationset il a commisdes erreurs de droit élémentaires.Il suffit derevenir

au raisonnement exposépar l'Espagnelors du premier tour de plaidoiries pour s'en convaincre

(CR 9819,p. 41-45, par. 6-16). Précisons, néanmoinsc ,ertains points.

5. Le premier, c'estqu'ilexiste diversescatégoriesde compétencesdont certaines, comme

celle qui concerne la pêche,ont étéentièrementtransférées à la Communauté,cependant que

d'autressont encoreexclusivementrestéesdescompétencesétatiques. 11suffirapour l'illustrer de

prendreen considérationladéclarationrelativeàlacompétencede laCommunautéeuropéenne pour

l'ensemble des matièresrégiespar l'accord surdes stocks chevauchants. Elle a étéfaite par la

Communautéet par chacun des Etats membres en application de l'article47 de cet accord.

6. Il y est dit, expressisverb:«La Communautérappelle que ses Etats membreslui ont

transféré leurs compétencesà i'égardde la conservation et de la gestion des ressources marines

vivantes. En conséquence, dansce domaine, il incombe à la Communauté d'adopterles règleset

réglementationsutiles (qui sontappliquéesparlesEtats membres)et il entre dans ses compétences

d'engager des actions extérieures avecdes Etats tiers ou des organisations compétentes. Cette

compétences'applique à l'égarddes eaux relevantde lajuridiction nationale en matièredepêche,

ainsiqu'à la hautemer.» (Par. 5; les iQliquessont de moi.)

7. L'accord d'avril1995entre la Communautéet le Canada se base sur cette compétence

exclusive, L'accordsur des stocks chevauchantsest, en revanche,un accord mixteauqueldoivent

êtreparties tant laCommunautéque lesEtatsmembres àtitre souverain puisqu'ilcouvreégalement

des compétences étatiques. A cet égard,la déclarationprécitéeprécise : «Lesmesures relatives à l'exercicede lajuridiction de 1'Etatde pavillon sur ses
naviresen haute mer, en particulier les dispositionsconcernant notamment laprise ou
l'abandonde contrôle de naviresde pêchepar des Etats autres que 1'Etatdu pavillon,
la coopération internationalel'égardde l'exécutionet de la récupération du contrôle

de leurs navires, sont de la compétence des Etats membres dansle respect du droit
communautaire.)) (Par. 7, alinéa2.)

8. Tant laCommunautéquetous lesEtats membres sont d'accordpour affirmer que lesfaits

à l'originede larequêteespagnoleont à la fois donnélieuà des différendsavec la Communauté

et avec l'Espagne.

9. Lesnotesdiplomatiquesdu 12mai 1994et du 10mars 1995,reprisesdans le mémoirede

l'Espagne,sontparticulièrementexpliciteà cetégard(voirmémoiredel'Espagne,annexe 18,vol. 1,

p. 301; et annexe 11, vol.1,p. 53). La dernière d'entre elles affirmeque l'arraisonnement d'un

navire dans les eaux internationales paruntat qui n'estcelui du pavillon est«(a) serious breach

of internationalaw (which)goesfur beyondthequestionofjîsheries conservation. Thearrest is

a lawless act against the sovereigntyof a member Stateof the EuropeanComrnunity.»

10. Malgrédes erreurs de dates, ces notes ont été égalemené t voquéespar le conseil du

Canada comme étant desnotes de la Communauté (CR 98/12,p. 53-55, par. 75 et suiv.). Mais

comme il ne l'ignorepas, ces notesémanentde la Communauté et de ses Etatsmembres. De plus,

il s'agit de notes mixtes, précisément parce qu'ellec soncernent des compétencesen partie

communautaireset en partie étatiques. L'adoption dpositions communes est caractéristiquede la

coopérationintergouvernementaleentre lesEtats membres del'Unioneuropéennedans lesmatières

non transféréesà la Communauté.

11. Ensuite, le fait que les notes de protestation mentionnéescoïncident avec les notes

espagnolesquant àleur conceptionne doit pas nous surprendre. Va-t-on pénaliserla coordination

et la cohérence? Les deux séries de notes,contrairement à ce qu'avancele conseil du Canada,

démontrentque la Communautéet les Etats membres sontconscients de l'existence dedifférends

spécifiques et distinctsdont l'unopposel'Espagneau Canada.

12.Cherchant à battreenretraite,leconseildu Canadaaffirme «[qu']ilest impossibled'isoler

un différendportant sur des questions de droit international général,et plus particulièrementde - 28 -

compétence étatique,d'undifférendportant sur des mesures de gestion et de conservation des

ressources vivantes de la mer» (CR 98/12, p. 57-58, par. 89).

13. Cette thèse, qui anéantitles droits souverains des Etats membres de la Communauté

découlantdupavillon, ne paraît pas tenir debout;je me limiterairappeler ce qu'adit la Cour dans

l'affaire relative aux Otages. La Cour y a souligné- ordonnance du 15 décembre 1979-

((qu'aucunedispositiondu Statut ou du Règlement nelui interdit de se saisir d'un aspect d'un

différendpourlasimpleraisonquecedifférendcomporteraitd'autresaspects)) (C.I.J.Recueil 1980,

p. 19, par. 36). «Si la Cour)), dit-on dans l'arrêt du 24mai 1980 relatif à la même affaire,

((contrairementà sa jurisprudence constante, acceptait une telle conception, il en résulteraitune

restriction considérableet injustifiablede sonrôle enmatièrederèglementpacifiquedes différends

internationaux»(ibid., p. 20, par.7).

14.Finalement,le conseil du Canada (CR 98/12,p. 57-58, par.89) a cru trouver l'argument

qui, selon lui, ((condamnede manièreirrémédiable la théorie espagnole desdeux différends)).Il

pense la détecterdans le fait que le Canada n'auraitpas eu besoin de la réserveintroduitedans sa

déclarationdu 10 mai 1994 pour exclure de la juridiction de la Cour les différends avecla

Communautéeuropéenne, étant donné que cette dernière,qui n'estpas, commevous le savez, un

Etat, est dépourvuedu droit d'agir devantla Cour.

. . 15.Je regrette de gâcherleplaisir demon illustreconfrèreduCanada parce quedans lahaute

mer adjacente à la zone économiquedu Canada, les Espagnols(et les Portugais) ne sont pas les w

seuls prétendus«pirates». Il y en a également qui naviguenten battant le pavillon respectable

d'autresEtatsqui sont oupourraientêtrepartiesau systèmede laclausefacultative. En 1994,c'était

à eux et non aux Espagnolsque les dispositionscanadiennesétaientdestinées,ainsique l'éclairent

les débatsparlementaires.

16.Monsieurle président, Madameet Messieurs les membresde la Cour, si leCanada avait

étéconvaincu deses arguments,il aurait contestéle locusstandi de l'Espagnedevantla Cour. Or,

il n'apas encoreoséle faire et maintenant,faute de munitions,il est obligé delancerdes bouffées

de fumée. - 29 -

III. L'objet de la requêten'est pas l'objet de la réservedu Canada

17. D'aprèsle Canada, c'est surl'objection la compétence dela Cour fondéesur la réserve

de l'alinéa du paragraphe2 de sa déclarationet sur nulle autreque la Cour est appeléeàstatuer.

18. Cette affirmation cristalline nous permet de constater que le défendeur ne veutpas

apporter de réponseaux points relatifs à l'objetde la requêteespagnole. En réalité, Monsieulre

président,tout se passecomme si le Canada avaittransforméson argumentquant au défautd'objet,

pour ne plus en faire un motif d'irrecevabilitémaisbien d'incompétence.En effet, il semble se

contenterdésormaisde direqu'iln'ya plus d'objet parce quele seulobjet qui comptec'estcelui de

sa réservetel qu'il ledéfinit.

19. Retranchéderrière sa réserve,le Canada veut imposer l'identificationde I'objet dela

demande avec l'objet de laréserve; tout cela dans lebut de remplacer le débat surle titre de

juridiction et le recours à la coercition par un débatd'un autre ordre, sur la gestion et la

conservation des pêcheries.

20. L'Espagnedéplore que leCanada ne se soit toujours pas engagé à renoncer au recours

à la force en haute mercontre des navires battant pavillon étrange,n particulier espagnol. Bien

au contraire. En vertu d'une interprétationcaptieuse de l'accordde New York sur les stocks

chevauchants,leprojetde loi C-27 confirmelesdispositionsles plusinacceptablesde la législation

envigueurpour imposerune compétencepourlaquelleledéfendeurestdépourvu detitre. Le projet

de loi C-27 enfreint l'accordde New York, dont le Canada se proclame l'instigateur (CR,98111,

p.11,par. 14), même avantson entréeen vigueur.

IV. La juridiction : les principes

21. En ce qui concernelajuridiction, ily a un fait révélate:l'agent dudéfendeurdemande

à la Cour de statuer sur la réservedu Canada(CR 98111, p. 22, par. 62), un point c'esttout. Un

conseil de la Partie adverse a soutenu, à tort selon moi, que l'Espagne accusaitle Canada

d'interpréterla réservecomme une pièce séparée sane sn apporter la preuve (CR 98111, p. 52, -30 -

par. 9). En voici une:les paroles mêmes de l'agent. L'agentdemande à la Cour de statuer sur la

réserve.Nous considérions,que surcepoint, ilfallait statuersur la déclaration dontlaervefait

partie.

22. Dans ces circonstances, il me semble judicieux que'Espagneait rappelé quel'ondoit

donner auxréservesla portéelaplus limitéepermise dans lecadre durespectde la règlegénérale

d'interprétatiodestextesjuridiques internationaux(CR 9819,p. 58,par. 11). Le Canadarecherche

le contraire.

Monsieurleprésidentj,'aiencorequelquesconsidérations àfairemaiscomptetenude l'heure,

peut-êtreque vous souhaiterez interrompre maintenant?

The PRESIDENT:Thank you so much. The Courtwill rise for 15minutes.

The Court adjournedfiom 11.15 to 11.30 a.m.

The PRESIDENT :Please be seated. Professor Remiro.

M. REMIRO BROTONS : Monsieur le président, Madame, Messieursles Membres de la

Cour, commeje disaisavant la pause,l'ondoit donnerauxréserveslaportéela plus limitéepermise

dans le cadre du respect de larèglegénérale d'interprétatidne textesjuridiques internationaux.

23. L'un des conseils du Canada attaque ce principe, plein de bon sens, en employant le

stratagèmebien connu qui consiste àle couper en deux, faisant ainsi disparaître la partie qui lui

donne sa significationcomplète. On nous fait dire que l'Espagnedéfendlaportéelaplus limitée

permise desréserves, àsavoir,une interprétation restricde celles-ci(CR98111,p.52,par. 6, 9).

