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CR 2020/5
CR 2020/5
Mardi 30 juin 2020 à 14 heures
Tuesday 30 June 2020 at 2 p.m.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit aujourd’hui dans des circonstances pour le moins exceptionnelles, pour sa première audience en l’affaire de la Sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana c. Venezuela). Face à la pandémie de COVID-19, et aux défis sans précédent qu’elle implique pour l’humanité entière, ce n’est pas sans peine que nous nous efforçons — tous — de reprendre le cours de notre existence, et de poursuivre notre travail.
La crise sanitaire et les mesures prises par les différents gouvernements pour la contenir ⎯ en particulier les restrictions en matière de trafic aérien ⎯ ont eu de profondes répercussions sur les activités de la Cour, comme sur celles de bien d’autres institutions. La Cour, toutefois, a continué de s’acquitter de ses fonctions judiciaires en organisant des séances et des délibérations à distance, et en se préparant à tenir virtuellement des audiences qui auraient dû se dérouler sur place. Elle tient aujourd’hui la première de ces audiences virtuelles.
La Cour s’est donc trouvée dans l’obligation d’adapter ses méthodes de travail en ces temps difficiles, afin d’assurer à la communauté internationale la continuité de ses activités de règlement judiciaire international. Les membres et le personnel de la Cour n’ont pas ménagé leurs efforts pour rendre possible la tenue de cette audience, par exemple, en dépit de la pandémie. En sus d’adapter ses méthodes de travail et de mettre en oeuvre la technologie nécessaire pour tenir des séances et des audiences virtuelles, la Cour a eu à tâche de modifier son Règlement.
Le 22 juin 2020, la Cour a ainsi modifié l’article 59 de son Règlement pour y inclure un nouveau paragraphe, qui précise qu’il lui appartient de décider, lorsque des raisons sanitaires, des motifs de sécurité ou d’autres motifs impérieux l’exigent, de tenir tout ou partie des audiences par liaison vidéo. Elle a également modifié le paragraphe 2 de l’article 94 à l’effet d’indiquer qu’elle pourrait être amenée, dans ces mêmes circonstances, à lire l’arrêt qu’elle aura rendu par liaison vidéo. Dans un cas comme dans l’autre, l’audience sera retransmise par Internet. Aujourd’hui, le public pourra ainsi suivre les interventions prononcées soit dans la langue utilisée par l’orateur, soit telles qu’interprétées dans l’autre langue.
Bien que tout ait été fait pour assurer le bon déroulement de cette audience, il demeure certaines difficultés inhérentes à toute vidéoconférence et à la technologie d’interprétation simultanée à distance. Ainsi, dans l’éventualité où nous perdrions la liaison audio avec les participants à distance,
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je pourrais être amené à suspendre brièvement l’audience afin de permettre aux techniciens d’y remédier.
Dans le présent contexte, celui de la pandémie de COVID-19, la Cour a choisi de combiner présence physique et présence virtuelle à l’audience, un format qui semble avoir fait ses preuves dans le cas de la Cour. Un certain nombre de juges siègent donc à mes côtés dans la grande salle de justice. Il s’agit de Mme la juge Xue, vice-présidente, de MM. les juges Tomka, Abraham, Bennouna, de Mme la juge Sebutinde et de MM. les juges Crawford, Gevorgian et Iwasawa. M. le juge Cançado-Trindade, Mme la juge Donoghue, MM. les juges Gaja, Bandhari, Robinson et Salam, ainsi que Mme la juge ad hoc Charlesworth, participent à l’audience à distance. Mme la juge ad hoc Charlesworth fera ainsi dans un moment sa déclaration solennelle par liaison vidéo.
Tous les juges qui participent à l’audience de ce jour, que ce soit sur place ou à distance, composent la Cour aux fins de la présente instance.
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Avant d’entamer l’audience d’aujourd’hui, je voudrais, au nom de la Cour, rendre solennellement hommage à deux grandes figures du système onusien et du droit international qui nous ont quittés récemment : M. Javier Pérez de Cuéllar, ancien Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, qui est décédé le 4 mars dernier, et M. Thomas Mensah, ancien juge ad hoc à la Cour, qui s’est éteint le 7 avril.
Né à Lima le 19 janvier 1920, M. Pérez de Cuéllar venait de célébrer son centième anniversaire. L’histoire de sa vie rejoint celle du vingtième siècle et de l’Organisation des Nations Unies.
Juriste, diplômé de la faculté de droit de l’Université catholique de Lima, et fin diplomate, M. Pérez de Cuéllar a occupé de nombreuses fonctions au service de son pays et de l’Organisation des Nations Unies. Représentant de son pays au Conseil de sécurité en 1973 et 1974, il a ensuite été nommé représentant spécial du Secrétaire général à Chypre, poste qu’il a occupé jusqu’en décembre 1977, avant d’assumer, en 1979, la fonction de Secrétaire général adjoint aux affaires politiques spéciales de l’Organisation des Nations Unies.
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Elu Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies pour un mandat de cinq ans à compter du 1er janvier 1982, M. Pérez de Cuéllar a été reconduit à cette fonction pour un second mandat, qui a pris fin le 31 décembre 1991.
Javier Pérez de Cuéllar était un infatigable défenseur de la paix. Par sa persévérance et ses talents diplomatiques, il a apporté sa pierre au règlement de crises majeures et de conflits éminemment complexes. Citons, notamment, le cessez-le-feu qui a mis fin à la première guerre du Golfe, le retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan, la conclusion d’un accord de paix à El Salvador, ou encore le processus de paix ayant conduit à l’indépendance de la Namibie. En sa qualité de Secrétaire général, M. Pérez de Cuéllar s’est maintes fois rendu en visite officielle au siège de la Cour, dont il a toujours souligné le rôle unique en matière de règlement pacifique des différends.
En ma qualité de président de la Cour internationale de Justice, et au nom des membres de la Cour, du greffier et de l’ensemble du personnel du Greffe, permettez-moi de présenter nos sincères condoléances au peuple et au Gouvernement péruviens, ainsi qu’à la famille et aux proches de M. Pérez de Cuéllar.
Je voudrais à présent rendre hommage à M. Thomas Mensah, qui a été juge ad hoc à la Cour.
Thomas Aboagye Mensah, de nationalité ghanéenne, est né à Kumasi, au Ghana, le 12 mai 1932. Diplômé de l’Université du Ghana en 1956, il a poursuivi ses études à l’étranger, obtenant un diplôme avec mention de l’Université de Londres en 1959, puis une maîtrise de droit (LL.M.) et un doctorat ès sciences juridiques (J.S.D.) de la faculté de droit de Yale (Etats-Unis), respectivement en 1962 et 1964. Ayant enseigné le droit de 1963 à 1968 au Ghana, M. Mensah a entamé une carrière qui allait se révéler illustre dans le domaine du droit international, et qui allait le mener de l’Agence internationale pour l’énergie atomique au Secrétariat de l’Organisation maritime internationale (OMI), où il a officié pendant plus de vingt ans, d’abord comme directeur des affaires juridiques, puis comme sous-secrétaire général.
En 1996, lorsque le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) a vu le jour à Hambourg, il en a été élu membre, avant d’être choisi par ses collègues pour en devenir le premier président. Sous sa présidence, le Tribunal a adopté des règles et établi des procédures qu’il continue d’appliquer à ce jour.
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En 2012, Thomas Mensah a été désigné juge ad hoc à la Cour, en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie).
Le juge Mensah était membre de l’Institut de droit international, membre titulaire du comité maritime international, membre du conseil consultatif du British Institute of International and Comparative Law et membre du comité permanent d’arbitrage maritime de la chambre de commerce internationale.
Le juge Thomas Mensah n’était pas seulement admiré pour sa vive acuité intellectuelle ⎯ celle de l’un des plus grands arbitres dans le domaine des litiges maritimes internationaux — et sa très grande humanité ; il était aussi extrêmement apprécié pour son humour, sa personnalité avenante et son sens de la convivialité. Au cours des vingt-cinq dernières années, le juge Mensah a été l’une des personnalités les plus en vue dans le domaine du règlement pacifique des différends internationaux.
En ma qualité de président de la Cour internationale de Justice, et au nom des membres de la Cour, du greffier et de l’ensemble du personnel du Greffe, permettez-moi de présenter nos sincères condoléances au peuple et au Gouvernement ghanéens, ainsi qu’à la famille et aux proches de M. le juge Thomas Mensah.
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Je vous invite maintenant à observer une minute de silence à la mémoire de MM. Javier Pérez de Cuéllar et Thomas Mensah.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. J’en viens à présent à l’affaire de la Sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana c. Venezuela), et je vais retracer les principales étapes de la procédure en l’espèce.
Le 29 mars 2018, le Guyana a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre le Venezuela au sujet d’un différend concernant «la validité juridique et l’effet contraignant
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de la sentence arbitrale du 3 octobre 1899 relative à la frontière entre la colonie de la Guyane britannique et les Etats-Unis du Venezuela».
Dans sa requête, le Guyana entend fonder la compétence de la Cour, en vertu du paragraphe 1 de l’article 36 du Statut de la Cour, sur le paragraphe 2 de l’article IV de l’«accord tendant à régler le différend entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique» signé à Genève le 17 février 1966 (que j’appellerai l’«accord de Genève») et sur la décision par laquelle, le 30 janvier 2018, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a, conformément à cette même disposition, choisi la Cour comme instance de règlement du différend.
Le 18 juin 2018, lors d’une réunion que le président a tenue avec les Parties, en application de l’article 31 du Règlement de la Cour, pour recueillir les vues de celles-ci sur des questions de procédure, S. Exc. Mme Delcy Rodríguez Gómez, vice-présidente du Venezuela, a déclaré que son gouvernement estimait que la Cour n’avait manifestement pas compétence pour connaître de l’affaire et que le Venezuela avait décidé de ne pas prendre part à l’instance. Elle a en outre remis au président de la Cour une lettre datée du 18 juin 2018 de S. Exc. M. Nicolás Maduro Moros, président du Venezuela, communiquant la position de son pays. Je vais maintenant prier le greffier de la Cour, M. Philippe Gautier, de donner lecture des passages pertinents de cette lettre du président du Venezuela en date du 18 juin 2018. Monsieur le greffier, vous avez la parole.
Le GREFFIER : Je vous remercie, Monsieur le président.
«Excellence, très respectueusement, il est à signaler que, étant donné que le Venezuela n’a pas accepté la compétence de la Cour, en ce qui concerne le différend mentionné dans la prétendue «Requête» présentée par le Guyana, et, en outre, qu’il n’a pas non plus accepté que le différend soit soumis unilatéralement à la Cour, il n’existe aucun fondement qui pourrait établir, même si ce n’est que prima facie, la juridiction de la Cour pour connaître des demandes du Guyana
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Dans ces circonstances, et compte tenu des considérations mentionnées ci-dessus, la République Bolivarienne du Venezuela ne participera pas à la procédure [que] la République coopérative du Guyana a l’intention d’engager par le biais d’une action unilatérale.»
Le PRESIDENT : Je remercie le greffier.
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Par ordonnance du 19 juin 2018, la Cour a estimé, conformément au paragraphe 2 de l’article 79 du Règlement du 14 avril 1978, tel qu’amendé le 1er février 2001, que, dans les circonstances de l’espèce, il était en premier lieu nécessaire de régler la question de sa compétence et que, en conséquence, elle devrait statuer séparément, avant toute procédure sur le fond, sur cette question ; à cette fin, elle a décidé que les pièces de la procédure écrite porteraient d’abord sur ladite question et a fixé au 19 novembre 2018 et au 18 avril 2019, respectivement, les dates d’expiration du délai pour le dépôt du mémoire du Guyana et du contre-mémoire du Venezuela. Le Guyana a déposé son mémoire dans le délai ainsi prescrit.
Par lettre datée du 12 avril 2019, le ministre du pouvoir populaire pour les relations extérieures du Venezuela a confirmé la décision de son gouvernement de «ne pas participer à la procédure écrite», et indiqué que le Venezuela fournirait en temps voulu des informations afin d’aider la Cour «à s’acquitter de ses obligations en vertu de l’article 53[, paragraphe] 2[,] de son Statut».
Le 28 novembre 2019, le Venezuela a adressé à la Cour un document intitulé «Mémorandum de la République bolivarienne du Venezuela sur la requête déposée par la République coopérative du Guyana auprès de la Cour internationale de Justice le 29 mars 2018».
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A ce stade, je voudrais rappeler que, la Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties, le Guyana a fait usage du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’article 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en l’affaire ; il a désigné à cet effet Mme Hilary Charlesworth. Comme suite à sa décision de ne pas participer à la présente instance, le Venezuela n’a pas, quant à lui, fait usage du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’article 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en l’affaire.
L’article 20 du Statut dispose que «[t]out membre de la Cour doit, avant d’entrer en fonction, en séance publique, prendre l’engagement solennel d’exercer ses attributions en pleine impartialité et en toute conscience». En vertu du paragraphe 6 de l’article 31 du Statut, cette disposition s’applique également aux juges ad hoc. Si Mme Charlesworth a déjà siégé en qualité de juge ad hoc, et a donc déjà fait une déclaration solennelle dans une autre affaire, le paragraphe 3 de l’article 8 du
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Règlement de la Cour prévoit que les juges ad hoc prononcent une déclaration à l’occasion de toute affaire à laquelle ils participent. Avant d’inviter en conséquence Mme Charlesworth à prêter serment, je dirai cependant, comme le veut la coutume, quelques mots de sa carrière et de ses qualifications.
Mme Hilary Charlesworth, de nationalité australienne, est professeure (Melbourne Laureate) à la faculté de droit de Melbourne. Elle enseigne également au Centre for International Governance and Justice de l’Australian National University à Canberra, et en est la directrice. Elle a par ailleurs donné des cours dans de nombreuses universités de par le monde, dont la faculté de droit de Harvard, la New York University et l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne), ainsi qu’à l’Académie de droit international de La Haye. En 2011, elle a été élue membre associé de l’Institut de droit international.
De 2011 à 2014, Mme Charlesworth a siégé en qualité de juge ad hoc de la Cour, en l’affaire relative à la Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)).
Mme Charlesworth est l’auteure de nombreuses publications dans le domaine du droit international public et elle est membre du comité de rédaction de plusieurs revues juridiques internationales.
J’invite à présent Mme Charlesworth à faire la déclaration solennelle prescrite par le Statut, et je demanderai à toutes les personnes présentes de bien vouloir se lever. Madame Charlesworth, pourriez-vous allumer votre micro ? Je crains que nous ne puissions vous entendre. Pourriez-vous réessayer ? Non, nous ne vous entendons toujours pas. Je crois que nous allons nous rasseoir quelques instants et attendre que Mme Charlesworth ait pu réessayer, avec l’aide, peut-être, des techniciens.
Mme CHARLESWORTH : Bonjour. M’entendez-vous ?
Le PRESIDENT : Maintenant, oui. Merci, Madame Charlesworth. Vous pouvez à présent prêter serment.
Mme CHARLESWORTH : Merci, Monsieur le président.
«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience.»
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Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous rasseoir. Je prends acte de la déclaration solennelle faite par Mme Charlesworth et la déclare dûment installée en qualité de juge ad hoc en l’affaire de la Sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana c. Venezuela).
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Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la Cour, après avoir consulté les Parties, a décidé que des exemplaires du mémoire du Guyana et des documents y annexés seraient rendus accessibles au public à l’ouverture de la procédure orale. Elle a aussi décidé, au vu de l’absence d’objection du Venezuela, que le «Mémorandum» que celui-ci lui a adressé le 28 novembre 2019 serait rendu public au même moment. Conformément à la pratique de la Cour, ces documents et leurs annexes seront placés dès aujourd’hui sur le site Internet de la Cour.
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Je voudrais à présent souhaiter la bienvenue à la délégation du Guyana. Celle-ci participera à l’audience par liaison vidéo. Je note la participation à l’audience, par ce biais, de l’agent, du coagent, des conseils et des avocats du Guyana.
Conformément aux modalités d’organisation de la procédure qui ont été décidées par la Cour, et à la décision du Venezuela de ne pas participer à l’audience, le Guyana dispose maintenant de trois heures pour présenter ses observations orales. Il pourra, si nécessaire, poursuivre un peu au-delà de 17 heures, compte tenu du temps consacré à l’ouverture de la présente audience.
Je donne à présent la parole au coagent du Guyana, S. Exc. Sir Shridath Ramphal. Sir Shridath Ramphal, vous avez la parole.
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Sir Shridath RAMPHAL :
INTRODUCTION ET STRUCTURE DES EXPOSÉS ORAUX
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, bonjour. Le Guyana salue la Cour, lui rend hommage — et la remercie — pour cette audience «virtuelle», par laquelle elle fait connaître au monde entier que le COVID-19 ne saurait faire barrage à la justice internationale. C’est pour moi un privilège tout particulier que d’être le premier à m’adresser à la Cour alors que celle-ci inaugure cette procédure novatrice. Mes collègues qui se présenteront devant vous au nom du Guyana et moi-même ne manquerons pas de garder cet aspect à l’esprit tout au long de l’audience et sommes prêts à nous y adapter selon ce que la Cour pourrait juger utile.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je ne saurais introduire nos plaidoiries sans souligner d’emblée la très grande importance qu’elles revêtent pour le peuple du Guyana dans son ensemble, dont le patrimoine collectif est au coeur même de la présente affaire et qui se trouve uni dans la défense de sa souveraineté et de l’intégrité territoriale de sa patrie. La Cour a été dûment informée de la composition de notre délégation officielle aux fins de cette audience. Sont plus particulièrement présents parmi nous depuis le ministère des affaires étrangères à Georgetown notre agent, S. Exc. M. Carl Greenidge, notre coagent, S. Exc. Mme Audrey Waddell, la députée de l’opposition Mme Gail Teixeira, l’ancien ministre des affaires étrangères Rashleigh Jackson et les ambassadeurs Cedric Joseph et Elisabeth Harper. Bien d’autres Guyaniens nous suivent aujourd’hui «virtuellement», conscients de l’importance de ces audiences pour l’avenir de notre pays, parmi lesquels, avant tout, les membres de son «peuple premier» dont les droits inhérents sont inviolables.
2. Pour ma part, je suis né dans ce qui était alors la colonie de la Guyane britannique le 3 octobre 1928. Trente ans auparavant, à cette même date — le 3 octobre 1899 —, les frontières terrestres de mon pays natal avaient été définitivement établies par la sentence rendue à Paris par un éminent tribunal arbitral international.
3. Lorsque le Guyana a accédé à l’indépendance, en 1966, j’ai eu l’honneur de devenir son premier Attorney General et, en cette qualité, de rédiger une constitution dont les premiers mots annonçaient que le Guyana serait «un Etat démocratique souverain». Et ce premier article de la
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constitution du Guyana nouvellement indépendant se poursuivait comme suit : «Le territoire du Guyana comprend toutes les zones qui, immédiatement avant le 26 mai 1966, faisaient partie de l’ancienne colonie de la Guyane britannique».
4. En tant que coagent du Guyana en la présente instance, je considère qu’une responsabilité spéciale m’incombe. Permettez-moi donc d’essayer de vous expliquer succinctement comment et pourquoi nous nous trouvons devant vous aujourd’hui.
5. Cent vingt ans nous séparent de ce jour où, à Paris, un tribunal arbitral a dit le droit international. Au cours de cette très longue période, le colonialisme en Guyane britannique a pris fin et le Guyana a connu cinquante années d’indépendance. La frontière ayant été définitivement établie il y a si longtemps, cela pourrait donner à penser que nous avons connu un passé bien ordonné. Mais ce serait une erreur. En un mot, si nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce que, au mépris du droit international et de la sentence obligatoire de 1899, la République bolivarienne du Venezuela, notre voisin occidental, entretient une passion nationaliste qui la conduit à désavouer l’arbitrage de Paris et à revendiquer près des trois quarts de notre pays.
