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Uncorrected Translation
CR 2013/14 (traduction)
CR 2013/14 (translation)
Mercredi 3 juillet 2013 à 15 heures
Wednesday 3 July 2013 at 3 p.m. - 2 -
14 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Bonjour. L’audience est ouverte. La Cour
procédera cet après-midi à l’audition de l’expert présenté par le Japon. La procédure sera la même
que pour l’audition des experts présentés par l’Australie ; aussi, je ne la répéterai pas. Je donne à
présent la parole à l’agent du Japon. Monsieur l’agent, vous avez la parole.
M. TSURUOKA : Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, le Japon
fera entendre comme expert M. Lars Walløe, professeur émérite de l’Université d’Oslo et président
de l’Academia Europaea. M. Walløe sera interrogé par M. Vaughan Lowe. Je vous remercie,
Monsieur le président.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur l’agent. M. Walløe peut à présent prendre sa
place au pupitre. Bonjour et bienvenue Monsieur Walløe. Je vous invite à faire la déclaration
solennelle énoncée à l’alinéa b) de l’article 64 du Règlement. Je vous en prie, vous avez la parole.
M. WALLØE : Je vous remercie. Je déclare solennellement, en tout honneur et en toute
conscience, que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité et que mon exposé
correspondra à ma conviction sincère.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup. Je donne à présent la parole à M. Lowe qui peut
commencer l’interrogatoire de M. Walløe. Monsieur Lowe, vous avez la parole.
M. LOWE : Je vous remercie, Monsieur le président. Tout d’abord, je vous remercie,
M. Walløe, de venir déposer devant la Cour. Vous êtes le seul témoin expert du Japon.
Pouvez-vous, s’il vous plaît, nous confirmer que vous êtes l’auteur du rapport d’expert qui se
trouve devant vous à la fin du dossier de plaidoiries et que vous maintenez les affirmations qui s’y
trouvent contenues ? Nous pouvons vous donner un exemplaire du dossier de plaidoiries du Japon
qui est ici.
M. WALLØE : Oui, je confirme qu’il s’agit bien de mon exposé d’expert. - 3 -
M. LOWE : Je vous remercie. Votre curriculum vitae est annexé au rapport. Pourriez-vous
expliquer brièvement à la Cour ce qu’est l’Academia Europaea, dont vous êtes actuellement le
président ?
15 M. WALLØE : L’Academia Europaea est une académie paneuropéenne des sciences et des
lettres, créée il y a 25 ans. Il s’agit d’une initiative de la Commission européenne, mais elle
accueille également des pays tels que la Suisse et Norvège. L’idée était que l’Europe avait besoin
d’une académie qui soit indépendante de ses institutions politiques, sur le modèle des académies
existant dans la plupart des pays européens, mais au niveau paneuropéen.
M. LOWE : Je vous remercie. Pourriez-vous présenter brièvement votre expérience au sein
de la commission baleinière internationale et de son comité scientifique ?
M. WALLØE : J’ai commencé à travailler sur les baleines et la chasse à la baleine en
Norvège en 1986, alors qu’il était fait pression sur la Norvège, ainsi que sur le Japon et l’Islande,
pour qu’elle renonce à ses objections à l’encontre du moratoire : j’ai été sollicité pour analyser
d’abord les travaux de recherche norvégiens, puis les déclarations de scientifiques faites dans le
cadre du comité scientifique. J’ai participé aux activités du comité, d’abord à l’occasion d’une
unique réunion et sans faire partie d’aucune délégation puis, à partir de 1988, en tant que membre
du comité lui-même et, enfin, à partir de l’année suivante, en tant que membre de la délégation
norvégienne à la commission.
M. LOWE : Je vous remercie. Votre curriculum vitae ne mentionne pas expressément deux
grands projets que vous avez entrepris à la demande de Mme Brundtland, qui est devenue premier
ministre de Norvège. Pourriez-vous indiquer brièvement à la Cour en quoi consistaient ces
projets ?