Ce n'estpas exact. L'Espagne soutient laportéela plus limitéepermise dans le cadredu respect

de la règlegénérale d'interprétationnoncée à l'article31de la conventionde Vienne sur le droit

des traités. Monsieurle président,Madame,Messieurs les Membres de la Cour, méfiez-vousdes

morceaux choisis. - 31 -

24. Un autre conseil du Canada, reprenant un point de vue déjà soutenu dans le

contre-mémoire,nous a parlédu caractèregénérique des mesuresde gestion etde conservationet

de leur inépuisablecapacité évolutive (CR 98111, p. 39, par. 52). «Une catégorie juridique)),

disait-on déjà dans le contre-mémoire,

((n'estjamais limitéeauxexemplesconnusqu'ellerenferme.11ne viendrait àl'espritde
personne dedire à un naturaliste qu'unspécimend'unenouvelle espèceanimale n'est
pas un mammifere, un poisson ou un insecteparce que cette espèce était auparavant
inconnue))(contre-mémoire deCanada, p. 43, par. 91).

C'estvrai,à condition,bien sûr, que l'onne prétendepas qu'unmammifère soitun insecte ou qu'un

insectesoit unpoisson. Sinon,lescatégoriesseraientaussi arbitrairesquecellesde l'Empirecéleste

des connaissancesbénévoles, l'encyclopédie chinoisequi divisait les animaux enfonction d'une

classificationquicommençaitpar ceuxappartenant à l'empereuret finissaitavecceuxqui,de loin,

ressemblent à des mouches. D'autre part,il est évidentque les termes génériques s'adaptenatux

circonstances. Cependant, dans notre affaire, moins d'un an s'est écoulé entrele'dépôtde la

nouvelle déclaration canadienneet les faits qui ontdonnélieularequête.L'évolutiondu sens des

termes est unechosemais leurvolatilitéen estune autre. Mon collègueKeithHighet y reviendra.

, 25. Un troisièmeconseilcanadiennousproposeune réservequeje qualifieraide ((hautement

polluante)). A soncontact,toutemanifestationdejuridiction devientstérile.Laréservecanadienne

est un trou noirdans le firmament de la clause facultative qui doit êtrerespectée on le répète

sanscesse (CR98111, p. 12-13,par. 22) - si l'onveut éviterun cataclysmedans le système. Fort

heureusement, la Cour ne s'est paslaisséeinfluencerpar ce genre de présagesdans le passé.

26. Le moment est venu de récupérerle bon sens. Ce que nous débattons concernantla

compétence,ce n'estpas seulementla réserve invoquéeparle défendeurmais toute sa déclaration

d'acceptationde lajuridiction de la Cour. Moncollègue,le professeur ShnchezRodriguez a parlé

déjà à ce propos.

27. L'undes conseils du Canadaa fait abstractionde laprincipale prémissedu raisonnement

espagnol, à savoir l'existence d'une déclarationûment déposée, pour dire que l'Espagneprône

l'existence d'une règle générale(general rule) de consentement de la juridiction de la Cour

(CR 98111,p. 52,par. 7). Le conseiln'a,ni bien lu,ni bien entendu. UnEtat est libre de déposer - 32 -

une déclaration d'acceptatiode lajuridiction mais s'illefait, ilfautconsidérer- c'estune question

de cohérence et debonne foi - que son but, en formulant des réserves,est d'affecter lemoins

possible la portée de lajuridiction en principeacceptée. Toutceci en respectant, bien entendu, la

règle générald e'interprétatides textesjuridiques internationaux. C'estainsi que seréalisel'effet

utile de la déclaration, lesréserves y compris.

28.Il y a vingt ans déjà,un conseilde la Grèce a exprimébrillamment le mêmecritèredans

des ternes que l'onne peut que partager. Il présentaitla question de I'interprétatdes réserves

et se demandait :«cette interprétation doit-elle être extensou restrictive - extensive de la

réserve etdonc restrictive de la compétence, ourestrictive de la réserveet donc extensive de la

compétence ?» Il se répondaità lui-même qu'is lerait plus juste de dire que cette interprétation W

«doit êtrestricte, c'est-à-dire qu'elle tiser à donner effetà l'exclusionfaite par la Grècede

certains différends,à toute cette exclusion, mais seulement à cette exclusion...Etendre cette

exclusion au-delà de ce qu'elle implique nécessairement seraitpeut-êtreaussi compromettre la

mission de règlementdes conflits dont plusieurs membres de la Cour ont récemmentsoulignéle

caractèreprééminent) (affaire du Plateau continental de la mer Egée,C.I.J.mémoires, laidoiries

et documents, p. 392-393). Je suis convaincuque le professeurWeil nedémentirapas aujourd'hui

ce point de vue.

29. Le droit international est le cadre normatif de référence pour l'interprétation dle

déclarationdu Canada commede n'importequelle autre. Dans ce sens, l'arrêr tendu dans l'affaire w

de la Mer Egéeest un précédens tans équivoque(C.I.J Recueil 1978, p. 31-32, par. 74-76). Cet

arrêt, quiconcerne l'interprétatid'uneréserve à lajuridiction de la Cour contenuedans un traité,

a, semble-t-il, séduitle défendeur. En effet, il s'appuiede façon réitérée srelui-ci malgréla

critique - injustifi-e qu'ilfait de lran,alogiede ces réservesavec celles des déclarations,aux

effets de l'interprétation (98111, p. 31et suiv., par. 28 et suiv.; p. 52, par. 8).

30.-Lors du premier tour d'interventions,l'Espagnea donné des raisons,qui n'ont pas été

contredites par le défendeur,pour concrétiser dansle système deI'OPANO lecadre de référence

pour I'interprétatide la réserve canadienne(CR98/10, p. 12,par. 28). Le Canadan'apas établi

de signification spécialepour les termes de sa réserve.n'apas dénoncé la convention OPANO. -33 -

II l'autiliséeexpressémentpour fixer le champ de son application territoriale. De la sorte, le

conceptdes mesuresde gestion et de conservationdes pêcherieset leur exécutionne peuvent être

que des conceptsOPANO. De plus, rappelons qu'au moment dela promulgation de la loi C-29,

le Canada ne prétendait pasdépouillerI'OPANOde sa compétence pourédicter des mesuresde

conservationetdegestion;enrevanche,ilprétendaitseconvertir,defaçon unilatérale, enchampion

de l'organisationdans une zone horsde sajuridiction.

31.A l'intérieur dusystèmeOPANO,nous devonsétablir, dans le cadrede la déclaration,le

senscourant destermes de la réserve,de bonne foi, en attendant son objet et son but. C'estce qui

répond à l'intentionréelle,objectietjuridiquementrelevantedudéclarant.Rechercherl'intention

dans les travaux préparatoiresou dans les circonstancesentourant le dépôt dela déclarationsàrt

confirmer l'interprétation déduitee l'application dela règlegénérale oàéliminerles doutes en

cas d'ambiguïté;mais elle ne peut pas se superposer la conclusionà laquelle on arriveàmoins

que cette dernièrene soit absurde. C'estce que nous dit lajurisprudence constante de la Cour.

32. Dans laprésenteaffaire,le défendeuressaiede mettresur le mêmepied la règlegénérale

et certaines circonstances entourant le dépôt dela déclarationpour l'interprétation dela réserve

(CR 98111, p. 14, par. 27). Nous connaissons le débat parlementaire de la loi C-29, qui est

postérieurau dépôtde la déclarationet que, bien entendu, la réservene mentionne pas. Mais, il

faut le souligner, nous ignoronstout des travaux préparatoiresde la déclarationdu 10 mai 1994.

33. Ceci dit, l'Espagne considère que dans le cadre du droit international et plus

particulièrement, dans celui deI'OPANO,le sens naturel des ternes employéspar la réservedu

Canada, mêmesi leur signification est générique, ne couvre pas et ne peut pas couvrir comme

mesures de gestion et de conservation, l'objetd'une requêtsur le titre juridique d'unEtat pour

exercersajuridiction sur des navires battantle pavillond'unautre Etat en haute mer, un espace, un

concept et un terme qui n'ont pasla sympathiedu défendeur.

34. D'autrepart, il est évidentque le titre étantunpréalablelogiqueà toute mesuredans

l'ordreinternational, il est impossiblequ'undifférend surle titre puisse êtreenvisagé commeun

litige auquelpourrait donner lieu - un différendarising out or concerning- une mesure de

gestion et de conservationdes pêcheries.Je me demande si c'estpour cela que l'undes conseils - 34 -

du Canada a glissédans son interventiondes verbes de liaisonplus favorables àsa cause, comme

parexemple, celui quiest pris de laréservede la déclarationde Grècequinous parle de différends

ayant trai...(CR 98/12, p. 49, par. 64; voir aussi, CR 98111, p. 19, par.48).

35. Le Canada a répété à satiétéqu'avec la loi C-29, il ne s'agissaitpas d'étendre les

compétencescanadiennesmaisbiende prendredesmesuresd'urgence à titreprovisoire(CR 98111,

p. 11, par. 18 et p. 16, par. 37). Si le Canada n'avaitpas l'intentiond'étendresa juridiction,

comment espérait-ildonner effetaux dispositionsde la loi C-29? Dansla réalité, cettjeuridiction

a été exercédee façon indue et coercitive, la loi C-29 continuetreen vigueur et cellesqui sont

proposéespour la remplacer conservent leurs aspects délictueuxdu pointde vue international. Le

dispositif répressifdemeure en étatet la menace qu'il constitueaussi.

36. L'Espagne a,par ailleurs, insisté surles différencesentre l'al4nédu paragraphe2 de

la déclarationdu 10mai 1994 et le même alinéa du mêmeparagraphe de la déclarationfaite

le 7 avril 1970. Ces différences sontoutà fait concluantes(CR 98/10,p. 12,par. 26). En 1970,

quand le Canada a voulu exclure «les différends auxquelspeuvent donner lieu ou qui concernent

lajuridiction ou les droit invoqués ouexercéspar le Canada))(C.Z.J.Annuaire1970-1971,no25,

p. 50-51) en ce qui concernait alors la conservation, la gestion et l'exploitationdes ressources

biologiquesde lamerdans les zonesmarinesadjacentesaulittoral canadien,il l'afait expressément.

37. S'il voulait, en 1994,exclurede la compétencede la Cour lescomportementsmaintenant

dénoncésl,e Canadaaurait dû rédigersa réserve d'unefaçondifférente; cependant,il a choisi une (ir

rédaction minimalisteafin d'égarerles soupçons, ceux de ses parlementaires à l'intérieurcomme

ceux de ses partenaires sur la scèneinternationale. L'undes conseils du Canada nous a dit avec

finesse que la réservede 1994 «describes the matters at issue more specifically, and more

concretely))que cellede 1970(CR, 98/12, p. 21, par. 91). C'est direlemoins, si l'ontient compte

dufait qu'en 1970,leGouvernementdu Canadaconsidéraque ses réservesimpliquaientseulement

((limitedandclearlydefned exceptions))(ILM,cit., p. 612). Le Canadaaeu la déclarationde 1970

sous les yeux mais il l'adélibérémentécartéIe l.s'enrepentsûrement à présent,comptetenu de sa

situation actuelle. Mais il est déjàtrop tard et il ne peut pasprétendreque lesjuges modifientou

complètentles termes de la déclarationen l'interprétant. - 35 -

38.Bien que lesdéclarationsparlementairesnemanquentpasd'élémentscontradictoires ,on

peutaffirmer que l'intention duGouvernement canadien en défendantle projet de loi C-29 au

Parlementétait avant tout decombattre,dans la zone de réglementation deI'OPANO, lesactivités

desnaviresbattantdespavillonsdecomplaisanceetcellesdesbateauxpirates (aujourd'huifantômes,

étantdonnéqu'ilsont disparu des discours canadiens). 11est vrai que, pour s'entenirà sa lettre,

la réservedu Canadaaffectetous lesnavires pêchantdans la zonede réglementationde I'OPANO,

à condition, évidemment, qu'ils'agisse de différends relatifs aux mesures de gestion et de

conservationdes pêcheries.Mais si lesmots ont dépassé l'intention , Canada devrait répondre,

en tout cas, aux expectatives soulevéeschez les tiers debonne foi. Le moins que I'onpuissedire

desmessagesparlementairesduGouvernementcanadien,c'estqu'ilsontétééquivoquesettrompeurs

(etpas seulement pourl'Espagne),en semblantréserveraux seuls((bateauxpirates))l'applicationde

sa législation.

