CR 93/9
International Court Cour internationale
of Justice de Justice
THE HAGUE La HAYE
YEAR l993
Public sitting
held on Thursday 21 January 1993, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Sir Robert Jennings presiding
in the case concerning Maritime Delimitation in the Area between
Greenland and Jan Mayen
(Denmark v. Norway)
VERBATIM RECORD
ANNEE 1993
Audience publique
tenue le jeudi 21 janvier 1993, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de sir Robert Jennings, Président
en l'affaire de la Délimitation maritime dans la région
située entre le Groenland et Jan Mayen
(Danemark c. Norvège)
COMPTE RENDU
- 2 -
i
President Sir Robert Jennings
Vice-President Oda
Judges Ago
Schwebel
Bedjaoui
Ni
Evensen
Tarassov
Guillaume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Ajibola
Judge ad hoc Fischer
Registrar Valencia-Ospina
- 3 -
Présents:
Sir Robert Jennings, Président
M. Oda, Vice-Président
MM. Ago
Schwebel
Bedjaoui
Ni
Evensen
Tarassov
Guillaume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Ajibola, juges
M. Fischer, juge ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier
- 4 -
The Government of Denmark is represented by:
Mr. Tyge Lehmann, Ambassador, Legal Adviser, Ministry of Foreign
Affairs,
Mr. John Bernhard, Ambassador, Ministry of Foreign Affairs,
as Agents;
Mr. Per Magid, Attorney,
as Agent and Advocate;
Dr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of International Law, Law
School, Catholic University of Uruguay
Mr. Derek W. Bowett, C.B.E, Q.C., F.B.A., Emeritus Whewell Professor
of International Law in the University of Cambridge,
as Counsel and Advocates;
Mr. Finn Lynge, Expert-Consultant for Greenland Affairs, Ministry of
Foreign Affairs,
Ms. Kirsten Trolle, Expert-Consultant, Greenland Home Rule
Authority,
Mr. Milan Thamsborg, Hydrographic Expert,
as Counsel and Experts;
Mr. Jakob Høyrup, Head of Section, Ministry of Foreign Affairs,
Ms. Aase Adamsen, Head of Section, Ministry of Foreign Affairs,
Mr. Frede Madsen, State Geodesist, Danish National Survey and
Cadastre,
Mr. Ditlev Schwanenflügel, Assistant Attorney,
Mr. Olaf Koktvedgaard, Assistant Attorney,
as Advisers, and
Ms. Jeanett Probst Osborn, Ministry of Foreign Affairs,
Ms. Birgit Skov, Ministry of Foreign Affairs,
as Secretaries.
The Government of Norway is represented by :
Mr. Bjørn Haug, Solicitor General,
Mr. Per Tresselt, Consul General, Berlin,
as Agents and Counsel;
- 5 -
Le Gouvernement du Danemark est représenté par :
M. Tyge Lehmann, ambassadeur, conseiller juridique, ministère des
affaires étrangères,
M. John Bernhard, ambassadeur, ministère des affaires étrangères,
comme agents;
M. Per Magid, avocat,
comme agent et avocat;
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international à
la faculté de droit de l'Université catholique de l'Uruguay,
M. Derek W. Bowett, C.B.E., Q.C., F.B.A., professeur émérite de
droit international à l'Université de Cambridge (chaire Whewell),
comme conseils et avocats;
M. Finn Lynge, consultant spécialisé pour les affaires du Groenland,
ministère des affaires étrangères,
Mme Kirsten Trolle, consultant spécialisé, autorité territoriale
du Groenland,
M. Milan Thamsborg, expert hydrographique,
comme conseils et experts;
M. Jakob Høyrup, chef de section, ministère des affaires étrangères,
Mme Aase Adamsen, chef de section, ministère des affaires étrangères,
M. Frede Madsen, expert en géodésie de l'Etat, service topographique
et cadastral danois,
M. Ditlev Schwanenflügel, avocat auxiliaire,
M. Olaf Koktvedgaard, avocat auxiliaire,
comme conseillers, et
Mme Jeanett Probst Osborn, ministère des affaires étrangères,
Mme Birgit Skov, ministère des affaires étrangères,
comme secrétaires.
Le Gouvernement de la Norvège est représenté par :
M. Bjørn Haug, procureur général,
M. Per Tresselt, consul général, Berlin,
comme agents et conseils;
- 6 -
Mr. Ian Brownlie, Q.C., D.C.L., F.B.A., Chichele Professor of Public
International Law, University of Oxford; Fellow of All Souls
College, Oxford,
Mr. Keith Highet, Visiting Professor of International Law at The
Fletcher School of Law and Diplomacy and Member of the Bars of
New York and the District of Columbia,
Mr. Prosper Weil, Professor Emeritus at the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
as Counsel and Advocates;
Mr. Morten Ruud, Director General, Polar Division, Ministry of
Justice,
Mr. Peter Gullestad, Director General, Fisheries Directorate,
Commander P. B. Beazley, O.B.E., F.R.I.C.S., R.N. (Ret'd),
as Advisers;
Ms. Kristine Ryssdal, Assistant Solicitor General,
Mr. Rolf Einar Fife, First Secretary, Permanent Mission to the
United Nations, New York,
as Counsellors;
Ms. Nina Lund, Junior Executive Officer, Ministry of Foreign Affairs
Ms. Juliette Bernard, Clerk, Ministry of Foreign Affairs,
Ms. Alicia Herrera, The Hague,
as Technical Staff.
- 7 -
M. Ian Brownlie, Q.C., D.C.L., F.B.A., professeur de droit
international public à l'Université d'Oxford, titulaire de la
chaire Chichele; Fellow de l'All Souls College d'Oxford,
M. Keith Highet, professeur invité de droit international à la
Fletcher School of Law and Diplomacy et membre des barreaux de
New York et du District de Columbia,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l'Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
comme conseils et avocats;
M. Morten Ruud, directeur général de la division des questions
polaires au ministère de la justice,
M. Peter Gullestad, directeur général de la direction des pêcheries,
Capitaine de frégate P. B. Beazley, O.B.E., F.R.I.C.S., R.N. (en
retraite),
Mme Kristine Ryssdal, procureur général adjoint,
M. Rolf Einar Fife, premier secrétaire à la mission permanente de la
Norvège auprès de l'Organisation des Nations Unies à New York,
comme conseillers;
Mme Nina Lund, fonctionnaire administratif au ministère des affaires
étrangères,
Mme Juliette Bernard, agent administratif au ministère des affaires
étrangères,
Mme Alicia Herrera, La Haye,
comme personnel technique.
- 8 -
The PRESIDENT : Could I say first of all that the Vice-President is not able to be with us
today; he is in Warsaw representing the Court at the funeral of the late Judge Manfred Lachs.
I understand that the Norway team hopes to finish this morning. I should say that the
Vice-President has some questions to ask of the Parties and he has left me a copy of his questions.
So, if I may, I will read them out at the end of the proceedings this morning. It will not take more
than a few minutes.
Now, we can proceed. Mr. Prosper Weil.
M. WEIL :
LES IMPLICATIONS JURIDIQUES DE LA DEMANDE DANOISE1
Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
J'ai analysé hier le premier élément du processus de délimitation proposé par le Danemark, à
savoir l'inversion de la séquence normale : le droit venant corriger l'équité. Je voudrais à présent
examiner de plus près la ligne de départ que le Danemark considère comme équitable, ceci bien
entendu en me plaçant dans l'optique danoise d'une délimitation régie par le droit international
général ou coutumier tel qu'il a été défini par la jurisprudence et qu'il a trouvé expression dans les
articles 74 et 83 de la convention de Montego Bay.
1
Les renvois aux écrits des Parties seront faits de la manière suivante : MD (mémoire du Danemark);
RD (réplique du Danemark); CMN (contre-mémoire de la Norvège); DN (duplique de la Norvège).
Note du Greffe : Les passages des pièces de procédure cités en français dans le présent CR peuvent
ne pas correspondre à la traduction qui en a été établie par le Greffe.
- 9 -
b) La ligne dite équitable de départ
Selon le mémoire et la réplique du Danemark, la ligne équitable dont l'opération de
délimitation doit partir est la "ligne de proportionnalité géographique" que le Danemark définit
comme la ligne qui attribue à chaque Partie une superficie maritime correspondant
approximativement au ratio de leurs longueurs côtières. Le caractère équitable de cette ligne AA'B,
qui repose sur le soi-disant principe de proportionnalité, est confirmé, est-il ajouté, par les autres
facteurs pertinents : dimension, population, etc.
C'est donc à ce double point de vue : le principe de proportionnalité qui lui sert de justification
majeure, d'une part, les autres facteurs pertinents appelés à son renfort, d'autre part, que la ligne
revendiquée par le Danemark appelle un examen critique.
Le soi-disant principe de proportionnalité
Mon ami et collègue le professeur Brownlie a déjà examiné le soi-disant principe de
proportionnalité sur lequel repose la demande danoise. Je me contenterai pour ma part de quelques
observations complémentaires.
Il est assez surprenant de voir le Danemark prendre dans ses écritures comme point de départ
avoué - que dis-je ? hautement proclamé - un soi-disant principe de proportionnalité auquel la
jurisprudence n'a cessé de refuser, arrêt après arrêt, le caractère d'un principe de délimitation.
"[U]ne délimitation maritime ne saurait certainement pas être établie en procédant directement à une
division de la zone en contestation, proportionnellement à l'extension respective des côtes des parties
de l'aire concernée", déclarait la Chambre dans l'affaire du Golfe du Maine (C.I.J. Recueil 1984,
p. 323, par. 185). Plus récemment, dans Libye/Malte, la Cour, après ce qu'elle a appelé un "examen
approfondi" du problème (C.I.J. Recueil 1985, p. 43 et suiv., par. 55 et suiv.), confirmait son
opposition radicale à l'emploi de la proportionnalité comme principe ou méthode de délimitation :
"Si la proportionnalité pouvait être appliquée ainsi, on voit mal quel rôle toute autre
considération pourrait encore jouer; en effet la proportionnalité serait alors à la fois le principe
du titre ... et la méthode permettant de mettre ce principe en oeuvre. En tout état de cause la
faiblesse de l'argument est que l'utilisation de la proportionnalité comme véritable méthode ne
trouve aucun appui dans la pratique des Etats ou leurs prises de position publiques, en
particulier à la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, non plus que
dans la jurisprudence. La Cour ne saurait retenir une proposition à la fois si neuve et si
radicale." (Op. cit., p. 45-46, par. 58.)
- 10 -
C'est donc en contradiction flagrante et directe avec une jurisprudence fermement établie que le
Danemark est venu affirmer dans ses écritures non seulement l'existence, mais la priorité et la
primauté, d'un soi-disant principe de proportionnalité selon lequel une délimitation doit aboutir à
attribuer aux Parties des superficies maritimes dans une proportion à peu près équivalente à celle de
la longueur de leurs côtes.
Cette considération suffirait à elle seule à condamner la demande danoise.
Peut-être n'est-il pourtant pas inutile, Monsieur le Président, d'aller davantage au coeur des
choses et de s'interroger sur le fondement et la raison d'être de la doctrine jurisprudentielle récusant
le principe de proportionnalité. Car, après tout, l'idée de proportionnalité, comme la Cour l'a noté et
comme le professeur Jiménez de Aréchaga l'a rappelé (CR 93/2, p. 80), est liée à l'idée d'équité, et
toute disproportion fait intuitivement penser à une inéquité. Chercher à donner deux fois moins de
superficie maritime à un Etat dont les côtes sont deux fois moins longues que celles d'un autre peut à
première vue paraître raisonnable et équitable. Si, malgré cela, la Cour s'est montrée aussi
radicalement opposée à ériger en principe équitable la recherche d'une proportionnalité entre
longueurs côtières et superficies attribuées, c'est qu'elle avait des raisons décisives pour le faire.
Ce sont, en effet, me semble-t-il, des objections touchant au plus profond de la philosophie des
juridictions maritimes qui condamnent le principe de proportionnalité. Le droit de la mer, tel que les
Etats l'ont voulu et créé, fait dériver le titre sur les espaces maritimes de l'ouverture côtière. Sans
doute ne saurait-il être question, comme le tribunal franco-britannique l'a déclaré (par. 101) et
comme la Cour l'a rappelé, "d'égaliser la situation d'un Etat dont les côtes sont étendues à celle d'un
Etat dont les côtes sont réduites" (C.I.J. Recueil 1985, p. 44, par. 57). Nul ne contestera qu'une côte
longue engendre normalement une plus grande étendue d'espaces maritimes qu'une côte courte, ainsi
qu'un membre de la Cour l'a justement observé (op. diss. Schwebel, Libye/Malte,
C.I.J. Recueil 1985, p. 182). Cette vérité n'a cependant pas d'expression mathématique.
Dans sa remarquable intervention, M. Thamsborg a montré, en des termes auxquels je
souscris pleinement, que puisque en vertu du principe de distance tout point côtier se projette en mer
dans toutes les directions - "every single point on the coastline projects in all seaward directions" -
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les points saillants ont plus d'effet sur la limite extérieure des juridictions maritimes que les points
rentrants (CR 93/1, p. 48). Certains points de base sur la côte contrôlent de longs segments côtiers,
tandis que certains segments côtiers peuvent demeurer sans influence sur le tracé de la limite
extérieure. C'est très exactement ce qui se passe pour les projections des côtes du Groenland et de
Jan Mayen comme le montrent parfaitement la carte VI de la réplique norvégienne et la carte n° 12
présentée à la Cour par M. Thamsborg (et qui est reproduite également dans notre dossier). Dès lors
qu'en raison de la configuration côtière des segments côtiers plus ou moins importants peuvent, dans
la méthode moderne des enveloppes d'arcs de cercle, être en quelque sorte "perdus", il ne saurait être
question de concevoir les zones maritimes des Etats en droit international contemporain comme ayant
nécessairement une superficie proportionnelle à la longueur de l'ouverture côtière. Les juridictions
maritimes ne s'établissent pas au kilomètre de littoral, pas plus qu'elles ne s'établissent, je l'ai rappelé
hier, au kilomètre carré de territoire terrestre. Deux côtes de même longueur peuvent engendrer des
superficies maritimes très différentes en raison d'autres composantes de la géographie côtière; et,
inversement, deux côtes de longueur très différente peuvent engendrer des superficies maritimes
comparables. Tout cela, je le répète, sur le plan du titre et des limites extérieures.
Cette constatation est particulièrement frappante lorsqu'il s'agit d'un territoire insulaire.
M. Thamsborg a montré à l'aide d'un exemple que sur le plan du titre, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a
aucun chevauchement entre la projection d'une île et celle d'une autre côte, "an isolated island
attracts a maritime area many times greater than a comparable length of coast on a straight
coastline" (CR 93/1, p. 52).
La cause me paraît donc entendue : sur le plan du titre il n'y a aucun rapport constant et
nécessaire entre les longueurs côtières et les étendues maritimes qu'elles génèrent. Si un kilomètre de
côte d'un Etat engendre une superficie donnée de juridiction maritime, cela ne signifie pas qu'un
kilomètre de côte d'un autre Etat doive engendrer ou engendre la même superficie de juridiction
maritime. Je suis pleinement d'accord avec ce qu'a déclaré M. Thamsborg: "une conséquence
inévitable" - c'est le mot qu'il a employé - de la technique de l'enveloppe des arcs de cercle,
aujourd'hui couramment employée dans la pratique des Etats pour tracer la limite extérieure des
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juridictions maritimes, est que, comme il le dit,
"there is not the same relationship or proportion between the extent of the maritime zones
and the lenghts of the respective generating coasts" (CR 93/1, p. 52).