M. WALLØE : Je dirigeais le programme norvégien sur les pluies acides à l’époque la
Norvège et la Suède d’une part, et le Royaume-Uni et ce qui était alors l’Allemagne de l’Ouest,
d’autre part, nourrissaient un désaccord sur les causes de certaines évolutions observées chez les
poissons d’eau douce et de l’acidification des rivières en Norvège et en Suède. J’étais donc à la - 4 -
tête de ce programme norvégien de recherche, qui a pris fin en 1980. A l’époque,
Mme Brundtland, qui était et est encore de mes amies c’est pour cette raison que j’ai été
sollicité … , je dirigeais à l’époque ce qui devait être son doctorat (PhD), mais qu’elle n’a jamais
terminé car elle est entrée en politique. J’ai également pris part au programme de recherche qui a
été mis en place par la suite, programme conjoint entre la Royal Society du Royaume-Uni,
l’académie suédoise des sciences et l’académie norvégienne des sciences et des lettres, qui a
démarré officiellement en 1984, mais en réalité seulement en 1986.
16 M. LOWE : Et l’autre activité que vous avez menée, le travail de rédaction ?
M. WALLØE : Tout comme Mme Brundtland, j’ai participé aux travaux préparatoires de ce
que l’on a appelé la commission Brundtland, qui a rédigé le rapport «Notre avenir à tous», et je
faisais donc partie d’un petit groupe norvégien de rédaction constitué alors par Mme Brundtland. Il
y avait aussi Johan Jørgen Holst, chercheur en sciences sociales, qui est ensuite devenu ministre
des affaires étrangères de Norvège, et qui est aujourd’hui décédé.
M. LOWE : Je vous remercie. Je sais que je dois vous demander de parler lentement et que
je dois me rappeler de ne pas intervenir dès la fin de votre réponse, afin que les interprètes aient le
temps de traduire vos propos. Conformément à la lettre en date du 21 juin adressée par la Cour,
vous avez rédigé un court exposé qui tient lieu de déposition. Pourriez-vous présenter cet exposé à
la Cour ?
M. WALLØE : Veuillez m’excuser, mais je ne suis pas certain de comprendre la question.
M. LOWE : Conformément à la lettre de la Cour en date du 21 juin, qui traitait des modalités
de déposition des experts, vous avez préparé un exposé qui tient lieu de déposition. Pourriez-vous
en donner lecture ?
M. WALLØE : Faites-vous référence à l’introduction ?
M. LOWE : Oui.
M. WALLØE : Le paragraphe en question est à la troisième page de mon exposé. - 5 -
«J’ai été prié par le Gouvernement japonais de préparer un rapport indépendant
examinant sous l’angle scientifique certaines questions soulevées par le mémoire du
Gouvernement australien, daté du 9 mai 2011, en l’affaire relative à la Chasse à la
baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon) portée devant la Cour internationale de
Justice. J’ai été notamment prié d’examiner certaines questions traitées dans
l’appendice 2 de ce document. Ledit appendice contient un rapport indépendant de
M. Marc Mangel, PhD, de l’université de Californie, Santa Cruz, intitulé «Evaluation
des programmes japonais de recherche scientifique sur les baleines dans l’Antarctique
au titre d’un permis spécial (JARPA, JARPA II) en tant que programmes menés à des
fins de recherche scientifique dans le cadre de la conservation et de la gestion des
baleines». Le Gouvernement japonais m’a également demandé de rédiger le présent
avis d’expert en tenant compte de la possibilité que je sois amené à déposer en qualité
de témoin-expert en vertu de l’article 57 du Règlement de la Cour dans l’affaire
susnommée.»
17 M. LOWE : Plutôt que de vous poser des questions sur ce rapport, je vous ai proposé de
rédiger un exposé d’une vingtaine de minutes, que vous pourriez présenter à la Cour.
Pourriez-vous maintenant en faire lecture, s’il vous plaît ?