6. Il n’en a pas toujours été ainsi. Après tout, la procédure arbitrale a eu lieu à l’initiative du Venezuela, et celui-ci a engrangé — et continue d’engranger — les profits que lui a apportés la sentence. Et pourtant, le processus qui nous amène ici trouve son origine dans la dénonciation de ladite sentence, plus de soixante ans après que celle-ci eut été rendue, à un moment jugé propice par le Venezuela, à savoir à la veille de l’indépendance du Guyana dans les années 1960.
7. La sentence rendue à Paris en 1899 était l’aboutissement du souhait déjà ancien — et compréhensible — du Venezuela de ne pas devoir établir sa frontière avec la colonie de la Guyane britannique par voie de négociation avec la puissance impériale, mais de la voir définitivement fixée par un arbitrage international. En cela, le Venezuela a bénéficié du soutien des Etats-Unis, ceux-ci allant jusqu’à formuler des menaces de guerre contre la Grande-Bretagne si la question de la frontière n’était pas réglée par un arbitrage. La Grande-Bretagne a fini par y souscrire et, par le traité de Washington, conclu en 1897 entre la Grande-Bretagne et le Venezuela sous l’égide des Etats-Unis, ce dernier allait obtenir l’arbitrage qu’il réclamait.
8. Le traité de Washington ne laissait rien au hasard. Les parties y convenaient expressément qu’elles considéreraient le résultat de l’arbitrage comme un «règlement complet, parfait et définitif
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des questions soumises aux arbitres». Autrement dit, la Grande-Bretagne impériale devrait se soumettre au règlement de Paris ; ainsi, bien évidemment, que le Venezuela.
9. Et c’est bien ce qu’il fit. Pendant soixante ans. Jusqu’en 1962, lorsqu’il dénonça pour la première fois officiellement la sentence arbitrale de 1899, formulant de nouveau sa prétention antérieure à celle-ci qui consistait, comme je l’ai dit, à revendiquer près des trois quarts de la Guinée britannique — c’est-à-dire désormais du territoire souverain du Guyana.
10. Depuis la première formulation de cette revendication, en 1962, le Royaume-Uni, la Guinée britannique puis le Guyana souverain et indépendant n’ont cessé de la rejeter avec force, réaffirmant dans les termes les plus vigoureux la validité de la sentence et la frontière internationale que celle-ci avait établie.
11. Entre 1962 et 1965, les parties engagèrent une série de pourparlers au cours desquels chacune tenta de persuader l’autre du bien-fondé de sa position, sans que le moindre progrès ne soit accompli en vue du règlement de la question. Ces pourparlers jetèrent néanmoins les bases d’un dernier cycle de réunions à Genève, au mois de février 1966. A la veille de son indépendance, le Guyana participa à cette conférence. J’y participai personnellement en tant qu’Attorney General de notre pays, celui-ci devenant partie à part entière à l’accord de Genève en obtenant son indépendance trois mois plus tard, ses frontières étant demeurées intactes. Ainsi que le Guyana le démontrera, le paragraphe 2 de l’article IV de cet accord prévoyait clairement que, en cas d’échec d’autres moyens de règlement du différend né de l’allégation de «nullité» formulée par le Venezuela, «le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, choisira[it] un autre des moyens stipulés à 1’Article 33 de la Charte des Nations Unies». C’est le Venezuela qui soutint cette procédure à la conférence de Genève.
12. Tel est le contexte de la présente affaire, et j’espère, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, qu’il éclairera la question que vous êtes appelés à trancher à ce stade de la procédure.
13. Cette question, et donc la présente audience, a trait à la «compétence» de la Cour, sa compétence pour examiner les demandes que le Guyana a formulées dans sa requête et, plus particulièrement, la conclusion de ce dernier selon laquelle la sentence arbitrale du 3 octobre 1899 demeure valide et contraignante pour les Parties.
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14. Comme vous l’avez lu dans son mémoire consacré à la compétence, et comme ses conseils le confirmeront aujourd’hui, le Guyana se fonde sur le libellé même de l’accord de Genève, par lequel les Parties ont expressément consenti
i) à accepter la décision du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies quant aux moyens de règlement de leur différend concernant la validité de la sentence arbitrale de 1899, y compris le règlement judiciaire par la Cour, et
ii) à ce que le différend soit réglé par la Cour internationale de Justice, si tel devait être le moyen de règlement retenu par le Secrétaire général.
15. Il est regrettable que le Venezuela ait choisi de ne pas participer à ces audiences. A n’en pas douter, il aurait été plus utile à la Cour que les deux Parties comparaissent devant elle, de manière à exposer pleinement leurs arguments respectifs au premier tour, puis à se répondre au second tour. Au moins la Cour n’en est-elle pas réduite à se demander ce que le Venezuela aurait pu dire s’il s’était présenté dans la grande salle de justice. Bien que n’ayant pas soumis son contre-mémoire à la date prescrite, à savoir le 18 avril 2019, celui-ci s’était en effet engagé à lui communiquer «des informations … pour l’aider» ; de fait, le 28 novembre 2019, il a présenté à la Cour un mémorandum de 56 pages, accompagné d’une annexe de 155 pages, dans lesquels sont exposés les fondements de ses objections à la compétence de la Cour, et bien d’autres éléments encore.
16. Le Guyana répondra aujourd’hui à tous les arguments que le Venezuela a formulés dans ces documents écrits au sujet de la compétence de la Cour et démontrera que ceux-ci sont indubitablement dépourvus de tout fondement, et que la Cour a sans conteste compétence pour examiner l’affaire au fond et se prononcer sur ses demandes.
17. Monsieur le président, après près de soixante ans durant lesquels le Venezuela a tenté sans succès de priver le traité de Washington de son inviolabilité et d’annuler la sentence de Paris, le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies a indiqué ce qui suit aux présidents des deux Etats :
«Je me suis acquitté de la responsabilité qui m’incombait dans le[] cadre [défini par mon prédécesseur] et, aucun progrès significatif n’ayant été réalisé en vue d’un accord complet sur le règlement du différend, j’ai retenu la Cour internationale de Justice comme prochain moyen d’atteindre cet objectif.»
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Voilà donc pourquoi nous nous trouvons ici, sous les yeux du peuple du Guyana qui a toute confiance en la Cour et en la primauté du droit.
18. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il me reste à vous présenter la structure des exposés du Guyana qui vont suivre :
⎯ M. Payam Akhavan reviendra tout d’abord sur l’origine du différend et les circonstances qui ont conduit à la conclusion de l’accord de Genève de 1966.
⎯ M. Paul Reichler examinera ensuite attentivement le libellé de l’accord de Genève et des clauses de règlement des différends qui y sont contenues, ainsi que le fait qu’il confère au Secrétaire général le pouvoir de décider de manière définitive et contraignante des moyens de règlement auxquels les Parties sont tenues de recourir, y compris le règlement judiciaire par la Cour.
⎯ M. Philippe Sands exposera la mise en oeuvre de l’accord de Genève, en précisant que celui-ci a été réaffirmé à plusieurs reprises par les Parties, ainsi que l’acceptation par le Secrétaire général du pouvoir qui lui a été conféré et la manière dont il l’a exercé. Enfin,
⎯ M. Alain Pellet se penchera sur la décision finale du Secrétaire général, selon laquelle le différend relatif à la validité de la sentence arbitrale de 1899 devra être réglé par la Cour, et sur le consentement des Parties, dont le Venezuela, à ce règlement judiciaire.
19. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie, et vous demande de bien vouloir appeler à la barre M. Akhavan. Merci.
Le PRESIDENT : Je remercie le coagent du Guyana pour son exposé. J’appelle maintenant à la barre M. Payam Akhavan. Vous avez la parole.
M. AKHAVAN :
LES CIRCONSTANCES AYANT CONDUIT À LA CONCLUSION DE L’ACCORD DE GENÈVE EN 1966
Introduction
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un honneur que de me présenter devant vous au nom du Guyana dans le cadre de cette procédure consacrée à la compétence. J’examinerai la question des circonstances ayant conduit à la conclusion, en 1966, de l’accord de Genève tendant à régler le différend relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane
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britannique (ci-après l’«accord de Genève»). C’est le paragraphe 2 de l’article IV de cet instrument, lu conjointement avec la décision du Secrétaire général de l’ONU en date du 30 janvier 2018, qui établit la compétence de la Cour.
2. L’historique du différend entre les Parties montre que celui-ci portait et continue de porter sur la validité juridique et l’effet contraignant de la sentence arbitrale de 1899. A partir de 1962, le Venezuela a en effet affirmé que cette dernière était nulle et non avenue, tandis que le Royaume-Uni et le Guyana soutenaient qu’elle était valide et pleinement contraignante et effective. Les Parties avaient des points de vue «nettement opposés»1 concernant la validité de la sentence, ce qui constituait l’objet du différend entre elles. Ainsi que M. Reichler l’expliquera, l’accord de Genève avait pour objet et pour but de parvenir à un règlement définitif et contraignant de ce différend.
3. Mon exposé comprendra trois parties. Premièrement, je reviendrai sur la sentence de 1899 qui a établi la frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela. Deuxièmement, j’aborderai la prétention formulée par le Venezuela à partir de 1962 selon laquelle ladite sentence serait nulle et non avenue, ce qui l’a conduit à rejeter la frontière et à revendiquer près des trois quarts du territoire guyanien. Troisièmement, je me pencherai sur les échanges ayant eu lieu entre les Parties de 1963 à 1965 aux fins du règlement du différend, jusqu’à leur rencontre à Genève en février 1966, laquelle a mené à la conclusion de l’accord dont M. Reichler traitera plus en détail.
La sentence arbitrale de 1899
4. Le territoire actuel du Guyana comprend Berbice, Demerara et Essequibo, anciennes colonies néerlandaises établies au début du XVIIe siècle et reconnues par l’Espagne dans le traité de Munster de 1648, signé dans le cadre de la paix de Westphalie qui mit fin à la guerre de Trente Ans. En 1814, ces territoires furent cédés par les Pays-Bas à la Grande-Bretagne et, en 1831, ils furent intégrés à la colonie de la Guyane britannique.
5. Lors de l’accession du Venezuela à l’indépendance en 1810, la frontière n’avait pas encore été fixée. En 1840 toutefois, un gisement d’or ayant été découvert dans la partie nord de la rivière Cuyuni, le Venezuela proposa la conclusion d’un traité établissant le fleuve Essequibo comme
1 Obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire (Iles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (II), p. 833.
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frontière avec la Guyane britannique. La Grande-Bretagne, pour sa part, revendiquait l’embouchure convoitée de l’Orénoque.
6. En 1895, le différend frontalier avait dégénéré en une crise diplomatique entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis d’Amérique. La «doctrine de Monroe» était en effet fermement opposée à toute «expansion britannique dans les Amériques»2. En 1897, face à la menace d’une guerre avec les Etats-Unis, la Grande-Bretagne consentit à un arbitrage en vue de régler le différend. Ce fut, selon un historien, «l’un des épisodes les plus marquants de l’histoire des relations anglo-américaines en général et des rivalités anglo-américaines en Amérique latine en particulier»3. Il s’agit aussi d’un exemple notable de règlement pacifique d’un différend à une époque où le recours à la guerre constituait «une continuation de la politique par d’autres moyens»4.
7. Le 2 février 1897, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis du Venezuela conclurent le traité de Washington qui, comme le précisait son préambule, avait pour objet et pour but de parvenir à «un règlement amiable [du différend] … entre la colonie de la Guyane britannique et les Etats-Unis du Venezuela». L’article premier de cet instrument prévoyait la constitution d’un tribunal arbitral qui, aux termes de l’article III, aurait compétence pour déterminer «le tracé de la ligne frontière entre ladite colonie et les Etats-Unis du Venezuela». En outre, l’article XIII était ainsi libellé : «Les hautes parties contractantes s’engagent à considérer la sentence du tribunal arbitral comme un règlement complet, parfait et définitif de toutes les questions soumises aux arbitres.»
8. En application de l’article II, le tribunal en question fut composé de cinq éminents juristes : deux juges britanniques, le Lord Chief Justice d’Angleterre et un Lord Justice of Appeal de la Haute Cour de justice d’Angleterre ; deux juges américains, le Chief Justice et un autre magistrat de la Cour suprême des Etats-Unis ; et, en tant que président désigné par les quatre membres du tribunal, le fameux juriste russe Fyodor de Martens. Ce dernier avait notamment, parmi ses contributions au droit international pour la seule année 1899, présidé la conférence de la paix de La Haye au cours de
2 Letter from the Permanent Representative of Venezuela to the Secretary-General of the United Nations (14 Feb. 1962), reproduite dans U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, UN doc. A/C.4/536 (15 Feb. 1962), mémoire du Guyana (ci-après «MG»), vol. II, annexe 17, par. 8.
3 R. A. Humphreys (1967), «Anglo-American Rivalries and the Venezuela Crisis of 1895», Presidential Address to the Royal Historical Society (10 Dec. 1966), Transactions of the Royal Historical Society, vol. 17, p. 131-164.
4 Carl von Clausewitz, De la guerre, Michael Howard and Peter Paret, eds. and trans., Princeton, New Jersey: Princeton University Press, 1976, revised 1984.
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laquelle avait été établie la Cour permanente d’arbitrage, introduit la «clause de Martens» dans la convention de La Haye de 1899 concernant les lois et coutumes de la guerre, et prononcé la sentence arbitrale réglant le différend frontalier entre la Guyane britannique et le Venezuela.
9. Sous la présidence de Fyodor de Martens, le tribunal se réunit à 54 reprises, les parties ayant présenté un très grand nombre de documents se rapportant aux «effectivités» tout au long des trois cents années de domination espagnole, néerlandaise et britannique sur les territoires litigieux. Le 3 octobre 1899, après un long délibéré, le tribunal établit la frontière dans une sentence unanime.
10. Cette sentence fut largement saluée comme une «victoire pour le Venezuela»5. L’ambassadeur vénézuélien à Londres déclara ainsi ce qui suit à son ministre des affaires étrangères :
«La justice a prévalu puisque, lors de la détermination de la frontière, la souveraineté exclusive sur l’Orénoque nous a été attribuée, ce qui constituait le principal objectif que nous cherchions à atteindre en recourant à l’arbitrage.»6
11. L’année suivante, en 1900, la Grande-Bretagne et le Venezuela créèrent une commission mixte chargée de la démarcation physique de la frontière. En 1905, après plusieurs années de travaux acharnés, la frontière était démarquée par des bornes et éléments géographiques sur plus de 825 kilomètres, depuis la côte caribéenne jusqu’au tripoint avec le Brésil dans le bassin de l’Amazone. La commission établit une carte officielle du tracé de la frontière, lequel «y [apparaissait] clairement, en conformité avec la sentence arbitrale de Paris». Cette carte figure sous l’onglet no 2 du dossier de plaidoiries. La carte de 1905, d’une précision exceptionnelle, recensait 15 440 points depuis le monument de Punta Playa au nord jusqu’au sommet du mont Roraima au sud7, lesquels sont confirmés par l’imagerie satellite moderne.
12. Dans les années qui suivirent, les deux Parties respectèrent pleinement la sentence de 1899. En 1932, un accord tripartite confirmant le point de convergence des frontières entre le Venezuela, le Brésil et la Guyane britannique fut conclu par un échange de notes entre les trois Etats8. En 1944,
5 Statement made by the Representative of the United Kingdom at the 349th meeting of the Special Political Committee on 13 November 1962, reproduit dans U.N. General Assembly, Special Political Committee, 17th Session, Question of Boundaries between Venezuela and the Territory of British Guiana, UN doc. A/SPC/72 (13 Nov. 1962), MG, vol. II, annexe 24, p. 9.
6 Letter from the Venezuelan Ambassador to the United Kingdom to the Venezuelan Minister of Foreign Affairs (7 Oct. 1899), MG, vol. II, annexe 3, p. 2.
7 Mapa Integrado de América del Sur, carte intégrée de l’Amérique du Sud établie par l’Institut panaméricain de géographie et d’histoire, accessible à l’adresse suivante : https://www.ipgh.org/mapa-integrado-panamericano.html.
8 Republic of Venezuela, Ministry of Foreign Affairs, Public Treaties and International Agreements, vol. V (1933-1936) (1945), MG, vol. II, annexe 12, p. 548.
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le Venezuela confirma de nouveau que la frontière constituait une «chose jugée»9 et qu’il avait «accepté le verdict de l’arbitrage qu[’il] n’av[ait] cessé de réclamer»10.
La nullité alléguée par le Venezuela en 1962
13. La frontière demeura incontestée pendant plus de soixante ans. Jusqu’à ce que, en 1962, au cours de la période de décolonisation, alors que le Guyana était engagé sur la voie de l’indépendance, le Venezuela répudie soudainement la sentence de 189911.
14. Le 14 décembre 1960, l’ONU avait adopté la résolution 1514, c’est-à-dire la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Un an plus tard, le 18 décembre 1961, Cheddi Jagan, premier ministre de la Guyane britannique, demanda à la Quatrième Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies chargée des politiques spéciales et de la décolonisation d’oeuvrer en faveur de «l’indépendance politique immédiate de son pays»12. Le 15 janvier 1962, le Royaume-Uni informa la Commission qu’il était prêt à organiser une conférence constitutionnelle sur l’indépendance de la Guyane britannique13.
15. Le même jour, le Venezuela informa les Etats-Unis de son intention d’exiger une révision de la sentence de 1899 «de sorte [qu’il] puisse reprendre le territoire qui [était] le sien»14, soutenant que cette nouvelle politique était «fondée sur le fait que … l’indépendance de la Guyane britannique était survenue … de manière inattendue … et avait immédiatement été appuyée par les pays … communistes».15 Les notes diplomatiques de l’époque confirment que le président
9 Government of United Kingdom, Foreign Office, Minute by C. N. Brading, No. FO 371/38814 (3 Oct. 1944), MG, vol. II, annexe 10.
10 Speech by the Venezuelan Ambassador to the United States to the Pan-American Society of the United States (1944), MG, vol. II, annexe 9, p. 1.
11 Statement made by the Representative of Venezuela at the 1302nd meeting of the Fourth Committee on 22 February 1962, reproduit dans U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, UN Doc. A/C.4/540 (22 Feb. 1962), MG, vol. II, annexe 19, par. 49.
12 U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, 1252nd Meeting, Agenda item 39: Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, UN Doc. A/C.4/SR.1252 (18 Dec. 1961), MG, Vol. II, annexe 14.
13 Letter from the Permanent Representative of the United Kingdom to the United Nations to the Secretary-General of the United Nations (15 Jan. 1962), reproduite dans U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, UN Doc. A/C.4/520 (16 Janv. 1962), MG, vol. II, annexe 15.
14 U.S. Department of State, Memorandum of Conversation, No. 741D.00/1-1562 (15 Janv. 1962), MG, vol. II, annexe 16.
15 Ibid.
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vénézuélien, Rómulo Betancourt, craignant que la Guyane britannique ne devienne «le Cuba du continent sud-américain», prévoyait de mettre en place un «cordon sanitaire» en persuadant le Royaume-Uni de céder une grande «portion de la Guyane britannique … au Venezuela», et ce, avant l’indépendance16. Le Venezuela estimait en effet que «la possibilité d’obtenir une révision [de la frontière] était plus envisageable tant que la Guyane britannique [était] encore une colonie»17.
16. Le 14 février 1962, dans une communication adressée à la Quatrième Commission, le Venezuela, contredisant la position sans équivoque qui avait pourtant été la sienne pendant les six décennies précédentes, fit mention d’un «différend de longue date» concernant «la démarcation de la frontière»18. Pour la première fois, il affirmait qu’il ne pouvait reconnaître la sentence de 1899 car il s’agissait, selon lui, d’une «transaction politique [anglo-russe] conclue dans [son] dos» par le président russe du tribunal arbitral, avec la complicité des deux arbitres britanniques19.