On peut faire ici une remarque analogue à celle que j'ai faite au sujet de la dimension de la
masse terrestre. Il n'y aurait peut-être rien eu d'absurde à ce que le droit de la mer conçoive les
juridictions maritimes des Etats côtiers comme devant avoir une superficie proportionnelle à la
longueur de leurs ouvertures côtières, mais ce n'est pas ainsi que le droit de la mer s'est construit. La
Cour n'a pas laissé le moindre doute à ce sujet : les Etats, a-t-elle rappelé dans Libye/Malte, n'ont
pas adopté le principe d'une répartition des juridictions maritimes proportionnelle à la longueur de
leurs côtes (C.I.J. Recueil 1985, p. 43, par. 54) - pas plus qu'ils n'ont adopté le principe d'une
répartition des juridictions maritimes proportionnelle à la taille de leur territoire. Comme sur le plan
de la dimension de la masse terrestre, la volonté politique des Etats a trouvé expression dans le droit.
C'est l'"adjacence mesurée par la distance" qui est à la base du titre. Or, comme la Norvège l'a noté
dans sa duplique écrite, adjacence et distance se rapportent à des points de base et à des relations
entre les côtes; les comparaisons de longueurs côtières n'ont pas de rapport logique avec ces concepts
(DN, par. 624).
S'il en est ainsi sur le plan du titre - et sur ce point je pense que nos adversaires seront
d'accord avec moi - on ne voit pas pour quelle raison il en irait autrement sur le plan de la
délimitation. Certes, titre et délimitation sont des concepts distincts, j'y ai assez insisté pour ne pas
y revenir. Mais s'ils sont distincts, ils sont aussi, nous l'avons vu, "complémentaires", en ce sens
que, la Cour l'a décidé, la délimitation doit s'effectuer par référence aux considérations qui
commandent le titre : "seules pourront intervenir" dans la délimitation, déclare la Cour, les
considérations "qui se rapportent à l'institution" de la juridiction maritime "telle qu'elle s'est
constituée en droit" (C.I.J. Recueil 1985, p. 40, par. 48). C'est la raison pour laquelle la Cour a
écarté comme désormais sans pertinence dans la délimitation du plateau continental toute
considération relative à la configuration géophysique ou géologique du fond de la mer : "Quant à
faire jouer un rôle comme circonstance pertinente", a-t-elle déclaré, "aux fins de la délimitation à un
facteur qui n'en joue aucun pour la validité du titre juridique, on ne voit à cela aucune raison..."
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(op. cit., p. 35, par. 40).
Il est clair, en conséquence, que dès lors qu'il n'y a pas de rapport automatique et direct entre
la longueur d'une côte et l'étendue du titre qu'elle engendre, il n'y a aucune raison d'exiger que le ratio
des longueurs côtières soit pris en considération dans la délimitation en tant que circonstance
pertinente déterminante, ou même en tant que circonstance pertinente tout court. Il n'y a aucune
raison pour que l'"énorme avantage" - le mot est de M. Thamsborg (CR 93/1, p. 52) - accordé par le
droit de la mer moderne aux petites îles sur le plan du titre s'inverse dans la délimitation au point de
conduire à refuser à une petite île tout droit à une juridiction maritime qui porterait atteinte à
l'intégralité du titre d'une côte plus longue, et cela pour la seule raison que la petite île aurait un
littoral moins long que la côte avec laquelle elle doit être délimitée. Il n'y a aucune raison d'exiger
que la délimitation ait pour objet d'allouer aux Parties des superficies maritimes en rapport direct
avec la longueur de leurs façades côtières. Il n'y a aucune raison d'exiger que, parce que la côte
groenlandaise pertinente est près de dix fois plus longue que la côte pertinente de Jan Mayen, la
délimitation consiste, ou conduise, à attribuer au Danemark une superficie maritime à peu près dix
fois plus étendue qu'à la Norvège. Les savants calculs présentés par le Danemark sont peut-être
intéressants pour le géographe; ils n'ont aucune pertinence pour le juriste.
On m'objectera - on m'a déjà objecté par avance - que ce sont là des observations démenties en
partie par la jurisprudence. Car la jurisprudence, même si elle dénie à la proportionnalité le
caractère d'un principe ou d'une méthode directe de délimitation, accorde néanmoins aux
considérations de longueurs côtières et de proportionnalité entre longueurs côtières et superficies
maritimes une place qui est loin d'être négligeable, comme plusieurs conseils du Danemark n'ont pas
manqué de le rappeler (CR 93/2, p. 77 et suiv.; CR 93/4, p. 16-17 et 45).
Cela est exact. Je sais fort bien que, dans ce même arrêt Libye/Malte auquel je me suis si
souvent référé, la Cour a admis que la longueur comparée des côtes peut intervenir, en dehors de
toute question de superficies attribuées, en tant que circonstance pertinente justifiant un ajustement
de la ligne médiane initiale.
Selon la Cour, lorsqu'il existe une "très grande différence de longueurs des côtes pertinentes",
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une "forte disparité", une différence qui, en quelque sorte, saute aux yeux et qu'il n'est donc pas
besoin de "quantifier", il convient d'attribuer à ce facteur un certain "poids" en tant que circonstance
pertinente (op. cit., p. 49, par. 66-67).
Tout ceci, je ne l'ignore pas. Je n'ignore pas non plus la place faite par certains arrêts et
sentences arbitrales au test de proportionnalité a posteriori destiné à vérifier que le tracé auquel on
est parvenu par d'autres considérations n'aboutit pas à une disproportion déraisonnable entre
superficies et longueurs côtières.
Ne faut-il pas admettre dès lors, me dira-t-on, que la forte disparité entre les côtes pertinentes
du Groenland et de Jan Mayen doit à tout le moins intervenir en tant que circonstance pertinente et
donc conduire à tout le moins à un ajustement de la ligne médiane, si ce n'est au rejet complet de la
ligne médiane ? Ne faut-il pas admettre aussi un test de proportionnalité a posteriori destiné à écarter
tout risque de disproportion génératrice d'inéquité ?
Il me faut à cet égard noter une évolution très remarquable dans la présentation de nos
adversaires.
Dans la procédure écrite, le Danemark n'a pas hésité à se fonder expressément sur le principe
de proportionnalité entendu comme dictant directement la délimitation. Le Danemark était d'une
franchise absolue : la frontière maritime entre le Groenland et Jan Mayen doit être tracée, écrivait-il,
en prenant pour base le principe de proportionnalité et en partant de ce qu'il appelait la "ligne de
proportionnalité géographique".
La demande danoise, telle qu'elle figurait dans les écritures, allait donc bien au-delà de la
place relativement modeste réservée par la jurisprudence aux considérations de longueurs côtières et
de proportionnalité et accordait à ces considérations le rôle déterminant et direct que la
jurisprudence a toujours refusé de leur reconnaître. Du "dernier élément" (final factor), relativement
modeste, à prendre en considération selon l'arrêt de la Mer du Nord (C.I.J. Recueil 1969, p. 52,
par. 98), le Danemark faisait, dans ses écritures, l'élément premier et directement applicable.
Dans la procédure orale, nos amis danois ont rectifié le tir. Les orateurs qui ont pris la parole
au nom du Danemark ont l'un après l'autre insisté sur la prise en considération des longueurs côtières
- 15 -
simplement en tant que circonstance pertinente parmi d'autres et simplement en tant que test de
proportionnalité ex post. Du même coup, la Cour l'aura remarqué, on n'a plus entendu parler, dans
la présentation orale, de la fameuse "ligne de proportionnalité géographique" de départ que
viendraient renforcer et confirmer les circonstances pertinentes, mais plutôt d'une liste de facteurs
pertinents dans laquelle les considérations de longueurs côtières et de proportionnalité figurent à côté
d'autres facteurs, tels que la population, la conduite des Parties ou les facteurs socio-économiques, et
parfois même très modestement en fin de liste. Bien mieux, M. Bernhard a déclaré que nous avons
eu tort d'interpréter la thèse danoise comme faisant de la proportionnalité un principe direct de
délimitation, que nous avons mal compris. Nous sommes d'accord avec vous, a dit M. Bernhard, au
sujet de la proportionnalité :
"It is not a method per se; and certainly not a basis of title. We do not regard it as a
principle that should directly dictate the delimitation constituting the ratio decidendi."
(CR 93/4, p. 46.)
J'ai relu le mémoire danois, je n'ai pu que constater que nous n'avions pas rêvé.
Nul doute que nos adversaires se sont rendu compte que, sous la forme brutale et directe d'une
méthode de délimitation, tel que l'argument était présenté dans les écritures, leur thèse de la
proportionnalité n'avait aucune chance de franchir l'obstacle d'une condamnation jurisprudentielle
trop fermement établie pour pouvoir être modifiée et qu'il valait mieux, pour faire bella figura,
camoufler la proportionnalité derrière la disparité des longueurs côtières comme simple circonstance
pertinente parmi d'autres et parler de proportionnalité ex post plutôt que de proportionnalité ex ante,
puisque après tout, le résultat serait le même. Faire de la proportionnalité sans le dire, voilà à quoi
se ramène la nouvelle tactique danoise.
Car, la Cour l'aura constaté, le résultat est bien le même; et cela doit nous être une leçon, car
cela illustre à merveille qu'entre la proportionnalité directe - condamnée par la jurisprudence - et la
proportionnalité conçue comme circonstance pertinente et comme test a posteriori - admise par la
jurisprudence - la différence est plus apparente que réelle. Conceptuellement, la distinction est
incontestable, et les termes dans lesquels la Cour l'a énoncée sont d'une absolue netteté.
Pratiquement, la distinction se brouille facilement : chassée par la grande porte, la proportionnalité
- 16 -
n'a pas de difficulté à revenir par les petites portes de la disparité des longueurs côtières et du test
a posteriori. La présente affaire n'est à cet égard que le remake, si je puis dire, de certaines autres.
Que le glissement soit facile, tout d'abord, entre la prise en considération d'une forte disparité
des longueurs côtières comme circonstance pertinente parmi d'autres et la proportionnalité comme
moteur direct d'une délimitation, Golfe du Maine (C.I.J. Recueil 1984, p. 336, par. 222) et
Libye/Malte l'illustrent assez bien. Pour m'en tenir à cette dernière affaire, lorsque la Cour déplace
vers le nord la ligne médiane entre la Libye et Malte afin de tenir compte de la "disparité
considérable des longueurs des côtes pertinentes des deux Parties" (C.I.J. Recueil 1985, p. 52,
par. 73) - c'est-à-dire lorsqu'elle accorde à la Libye ce qu'un membre de la Cour a appelé un "bonus",
une "prime", qui avantage la Libye par rapport à ce que les autres facteurs pertinents auraient exigé,
pour la seule et simple raison que ses côtes sont plus longues que celles de Malte - on ne peut
s'empêcher de s'interroger avec ce même juge : "si la proportionnalité n'est pas le motif qui amène la
Cour à déplacer vers le nord la ligne de délimitation ... quel est ce motif ?" Ne s'agit-il pas pour la
Cour, tout simplement, poursuit ce juge, d'"accorder une prime à la Libye parce que ses côtes sont
tellement plus longues que celles de Malte ?" (op. diss. Schwebel, op. cit., p. 183). La ligne retenue
par l'arrêt Libye/Malte est bel et bien, à certains égards, une ligne de proportionnalité. L'arrêt n'est
d'ailleurs pas loin d'en faire l'aveu (op. cit., p. 48, par. 64). De la prise en considération d'une
disparité des longueurs côtières comme circonstance pertinente parmi d'autres le glissement a été
facile, et peut-être inévitable, vers la proportionnalité comme critère opératoire direct de la
délimitation.
La pente n'est pas moins fatale qui entraîne vers la proportionnalité conçue comme "un
principe général qui constituerait une source indépendante de droits" (Arbitrage franco-britannique,
par. 101) le test ultime de proportionnalité destiné à "vérifier l'équité du résultat obtenu par d'autres
moyens" (Libye/Malte, C.I.J. Recueil 1985, p. 49, par. 66). Pour se convaincre de la fragilité de
cette seconde distinction aussi grande que celle de la première, il faut s'arrêter un instant sur la
subtile évolution qu'a connue le test de proportionnalité au fil des affaires.
Dans l'arbitrage franco-britannique de 1977, auquel la Cour s'est longuement référé dans
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Libye/Malte au sujet de la proportionnalité, le recours à ce que la sentence appelait le "critère ou
facteur de proportionnalité" était étroitement lié à la théorie des caractéristiques géographiques
particulières et à l'emploi de la méthode de l'équidistance, comme l'a très justement relevé
M. Bernhard (CR 93/4, p. 42). Dans l'esprit du tribunal franco-britannique, il s'agissait de s'assurer
que certaines configurations particulières, en elles-mêmes de faible importance - un saillant de la
côte, un rocher, un îlot isolé devant la côte, une concavité -, ne provoquent pas une "déviation", une
"distorsion" de la ligne d'équidistance telle que des côtes par ailleurs comparables se verraient
attribuer des étendues de plateau continental disproportionnées par rapport à l'importance de
l'accident géographique en cause, ce qui provoquerait, a dit le tribunal, une différence de traitement
injustifiable entre des côtes qui, sans cela, seraient comparables. Telle était la signification précise
de la référence à la proportionnalité dans l'arrêt sur le Plateau continental de la mer du Nord
(C.I.J. Recueil 1969, p. 52, par. 98, et p. 54, par. 101 D 3). Telle était aussi, de manière plus
développée, la conception de la sentence arbitrale de 1977, je viens de le rappeler, dont les termes
sont dans tous les esprits (par. 100-101, 246 et 250). Dans cette conception, qui liait étroitement
méthode de l'équidistance, caractéristiques géographiques particulières et proportionnalité entre
longueurs côtières et superficies, une différence excessive des superficies attribuées par une ligne
d'équidistance entre des côtes par ailleurs comparables constituait le signe, le révélateur, que l'effet
accordé à une particularité géographique était excessif et devait être atténué ou même éliminé.
Même si la Cour n'a pas renié cette conception originaire et spécifique de 1969 et 1977 et un
passage de Libye/Malte montre que cette conception garde une certaine actualité (Libye/Malte,
C.I.J. Recueil 1985, p. 44, par. 56), il n'en reste pas moins que la fonction étroitement définie
assignée par cette conception au facteur de proportionnalité a imperceptiblement subi un double
élargissement. D'une part, ce n'est plus seulement l'équité d'une ligne d'équidistance qui est mise
aujourd'hui à l'épreuve par le test de proportionnalité, mais celle de toute ligne, quelle que soit la
méthode qui a permis de la tracer : il s'agit, déclare la Cour dans ce même arrêt Libye/Malte, d'un
"moyen qui peut être utilisé pour s'assurer de l'équité d'une ligne quelconque, indépendamment de la
méthode utilisée pour aboutir à cette ligne" (op. cit., p. 49, par. 66). D'autre part, la vérification
- 18 -
a posteriori de la proportionnalité a tendance à s'effectuer aujourd'hui dans n'importe quelle situation
géographique, et alors même qu'il n'existerait aucune caractéristique géographique particulière. Le
lien qui amarrait la prise en considération des ratios de longueurs côtières et de superficies à la
méthode de l'équidistance et au concept de configurations géographiques mineures susceptibles de
provoquer des distorsions majeures s'est ainsi trouvé doublement rompu.