M. WALLØE : Je vous remercie. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour,
j’ai suivi la semaine dernière avec intérêt les interventions des juristes représentant l’Australie et,
en particulier bien sûr, le contre-interrogatoire de mes deux collègues, témoins-experts pour
l’Australie. J’ai bien évidemment des commentaires à formuler sur les déclarations qu’ils ont faites
concernant mon exposé d’expert. Toutefois, je ne pourrai traiter de tout au cours des 20 minutes
qui m’ont été accordées par M. Lowe. Je précise qu’aucun des éléments que j’ai pu entendre
jusqu’à présent devant la Cour, ou lire dans les différents exposés écrits de MM. Mangel et Gales,
ne m’a fait revenir sur le moindre aspect de mon propre exposé écrit.
Je commencerai par la question des méthodes et hypothèses scientifiques, sans toutefois m’y
attarder. Sur ce point, je voudrais essentiellement dire que, quoiqu’ait pu écrire M. Mangel dans le
deuxième document qu’il a produit, je persiste à penser que mes deux exemples, à savoir celui de
Mendel dans le domaine de la génétique et celui des pluies acides, sont tout à fait valables. Mendel
a longtemps travaillé sans se fonder sur une hypothèse. Concernant l’exemple des pluies acides,
j’ai été quelque peu imprécis quant à la chronologie exacte.
Comme je l’ai dit un peu plus tôt, le programme norvégien sur les pluies acides a pris fin
en 1980 et le programme conjoint entre la Suède, la Norvège et le Royaume-Uni a été lancé
officiellement en 1984, mais dans les faits, en 1986 seulement. La recherche sans hypothèse - 6 -
donc que je décris dans mon exposé a été menée dans la période séparant ces deux programmes.
Et il est facile de trouver d’autres exemples dans les annales de la science : le chercheur allemand
Alexandre Humboldt et ses recherches en Amérique du Sud pourraient en être un ou encore, à
l’époque contemporaine, la génétique et l’ADN et leurs rapports avec les pathologies humaines,
comme l’a souligné la juge Donoghue la semaine dernière, si j’ai bien compris ses questions.
Je ne suis pas moi-même généticien, mais je suis tout de même assez au fait des recherches
menées actuellement dans ce domaine. Puisque M. Mangel écrit dans sa réponse que «la fouille de
données [data mining] n’est pas une activité scientifique» et, plus loin, que «[l]a plupart des
analyses exploratoires de données n’aboutissent à aucun résultat significatif et ne contribuent en
rien aux connaissances scientifiques ou à notre compréhension des phénomènes», je ne résiste pas à
la tentation de mentionner que l’institution au sein de laquelle M. Gales officie, le programme
18 australien sur l’Antarctique, dispose sur son site Internet d’une page intitulée «Data mining
enhances scientific knowledge» [«La fouille de données améliore les connaissances scientifiques»].
Un certain Ben Raymond, scientifique titulaire d’un poste au nom quelque peu insolite
«fouilleur de données» , y indique «employer diverses techniques visant à aider les
scientifiques à tirer le meilleur parti de leurs données». Il en présente d’ailleurs un très bon
exemple sur la page en question.
Plus sérieusement maintenant : pourquoi avoir recours à l’échantillonnage létal ?
L’échantillonnage létal est-il nécessaire ? Sur le plan purement théorique, il est possible d’obtenir
les informations génétiques souhaitées par échantillonnage biopsique. Après avoir pris
connaissance des remarques de M. Gales sur ce point dans son dernier document écrit, j’ai de
nouveau consulté mes collègues norvégiens qui mènent ce type d’activités dans l’Atlantique nord
et la mer de Barents. Ils continuent d’appuyer ce que j’indique dans mon exposé écrit, à savoir
qu’il est bien plus aisé, et donc bien plus efficace, d’obtenir des échantillons génétiques par la mise
à mort de baleines que par prélèvement biopsique. La première question à laquelle permettent de
répondre les informations obtenues grâce aux échantillons génétiques, mais également à la
morphométrie, concerne la structure du stock de petits rorquals dans l’océan Antarctique.