V. Conclusion

39. Le Canada a démontréa ,u cours des audiences, qu'il manque dewillingnesspour agir

devant la Cour mais il a donnéson consentement;c'estl'Espagnequi peut invoquer aujourd'hui la

déclarationdu 10mai 1994y compris l'alinéa d) du paragraphe 2 pour affirmer la compétencede

la Cour dans cette affaire. Les déclarations, comme lestraités,ne sont pas desflonsdepapier

et lesEtats ne peuventet ne doiventpas se défaireaussiaisémentdes obligationsauxquellesils ont

pris le risque de souscrire. Un des conseils du Canada s'est plaint que I'on ait qualifiéle

comportement du défendeurde «barbare» (CR 98/12, p. 38, par. 29). Quel autre qualificatif

pourrait-onluidonner ? Tout comptefait, il n'est peut-êteas simauvais, lesbarbaresonteu leurs

moments de gloire. Ils en finirent avec'Empireromain et nous ont plongépour des sièclesdans

l'obscurité.

Monsieur le président,Madame, Messieurs les Membres de laCour, j'ai fini mon exposé.

Je vous remercie de votre bienveillante attention. Monsieur le président,je vous prie de bien

vouloir donner laparole à mon collègueKeith Highet. - 36 -

The PRESIDENT: Thank you,Professor Remiro. 1cal1on Mr Highet.

Mr. HIGHET: Thank you Mr. President. Mr. President,Members of the Court,

Introduction

1. Listeningto Canada's rebuttallast week, we were surprised to hear how really easy they

seemedto think thatthis case was. We do not think that this is an easy case. It is far from being

easyor moot. And, although Canada'scounselmay appearto think that it is "open-and-shut",we

cannot agree.

2. Our view is doubtless shared by some Members of the Court. There are some difficult

arguments, some grey areas, some delicate questionsof understandingand appreciation. Matters .rir

like this cannot be dismissed as being "easy"to decide.

3. Somyjob today isto addressmyselfto some ofthe principal"problemareas" thatwe can

perceivethat Canadahas pointed out,in relationto Spain's caseon interpretation. We would hope

that this would be helpful to the Court. 1will then explain how, in Ourview, those issues could

and should be addressed and answered. And following that, 1will restate and reconfirm Spain's

case in relation to the matter of the interpretation of the Canadian reservation.

4. At the outset,Mr. President,1needto make a minorproceduralobservation. Surely Spain

didagree, in May 1995,to the order in whichthe Court decidedto hearthe Parties. We are by no

means raising this issue in a negative or any other sense at this stage, Saveto point out that the *

orderof the pleadingsand therelative positionsofthe Partiescanhardly avoidgiving an impression

that Spain is advancing something affirmatively, and that Canadais respondingto it defensively.

It isin fact, and should be,the other way around: Canada mustbe viewedas advancing something

affirrnatively- Le.,that her reservation excludesthe Court'sjurisdiction- and Spain is seeking

to establish a negative- Le.,that it does not.

5. Althoughthe idea of "burden ofproof' has little bearinghere, itis nevertheless, aswe al1

know, impossible in any litigation to make the "burden of persuasion" evaporate, or fa11

equally - like the moming dew - on both Parties. We must therefore take pains to remind

ourselves that it is Canada which has the burden of persuasion as to her reservation. And it is - 37 -

Canada which is seeking toestablish a broad exceptionto a larger commitrnentthat she has made

to the jurisdiction of the Court.

Canada'sCriticismsAnswered

6. There seem tobe six principal areas where Canada hasraised difficulties with Ourcase.

The Reservation 1sUseless

7. First,CanadacomplaïnsthatOurinterpretation ofherreservationdeprivesit ofal1meaning

and renders it absurd. Reservation2 (4 speaks in express terms of applying "conservation and

managementmeasures" in areas which by definitionare high seas. Canada's counselasks us how

we can makethe argumentthat conservationandmanagement measurescannotby definitionoccur

on the high seas, without also concludingthat the Canadian reservation cannot apply to anything

at all'.

8. The answer is that Canada's subjectiveintent does not have to correspond with the

objective requirementsof internationallaw. If those requirements indicatethat acts of interference

with the freedom of the seas can never properly be classified as being "conservation and

management measures", it followsthat the Canadian reservation ispro tanto a nullity. It did not

achievewhatit had setoutto achieve - forthe simplereasonthat thewords itusedare impossible

to use in their context consistentwith international law.

9. In addition, the doctrineof effectivenessdoes not requirethe Courtto remedya lacuna or

cure a fallacy. This is particularlytrue, Mr. President, when a State has worded a resewation to

satisfi domestic concerns, failing to recognize that it is international law andnot domestic law

which must interpret the scope and meaning of the words used.

10. Permit me to expose my leamed friends to a few more "ifs". Assumethat State X has

aresewation excluding"disputesarisingfiom anyincidentinitsexclusiveeconomiczone", andthat

State X also has promulgated an"exclusiveeconomic zone" of 500 nautical miles. If an incident

'Cf.Mr.Willis,pointIbCR 98.112,p.12-15,paras59-67. -38 -

occurred at sea some 350 nautical miles offshore State X, would it be protected by its reservation,

or would it not?

11.The Court would have to decide whether to replace, in the name of llefJetutile,the

non-existent 500-mile "zone" with "high seas". Such a replacementwould however graft on to the

reservation a content which would have been quite alien to the intention of the declarant.

12. In Our case there is a further problem. Canada has specified "the NAFO Regulatory

Area" - also known as the high seas. But Canada has done more than (wrongly) identifi a

location. She has also specifiedthe nature of the actionsthat would be covered by the reservation,

under a non-existent rubric. Theactions which Canada seeksto protect do not exist in international

law.

13.In short, one cannot make something effectivethat is, in law, ineffective. And this does

not violatethe principle of effectiveness or fly in the faceofl'effetutile.From the beginning,there

was never any effetto be made utile. The lack of "utilité"of the efJetis Canada'sdoing, not

Spain's. The duty to provide a useful interpretation in light of contemporary international legal

standards is Canada'sproblem, not the Court's. The incoherence was present from the start.

14.A further answer is that in Canada'sview there isutility. Canada may seek to apply

non-coercive measures of conservation and management, by requesting vessels in the NAFO area

to complywith what Canadamay considerto be herconservation andmanagement rulesinthat area

in order to eliminate overfishing. And as 1said in the first round, Canada has already had an effet

utileby being able to object to jurisdiction - without its objection being disregarded in limine.

This may be a pretty lame effet utilebut in Spain'sview, with respect, it is a very lameresewation.

Again, it is not for Spain or for the Court to remedy what is in essence a legal solecism of historic

proportions, constituted by the Canadian misdirection of its own resewation in the heat of the

debates on Bill C-94 in May 1994.The Reservation Occupies the Field

15. The seconddifficultyasserted by Canada (Mr. Willis) is that Spainshould explain how

the enactment of the Canadian Law and the prospective exercise of State power in 1994 can

constitute a dispute "otherthan"a reserved dispute. There are two answers.

16. First, although, in respect of thestai incident the dispute between Spain and Canada

concerningthe exerciseof State power maybe seen as arisingout of or concerningthe application

and enforcementof "measures"in the NAFO Regulatory Area, those measuresare only measures

of conservation and management in the eyes of Canada. They are neither "conservation and

management", nor "measures":,in international law.

17. The second answer would bethat the Estai incident arose out of the application of the

Law, as to whichthere was clearlya dispute beforethe incident. These questionscould well have

beenchallengedbySpain incourtevenbeforeCanadianauthoritiesacted againsttheEstaior other

vessels. And, indeed, the record shows that Spain vigorously protested the adding of Spain and

Portugal to the Regulations in early March 1995,before the incident.

18.Theseissueswould therefore havefallenunderthe general termsof Canada'sacceptance

ofjurisdiction andwould not have been excluded by any relevant reservation. They would quite

clearly have madeup a "legal dispute"conceming "(b) any question of internationallaw", within

the meaning of Article 36, paragraph 2, of the Statute.

19. In addition, Mr. President, even if the Estai matter were "settled" today, Spain'scase

could continue in the Court. Spainwould possess standing on its own behalf; there would be a

subsisting "dispute"; there would be a "question of international law" within the meaning of

Article 36, paragraph 2, and there would be a "dispute arising after the present declaration with

regardto situationsor facts subsequentto this declaration"within the meaningof paragraph (2) of

the Canadian optional clause declaration of 10 May 1994.

20. Yet Canada maintainsthat even if the dispute does not "ariseout oj",it nonetheless

"concerns"c ,onservationandmanagement measurestaken byCanada - andthereforefalls within

the reservation (Mr. Hankey, CR 98111, pp. 36-37, para. 45). -40 -

21.The basicanswer is thatthe dispute is notabout conservationandmanagement measures,

and so it can neither "arise out of' them nor "concern"them - or their enforcement. We said at

the outset that the case is not about fi-h at leastnot now. No one isarguing aboutGreenland

halibut. No one is arguing about the size of fish, or the width or size or length of nets, or the

maximum allowable catch. The dispute does not involve any element of the conservation and

managementmeasures so carefully detailedby Canada'scounsel,whoseexpositionwas interesting

but quite beside the point.

22. And to the contrary: those measures- whether the unauthorized acts of Canadian

authorities,or the Regulations, oreventhe technicalprovisions ofthe Lawitself - donot specifi,

or mention, or even contain anything that could suggest, the actual issues in dispute. The w

Regulations do not contain language that claim authority to act on the high seas. The Law does

not proclaim Canadian sovereigntyover the high seas. NeithertheLawnor theRegulations even

mentionsthe "high seas". The euphemistic zona1designation of the "NAFO ~e~ulatoryArea" is

employed throughout.

23. What it al1boils down to Mr. Presidentis that thedisputeinthiscase is a disputeabout

the validiy of the exercise of Statepower, not about the details of fisheries conservation and

management. It concerns a basic assertion of extraterritorialjurisdiction by Canadathat permitted

Canada to enact its Lawto take the positionthat shetook. Thedisputeconcernsthe Law itself,the

international law andgeneral noms of non-interference,of respectfor sovereigntyof other States,
i~ii
of regard for international law, of recognitionof internationalrules concerningthe freedom ofthe

seas, and adherenceto the internationallaw concerningthe use of forceother than in self-defence.