Ce double élargissement de la portée du test de proportionnalité a profondément altéré sa
signification en ce sens que, sous le couvert d'une modeste vérification ex post à l'abri de tout
soupçon, on glisse facilement à une délimitation directement inspirée par la préoccupation d'attribuer
aux Parties des superficies maritimes en proportion de leurs longueurs côtières respectives.
Les Etats litigants ont été les premiers à tomber dans le piège. Dans la présente affaire, par
exemple, seule une différence sémantique sépare le principe direct de proportionnalité, utilisé par les
écritures danoises, et la vérification ex post du résultat, préconisée dans les plaidoiries orales.
Mais, j'ose à peine le dire - et je prie la Cour de me le pardonner - les tribunaux eux-mêmes
n'ont pas toujours su éviter l'écueil. Qui pourrait jurer que, dans certaines affaires, les
considérations et calculs de proportionnalité présentés à l'extrême fin de la décision judiciaire sous
l'appellation de vérification ou de test de proportionnalité a posteriori n'ont pas joué un rôle
déterminant dans le tracé de la ligne ? Du test de proportionnalité à posteriori à la proportionnalité
comme principe directeur de la délimitation, le glissement était là encore peut-être inévitable.
Test de proportionnalité et proportionnalité directe font au demeurant appel aux mêmes
techniques et se heurtent aux mêmes difficultés. Ce sont en fin de compte deux variantes d'une
même approche, et seule une feuille de soie les sépare. Qu'il s'agisse de vérifier après coup si le
résultat obtenu correspond à peu près à une proportion entre longueurs côtières et étendues
attribuées, ou qu'il s'agisse d'allouer directement des étendues maritimes en fonction du ratio des
longueurs côtières, dans les deux cas l'opération suppose une détermination et une mesure préalables
des segments côtiers pertinents d'une part, et de la zone pertinente d'autre part. M. Thamsborg l'a dit
à juste titre :
"the objective identification of the relevant area and the appurtenant coasts is a conditio
sine qua non to a reliable and meaningful proportionality assessment" (CR 93/1, p. 45).
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Ni l'une ni l'autre de ces tâches ne sont pourtant à l'abri de l'arbitraire.
En ce qui concerne les segments côtiers, le Danemark a admis que leur identification "calls for
a certain judgment, and is not mathematically self-justifying" (CR 93/4, p. 16). Même si l'on peut
admettre avec M. Thamsborg que dans la présente affaire les segments pertinents sont les segments
côtiers dont les projections chevauchent les projections de l'autre côte, il reste la difficulté d'en
mesurer la longueur d'une manière objective et indiscutable. Faut-il suivre le littoral dans toutes ses
sinuosités, y compris les baies les plus rentrantes et les promontoires les plus allongés ? Faut-il au
contraire ramener la côte à une direction générale nécessairement arbitraire et souvent discutable?
L'expérience des affaires passées montre qu'à ces questions il n'est pas de réponse simple et à l'abri
de la contestation.
Quant à la zone pertinente, M. Thamsborg a reconnu qu'il n'en existe aucune définition précise
et qu'il ne s'agit guère plus que d'une expression commode pour décrire le cadre géographique dans
lequel l'opération de délimitation doit être conduite (CR 93/1, p. 43-44). Pire encore, tout calcul de
proportionnalité, qu'il intervienne ex ante ou même ex post, est parfois totalement impossible:
"there are cases" a admis M. Thamsborg "where the local geography precludes an objective
determination - or any determination at all - of a relevant area or relevant coasts, and
consequently excludes meaningful proportionality assessments" (CR 93/1, p. 46).
La Cour a elle-même reconnu que dans certains cas "la marge de détermination des côtes
pertinentes et des zones pertinentes [est] si large que pratiquement n'importe quelle variante pourrait
être retenue, ce qui donnerait des résultats extrêmement divers" (Libye/Malte, C.I.J. Recueil 1985,
p. 53, par. 74). Tel est en particulier le cas, selon la Cour, lorsque "les délimitations futures avec
des Etats tiers remettraient en cause non seulement les chiffres des surfaces ... prises comme base de
calcul, mais aussi les rapports obtenus" (ibid). Le problème de la prise en considération des
projections de l'Islande, avec l'effet incertain à accorder au rocher de Kolbeinsey, tel que l'a décrit
M. Thamsborg, illustre cette difficulté.
En un mot, rien n'est plus faussement objectif qu'un calcul de proportionnalité, à quelque stade
du processus qu'il intervienne, avant ou après. Sous des apparences de rigueur mathématique, les
modèles de proportionnalité présentés par les Parties ne constituent guère plus que des arguments de
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plaidoirie destinés à conférer la respectabilité d'une vérité pseudo-scientifique à des résultats
préétablis. Comme je l'ai écrit ailleurs, il en va des calculs de proportionnalité comme de l'amour et
des auberges espagnoles : chacun y trouve ce qu'il y apporte.
Même si la détermination et la mesure des côtes pertinentes et de la zone pertinente telles que
le Danemark les propose dans la présente affaire peuvent paraître plausibles, il n'en reste pas moins
que dans nombre d'autres situations il ne peut pas être question d'une détermination claire et
objective de ces données. Or, me semble-t-il, qu'il s'agisse d'une proportionnalité ex ante ou d'une
proportionnalité ex post, il serait dangereux d'ériger en règle de droit un rapport fondé sur des
données qui, dans de très nombreuses affaires, sont d'une rigueur aussi réduite.
Sans doute la jurisprudence a-t-elle eu la sagesse de ne pas exiger, pour le test de
proportionnalité, de "savants calculs", des "nice calculations", comme disait la sentence
franco-britannique (par. 27 et 250) et certains arrêts se sont-ils contentés de "se faire une idée
approximative de l'équité du résultat sans toutefois essayer de l'exprimer en chiffres" (loc. cit.).
Mais, si l'on peut se féliciter de voir les tribunaux minimiser parfois le test de proportionnalité
et se refuser à jouer le rôle impossible d'un arpenteur des espaces maritimes et des segments côtiers,
on ne peut s'empêcher de penser que l'on se trouve en présence d'un dilemme. Ou bien l'on considère
qu'un calcul de proportionnalité est "approprié (op. cit., p. 49, par. 66), mais alors n'est-il pas
regrettable, ainsi qu'un membre de la Cour en a fait l'observation, qu'il lui faille ensuite
"abandonne[r] ... cette tâche, au motif qu'une telle opération s'avérerait impossible" (op. diss. Oda,
op. cit., p. 133, par. 15) ? Ou bien, au contraire, on estime qu'une approximation intuitive, une
estimation à vue de nez, si j'ose familièrement m'exprimer ainsi, suffit, mais alors ne risque-t-on pas,
dans un domaine hérissé de difficultés, de se contenter de l'à-peu-près d'une appréciation subjective ?
Que ce soit dans son avatar de test à posteriori ou dans sa fonction de principe et méthode de
délimitation, la proportionnalité se révèle ainsi tout à la fois théoriquement non fondée et
pratiquement difficile, parfois impossible, à mettre en oeuvre.
On m'objectera peut-être que la vérification ex post a au moins le mérite de fournir un signal
d'alarme permettant au juge de détecter une déviation excessive de la ligne de délimitation qui aurait
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pu être provoquée par un accident géographique mineur. Je répondrai qu'une telle disproportion peut
être décelée aujourd'hui à l'aide d'un indicateur beaucoup plus simple et plus conforme au titre de
l'Etat côtier sur les espaces adjacents à ses côtes : je veux parler, la Cour l'aura deviné, de la distance
manifestement trop faible de la ligne par rapport à l'une de ces côtes. C'est, me semble-t-il, à ce
concept central d'une distance raisonnable par rapport aux deux côtes, c'est-à-dire d'une distance
permettant à chacune des Parties d'assurer sa sécurité au sens le plus large du terme et de
sauvegarder ses intérêts économiques, que tend à se ramener le faisceau actuellement très diversifié
des circonstances pertinentes. La sentence arbitrale Guinée/Guinée-Bissau a mis en lumière
l'importance de ce concept pour le tracé de la ligne de délimitation :
"Pour faire reposer une délimitation sur une base équitable et objective, il faut autant
que possible chercher à assurer à chaque Etat le contrôle des territoires maritimes situés en
face de ses côtes et dans leur voisinage... [L']objectif premier [du tribunal] a été d'éviter que,
pour une raison ou une autre, une des Parties voie s'exercer en face de ses côtes et dans leur
voisinage immédiat des droits qui pourraient porter atteinte à son droit au développement ou
compromettre sa sécurité." (Par. 92 et 124.)
Ainsi se trouve assurée la corrélation exigée si fermement par la Cour dans Libye/Malte entre
les concepts qui fondent le titre et les considérations qui gouvernent la délimitation. De même que
l'extension des juridictions maritimes vers le large, qui caractérise le droit moderne de la mer, a eu
pour objectif politique d'assurer aux Etats côtiers le contrôle des espaces maritimes nécessaires à
leur développement et à leur sécurité, de même la délimitation maritime doit assurer à chacune des
Parties, de manière équilibrée et raisonnable, le contrôle des espaces maritimes nécessaires à son
développement et à sa sécurité. C'est dans cette perspective que, sur le plan juridique, le titre est
devenu d'essence spatiale et que son étendue est mesurée par la distance. C'est dans cette même
perspective que le critère de l'équité tend lui aussi à devenir d'essence spatiale et à s'exprimer lui
aussi dans la distance. Qu'il s'agisse de titre ou de délimitation, les juridictions maritimes tendent, à
l'image de la souveraineté terrestre, à s'exprimer sous la forme d'un espace. Elles sont, selon la forte
expression de la Cour, "une émanation de la souveraineté territoriale de l'Etat" (Plateau continental
de la mer Egée, C.I.J. Recueil 1978, p. 36, par. 86). L'espace, qu'il soit maritime ou terrestre, c'est
du pouvoir, et ce n'est pas un hasard si l'on parle parfois aujourd'hui de "territoire maritime" et, de
plus en plus fréquemment, de "frontière maritime".
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La délimitation maritime est une opération politique, au sens le plus large du terme. Même s'il
n'y a pas de ressources connues ou exploitables au large de l'une de ses côtes, un Etat aura quand
même toujours à coeur de s'assurer le contrôle de zones maritimes aussi vastes que le lui permet le
droit. Jan Mayen est un territoire norvégien, et la Norvège est fondée à s'opposer à la tentative du
Danemark de réduire à néant ses droits étatiques dans la délimitation. Que Jan Mayen soit située à
plusieurs centaines de milles marins de la Norvège continentale et ne soit pas peuplée ne change rien
à cela, et l'on comprend mal que nos adversaires s'acharnent à nier la pertinence des intérêts
norvégiens dans les projections maritimes du territoire norvégien qu'est Jan Mayen.
Monsieur le Président, si la proportionnalité telle que l'entend le Danemark devait être
acceptée par la Cour comme la règle de droit gouvernant la délimitation maritime, cela entraînerait
des conséquences politiques et pratiques de grande envergure. Les Etats insulaires de petite
dimension voisins d'Etats au littoral beaucoup plus long que le leur accepteraient-ils d'être pénalisés
en plus des effets normaux d'un littoral court ? Les accords de délimitation conclus jusqu'ici par des
géants tels les Etats-Unis ou l'ex-URSS avec des Etats voisins, au littoral moins long que le leur, ne
reflètent pas une opinio juris favorable à la proportionnalité.
Dans Libye/Malte la Cour a entrepris une opération de remise en ordre du droit de la
délimitation maritime. Elle a décidé que la délimitation ne saurait être gouvernée par des critères et
des méthodes sans rapport avec la base du titre juridique (C.I.J. Recueil 1985, p. 30, par. 27 et
p. 34, par. 34). Elle a proclamé le "caractère normatif des principes équitables", dont elle requiert
"la cohérence et une certaine prévisibilité", ainsi qu'une généralité dépassant le strict cas individuel
(C.I.J. Recueil 1985, p. 39, par. 45-46). Elle a discipliné - j'y reviendrai - le concept de
circonstances pertinentes. La Cour me pardonnera-t-elle si j'exprime très respectueusement le
souhait qu'elle dissipe aujourd'hui le malaise qui continue à régner au sujet de la proportionnalité ?
Le refus du Danemark d'accepter la ligne médiane dans la présente affaire, où sont en cause
des côtes se faisant face, à peu près parallèles, sans aucune irrégularité ni configuration particulière,
et sans que s'interpose entre elles le moindre accident géographique mineur ou majeur, repose
essentiellement sur la différence des longueurs côtières. La Cour se trouve placée aujourd'hui, si
- 23 -
j'ose dire, en face d'une hypothèse d'école, où le problème de la comparaison des longueurs côtières
et de la comparaison entre ratios de longueurs côtières et ratios de superficies se trouve posé à l'état
pur, dépouillé en quelque sorte de tout élément qui viendrait le compliquer. Il reviendra à la Cour de
dire si la ligne médiane, qui sans cela s'imposerait sans le moindre doute dans notre affaire, devient
inéquitable simplement parce que la côte du Groenland est beaucoup plus longue que la côte de
Jan Mayen.
La Cour acceptera-t-elle, dans le sillage de l'effort de clarification entrepris en 1985, de dire
que les considérations de longueurs côtières, de superficies maritimes et de ratios comparatives ne
peuvent servir de "règle juridique de délimitation" (C.I.J. Recueil 1985, p. 37, par. 41), puisque, pas
plus que la dimension de la masse terrestre ou les considérations géologiques ou géophysiques, elles
ne jouent aucun rôle pour la validité du titre juridique ? Nombreux seraient ceux qui, en dehors
même de la Norvège, se féliciteraient d'une telle décision qui, non seulement simplifierait le droit de
la délimitation maritime et débarrasserait les futures procédures judiciaires et arbitrales de beaucoup
de complications et d'excès, mais assurerait à l'ensemble de la matière une plus grande cohérence
interne.
Quel que soit, cependant, le sens dans lequel la Cour se déterminera, qu'elle torde le cou
définitivement à la proportionnalité ou qu'elle lui réserve au contraire définitivement une place au
soleil, sa décision fera droit, et l'on saura désormais à quoi s'en tenir. Ambiguïtés et malentendus se
trouveront dissipés.
Pour en revenir plus concrètement au présent litige, il est clair, je me dois d'y insister, que
même si la Cour n'estimait pas utile de pousser l'élaboration de la matière au-delà de ses prononcés
de Libye/Malte, même si elle souhaitait laisser sa jurisprudence exactement en l'état, l'opération de
délimitation préconisée par le Danemark se trouverait quand même en tout état de cause condamnée
par ces prononcés eux-mêmes, puisque ce que le Danemark demande - ouvertement dans ses
écritures, de manière indirecte dans ses plaidoiries orales - c'est de faire de la proportionnalité le
principe et la méthode de délimitation, ce que la jurisprudence dans son état actuel rejette
radicalement.