17. La seule «preuve» invoquée par le Venezuela était un document qui aurait été rédigé en 1944 par Severo Mallet-Prevost, juriste américain ayant fait office de conseil auxiliaire du Venezuela 45 ans plus tôt, en 1899. Publié à titre posthume dans le numéro de juillet 1949 de l’American Journal of International Law, soit 13 ans avant son invocation par le Venezuela en 196220, ce mémorandum ne recensait ni ne produisait aucun élément de preuve à l’appui de la thèse d’un complot anglo-russe.
18. Ainsi, le 22 février 1962, le Venezuela chercha à rouvrir la question de sa revendication territoriale de 1899 devant la Quatrième Commission21, en se fondant sur le mémorandum de Mallet-
16 Foreign Service Despatch from C. Allan Stewart, U.S. Ambassador to Venezuela, to the U.S. Department of State (15 May 1962), MG, vol. II, annexe 21.
17 U.S. Department of State, Memorandum of Conversation, No. 741D.00/1-1562 (15 Janv. 1962), MG, vol. II, annexe 16.
18 Letter from the Permanent Representative of Venezuela to the Secretary-General of the United Nations (14 Feb. 1962), reproduite dans U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, UN Doc. A/C.4/536 (15 Feb. 1962), MG, vol. II, annexe 17.
19 MG, par. 16-17.
20 Ibid., par. 15.
21 Statement made by the Representative of Venezuela at the 1302nd meeting of the Fourth Committee on 22 February 1962, reproduit dans U.N. General Assembly, Fourth Committee, 16th Session, Information from Non-Self-Governing Territories transmitted under Article 73 of the Charter, UN Doc. A/C.4/540 (22 Feb. 1962), MG, vol. II, annexe 19, par. 33.
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Prevost22, affirmant pour la première fois qu’il «ne [pouvait] reconnaître la validité» de la sentence23 et réclamant l’ouverture de négociations en vue de rectifier ce qu’il qualifiait d’«injustice»24.
19. Le Royaume-Uni rejeta catégoriquement la thèse de la nullité avancée par le Venezuela, affirmant clairement, dans une note du Foreign Office en date du 21 février 1962, qu’«il n’y a[vait] pas matière à controverse, car la question a[vait] été réglée une fois pour toutes voici plus de soixante ans par voie d’arbitrage international»25. Une autre note, en date du 15 mai 1962, rapportait qu’Ignacio Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères, avait exprimé la détermination de son gouvernement à défendre sa revendication territoriale devant «les commissions de l’ONU ou la Cour internationale» de Justice26.
20. Le 13 novembre 1962, en réponse à une allocution dans laquelle Ignacio Iribarren avait soutenu la thèse de la nullité devant la Quatrième Commission, Colin Crowe, représentant du Royaume-Uni, soumit une proposition aux fins de régler le différend. Il déclara que, si «[l]e Gouvernement britannique estim[ait] qu’il n’y [avait] aucun différend frontalier en jeu», il espérait néanmoins «que ce problème [pourrait] enfin être réglé de sorte que la Guyane britannique puisse avancer [sur la voie de l’indépendance] sans l’ombre d’un doute au sujet de ses frontières». Dans ce contexte, le Royaume-Uni proposa «d’étudier avec le Gouvernement vénézuélien, par la voie diplomatique, la possibilité que le Venezuela, la Guyane britannique et le Royaume-Uni procèdent à un examen tripartite de la documentation volumineuse relative à cette question». Pareil processus, comme le soulignait Crowe, permettrait de démontrer «qu’un réexamen de la question de la frontière ne se justifi[ait] nullement». Il expliqua clairement qu’il ne s’agissait pas d’une «proposition d’engager un débat de fond sur la révision de la frontière», car celle-ci avait été définitivement fixée par la sentence de 189927.
22 Ibid., par. 38-47.
23 Ibid., par. 48.
24 Ibid., par. 53.
25 Letter from J. Cheetham, U.K. Foreign Office, to D. Busk, U.K. Ambassador to Venezuela, No. AV 1081/38 (21 Feb. 1962), MG, vol. II, annexe 18.
26 Letter from R. H. G. Edmonds, U.K. Foreign Office, to D. Busk, U.K. Ambassador to Venezuela (15 May 1962), MG, vol. II, annexe 22.
27 Statement made by the Representative of the United Kingdom at the 349th meeting of the Special Political Committee on 13 November 1962, reproduit dans U.N. General Assembly, Special Political Committee, 17th Session, Question of Boundaries between Venezuela and the Territory of British Guiana, UN Doc. A/SPC/72 (13 Nov. 1962), MG, vol. II, annexe 24, p. 17.
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21. Le Venezuela accepta la proposition britannique. Le 16 novembre 1962, le président de la Quatrième Commission releva que les trois parties étaient convenues de procéder à un «examen de la documentation» relative à la question de la frontière «par la voie diplomatique». Il en conclut qu’il n’était pas nécessaire de poursuivre les discussions à ce sujet dans l’enceinte de l’ONU28.
Le communiqué commun de 1963 et l’examen tripartite de la position du Venezuela : 1963-1965
22. L’«examen tripartite» fut mené par des experts désignés par les Parties. Le Royaume-Uni réitéra qu’il ne cherchait nullement à aboutir à «une révision du tracé de la frontière», mais seulement à «lever tout doute» que le Venezuela pourrait nourrir «quant à la validité ou à l’opportunité de la sentence arbitrale»29.
23. Du 30 juillet au 11 septembre 1963, les experts vénézuéliens procédèrent à un examen exhaustif des archives du Royaume-Uni à Londres. Puis, à sa demande, le ministre des affaires étrangères du Venezuela, Ignacio Iribarren, s’entretint, en novembre 1963 à Londres, avec son homologue britannique pour évaluer les progrès accomplis. Les deux ministres annoncèrent dans un communiqué commun que Sir Geoffrey Meade, l’expert désigné à la fois par la Guyane britannique et le Royaume-Uni, se rendrait à Caracas pour examiner le matériau documentaire se trouvant dans les archives vénézuéliennes30.
24. Sir Geoffrey effectua ce déplacement en décembre 196331 et, dans un mémorandum britannique en date du 25 février 1964, il fut relevé que «les autorités vénézuéliennes n’[avaient] pas été en mesure de produire le moindre commencement de preuve» à l’appui de la thèse de la nullité32.
28 U.N. General Assembly, Special Political Committee, 17th Session, 350th Meeting, Agenda item 88: Question of boundaries between Venezuela and the territory of British Guiana, UN Doc. A/SPC/SR.350 (16 Nov. 1962), MG, vol. II, annexe 25.
29 United Kingdom, Department of External Affairs, Memorandum: Venezuelan Claim to British Guiana Territory, No. CP(64)82 (25 Feb. 1964), par. 3. MG, vol. II, annexe 26, par. 1 ; Allocution en date du 13 novembre 1962 prononcée par le représentant du Royaume-Uni à la 349e séance de la Commission des questions politiques spéciales, reproduite dans U.N. General Assembly, Special Political Committee, 17th Session, Question of Boundaries between Venezuela and the Territory of British Guiana, U.N. Doc A/SPC/72 (13 Nov. 1962), p. 17. MG, vol. II, annexe 24.
30 United Kingdom, Department of External Affairs, Memorandum: Venezuelan Claim to British Guiana Territory, No. CP(64)82 (25 Feb. 1964), par. 3. MG, vol. II, annexe 26, p. 1.
31 United Kingdom, Department of External Affairs, Memorandum: Venezuelan Claim to British Guiana Territory, No. CP(64)82 (25 Feb. 1964), par. 3. MG, vol. II, annexe 26, par. 2-4.
32 United Kingdom, Department of External Affairs, Memorandum: Venezuelan Claim to British Guiana Territory, No. CP(64)82 (25 Feb. 1964), par. 3. MG, vol. II, annexe 26, par. 9.
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25. L’examen tripartite s’acheva le 3 août 1965 par l’échange des rapports d’expertise. Le Royaume-Uni et la Guyane britannique concluaient à l’absence de la moindre forme de preuve à l’appui de la thèse de la nullité défendue par le Venezuela, tandis que celui-ci continuait d’affirmer que la sentence était nulle et non avenue.
26. En parallèle, le Venezuela commença, en 1965, à publier des cartes officielles désignant ce qu’il appelait la «Guayana Esequiba» comme «Zona en Reclamación», territoire à «réclamer» à la Guyane britannique. L’une de ces cartes figure sous l’onglet no 3 du dossier de plaidoiries. Le Venezuela maintient cette revendication à ce jour.
27. Le croquis figurant sous l’onglet no 4 du dossier montre que cette revendication représente plus de 70 % du territoire du Guyana.
La conférence de Londres : 9-10 décembre 1965
28. En novembre 1965, il fut décidé à la conférence constitutionnelle de la Guyane britannique que cette dernière déclarerait son indépendance le 26 mai 1966. Il devenait donc d’autant plus urgent de confirmer la frontière de 1899. Les Guyanais craignaient en effet que, après le départ des Britanniques, l’armée vénézuélienne envahisse et occupe la région de l’Essequibo. Aussi fut-il convenu que les troupes britanniques resteraient quelque temps sur place afin de protéger l’intégrité territoriale du nouvel Etat33.
29. Dans ce contexte, les 9 et 10 décembre 1965, les ministres des affaires étrangères du Royaume-Uni et du Venezuela se rencontrèrent au Foreign Office à Londres, en présence du premier ministre de la Guyane britannique, Forbes Burnham. Cette rencontre constituait «la poursuite, au niveau ministériel, des conversations entre gouvernements concernant le différend … à la suite du communiqué commun du 7 novembre 1963»34. Le premier point inscrit à l’ordre du jour prévoyait un «[é]change de vues sur les rapports établis par les experts comme suite à leur examen des documents, et discussion des conséquences qui en découlent», et le deuxième, la «[r]echerche de
33 MG, par. 2.15 ; United Kingdom, Research Department, Venezuela-Guyana Frontier Dispute, Nos. DS (L) 692, RRN 040/360/1 (10 May 1976), par. 23, MG, vol. II, annexe 48.
34 Government of the United Kingdom, Record of Discussions between the Foreign Secretary, the Venezuelan Minister for Foreign Affairs and the Premier of British Guiana at the Foreign Office on 9 December 1965, No. AV 1081/326 (9 Dec. 1965), p. 7, MG, vol. II, annexe 28.
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solutions satisfaisantes pour le règlement pratique du différend survenu … du fait de la position du Venezuela, qui soutient que la sentence arbitrale de 1899 … est nulle et non avenue»35.
30. Le ministre britannique des affaires étrangères, Michael Stewart, rappela que la position du Venezuela «port[ait] sur la validité de la sentence de 1899». Dans le cadre du premier point de l’ordre du jour, il demanda si l’examen tripartite avait convaincu ce dernier que «ses allégations relatives à la validité de la sentence [étaient] infondées». Son homologue vénézuélien, Ignacio Iribarren, lui répondit que les conclusions du rapport d’expertise britannique étaient «totalement inacceptables» et que, selon lui, «la seule solution satisfaisante au différend frontalier avec la Guyane britannique consist[ait] en la restitution du territoire qui appart[enait] de plein droit au [Venezuela]»36.
31. Michael Stewart précisa que le deuxième point de l’ordre du jour, qui concernait la recherche de «solutions satisfaisantes», ne pouvait être interprété que «dans le contexte limité du différend relatif à la validité de la sentence de 1899». Il rappela que la proposition britannique du 13 novembre 1962 visant à procéder à un examen tripartite indiquait clairement qu’«il [était] tout à fait exclu de revenir de quelque manière sur la question de fond de la frontière».
32. Compte tenu du rejet catégorique qu’opposait le Royaume-Uni à sa thèse de la nullité, le Venezuela s’efforça de parvenir à un accord sur une procédure de règlement du différend. A cette fin, Ignacio Iribarren proposa un processus de règlement en trois étapes, la première prévoyant la création d’une commission mixte pour tenter de parvenir à une solution de manière bilatérale ; la suivante, le recours à la médiation ; et la dernière, le «recours à l’arbitrage international»37.
33. Le 10 décembre 1965, deuxième jour de la conférence de Londres, l’Attorney General de la Guyane britannique, Shridath Ramphal, commença par souligner une fois encore que l’ordre du jour «exclu[ait] toute discussion sur la question de fond de la frontière» et affirma catégoriquement que «la Guyane britannique ne p[ouvait] accepter l’invalidité de la sentence de 1899»38.
35 Government of the United Kingdom, Record of Discussions between the Foreign Secretary, the Venezuelan Minister for Foreign Affairs and the Premier of British Guiana at the Foreign Office on 9 December 1965, No. AV 1081/326 (9 Dec. 1965), p. 7, MG, vol. II, annexe 28.
36 Ibid.
37 Ibid.
38 Ibid.
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Forbes Burnham déclara lui aussi clairement qu’il ne pouvait être question de revendication territoriale, «à moins que l’invalidité de la sentence de 1899 ne soit préalablement établie»39.
34. Face à cette impasse manifeste, Ignacio Iribarren chercha de nouveau à parvenir à un accord sur une procédure de règlement du différend. A cet égard, il précisa que «[l]e Venezuela [était] venu à la table des négociations, non pas pour discuter de positions déjà établies … mais … en toute conscience de la nécessité … de parvenir à une solution du problème territorial»40. Il souligna en outre que «[s]a proposition de commission mixte vis[ait] à trouver des solutions par le biais d’une procédure conciliatoire en plusieurs étapes et, au besoin, en recourant à l’arbitrage d’un organisme international impartial», ajoutant que «[l]a disposition du Venezuela à s’en remettre à un tribunal arbitral représent[ait] une grande concession de sa part»41.
35. Monsieur le président, dans le mémorandum du Venezuela du 28 novembre 2019, il est indiqué ceci : «Toute sentence arbitrale est valable ou nulle ; il n’y a pas de juste milieu ... La validité ou la nullité d’une sentence arbitrale ne sont pas négociables». Le Guyana en convient, et telle était exactement la position des parties à la conférence de Londres, en décembre 1965. L’une insistait sur la validité et le caractère contraignant de la sentence de 1899, tandis que l’autre affirmait que celle-ci était nulle et non avenue.
36. Devant cette impasse, les parties décidèrent, le 10 décembre 1965, «de poursuivre les discussions à Genève durant la semaine du 13 février 1966»42. Ces discussions aboutirent à une procédure convenue de règlement du différend, dans le cadre de l’accord de Genève de 1966, dont M. Reichler va traiter à présent.
37. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé. Je vous remercie pour votre aimable attention et vous prie de bien vouloir appeler à la barre M. Reichler.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, M. Akhavan. Je donne maintenant la parole à l’intervenant suivant, M. Reichler. Vous avez la parole.
39 Government of the United Kingdom, Record of Discussions between the Foreign Secretary, the Venezuelan Minister for Foreign Affairs and the Premier of British Guiana at the Foreign Office on 9 December 1965, No. AV 1081/326 (9 Dec. 1965), p. 7, MG, vol. II, annexe 28.
40 Ibid., p. 3.
41 Ibid., p. 6.
42 Ibid.
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M. REICHLER :
L’ACCORD DE GENÈVE DE 1966
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous souhaite une bonne après-midi. C’est un honneur pour moi que de me présenter devant vous, et un privilège que de le faire au nom du Guyana. Nous tenons à saisir cette occasion pour vous adresser nos meilleurs voeux de santé, et vous remercier de veiller sur notre santé et notre sécurité à nous en nous autorisant à comparaître devant la Cour sous cette forme virtuelle.
2. Monsieur le président, le Guyana soutient que la Cour a compétence pour connaître des demandes qu’il a formulées dans le cadre de la présente instance, et que cette compétence découle de la combinaison de deux sources, la première étant l’accord tendant à régler le différend relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique, signé à Genève le 17 février 1966 et la seconde, la décision prise par le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, en application du paragraphe 2 de l’article IV de cet accord, tendant à ce que le différend soit réglé par la Cour internationale de Justice.
3. Je m’intéresserai ici à la première de ces bases de compétence, l’accord de Genève de 1966. M. Pellet traitera plus tard de la seconde — la décision du Secrétaire général. Dans l’intervalle, M. Sands reviendra sur la période comprise entre 1966 et 2018, et montrera que les dispositions de l’accord de Genève ont été scrupuleusement observées par les Parties comme par le Secrétaire général, au cours de cette période de cinquante-deux ans.
4. Mon exposé sur l’accord de 1966 se divise en trois parties. Dans un premier temps, je me pencherai sur les termes de l’accord, afin d’établir leur sens ordinaire, dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but du traité, conformément aux principes de droit coutumier codifiés à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités. Dans un deuxième temps ⎯ peut-être après une pause, si le président juge que le moment s’y prête ⎯, je reviendrai sur les négociations ayant conduit à la signature du traité, et la ratification de celui-ci, et m’arrêterai notamment sur les déclarations faites à l’époque par les Parties quant à sa signification. Dans un troisième temps, enfin, je comparerai l’interprétation que fait le Guyana de ce texte avec celle qu’en donne aujourd’hui le Venezuela, telle qu’elle ressort de son mémorandum du 28 novembre 2019, et montrerai que cette
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dernière interprétation est erronée, illogique et totalement contraire à celle que le Venezuela faisait du même texte en 1966, et dans les décennies qui ont suivi.
A. Texte de l’accord
5. Je commencerai par examiner le texte de l’accord de 1966, que vous trouverez à l’onglet no 5 de vos dossiers de plaidoiries. L’objet et le but de cet accord se reflètent dans son titre, qui indique qu’il s’agit d’un «Accord tendant à régler le différend entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique»43. Cet objet et ce but trouvent également leur expression dans le cinquième alinéa du préambule, qui précise que les parties «ont conclu l’accord suivant pour résoudre le différend» entre elles, à savoir le «différend qui oppose le Venezuela et le Royaume-Uni au sujet de la frontière avec la Guyane britannique»44.
6. L’article I définit plus spécifiquement le «différend» que l’accord vise à régler comme étant «survenu entre le Venezuela et le Royaume-Uni du fait de la position du Venezuela, qui soutient que la sentence arbitrale de 1899 relative à la frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela est nulle et non avenue»45.
7. Ce texte montre sans ambiguïté que l’objet et le but de l’accord de 1966 étaient de régler le différend survenu du fait de la position du Venezuela selon laquelle la sentence arbitrale de 1899 relative à la frontière entre la Guyane britannique et le Venezuela était nulle et non avenue.
8. Comme l’a rappelé M. Akhavan, le Venezuela n’a formulé cette position pour la première fois qu’en 1962, plus de soixante ans après le prononcé de la sentence arbitrale. Cette thèse nouvelle a été immédiatement et vigoureusement rejetée par la Grande-Bretagne et la Guyane britannique. En 1963, toutefois, alors que, avec la perspective de l’accession à l’indépendance de la Guyane britannique, se profilait le risque d’un conflit armé avec le Venezuela, le Royaume-Uni a accepté d’entreprendre avec le Venezuela un examen de leurs archives respectives relatives à la validité de la sentence de 1899. Ce processus s’est poursuivi jusqu’à la fin de l’année 1965, chaque pays campant
43 Accord tendant à régler le différend entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique, Recueil des traités des Nations Unies (RTNU), vol. 561, p. 328 (17 février 1966) (ci-après l’«accord de Genève»). Requête du Guyana (ci-après «RG»), annexe 4.
44 Accord de Genève, préambule, RG, annexe 4.
45 Accord de Genève, article I, RG, annexe 4.
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sur ses positions. C’est en cela que consistait le différend dont, comme l’a rappelé M. Akhavan, il était question à Genève en février 1966 et que les parties sont convenues à cette occasion de régler. Aucun de ces faits n’a été contesté par le Venezuela dans les écritures qu’il a soumises en l’espèce.