Mixture of Jurisdiction and Merits

24. The third point,mixture of jurisdiction andmerits need notdetain us long. This point

is that Spain'sargument requires the Court to examinethe merits ofthe case in orderto determine

whether the reservation can be applied. And this is said to be contradictoryto the whole purpose

of preliminaryobjectionsor objectionstojurisdiction,which isto preventexaminationofthemerits

of a case where there is no jurisdiction. - 41 -

25. It is saidto be paradoxical,since Spainmay "win"onthe preliminaryobjectionandthen,

uponfirther examinationonthe merits,"lose"inthe sensethatthe Courtmaythen upholdCanada's

basic premise. This, says Canada, is a fatal and a noxious circularity. My colleague

Pierre-Marie Dupuywill shortlytellthe Courthowthis objectionwas perceivedas a canard as long

ago as the 1920s.

26. The short answerof course,isthat Canada's reservationis ratione materiae, and soitruns

that "risk" by definitionand as 1 pointed out last week, such a risk is almostinevitable.

27. Moreover,the procedures ofthe Court are fully adequate to protectthe interests ofthe

Parties. The Courtmay always decidethat an "objectiondoes not possess, inthe circumstancesof

the case, an exclusively preliminarycharacter"and mayjoin itto the merits2.This occurredasyou

al1know, only last week, in the Judgrnenton Preliminq Objections in the Land and Maritime

Boundary case between Cameroon and Nigeria, where the Court concluded that the eighth

preliminary objectionof Nigeria did "not possess, in the circumstancesof the case, an exclusively

preliminary charactern3.

Restrictive Definition

28. My fourthpoint, Mr. President,is restrictive definition. A relatedobjection by Canada

isthat under Spain'sinterpretationof the reservation,only measures "consistentwith international

law" would be coveredby it (Mr. Willis, CR98/12, point (b),pp. 11-17, paras. 55-78).

29. The answeris that we are not sayingthat certain measures can only be includedif they

are "acceptable" in international law. The question is that they can only be "conservation and

management measures"if they areacknowledgedas such underinternationallaw and practice,and

then and only then included. Canada haslefl out the essential, definitional,step.

30. The fact is that they could not constitute "measures" of the requisitetype except in the

Canadian optic.

- --

2Rules,Article79, par7.

3Judgmeno tf11June1998 (typescript),. 55,para.117.The Seamless Web

31. The fifth point is the seamlessweb. This isthat if Spain'sinterpretationof theCanadian

Declarationwerecorrect - everyresewationwouldbe a seamlessweb, andthere wouldbeno end

to litigation.

32. My fiiend Prosper Weil has producedthe charming metaphor of a magic wand- une

"baguettemagique'* that canbe wavedbySpainover anyknownresewation and makeitdisapped

simplyby superimposing,or extrapolating,claims of violationsof internationalnoms ontop of its

specificterms. One cannot get around the plain languageofa reservationsuchas Canada's,we are

told,by pouring Ourold wine into a larger, newer, bottle and putting a fresh label on it6.

33. My friend ProfessorWeil identifiesthis asthe veryheart of Ourcase - "lecoeurmême -

de la thèse espagnole1".And he adds that what Spain fails to recognize is '?'unitfondamental

entre les donnéesconcrètesd'unequestionsoumise aujuge et les règlesde droit qui lui sont

applicables".

34. We are invitedto recall earliercases where the Court or its Chambers foundno need to

verifi jurisdiction to consider and apply international law principles unrelated, forexample, to

maritimedelimitation,suchasestoppelandacquiescence- orotherprinciplesandrulesofgeneral

internationallaw such as the international lawof territory,the rulesof eflectivités,of utipossidetis,

rules of treaiy interpretation, and the rule against the use of force.

4CR98/12, p. 43, para. 45.

'Suffirait.. . de constater qu'undifftrend ainsi exclu de la compttence de la Cour en raisonde son objetmet en
cause des normes de portéeplus large, apàld'autres chapitres dudroit international, pour que,par un coup de
baguette magique, laCour se trouve investiede la compétencepour enconnaître?"(Id.,p. 43, para. 45).

6C~98/12, pp. 34-37, paras. 21-27.

'"L'Espagnesoutient quela réserve canadienne, qàitla Cour de se prononcersur les mesurescanadiennes
de gestion et de conservationet exkcution,n'interdiàla Courde se prononcersur le respectou la violation
par le Canada des normesqui dtterminent la lictitt internationalede ces mesures,en particulierle principede la libertt
de la haute mer et le principede l'interdictiondu recouC'estcela le coeur mde la thèseespagnole."
(CR 98/12, p. 40, para. 35; emphasisadded). - 43 -

35. From these examplesProfessor Weil infers a "unitéessentielle,fondamentale, entrela

compétencepour connaître d'un dzflérenddonné etla compétencepour faire application des

principes et règles,fissent-ils deportée plus vaste, gouvernantce dzjiérend .. ".

36. Yet what my friend may have forgotten is that a distinction must not only be drawn

between (i) the legal principlesused for analysis and appreciation of internationallegal questions

and (ii) the substantive legal rules that are applied to determine the outcome of disputes. Issues

evaluated andinterpretedbytheapplicationof principlesare notthe sameas disputesinwhichhard

rules are applied to decide whether there is, or is not, a violation of those rules. That is the key.

37. Nor are the Spanishclaims relating to use of force, and sovereignty,and lack of title to

exercisejurisdiction on the high seas merely repetitionsor reformulationsof applicable "règlesde

droit''. Theyare claims under the substantivelaw of the sea and generalinternationallaw - not

claims under "conservationand management" law.

"Self-Destruction"

38. A final point registered by Canada'scounsel is that a reservation, if it attaches to a

subject, will remove it totally fromthejurisdiction of the Court. It is likethe exclusionaryrule of

contaminated evidence in the 'UnitedStates federal courts - known asthe "fruit of the poisoned

tree" doctrine.

39. Thus Professor Weil stated that: "dèslors que le dzjiérendse rapporte à l'objetdé$ni

par la réserve,il est exclu de la compétencede la Cour quelle que soit la nature ou laportéedes

règles dont la violation est alléguép ear l'Etatdemande~r"'~. This effect is what my colleague

Professor Remiro Bretonsreferred to as ajurisdictional "black hole". In Professor Weil'swords:

yd]ès lors que l'Espagneadmet que le dzflérendse rapporte aussi aux mesures de gestion et de

conservationprises par le Canada, elle admet qu'il estcouvertpar la réserve"".

'Id.,p. 42, para. 43.

'ProfessorWeil, id., p. 41, para. 38.

''Id, p. 44, para. 48.

"Id., pp. 28-29,para. 5. -44 -

40. Perhaps this difficultycan be resolvedif another distinctionis made: this time between

the facts givingrise to adisputeandthe internationallawrulesappliedto resolve it. If there is only

one set of facts,and onlyonedispute,then its considerationwill be blocked if a reservation works.

If there areseveral sets of facts, so that onecan perceivemorethan one free-standingdispute,then

how can one dispute be blocked by a resewation attaching to the other?

41. For example: the Spanish claimof Canadian wrongful exercise of powers on the high

seas is not merely a way arounda resewation that would otherwisebe fatal to Spain'scase. It is

not a requestto the Courtto examinethe sarneissueswith different labels. It is a fully independent

claim of rightunder internationallaw,presentinggenerallegalquestionsthat are independentofthe
w
specificactivitiesof Canadainwhat sheconsidersto be her"conservationand management"efforts.

42. It does not, in fact,relate "aussiauxmesuresde gestion etde conservationprises parle

Canadarr,sincethat would placethe two causesof action on muchthe same plane. It thereforeal1

depends on what is meant.bythe word "aussi",or the word "also".

43. If Professor Weil means by "aussi"that one dispute is ineffect the same as the other,

then he must be right. But that is a begging of the question. If what is meant by "aussi"is that

the seconddispute may incidentally,or maybe in addition, describedas "also"havingelements of

the first; andif not al1the elementsof the secondare includedinthe first,then there are obviously

elements which are not poisoned, which are not sucked into the black hole by reason of being

"autodestructrice"12.

44. To self-destruct, the claims must be CO-extensiveand identical. If they are merely

incidentallythe same, butone can standalonewithout "contamination"fromthe other,then we are

spared from self-destruction,and jurisdiction will attach.

canada's Case Analysed

45. The heart of Canada'sdefence, exemplifiedby al1their speeches, is one appealing to

subjectivity and not objectivity in the interpretation of reservations. As such it merely defines

I2Id.,p. 29, pa5.. -45 -

conservation and management measures by reference to Canada's "intentions", 'par leur

objet" - by the end sought by Canada, rather than by the means employed.

46. Professor Weil'scharacterization of "dtfSérenddséfinis par leur objet"is instructive. It

surely seems to lead to numerous possibly unreal circularities. The idea advanced in his

teleological definition of excluded dispute^' is interesting, but illusory. Whereas the intention of

a govemment may be very important in determining the meaning of ambiguous words in a

reservation, itdoes not reclassify the nature and type of dispute contained within it.

47. The intent may be mistaken, or it may be uninfonned. The "objet"of a dispute is a

subject-matter that can be identified. But the objective of a govemment in drafiing a reservation

may be used in the act of identifying or refining the"objet"against which a reservation is sought,

but it is not thesame idea.

48. Themeasures inquestion inthis casewere not "conservationand management"measures.

They did not take place under Canadianjurisdiction, or in Canada, except for the enactrnent of the

law. The measuresagainstthe Estaioccurredon the high seas,outside Canada'sjurisdiction. They

occurred on the decks of a ship flying the Spanish flag. Theywere therefore devoid of authority14.

Inmy last pleading 1made a point about resistance to authority,with which the master of the Estai

was charged. How that was possible is beyond me. Rather than constituting any orderlyprocess

ofgovernmentalaction - orconstitutinganygovernmental "measures" - thethingsthat happened

thatinvolve the Estaiwere legally wanton acts of brigandage on the high seas. They were not the

acts of a State authority.

49. Their identification as "conservation and management" measures does not therefore

depend on the "ends" sought by Canada, but on the "means" eiected by Canada. Otherwise, a law

restricting the importation of'steel, for example, for the manufacture of fish-hooks could be

considered as "as falling within the reserve" since it would concern the fisheries conservation and

management measures of Canada.

131d,p. 43, para.44.

I4Cf.Mr.Hankey,CR98.11,pp.37-40,paras.46-53; Mr.Willis,id, pp.54-57,paras.18-29. - 46 -

50. The teleological examination applied todeterminethe contentof the reservation- the

"objet"of the disputeor the type of dispute -therefore does not necessarilydeterminethe actual

natureof the disputeitself. In thepresentcasethe Partiesobviously disagree aboutboththe content

of the reservation clauseand the natureof the disputeas to whichjurisdiction beforeyou is sought.

The conflict is not helped by definingthe means by the end.