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La proportionnalité n'est toutefois pas la seule considération invoquée par le Danemark à
l'appui de la ligne AA'B de la page 120 du mémoire danois. Cette ligne, soutient le Danemark, est
confortée et confirmée par les autres circonstances pertinentes de l'affaire.
C'est donc vers celles-ci que je dois à présent me tourner.
Les autres circonstances pertinentes invoquées par le Danemark
Au sortir du premier tour des plaidoiries orales, le rôle assigné aux circonstances pertinentes
par nos adversaires est affecté de la même incertitude que bien d'autres éléments de leur thèse.
Dans les écritures danoises les facteurs pertinents servaient à confirmer l'équité de la ligne
proportionnelle de départ (MD, par. 373). Cela était en soi - je le note en passant - assez surprenant.
Habituellement, les circonstances pertinentes permettent de tracer la ligne définitive (après
correction de la ligne équidistante de départ pour les partisans de l'équité correctrice, directement
pour les partisans de l'équité autonome). Dans la thèse des écritures danoises, au contraire, les
circonstances pertinentes servaient à établir, conjointement avec le principe de proportionnalité, la
ligne équitable AA'B de premier pas, et c'est la prise en considération d'un facteur juridique
- l'impossibilité d'aller au-delà de 200 milles - qui conduisait à corriger cette ligne de départ et à
tracer la ligne définitive.
Quoi qu'il en soit, dans la procédure orale la proportionnalité n'apparaît plus que sous la
forme d'un des facteurs pertinents parmi d'autres. Lesquels ?
On a en effet quelque difficulté à identifier avec précision les circonstances pertinentes,
nombreuses et hétéroclites, que le Danemark entend mobiliser en renfort de sa ligne de
proportionnalité, car d'un passage à l'autre l'énumération subit d'assez importantes fluctuations. Sous
des formes diverses sont invoqués : le facteur géographique, en particulier la situation de Jan Mayen
du "mauvais côté" de la ligne médiane entre la Norvège continentale et le Groenland, et à une grande
distance de la côte continentale de la Norvège; la dimension des deux territoires; la population et les
facteurs socio-économiques; la conduite des Parties; le statut constitutionnel; la structure
économique; le patrimoine culturel; la situation des glaces au large de la côte groenlandaise et j'en
saute (MD, par. 294 et suiv., 373; RD, par. 3, 445, 459 et suiv., 465; cf. CR 93/1, p. 20).
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On a souvent relevé la tendance des Etats litigants à invoquer pêle-mêle toutes les
considérations, de quelque ordre qu'elles soient, qu'ils espèrent pouvoir mobiliser à l'appui de leur
revendication et à soutenir que, comme par miracle, tous ces facteurs pointent très exactement dans
la même direction. D'affaire en affaire on a assisté à une prolifération des circonstances dites
pertinentes, prolifération encouragée, il faut le reconnaître, par le dictum de 1969 selon lequel "il n'y
a pas de limites juridiques aux considérations que les Etats peuvent examiner afin de s'assurer qu'ils
vont appliquer des procédés équitables" (C.I.J. Recueil 1969, p. 50, par. 93).
On pardonnerait volontiers au Danemark cette accumulation de facteurs pertinents si en 1985,
dans Libye/Malte, la Cour n'avait pas mis un cran d'arrêt à ce bourgeonnement et tenté d'imposer
aux parties une certaine discipline. Le dictum de 1969 a été ramené par la Cour à sa portée réelle,
c'est-à-dire aux délimitations négociées entre les parties, et le principe a été posé que les données de
fait ne sont pas toutes juridiquement pertinentes. Seules le sont "celles qui se rapportent à
l'institution [de la juridiction maritime considérée] ... telle qu'elle s'est constituée en droit".
"L'introduction de considérations étrangères à [l]a nature" de la zone maritime considérée est, au
contraire, bannie (C.I.J. Recueil 1985, p. 40, par. 48), et toute pertinence juridique est refusée "aux
fins de la délimitation à un facteur qui n'en joue aucun pour la validité du titre juridique" (op. cit.,
p. 35, par. 40).
En mettant en avant tous les facteurs, quels qu'ils soient, dont il aimerait croire qu'ils peuvent
apporter quelque secours à sa revendication d'une ligne de proportionnalité géographique, le
Danemark plaide comme si Libye/Malte n'était pas intervenu. Mais Libye/Malte est là, et nous
fournit le fil d'Ariane qui nous permet de trouver notre voie dans le labyrinthe des circonstances
pertinentes.
Dès lors que la base juridique du titre est aujourd'hui l'"adjacence mesurée par la distance",
seules ont désormais un caractère juridiquement pertinent pour la délimitation les facteurs qui se
rattachent à la distance. C'est dans cette perspective que se situe l'évolution qui conduit le juge à
corriger une distorsion produite par un accident géographique de faible importance, mais qui
rapprocherait la ligne de manière excessive de l'une des côtes. C'est dans cette perspective que
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peuvent intervenir des considérations socio-économiques et politiques, puisqu'un minimum
d'épaisseur de territoire maritime est indispensable pour assurer à chacune des Parties la sauvegarde
de ses intérêts géopolitiques et économiques. Il ne faut pas oublier que l'extension de la juridiction
des Etats côtiers au plateau continental et, plus récemment, à la zone des 200 milles a été motivée,
négativement par le souci d'écarter l'exploitation des richesses de la mer par des tiers - et plus
largement les risques politiques dus à la présence des tiers - trop près des côtes, et positivement par
le souci d'assurer à l'Etat côtier l'exclusivité des ressources de la mer à proximité de son littoral. Si
les préoccupations économiques ont été dominantes dans la reconnaissance aux Etats côtiers de
droits sur le fond marin et sur les eaux surjacentes au-delà de la limite extérieure de leur mer
territoriale, les préoccupations politiques, au sens le plus large du terme, n'ont jamais été absentes,
ainsi qu'en fait foi la Proclamation Truman. On rejoint ainsi l'inspiration géopolitique qui se trouve
derrière le dictum que j'ai cité de la sentence Guinée/Guinée-Bissau. On rejoint aussi le souci qui a
animé, me semble-t-il, la Cour dans Libye/Malte de veiller à ce que "la limite qui résultera du présent
arrêt ... ne [soit] pas proche de la côte de l'une ou l'autre Partie au point que les questions de sécurité
entrent particulièrement en ligne de compte" (C.I.J. Recueil 1985, p. 42, par. 51; cf. p. 52, par. 73).
Comment l'agent du Danemark peut-il prétendre, face à une jurisprudence aussi massive et
unanime, que les considérations de cet ordre n'ont pas de portée au-delà des 12 milles de la mer
territoriale ou des 24 milles de la zone contiguë (CR 93/1, p. 28) ?
Il serait fastidieux et parfaitement inutile d'entrer dans le détail des multiples considérations
mises en avant par le Danemark. Il me faut cependant m'arrêter à l'une d'elles, celle de la population,
à laquelle les plaidoiries danoises ont accordé une place prépondérante et que mon ami Ian Brownlie
a déjà examinée en détail.
Le facteur de population, nous a-t-on dit, est à la racine de toute affaire de délimitation pour la
raison fondamentale que
"a maritime zone of economic potential has no rationale in a delimitation case when it
attaches to a territory devoid of population" (CR 93/1, p. 17).
La question est ainsi posée devant la Cour - pour la première fois, sauf erreur de ma part - de la
pertinence juridique du facteur de population dans une délimitation maritime. Un territoire doit-il se
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voir privé de toute zone maritime dans une délimitation parce qu'il est inhabité ? Et corollairement,
lorsqu'une délimitation met en cause deux territoires dont l'un est beaucoup plus faiblement peuplé
que l'autre, le territoire le moins peuplé doit-il être défavorisé ?
Jusqu'ici, mais je peux me tromper, la population n'a été prise en compte dans le droit de la
délimitation maritime que dans le cas très précis des îles considérées soit comme des circonstances
spéciales au sens de l'article 6, soit comme des caractéristiques géographiques non significatives
dans le cadre du droit coutumier. De telles îles devant être traitées selon leurs caractéristiques
propres, "on their merits", comme disait le Commander Kennedy, le fait pour une île d'être
inhabitée, peu peuplée, très peuplée, d'être ou non le siège d'une activité humaine ou économique,
conduit, en même temps que d'autres éléments (tels que la dimension ou le statut juridique de l'île), à
lui accorder plein effet, effet partiel ou nul effet.
En dehors de cette hypothèse très précise, le facteur de population n'est jamais intervenu
jusqu'ici pour modifier les superficies maritimes attribuées à chaque Partie.
Cela s'explique facilement par le fait que la population ne joue aucun rôle dans le titre. Le
titre s'attache à la souveraineté territoriale : "the maritime zone attaches to the territory", a déclaré
avec raison M. Bowett (CR 93/4, p. 23). Le titre s'attache à la souveraineté territoriale. Le titre ne
s'attache pas à la population, pas plus qu'à la masse terrestre. Peuplé ou non, tout territoire étatique
bordant la mer a droit à des juridictions maritimes selon le même critère de distance : 12 milles,
24 milles, 200 milles. La question a été débattue à la troisième conférence sur le droit de la mer si
l'on ne devrait pas priver de zones maritimes autres que la mer territoriale les îles qui ne sont pas
peuplées et qui ne sont donc pas le siège d'une activité économique et humaine. La question a été
débattue, oui, mais les propositions en ce sens ont été rejetées; et la règle a prévalu et est devenue
coutumière qu'en dehors des "rochers qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine ou à une vie
économique propre", toutes les îles génèrent, indépendamment de toute considération de population,
les mêmes juridictions maritimes que les autres territoires terrestres. Si la valeur coutumière de la
disposition relative aux "rochers" reste quelque peu controversée, le caractère coutumier de la
reconnaîssance aux "îles" de la plénitude d'un titre à toutes les juridictions maritimes
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indépendamment de tout facteur de population est acquis. Il n'y a pas un gouvernement au monde
qui ne veille jalousement à s'assurer les vastes zones économiques exclusives que peut lui procurer la
souveraineté sur telle ou telle île, même inhabitée.
Sur le plan juridique, dès lors que, mis à part le cas encore incertain des "rochers", le facteur
population n'intervient pas dans le titre, il n'y a aucune raison pour qu'il intervienne dans la
délimitation. La pratique des Etats, que mon ami le professeur Brownlie a examinée en détail,
prouve amplement que c'est là l'opinio juris des Etats.
Sur le plan politique, on imagine mal les Etats dont le territoire ou les zones côtières sont peu
peuplées, ou les multiples Etats insulaires de faible population, accepter demain une réduction de
leurs droits maritimes dans une délimitation face à des territoires beaucoup plus peuplés.
Sur le plan pratique enfin, on entrevoit les difficultés auxquelles la prise en compte du facteur
population donnerait lieu. Quelle serait la population à prendre en considération : celle installée le
long des segments côtiers pertinents - ou dits pertinents - ? toute la population côtière ? la population
de l'immédiat hinterland côtier ? celle de tout le territoire ? celle de l'Etat tout entier ? Notre affaire
illustre parfaitement ces difficultés en raison de la distribution de la population du Groenland entre
les côtes occidentale et orientale, de l'extrême faiblesse de la population le long du segment côtier
considéré comme pertinent du Groenland, et du fait, indiqué par M. Tresselt, que l'accès aux zones
maritimes disputées est plus rapide pour les pêcheurs venus de la Norvège continentale que pour
ceux venus des ports groenlandais (CR 93/5, p. 40-41). Et si l'on voulait absolument tenir compte
du facteur de population, le ferait-on selon des ratios de population ? On imagine les complications
sans fin auxquelles donnerait lieu ce facteur de proportionnalité d'un nouveau genre.
Décidément, Monsieur le Président, le facteur de population est une fausse idée claire - et une
fausse idée juridique !
C. Le résultat proposé par le Danemark
Même ramenée en arrière sur la limite des 200 milles du Groenland, la frontière maritime
revendiquée par le Danemark ne correspond certainement pas à ce que la "norme fondamentale" qui
régit toute délimitation appelle un résultat équitable. S'il est un principe équitable "susceptible d'une
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application générale", c'est bien, comme la Cour l'a rappelé dans Libye/Malte (C.I.J. Recueil 1985,
p. 39, par. 46), le principe de non-empiétement (non-encroachment) qui interdit à une ligne de
délimitation d'amputer (cut off) l'une des Parties "de zones situées juste devant sa façade maritime"
(Mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969, p. 32, par. 44). Que dire à cet égard d'une ligne qui attribuerait
la totalité de la zone de chevauchement à l'une des parties et n'en laisserait pas la moindre miette à
l'autre ? Au surplus, la ligne unique de délimitation que le Danemark demande à la Cour de tracer
passe à une trentaine de milles marins seulement de la limite extérieure de la mer territoriale de
Jan Mayen. Loin d'assurer à la Norvège, comme l'exige la jurisprudence, "le contrôle des territoires
maritimes situés en face de ses côtes et dans leur voisinage immédiat", une telle frontière
condamnerait la Norvège à voir "s'exercer en face de ses côtes [et les côtes de Jan Mayen sont des
côtes norvégiennes] et dans leur voisinage immédiat des droits qui pourraient porter atteinte" à ses
intérêts économiques ou compromettre sa sécurité.
La revendication danoise est à vrai dire condamnée au premier coup d'oeil. On voit mal
comment une délimitation qui attribuerait à l'une des Parties la totalité de la zone de chevauchement
et l'intégralité de son titre, jusqu'à l'extrémité de sa limite extérieure, et qui du même coup priverait
l'autre de tout droit dans cette même zone de chevauchement, pourrait être regardée comme équitable
et raisonnable. Même si l'équité n'implique pas l'égalité, il n'en reste pas moins que dans aequitas il
y a aequus, et qu'une inégalité trop flagrante et sans justification fait soupçonner une inéquité.
Equité et raison supposent l'une et l'autre un certain équilibre, une certaine prise en considération des
intérêts des deux Parties : point n'est besoin de longues explications pour constater qu'en aucune
façon la ligne revendiquée par le Danemark ne satisfait à cette exigence.
Je voudrais ajouter une remarque d'ordre plus général.
Demander cent dans l'espoir d'obtenir cinquante est devenu courant dans les instances relatives
à des délimitations maritimes : l'espoir qu'au nom de l'équité le juge en arrivera plus ou moins à split
the difference encourage les parties à suivre ce genre de tactique. Mais de là à demander la totalité
de la zone de chevauchement, c'est-à-dire la totalité de l'étendue à laquelle on aurait droit si l'autre
n'existait pas, il y a une différence. On frémit à l'idée de ce que deviendrait la mission du juge
- 30 -
international si, dans une même instance, les deux parties adoptaient la même attitude maximaliste
- si, par exemple, dans la présente affaire, la Norvège avait revendiqué elle aussi la totalité de ses
200 milles à l'ouest de Jan Mayen. Dans quelle situation se trouverait le juge saisi de demandes
aussi irréalistes l'une que l'autre ? Déjà, dans plusieurs affaires passées de délimitation maritime, les
tribunaux ont été amenés à écarter d'emblée, d'entrée de jeu comme excessives les demandes des
deux parties et à leur substituer leur propre approche. Un coup d'arrêt est peut-être souhaitable dans
l'intérêt même de la justice internationale. J'ajouterai que la Norvège considérerait comme
regrettable que le Danemark tire profit d'une maximalisation outrancière et qu'elle ait, quant à elle, à
regretter d'avoir adopté, tant dans sa législation que devant la Cour, une position équilibrée et
raisonnable. La modération ne doit pas être pénalisée et le maximalisme récompensé. Calomniez,
calomniez, il en restera toujours quelque chose, disait Beaumarchais. Demandez, demandez, vous y
gagnerez toujours quelque chose : si c'est dans cette direction que devait s'orienter la tactique
judiciaire en matière de délimitation maritime, l'administration de la justice ne s'en trouverait pas
facilitée.