9. Dès le premier article, l’accord de Genève expose les modalités arrêtées entre les parties pour régler le différend relatif à la validité de la sentence arbitrale. Les trois premiers articles établissent un mécanisme par lequel les parties sont convenues, en premier lieu, de tenter de régler ce différend par la voie diplomatique, par l’entremise d’une commission mixte. L’article I donnait ainsi pour mandat à cette commission de rechercher «des solutions satisfaisantes pour le règlement pratique du différend survenu entre le Venezuela et le Royaume-Uni».
10. L’article II disposait ensuite que les parties nommeraient chacune deux représentants auprès de la commission mixte dans les deux mois suivant l’entrée en vigueur de l’accord. Quant à l’article III, il imposait à la commission de présenter des rapports sur l’état d’avancement de ses travaux tous les six mois.
11. Mais l’accord de Genève ne s’arrête pas là. Si les parties étaient convenues de commencer par rechercher un «règlement pratique», elles ne nourrissaient guère d’espoir d’y parvenir, a fortiori au terme des trois années de négociations infructueuses ayant précédé la conclusion de l’accord de Genève, au cours desquelles leurs divergences ne s’étaient en rien amenuisées. Aussi se sont-elles mises d’accord à Genève sur une autre procédure visant à garantir un règlement définitif du différend, en cas d’échec de la commission mixte à cet égard. Cette procédure est exposée à l’article IV.
12. L’article IV se divise en deux parties. Son premier paragraphe dispose que si la commission mixte n’est pas arrivée «à un accord complet sur la solution du différend» dans un délai de quatre ans, elle en réfèrera, «pour toutes les questions en suspens», au Gouvernement guyanais et au Gouvernement vénézuélien, lesquels «choisiront sans retard un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies»46.
13. En ce qui concerne le premier paragraphe de l’article IV, deux faits ne sont pas controversés entre les Parties à la présente instance : premièrement, le fait que la commission mixte n’est pas arrivée à un accord sur la solution du différend ; deuxièmement, le fait que les deux
46 Accord de Genève, article IV, par. 1, RG, annexe 4.
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gouvernements ne sont pas parvenus à un accord sur le choix d’un des moyens de règlement pacifique prévus à l’article 33 de la Charte. Le Venezuela a eu l’obligeance de confirmer ces deux faits dans son mémorandum du 28 novembre 2019, et je vous invite à vous reporter à l’onglet no 6 de vos dossiers de plaidoiries. Au paragraphe 24, le Venezuela y reconnaît que «[l]a commission mixte instituée par l’article premier de l’accord n’avait pas atteint son objectif quand elle est parvenue au terme du délai de quatre ans que lui accordait le paragraphe 1 dudit article pour aboutir à une solution satisfaisante du différend»47. Et, au paragraphe 32, il écrit encore que le «Venezuela et le Guyana n’ont [pas] réussi … à s’entendre sur le choix d’un moyen de règlement»48.
14. Mais aucun de ces échecs ne pouvait empêcher le règlement du différend parce que, au paragraphe 2 de l’article IV, les parties, anticipant une telle éventualité, avaient établi une procédure infaillible pour assurer un dénouement favorable dans l’hypothèse où le processus prévu au paragraphe 1 tournerait court.
15. Le paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de 1966 prévoit en effet — et je vous renvoie de nouveau à l’onglet no 5 — que les deux gouvernements, s’ils ne sont pas parvenus à un accord sur le choix d’un des moyens de règlement prévus à l’article 33 de la Charte, devront s’en remettre, «pour ce choix, à un organisme international compétent sur lequel ils se mettront d’accord, ou, s’ils n’arrivent pas à s’entendre sur ce point, au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies»49.
16. En ce qui concerne ce volet du paragraphe 2 de l’article IV, les Parties sont d’accord sur trois autres points essentiels. Premièrement, elles ne sont pas parvenues à s’entendre sur un «organisme international compétent» auquel confier le choix du moyen de règlement. Deuxièmement, conformément au paragraphe 2 de l’article IV, elles s’en sont, conjointement, remises en conséquence, pour ce choix, au Secrétaire général. Troisièmement, le Secrétaire général a officiellement pris acte de ce que les Parties l’avaient mandaté pour choisir l’un des moyens de règlement prévus à l’article 33 de la Charte, et a accepté d’exercer les responsabilités qui lui incombaient en conséquence.
47 Mémorandum de la République bolivarienne du Venezuela sur la requête déposée par la République coopérative du Guyana auprès de la Cour internationale de Justice le 29 mars 2018 (MV), par. 24.
48 MV, par. 32.
49 Accord de Genève, article IV, par. 2, RG, annexe 4.
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17. L’absence de divergences entre les Parties sur ces trois faits est confirmée au paragraphe 32 du mémorandum en date du 28 novembre 2019, où le Venezuela reconnaît que les Parties ne sont pas parvenues à se mettre d’accord sur un «organisme international compétent»50, et aux pages 35 et 36 de l’annexe de ce mémorandum, que vous voyez reproduites à l’onglet no 7 du dossier de plaidoiries. Comme vous pouvez le voir à présent à l’écran, le Venezuela y confirme que, les Parties n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur un «organisme international compétent», «il [était désormais] admis sans équivoque que seul participera[it] au choix du moyen de règlement le Secrétaire général de l’ONU»51 et plus loin, on peut encore lire :
«Par lettre du 4 avril 1966, le Secrétaire général de l’ONU U Thant accepte les attributions qui lui sont confiées au titre du paragraphe 2 de l’article IV de l’accord, les estimant «de nature à pouvoir être assumées de manière appropriée par le Secrétaire général des Nations Unies»»52.
18. En sus d’énoncer que, à défaut d’accord sur un autre organisme international compétent, c’est au Secrétaire général qu’incombera le choix du moyen de règlement, le paragraphe 2 de l’article IV prévoit ce qui suit :
«Si les moyens ainsi choisis ne mènent pas à une solution du différend, … le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies … choisira un autre des moyens stipulés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le différend ait été résolu ou jusqu’à ce que tous les moyens de règlement pacifique envisagés dans la Charte aient été épuisés.»53
19. A propos de cette disposition, les Parties sont encore d’accord sur quatre autres faits pertinents. MM. Sands et Pellet en traiteront plus en détail ; il me suffira ici de les évoquer. Premièrement, le Secrétaire général a décidé que le premier moyen de règlement pacifique serait la procédure des bons offices, menée sous ses auspices. Deuxièmement, ce choix et le pouvoir qui était le sien d’y procéder en vertu du paragraphe 2 de l’article IV n’ont été contestés par aucune des Parties et ont même été expressément reconnus par le Venezuela. Troisièmement, la procédure des bons offices a effectivement eu lieu, et s’est poursuivie vingt-sept années durant, sous les auspices de quatre Secrétaires généraux successifs, mais sans permettre d’aboutir à un règlement du différend. Quatrièmement, après avoir constaté cet échec, le Secrétaire général António Guterres, invoquant
50 MV, par. 32.
51 MV, annexe, p. 35.
52 MV, annexe, p. 36.
53 Accord de Genève, art. IV, par. 2, RG, annexe 4.
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expressément le pouvoir qu’il tenait du paragraphe 2 de l’article IV, a retenu comme prochain moyen de règlement pacifique, parmi ceux prévus à l’article 33 de la Charte, le règlement judiciaire, avec le renvoi devant la Cour internationale de Justice. Le Venezuela reconnaît ces quatre faits dans son mémorandum, aux paragraphes 33, 34 -37, 48-50, 54, 67 et 69.
20. Tous ces faits étant incontestés, la question qui se pose désormais à la Cour est la suivante : au regard de l’accord de Genève de 1966, la décision du Secrétaire général de choisir la Cour comme moyen de règlement pacifique du différend s’impose-t-elle aux Parties, ou les Parties doivent-elles avoir exprimé leur consentement à cette décision avant que celle-ci ne leur devienne opposable ?
21. L’analyse des termes de l’accord de Genève, lus dans leur contexte et à la lumière de l’objet et du but de cet instrument, conduit immanquablement à conclure que le choix du Secrétaire général quant au moyen de règlement s’impose aux parties, sans qu’il soit nécessaire que celles-ci y consentent d’aucune autre façon. Le paragraphe 2 de l’article IV dispose expressément que les parties, si elles sont dans l’incapacité de s’entendre sur le moyen de règlement, ou sur l’organisme international compétent auquel confier le choix de ce moyen, «s’en remettront, pour ce choix … au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies»54. Il est ainsi clair que le Secrétaire général était habilité à «choisir» le moyen de règlement. Non moins notable est ce que ne dit pas le paragraphe 2 de l’article IV. Il ne dit pas que le «choix» du Secrétaire général serait soumis au consentement des parties, ou que ce consentement serait requis pour rendre ledit choix définitif ou contraignant.
22. L’absence d’obligation expresse de soumettre le choix du Secrétaire général au consentement des parties est en elle-même concluante. Mais elle l’est a fortiori lorsque l’on compare la formule employée ici à celles utilisées dans le cas des autres étapes, préalables, de la procédure de règlement énoncée à l’article IV. Ainsi, comme vous pouvez le voir mis en évidence à l’écran, l’article IV, en son paragraphe 1, imposait aux parties, dès lors que la commission mixte échouerait à résoudre le différend, de choisir ensemble, autrement dit d’un commun accord, l’un des moyens de règlement énoncés à l’article 33. Le paragraphe 2 précisait ensuite que, à défaut de «parven[ir] à un accord» sur le choix d’un tel moyen, les parties devraient s’en remettre, «pour ce choix», à un
54 Accord de Genève, article IV, par. 2, RG, annexe 4.
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organisme international compétent «sur lequel elles se mettr[aient] d’accord»55. A défaut de s’entendre sur ce point, elles devraient s’en remettre, pour ce «choix», au Secrétaire général. Ainsi, les rédacteurs avaient prévu que, lorsque le consentement des parties serait requis pour passer à l’étape suivante de la procédure de règlement, l’accord de 1966 le stipulerait expressément. Dans ce contexte, l’absence de toute formule prévoyant la nécessité, pour les parties, de consentir au choix du Secrétaire général quant au moyen de règlement ne peut, en tout logique, s’expliquer que d’une seule façon : cette omission était délibérée. Pareil consentement n’était pas requis, parce que le choix du Secrétaire général avait vocation à être définitif et contraignant, et non soumis à l’approbation ultérieure des parties.
23. De fait, par accord entre les parties, le Secrétaire général se voyait confier non pas seulement le pouvoir de choisir le moyen de règlement, mais le devoir d’effectuer ce choix afin de résoudre le différend. Le paragraphe 2 de l’article IV dispose en effet que le Secrétaire général «choisira» (shall choose), formulation qui connote l’injonction : elle confère au Secrétaire général des responsabilités auxquelles il ne peut se soustraire, ce qu’a, du reste, reconnu le Secrétaire général U Thant dans la lettre qu’il a adressée aux parties le 4 avril 1966. Dans cette communication, qui se trouve reproduite à l’onglet no 8 de vos dossiers de plaidoiries en anglais et en espagnol, le Secrétaire général a officiellement accepté ces responsabilités, qu’il considérait comme étant «de nature à pouvoir être assumées de manière appropriée par le Secrétaire général»56. Cela revenait pour lui à accepter expressément par écrit ces obligations, au sens de l’article 35 de la convention de Vienne de 1969 et du droit international général. Ce pouvoir et ce devoir, dûment acceptés par le Secrétaire général et qui font dès lors partie intégrante du droit onusien, ne sont limités que par l’obligation faite au Secrétaire général de choisir l’un des moyens de règlement énoncés à l’article 33.
24. Plus encore, le contexte, ainsi que l’objet et le but de l’accord, montrent eux aussi sans l’ombre d’un doute que le choix du Secrétaire général était censé s’imposer aux parties, sans qu’il fût nécessaire que celles-ci y consentent subséquemment. Le paragraphe 2 de l’article IV a été inclus dans le texte de l’accord précisément pour garantir la possibilité d’un règlement complet et définitif
55 Accord de Genève, article IV, par. 2, RG, annexe 4.
56 Lettres en date du 4 avril 1966 adressées à M. Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères, et au très honorable lord Caradon, représentant permanent du Royaume-Uni auprès de l’Organisation des Nations Unies, par le Secrétaire général, U Thant, RG, annexe 5.
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du différend dans l’hypothèse où les parties elles-mêmes ne parviendraient pas à s’entendre sur le moyen à retenir à cet effet. Les responsabilités dévolues à cet égard au Secrétaire général en vertu du paragraphe 2 de l’article IV entrent en jeu en l’absence d’accord entre les parties. Donner à entendre, comme le fait à présent le Venezuela, que le choix du Secrétaire général quant au moyen de règlement ne deviendrait contraignant que sous réserve du consentement des parties, alors que celles-ci étaient justement convenues d’habiliter le Secrétaire général à les sortir de l’impasse dans laquelle elles pourraient se trouver et à leur éviter un enlisement permanent, revient à prendre l’exact contre-pied de l’accord de Genève : une telle logique irait à l’encontre de l’objet et du but mêmes qui sont les siens.
25. Le paragraphe 2 de l’article IV s’achève par la formule suivante : «jusqu’à ce que le différend ait été résolu»57. Il ressort clairement du libellé de l’accord que les parties n’entendaient pas laisser le différend irrésolu. L’objet et le but qu’elles poursuivaient étaient précisément d’éviter tout blocage permanent. C’est ce qui ressort clairement du titre de l’accord «tendant à régler le différend» et de la formule, employée dans le préambule, qui précise que les parties «ont conclu l’accord suivant pour résoudre le différend actuel»58. Si, au contraire, les parties s’étaient réservé la liberté de passer outre au «choix» du Secrétaire général quant au mode de règlement, elles se seraient privées de la garantie de voir un jour le différend réglé : il aurait suffi à l’une ou à l’autre de refuser de se soumettre au choix du Secrétaire général pour faire unilatéralement échec à un tel règlement et, partant, à l’objet et au but de l’accord de 1966.
B. Les négociations et les déclarations faites à l’époque par les parties
26. Ce point se trouve confirmé par les négociations qui ont abouti à l’accord de 1966, ainsi que par les déclarations que les parties avaient faites à l’époque quant à la signification de celui-ci, dont je vais à présent traiter. Il n’est bien sûr en aucun cas nécessaire de se référer, aux fins qui nous occupent ici, aux travaux préparatoires ou au comportement des Parties, puisque les termes de l’accord sont clairs. Pour autant, il n’est peut-être pas inutile de s’y reporter, ne serait-ce que pour s’assurer que l’accord veut bien dire ce qu’il dit, à savoir que les Parties ont conféré au Secrétaire
57 Accord de Genève, article IV, par. 2, RG, annexe 4.
58 Accord de Genève, préambule, RG, annexe 4.
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général le pouvoir de «choisir» le moyen à employer pour régler le différend, «choix» qui leur serait opposable, et que celui-ci devrait continuer à exercer ce pouvoir jusqu’à ce qu’un règlement définitif du différend ait été trouvé.
Monsieur le président, le moment serait peut-être venu de faire une pause, si vous l’estimez opportun. Dans le cas contraire, je serais heureux de poursuivre ma plaidoirie.
Le PRESIDENT : Veuillez continuer. Nous observerons une pause à la fin de la deuxième partie de votre exposé.
M. REICHLER : Je vous remercie, Monsieur le président.
27. Or, c’est ce que confirme, en premier lieu, le communiqué conjoint qu’ont émis les Parties le 17 février 1966, dès la conclusion de l’accord de Genève, et qui se trouve à l’onglet no 9 de vos dossiers de plaidoiries. Il débute par cette phrase : «Au terme des délibérations, un accord a été conclu dont les dispositions permettront d’aboutir à une solution définitive de ces problèmes», et se termine ainsi : l’accord «fournit les moyens de régler le différend qui nuisait aux relations entre les deux voisins»59.
28. L’objectif sous-tendant le paragraphe 2 de l’article IV, et les négociations ayant abouti à son adoption, a été décrit à l’époque par le ministre des affaires étrangères du Venezuela, qui présidait la délégation vénézuélienne à Genève, dans l’allocution qu’il a prononcée, le 17 mars 1966, devant le Congrès national pour appeler à la ratification de l’accord. Cette allocution se trouve sous l’onglet no 10 de vos dossiers de plaidoiries.
29. Ainsi que vous pouvez le constater, le ministre, M. Iribarren, souligne que l’objectif du Venezuela à Genève était de parvenir à un accord qui permettrait un règlement complet, définitif et contraignant du différend. Il ne nourrissait guère d’espoir d’y parvenir en poursuivant les négociations, compte tenu des positions inflexibles des parties sur la validité de la sentence arbitrale
59 Minister of Foreign Affairs of Venezuela, Minister of Foreign Affairs of the United Kingdom, and Prime Minister of British Guiana, Joint Statement on the Ministerial Conversations from Geneva on 16 and 17 February 1966 (17 Feb. 1966). MG, vol. II, annexe 31.
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de 189960. C’est ce qui explique, indique-t-il, que lorsque le Royaume-Uni a proposé d’accorder à la commission mixte dix ans pour parvenir à un accord réglant le différend, le Venezuela a préconisé de ne lui laisser à cet effet que trois mois avant de passer à la phase suivante du processus de règlement. Dans un esprit de compromis, les parties sont finalement convenues d’un mandat de quatre ans61.
30. Le ministre vénézuélien des affaires étrangères a déclaré devant le Congrès national que son principal objectif lors des négociations était de s’assurer que si, comme on pouvait s’y attendre, la commission mixte échouait à résoudre le différend par la voie diplomatique, celui-ci ne resterait pas irrésolu indéfiniment, mais serait soumis à une procédure de règlement international contraignant qui permettrait de parvenir à une solution définitive.
31. Dans son allocution, exhortant à la ratification de l’accord, le ministre a décrit précisément comment il s’agissait d’atteindre cet objectif :
«Enfin, soucieux de trouver une issue honorable, j’ai exposé une troisième proposition du Venezuela, qui visait à régler le problème frontalier en trois étapes [successives], assorties chacune d’une échéance, la particularité étant que le processus devait avoir une fin : a) commission mixte ; b) médiation ; c) arbitrage international.»62
32. Cette «troisième proposition du Venezuela» a été rejetée par les Britanniques lors de la conférence de Londres, en décembre 1965. Toutefois, c’est, selon le ministre, cette même proposition, formulée dans des termes légèrement différents, que le Royaume-Uni et la Guyane britannique allaient finir par accepter à Genève. A propos de la dernière étape des négociations et de l’accord qui en a découlé, le ministre précise ceci :
60 Déclaration de M. Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères, devant le Congrès national du Venezuela (17 mars 1966), reproduite dans Republic of Venezuela, Ministry of Foreign Affairs, Claim of Guyana Esequiba: Documents 1962-1981 (1981) (ci-après la «déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966)»), p. 1 («Le Royaume-Uni se refusait toujours à entamer des négociations visant à réviser une sentence qu’il tenait pour intangible.»), MG, vol. II, annexe 33.
61 Voir Government of the United Kingdom, Record of Discussions between the Foreign Secretary, the Venezuelan Minister for Foreign Affairs and the Premier of British Guiana at the Foreign Office on 9 December, 1965, No. AV 1081/326 (9 Dec. 1965), p. 4 («M. Iribarren Borges présente ensuite une autre proposition. Il s’agit de mettre en place une commission mixte… Si la commission n’arrive pas à un accord, les parties devront s’en remettre dans les trois mois à un ou plusieurs médiateurs.»), MG, vol. II, annexe 28. Note verbale no AV 1081/116 en date du 25 février 1966 adressée à l’ambassadeur du Royaume-Uni au Venezuela par le ministre britannique des affaires étrangères, par. 6 («J’avais proposé la veille que la commission mixte soit dotée d’un mandat de dix ans ; celui-ci a été ramené, à l’issue d’intenses tractations, à quatre.»), MG, vol. II, annexe 32.