The Precedents

51. Mr. President, Canada's analysisis also, curiously, contraryto the relevant precedents,

curiously, they support- and do not undermine- Spain'scase.

52. The Anglo-IranianOil Co.case has been drawn to Ourfrequent attention". Whatdoes
*
it tell us? In fact, it tells us that the meaning ofthe Iranian reservationwas to be determined by

the intentions of the Majlis, as then expressed. That the meaningof the reservation in this case is

therefore to be determined by the intentions of theCanadian Government, but that should be in

May 1994, not in March 1995.

53. We have alsobeen chided bycounsel for "virtually ignor[ingIwthe AegeanSea caseI6.

And have been helpfully provided with an excellent summary of part - but not al1- of the

relevant reasoning in that case". Smarting fiom that gentle rebuke, we rushed back to the books

and re-readthe AegeanSea case with great care, and, to Ourdelight andastonishment,discovered

that the centralpiece of the Court'sreasoning - the keystone or clefde voûte of its analysi-

seems to have escapedthe notice of OurCanadian colleagues. It precisely supportsSpain'scase. w

Here is why.

54. The Court'scentral reasoningaboutthe Greek reservationto the GeneralAct was based

on its recognition that international law would govern the interpretationof the terms used in that

reserve, to arrive at the conclusion that

"SeeMr. Hankey,id.,pp.30-31, paras.23-27.

1SeeMr. Hankey,id.,pp.31, para.28.

"Cf.Mr. Hankey,CR98111, pp.37-40,paras.46-53; Mr. Willis,id.,pp.54-57,paras.18-29. "the territorial régime . .. of a coastal State comprises, ipso jure, the rights of
exploration and exploitation overthe continental shelf to whichit is entitled under

international la^"'^.

Now, although intertemporal law may operate to enlarge a concrete subject-matter, like the

territorial rightsof Greece, in light of its subsequentexpansion into submergedland off the coast,

itcannottransformone subject-matter(conservation and management)into another(abuseofrights

on the high seas).

55. We might add, here,that the AegeanSea case can be adaptedto the present situationin

an interesting and instructive way. The Court will remember that Greek reservation (b) excluded

"disputes relating to the territorial status of Greece".

56. Imaginethat a neighbouringState X had invadedGreece, and that Greece had instituted

proceedings underthe GeneralAct of 1928. Could State Xthen rely (by reciprocity) onthe Greek

reservation?

, 57. State X wouid assert that since the invasion took place on and over "the territory of

Greece", andthat, since some of the rights of aninvading State - this is of course hypothetically

before 1945 - (by subjugation or conquest) would be rights "relating to the territorial status of

Greece", no casecould be brought in respectof the invasion. The disputeor cause of actionwould

"aussi"- to quote my friend Professor Weil - relate to the territorial status of Greece.

58. Andtoparaphrase hiswords inthis hypotheticalcontext: 'Yd]èslorsquela Grèceadmet

que le dzflérend se rapporte aussi" - and 1 stress the "aussi"- "austatut territorial de Grèce

aflectépar les actions de 1'Etat X, elle admet qu'ilest couvert par la ré~ewe"'~.

Spain'sCase Restated

(1) The heart of Spain's caseis that Spain has a number of dzflerentclaims asserted against

Canada, of which the claim relating spec@cally to the seizing of the Estai is only one.

59. Spain'sclaims relatingto unwarrantedinterferencewith Spanishsovereigntyonthe high

seas,the use of force in internationalwaters, the exerciseof governmentauthority generallyon the

- -- - - --

I8~egeanSea ContinentalShelf;I.C.J.Reports 1978,p. 36, para. 86 (emphasisadded).

''Id.,pp. 28-29,para. 5. - 48 -

high seas, are not merelyclaims of violation of general legalprinciples that may come into play

when evaluating and analysing legal issues, but arise from violationsof substantivelegal rules.

60. The "non-conservation" and "non-management" claims of Spain are claims under

substantive noms and rules such as the law of the sea, the law of State responsibility,the rules

against non-intervention, non-interference,and the use of force in international waters.

(2) The Canadianreservation has no objective reality or validiv under internationallaw, and
should not be given efJectby the Court to block Spain'sapplication unlesssuch objective
validity or reality can be given toit.

61. The "conservationreservation"therefore excludesnothing,since it canapply to nothing.

It is inappropriatefor Canada to demandthat its subjective intentcontrol the Court. That intent I

maybe importantifnot conclusiveonthe question ofthe objectandpurpose ofareservationin the

"mind" of a declarant State. But to follow Canada's argumentso far as to make that subjective

intent controlling - both as to interpretation of motive andas to validation or identification of

subject-matter - would push the Court'sjurisprudence over the edge and violate Article 36,

paragraph 6, of the Statute. If "intentand purpose" can be coniusedwith "scopeand authority",

everytaskof interpretationwould becomeacircularexercise. Lacompétence delacompétence will

have been replaced by I'intentionde I'intention.

62. The appropriate context in which Canada's reservation2 (4 is to be examined and

interpreted is therefore that of international law - particularly in areas as delicate as those

concemingthe use of force and the pre-emption of the fi-eedom ofthe seas. Andthis is fully and .1

completely confirrnedbythe Court'sJudgmentin theAegeanSeaContinentalShelfcase, and there

the Court said,just 20 years ago, that: "The dispute relates to the determinationof the respective

areasof continentalshelfoverwhich Greeceand Turkeyare entitledto exercisethesovereignrights

recognizedby international The right recognized.

63. There isnootherway fortheCourtto functionunderitsStatute. Article 38,paragraph 1,

Statesthe Court's"functionis to decide in accordancewith international law such disputes as are

submittedto it". In this case, Canadian domestic legislation suchas Law C-29,which considers

- - -
"~e~eanSea ContinentalShe& I.C.J. Reports1978, p. 35,para.85 (emphasadded). - 49 -

that Canada can exercise regulatory powers over foreign vessels on the high seas, cannot "trump"

or dominate the time-honoured ruleof international law of the fieedom of the high seas. Nor could

a Canadian rule of interpretation - iike a domestic rule of conflicts of laws apply to eliminate

the internationalrule of interpretation that would apply international, and not Canadian, law.

64. It makes no difference to the application of international law in the interpretation of

Canada'sreservationthat shehas - incontrastto paragraph 2 (c)of her declaration- omittedthe

phrase "by international law" fiom paragraph 2 (4, and it is not hard to understand why she did

so. To have included it expressly in paragraph2 (4 would have been absurd on its face. It would

have exposed the Achilles heel of the Canadian reservation to the arrows of Paris.

(3) Evenif theCourtcanfind thatthereservationcan applytosomething, itdoes notapply to this
instance sincethe Estai incident was withoutauthori@

65. The incident may have been an "enforcement of such measures" in the eyes of Canada,

but it was so under Canadian law only. It was not so under international law. Internationally

speaking, the actions of Canada are without authority. When the Canadian enforcement officers

stoppedthe Estai,they did so without authority. When they boarded the Estai,they did so without

authority. Whenthey arrestedthe captain and crew, they did so withoutauthority. And when they

turned the Estai around toward St. John's,they did so without authority.

66. These actions, without authority, cognizable in international law, may seem or have

seemedto Canadianpoliticians tobe valid "conservationandmanagement measures", butthey were

only such under Canadian law and in Canadian eyes and opinion. They continue to be so today,

as the Court has heard at length. Yet they could not have constituted "conservation and

management measures" cognizable under international law and practice.

(4) Moreover,Spainhasa disputewithC&nada involvingutleastthree otherclaims:for anillegal
extensionof its nationaljurisdiction overthehigh seas; for the illegal useofforce; andfor
violation of Spanishsovereignq on the highseas.

67. Each of these three claimsis independentof the claimsspecificto the Estai incident and

to the specific application of the Coastal Fisheries Protection Amendment Act of 1994, its

implementingRegulations, to Spanish vessels in the NAFO Area. - 50 -

68. All ofthese claims relateto a disputethat existedbeforethe Esiai incidentoccurred and

that would continueto exist even if the Estaiincident were somehow"settled" or resolved.

69. Noneof these three claims is the productof a circumventionof the reservation,or ofthe

superimpositionof general principles that couldbe present in many disputes such as "good faith"

or pacta suntservanda. What is included are substantive rules of application: rules of decision

drawn from the law of the sea, and the law of non-intervention, non-interference, andrespect for

sovereignty.

70. They are causes of action, Mr. President, independentfrom the particular instance of

application of what Canada considered to be mere "conservationand managementmeasures", or

their "enforcement".

71. My intervention last weekwas addressed to questions of interpretationof the optional

clause. 1 sought to demonstrate that Ourcase is not open-and-shut andit is not "moot"; that

Canada'sreservation2 (4 must be interpretedby applying standardsof internationallaw as well

as looking at Canada'sdeclared "intentions"; that Canada musttake responsibilityfor the factthat

the reservation'sfet utile is not as substantialas Canada mighthave wished; that the reservation

couldhave beendraftedto achievewhat we were al1told wereCanada's purposes;andthat thecase

does not "trenchon the merits" any more thancould have beenexpected witha reservation ofthis

type-

72. Mostimportantof all, 1soughtto explainto the Courthowthere is moreto this casethan W

merely a questionof "conservationand management",how itincludescertain important causes of

action that were not addressed by or includedwithin the scopeof the reservation,as to which the

Court has, and should retain,jurisdiction.

73. Mr. President, and Members of the Court,1submitthatthese conclusionshave not been

defeated in any way by the rebuttal argumentsably put forwardby Ourfiiends on the other side.

In considering and in responding to the intricateand energetic arguments made by Canada last

week, we have only arrived at a firmer convictionof the correctnessof Spain's case.

Mr. President,1would liketo thank youandthe Membersofthe Court foryourattentionand

invite you, Sir, if you maycal1upon my fiiend and colleague,Professor Pierre-Marie Dupuy. - 51 -

The PRESIDENT: Thank you Mr. Highet. 1cal1on Professor Dupuy.

M. DUPUY :

1. «En acceptant lajuridiction de la Cour, les Gouvernements sontlibres de la limiter de

façon radicale. Il peut en résulterque le champ d'application de l'acceptation de ljuridiction de

la Cour soit réduità peu de choses. Les Gouvernements ont,en tant que dépositaires des intérêts

qui leur sont confiés, pleinementle droit d'agirde cette manière. Leurdroit de formuler des

réservesnon incompatiblesavec le Statutn'estplus en doute. Mais lepoint de savoir si lepeu qui

reste est ou n'estpas soumis à lajuridiction de la Cour doit êtretranchépar la Cour elle-même.

Toutes conditions ou réserves tendant à priver la Cour de ce pouvoir sont contraires à une

dispositionexpressedu Statutet à lanotion mêmd e'octroi dejuridiction obligatoirede laCour,telle .

qu'elle est contenuedans l'article 36,paragraphe6.))'

2. Ainsi s'exprimait, Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges,

sir Hersch Lauterpacht dans son opinion individuelle(individuelle,pas dissidente) sous l'arrêd t e

la Cour en l'affairedesEmprunts norvégiens.La citationest longue,j'enconviens,mais enfin elle

dit tout, ou presque !