Il ne me reste plus, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour terminer mon exposé,
qu'à abandonner l'optique critique au profit d'un point de vue constructif. Rejeter la demande
danoise était nécessaire. Justifier la demande norvégienne l'est tout autant.
IV. LA DEMANDE NORVEGIENNE EST EQUITABLE ET RAISONNABLE
Cette démonstration, je m'empresse de le dire, me prendra très peu de temps.
La plupart des observations formulées en vue de critiquer la demande danoise mettent en
lumière a contrario les mérites de la demande norvégienne. Mes longs développements antérieurs
constituent en quelque sorte en creux, en négatif, ce que je pourrais dire à présent dans une optique
positive.
Nous sommes en présence, je le rappelle, de côtes qui se font face, l'une et l'autre à peu près
droites, sans irrégularité notable; entre ces côtes, rien que la mer, rien qui puisse faire dévier une
ligne. "Le présent litige", écrit le Danemark à juste titre, "se situe dans le contexte d'une géographie
- 31 -
relativement simple" (MD, par. 19), et il a parfaitement raison.
Mise en présence d'une situation géographique similaire dans Libye/Malte, la Cour a déclaré
qu'elle
"n'a guère de doute quant au critère et à la méthode qu'elle doit employer en premier lieu pour
parvenir à une position provisoire à propos du présent litige",
et elle a considéré comme
"logique que le choix du critère et de la méthode qu'elle doit employer en premier lieu pour
parvenir à un résultat provisoire soit effectué d'une manière cohérente avec les concepts à la
base de l'attribution du titre juridique".
Rappelant qu'elle avait en 1969 "noté que l'équité de la méthode de l'équidistance était
particulièrement prononcée dans les cas dans lesquels la délimitation à effectuer intéressait des Etats
dont les côtes se faisaient face", elle a observé que "pour la première fois, c'est bien à une
délimitation exclusivement entre côtes se faisant face" qu'elle avait à procéder, et elle a retenu
comme point de départ la ligne médiane.
Sans doute la Cour a-t-elle ajouté que le fait qu'elle a
"estimé dans les circonstances de la présente espèce qu'il convenait de commencer par établir
une ligne médiane pour procéder à la délimitation ne signifie pas qu'une ligne d'équidistance
soit le point de départ dans tous les cas, ni même dans tous les cas de délimitation entre Etats
se faisant face" (op. cit., p. 56, par. 77).
C'est néanmoins cette approche qu'elle a adoptée dans l'affaire Libye/Malte.
C'est dire que l'affaire Libye/Malte nous fournit un fil directeur précieux qui permet de
conduire pas à pas l'opération de délimitation selon le même schéma que celui suivi par la Cour en
1985. Il n'est pas besoin de nous demander si ce même schéma devrait être appliqué dans de futurs
cas de délimitation : dans notre affaire, en tout cas, il est applicable.
C'est donc de la ligne médiane qu'il faut partir dans notre affaire. Mais cette ligne, la Cour l'a
dit "n'est ... que provisoire" (op. cit., p. 47, par. 63). Il convient de s'assurer qu'une "correction", un
"ajustement" (Golfe du Maine, C.I.J. Recueil 1984, p. 334, par. 218; Libye/Malte,
C.I.J. Recueil 1985, p. 50, par. 68), n'est pas nécessaire car
"il doit ... être démontré que la méthode de l'équidistance aboutit, dans le cas considéré, à un
résultat équitable" (op. cit., p. 47, par. 63).
Dans Libye/Malte la Cour a estimé que certaines circonstances de l'espèce étaient telles que
- 32 -
l'on ne se trouvait pas tout à fait "devant un cas 'classique' et sans problème d'application simple de
la ligne médiane" (op. cit., p. 50, par. 70), et elle a procédé à son ajustement. Dans notre affaire, au
contraire, la situation est tout à fait "classique", et la "démonstration", exigée par la Cour, que la
ligne médiane conduit à un résultat équitable ne présente aucune difficulté.
Ni le choix des points de base, ni le cadre géographique d'ensemble, ni la distance entre les
côtes, qui sont en (dehors de la disparité des longueurs côtières dont j'ai déjà parlé) les trois éléments
qui ont conduit la Cour en 1985 à considérer que la ligne médiane de départ n'était pas une ligne
équitable d'arrivée, n'existent dans la présente affaire.
Peut-être est-il bon aussi de rappeler l'obervation de M. Tresselt que dans notre affaire la ligne
médiane, loin de diviser la zone de chevauchement en parts égales, en attribue une partie plus
importante, et c'est normal, à la longue côte du Groenland (CR 93/5, p. 42). Cela n'a rien de
surprenant. Mon ami Ian Brownlie a rappelé avant-hier la mise en garde d'un éminent auteur : la
méthode de l'équidistance, contrairement à une opinion trop répandue, n'a rien à voir avec une égale
division - ou n'aboutit pas toujours à une égale division - de la zone de chevauchement des titres; elle
se réfère à des distances et non pas à des superficies.
Je sais bien, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que l'équidistance est impopulaire.
Dans presque chaque affaire - et celle-ci ne fait pas exception - l'équidistance est attaquée avec
virulence. On la dit inappropriée et inéquitable tantôt parce que les côtes sont irrégulières, tantôt
parce qu'elles ne sont pas d'une longueur comparable, tantôt parce que les configurations côtières ne
sont pas similaires. Toutes les raisons sont bonnes pour la dénigrer et pour l'écarter - au point que
l'on peut se demander par quelle étrange aberration tant de gouvernements ont pu conclure tant de
conventions basées sur une méthode aussi scandaleuse ! Le discrédit dans lequel ses adversaires ont
réussi à faire tomber l'équidistance est tel que l'on assiste à un étrange phénomène : la Partie qui
accuse l'autre de faire preuve d'un appétit excessif en revendiquant une ligne d'équidistance est
celle-là même qui réclame plus que l'équidistance; et c'est l'Etat qui se contente de l'équidistance qui
se voit accusé d'être trop gourmand et trop exigeant. Par un étrange paradoxe, celui qui demande le
plus parvient à se faire passer pour raisonnable, et c'est celui qui demande le moins auquel on
- 33 -
cherche à imposer des sacrifices complémentaires. Il est grand temps, me semble-t-il, d'admettre
avec M. Lehmann que "the heated debates about equidistance versus equity may look somewhat
artificial" (CR 93/1, p. 30). Pourquoi alors ne pas admettre que dans la présente affaire
équidistance est synonyme d'équité et que la ligne médiane peut être acceptée par la Cour dans le
cadre de la norme fondamentale du résultat équitable ?
Il appartient, Monsieur le Président, à la Cour de dire le droit. Il lui appartient de décider si
l'équidistance est par nature, par essence, par définition, inéquitable dès lors que - et pour la seule et
unique raison que - les côtes n'ont pas une longueur comparable ou que l'arrière-pays est inégalement
peuplé. Il appartient à la Cour de décider si l'équidistance est réservée au seul cas de côtes
rigoureusement droites, rigoureusement opposées, de longueur rigoureusement égale, derrière
lesquelles vivent des populations d'importance comparable - c'est-à-dire à un monde utopique et idéal
qui n'existe pas dans notre monde réel. Il appartient à la Cour de décider si l'égalité des longueurs
côtières et l'équivalence des ratios entre longueurs côtières et superficies attribuées sont des
conditions nécessaires à l'application de l'équidistance. Il appartient à la Cour de décider si un
kilomètre de côte de l'un des Etats doit générer la même superficie de plateau continental, de zone de
pêche, de zone économique exclusive qu'un kilomètre de côte de l'autre Partie. Huit ans après
Lybie/Malte, il appartient à la Cour de décider si cet arrêt restera un arrêt d'espèce venu enrichir le
kaléidoscope déjà riche et contrasté des règles, concepts et approches jurisprudentielles du droit de la
délimitation maritime ou si Libye/Malte pourra être regardé par les juristes de l'avenir comme un
tournant décisif et riche de virtualités. Il appartient à la Cour de décider si, et dans quel sens, elle
entend continuer ce que j'ai cru pouvoir appeler la lente conquête de la délimitation maritime par le
droit et poursuivre, par un processus de trial and error fait d'innovations hardies, de retouches
délicates et de corrections courageuses, le développement progressif et la marche en avant de ce
chapitre difficile du droit international.
L'affaire Danemark c. Norvège apparaît en définitive plus, beaucoup plus, que l'affaire
Danemark c. Norvège. C'est là la seule explication que je puisse apporter, et la seule excuse que je
puisse présenter à la Cour, pour l'insolite longueur de mon exposé.
- 34 -
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, clôturant il y a quelques mois, dans la maison
voisine, la dernière session de l'Académie de droit international, M. Manfred Lachs définissait ainsi
les obligations d'un orateur : "Il doit avoir quelque chose à dire. Il doit le dire. Il doit s'arrêter de le
dire." J'ai conscience d'avoir failli à la troisième au moins de ces exigences. Mais je voudrais par ce
souvenir personnel rendre un hommage empreint de tristesse au grand juriste et au grand juge qui
vient de disparaître. Je vous remercie, Monsieur le Président, et je vous prie de bien vouloir, après
l'interruption, donner la parole au professeur Keith Highet.
Le PRESIDENT : Thank you very much, Professor Weil. We will take our break now and
return to hear Mr. Highet.
La séance est suspendue de 11 h 20 à 11 h 40.
The PRESIDENT: Mr. Highet.
Mr. HIGHET:
The Role of the Court
Mr. President, Members of the Court. It is my honour and privilege today to present the case
of Norway relating to certain procedural implications of this matter, with particular attention to the
function and the role of the Court. I will conclude with some specific suggestions to overcome some
of the difficulties that have been created by Denmark's unilateral application.
Introduction
Mr. President, Denmark has asked for a lion's share of continental shelf and fisheries zones
between Greenland and Jan Mayen. It points to the large discrepancy in coastal lengths. It says that
this justifies the lion's share - in spite of the fact that the geographical context is isolated, and even in
- 35 -
the middle of the ocean.
Our Agent, Per Tresselt, has shown how this claim is justified neither by geographic context
nor by distance. Our Agent, Bjørn Haug, has shown that it is inconsistent with Denmark's treaty
obligations and conduct. Our colleague, Ian Brownlie, has demonstrated that the claim is eccentric
and anomalous as a matter of general international law. Our colleague, Prosper Weil, has just
shown that it also rests on fallacious legal principles and false logic.
In his speech on Friday, Mr. Haug also laid out a framework of basic principles for Norway's
approach to this case. My job, Mr. President, is to take this framework and to follow the principles
set forth in it to their logical conclusion, primarily in terms of procedure, and its implications for the
substantive role of the Court in this case.
Mr. Haug's summarization of the Norwegian position was set forth at pages 21, 22, 24 and 25
of his pleading (CR 93/5 of 15 January 1993). There he laid the groundwork for the points that I
shall elaborate in greater detail this morning.
The three main points with which I shall deal relate to the following undisputed facts:
(i) the case is brought by application;
(ii) Denmark claims a "single, all-purpose line of delimitation" for both continental shelf
and fisheries zone; and
(iii) Denmark seeks an actual delimited line rather than a general declaration of
principle.
The problems with which I am concerned, Mr. President, fall to be considered only after the
Court has already exercised its functions concerning the applicable treaties and the effects of general
international law and the conduct of the Parties.
To the extent that the Court recognizes a median line in place as the continental shelf
boundary, that leg of Denmark's case will then no longer present any problems.
The Court must then still proceed to the determination of fisheries zones. And it must also
decide whether, provided that Denmark has really asked for "a full-fledged and ordinary
delimitation" (p. 25), the Court should in fact grant that request and actually perform a delimitation
- 36 -
under existing international law.
In addition, if the Court were to disregard the existing treaty relationships of 1965 and/or
1958, then it will have to make the same type of determination, de novo, as to the continental shelf.
Finally, if the Court decides that it can and should make either of those determinations, it will
then - but only then - have to decide whether the fisheries boundary and the shelf boundary will
constitute one "single, dual-purpose boundary", or whether the relationship would be more properly
expressed by two "single-purpose boundaries" that may, or may not, geographically coincide.
In this connection the Court will wish to take into account the views expressed by Mr. Haug at
pages 17 to 20 and 22 and 23 of his argument, and in particular his statement that it will be in the
national interest of Norway to preserve the present distinction between the continental shelf and other
maritime zones as separate legal régimes (p. 23). Norway cannot be restricted to a single line of
delimitation in the absence of Norway's specific agreement.
It is with this background in mind, Mr. President, that I would like to attack the problems that
I see in the Danish case in these respects. I will, as always, be grateful for the patience and
discernment of the Court in understanding that the relationship between the existence and
identification of these problems is somewhat intricate, and that when I deal with them I am not
intending to concede that the Danish case is otherwise well-founded in any respect.
The basic problem
Let us start at the beginning, in 1988. The Danish Application seemed hurried and premature.
Paragraph 4 of the Norwegian Counter-Memorial refers to matters that were under active
negotiation at the time when Denmark decided to file its unilateral application.
The last proposal in the negotiations - tabled by the Norwegian delegation in 1988 -
contemplated a special arbitration tribunal with a particular mandate. It had a specific two-step
procedural approach. No Danish reaction was ever received by Norway. The Application of
Denmark followed precipitously thereafter - on 16 August.
That seemed wrong at the outset. The optional clause declaration had been in existence all the
while that the Parties had been negotiating. Why, and how, did Denmark suddenly discover or
- 37 -
decide that the optional clause jurisdiction would be available to it for the purpose of obtaining a
delimitation?
There were also things that seemed to be wrong with what Denmark was asking for. Not
merely was Denmark seeking to have the Court draw a maritime boundary line without Norway's
consent: but that line was to be a single line joining both fisheries and shelf, forever. Moreover,
Denmark today is not even really asking the Court to perform a delimitation in this case. It only asks
the Court to declare a specific entitlement, and to impose a specific line, but not really to do a
delimitation on its own.
All of this didn't seem right. It seemed to be oblivious of the basic legal principle that the
consent of parties is required in order to have the Court engage in a delimitation of maritime areas -
just as the consent of parties would be required for them to effect the delimitation themselves.
Norway was therefore faced with a dilemma. On the one hand, it did not wish to file
preliminary objections to the jurisdiction of the Court, in view of the optional clause declarations of
the Parties and the broad scope of Article 36, paragraph 2, of the Statute. Yet on the other hand it
did not seem right for Norway to be forced into Court at this stage on a matter of this type, and to
confront a specific line of delimitation - and a single line at that.
It was Norway's view that the Court does have the jurisdiction and power to determine and
declare that a median line boundary is in place, or that the delimitation of fisheries zones should be
based on a median line - but that the Court should not actually draw up a precise articulation of a
boundary, and should certainly not combine two boundaries in one.