62 Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), MG, vol. II, annexe 33, p. 9 (les italiques sont de nous).
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«En conclusion, en raison des objections du Venezuela acceptées par la Grande-Bretagne, il est admis sans équivoque que seul participera au choix du moyen de règlement le Secrétaire général de l’ONU, et non l’Assemblée générale.
Enfin, conformément à l’article 4, si aucune solution satisfaisant le Venezuela ne devait être trouvée, la sentence de 1899 devrait être révisée par voie d’arbitrage ou de recours à une instance judiciaire.»63
33. Le ministre n’a donc laissé planer aucun doute sur ce que le Venezuela recherchait ⎯ et que les parties comprenaient ⎯ lorsqu’il insistait pour que l’accord de 1966 permette le «recours à une instance judiciaire».
«Après quelques discussions officieuses, notre délégation a choisi de mettre sur la table une proposition analogue à [la] troisième formule qui avait été rejetée à Londres, en y ajoutant le recours à la Cour internationale de Justice.
Après avoir étudié en détail la proposition, les délégations de la Grande-Bretagne et de la Guyane britannique se sont opposées à la mention spécifique du recours à l’arbitrage et à la Cour internationale de Justice.
Une fois l’objection contournée en substituant à cette mention spécifique la référence à l’article 33 de la Charte des Nations Unies, qui prévoit ces deux procédures que sont l’arbitrage et le recours à la Cour internationale de Justice, la possibilité de parvenir à un accord redevint envisageable.
C’est sur la base de cette proposition du Venezuela que l’accord de Genève fut conclu.»64
C’est donc le Venezuela qui a proposé que l’article IV soit rédigé de façon à assurer que le différend serait définitivement réglé ⎯ en dernière instance, si le Secrétaire général en décidait ainsi ⎯ par voie d’arbitrage ou de recours à la Cour internationale de Justice.
34. Monsieur le président, l’historique des négociations ou les déclarations que les Parties ont faites immédiatement après l’adoption de l’accord ne laissent ainsi pas davantage que les termes de l’accord de doute sur le fait que le paragraphe 2 de l’article IV était destiné à garantir un règlement définitif du différend frontalier, que le Secrétaire général était habilité à choisir, parmi ceux énoncés à l’article 33 de la Charte, le moyen de règlement à employer, et que les parties entendaient que, si le Secrétaire général en décidait ainsi, le différend serait réglé par la Cour internationale de Justice.
35. C’est ainsi que le Venezuela comprenait l’accord de Genève, en particulier le paragraphe 2 de l’article IV, lorsqu’il l’a signé et ratifié en 1966 : le Secrétaire général était habilité à choisir le
63 Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), MG, vol. II, annexe 33, p. 17 (les italiques sont de nous).
64 Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), MG, vol. II, annexe 33, p. 13 (les italiques sont de nous).
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moyen de règlement, y compris le recours à la Cour internationale de Justice, et son choix serait définitif et contraignant pour les parties, afin de garantir le règlement définitif du différend portant sur la validité de la sentence arbitrale de 1899. De fait, comme l’a lui-même souligné le ministre vénézuélien des affaires étrangères, «[c]’est sur la base de cette proposition du Venezuela que l’accord de Genève fut conclu»65.
C. La manière dont le Venezuela interprète l’accord aujourd’hui
36. Telle était la manière dont le Venezuela interprétait l’accord en 1966. L’interprétation qu’il en fait aujourd’hui, sur laquelle je vais à présent me pencher, est totalement incompatible avec celle qu’en donnait alors son ministre des affaires étrangères, qui en avait négocié et accepté les termes, et en avait expliqué le sens au Congrès national au moment de la ratification. Cette nouvelle interprétation est exposée dans trois documents présentés à la Cour par le Venezuela.
Le PRESIDENT : Monsieur Reichler, je crois que nous pouvons nous arrêter ici. Le moment me semble bien choisi pour observer une pause d’une dizaine de minutes.
M. REICHLER : Je vous remercie, Monsieur le président. J’espère que vous pourrez en profiter pour savourer un café réel, et non virtuel.
Le PRESIDENT : Ce sera un vrai café, rassurez-vous ! Nous invitons tous ceux qui participent à cette audience à distance à prendre un café s’ils le souhaitent, mais à ne pas nous quitter. Nous nous retrouverons dans dix minutes.
M. REICHLER : Merci, Monsieur le président.
Le PRESIDENT : L’audience est suspendue.
L’audience est suspendue de 15 h 55 à 16 h 05.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience reprend. J’invite maintenant M. Reichler à poursuivre son exposé. Monsieur Reichler, vous avez la parole.
65 Déclaration de M. Irribaren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères (17 mars 1966), MG, vol. II, annexe 33, p. 13.
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M. REICHLER : Je vous remercie, Monsieur le président. J’étais sur le point de commencer la troisième et dernière partie de ma présentation, qui porte sur la manière dont le Venezuela interprète aujourd’hui l’accord de Genève.
Cette récente interprétation, donc, est exposée dans trois documents que le Venezuela a présentés à la Cour : une lettre du président Nicolas Maduro en date du 18 juin 2018, le mémorandum soumis le 28 novembre 2019, et l’annexe qui l’accompagnait. L’on relèvera que le Venezuela n’a présenté à la Cour aucun document d’archive et, s’il lui est arrivé, dans son mémorandum, de mentionner de prétendus documents de cette nature, il n’en a de fait annexé aucun, et n’en a pas davantage fourni de citations intégrales ou officielles. En résumé, le Venezuela n’apporte aucune preuve qui étayerait ses assertions. Il n’avance que des arguments ⎯ au nombre de trois, pour être précis. Et ces arguments sont manifestement erronés.
37. Le premier d’entre eux, qui est avancé dans la lettre du président Maduro ⎯ et je vous invite à vous reporter à l’onglet no 11 de vos dossiers de plaidoiries ⎯, est que l’accord de Genève prévoirait le règlement du différend entre les Parties au moyen de «négociations amicales» exclusivement :
«Le Venezuela réitère son attachement le plus stric[t] à ce qui est légalement établ[i] dans l’Accord de Genève pour le règlement de ce différend. Cet Accord engage les deux parties à arriver à une solution pratique et mutuellement satisfaisante, par le biais d[e] négociations amicales»66.
38. Le Guyana ne peut naturellement que se féliciter de ce que le président Maduro se soit engagé à respecter l’accord de Genève, et qu’il ait reconnu que cet instrument s’imposait aux Parties. Mais l’interprétation du président semble uniquement fondée sur les trois premiers articles de ce texte qui, comme nous l’avons vu, prévoient bien, en effet, des négociations amicales, par l’entremise d’une commission mixte, «chargée de rechercher des solutions satisfaisantes pour le règlement pratique du différend»67.
39. Mais si je puis me permettre, le Venezuela interrompt trop tôt sa lecture de l’accord. C’est un peu comme s’il avait refermé le livre de la Genèse au cinquième jour, avant que les premiers hommes ne soient créés. Le monde s’en serait peut-être mieux porté, mais l’histoire ne s’achève pas
66 Lettre en date du 18 juin 2018 adressée au président de la Cour internationale de Justice par le président de la République bolivarienne du Venezuela, MG, vol. IV, annexe 132, p. 5 ; les italiques sont de nous.
67 Accord de Genève, article I, RG, annexe 4.
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là. De la même façon, l’accord de Genève ne s’arrête pas à l’article III. Or, dans sa lettre, le président Maduro ne fait aucun cas de l’article IV qui, comme nous l’avons vu, définit la procédure à observer en vue de régler le différend dans le cas où les «négociations amicales» menées par la commission mixte ne permettraient pas de parvenir à un accord. Le Venezuela lui-même l’a reconnu dans son mémorandum du 28 novembre 2019, au paragraphe 22 c), où il affirme sans ambiguïté la nécessité de recourir, «en dernière instance, [à] l’intervention du Secrétaire général de l’ONU» dans le cas où la commission mixte échouerait, au terme de quatre années, à trouver «des solutions satisfaisantes pour le règlement pratique du différend»68.
40. Le deuxième argument, manifestement conçu comme un argument subsidiaire en prévision de l’échec du premier, consiste à affirmer que «le Venezuela …, loin d’écarter les solutions arbitrale et judiciaire, a proposé … de les retenir en dernier recours au cas où il ne serait pas possible de parvenir à un règlement pratique dans le cadre d’une commission mixte ou par d’autres moyens politiques de règlement»69. Au paragraphe 114 de son mémorandum, le Venezuela soutient ainsi que le règlement judiciaire n’est possible, dans le cadre de l’accord de 1966, qu’«en dernier recours», lequel suppose, précise-t-il ensuite, que tous les moyens non judiciaires de règlement énoncés à l’article 33 de la Charte aient été épuisés.
41. Le Venezuela argue à ce propos qu’il aurait été
«contraire à la lettre et à l’esprit de cet accord, en particulier au paragraphe 2 de son article IV, de négliger les moyens politiques mentionnés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies pour imposer directement et unilatéralement une solution qui ne devrait être envisagée qu’en dernier recours, une fois que l’une et l’autre Parties auraient conclu à l’échec de ces moyens»70.
Au paragraphe 71 de son mémorandum, le Venezuela, au sujet des moyens mentionnés à l’article 33, prétend que «le paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève veut qu[e les moyens de règlement des différends énoncés à l’article 33 de la Charte] soient essayés successivement, exprimant ainsi un certain ordre de préférence»71.
68 MV, par. 22 c).
69 MV, par. 114 2).
70 MV, par. 46 e).
71 MV, par. 71 ; les italiques sont dans l’original.
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42. Or, Monsieur le président, il n’en est rien ! Il n’y a rien, au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève, ni à l’article 33 de la Charte, qui oblige le Secrétaire général à choisir tel ou tel moyen de règlement du différend selon un ordre particulier, ou qui requière que tous ceux énoncés à l’article 33 soient épuisés avant qu’il ne puisse opter pour le règlement judiciaire par la Cour. Au contraire, le Secrétaire général a toute discrétion pour choisir le moyen de régler le différend à ceci près que, premièrement, il doit choisir l’un des moyens énumérés à l’article 33 et, deuxièmement, si celui-ci n’a pas permis de régler le différend, il doit choisir un autre des moyens envisagés à l’article 33, jusqu’à ce que le différend ait été résolu, ou jusqu’à ce que tous les moyens énumérés aient été épuisés. Ni le paragraphe 2 de l’article IV, ni l’article 33 ne lui imposent d’aucune façon de choisir tel ou tel moyen de règlement selon un ordre précis. D’après le Venezuela, le Secrétaire général ne pourrait choisir le règlement judiciaire par la Cour qu’après un recours à l’arbitrage, ce qui est absurde.
43. D’ailleurs, le Venezuela se contredit lui-même. Il reconnaît en effet que le premier moyen de règlement retenu par le Secrétaire général était la procédure des «bons offices», et que ce choix était conforme au paragraphe 2 de l’article IV72. Or, plus loin, au paragraphe 78 de son mémorandum, il décrit les «bons offices» comme «rel[evant] de la catégorie visée par l’expression générique «autres moyens … de leur choix»», soit la dernière ⎯ et non la première ⎯ des catégories envisagées à l’article 3373. Ainsi, loin de procéder de façon successive, en retenant le premier des moyens cités, le Secrétaire général a commencé par puiser dans la dernière catégorie, sans que le Venezuela ne proteste. Ce choix ⎯ le Venezuela l’a admis ⎯ restait à l’entière discrétion du Secrétaire général pour autant que le moyen retenu figure parmi ceux énumérés à l’article 33. Le Secrétaire général n’a donc pas choisi le règlement judiciaire de façon «prématuré[e]», n’en déplaise au Venezuela74.
44. Voilà qui nous mène au troisième et dernier argument du Venezuela. J’y ai déjà fait allusion. Le Venezuela prétend que, quand bien même le Secrétaire général aurait été habilité à choisir le recours à la Cour pour régler le différend, et quand bien même il aurait pu retenir cette solution avant que les autres moyens énumérés à l’article 33 de la Charte aient été épuisés, ce choix
72 MV, par. 33, 71.
73 MV, par. 78.
74 MV, par. 51.
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ne liait pas les Parties, dont le consentement mutuel était requis pour qu’il prenne effet. Pour le Venezuela, en l’absence d’accord des Parties, le choix du Secrétaire général, je cite, «ne peut être considéré que comme une recommandation»75.
45. C’est là une toute nouvelle interprétation du paragraphe 2 de l’article IV. Comme nous l’avons déjà vu, elle est en contradiction flagrante avec le libellé de cette disposition ⎯ qui mentionne expressément le «choix» (decision en anglais), par le Secrétaire général, du moyen de règlement, et non une simple recommandation. L’interprétation actuelle du Venezuela ne cadre pas davantage avec la manière dont son ministre des affaires étrangères concevait, en 1966, l’autorité conférée par les Parties au Secrétaire général en vertu du paragraphe 2 de l’article IV, conception qui ressort non seulement de son allocution devant le Congrès national, dont j’ai déjà cité des extraits, mais aussi de l’annexe jointe par le Venezuela lui-même à son mémorandum du 28 novembre 2019, à la page 35 ⎯ et je vous invite à vous reporter à l’onglet no 7 ⎯ qui rapporte ce propos du ministre : «[I]l est admis sans équivoque que seul participera au choix du moyen de règlement le Secrétaire général de l’ONU». Il est ainsi évident que, dans l’esprit du ministre, dès lors que le Secrétaire général aurait retenu la Cour comme moyen de régler le différend, les Parties n’auraient nullement besoin de conclure un compromis.
46. Dès lors, il n’est guère surprenant que le Venezuela ne fasse référence ni au texte du paragraphe 2 de l’article IV ni aux déclarations faites à l’époque par son ministre des affaires étrangères, lorsqu’il défend l’argument indéfendable selon lequel le Secrétaire général n’était habilité à formuler qu’une simple recommandation, laquelle serait soumise à l’approbation ultérieure des Parties.
47. A défaut d’éléments sur lesquels se fonder, le Venezuela entreprend d’en forger de toutes pièces, en prêtant au ministre des affaires étrangères une «interprétation» du paragraphe 2 de l’article IV que celui-ci n’a jamais formulée et qui est démentie par ses propres propos. Au paragraphe 114 de son mémorandum, le Venezuela affirme ainsi, à tort, que
«le ministre vénézuélien comprenait que l’arbitrage et le règlement judiciaire n’étaient pas des mécanismes automatiques ou unilatéraux, mais devaient être l’objet d’un accord
75 MV, par. 90.
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négocié [par] les Parties et faisant de l’équité une des sources fondamentales de la décision pour répondre à la nécessité d’une véritable justice»76.
48. Or, et le fait est révélateur, le Venezuela n’étaye cette affirmation par aucune citation ni référence à la moindre source. Et l’on ne trouve nulle trace d’un tel propos dans les déclarations faites à l’époque par le ministre. L’argument du Venezuela prend en réalité l’exact contre-pied de ce que celui-ci a effectivement affirmé, à savoir que «seul participer[ait] au choix du moyen de règlement le Secrétaire général de l’ONU»77.
49. Monsieur le président, il est bon que le Venezuela ait exposé en détail les raisons pour lesquelles il tient la Cour pour incompétente en l’espèce, même s’il l’a malheureusement fait tardivement et sans respecter ni le Règlement de la Cour ni l’ordonnance que celle-ci a rendue le 19 juin 2018. Il n’en demeure pas moins que, en précisant ces raisons sous forme écrite, d’abord dans sa lettre du 18 juin 2018, puis de façon plus approfondie dans son mémorandum, avec annexe, du 28 novembre 2019, le Venezuela a permis à la Cour de prendre connaissance de ses arguments, comme il a permis au Guyana d’y répondre et de montrer qu’aucune de ses objections n’avait le moindre fondement. Le Guyana estime que la Cour devrait donc rejeter ces arguments et passer à l’examen de l’affaire au fond.
50. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé. Je vous remercie de votre aimable attention et vous prierais de bien vouloir donner la parole à M. Sands.
LE PRESIDENT : Je remercie M. Reichler pour son exposé. Je donne maintenant la parole à M. Sands. Vous avez la parole.
M. SANDS :
LA MISE EN OEUVRE DE L’ACCORD DE GENÈVE ET LE CHOIX DE LA COUR COMME MOYEN DE RÈGLEMENT DU DIFFÉREND
I. Introduction
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un privilège que de me présenter devant vous au nom de la République coopérative du Guyana, même si je le fais
76 MV, par. 114 6).
77 Déclaration en date du 17 mars 1966 de M. Ignacio Iribarren Borges, ministre vénézuélien des affaires étrangères, au Congrès national, MG, vol. II, annexe 33, p. 68.
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depuis le quartier de Hampstead, à Londres. Dans cet exposé, j’expliquerai comment, entre la signature de l’accord de Genève en 1966 et la décision du Secrétaire général de l’ONU, quelque cinquante-deux années plus tard, de choisir la Cour comme prochain moyen de règlement du différend, il a été satisfait aux conditions établies par ledit accord.
2. L’analyse complète des événements qui se sont succédé pendant plus d’un demi-siècle est présentée dans nos écritures78, ce qui me permettra d’être concis. Je m’arrêterai néanmoins sur quatre points. Premièrement, toutes les conditions fixées par l’accord de Genève ont été dûment mises en oeuvre. Deuxièmement, conformément à ces conditions, les Parties ont, à partir de 1983, confié au Secrétaire général de l’ONU la responsabilité de choisir le moyen de règlement du différend. Troisièmement, après avoir tenté sans résultat, pendant plus de 25 ans, de régler le différend au moyen d’une procédure de bons offices (assortie, pendant la dernière année, d’un mandat de médiation renforcé), le Secrétaire général a, en 2018, choisi de faire appel à la Cour. La décision ⎯ sa décision ⎯ a été soigneusement pesée ; elle est inattaquable, licite et pleinement exécutoire. Quatrièmement, cette décision était justifiée et inévitable, puisqu’elle reconnaissait la nécessité de mettre fin, de manière juste et définitive, à un différend de longue date aux effets déstabilisateurs.
II. La commission mixte (1966-1970)
3. Je commencerai par la mise en oeuvre de l’accord de Genève à la suite de sa signature. En 1966, une commission mixte a été établie conformément aux articles I et II de cet instrument. Ainsi que M. Reichler l’a exposé, elle était composée de deux représentants de chacune des parties, et avait pour mission de rechercher «des solutions satisfaisantes pour le règlement pratique du différend» découlant de l’allégation de nullité formulée par le Venezuela79.
4. Les membres de la commission étaient éminemment qualifiés pour exécuter cette mission. Il s’agissait, pour ce qui est du Guyana, de Sir Donald Jackson, ancien Chief Justice de la Guyane britannique, et de M. Mohamed Shahabuddeen, alors Solicitor General du Guyana (et qui a bien sûr, par la suite, exercé les fonctions de juge à la Cour, puis au Tribunal pénal international pour
78 MG, vol. I, par. 2.50-2.108.
79 Accord tendant à régler le différend entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique, Nations Unies, Recueil des traités (RTNU), vol. 561, p. 328 (17 février 1966). RG, annexe 4.