Elle confirme en particulier le corpusjuris s'appliquantaux déclarationsde reconnaissance

de votrejuridiction dontj'ai eu l'honneurde retracer les éléments dans ma plaidoirie de mercredi

demie? :principe duconsentement à lajuridiction,caractèresuigenerisdesdéclarations,recherche

et identification de l'intentionexacte du déclarantau moment de l'émission de la déclaration,

intégritéde la déclaration,empire du principede la bonne foi, application«par analogie))dudroit

des traités, fidélitincontournable, enfin,au Statut età la Charte.

3. Ce corpusjuris, vous aurez noté qu'aucun des distinguésconseils du Canadane l'aremis

en cause la semaine dernière. 'Toutes lesrèglesénoncées par l'Espagneont été soit implicitement

'AffairedesEmpruntsnorvégiens, rrêt u 6juillet 1957,C.I.J.Recueil1957,p. 46; les italiquessont demoi.

lCR 98/10, p. 36-56; pour le constat de l'obligationde conformitéde la déclaau Statut,voir plus
particulièrementr.19à 22 et 3à37. - 52 -

reconnuesapplicablessoit même réitéréec s,mmedanslaplaidoiriequeprononçaM. Hankeyjeudi

matin3.

Pourtant, enmêmetemps, l'ensembledes plaidoiriesadversesa éloquemmentmontréque le

Canadareste plus attachéque jamais à la conception de la libertéabsoluedu déclarant,telle que

je l'analysaisdevant vous l'autrejour. Ses talentueux conseils nous l'ont assez répété :ce qui

compte, c'est l'objetdes mesures, tel qu'ila étéfixépar le Canada4.

A partir du moment où,par qualijicationtirée deson seul droitinternes,le Canada, et lui

seul, décide qu'une action rentre dans le cadre d'application des ((mesures de gestion et de

conservation)),l'appréciationde la légalitde ces mesureset celle de leur exécutionéchapperaient

inexorablement à votrejuridiction.

4. La question centrale qui se pose à ce second tour est donc la suivante : commentle

Canada réconcilie-t-ilcette position radicale avec l'acceptationau moins impliciteque sa

déclarationdoit respecter votre Statutet donc la Chartedes NationsUnies ?

5. J'aieu l'honneurde vous rappeler lasemaine dernièrela constancede votrejurisprudence

à cet égard. Jevous citais, il y a un instant, le témoignage desir Hersch à ce sujet.

Personne danscette salle nedoute quele Canadaait eu en vue les((mesuresde gestionet de

conservation))des pêcherieslorsqu'ila adoptésa nouvelle déclaration. Mais cela suscite deux

interrogations.

D'abord,eu égard à la façondont il a rédigécette déclaration,dont laréserven'estqu'une

partie; eu égardégalement à la façondont ses responsablespolitiquesse sont exprimés à l'époque,

pouvez-vousvouscontenterde cetteaffirmationpourconsidérerquecettepréméditationcanadienne

échappe à votrejuridiction ? Ce sera là le premier temps de mon intervention.

Pouvez-vous,ensuite, en fonctiondes circonstanceset des modalitésde la prise del'Estaiet

du harcèlementdesnavires de pêche espagnolsdurant lamêmepériode,admettre quelafaçon dont

'CR 98111, p24etsuiv.

4CR98/12, p. 32par.16.

'CR 98111,p.56.57par.27. - 53 -

leCanadacomprendles((mesuresde gestionet de conservation))vouspermetde recevoirsaréserve

sans déroger à la Charte elle-même ? Ce sera là la seconde et dernièrepartie de mon propos.

1. La stratégie canadienneet ses implicationsjuridiques

6. Jeudi dernier, M. Hankey vous a dit que les principes gouvernant l'interprétation de la

clauseoptionnelleavaientété énoncéspar lC aour dansdeuxespèces,votrearrêr tendudansl'affaire

de 1'Anglo-IranianCo. et celui prononcédans l'affaire de laMer Egée6.11en omettait ainsi bien

d'autres,mais enfin, soit ! Ces deuxespèces sonten effet importantes,nous l'avionsdit avant lui7,

et elles le sont pour lesraisons qu'ila lui mêmeénoncéest,out au moinspour les deux premières,

qui sontdites par la Cour elle-même,alors quela troisièmeest de son cru :ces affaires montrent

qu'unedéclarationselon l'article36, paragraphe 2, doit, d'unepart, être lue selon le sens naturel et

raisonnable de ses termes, afin d'identifierl'intention ((objectivée))n ,ous disait-il, dans le texte

lui-mêmee ;lles illustrent,d'autrepart,larègle selonlaquelle larecherchedecette intention peutêtre

éclairée par l'examendes circonstanceshistoriques et politiques ayant présidé à sa formulation8.

Il est vrai que le Canada invoquecettejurisprudence au gréd'unestratégiequ'ilne s'agitpas

tant icide dénoncerque d'analyser. Ce sera à la Cour d'entirer les conséquencesqu'elle entendra.

A. Les éléments de la stratégie canadienne :

7. Tout en disant respecter les critères de1'Anglo-IranianCo. et de la Mer Egée, au-dessus

de laquelle, il est vrai, d'autres, avant eu,e sont brûlélesailes, les conseilsduCanadaprivilégient

l'objet des ((mesures de gestion et de conservation)) sur toute autre espèce deconsidération.

Cependant, les distinguésconseilsdu Canada traitent un peu la notion d'objetcomme la tribu des

Jivarosle faisaitjadis avec les têtes de ses ennemis : commechacun sait, ilsles coupaient d'abord

du reste du corps, puis ils les réduisaientensuite aux proportions de leur choix.

6~~ 98111, p.30-33,par. 22 et suiv.

'plaidoiriedeP.M.Dupuy,CR 98/10,p.40,par.8;p. 45, par18;p. 47,par. 24;memoirede l'Espagne,78,par. 62.

'Note6, supra. - 54 -

L'unique objet de leur assentiment, c'estcelui de la réserve,sans égard pour celui deleur

propredéclaration;sans égardn ,onplus,pourl'embarrasdesproposalorstenuspar leursdirigeants;

c'està fortiori l'objetde laréservesanssepréoccuperde savoirs'ilcoïncideaveccelui de larequête
i
déposée devanv tous par l'Espagne.

8.Alorsjouant ainsi enquelquesortelesdocteursjivaro, unconseilduCanadanousdit :«the

phrase «conservation and management))covers the wholerange ofmeasurestakenby Stateswith

respect to the living resources of the sea~~et aussi que «[t]he geographical area where these

measuresapply will, of course,vary»'O.

CependantM. Hankey,pas davantagequeM. Willisaprès lui, nerétablissentla réservedans

le cadre de la déclaration canadienne«as a whole)). L'un avait pourtant affirmésa foi dans 'i.J

l'intégritédteoutedéclaration,dont les réservesnesont qu'unélément1l'';autreavait considéré que

l'idéequi incite à faire de la réserve une interprétation restrictive,partirait indûment de l'idéeque

lajuridiction de la Cour est une règlegénéralel,a réservelui apportant exception''.

C'est làfaireune grave erreurd'interprétation et trahir, précisément l,eprinciped'intégritéde

la déclaration.

La reconnaissancesolennelledejuridictionn'estpasunprincipe général maiu sn engagement

particulier. 11est propre à la déclarationcanadienne,dont le premieralinéase lit commesuit :«le

Canadaaccepte comme obligatoirede pleindroitet sans conventionspéciale ...lajuridiction de la

Cour en ce qui concerne tous les différendsqui s'élèveraientaprès la date de la présente I

déclaration)).

'CR98111, p. 38, par.48.

1°lbid.,p. 39, par.51.

"Ibid., p. 26-28,par. 10-14.

I2C~98/11, p. 52, par7. - 55 -

Pour respecter l'intégritéde la déclaration,c'est par référencàe l'obligatioà l'égardde

laquelle elle prend son sens qu'ilfaut interpréter laréserve,non par rapport au droit international

général, quipose seulement la règlede libertédu consentement13.

9. Au surplus, aucun des conseils du Canada ne s'estrisqué à mentionner,encore moins à

contester le faitquele ministredespêches, comme plus encoresoncollèguedesaffairesétrangères,

avaient insistéàdessein, pour calmer les inquiétudeet les scrupulesde leursparlementairessur la

distinction établie entre les{(bateauxpirates))et les navires des Etats membres de I'OPANO.

Dans une version à dessein très clean, les intentions des dirigeants canadiens sont ainsi

aseptisées, et l'onn'enretient dans les propos de M. Willis, s'appuyantcette fois sur le texte de la

législationcanadienne elle-mêmeq ,ue l'idée qu'ells'appliqueà tous les navires14.

10.Mais nousavons assistéla semainedernière à une nouvelleentreprisede réductionnisrne

du champ juridique de votre intervention. Vendredi matin, le professeur Weil vous disait :

«LorsqulunEtatassortitsadéclaration d'acceptationdelacompétenceobligatoire
de la Cour d'uneréserveexcluantles différendsayantun certain objet, il lui dénie par
là-même,nécessairementet automatiquement,compétencepour faire applicationdes
principesetrègles quiauraientrégiledifférendconcretdontelleest saisiesicedernier
n'avait pas été soustrait sa compétence- et ce alors mêmeque ces principes et
règlesauraient un champ d'application plusvaste que l'objetdes différendsvisés.))"

11. Cette affirmation doit êtr,ereinementmais trèsfermement, dénoncéeC . ontrairement

à son apparence, elle ne facilite aucunement le problème dedroit soumis àla Cour- celui des

modalitésjuridiquesd'examende sa propre compétence - maiselle contribuetout au contraireà

l'obscurcir. Sonauteur l'adu resteénoncée sous sa seuleautorité,sans pouvoir trouverappui dans

lajurisprudence ni dans la doctrine.

Elle relèved'uneconceptiontronquée dela façon dont procèdelejuge international. De

même que cedernier est le seuljuge de sa propre compétence,de mêmeil n'estnullement limité

dans l'utilisation des moyens de droit qu'il pourra invoquer pour confirmer ou infirmer cette

I3voirplaidoiriedeP.M. Dupuy,CR98/10p. 47-48,par.24.

I4CR98/12, p.21,par.94.

''CR98/12, p. 43, par.44.compétence.Il puiseralibrementlui-même, dans les sourcesde l'article38, les règlesde droit qu'il

considère appropriées à cette opération.

12.Il ne faut pas confondre les règlesprocéduraleset matériellesapplicablesà l'examende

la compétence avec celles quela Cour pourra être amenée à utiliser pour statuer au fond. Une

chose est d'appliquer le Statut ou les règles de la Charte pour s'assurerde I'invocabilitéd'une

réserve,une autre est d'examinerensuite, par exemple,la question substantiellesdes compétences

de 1'Etatsur les navires battant son pavillon.