In accordance with this view, Mr. President, our Counter-Memorial stated that:
"in these proceedings the judicial function is limited in one particular respect. ... there are
substantive considerations both of law and of judicial convenience in favour of the view that
the Court should confine itself to a recognition of the legality of the median line boundaries
requested in the submissions which follow below, and not proceed to the precise articulation of
those boundaries" (Counter-Memorial, p. 197, para. 704).
That paragraph concluded by stating that "the adjudication should result in a judgment which is
declaratory as to the bases of delimitation, and which leaves the precise articulation (or demarcation)
of the alignment to negotiation between the Parties" (ibid.).
- 38 -
Mr. President, in addition, Norway carefully reserved its position (Counter-Memorial,
para. 705) about the applicability of any basepoints or baselines and the determination of any
tripoint (para. 706). In consequence, no case of prorogation can therefore arise as to the
appropriateness of these issues for decision today.
And, last but not least: there is the question of Denmark's claim for a single, all-purpose, line
of delimitation. Norway resists this, as we have said, and denies that such a line should be imposed
on it. There are zones that do not yet legally exist as to which Norway wishes to retain its sovereign
freedoms.
Moreover, paragraph 703 of our Counter-Memorial stated explicitly that:
"To the extent that the claim for a single line is a claim for a delimitation of a different
nature as compared with other delimitations, Norway is bound to point out that no agreement
exists between the two Parties, either on a procedural level or with regard to the substance of
such a claim. Without the agreement of the Parties, such a claim would not be admissible."
Mr. President, it would be useful at this point to indicate that in questioning certain matters in
the Danish case at this stage, Norway is not now seeking to refresh doubts concerning jurisdiction
and admissibility. We did not file preliminary objections, as we did not think that they were
appropriate in this case.
But, how far the Court will feel that it is appropriate for it to go in rendering its decision on
these matters is a different question from one of jurisdiction or admissibility. It is mainly a question
of judicial propriety and restraint. The Court will be performing a delicate task of evaluating
elements that will lead it in one direction or another in this regard, in the general context of the
substantive law of the sea in matters of delimitation. The Court may usefully draw guidance from
the analogous analyses that have been performed in cases such as Tunisia/Libya or
El Salvador/Honduras, where the same issues were dealt with in the narrower context of interpreting
the consent of parties, and were therefore properly viewed as being directly related to the jurisdiction
of the Court, or Chamber, rather than to the discretion and restraint that the Court may choose to
bring to bear in the exercise of its judicial powers and competence in this difficult area.
I do not need to remind the Court of the restraint articulated on the exercise of its judicial
functions in the case concerning the Northern Cameroons (I.C.J. Reports 1963, p. 3), or of the
- 39 -
substantial thought that was devoted to this and to cognate subjects by the late judge
Sir Hersch Lauterpacht in his book, The Development of International Law by the International
Court (1982 rev. ed, Part Two, Chap. 5, pp. 75-90) under the several and associated rubrics of
"judicial caution" and "judicial restraint", as distinguished, of course, from "judicial hesitation" or
"judicial indecision".
Maritime delimitation can be so complex, so nuanced, and so dependent upon political and
national considerations that it is an area, par excellence, in which a tribunal would wish to be certain
to exercise prudential judicial restraint in granting relief for and imposing solutions upon, the parties.
When a court is asked by one party to draw a specific line of delimitation, the complexities
redouble. When such matters relate to the choice or imposition of a "single, dual-purpose boundary"
or of two "single-purpose boundaries", the matter becomes even more opaque, and the need for
judicial prudence and care becomes ever more pronounced.
The litigation context
Mr. President, I would now like to turn to the general procedural context of the case - what
might be called its "litigation context". The Court is fully aware that there are some important
differences, in form as well as in substance, between cases brought by application and cases brought
by special agreement.
Pleadings in cases brought by application are, of course, normally consecutive. In cases
brought by special agreement they are generally simultaneous. Proceedings brought by application
are obviously of a more "adversarial" nature than proceedings where both parties have come
willingly into the Court and are theoretically in agreement on the questions to be asked of it.
By their very nature then, application cases are more "one-sided". The most important
difference is that in application cases the initial questions before the Court are unilaterally framed,
and the case evolves from that point, rather than from mutually-agreed propositions and
understandings.
This can have considerable importance for the nature of the issues presented to the Court for
decision, and thus on the role of the Court itself. It would obviously be particularly important where
- 40 -
"special circumstances" or "relevant circumstances" are to be investigated and weighed.
Normally, the burden of proof is generally on the applicant - at least as to the facts alleged by
it. Its more elegant stepsister, the burden of persuasion, is also the applicant's - or should be - as to
the propositions it invokes and the arguments it advances.
Here, however, Denmark has made an ingenious short-cut of the normal rules of burdens of
proof and persuasion. It now gives the impression of challenging Norway to show why Denmark
should not be entitled to its "full 200-nautical mile" zones, instead of defending its own position that
Denmark is claiming maritime rights that would otherwise be vested in Norway by general
international law and by the law of the sea.
A sound reason why delimitation questions are inherently unsuitable for the application route
is that no applicant should be able to dictate to a respondent what its claims should be. To frame
both sides of a delimitation case by successive claim and counter-claim seems to be artificially rigid.
Denmark is eager to tell the Court what Norway's claims should be. It has even ignored the fact
that Norway is insisting on two boundaries, and has reformulated the Norwegian claim as a request
for a single line of delimitation! Mr. President, as long as Norway has not participated in the
decision to come to Court, Norway must reserve the right - at a minimum - to request the Court to
keep the two lines separate.
Amazingly enough, distinguished counsel for Denmark, our friend, Dr. Eduardo Jiménez
de Aréchaga, even said that Norway is actually asking for a single line of delimitation. He said
that:
"The fact that the Norwegian submissions are formulated in separate paragraphs does
not alter the substantial fact that an identical boundary line is requested by Norway, the
median line, both with respect to the continental shelf and the fishery zone. It follows that
both Parties ask for a single all-purpose boundary." (CR 93/2, p. 66; emphasis added.)
With all respect, learned counsel for Denmark seems to have confused the nature of the
boundary line with its location. It is not "an identical boundary line" at all. They are two quite
separate and distinct boundary lines. What is identical is the location of each line. Their locations
coincide, but the boundaries are quite different.
Mr. President, perhaps I might illustrate this with a historical anecdote. Sidney Smith, the
- 41 -
celebrated wit and Anglican cleric, was once in the midst of a theological argument with a Unitarian
friend of his on a walk down Pall Mall in London. The Reverend Smith was of course a believer in
the Christian doctrine of the Trinity, whereas his friend was a believer in Divine Unity. Suddenly his
friend saw a hansom cab going by with three passengers in the back. He stopped, pointed at the
carriage, and said: "That is what I mean! Three men in one carriage!" But Smith immediately
responded: "Oh no! What you must show me is not three men in one carriage, but one man in three
carriages!"
Norway does not accept the single line approach, lines that seem to become one line by a
process of reduction or condensation. It maintains its right to two lines in one place: two quite
different lines, with different objects and purposes, but sharing the same eventual location. These
would be two "single-purpose boundaries" - not a "single, dual-purpose boundary" or a "single,
all-purpose line of delimitation". They might well occur, Mr. President, in the same geographical
location, but they would still correspond to two separate functional zones in law.
The Court is, course, sensitive to the well-recognized fact that boundaries - not their markers,
but boundaries - are not physical objects. Nor are "zones". They are all legal concepts - mere
conceptualizations of the physical world, and they can, of course, repose - unlike real things - in
identical locations. Thus two boundaries and two zones of different types and for different purposes,
can share the same, or a joint, location with no difficulty.
Mr. President, turning back to the issue of litigation context, it is inconceivable, in the present
proceedings, that Norway would ever have agreed to the formulation of the issues as they are now
expressed in the submissions of Denmark. Denmark's first submission is - in effect - that the shelf
and fishery rights of Denmark be determined as if Jan Mayen island - and thus the Norwegian shelf
and fishery rights - does not exist.
Denmark's second submission requests the Court to draw a single, very specific line of
delimitation for both shelf and fisheries purposes, measured precisely from 21 separate Danish
base-points.
It is not credible that Norway would have agreed to such restricted parameters for this
- 42 -
litigation, had it been brought by special agreement. If the Parties had been able to conclude a
compromis to come to Court, the questions asked would have reflected the full views of both Parties
on the task of the Court and the scope of the dispute - not merely the position of one of them. The
case would then have been far easier for the Court to deal with, consistent with its own
jurisprudence, and it would have far more effectively reflected the correct relationship between
Norway and Denmark in this area.
In sum then, Mr. President, the present proceedings were instituted by application. We know
that this has many consequences for the procedure to be applied. We are not certain whether there
may be other, more substantive consequences, linked to the fact that the present case relates to a
field in which all previous litigation has been conducted on the basis of special agreement. If there
are such consequences, we do not know what they might be. We are, however, aware that the law of
maritime delimitation refers the determination of many matters to the agreement of the States
concerned. When there is a special agreement authorizing a court or tribunal to deal with those
matters, the rules which refer directly to the agreement of the parties are often, as it were, suspended.
Since there is no special agreement governing the present proceedings, that may have specific
implications for the task of the Court.
Consent and delimitation
The task of imposing a delimitation line on a respondent is made even more difficult by the
actual requirements of the law of maritime delimitation. If one party is contending, in good faith,
that the Court should not be drawing a particular line of delimitation in the absence of agreement, it
is obvious that the Court cannot fully benefit from both sides of the argument.
In a fully-agreed case such as the Gulf of Maine, for example, the Court or its Chamber can
be reasonably certain that the parties will have set forth, as effectively as possible, all the relevant
circumstances and considerations, even some that the Court or Chamber might not find relevant. It
is necessary for the Court or Chamber to "balance up" those relevant circumstances on a complete
basis of consensual equality, informed by joint purpose and will, in order to achieve an equitable
result.
- 43 -
Indeed, in the present case, Norway has tried hard to set forth as clearly as possible the facts
that it considers relevant for what would constitute an equitable delimitation, even though we do not
seek a "delimitation" as such, but rely on a boundary in place and/or a declaratory judgment as to
principle.
Even with the best will in the world, however, one cannot go to the extent of pretending
something one does not agree with - and here we would simply say that we have not been able to
engage Denmark on the issues of baselines, or base-points, or turning points. Those technical details
are required for the precise calibration and demarcation of where the median line, that is in place
between the Parties, will actually find itself on a large-scale map. Thus we part company with
Mr. Thamsborg, who dealt with these issues for Denmark, for another purpose.
The Agent for Denmark, Mr. Magid, conceded the potential difficulties in this situation when
he said that there was:
"[a] marked difference between the use in State practice of the equidistance method and the
jurisprudence of this Court and international courts of arbitration which have been presented
with special delimitation situations that have required a more nuanced analysis of all the
relevant circumstances involved in order to reach an equitable result" (CR 93/1 of
11 January 1993, p. 30; emphasis added.)
How can a fully "nuanced analysis" be provided if one of the parties does not, in fact, concur
in the process - if there is not, at the very least, a shared perception of the general task requested of
the tribunal?
What the Danish case fails to recognize is that the process of delimitation is long, slow and
delicate. That is what makes delimitation so special. The Agent for Denmark, Mr. Lehmann, has
helpfully stated that this is "a delimitation case, and nothing but, and ... this legal institution has its
own distinct rationale" (CR 93/1, p. 19).
This particular rationale has long been recognized in the law. Delimitation involves elements
that must be thoroughly canvassed by the Court and carefully weighed, in order to satisfy the legal
objective of achieving the equitable result. There may be the need to investigate alternative solutions
with the full participation of the parties. How else can the Court be certain that it has reviewed all
the facts necessary and relevant to arrive at an equitable result?
- 44 -
This is by no means to say that a party has a "veto" power over the conduct of a case. The
only "veto" power that a party may have is whether to sign a special agreement to go to the Court in
the first place. Once in Court, the parties will, of course, perform their duties under the Statute.
The conclusion one arrives at, Mr. President, is that delimitation is inherently and prima
facie inappropriate for cases brought by application. Delimitation is a subject as to which the
Court should, in our view, exercise its inherent judicial restraint as a prudential matter - unless it is
abundantly clear to the Court that both parties are specifically inviting it to undertake such a task.
As a policy matter, the parties should manifest their satisfaction of the substantive requirement of the
law of the sea: that there is an agreement, or consent, to delimitation, so that any delimitation
received and awarded will be fully consensual.
What then is meant by the word "agreement"? Our Agent, Mr. Haug, touched on this subject
a week ago (CR 93/5, pp. 18-20), but I would briefly like to come back to it here. There are at least
three levels of specificity, in a hierarchy extending from an agreement to request the most general
pronouncement of legal principle, at the top, to an agreement to request a specific demarcation of an
actual line on the ground, at the bottom. In addition, there are two main contexts in which these
levels of specificity achieve expression: the parties can do it themselves, or they can relegate the task
to a third-party decision-maker, such as this Court, or its Chamber, or an arbitral tribunal.
The first and most general level of "agreement" will of course be a treaty between the parties
which does not specifically indicate a boundary in the area in question, but only the general principle
on which any eventual boundary would be based. An example is of course the general provision of
Article 1 of the 1965 Agreement between Denmark and Norway, as applied to areas between the two
Kingdoms other than the North Sea.
The second level of specificity is where there is a general treaty between the parties that again
specifies a general principle to be applicable in a specified area, but which - once again - leaves the
precise articulation of the boundary line in that area to a subsequent procedure.
The third level of specificity is naturally a specific boundary treaty between the parties. It
will include a line. An example is Article 2 of the 1965 Agreement between Denmark and Norway
- 45 -
and the attached chart by which it was applied to the North Sea.
Turning to the other context - that of relegation of the matter to a third-party decision-maker -
we can see exactly the same hierarchy. The first level of specificity in this context is that where
parties have agreed on reference to the Court, but have only asked the Court to indicate principles
and rules, or a juridical status, but not to effect a delimitation or even to substantially assist the
parties to do so themselves. Examples here, of course, are the North Sea cases and more recently,
the El Salvador/Honduras case.
The second level of agreement in this same context is at one remove: it is where parties have
asked the Court to assist them substantially with the delimitation, but not in fact to draw the line.
The classic example here is of course Tunisia/Libya.
The third level proceeds at yet one further remove. It is where the parties have referred the
specific task of effecting a delimitation to the Court or an arbitration tribunal. The examples of
course are Gulf of Maine, Libya/Malta, and the three arbitral awards: France/United Kingdom,
Guinea/Guinea-Bissau and, most recently, Canada/France. Those situations could hardly be
further away from the situation confronting the Court today.
Some assistance might be garnered here from a quick review of the law and the cases.
The law of consent
Mr. President, the rule of decision to be applied here is either or both of the 1965 Continental
Shelf Agreement between Denmark and Norway and the 1958 Convention on the Continental Shelf.
(If the rule of decision were to be the provisions of the 1982 Convention on the Law of the Sea, the
result would be no different.) I would here remind the Court again of what I tried to make clear at
the outset of my pleading: that Norway is seeking first and foremost a declaratory judgment
reaffirming the validity and legal consequences of the 1965 and 1958 Treaties.
Article 6 of the 1958 Convention provided in relevant part that the boundaries: "shall be
determined by agreement between" the States concerned. Articles 74 and 83 of the 1982 Convention
further provide, in identical terms, that: "delimitation ... shall be effected by agreement on the basis
of international law, as referred to in Article 38 of the Statute of the International Court of Justice, in
- 46 -
order to achieve an equitable solution."