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l’ex-Yougoslavie (TPIY)). Les deux représentants du Venezuela, non moins illustres, étaient MM. Luis Loreto (qui allait devenir juge à la Cour suprême du Venezuela) et Gonzalo Garcia Bustillos (par la suite ambassadeur du Venezuela à Cuba et auprès de l’Organisation des Etats américains, puis ministre du bureau de la présidence du Venezuela). Entre 1966 et 1970, la commission s’est réunie à 16 reprises, et des rapports ont été publiés par les commissaires à une fréquence biannuelle. Ces travaux n’ont toutefois pas permis de progresser vers une solution pratique, en raison, principalement, de l’incapacité des parties de s’entendre sur le mandat de la commission : pour le Guyana, il s’agissait avant tout d’examiner l’allégation de nullité formulée par le Venezuela à l’égard de la sentence arbitrale, ce dernier s’intéressant davantage à la question de savoir quelle portion du territoire de l’Essequibo devrait lui être cédée par le Guyana ou faire l’objet de ce qu’il appelait un programme de «développement commun»80. M. Shahabuddeen a ainsi expliqué l’échec de la procédure par le fait que «le Venezuela refusait délibérément de reconnaître le sens ordinaire de l’article premier de l’accord de Genève», et qu’il était, dès lors, «impossible pour la commission mixte de s’atteler à la mission principale qui lui avait été confiée»81.
5. Les représentants vénézuéliens comprenaient parfaitement la conséquence de cet échec. En 1966, ils ont ainsi expressément reconnu que, si la commission ne parvenait pas à régler le différend ⎯ et la citation figure sous l’onglet no 13 de notre dossier de plaidoiries ⎯ «l’examen de la question sous l’angle juridique, à supposer qu’il se révèle nécessaire, ser[ait] mené en temps utile par un tribunal international désigné conformément à l’article IV de l’accord de Genève»82.
6. Le travail de la commission a également été entravé par l’hostilité ouverte du Venezuela à l’égard du Guyana. Ainsi, les forces armées vénézuéliennes ont, en octobre 1966, envahi et occupé la moitié de l’île guyanienne d’Ankoko, puis y ont construit des installations militaires, allant jusqu’à y aménager un aérodrome. Le Guyana a protesté contre cette violation manifeste de sa souveraineté83.
80 Lettre du 2 novembre 1981 adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de la Guyane auprès de l’Organisation des Nations Unies, «Mémoire concernant la frontière entre la Guyane et le Venezuela, ministère des affaires étrangères Guyane», reproduit dans Nations Unies, Assemblée générale, trente-sixième session, examen de l’application de la déclaration sur le renforcement de la sécurité, doc. A/C.1/36/9 (9 novembre 1981), p. 7-8. MG, vol. III, annexe 54.
81 Procès-verbal de la troisième séance, XIe session de la commission mixte (16 février 1970), p. 5.
82 Ministère britannique des affaires étrangères, premier rapport périodique de la commission mixte (30 décembre 1966), p. 3. MG, vol. II, annexe 41.
83 Note verbale from the Prime Minister and Minister of External Affairs of Guyana to the Minister of Foreign Relations of Venezuela, No. CP (66) 603 (21 Oct. 1966). MG, vol. II, annexe 40.
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Deux ans après l’invasion de l’île d’Ankoko, Raúl Leoni, président du Venezuela, prenait un décret censé entériner l’annexion de la mer territoriale du Guyana jusqu’à l’embouchure du fleuve Essequibo84, ce qui a suscité de nouvelles protestations de la part du Guyana85. Aujourd’hui encore, l’île d’Ankoko demeure sous occupation illicite du Venezuela, lequel revendique la zone maritime s’étendant le long de la côte guyanienne.
7. En 1970, la commission mixte n’étant pas parvenue à un règlement, le paragraphe 1) de l’article IV de l’accord de Genève est devenu applicable. Selon cette disposition, dont le texte est reproduit sous l’onglet no 12, les Gouvernements du Guyana et du Venezuela étaient tenus de «choisi[r] sans retard un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies»86.
8. Les deux Etats n’ont pas été en mesure de s’entendre. Au vu de cette impasse, Eric Williams, premier ministre de Trinité-et-Tobago, a encouragé l’adoption d’un moratoire sur le processus de règlement du différend prévu à l’article IV de l’accord de Genève. Le Guyana s’est félicité de cette initiative, compte tenu du risque que l’escalade de menaces qu’il subissait de la part du Venezuela constituait pour sa stabilité, son développement et son intégrité territoriale.
III. Le protocole de Port of Spain (1970-1980)
9. Le 18 juin 1970, les parties ont conclu le protocole de Port of Spain. En vertu de cet instrument, le Venezuela et le Guyana convenaient de «suspen[dre]» l’application de l’article IV pendant une période initiale de douze ans, durant laquelle ils «étudie[raient] tous les moyens d’améliorer la compréhension entre eux-mêmes et entre leurs peuples».
10. Quatre jours après l’entrée en vigueur du protocole, le Venezuela a reconnu «l’absence de tout progrès au sein de la commission mixte» et ce qu’il a appelé «la regrettable, mais incontestable détérioration des relations entre [lui] et le Guyana». Dans un mémorandum officiel, il a qualifié le
84 Par une note datée du 19 juillet 1968, le Guyana a dénoncé le décret pris par le président Raúl Leoni qui «prétendait entériner le rattachement aux eaux territoriales et à la zone contiguë du Venezuela d’une bande maritime située le long de la côte du Guyana entre l’embouchure du fleuve Essequibo et la pointe Waini». Note verbale from the Ministry of External Affairs of Guyana to the Embassy of the Bolivarian Republic of Venezuela in Guyana (19 July 1968). MG, vol. II, annexe 43.
85 Note verbale from the Ministry of External Affairs of Guyana to the Embassy of the Bolivarian Republic of Venezuela in Guyana (19 July 1968). MG, vol. II, annexe 43.
86 Accord tendant à régler le différend entre le Venezuela et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à la frontière entre le Venezuela et la Guyane britannique, Nations Unies, Recueil des traités (RTNU), vol. 561, p. 328 (17 février 1966). RG, annexe 4.
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protocole d’«heureux résultat» et de «compromis» qui «se rapproch[ait] davantage de [s]a proposition initiale … que de celle du Guyana»87.
11. A l’article II du protocole de Port of Spain, chacune des parties s’engageait, tant que cet instrument resterait en vigueur, à s’abstenir de formuler des revendications de souveraineté sur le territoire de l’autre. En novembre 1981, le Venezuela a néanmoins réaffirmé sa «revendication … du territoire de l’Essequibo»88 et cherché à décourager les investissements internationaux dans cette région appartenant au Guyana. Le protocole de Port of Spain a expiré le 18 juin 1982, après sa dénonciation formelle par le Venezuela, ce qui, comme l’a expliqué le ministre vénézuélien des affaires étrangères, a permis «la pleine réactivation des procédures prévues par l’accord de Genève»89.
IV. Les événements ayant suivi l’expiration du protocole de Port of Spain
12. Cela nous amène donc à l’article III du protocole, qui prévoyait que, dès que cet instrument cesserait d’être en vigueur, l’application de l’article IV de l’accord de Genève «ser[ait] reprise au point où elle aur[ait] été suspendue». Au milieu de l’année 1982, le Guyana et le Venezuela ont ainsi dû à nouveau, comme le prescrivait le paragraphe 1 de l’article IV de l’accord de Genève, choisir «un des moyens de règlement pacifique énoncés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies».
13. Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre, le Guyana proposant le règlement judiciaire, et le Venezuela privilégiant pour sa part les négociations diplomatiques90. Le paragraphe 2 de l’article IV prévoyait que, en l’absence d’accord entre eux, les deux Etats «s’en remettr[aient], pour ce choix, à un organisme international compétent sur lequel ils se mettr[aient] d’accord». S’agissant du choix de l’«organisme international compétent», le Guyana a avancé trois propositions : la Cour
87 Gouvernement de la République du Venezuela, exposé des motifs du projet de loi portant ratification du protocole de Port of Spain, 22 juin 1970, reproduit dans «Claim of Guyana Esequiba», ministère vénézuélien des affaires étrangères, doc. 1962-1981 (1981). MG, vol. II, annexe 47.
88 Nations Unies, lettre du 2 novembre 1981 adressée au Secrétaire général par le représentant permanent du Guyana auprès de l’Organisation des Nations Unies, «Mémoire concernant la frontière entre le Guyana et le Venezuela, ministère guyanien des affaires étrangères», reproduit dans Nations Unies, Assemblée générale, trente-sixième session, examen de l’application de la déclaration sur le renforcement de la sécurité internationale, doc. A/C.1/36/9 (9 novembre 1981), p. 10. MG, vol. III, annexe 54.
89 Declaration of the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela (10 Apr. 1981), reproduit dans «Claim of Guyana Esequiba», ministère vénézuélien des affaires étrangères, doc. 1962-1981 (1981). MG, vol. II, annexe 49.
90 Cooperative Republic of Guyana, Ministry of Foreign Affairs, Press Release (30 March 1983). MG, vol. III, annexe 62 ; Nations Unies, documents officiels de l’Assemblée générale, trente-septième session, 16e séance, point 9 de l’ordre du jour, doc. A/37/PV.16 (4 octobre 1982), par. 287-288. MG, vol. III, annexe 57.
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internationale de Justice, l’Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil de sécurité de l’ONU91. Le Venezuela a rejeté ces trois recommandations, déclarant, en septembre 1982 — comme vous pouvez le voir sous l’onglet no 14 —, qu’il était
«aujourd’hui convaincu que l’organisme international le plus compétent pour choisir un moyen de règlement [était] le Secrétaire général de l’ONU, lequel a[vait] accepté cette responsabilité … et dont le rôle a[vait] été expressément approuvé par les parties dans le texte même de l’accord de Genève»92.
14. Un mois plus tard, le Venezuela déclarait de nouveau, comme vous pouvez le voir sous l’onglet no 15, que, en vue de la
«m[ise] en oeuvre [d]es dispositions du paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève, … [il] souhait[ait] réaffirmer sa conviction que le plus pratique et le plus indiqué serait de confier le choix du moyen de règlement directement au Secrétaire général de l’ONU.
Puisqu’il [était] manifeste qu’aucun accord n’exist[ait] entre les parties quant au choix d’un organisme international chargé de remplir les fonctions prévues au paragraphe 2 de l’article IV, force [était] de constater que cette fonction rel[evait] désormais de la responsabilité du Secrétaire général de l’ONU»93.
15. Aux termes du paragraphe 2 de l’article IV, les parties, en l’absence d’accord, devaient s’en remettre au Secrétaire général de l’ONU, ce qu’elles avaient l’une et l’autre parfaitement compris94. Le 31 mars 1983, M. Javier Pérez de Cuéllar, Secrétaire général de l’ONU ⎯ dont vous avez, Monsieur le président, évoqué si élégamment la mémoire ⎯, a confirmé que les deux gouvernements l’avaient prié d’intervenir en vertu du paragraphe 2 de l’article IV, et qu’il les informerait de la manière dont il entendait s’acquitter de cette responsabilité95.
16. En août 1983, M. Pérez de Cuéllar a chargé M. Diego Cordovez, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques spéciales, de se rendre dans les deux pays. Lors des réunions que celui-ci y a tenues, le Guyana et le Venezuela ont tous deux «réaffirmé qu’ils étaient disposés à coopérer pleinement avec le Secrétaire général dans l’exercice de la responsabilité incombant à ce dernier au
91 Voir Nations Unies, documents officiels de l’Assemblée générale, trente-septième session, 26e séance, point 9 de l’ordre du jour, doc. A/37/PV.26 (11 octobre 1982), par. 212-215. MG, vol. III, annexe 58.
92 Letter from the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela to the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana (19 Sept. 1982). MG, vol. III, annexe 56.
93 Letter from the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela to the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana (15 Oct. 1982). MG, vol. III, annexe 59.
94 Letter from the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana to the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela (28 March 1983). MG, vol. III, annexe 61.
95 Letter from the Secretary-General of the United States to the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana (31 March 1983). MG, vol. III, annexe 63.
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titre de l’accord de Genève». Ils ont en outre l’un et l’autre fourni de «nombreux renseignements», lesquels ont été «examinés avec la plus grande attention» pour faire en sorte que «le choix du moyen de règlement permette de résoudre de manière définitive et durable les questions divisant» les deux Etats96.
17. Entre 1984 et 1989, soit pendant cinq ans, les Parties ont tenu des réunions et des discussions régulières aux niveaux diplomatique et ministériel, M. Cordovez assistant le Secrétaire général en application du paragraphe 2 de l’article IV. Au début de l’année 1990, le Secrétaire général a décidé d’utiliser comme premier moyen de règlement une «procédure des bons offices», laquelle serait conduite par son représentant personnel.
18. Comme vous l’aurez noté, la «procédure des bons offices» n’est pas explicitement mentionnée à l’article 33 de la Charte des Nations Unies. Elle relève toutefois, ainsi que le Venezuela le reconnaît expressément dans le récent mémorandum qu’il a établi dans le cadre de la présente instance97, de la catégorie résiduelle des «autres moyens pacifiques» de règlement des différends. Ainsi, comme l’admet aujourd’hui le Venezuela, le Secrétaire général n’a pas choisi les moyens de règlement dans l’ordre dans lequel ils apparaissent à l’article 33, à savoir la «négociation, [l]’enquête, [la] médiation, [la] conciliation», etc. Il convient cependant de souligner que le Venezuela ne s’est pas opposé, ni sur ce fondement, ni sur aucun autre, au choix des bons offices opéré par le Secrétaire général, se félicitant au contraire de cette décision98. Les Parties conviennent que, en décidant ainsi, le Secrétaire général a agi de manière pleinement conforme aux pouvoirs et responsabilités qu’elles lui avaient conférés au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève. Le Venezuela a accepté le choix du Secrétaire général, ainsi que les raisons, principes et fondements qui le sous-tendaient.
V. La procédure des bons offices (1990-2014)
19. A partir de 1990, les secrétaires généraux successifs ont nommé un certain nombre d’éminents «représentants personnels» pour conduire la procédure des bons offices. Le premier était Sir Alister McIntyre (Grenade), ancien secrétaire général de la Communauté des Caraïbes
96 Telegram from the Secretary-General of the United Nations to the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana (31 Aug. 1983), p. 2. MG, vol. III, annexe 64.
97 Voir MV, par. 78.
98 Voir MV, par. 33.
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(CARICOM), universitaire et homme d’Etat de renom. Il a accompli cette mission jusqu’en 1999, date à laquelle lui a succédé Oliver Jackman (Barbade), éminent juriste, diplomate, et juge à la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui a exercé ces fonctions pendant huit ans, jusqu’à son décès en 2007. Norman Girvan (Jamaïque), ancien secrétaire général de l’Association des Etats de la Caraïbe, a été le troisième représentant personnel, occupant ces fonctions de 2010 à 2014, date de son décès.
20. Pendant vingt-quatre ans, de 1990 à 2014, les parties ainsi que les représentants personnels et secrétaires généraux successifs se sont employés avec la plus grande énergie à parvenir à un règlement satisfaisant du différend au moyen de la procédure des bons offices. Ont ainsi été organisées des rencontres annuelles entre les ministres des affaires étrangères des parties et le Secrétaire général lui-même.
21. Durant toute cette période, le Guyana et le Venezuela ont maintes fois réaffirmé leur détermination à mettre en oeuvre la procédure prescrite par l’accord de Genève. En 1993, ils ont ainsi publié une déclaration commune ⎯ que vous trouverez sous l’onglet no 16 du dossier de plaidoiries ⎯, dans laquelle ils «réaffirm[aient]» leur «engagement profond et indéfectible en faveur de la résolution pacifique des questions relevant du cadre de l’accord de Genève de 1966»99. En 1998, soit cinq ans plus tard, les deux Etats publiaient une nouvelle déclaration commune ⎯ qui figure sous l’onglet no 17 ⎯ afin de rendre hommage aux efforts déployés par le représentant personnel du Secrétaire général et de «réaffirm[er] leur décision de continuer de se prévaloir de [la procédure des] bons offices … pour parvenir à un règlement définitif, conformément aux voeux exprimés dans l’accord de Genève»100.
22. Nonobstant ses affirmations répétées quant à son engagement en faveur d’un règlement pacifique, le Venezuela ne peut que reconnaître que la procédure des bons offices a malheureusement été compromise par les incursions armées auxquelles ses forces militaires se sont livrées en territoire
99 Government of the Cooperative Republic of Guyana and Government of the Republic of Venezuela, Joint Statement (5 Apr. 1993). MG, vol. III, annexe 67.
100 Government of the Cooperative Republic of Guyana and Government of the Republic of Venezuela, Joint Communiqué (23 July 1998), p. 3. MG, vol. III, annexe 70.
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guyanien à de nombreuses reprises — en 2007101, 2013102 et 2014103 — et qui se sont soldées par la confiscation et la destruction illicites de biens guyaniens, ainsi que par la détention arbitraire et l’enlèvement de Guyaniens. En outre, le Venezuela s’est de nouveau opposé à des projets d’investissement et d’infrastructure dans la région de l’Essequibo, ce qui a évidemment entravé le développement du Guyana104.
23. En 2014, les Parties n’étaient pas plus près de régler leur différend qu’elles ne l’étaient quelque 31 ans auparavant, lorsque le Secrétaire général s’était vu confier pour la première fois la responsabilité de choisir un moyen de règlement. Cinq décennies s’étaient écoulées depuis la signature de l’accord de Genève sans qu’aucun progrès réel n’ait été réalisé. Face à un tel échec, et confronté à une nouvelle campagne de menaces de la part du Venezuela, le Guyana a conclu qu’il ne servait à rien de poursuivre la procédure des bons offices. Il a donc formulé la recommandation, dictée par le bon sens, que le Secrétaire général ait recours à un autre moyen, ainsi que le prévoyait le paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève en renvoyant à l’article 33 de la Charte des Nations Unies.
24. Le Guyana a ainsi, le 2 décembre 2014, fait part de sa proposition au Venezuela105, lequel a reconnu que le différend devait être réglé conformément à l’accord de Genève106.
VI. Les événements survenus en 2015-2016
25. En septembre 2015, Ban Ki-moon, Secrétaire général de l’ONU, a rencontré les présidents du Guyana et du Venezuela. Il a ensuite écrit aux Parties pour leur présenter les grandes lignes d’une proposition baptisée «la marche à suivre» («The Way Forward»), précisant que, dans l’éventualité où aucune solution concrète ne serait trouvée avant la fin de son mandat, il «a[vait] l’intention
101 Voir Note Verbale from the Ministry of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana to the Embassy of the Bolivarian Republic of Venezuela in Guyana, No. DG/2/11/2007 (15 Nov. 2007). MG, vol. III, annexe 74.
102 Voir D. Scott Charbol, «Venezuelan soldiers weren’t allowed entry-govt», Demerara Waves (13 Sept. 2013). MG, vol. III, annexe 78.
103 Note Verbale from the Ministry of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana to the Ministry of People’s Power for External Relations of the Bolivarian Republic of Venezuela, No. 815/2014 (1 July 2014). MG, vol. III, annexe 83.
104 Voir MG, par. 2.76.
105 Letter from the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana to the Ministry of People’s Power for External Relations of the Bolivarian Republic of Venezuela (2 Dec. 2014). MG, vol. III, annexe 86.
106 Letter from the Ministry of People’s Power for External Relations of the Bolivarian Republic of Venezuela to the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Guyana (19 June 2015). MG, vol. III, annexe 95.
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d’engager le processus d’obtention d’une décision finale et contraignante de la Cour internationale de Justice». En attendant, il entendait «faire tout son possible pour aider les parties» à parvenir à un accord au moyen de la procédure de bons offices alors en cours107.
26. A la suite de cette annonce, les Parties et le chef de cabinet du Secrétaire général se sont rencontrés à plusieurs reprises. Malheureusement, l’ombre des menaces du Venezuela a une nouvelle fois plané sur ces réunions. En février 2016, le ministre vénézuélien des affaires étrangères a ainsi, dans une déclaration devant les Nations Unies, réaffirmé «des droits sur l’Essequibo»108. Au mois de mai de cette même année, des agents guyaniens surveillant la région de l’Essequibo ont essuyé des tirs des forces armées vénézuéliennes109. De nombreuses autres incursions militaires en territoire guyanien ont été signalées110. L’ensemble des éléments de preuve y afférents sont détaillés dans nos écritures111.