Mais,dans un cas commedans l'autre,laCour est souverainepourchoisir lesrègles dedroit

applicable. La Cour elle-même aeu d'ailleurs l'occasionde manifester la nécessité pour elle de

soumettrel'appréciation de sacompétence à l'applicationdecertainesrèglesmatérielles.Ainsidans w

l'affairedu Droit de passage sur territoire indie:

«Pour appréciersi, comme le Gouvernementde l'Indele soutient, la troisième
condition énoncée par le Portugal est nulle et si cette nullité entraînela nullitéde la
déclaration quila contient, la Cour doit déterminer le sens et l'effet dela troisième
condition en se référanatu texte de celle-ciet auxprincipes de droit applicables.»'6

principes qu'elle tireelle-même, selonsa propre appréciation,du Statutmais aussi de la Charte.

13.Quiplus est,lanécessairesoumissionde la déclarationdereconnaissancedesajuridiction

au respect de la Charte peut amener la Cour, dèsle stade de l'appréciationde sa compétence, à

l'examenpréliminairede règles substantiellesqu'elleutilisera éventuellement à nouveau unefois

arrivéeau fond. 11n'ya évidemment pourelle, àcet égard, nulle forclusion.
1
Telest le cas enparticulier,dansnotreaffaire,pource qui se rapporteau constatde l'absence

de titre de 1'Etatriveraànlégiféresrur la haute mer ou sur celui de l'usageillégalde lacoercition

qu'il fit dansle même milieu. Comme le disait sir Gerald Fitzmaurice :

«thefact that a tribunal,whenconsideringjurisdiction, may notprononce uponor
determinequestionsappertainingto the merits,doesnotofcoursemeanthatitcannot
heur or consider these where it is essential to do so for the determinationof the
jurisdictional issue))".

I6AffairrelativeauDroit de passage surterritoire indien,exceptionsprélimint u26 novembre1957,

C.I.J.Recueil 19p.,125-153.

"SirGeraldFitunaurice,TheLaw andProcedureof theInternational CourtofJustice, 1986,vol. II,p. 450. 14. C'estaussi et précisément poutrraiter ce type de cas, lorsqu'ilsconnaissent un degré

particulier d'intrication entrele fond et la compétence,que la Cour s'estdonnéla possibilitéde

déclarerque l'exception n'a pas un caractère exclusivement préliminaire. Nous ne sommes

cependantpasdans un cas aussi extrême.On se trouve plutôtdansune situationillustrantun autre

propos de sir Hersch Lauterpacht, lorsqu'une questionde compétenceentretient des liens directs

avec le fond : «ifin suchcases the [tribunal]declinesjurisdiction there is thedanger thatit may

havedoneso by referencetopïeadings whichlack~ompleteness»'~L . a Cour est de lasorteamenée

à faire une appréciation initiale de validité soit dela déclarationelle-même,soit, comme ici,

simplementde l'admissibilitéde l'interprétation qu'endonne le déclarant,en applicationde règles

substantielles dont elle retrouvera pleinement l'usageune fois parvenue au fond. On peut

notammenttrouver l'illustrationde ce procédé dans l'affaire del'Interhandel'g.

15. Mais écoutonsaussi ce que la Cour permanente dejustice internationale, dans son

jugement numéro 6 examinant l'exception à sa compétence soulevée par la ~olo~neen l'affaire

relativeà Certainsintérêts allemands en Haute-Silésie polona diisse:,it

((Dansces conditions,...la Cour nesaurait,danssadécision surcetteexception,
préjugeren rien de sa décisionfuture sur le fond. Mais, d'unautre coté,la Cour ne

saurait décliner sa compétence par ce seul fait,car ainsi elle ouvrirait la poràela
possibilité pourune partie de donner à une exceptiond'incompétencen ,e pouvantêtre
jugée sansavoir recours à des élémentp suisésdans lefond,un caractèrepréremptoire,
simplement en la présentant in Iiminelitis, ce qui est inadmissible.>>20

Et la Cour permanenteajoutait :

«Dès lors, la Cour, en vue de la décisionqui lui est maintenant demandée,
estimedevoiraborderl'examenviséci-dessusquandmême cetexamendevrait l'amener

à effleurerdes sujetsappartenantau fondde l'affaire,étantbien entendu,toutefois,que
rien de ce qu'elle dit dans le présentarrêtne saurait limiter sa complète liberté
d'appréciationl,orsdes débats sur lefond, des argumentséventuellementapportésde
part et d'autre surces mêmessujets.»21

"H.Lauterpacht.TheDevelopmentof InternationalLaw by the InternationalCourt, rev. ed., 1958,p. 113,citépar
sirGerald,op.cit.,p. 450.

'9C.~..ecueil1959, p 24.

20~rrênto6, C.P.J.I. sérieA no6, p. 15. Cette importante question des liens entre règles de compétenceet règle substantielles

invocablesau stade de la compétenceayant été examinéjee, repasse à présentaux implications de

la stratégie canadienne.

7

B. Les implications de la stratégie canadienne

16. La position encore réitérépear les distingués conseilsdu Canada la semainedernière

selon laquelletout ce quiest définicomme ((mesurede gestion et de conservation))par leCanada

lui-mêmerentre inévitablementdans le champ de saréserveet sort donc,du mêmecoup,de votre

compétenceet elle a une implicationtoute simple. Elle aboutit à donner au déclarantun empire

absolu sur votre compétence. En réalité,la lecture de sa réserveque le Canada vous propose w

suppose l'adjonction suivante:((Constituentdes mesures deconservationetde gestion lesmesures

qui sont définiescomme telles par le Gouvernementcanadien.))

Or, vous aurez sans doute reconnu là la transposition presque littérale dela réserveque la

Franceavaitvoulu opposer à laNorvège en 1957,celle-làmêmeque votrejuridiction aprécisément

refusée. Il s'agiten effet de l'unede ces réservesque l'on dit((automatiques))parceque laissant

l'appreciationde leur portéematérielleau seul pouvoir de leurs auteurs,«they operate in such a

way as to Ieaveno scintilla ofjurisdiction to the Courb), selon la formulede sir Robert Jennings

que j'évoquaisl'autre

17.LeCanada prétendd'autantplus soumettrela Cour à son auto-appréciationde la réserve
J
que cette portéea précisément variéa, cours dutemps,depuis l'époque de son émission.En 1994;

iladoptait unedéclarationaffectéede sonalinéa 4. L'applicationdutestAnglo-Iranian + merEgée

nous habiliteà nous référer non seulement au texte littéral dela réservemais aussi aux débats

parlementairesayant donnélieu à son ad~ption.'~

12SirRobertJennings, ((RecentCases on «Automatic»Resewations to the OptionICLQ,uvol. 7,1958,
p.349-366etp. 361citéin CR98/10p.52.

13VoirplaidoirieP.M. Dupuy,98/10,p.48-49par.25-27. - 59 -

Ceci, commeje l'aidit, pouvaitsusciterI'expectationlégitimede l'Espagneselon laquelleelle

n'étaitpas viséepar la révisioncanadienne de sa puisqu'ily avait clairement

établissementde ladistinctionentre les navirespirates et les autres. Ce n'est quele 3 mars suivant

qu'un nouveau règlementa ajoutéles navires espagnols et portugais à ceux concernéspar la

législation.

18. Or, comme vous l'a dit M. Willis l'autre jour, la loi n'est rien sans le règlementet

réciproquement?' . Le champ d'applicationmatériel dela loi avait donc changé entrele temps de

son adoption et celui du complément réglementairq eui lui fut apporté. Mais entre-tempsle texte

de la déclaration, quant à lui, n'avaitpas étémodifié.

Selon le Canada, il n'y a rien à redire à ces extensions successives de l'empire de sa

législation,et sa réserve doit s'adapter aux fluctuationsde sa volontéparce que c'estd'elleseule

qu'ellerelève. Vous, les juges de lahautejuridiction, devez vous taire et accepter sans mot dire

cette,reconnaissance «à géométrie variable)d)e votre juridiction!

19. Puis,troisièmetempsde l'opération canadienneq ,uelquesjours plus tard, l'Estaiest saisi

et d'autresnavires espagnols menacés, leursfilets sectionnés, alors même qu'ilsn'étaient pasen

infiactionavec la Iégislation de I'OPAN. 11s'agit, unefois de plus, de subir l'exclusionde votre

juridiction par cette sorte de DéclarantRoi dans lequel sereconnaît le Canada. 11vous intime de

respecter le diktat de son exclusion de juridiction, mesuréea la seule aulne de sa volonté

souveraine.

20. Alorsje me contenterai,pour ma part,de leurrépondrepar votrevoix en citantl'arrêq tue

vous avez rendu en 1953, en l'affaireNottebohm :

«ToutEtat qui a proclaméson adhésion à la disposition facultative ne peut se
réserverlafacultédefaireprévaloirsonopinion sur lacompétencedela Cour une fois

que celle-ci a été saisiede l'affaire : toute contestation sur la compétence relève
exclusivementde la Cour. A cet égard,aucungouvernementnepeut imposersonpoint
de vue à la (Les italiques sont de moi.)

24Plaidoiree P.M.Dupuy,CR 98/10p. 49-51par.28-31.

zCR 98111,p.56-57.

26C.I.J.Recueil 1953,119.(Lesitaliquessontdenous.) - 60 -

Toute conclusion contraire serait,je pense l'avoir assezdit, contràivotre Statutà son

article 36, paragraphe 6. SirPercy Spender était d'ailleursbien de cet avis lui-mêmelorsqu'il

déclarait:

«Uneobligationjuridique dereconnaîtrelajuridictionde laCourdontl'existence
et l'étenduepeuvent, à l'égardde tout différendparticulier, êtredéfinispar 1'Etat
intéressén,'arien d'uneobligationjuridique.n2'

Yenviens, Monsieur le président,au second aspect qui concerne cette fois la question de

savoirsilesmodalitésdesmesureseffectivementprisespar leCanada peuventvéritablementrentrer

sous sa réserve, la naturedes faits prétendumentcouverts par la réservecanadienne. Cette partie

sera plus brèveque la précédente.

II. La nature des faits prétendumentcouverts par la réserve canadienne

21.Vendredi dernier, un éminentconseildu Canada a très fort déplorl'insistancemise par

l'Espagne sur le fait que les ((mesuresde gestion et de conservation))des pêcheries ne sauraient

comprendre l'usagede la force2',parce que cela serait admettre une interprétationde la réserve

canadienneincompatibleavec la Charte des Nations Unies - tel étaitnotre argument- et, plus

particulièrement,avecsonarticle 2,paragraphe4. Insuffisammentinformé, semble-t-il, e lanature

exacte des moyens effectivement mis en oeuvre,en haute mer, àl'encontredes navires espagnols

par 1'Etatqu'ildéfend,ce conseil y a vu de notrepart une entreprise abusivede dramatisation,sous

forme,disait-il, devéritable ((matraquagerbal»29.Sa dépositionsurce pointpose des problèmes
-
de fait,dont le professeurSanchezRodrigueza déjàfaitjustice. Mais elle pose aussides questions

de droit qui sont les suivantesquelle est la définitionjuridique de l'usagede la force en droit

internationalpublic, d'abord. Dans la mesure,générale,ù cet usage est prohibé,quelles sont les

conditions dans lesquelles on peut néanmoinsl'employeret l'employeren haute mer, ensuite.11

s'agit typiquement en notre affaire de ces questions substantiellesdontje rappelaisàl'heure,

270pinionindividuelledans I'afYairede i'lnterhandel,exception21rmars1959,C.I.J.Recueil 1959,
p. 55-56.