Thus the law requires the mutual consent of the parties to any such delimitation. What is done
without the agreement of both is not properly done at all. This is because delimitation is an
expression of the sovereign will of more than one State. It is a specific juridical act, establishing a
permanent international boundary between States. States may, of course, refer the application of
that will to a third-party decision-maker such as this Court. That in turn is an act of will. But it
must be specific.
And it must be consensual. Delimitation, as the Court knows, is a procedure that can readily
be so sensitive and so complex that the Court would be exceeding the bounds of judicial restraint
were it to assert that it could - as a rule - perform the same magic, or alchemy, without the full
consent of both sides to a potential boundary and without their full or at least willing co-operation.
Would the Court not have to take account of sensitive political and historical elements, and the
likelihood that States can readily agree upon new and unorthodox methods of arranging and
exercising their mutual sovereign rights?
Specific co-operation, then, is a sine qua non for delimitation. Indeed, the general practice
among States in matters of delimitation is to be very specific in what they request. The practice of
this Court in resolving questions of land boundaries is and has also been consistent with this. There
is no known adjudication or arbitration of territorial matters on land that did not specify the question
put to the tribunal and manifest the consent of the parties to its determination of territorial rights.
The development of the law in the cases has been consistent with this analysis. For example,
in the Gulf of Maine case, the Chamber referred to:
"the criterion that ... delimitation must above all be sought, while always respecting
international law, through agreement between the parties concerned. Recourse to
delimitation by arbitral or judicial means is in the final analysis simply an alternative to
direct and friendly settlement between the parties." (Idem, para. 22 at 266 (emphasis
added).)
It should in other words be a friendly and co-operative arrangement - not an adversarial
process.
In the past, the Court has proceeded with abundant care in this area. This care was reflected
- 47 -
most recently in the 1992 decision of the Chamber in the El Salvador/Honduras case (Land, Island
and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras; Nicaragua Intervening),
I.C.J. Reports 1992 (Judgment of 11 September)). The Special Agreement or compromiso in that
case requested the Chamber "to determine the legal situation of ... the maritime spaces".
If anything, the language of the compromiso in the El Salvador/Honduras case was quite
specific. It had already identified the role of the Court or Chamber: to make a determination - and
the subject-matter of that determination: the legal status of the maritime spaces.
Yet even then, the Chamber stated that:
"it is difficult to see how one equate 'delimitation' with 'determination of a legal situation' ...
the object of the verb 'determine' is not the maritime spaces themselves but the legal
situation of these spaces. No indication of a common intention to obtain a delimitation by
the Chamber can therefore be derived from this text as it stands." (P. 583, para. 373;
emphasis added.)
Thus if the Chamber felt that it could not squeeze "delimitation" out of "determination of the
maritime spaces", should the Court in our case today not exercise an analogous judicial restraint?
Again, in paragraph 380 the Chamber in El Salvador/Honduras reiterated its awareness of
"the absence from the text of any specific reference to delimitation", and added, significantly:
"Whenever in the past a special agreement has entrusted the Court with a task related to
delimitation, it has spelled out very clearly what was asked of the Court: the formulation of
principles or rules enabling the parties to agree on delimitation, the precise application of these
principles or rules (see North Sea Continental Shelf cases, Continental Shelf (Tunisia/Libyan
Arab Jamahiriya) and Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta) cases), or the
actual task of drawing the delimitation line (Delimitation of the Maritime Boundary in the
Gulf of Maine Area case). Likewise, in the Anglo-French Arbitration of 1977, the Tribunal
was specifically entrusted by the terms of the Special Agreement with the drawing of the line."
(P. 586, para. 380.)
Denmark has gone further than this, in at least two significant ways. It has not only asked the
Court to effect an actual delimitation that requires the drawing of a specific line. It is also asking
the Court to impose a single line on Norway - and to determine a new boundary that differs from the
existing legal relationship between the Parties.
This all provides food for thought and reflection. Delimitation is a special operation - in
particular, the delimitation of maritime spaces. The Court should approach the subject with
appropriate judicial circumspection and restraint, if the parties seem to be in any disagreement about
- 48 -
the appropriateness of that operation.
What might have been done
Mr. President, if two States have optional clause declaration in effect, one of them may of
course bring a "question of international law" to the Court, such as:
"What is the extent of the maritime areas of State A vis-à-vis State B, in the light of
applicable treaty law and the modern law of the sea?"
The Court would, I imagine, have no problem in resolving this and in answering that question.
(Of course it goes without saying that if any rights of a third State were involved, the Court would
work around that in accordance with its past experience and the provisions of the Statute.)
Now, if the question were:
"To what extent do circumstances require that the maritime areas of State A be reduced
vis-à-vis those of State B?"
The Court could also, I think, answer that question without difficulty.
And if the question were:
"May State A grant concessions relating to the exploitation of petroleum resources on the
continental shelf in the [following described area] ... between State A and State B?"
Or:
"Are the islands of X and Y to be considered as being on the continental shelf of State A or of
State B?"
One may begin to see the need for judicial restraint in such a situation, but in all likelihood the Court
could still probably answer those two questions without much greater difficulty.
But if, instead, the question put to the Court by State A were: "Is the line of delimitation
between State A and State B to be a single line of delimitation, for purposes both of the continental
shelf and of the fisheries zone?" - then the matter becomes quite different.
In the absence of treaty, the specific agreement of State B has not been obtained, not merely to
the identity of the delimitation line but - even more specifically - to the proposition that such a line
can be applicable to the parties as a matter of substantive law.
The situation is again different - and just as impossible for the Court - if one of the Parties
submits that:
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"The single line of delimitation between State A and State B is to be a specific line
established at a distance of 200 nautical miles from the baselines of State A obtained by
connecting the following twenty-one specific base-points ... [etc.]"
Well, this is the situation currently confronted by the Court in this case.
If it does effect a delimitation, might not the Court have stepped into the role of the parties? If
it decides, in accordance with either of these two last hypothetical submissions, might it well be
by-passing the fact that the question of international law put to it included another, hidden, question:
where is the line to be drawn? In order to answer this hidden question, should agreement of the
parties not be required as a matter of law as well as a matter of propriety and practicality?
It may well require a lot more than a general agreement to litigate, to instruct the Court to find
a specific boundary, and effect a specific delimitation. This may be particularly true when what is
sought is imposition of a single line. The matter could of course have been different. For example,
consider how different the situation would be today - if there were no other applicable treaties
between the Parties - if their optional clause declarations had contained a sentence or clause such as:
"and ... [Denmark or Norway] further agrees that the delimitation of any maritime areas,
whether of continental shelf or fisheries zones, may be referred to the International Court of
Justice for final decision in accordance with the pertinent principles and rules of the law of the
sea."
One may well recall the lengthy back-and-forth between the Parties in the Tunisia/Libya
Continental Shelf case only ten years ago, concerning the degree of precision that the Court should
find appropriate to adopt in specifying the "practical method" for applying the principles and rules of
international law that it had declared.
Does it make a difference?
What difference does all of this make? Firstly, even if the Parties agree to a certain extent that
a delimitation is to take place, they may very well choose various methods of expressing those lines.
Each line could be a precise equidistance line between the coasts. I could not put it better than
Professor Bowett did when he said:
"State practice demonstrates a whole variety of methods - lines adopting a fixed azimuth, lines
adopting a line of latitude, stepped lines, equidistance lines, modified equidistance lines, lines
perpendicular to coast, enclaves, total or partial, and so on" (CR 93/4, p. 10).
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Does not this concisely reinforce the Norwegian argument that delimitation is inherently
bilateral, and that its many variations should - as a matter of sound policy - reflect the joint will of
those concerned? One had only to listen to Mr. Thamsborg last Thursday morning to realize that the
unilateral assertion of lines and points possesses, for all its seeming cartographic precision, an eerily
arbitrary - almost surrealist - quality.
Secondly, the solutions which the Court could adopt are almost infinite in number. Left on
their own, moreover, the Parties might well choose to express the delimitation relationship in several
other different ways. They could, as the Court contemplated in 1969, initiate a form of joint
exploitation, including joint development zones or common areas of interest - but this would be the
very paradigm of something for which a specific and unequivocal accord would be required.
One need only consider the recent Bering Sea Agreement, between the United States and the
then Soviet Union, to understand how flexible and ingenious parties may be in designing acceptable
solutions. One can then appreciate how difficult it might be for the Court to find the necessary
factual and other elements in order to provide for the parties the kind of solution that their collective
will might have achieved for themselves. Is not a decision as to whether a stepped line or a straight
line is a better solution — is not that kind of decision a dilemma that a court might find it hard to
resolve? These kinds of question are cardinally important, however, in the matter of fisheries
regulation and of the granting of petroleum concessions; yet are they not peculiarly susceptible to
fine variations and sensitive political input? Would they not seem to require what Mr. Lehmann so
aptly characterized as "a more nuanced analysis of all the relevant circumstances involved"?
(CR 93/1, p. 30).
Moreover, if the consent of the parties is unsettled or unclear as to the delimitation between
them, might the result reached by the Court not in fact correspond with the line or lines which, at the
end of the day, either or both of the parties might have preferred? If the parties might with hindsight
have preferred two lines; or a variation of two lines; or two lines, a single line, and a joint area -
again, what is this to do to the authority of the Court in the area of maritime delimitation?
In a case where there is actual controversy that there should be a single line, and when one of
- 51 -
the parties has in fact taken pains to go on the record to say that it could not accept a single line, how
can the Court proceed to impose one without very clear indication that such a step is called for and
necessary?
These distinctions do make a difference in practical terms. A prerequisite of the Court's
drawing a maritime boundary should be that it be asked unequivocally to do so. This is only
common sense. It is also the substantive law of the sea. It leaves the implementation of the Court's
judgment to both parties, who are, of course, under the obligation to apply it.
This will not frustrate the purposes of international law. Instead, it will clarify and advance
them.
The submissions
One way to verify the common sense of all this is to examine the submissions of the Parties.
My friend and colleague, Prosper Weil, has just completed a full exegesis of these two anomalous
paragraphs - the Danish submissions - and I will not repeat what he has said except to indicate that
the task of the Court - already difficult and sensitive in our view - is made even more arduous by the
insufficiencies of the Danish submissions. For it is inescapably obvious that neither of these
submissions actually constitutes a request for delimitation in the form to which the Court is
accustomed and that the law requires. They are, if anything, requests for the Court to draw a
specific line of delimitation, without more.
There is an important distinction here. If the Court does not accept Denmark's submissions -
and remember, these are submissions in a case brought by application and Denmark must be held to
the success or failure of those submissions - then there is nothing further for the Court to do, unless
there is agreement between the Parties to request the Court to do something further.
This difficulty, ironically, is one that was probably created by the fact that - since every
known delimitation judgment in the past has been reached in a case brought by special agreement - it
was obviously difficult for Denmark and its counsel to remember to think of this case as being one
brought by application.
There is, of course, at least one big difference between the two types of cases. It lies in the
- 52 -
way in which submissions are treated by the Court and how they define or limit the actual dispute
presented to the Court. Again, Professor Weil has more than adequately illustrated the painful
consequences of the evolution of the Danish submissions in this regard.
However, counsel for Denmark has advanced the thesis that the task of the Court can, in
application cases, be determined by reference to the submissions of the parties, and to this end has
cited authority and precedents (CR 93/2, pp. 65-66). Yet, we must keep in mind that although in
most cases "the limits of the Judgment" will bear a direct relationship to the task of the Court, this is
not necessarily always true.
In some cases - and the present one is a prime example - the task of the Court will also be
determined by existing principles of law: as in this case, the law of the sea and maritime
delimitation. Just because Denmark submits that the Court should do this and that, does not mean
that Denmark can get this or that result, or that the Court will be able to grant such relief.
But what relief is at issue? As I said a minute ago, the Court has not been asked to perform
a delimitation, or to choose where a boundary should be. It is just asked to draw a boundary line at
200 miles. This request seems almost to invite a "Yes/No" response - more precisely, perhaps, it is a
multiple-choice question with only one possible answer.
On these premises, the line will be drawn at 200 miles, or it will not. And - just as
important - it will either be a single line of delimitation, or it will be no line at all.
The situation before the Court today is, therefore, quite different from the one that would have
existed had there been a third - actually, a first - submission of Denmark similar to the one that
appeared in its Application. For these reasons, it would seem to us that the Danish submissions are
defective.
In an ironic sense, the problem that Denmark has in this regard is probably a by-product of
the procedural context in which this case has been brought. Unwilling or unable to negotiate a
special agreement or an arbitral compromis with Norway, Denmark jumped the gun; went for the
lion's share; and did not think through the fact that in doing so it was actually proceeding by way of
an application. Proceeding in the wrong manner, Denmark drew the wrong submissions.
- 53 -
Having been invited by counsel to look closely at those submissions, this is therefore what we
find. Seen from a different perspective, is this not the proof of the pudding? Matters of this kind are
much better handled bilaterally. The search for a delimitation cannot comfortably or intelligently
be managed by way of a unilateral application.
Policy considerations
Mr. President, a variety of more general policy considerations supports these arguments.
First. It must be made clear that unilateral action is unsuitable for determining a maritime
boundary. If the Court proceeds with the full agreement of only one party, it may be imposing a
delimitation where there is a substantial risk of inaccuracy in the result. Thus the Court should here,
we would say, exercise prudential restraint, and if need be should stop short of articulating the
precise boundary line, confining itself to a judgment declaratory of the principles involved and
perhaps even the general result that would be reached by their application.
Second. Technical problems will always raise their heads: turning points, baselines, and the
like. These cannot be imposed. They can be accepted, but only if so agreed. Although in our view
of the case it should be resolved on the level of principle, we have responded in rebuttal of many
points made by Denmark. Yet it is plain that even Mr. Thamsborg cannot speak for Norway on
these technical aspects with which we are not engaged.
Third. The question of a "single, all-purpose line of delimitation" or a "single, dual-purpose
boundary", as opposed to two "single-purpose boundaries", or perhaps even further variations. Why
should a State be forced to observe a single, all-purpose line of delimitation for both shelf and
economic zone, or for shelf and fisheries? Why, conversely, should a State preferring a "single,
dual-purpose boundary" be forced to observe two "single-purpose boundaries"? There is no
necessary or sufficient reason why the establishment of fishery zones should pre-empt the
delimitation of continental shelf areas. Again, it would seem to us that this is a subject where
judicial restraint would seem to be called for almost par excellence.
With respect, we cannot accept the thesis propounded by distinguished counsel for Denmark
when he said that "a request for the delimitation of the fishery zones ... will automatically and
- 54 -
unavoidably include the underlying continental shelf" (CR 93/2, p. 67). First, this ignores the
historical fact that the continental shelf came first and that shelf boundaries are normally thought of
as being precedent to fisheries or economic zone boundaries. This is in fact the past historical
practice of Denmark.
More significantly, if this proposition were in fact true, why would it ever be necessary for a
State to specify a single line of delimitation? It is a new manifestation of "creeping jurisdiction" with
which Norway cannot possibly agree. Indeed, all that a State would have to do on this analysis
would be to ask for a delimitation of fishery zone, and the shelf would be sure to follow. Like
Mary's little lamb in the nursery rhyme: "Everywhere the fishes went, the shelf was sure to go."