L’un des principaux résultats du programme JARPA est d’avoir mis en évidence l’existence
d’au moins deux populations de petits rorquals dans la zone étudiée et d’un brassage de ces - 7 -
populations lorsqu’elles se nourrissent, au sud de l’Australie. M. Gales a déclaré, en réponse à une
question de M. Gleeson, que cette information était connue avant le début du programme JARPA.
Il est vrai que deux scientifiques japonais, Wada et Numachi, avaient publié, en 1979, une étude
soutenant l’existence de deux populations distinctes d’après des éléments morphologiques, à savoir
les couleurs présentes sur le corps, et les alloenzymes, qui permettent de différencier les protéines.
Mais cette étude a fait l’objet de nombreuses critiques et n’a jamais été acceptée par le comité
scientifique de la CBI.
Une publication ultérieure des mêmes auteurs japonais n’a pas permis d’établir la moindre
différence entre les petits rorquals vivant à l’est et à l’ouest de l’Australie, comme l’a indiqué
M. Hamamoto ce matin. Le fait est que la démonstration que les petits rorquals de l’Antarctique se
répartissent en deux populations au moins a été présentée pour la première fois lors de la réunion
d’examen du programme JARPA qui s’est déroulée en 2006 et n’a été acceptée par le comité
qu’en 2007. Cela contredit l’affirmation de M. Gales.
La question de la structure du stock recouvre toutefois un autre aspect, plus important. Rien
n’indique l’existence dans ces deux régions de sous-stocks, élément crucial dans le cadre d’une
éventuelle mise en œuvre future de la RMP. Pour pouvoir formuler une telle conclusion avec un
degré élevé de certitude, il faut disposer d’un échantillon très large, que les programmes JARPA et
19 JARPA II permettent justement d’obtenir. L’âge des baleines ne peut être déterminé que par leur
mise à mort. Or, il s’agit d’un élément important dans le cadre d’au moins trois types de
recherches. La première d’entre elles concerne les prises par âge, qui montrent, par exemple,
l’évolution des niveaux d’abondance dans le temps : une augmentation jusqu’à 1970 environ,
suivie d’un déclin, un peu plus prononcé dans les premières années. L’augmentation quasi
exponentielle observée dans les années 1960 est particulièrement intéressante, car il existe peu
d’incertitude pour cette période et il apparaît que la population de petits rorquals est susceptible
d’augmenter d’environ 3 % par an, ce qui a des conséquences évidentes au regard d’une éventuelle
revision future de la RMP. Les données relatives à l’âge ont une deuxième utilité en ce qu’elles
renseignent sur l’âge de la maturité sexuelle, ce qui fournit des informations importantes sur
l’évolution de l’accès des petits rorquals aux aliments. L’âge de la maturité sexuelle est passé de
11 ans en 1945 à environ 7 ans en 1970. Il s’agit d’une baisse sensible. La question qui se pose à - 8 -
présent est celle d’une éventuelle nouvelle augmentation. Je la crois possible, sur une large
période. Ce point soulève aussi une question d’ordre méthodologique, car certains ont affirmé, au
sein du comité scientifique, que la fameuse «phase de transition» que les données issues des
bouchons de cérumen ont permis d’observer ne renseignent pas sur l’âge à la puberté. Mais les
Japonais ont désormais la possibilité de vérifier cette hypothèse car ils capturent également des
spécimens plus jeunes alors que, par le passé, les cétacés capturés à des fins commerciales étaient
uniquement ou principalement les individus plus grands et plus âgés. Les données relatives à l’âge
ont enfin une troisième utilisation : elles permettent d’obtenir des informations sur la productivité
et la mortalité des cohortes. Je n’ai pas ici le temps d’entrer dans le détail de l’utilisation de ces
données.