28C~98/12,p.38,par.30. - 61 -

à la suite de la Cour permanente, que leur examen préliminaire,tout en pouvant êtrerepris de

façon plus approfondie au fond, est nécessaire à l'établissementde votre compétence. Et

j'examineraidonc très brièvementla définitionpuis la réglementationdu recours à la force.

A. Définitiondu recours à la force

22. En droit international contemporain, le recours à la force interdit par l'article 2,

paragraphe4, de la Charte ne se limite nullement à la commission d'uned'agression,telle qu'elle

est définiedans la résolution3314 de l'Assembléegénérale. Ainsi que le disait par exemple

M. Krzysztof Skubiszewskidans lemanuel de droit internationalpubliépar Max Sorensen,((there

is use ofarmedforce whenthe latter acts against anotherstate throughmilitaryforces underits

~omrnand))~~ L.e critère est donc double. C'est celui ducaractère proprement coercitif, au sens

militaire du terme, des forces mises en oeuvre. C'estensuite le placement de ces forces sous

l'autoritédes agents de I'Etat. Ainsi, l'usage dela force peut-il êtredéfinicomme celui de la

coercitionmilitaire par des agentsd'unEtatà l'égardd'unautre, qu'ils'agissed'affecterleterritoire,

les personnesou les objets placéssous la compétencede ce dernier.

Si la Cour s'accordeavec cette définitionclassiqueet qu'ellel'appliquà l'appréciation dla

nature et des moyens mis en oeuvre par le Canada, nul doute quant à sa conclusion.

23.Soit,nous répondront nosdétracteurs;maisenfin- d'aprèseux,toujours - ils'agitd'un

usageraisonnable,pondéréd ,e la coercitionmilitaire3'. Jen'entreraipasdans ce propos, Monsieur

le président,non pas seulementparceque l'heure presse,mais parce qu'ils'agittypiquementlàd'un

approfondissementde la questionde fond quiferaitpartie de la phaseultérieure,celle qui concerne

précisémenltes méritesde notre affaire au sens anglais du terme.

Pour l'instant, laréponseproprementjuridique est la suivante: laquestion de l'appréciation

du caractère((raisonnable))ou proportionné de l'usage de la force nous conduit à celle de sa

réglementationen haute mer. Il n'estd'usagepondéré qu'unusage légalementautorisé. Or, il se

trouve précisémenq tue les conditions dans lesquellesle Canada a, en haute mer, fait usage de la

'W. Soerensen,ManualofPublic InternationalL1968, p.747.

"CR 98111,p.59,par.35. - 62 -

force àl'encontre desnavires espagnols ne peuvent pas êtadmises au titrede l'interprétatden

sa réserve.

B. Réglementationdu recours a la force en haute mer

24. L'usage de la force y est strictement réglementéet sur une base très solide droit

coutumier. 11suppose établiede la façon la plus précise la possessiond'un titre juridique, je

synthétiserai son apport en disant simplement : pas de police sans titre, dans les espaces

internationaux,qu'ils'agissede la mer ou des airs. Donc pas davantage le droit de recourir

force. Au demeurant,cette force dont on vousdit qu'elle estincluse dans lacomposition duterme

anglais de ((enforcernenb),on ne vous a pas dit qu'ellene figure en rien dans le terme officiel -

français qui le traduit et qui est dans la réservel'«exécution».

Pour en rester au droit de la haute mer, nous dit Gilbert Gidel, «en vertu d'unecoutume

séculière,les navires de guerre ont le droit de reconnaître l'identité etla nationalité desnavires

privésqu'ilsrencontrent. Mais ce droit ne va pas au delà d'unesimple «reconnai~sance.as de

trace ici de l'usagede la force armée.

25. Les cas danslesquels lenouveau droitde la mer,en cela trèsfidàll'ancien, prévoit la

saisie d'un navire ou d'un aéronefen haute mer sont celui de l'article 105de la convention de

MontegoBay, complété par l'article110relatif au droit de visite. Sans fairemention explicitede

l'usage de la coercition, le premier, voire mêmeles deux, peuvent êtrecensées l'admettre
1
implicitement. Mais à qui s'appliquent-ils,au juste, ces deux artic?ePour le second, à des

navires sans nationalité,ou, pour les deux,es navires...«pirates»!

Tiens, tiens, n'avons nous pas déjàrencontrécette qualification quelque p?r((Navires

pirates)) Ca me dit quelque chose ! N'est-cepas précisémen t cette catégorie quM. Ouellet

disaitinitialementvouloirréserverlesfoudresdéchaînéesarlameute despatrouilleursde sapolice

des pêches3 3
a

32G.GideLe droit international public t. 1, p. 289.

33Mt5moiree l'Espagne,p. 96, par. 112. - 63 -

Mais alors,est-ce quecela nevoudraitpas direque lui-mêmep ,lus sansdouteque Mr. Tobin

étaittrès averti des choses du droit de la mer ? Sans tomber dans le procès d'intention, je

comprendsmieux, à présent,pourquoi,afin d'endormir les scrupules oula franche opposition des

parlementairescanadiensdont lesconseilsadversesont si précautionneusementévitéde vous parler

la semaine dernière,les deux ministres aient parlédes seuls ((navirespirates))pourdésignerleur

cible.

26. A l'égarddes ((navirespirates)),sans doute, le droit coutumier de la mer autorise l'usage

de la force en haute mer. Mais à l'égardd'eux seuls. 11y a donc un sérieux problème. Si le

ministre des affaires étrangères etcelui des pêches employaienc tette expressionalors même que

l'imprécision relative de leurs proposcachait mal le fait qu'ils savaient fortbien que ni les navires

tiersà I'OPANO, ni, à fortiori,ceuxbattant pavillonde sesmembresne correspondait à ladéfinition

qu'endonne le droit de la mer. Car, de deux choses l'une :ou bien, comme on doit toujours le

supposer d'abord,M. Ouellet, et, par sa voix, le Canada étaientde bonne foi qbant ils faisaient

entendre, au moment de l'émission de la réserve,qu'ellene visait que les bateauxpirates; et alors,

I'expectationlégitime del'Espagnerestait en faveurde sa sécurité34O . u bien, par l'emploi de ce

terme au senstout de mêmebien précis,où l'emploiele droit de la mer, M. Tobinvisait à tromper

sonmonde, et alors nous revoilàconfrontésauproblème delabonne foi, dontnous avons assez dit

l'autrejour que tout le monde, la Cour, l'Espagne et le Canada, s'accordaient à reconnaître

l'applicationà l'interprétation des déclarationqsui établissentvotre juridiction; le double texte

Anglo-IranianCo. et MerEgéeencourageait,vousvous souvenez, àce que l'onreplaça le texte de

la réservedans son contexte d'adoption !

Conclusion

27. Au terme de cette plaidoirie,je constateque l'usageeffectif de la coercition militairà

l'égarddes naviresespagnols dont leCanada prétendqu'iléchappe à votre connaissancene saurait

êtreinterprété commerentrant dans l'interprétationjuridiquement pertinente de la déclaration

canadienne. En déciderautrementseraitretenir une interprétationquej'appelaisl'autrejour contra

"voir plaidoiriede P.M. Dupuy, CR981p.43-44,par.15-17etp.47-51,par.24-31' - 64 -

Cartam, incompatibleavec les donnéesde la Charte. La Charte estune donnée incontournable,

votre Statut aussi.Mais il suff~tque vous constatiez soit une incompatibilitéavec l'un,au titre, par >

exemple, de l'article36, paragraphe 6, soit avec l'autre, autitre de l'article2, paragraphe4, pour
v

rejeter non la validitéde la réserve, quenous n'avonsjamais demandée,mais l'interprétation

strictement unilatéralequ'enfait le Canada.

28. Comme vous l'aurez constaté,toutau long de cette phaseorale de notre plaidoirie,mes

collègues comme moi-même,nous avons entendu nous appuyer sur la jurisprudence la plus

constante, la plus ancienneet les principes les mieux établis.ne s'agit en rien,du moinsdans la

présenteaffaire,de vous engagersurlesvoies inconnuesdeje ne saisquelle ((nonnativitérelative)),

*
tant décriéepar un des défendeursde la Partie adverse pour lequelj'ai le plus de respect, de

reconnaissance et d'amitié.Il s'agit simplement de vousinviter sereinement,en accord avec les

principes et les règleslesmieux établisà ne pas renoncer à l'exercicede votre fonctionjudiciaire.

Monsieur le président, Madame,Messieurs, soyez remerciéspour l'attention quevous avez

bien voulu me prêter toua tu long de cette procédure.Je vous seraisreconnaissantde bien vouloir

appeler à la barre l'agent de l'Espagne.

The PRESIDENT: Thank you, Professeur Dupuy. 1cal1upon the distinguished Agentof

Spain.

M. PASTOR RIDRUEJO: Merci,Monsieur le président.
rii

A la fin de nos plaidoiries, nous constatons à nouveau que le Canada a abandonnéson

allégationselon laquellele différendqui l'oppose à 1'Espagnen'auraitplus d'objet. Du moins, il

sembleavoircomprisqu'onne peut pasprétendrequelarequête espagnole,étantdépourvued'intérêt

pour l'avenir, n'équivaudrait qu'à la demande d'juugement déclaratoire. 11ne dit plus non plus,
b
et nous en prenonsacte, que l'accord entrel'Unioneuropéenneet le Canada,auraitéteintleprésent

différend.

Dans ces conditions,les conclusions finales de l'Espagnesont les suivantes : -65 -

Nous avonsconstatétout d'abordque l'objetdudifférendest ledéfautdu titre duCanada pour

agir en haute merà l'encontredes naviresbattant pavillonespagnol, i'inopposabilàtl'Espagne de

la législationcanadiennedes pêches,et laréparationdesfaits illicitesperpétàl'égarddesnavires

espagnols. Ces questions ne sont pas comprises dans la réservedu Canada à la compétencede la

Cour.

Nous avonségalementconstatéquele Canada nepeutpas prétendresubordonner l'application

de sa réserve au seul critère de sa législation nationale et de sa propre appréciation, sans

méconnaîtrela compétencede votre proprecompétence,que vous détenezau titre du paragraphe 6

de l'article 36 de votre Statut.

Nous avons constatéenfin que i'usagede la force employé dansl'arraisonnementde l'Estai

et dans le harcèlementd'autres bateauxespagnols en hautemer, ainsi que celui prévu dansles lois

canadiennes C-29 et C-8, ne peut pas davantageêtrecomprisdans la réservecanadienne,parce qu'il

contrevient aux dispositions de la Charte.

Pour l'ensemble des raisons qui précèdent,nous prions la Cour de dire et juger qu'elle est

compétentedans la présente affaire.

Merci beaucoup, Monsieur le président.

The PRESIDENT: Thank you very much. The Court will now resume on Wednesday at

10a.m.

TheCourt rose at 1.15p.m.

Document Long Title

Public sitting held on Monday 15 June, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Schwebel presiding

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