Fourth. As I have suggested earlier, if there is a bona fide dispute - and not full agreement -
about what it is that the Court can be asked to do, the Court might find it difficult to effect a
delimitation as a substantive matter, in accordance with equitable principles and the existing law of
the sea. There is potential for incompleteness and, with all the best will in the world, for inadequate
canvassing of relevant factors on a basis other than an agreed inquiry. It means that the Court, in a
form of analogue to Article 53 of the Statute, might have to supply equitable considerations on its
own, since one of the parties cannot do so because of its legal view that delimitation is inappropriate.
Fifth. Informing this analysis will of course be the Court's sensitivity to being used in an
inappropriate manner. And the Court will have a weather eye on the effect of a unilaterally-imposed
delimitation on the substantive law of the sea, and on prospects for future agreed delimitations.
Might the Court not find itself swamped with case after case, each lacking specific consents to ask
the Court to effect a delimitation in the first place?
Sixth. The distinctions between jurisdiction, admissibility, and judicial restraint and propriety
will of course always be kept in mind. The Court cannot act where it has no jurisdiction, or where
the dispute is inadmissible. The Court ought not to act when the dispute raises valid issues of
judicial restraint. The Court chooses not to act when to do so would be inconsistent with judicial
prudence. Indeed, prudential restraint should be seen as an inherent and necessary ingredient of the
exercise of the judicial function.
- 55 -
Seventh. What effect might a ruling along the lines sought by Denmark have on optional
clause declarations? Would States now be tempted to withdraw or qualify their declarations, or to
tack on multiple reservations, to avoid the problem of seeming to invite unwanted delimitations? For
example, might Denmark otherwise not file an application tomorrow against, say, the
United Kingdom?
Eighth. What is to be the effect on States that are negotiating special agreements for
delimitation of their continental shelves or fisheries zones? Why bother, if recourse to the Court
under an optional clause could achieve the same result? Moreover, even where negotiations for a
special agreement have been proceeding for a long time, an optional clause State could always
short-circuit the process and force the outcome.
Ninth and last. As a matter of general judicial policy, the Court would want to be most
careful to avoid being placed in a position where it is being asked to perform impossible tasks, or to
perform tasks that may be inconsistent with the substantive requirements of law. This is the
defensive aspect of judicial discretion.
It goes hand in glove with the prudential discretion that the Court will automatically exercise
to avoid attempting to deal with situations where infinitely subtle and "nuanced" elements - in
particular those of a political coloration - are brought into play. These include straightforward
complex negotiations such as the Bering Sea, but must also encompass delimitations such as those
that followed the Court's decisions in the North Sea cases and even Tunisia/Libya.
What should be done?
What should then be done in the present case? Mr. President, certainly there is something that
can be done. What is it that the decision of the Court, in the submission of Norway, can declare?
When it is all boiled down, the basic question of international law presented to the Court for
decision is a general question, namely:
Should Denmark's continental shelf or fisheries zone be increased, and that of Norway
reduced, because of certain facts and in the application of certain principles?
The answer suggested by Norway is, of course, that the Court issue a declaratory judgment
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supporting existing treaty arrangements and, either on that basis or on any other, confirming the
median line as the appropriate boundary as to each zone, but without in fact drawing the line in
either case.
Denmark's first submission might be formulated - more candidly - as, in substance, a request
to the Court, as follows:
"To adjudge and declare that Greenland is entitled to a 200-mile fishery zone and continental
shelf area as if the island of Jan Mayen did not exist."
Or, more succinctly even:
"To adjudge and declare that, for the purposes of the maritime rights of Greenland, the island
of Jan Mayen does not exist."
The Court will recall the large coloured map that stood on an easel at the back of the
Court-room during the four days of Denmark's case-in-chief. Well, it is now - like Polonius - behind
that arras, and we hope that it will appear again next week before suffering the same fate as befell
Polonius. Diligent inspection, however, failed to disclose that Jan Mayen Island was even on that
map. This was, I thought, symbolic of what the Danish case is all about.
The second Danish submission diverts attention from the hidden, but ineluctable, meaning of
the first. It focuses upon the line. Equity is forgotten. There can be no question as to the specificity
of the result sought. Requesting a line, rather than focusing on principle, has been required by the
structure and direction of Denmark's tactical case.
It shifts the focus away from the principle to the application - from the entitlement to the
delimitation. This is true a fortiori when - as here - a single line is also sought to be imposed.
Denmark can focus on various aspects of the result, specifying details of the line. The Court is not
invited to evaluate the situation on its own. It is merely to rubber-stamp Denmark's assertion.
If it were required to focus on bare principles, however, Denmark would have to face up to
what it is saying: that Denmark's entitlement is somehow different in quantity, different in quality
from that of Norway; or that Jan Mayen island can somehow be viewed as constituting a "special
circumstance" as to itself, and all by itself.
Because of the exaggerated nature of the claim, therefore, Denmark must necessarily seek a
- 57 -
line of delimitation rather than an adjudication of principle. If Denmark were seeking to validate its
entitlement based on a general application of the equidistance method with modest adjustments, or a
substantially equal treatment of the two islands, there would not be any need for the Court to effect a
"delimitation" as such.
Any deviation from the application of the equidistance method would not be substantial. The
whole reason that Denmark has asked for a line is because its case is not one that can possibly
achieve an equitable result.
Conclusion
And so my argument comes to a close, Mr. President.
I fully expect our opponents to react by saying that Norway cannot both be in the litigation
and out of the case; that we cannot blow hot and cold at the same time; that we cannot, at this stage
of the proceedings, disclaim the responsibility of participating in the case. And, of course, we will
say that this is not so, and we will seek again to point out to our Danish adversaries the distinctions
between a declaration of entitlement and the performance of an actual delimitation.
To these complaints there is also another answer. Not only are these assertions untrue: none
of this is of Norway's own doing. It was Denmark that sued Norway - trying to squeeze a forced
unilateral delimitation claim into the Procrustean Bed of a case such as this.
Furthermore, Norway is circumspect about any inappropriate use of the judicial process. Our
Agent has already mentioned the Norwegian record before this Court and its predecessor.
Mr. President, Norway has seen the problem from many angles, and does not shy away from
litigation.
Another answer could also be given. Norway takes very seriously the consistent development
of treaty law and the law of the sea. Norway has made significant efforts over the years to tie its
maritime policy to existing treaty law, to construct a framework of treaties that represents a rational
and progressive basis for conducting international relations concerning the law of the sea.
Thus, it is our view that Denmark should not be able to depart from its treaty arrangements
and from the effects of its past conduct, or to deliberately ignore its own internal legislation in order
- 58 -
to reach the particular result it now seeks for Greenland.
However, Norway wishes to protect itself - as well as the Court - from a case such as
Denmark's, one that palpably overreaches in the procedural sense and one that is, as a matter of legal
substance, inherently inequitable almost by definition.
Naturally any attack by Norway on the coherence or propriety of the Danish case can be
expected to generate a fierce and outraged response. But we must at all times keep in mind that
these proceedings were Denmark's idea; we have made clear from the beginning that we could not
accept the propriety of Denmark's attempt to fix a boundary by this method. After all, it is a
litigation that we are conducting, not a conciliation, or mediation procedure.
But the matter does not stop there, Mr. President. As Mr. Haug pointed out, and as
Professor Weil has analysed in detail, the Danish submissions had seemed in the earliest phases to
suggest a desire on Denmark's part to have the Court perform a real delimitation. But they had
collapsed, by the time of the Danish Memorial, into asking for no real delimitation at all - a posture
that they have consistently maintained ever since.
Doubtless the reason for this was common sense. Denmark realized that the request contained
in the Danish Application could not possibly result in Denmark's getting its so-called "200-mile outer
limit" for Greenland, since that first submission had specified that its claim should be decided "in
accordance with international law".
And so the submissions were changed to their present summary and conclusory form, and the
Court's weighing and balancing-up of relevant circumstances have been relegated to a secondary or
even a tertiary role, and the relief requested by Denmark now assumes the form of a flat declaration
of entitlement with one, and only one, result.
The fact that such a result is the legal equivalent of eliminating Jan Mayen completely from
the map of the North Atlantic has not deterred Denmark or inhibited the extremeness of its claims.
When one considers this aspect of the case, Mr. President, it causes one to ponder how - apart from
and beyond its procedural defects - Denmark's claim can be supported as a claim under the
contemporary law of the sea?
- 59 -
How can a result ever be equitable which completely ignores the existence of the sole feature
on the other side? One can formulate this perhaps as an abstract proposition: that Denmark's
"200-nm outer limit claim" is inherently inequitable. It can never represent a result that could ever
be reached by a tribunal seeking to apply the modern law of maritime delimitation.
May I therefore suggest two propositions for this case? Mr. President, my first proposition is
that:
(i) Delimitation is inherently unsuitable for cases brought by unilateral application unless
there is some form of agreement on the part of the respondent as to the role and powers
of the Court.
My second proposition would be that:
(ii) Any delimitation claim that totally ignores the existence of the geographical feature on
the other side of the dispute is inherently inequitable, is subversive of the function of the
Court, and should be rejected in limine and a priori.
* *
Mr. President, Norway asks the Court to render a declaratory judgment reaffirming the
principle of the median line in place between the Parties because of their treaty relationships,
including both the 1965 and 1958 Treaties, and by virtue of general international law and as a result
of the conduct of the Parties. Similar considerations are adduced in respect of the fisheries zone.
Beyond reaffirming the treaty obligations of Denmark, what Norway asks for is not
substantially different from what Denmark asked for in the North Sea cases or what Tunisia and
Libya asked for a decade later.
On the other hand: what Denmark is seeking today is a result that is the same as that reached
in Libya/Malta or the Gulf of Maine case in procedural terms, but without the benefit of the
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successful negotiation and expressed articulations of agreement that were conditions precedent to the
role of the Court and the Chamber in each of those cases.
The Court therefore does not have to construct an actual alignment of the boundary. That is
for the Parties to do, in accordance with the basic ruling by the Court on questions of legal principle.
Norway therefore requests the Court to grant a declaratory judgment, and to pronounce itself
on the issues of treaty law and general international law that are involved and must be taken into
account by both Parties in arriving at an agreed delimitation between them.
Such a delimitation would have to be one that would constitute an equitable solution for the
continental shelf and for the fisheries zone and that would be consistent with law and treaties. The
Court's decision would be one that can usefully serve as a general rule of decision in future cases.
As stated in paragraph 704 of our Counter-Memorial, and as reaffirmed in paragraph 658 of
our Rejoinder:
"the adjudication should result in a judgment which is declaratory as to the bases of
delimitation, and which leaves the precise articulation (or demarcation) of the alignment to
negotiation between the Parties".
It is this judgment that Norway seeks.
Thank you, Mr. President, and Members of the Court, for the courtesy of your attention.
Might I now please ask you call again upon our Agent, Mr. Bjørn Haug?
The PRESIDENT: Thank you very much, Mr. Highet. Mr. Haug.
Mr. HAUG: Mr. President, distinguished Members of the Court, Mr. Highet's statement
rounds off the presentations on behalf of Norway in this first round of the oral pleadings. He has
discussed in greater detail some of the procedural issues which I referred to in my opening statement
last Friday. As I said, Norway appears before this Court in keeping with our long-standing support
for judicial settlement of international disputes. But, when adversary proceedings are instituted
against us by a unilateral application in a matter which many States, for a variety of reasons, have
found better suited for negotiation or specifically agreed forms of judicial settlement, then we are
entitled to ask the Court to take the greatest care in dealing with it. Our commitment to this Court
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and to the judicial process is not thereby diminished.
Mr. President, Danish Agents and counsel have, by "narrowing down" some of their
arguments (to use Mr. Lehmann's phrase), made it possible for us to present the Norwegian case in
somewhat shorter time than we had anticipated.
We thank you, Mr. President and distinguished Members of the Court, for your patience.
The PRESIDENT: Thank you very much, Mr. Haug. It only remains for me to read out the
three questions which the Vice-President wished to ask the Parties. They are as follows:
The first question is addressed to both Parties.
The concept of the 200-mile "exclusive economic zone" (which appeared much later than and
entirely separate from the previously established concept of the continental shelf) was first provided
for in the 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea. In this maritime zone, the coastal
State not only exercises its jurisdiction (mainly on account of the resource aspect) but also assumes
various degrees of responsibility for the conservation of fishery stocks and the proper management of
those stocks, taking into account the rights and interests to which other countries may be entitled in
this zone. In this respect, the "exclusive economic zone" is certainly different in nature from the
fishery zone which was set up by a number of countries prior to the 1970s, so that they might claim
an exclusive right to fish. I would point out that, at the Third United Nations Conference on the Law
of the Sea, the concept of the "exclusive economic zone" was proposed and widely accepted as a
strategy to counter claims to a simple fishery zone. In their respective claims to the 200-mile zone
for fishery purposes since the mid-1970s, neither Denmark nor Norway have used the firmly defined
term "exclusive economic zone" but have simply referred to a "fishery zone" or "economic zone".
The term "exclusive economic zone" has rarely been employed by the Agent and counsel of either
Party except for a few exceptional occasions on which they referred to the 1982 United Nations
Convention. I would like to have the views of both Parties on the following: When, in their
respective domestic legislations, the Parties mention the economic zone or the fishery zone (thereby
avoiding the use of the established term "exclusive economic zone"), do they actually mean the
"exclusive economic zone" as provided for in the United Nations Convention on the Law of the Sea
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(and which can be regarded as having by now gained status in customary international law) or are
they suggesting a different concept which they believe has also become established in parallel with
the concept of the "exclusive economic zone"?
My second question is again addressed to both Denmark and Norway. How does each Party
interpret paragraph 3 of Article 121 (concerning the Régime of Islands) of the 1982 United Nations
Convention which provides that "rocks which cannot sustain human habitation or economic life of
their own shall have no exclusive economic zone or continental shelf"? I put this question bearing in
mind that this provision was the result of a compromise reached at the early stage of UNCLOS III.
My third question is to Denmark alone. It seems to me that a single line for the maritime
boundary may well be sought by the States concerned for practical purposes, but the present case is
not one in which both Parties have agreed to have the Court determine a single maritime boundary.
The concept of a single maritime boundary has not been established in either customary international
law or treaty law. If Denmark, as stated in its Application, wants to have a single boundary line
drawn in this case, which boundary line (i.e., that of the exclusive economic zone or that of the
continental shelf) does Denmark believe should be foremost and therefore absorb in its confines the
other line? Does Denmark believe that the boundary of the continental shelf (which could have been
determined prior to the emergence of the concept of the exclusive economic zone) dictates the
boundary of the exclusive economic zone (which Denmark believes should coincide with the
boundary of the continental shelf) in the sea areas between Greenland and Jan Mayen?
That concludes the questions put by the Vice-President. They are perhaps a little complicated
and the written version is immediately available to help the Parties. May I say that of course those
questions may be answered at the discretion of either Party, either in the proceedings next week or in
a written answer, which may be submitted within a reasonable time after the conclusion of these
proceedings.
I think all we need do now is adjourn and we will meet on Monday at 10 a.m. to hear the
Danish reply. Thank you very much.
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The Court rose at 13.05 p.m.
Public sitting held on Friday 22 January 1993, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Sir Robert Jennings presiding