27. Dans un contexte de tensions grandissantes, le Secrétaire général Ban Ki-moon a alors déclaré, le 15 décembre 2016, qu’il s’était révélé impossible «d’aplanir les divergences entre les parties», annonçant, pour reprendre ses termes, un «bilan approfondi» de la procédure de bons offices. Celle-ci se poursuivrait, je cite, «pour une année supplémentaire», avec un nouveau représentant personnel et un «mandat de médiation renforcé». Il convient de relever que le Secrétaire général a par la suite fixé un cadre clair à cette prolongation limitée — et la citation figure sous l’onglet no 18 du dossier de plaidoiries :
«Si, à la fin 2017, le Secrétaire général conclut à l’absence de progrès significatifs en vue d’un accord complet sur le règlement du différend, il choisira la Cour
107 Lettre en date du 12 novembre 2015 adressée au président du Guyana par le chef de cabinet du Secrétaire général de l’ONU, MG, vol. IV, annexe 100.
108 Cela a été évoqué par M. Carl Greenidge, vice-président et ministre des affaires étrangères, dans une déclaration devant l’Assemblée nationale en février 2016, Government of the Co-operative Republic of Guyana, Proceedings and Debates of the National Assembly of the First Session (2015-2016) of the Eleventh Parliament of Guyana under the Co-operative Republic of Guyana held in the Parliament Chamber, Public Buildings, Brickdam, Georgetown (11 Feb. 2016), MG, vol. IV, annexe 102 ; statement of the Minister for Foreign Affairs of the Co-operative Republic of Guyana to the National Assembly (11 février 2016), MG, vol. IV, annexe 101.
109 Note Verbale from the Ministry of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana to the Ministry of People’s Power for External Relations of the Bolivarian Republic of Venezuela, No. 1075/2016 (1 June 2016), MG, vol. IV, annexe 104.
110 Letter from the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana to the Secretary-General of the United Nations (9 Nov. 2016), MG, vol. IV, annexe 109.
111 MG, par. 2.83-2.84.
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internationale de Justice comme prochain moyen de règlement, sauf demande contraire présentée conjointement par les deux parties»112.
28. M. Ban Ki-moon a ajouté à l’époque que son successeur, M. António Guterres, avait «dit approuver [la décision]»113, celle-ci ayant manifestement été prise sur la base d’un avis émis par le conseiller juridique des Nations Unies.
29. En réponse, le Venezuela a exprimé sa préférence pour de nouvelles négociations, reconnaissant toutefois que ⎯ et vous trouverez la citation sous l’onglet no 19 ⎯ «l’accord de Genève … conf[érait] au Secrétaire général de l’ONU le pouvoir de choisir parmi les moyens de règlement pacifique prévus à l’article 33 de la Charte des Nations Unies».114
30. Quant au Guyana, agissant conformément à l’accord de Genève, il a respecté la décision du Secrétaire général et s’est engagé à participer sans réserve à la dernière année de la procédure de bons offices, assortie d’un mandat de médiation renforcé115.
VII. La dernière année de la procédure de bons offices, assortie d’un mandat de médiation renforcé
31. Nous voici arrivés à la dernière année de cette procédure. Le 1er janvier 2017, António Guterres a succédé à Ban Ki-moon au poste de Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Un mois plus tard, le nouveau Secrétaire général désignait l’éminent diplomate et juriste norvégien, Dag Nylander, comme représentant personnel. Un mandat détaillé a été défini, et l’intéressé s’est efforcé de tenir le Secrétaire général «pleinement informé» de l’évolution de la procédure116.
32. De nombreux échanges et réunions ont eu lieu au cours de l’année 2017, parmi lesquelles trois séries de réunions bilatérales formelles, approfondies et confidentielles, qui se sont déroulées sur plusieurs jours, à Greentree, à New York, et auxquelles ont pris part des délégations de haut rang
112 United Nations Secretary-General, Note to Correspondents: The Controversy between Guyana and Venezuela (16 Dec. 2016), MG, vol. IV, annexe 111.
113 Ibid.
114 Ministère du pouvoir populaire pour les relations extérieures de la République bolivarienne du Venezuela, communiqué de presse : «Le Venezuela salue la décision des Nations Unies de poursuivre ses bons offices en vue de régler le différend avec le Guyana concernant l’Essequibo» (16 décembre 2016), annexe 112.
115 Letter from the President of the Co-operative Republic of Guyana to the Secretary-General of the United Nations (22 Dec. 2016). MG, vol. IV, annexe 116. Voir aussi Government of Guyana, Statement on the Decision by the United Nations Secretary-General (16 Dec. 2016), MG, vol. IV, annexe 113.
116 Letter from the Secretary-General of the United Nations to the President of the Co-operative Republic of Guyana (23 Feb. 2017), MG, vol. IV, annexe 117.
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comprenant notamment les ministres des affaires étrangères des Parties. Monsieur le président, je m’arrête un instant pour préciser que nous avons bien noté ce que le Venezuela affirme dans son mémorandum au sujet de l’attitude et de l’approche du Guyana au cours des réunions de Greentree117. Ces allégations ne sont ni exactes ni justes mais, étant donné qu’il a été convenu que tout ce qui s’est produit lors de ces rencontres demeurerait strictement confidentiel, nous n’avons rien d’autre à ajouter. Ce qui importe ⎯ et qui est de notoriété publique —, c’est la conclusion du Secrétaire général : en dépit d’une année entière de travaux acharnés, aucun progrès notable n’a été accompli sur la voie d’un règlement du différend découlant de la thèse de la nullité avancée par le Venezuela.
La décision du Secrétaire général de choisir la Cour comme prochain moyen de règlement
33. Et c’est ainsi que, le 30 janvier 2018, conformément aux éléments qu’il avait communiqués aux Parties le 15 décembre 2016, le Secrétaire général a publié une déclaration et adressé des lettres aux deux Parties, annonçant qu’il avait choisi la Cour comme prochain moyen de règlement. En dépit d’efforts intenses, il avait conclu, et la citation figure sous l’onglet no 20 du dossier de plaidoiries,
«à l’absence de progrès significatifs vers un accord complet en vue de la solution du différend. En conséquence, le Secrétaire général a assumé la responsabilité qui lui incombe en vertu du cadre fixé par son prédécesseur en décembre 2016 et a choisi la Cour internationale de Justice comme moyen de résoudre le différend.»118
VIII. Conclusion
34. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les éléments versés au dossier sont clairs. Plus de cinquante ans se sont écoulés depuis la signature de l’accord de Genève. Quatre années ont été perdues devant une commission mixte, de 1966 à 1970. Pendant douze ans, l’accord a été suspendu, de 1970 à 1982 — sans plus de succès. Il y a trente-sept ans cette semaine, le Guyana et le Venezuela ont conjointement confié au Secrétaire général la responsabilité exclusive, inconditionnelle et irrévocable de choisir le «moyen de règlement» du différend. Après six années de nouvelles discussions entre les Parties et le représentant du Secrétaire général, la procédure de bons offices a été mise sur pied en 1990, assortie d’un mandat de médiation renforcé pour
117 MV, par. 58, et annexe, p. 143-146.
118 Secrétaire général de l’ONU, déclaration du porte-parole du Secrétaire général concernant le différend frontalier entre le Guyana et le Venezuela (30 janvier 2018). MG, vol. IV, annexe 126.
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l’année 2017. Ce moyen de règlement a suivi son cours pendant plus d’un quart de siècle, sans avoir permis d’accomplir le moindre progrès. Rien. Nothing.
35. L’existence, le fondement, la validité et la nature du droit du Secrétaire général de choisir cette procédure n’ont jamais été remis en cause. Bien au contraire, le Venezuela et le Guyana ont systématiquement et à maintes reprises confirmé la responsabilité et le droit exclusifs du Secrétaire général de décider, au titre de l’accord de Genève, du moyen de règlement du différend. Le Venezuela n’a jamais contesté le pouvoir discrétionnaire du Secrétaire général de choisir ce moyen parmi ceux énoncés à l’article 33 de la Charte des Nations Unies.
36. La procédure de bons offices n’a rien donné. En 2018, le Secrétaire général a conclu à «l’absence de progrès significatifs» vers le règlement du différend. Nous considérons que cette conclusion est tout à fait raisonnable et justifiée. Dès lors, le Secrétaire général était pleinement fondé à «choisir[] un autre des moyens stipulés à l’Article 33 de la Charte des Nations Unies» — et, de fait, formellement tenu de le faire par le libellé du paragraphe 2) de l’article IV de l’accord de Genève. «Un autre moyen de règlement», au singulier.
37. Le choix du Secrétaire général de faire appel à la Cour pour obtenir un règlement judiciaire du différend était raisonnable. Cette décision reposait sur un avis juridique ; elle était et reste licite. On ne pouvait tout simplement pas attendre du Secrétaire général qu’il se livre éternellement à un exercice vain et inutile. Contrairement à ce qu’avance le Venezuela dans son récent mémorandum119, le Secrétaire général n’a pas pris un «raccourci[]» qui lui était interdit. Après des décennies de négociations et de médiation stériles, il a décidé, dans l’exercice de la responsabilité, des droits et du pouvoir discrétionnaire qui étaient les siens en vertu de l’accord de Genève, que le prochain moyen de règlement serait le règlement judiciaire par une juridiction indépendante appliquant les règles du droit international. Il a pris le temps de la réflexion et procédé avec la plus grande prudence. Un certain nombre de possibilités s’offraient à lui. Il a retenu la Cour, organe judiciaire principal des Nations Unies ; et c’était une première. Il s’agit d’un choix raisonnable, d’un choix sensé, qui relevait pleinement du pouvoir discrétionnaire que lui avaient conféré les Parties au paragraphe 2 de l’article IV de l’accord de Genève.
119 MV, par. 84.
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38. Monsieur le président, le Guyana forme le voeu que la Cour ne remettra pas en cause l’approche prudente et réfléchie du Secrétaire général, conçue pour aider à mettre fin à un différend de longue date. Il l’invite à donner effet à la décision contraignante du Secrétaire général, prise en vertu de l’accord de Genève, afin de confirmer que celui-ci a agi de manière licite et régulière. Le Guyana est convaincu que la Cour, agissant en vertu de l’article IV dudit accord et dans le respect des principes établis du droit international, confirmera que le Secrétaire général a eu raison.
39. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre aimable attention, et vous prie de bien vouloir appeler à la barre le professeur Pellet, qui reviendra plus en détail sur le fondement juridique de la décision du Secrétaire général, sur son caractère licite et son effet contraignant, ainsi que sur le fait que la Cour est pleinement compétente.
Le PRESIDENT : Je remercie M. Sands de son exposé et donne à présent la parole à M. Alain Pellet. Vous avez la parole.
Mr. PELLET: Merci beaucoup, Monsieur le président. Mr. President, Members of the Court, good afternoon.
VENEZUELA’S CONSENT, THE BINDING NATURE OF THE SECRETARY-GENERAL’S DECISION AND REMARKS ON THE SCOPE OF THE DISPUTE
1. Mr. President, it is always somewhat unsatisfying to argue one’s case in front of empty seats — at least “electronic” innovation has spared us that disappointment! It has, however, been replaced by another, since we are deprived of the solemnity and splendour of the Great Hall of Justice in The Hague!
2. The case before you is both of great importance — the stability of legal and territorial situations is at issue — and great simplicity, since the facts of the case speak for themselves. As my colleagues and friends have shown, one has only to read the terms of Article IV of the Geneva Agreement of 17 February 1966 (which is reproduced at tab 21 of the judges’ folder), and to look at the travaux préparatoires and what followed, to be in no doubt that the Court has jurisdiction in this case. I too can therefore be fairly brief in recalling120 that the decision of the United Nations
120 See Memorial of Guyana (MG), pp. 120-142.
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Secretary-General to refer the Parties to the Court for a definitive settlement of their dispute is legally binding and that Venezuela has fully consented to this (I). Having done so, I will return, even more briefly, to the subject-matter of the dispute before the Court (II).
I. Venezuela has consented to the seisin of the Court
3. Mr. President, in the letter he sent to you on 18 June 2018 (and which can be found at tab 23 of the judges’ folder), the President of the Bolivarian Republic of Venezuela disputes the Court’s jurisdiction on the ground that his country has not consented to it. In support of this claim, he provides explanations which may be summarized as follows:
(1) although it is a treaty, the 1966 Geneva Agreement is simply an arrangement by which Guyana and Venezuela agreed solely to seek an amicable solution; and
(2) the decision of the United Nations Secretary-General of 30 January 2018 is merely a recommendation to the parties to seise the ICJ, a recommendation which is in no way binding.
Consequently, in the absence of Venezuela’s consent, the Court does not have jurisdiction to entertain Guyana’s Application of 29 March 2018. These rather muddled explanations were repeated in the Memorandum transmitted by the Respondent to the Registrar of the Court on 28 November 2019121. They were accompanied by the following conclusion:
“Even if submission of the dispute to a court or tribunal were to be seen as possible under the Geneva Agreement, it would mean in any case that there is a need to settle the dispute in accordance with the Geneva Agreement to specify the subject-matter of the dispute and the parameters to be taken into account beyond mere international law rules. This would require the conclusion of a special agreement.”122
4. I do not think it would be helpful to dwell on the principle of State consent to the jurisdiction of the Court: it goes without saying that Guyana does not dispute this principle in any way. And it is sufficient to note that, in this instance, the consent of the two Parties follows from the application of the provisions of the famous Article IV, paragraph 2, of the 1966 Agreement, whose binding nature is recognized by Venezuela.
5. Pursuant to this provision, if a dispute has not been resolved by a means chosen by the parties or by “an appropriate international organ”, the Secretary-General is tasked by the parties with
121 Memorandum of Venezuela (MV), paras. 62-103. See also the Communiqué of the Government of Venezuela, 17 June 2020.
122 Ibid., para. 83.
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“choosing” — “choosing” not “proposing” — “another of the means stipulated in Article 33 of the Charter of the United Nations”; the result is a firm commitment by the parties to accept that choice (A). The Secretary-General has made his choice; that decision is binding on Venezuela (B) and constitutes the basis of the Court’s jurisdiction in this case (C).
A. The Parties’ conditional commitment to accept the Court’s jurisdiction
6. Mr. President, Article IV, paragraph 2, of the 1966 Agreement is without doubt a commitment — a conditional commitment, but a commitment nonetheless — by the Parties to accept the Court’s jurisdiction. We might reread it quickly:
⎯ there is nothing contentious about the long opening sentence of this provision; Venezuela does not dispute that the two governments have not agreed on a means of settlement or to have recourse to an appropriate international organ other than the Secretary-General of the United Nations123;
⎯ nor is it disputed that the Secretary-General chose first to offer his good offices to the Parties and, by strengthening the powers of his representative124, to mediate;
⎯ in any event, these initial attempts to reach a settlement were unsuccessful, as Philippe Sands again demonstrated just a few moments ago;
⎯ under the terms of Article IV, paragraph 2, it thus fell to the Secretary-General to choose — again the term “choose” — “another of the means stipulated in Article 33 of the Charter of the United Nations”.
7. Venezuela accepts that the 1966 Agreement is “a legally binding Accord, validly deposited in the United Nations, which unequivocally regulates the Territorial Controversy between Guyana and Venezuela”125. However, Venezuela seems to think that all the means stipulated in Article 33 of
123 See paras. 10-12 below.
124 See in particular the Letter of Secretary-General Ban Ki-moon to H.E. Mr. David Arthur Granger, President of the Republic of Guyana, 15 Dec. 2016 (Application of Guyana (AG), Ann. 6) and the Letter of Secretary-General António Guterres to H.E Mr. David Arthur Granger, President of the Republic of Guyana, 30 Jan. 2018 (AG, Ann. 7). See also MV, paras. 51-55, 57, 69, 71 and 77.
125 Letter from H.E. Mr. Nicolás Maduro Moros, President of Venezuela, to the President of the International Court of Justice, Judge Abdulqawi Ahmed Yusuf, 18 June 2018; see also the Statement by the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela, 2 May 1981 (MG, Vol. II, Ann. 50).
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the Charter must be exhausted successively, in the order in which they are listed126 — as Paul Reichler explained at some length.
8. This interpretation is untenable, as my predecessor has shown. There is therefore no need to repeat it.
B. The Secretary-General’s decision is binding on the Parties
9. And yet, Mr. President, Article IV would be devoid of all meaning if the parties were able to reject the choice made by the United Nations Secretary-General. This interpretation, which follows from the very wording of this provision, is consistent both with the object and purpose of the 1966 Agreement and with the context of Article IV. Paragraph 1 also provides that, first, the two governments should “without delay choose one of the means of peaceful settlement provided in Article 33 of the Charter of the United Nations”. It was already a matter of choosing, in a joint but discretionary manner, any one (and only one) of the means of settlement mentioned in the Charter. To achieve this result, it would be absurd to exclude recourse to arbitration or to judicial settlement, which are assuredly the most effective and reliable means of reaching a definitive resolution to the dispute.
10. Moreover, the fact that the two Parties agreed by the 1970 Protocol to suspend these time-limits does not change the interpretation of the 1966 treaty; this instrument was designed to secure the final settlement of the dispute; the Protocol merely suspended its application. This does not affect its interpretation, as is evident from Article III of that Protocol, which you will find at tab 21 of the judges’ folder and under the terms of which: “On the date when this Protocol ceases to be in force the functioning of [Article IV of the Geneva Agreement] shall be resumed at the point at which it has been suspended”. What is more, Venezuela itself expressly recalled this in 1981 when it made known its intention not to renew the Protocol: “The immediate consequence of the termination of the Protocol of Port of Spain is the full reactivation of the procedures indicated in the Geneva Agreement from 1966.”127
126 See the Communiqué of the Government of the Bolivarian Republic of Venezuela, 31 Jan. 2018 (MG, Vol. IV, Ann. 127) and MV, para. 85.
127 Declaration of the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela, 10 Apr. 1981 (MG, Vol. II, Ann. 49, p. 2); see also the Statement by the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela, 2 May 1981 (MG, Vol. II, Ann. 50).
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11. Although Venezuela does not dispute that the 1966 Agreement is binding, it argues that the letters of the United Nations Secretary-General to the two Parties’ Heads of State, dated 30 January 2018, do not constitute a decision. President Maduro also asserted, in the letter of 18 June 2018 that I mentioned a few moments ago, that the only obligation incumbent on the Parties is to reach “a practical and mutually satisfying agreement through friendly negotiations”. Such an analysis disregards not only the text of the letters of 30 January 2018, but also the context in which they were written, and deprives of all substance both the 1966 Agreement and the Secretary-General’s 2018 decision.
12. I would also point out the flagrant contradiction between that assertion, which is repeated in the Memorandum128 and which is incompatible with the text of those instruments, and another statement, also contained in the letter of the Venezuelan Head of State and in the Memorandum, according to which
“[t]he only object, purpose, and legal effect of the decision of January 30, 2018 of the United Nations Secretary General, in accordance to paragraph 2, Article IV of the Geneva Accord, is to ‘choose’ a[] specific means for the friendly resolution of the controversy”.
And this is exactly what the Secretary-General has done. Requiring the Parties to reach a new agreement to refer their dispute to the Court would enable just one of them to block this referral at will, which could prevent the resolution of the dispute — which is nevertheless the very object of the 1966 Agreement — indefinitely.