Mon point suivant concerne l’épaisseur de graisse et son évolution au fil du temps. Je m’y
suis d’abord intéressé lors d’une réunion préparatoire à la réunion d’examen du
programme JARPA, à laquelle j’avais été convié par le Japon. Il me semble que c’était en 2005. A
mon sens, les résultats montraient que l’écosystème de l’Antarctique connaissait des évolutions
importantes, mais si je peux me permettre de le formuler ainsi, sans être trop insultant à l’égard de
mes collègues scientifiques japonais, l’analyse et la présentation de ces résultats laissaient
franchement à désirer. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à prendre part au travail
d’analyse. Les résultats ont été présentés lors de cette réunion d’examen et lors des réunions du
comité scientifique organisées en 2006 et 2007. A chaque réunion du comité, ils donnaient lieu à
d’interminables discussions critiques. De nombreux scientifiques de pays hostiles à la chasse,
parmi lesquels un scientifique australien de renom, Tom Polascheck, posaient des questions très
critiques.
Toutefois, au cours de ces deux ans, nous avons pu réanalyser les données et convaincre le
comité de la validité de nos conclusions, c’est-à-dire de l’existence d’un déclin. Une étude en ce
20 sens a été publiée ultérieurement, en 2008, dans une revue assez réputée, Polar Research, après
examen en bonne et due forme par un comité de lecture puisqu’on a beaucoup parlé d’examen
par les pairs la semaine dernière.
Au cours des trois années qui ont suivi, les résultats de cette étude n’ont pas été remis en
question par le comité scientifique de la CBI, non plus que par la communauté scientifique de - 9 -
façon plus générale. Puis, en 2011, un scientifique australien, de retour au sein du comité
scientifique après plusieurs années d’absence, a commencé à poser des questions. Il s’est penché
sur les résultats et a suggéré de procéder à des analyses complémentaires : elles ont été effectuées
au cours de cette même réunion du comité scientifique par l’un de mes collègues norvégiens,
Hans Skaug, à la grande surprise, me semble-t-il, de l’intéressé, étonné que cela puisse être fait
dans un délai aussi court. J’ai moi-même procédé à une nouvelle analyse des données à l’aide
d’une autre méthode ayant fait ses preuves, la «méthode du jackknife». Toutes ces analyses ont
abouti aux mêmes résultats que la première, à savoir une diminution de l’épaisseur de graisse au
cours de la période pendant laquelle le programme JARPA s’est déroulé. Jeudi dernier, M. Gales a
dit à M. Gleeson qu’il s’agissait «d’un changement minime». Tout dépend bien sûr de ce que l’on
entend par «changement minime». Nous parlons d’une diminution de 9 pour cent sur une période
de 18 ans, confirmée par plusieurs analyses différentes.
Nous avons également étudié deux autres variables connexes, qui ont donné un résultat
identique, à savoir la circonférence de la partie la plus large du corps et la quantité de graisse, le
stock de graisse, dans le corps de la baleine, que nous avons analysés dans un sous-ensemble de
l’échantillon total.
Notre scientifique australien a demandé à obtenir les données primaires. Les autorités
japonaises étaient réticentes à les lui communiquer, mais je les ai convaincues de les lui fournir.
Or, il a décidé ensuite de ne pas les exploiter. Selon moi, il ne s’attendait pas à obtenir ces
données, et il a été surpris de se les voir proposer. Peut-être a-t-il considéré qu’il était préférable
pour lui, et pour l’Australie, de laisser planer le doute.
Lors de la réunion du comité scientifique qui s’est tenue cette année, ce même scientifique
m’a posé de nouvelles questions. Selon moi, cela s’apparente à ce que l’on appellerait en politique
des «techniques d’obstruction systématique». Dans les études par observation, où il n’est pas
possible de randomiser les groupes, il est en revanche toujours possible de poser de nouvelles
questions, et c’est ce que fait ce monsieur.
Sur la question du contenu de l’estomac, M. Gales a dit à M. Gleeson, je cite : «Le contenu
de l’estomac, tout comme les bouchons de cérumen, ne nous a rien appris que nous ne sachions pas
déjà. Nous n’ignorons pas que le petit rorqual de l’Antarctique se nourrit, presque exclusivement, - 10 -
de krill … rien que nous ne sachions déjà.» Je crains fort que cette réponse ne démontre que
21 M. Gales n’a pas lu la communication présentée au comité scientifique l’année dernière, ou bien
qu’il l’a mal comprise. Ce qui en ressort avant tout est que la quantité d’aliments dans le
préestomac des petits rorquals de l’Antarctique a diminué pendant les années qu’a duré le
programme JARPA, alors que toutes les autres variables ayant une influence sur la quantité
d’aliments dans l’estomac avaient été prises en compte. Cette communication est actuellement
entre les mains du comité de lecture d’une revue scientifique de qualité et je suis convaincu qu’elle
sera elle aussi publiée.