13. This begging of the question also ignores an important contractual element: Article IV, paragraph 1, provides that the two governments “shall without delay choose one of the means of peaceful settlement provided in Article 33”; further, under the terms of the first sentence of paragraph 2, they must reach “agreement regarding the choice” of one of these means. Subsequently, the parties are invited to “agree” on the “choice” of an appropriate international organ. In all these instances, it is for the parties to choose one means of settlement and to “agree[] on this point”. But this is not the case if they cannot reach an agreement; in this event, the two governments — and here the English text is even clearer than the French — “shall refer the decision . . . to the Secretary-General”. Until this point, the agreement of the parties is sought; and “[i]f the means so chosen do
128 See MV, para. 72.
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not lead to a solution of the controversy”, “the Secretary-General of the United Nations shall choose another of the means stipulated in Article 33”. Hereafter, however, it is no longer a question of the parties agreeing; the Secretary-General must choose and choose alone — the meaning of this term is unmistakable, as confirmed by the very clear context: to choose is to decide.
14. In his letter of 18 June 2018, the President of the Bolivarian Republic of Venezuela stated that his country “has never accepted the jurisdiction of this honorable International Court of Justice, due to its historical tradition and fundamental institutions”129. As shown by the list at tab 24 of the judges’ folder, Venezuela is party to at least 15 international conventions in force which contain clauses recognizing the compulsory jurisdiction of the ICJ, to which it has made no reservation; it is also bound by two bilateral treaties providing for the Court’s jurisdiction (admittedly concluded at the time of the Permanent Court, but which remain in force). This suggests that the “historical tradition” of refusing the compulsory jurisdiction of international courts and tribunals, and the “fundamental institutions” on which Venezuela relies are not very firmly established.
15. I would also point out in passing that contrary to President Maduro’s assertions — again in his letter of 18 June 2018 — the title of the 1966 treaty does not mention finding a solution “through friendly means” (“un arreglo amistosamente”): in English as in Spanish, it is simply an “Agreement to resolve” — nothing more — “the controversy between Venezuela and the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland over the frontier between Venezuela and British Guiana” (in Spanish “Acuerdo para resolver la controversia”) — just that, with no further explanation, and no particular conditions or criteria. Moreover, under the Manila Declaration, “[r]ecourse to judicial settlement of legal disputes, particularly referral to the International Court of Justice, should not be considered an unfriendly act between States”130. And the parties to the 1966 Geneva Agreement did not consider it as such: Article IV of this instrument refers on two occasions to the means of peaceful dispute settlement provided in Article 33 of the Charter of the United Nations, which include judicial settlement.
129 See also ibid., para. 101.
130 Manila Declaration on the Peaceful Settlement of International Disputes (A/37/590), annexed to United Nations General Assembly resolution 37/10, 15 Nov. 1982; see also resolutions 3232 (XXIV) of 12 Nov. 1974 (“Review of the role of the International Court of Justice”) and 3283 (XXIX) of 12 Dec. 1974 (“Peaceful settlement of international disputes”) and Institut de droit international (IDI), resolution, Neuchâtel Session, 1959, “Compulsory Jurisdiction of International Courts and Tribunals”, para. 1.
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16. In observing that “significant progress ha[d] not been made toward arriving at a full agreement for the solution of the controversy” and in “choos[ing] the International Court of Justice as the next means of settlement”131, the Secretary-General has carried out in full the role conferred on him by Article IV, paragraph 2, of the 1966 Agreement, and his decision opens the way for the parties to seise the Court and constitutes the basis of the latter’s jurisdiction in this case.
C. The Secretary-General’s decision establishes the Court’s jurisdiction
17. Mr. President, the Memorandum adds a further argument to those which appear in President Maduro’s letter, one that is somewhat more sophisticated but hardly more convincing:
“A choice on the means of settlement to be experimented by the Parties is not in itself sufficient to grant unconsented jurisdiction to any Court, in the present case the ICJ, let alone replace it. If Guyana were right, it would mean that the UN Secretary-General could choose any court and tribunal and that such a choice would suffice to grant jurisdiction to this court, independently of the rules governing its jurisdiction. That, of course, cannot be right.”132
18. As we all know, Mr. President: “The Court, whose jurisdiction is international, is not bound to attach to matters of form the same degree of importance which they might possess in municipal law”133. This finding is especially true as regards the expression of State consent to your jurisdiction.
19. Since its first Judgment, rendered in the Corfu Channel case on 25 March 1948, the Court has been firmly of the view that “neither the Statute nor the Rules require that this consent should be expressed in any particular form”134 and that, on the contrary, “there is nothing to prevent the acceptance of jurisdiction . . . from being effected by two separate and successive acts”135. The Court has never departed from this jurisprudence136.
131 Letter of Secretary-General António Guterres to H.E Mr. David Arthur Granger, President of the Republic of Guyana, 30 Jan. 2018 (AG, Ann. 7).
132 MV, para. 94; see also para. 102.
133 Mavrommatis Palestine Concessions, Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 34. See also Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963, p. 28; Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992, p. 265, para. 65; Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 439, para. 82.
134 Corfu Channel (United Kingdom v. Albania), Preliminary Objection, Judgment, 1948, I.C.J. Reports 1947-1948, p. 27.
135 Ibid., p. 28.
136 Armed Activities on the Territory of the Congo (New Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 2006, p. 118, para. 21; see also Rights of Minorities in Upper Silesia (Minority Schools), Judgment No. 12, 1928, P.C.I.J., Series A, No. 15, p. 23.
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20. According to the dictum of the PCIJ in the case concerning Rights of Minorities in Upper Silesia: “The acceptance by a State of the Court’s jurisdiction in a particular case is not, under the Statute, subordinated to the observance of certain forms, such as, for instance, the previous conclusion of a special agreement”137.
21. All that matters is the State’s intent to confer jurisdiction on the Court. And in the present case, the attitude of the Respondent, as demonstrated by its adoption of the 1966 Agreement, must clearly be “interpreted as ‘an unequivocal indication’ of a ‘voluntary and indisputable’ acceptance of the Court’s jurisdiction”138 by Venezuela.
22. Of course, as I mentioned, this jurisdiction does not derive from Article IV alone; it is established only because, by his well-considered decision of 30 January 2018, the Secretary-General chose this Court as the forum for settling the dispute, in accordance with the mandate conferred on him by the Parties under the Geneva Agreement. It is the combination of these two instruments so conceived — the second fulfilling the (voluntary) condition imposed by the first — which provides a solid foundation for the jurisdiction of this distinguished Court when seised by one of the parties.
23. In this regard, the case concerning Interpretation of the Greco-Turkish Agreement of 1 December 1926, mentioned in our Memorial139, is not without interest. For one thing, this case shows that it is possible for States to agree to entrust a third party with the responsibility of choosing the means by which a dispute between them is to be settled. For another, it establishes that the choice made by the third party entrusted with this responsibility is binding on the parties.
24. Venezuela’s rejection of the Court’s jurisdiction is in stark contrast to its position at the time the 1966 Agreement was concluded. As Professor Akhavan recalled earlier, when the Minister for Foreign Affairs at the time, Mr. Ignacio Iribarren Borges, submitted the instrument to the Venezuelan Congress for ratification, he explained that, at the Geneva Conference, Venezuela had insisted that recourse to the ICJ be included as one of the means of settlement envisaged, but that
137 Rights of Minorities in Upper Silesia (Minority Schools), Judgment No. 12, 1928, P.C.I.J., Series A, No. 15, pp. 23-24.
138 [Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, Provisional Measures, Order of 13 September 1993, I.C.J. Reports 1993, pp. 341-342.]
139 MG, para. 3.83.
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Great Britain and what was then British Guiana had objected to any express mention of this140. In that same address to Congress, the Minister also noted that, during the negotiations, Venezuela had rejected Great Britain’s proposal to give the General Assembly a role in choosing the settlement procedure and had insisted that the Secretary-General should have exclusive authority to make that choice141.
25. These positions were reiterated by Venezuela when it objected to the renewal of the 1970 Protocol of Port of Spain suspending the application of the 1966 Agreement142. In particular, on that occasion Mr. Iribarren Borges stated:
“Since it is evident that no agreement exists between the parties in respect of the choice of an international organ to fulfil the functions provided for it in Article IV (2), it is obvious that this function now becomes the responsibility of the Secretary-General of the United Nations.”143
26. This view was shared by the successive United Nations Secretaries-General who had occasion to deal with the case, be it U Thant144, Javier Perez de Cuellar145, Ban Ki-moon146 or António Guterres147.
27. Ostensibly summarizing Guyana’s position, the President of Venezuela writes in his letter of 18 June 2018 that:
“Guyana’s argument is based on two concomitant elements: (a) an alleged consent granted by Venezuela in order to come to this honorable Court, supposedly inscribed within the Geneva Accord . . .; and (b) the decision by the UN Secretary-General to recommend the ICJ.”
140 See also Statement by Dr. Borges, Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela, 17 Mar. 1966, p. 16 (MG, Vol. II, Ann. 33, p. 17; emphasis added).
141 Ibid.
142 Letter from the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela to the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana, 19 Sept. 1982 (MG, Vol. III, Ann. 56), and Letter from the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela to the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana, Dec. 1981 (MG, Vol. III, Ann. 55).
143 Letter from the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela to the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana, 15 Oct. 1982 (MG, Vol. III, Ann. 59).
144 Letter from United Nations Secretary-General U Thant to Mr. Ignacio Iribarren Borges, Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela, 4 Apr. 1966 (AG, Ann. 5).
145 Letter from the Secretary-General of the United Nations to the Minister of Foreign Affairs of the Cooperative Republic of Guyana, 31 Mar. 1983 (MG, Vol. III, Ann. 63).
146 Letter of Secretary-General Ban Ki-moon to H.E. Mr. David Arthur Granger, President of the Republic of Guyana, 15 Dec. 2016 (AG, Ann. 6).
147 Letter of Secretary-General António Guterres to H.E Mr. David Arthur Granger, President of the Republic of Guyana, 30 Jan. 2018 (AG, Ann. 7). See also the Statement attributable to the Spokesman for the Secretary-General, 30 Jan. 2018, available in English and Spanish only: https://www.un.org/sg/en/content/sg/statement/2018-01-30/statement-attr… (SG/SM/18879-ICJ/630).
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28. With the exception of a few words, this does indeed reflect our position. But these words are of prime importance: first, Venezuela’s consent to the Court’s jurisdiction was not “allegedly” granted; it was given and is, in fact, inscribed in the Geneva Agreement; second, the Secretary-General did not “recommend the International Court of Justice”, he chose it; he decided, in accordance with the mandate entrusted to him by mutual agreement between the Parties, that your distinguished Court was the appropriate forum for the full and final settlement of the dispute between Guyana and Venezuela stemming from the latter’s repudiation of the 1899 Award.
II. Remarks on the subject-matter of the dispute before the Court
29. Members of the Court, there is no doubt whatsoever that you have jurisdiction to rule on the Application referred to you by Guyana. As a side note, however, with your permission, Mr. President, I would like to say a few brief words on the subject-matter of this dispute. I do so as a precaution, to underscore the importance that Guyana attaches to obtaining not only a full but also a final settlement of the entire dispute resulting from Venezuela’s repudiation of the 1899 Award.
30. In this regard, Venezuela’s position is rather ambiguous, to say the least. Even though, as stated in Article 1 of the Geneva Agreement, the dispute arose as a result of “the Venezuelan contention that the Arbitral Award of 1899 about the frontier between British Guiana and Venezuela is null and void”, Venezuela now contends that “[t]he validity or nullity of the Award is not the core of the dispute”148, “the real dispute, [being] namely the territorial dispute . . . not the validity or nullity of the 1899 Award”149. What is more, this claim completely contradicts the interpretation given by the Venezuelan Minister for Foreign Affairs in 1966, whereby: “in accordance with article 4 [of the 1966 Agreement], the so-called Award of 1899 . . . must be reviewed through arbitration or the judicial appeal”150. Indeed, given that Article 1 identifies the “controversy” as having “arisen as the result of the Venezuelan contention that the Arbitral Award of 1899 about the frontier between British Guiana and Venezuela is null and void”, it is hard to see how it could now be claimed that the Award does not form part of the dispute, as Venezuela now insists.
148 MV, para. 105.
149 Ibid., para. 113.
150 Cited and presented in MV as forming part of the Statement by Mr. Iribarren Borges, Minister of Foreign Affairs of Venezuela, 17 Mar. 1966 [as reproduced on p. 35 of the annex to MV; emphasis added in that text].
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31. This dispute is presented in the 1966 Agreement as being the “result” of the repudiation of the 1899 Arbitral Award that delimited the boundary between Venezuela and the Colony of British Guiana. It is thus a territorial dispute, which means that you, Members of the Court, must definitively fix the boundary between the two countries — but this also necessarily means that you must first make a determination as to whether or not the Award is valid. If it is, as Guyana firmly believes, the boundary is as described in the Award; if not, it would be for you to determine it de novo — but we do not think that this will be the case since the validity of the Award is beyond doubt. In any event, this question has no bearing on your jurisdiction, which is all that concerns us here. That said, there does not appear to be any real disagreement between the Parties regarding the scope of their dispute; they both consider it to be “territorial” — it being understood that its settlement inevitably requires a decision on the validity of the 1899 Award, with all the attendant consequences151.
32. Venezuela’s 1981 ministerial statement on the termination of the 1970 Protocol which suspended the 1966 Agreement, and which can be found at tab 22 of your folders, shows clearly and categorically that there was no doubt in Venezuela’s mind that the dispute concerned both the validity of the 1899 Award and all its associated consequences:
“The Geneva Agreement imposes a duty on the concerned Parties to seek satisfactory solutions for the practical settlement of the issue. That is why, Venezuela, from the beginning, has been willing to consider all the problems related to this matter, whether marine, political, cultural, economic or social and not to restrict it to just the examination of the nullity of the inexistent Award of 1899.”152
33. Since the Parties have been unable to resolve the dispute thus defined through negotiation, despite the good offices and subsequent mediation of the United Nations Secretary-General, it is now for this Court to rule on the validity of the Award and on any questions arising from Venezuela’s repudiation of it. This is the only way for the Court to achieve a full and final resolution of the dispute before it.
34. This position is consistent with the letter and spirit of the Geneva Agreement, whose preamble refers to “any outstanding controversy between the United Kingdom and British Guiana”153. The aim is to “see[k] satisfactory solutions” (solutions in the plural, not a solution) “for
151 See Statement by Dr. Borges, Minister of Foreign Affairs of Venezuela, 17 Mar. 1966, p. 16 (MG, Vol. II, Ann. 33; emphasis added).
152 Statement by the Minister of Foreign Affairs of the Republic of Venezuela, 2 May 1981 (MG, Vol. II, Ann. 50).
153 Emphasis added.
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the practical settlement of the controversy between Venezuela and the United Kingdom which has arisen as the result of the Venezuelan contention that the Arbitral Award of 1899 about the frontier between British Guiana and Venezuela is null and void” — not “the dispute relating to the validity of the Award”, nor “the dispute regarding the delimitation of the boundary”, but the broader one, encompassing the others, “which has arisen as the result of the Venezuelan contention” repudiating the Award. The objective is to reach “a full agreement for the solution” of this dispute by addressing “any outstanding questions”, as stated in Article IV. This is clearly consistent with the Court’s function, which is “to decide in accordance with international law such disputes as are submitted to it” — and it must decide them in full154. It cannot do so without first ruling on the validity of the Award.
35. It also follows that, in this instance, there is no cause for any of the misgivings the Court may have expressed in the past with regard to applications concerning both boundary delimitations and questions of responsibility155: it is indeed a single, overall dispute resulting from the repudiation of an arbitral award handed down over 120 years ago that you are being asked to settle in its entirety.
36. Mr. President, we have endeavoured to inform the Court “of all of the legal and factual grounds on which the Parties rely in the matter of its jurisdiction”, as both States were directed to do by the Order of 19 June 2018. Whenever possible, we have taken account of the arguments that Venezuela has on occasion made outside this courtroom, but we regret its ghostly presence (or absence, rather!) — even virtually, that presence would have been most welcome!
37. Mr. President, Members of the Court, thank you for your attention; in the absence of the Venezuelan Party, Mr. President, I would now ask you to please invite Sir Sridath Ramphal, Co-Agent of the Republic of Guyana, to this virtual podium to read out our final submissions. Thank you very much.
154 See, e.g. Factory at Chorzów, Jurisdiction, Judgment No. 8, 1927 P.C.I.J., Series A, No. 9, p. 25; Corfu Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1949, p. 26; or Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 142, para. 283.
155 Cf. Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 315, para. 90. See also Delimitation of the Maritime Boundary between Ghana and Côte d’Ivoire in the Atlantic Ocean (Ghana/Côte d’Ivoire), Judgment, Case No. 23, ITLOS Reports 2017, para. 248.
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The PRESIDENT: Thank you, Professor Pellet. J’invite à présent le coagent du Guyana, S. Exc. Sir Shridath Ramphal, à donner lecture des conclusions du Gouvernement guyanien. Excellence, vous avez la parole.
Sir Shridath RAMPHAL :
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais maintenant clore les plaidoiries du Guyana en donnant lecture de nos conclusions finales.
«Sur la base de sa requête du 29 mars 2018, de son mémoire du 19 novembre 2018 et de ses exposés oraux, le Guyana prie respectueusement la Cour :
1. de dire qu’elle a compétence pour connaître des demandes présentées par le Guyana et que ces demandes sont recevables ; et
2. de procéder à l’examen de l’affaire au fond.»
2. Monsieur le président, il me reste simplement, au nom du Guyana, à vous remercier de la patience avec laquelle vous nous avez écoutés, dans le cadre de cette audience pour le moins inédite ⎯ puisque virtuelle ⎯, et à répéter combien le Guyana est reconnaissant à la Cour d’avoir, non sans audace, adopté l’utilisation de technologies nouvelles pour appliquer le droit et rendre la justice.
3. Je saisis cette occasion pour remercier également le greffier et l’ensemble de son équipe, les excellents interprètes et, tout particulièrement, les techniciens qui ont ⎯ littéralement ⎯ rendu possible la tenue de cette audience.
4. Monsieur le président, la détermination qu’aura montrée en 2020 la Cour internationale de Justice à s’acquitter envers et contre tout de ses fonctions d’«organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies» restera dans les annales. C’est un honneur que d’être associé à cette audience historique. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le PRESIDENT : Je remercie le coagent du Guyana. La Cour prend note des conclusions finales dont vous venez de donner lecture au nom de votre gouvernement. Avant de clore la séance, je voudrais donner la parole à M. le juge Bennouna, qui souhaite poser une question au Guyana. Judge Bennouna, you have the floor.
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Judge BENNOUNA: Thank you, Mr. President. My question, as you have just said, is for the delegation of Guyana. It is as follows:
“Article IV, paragraph 2, of the Geneva Agreement of 17 February 1966 concludes with an alternative, according to which either the controversy has been resolved or the means of peaceful settlement provided in Article 33 of the Charter of the United Nations have been exhausted. My question is the following: is it possible to conceive of a situation where all means of peaceful settlement have been exhausted without the controversy having been resolved?”
Thank you, Mr. President.
Le PRESIDENT : Je remercie M. le juge Bennouna. Le texte de cette question sera communiqué par écrit au Guyana dès que possible. Le Guyana est invité à y répondre par écrit d’ici le lundi 6 juillet à 18 heures, au plus tard. Ainsi s’achève la procédure orale en l’espèce. Je tiens à remercier l’agent, les coagents, les conseils et avocats du Guyana pour leurs exposés. Conformément à la pratique habituelle, je prierai l’agent et les coagents du Guyana de demeurer à la disposition de la Cour pour tous renseignements complémentaires dont celle-ci pourrait avoir besoin. Sous cette réserve, je déclare maintenant close la procédure orale relative à la question de la compétence de la Cour en l’affaire de la Sentence arbitrale du 3 octobre 1899 (Guyana c. Venezuela). La Cour va à présent se retirer pour délibérer. Les Parties seront avisées en temps utile de la date à laquelle elle rendra son arrêt. La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, l’audience est levée.
L’audience est levée à 17 h 35.
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