Mon dernier point portera sur l’ensemble des affirmations avancées par MM. Crawford
et Sands la semaine dernière, telles que «M. Walløe reste muet sur ces résolutions» ; plusieurs
affirmations de cet ordre ont été formulées la semaine dernière. Il serait facile pour moi de me
dédouaner en disant que le Gouvernement japonais ne m’a pas demandé de m’exprimer sur les
résolutions. Je souhaiterais toutefois fournir une explication complémentaire.
Lorsque j’ai commencé à prendre part aux activités de la CBI et à assister à certaines
réunions à la fin des années 1980, le commissaire norvégien de l’époque était également chef du
service juridique du ministère des affaires étrangères de Norvège. Son nom était Per Tresselt, et il
me semble qu’il a été agent de la Norvège devant cette Cour en l’affaire Jan Mayen-Groenland.
M. Tresselt m’a dit :
«Ne prêtez pas attention aux résolutions, elles ne sont pas juridiquement
contraignantes. Les pays hostiles à la chasse disposent d’une majorité simple au sein
de la CBI, mais ils n’ont plus la majorité des trois quarts. Ils ne peuvent pas modifier
le règlement annexé à la convention. Et s’ils parviennent un jour à obtenir la majorité
des trois quarts , nous pourrons toujours émettre une objection. Mais pour le moment,
ils peuvent adopter autant de résolutions qu’ils le souhaitent, cela ne modifiera pas la
convention.»
Effectivement, au cours des années qui ont suivi, le Japon et la Norvège, ainsi que l’Islande, ont
chaque année fait l’objet de résolutions, dont le nombre a été cité lors d’une des interventions de
l’Australie la semaine dernière. Je ne m’exprime pas sur les aspects juridiques, j’explique
simplement pourquoi je n’ai pas abordé les résolutions dans mon exposé d’expert.
De la même façon, les annexes L à P précisent ce que doit inclure une proposition de permis
spécial et ses modalités d’examen par le comité scientifique. Là encore, je ne saurais me prononcer - 11 -
sur l’interprétation juridique à donner à ces documents, mais je peux témoigner de la façon dont ils
ont été compris et traités à la fois par le comité scientifique et par la commission. Les textes de ces
documents ont toujours été proposés en premier lieu par le comité scientifique, puis adoptés par la
commission, et ont fait l’objet d’un consensus dans chacune de ces instances. Cela s’explique,
dans chaque cas, par le fait que, parmi les objectifs des permis spéciaux, étaient envisagées des
22 recherches sans lien direct avec la conservation ou la gestion des peuplements baleiniers. Les
annexes ont toujours été comprises par le comité scientifique et par la commission comme «se
suffisant à elles-mêmes», indépendamment de toute autre résolution, contrairement à ce que
prétend M. Crawford.
Dans mon exposé écrit, je me suis appuyé sur l’annexe O pour illustrer cet argument, car la
Norvège avait été aux prises avec cette annexe lors de la préparation en 1991 d’une proposition de
programme de captures sur trois ans au titre d’un permis spécial. Il ressortait clairement de notre
proposition que la recherche n’était pas destinée à répondre à des questions relatives à la gestion ou
à contribuer à l’évaluation exhaustive des populations, telle qu’on l’appelait à l’époque, mais à des
questions portant sur la gestion des stocks de poissons. La Norvège considérait qu’il s’agissait
d’un besoin de recherche d’une importance capitale, pour reprendre les termes employés dans
l’annexe O. Le comité scientifique et la commission ont tous deux accepté qu’il s’agissait d’un
argument valable pour procéder à des captures au titre d’un permis spécial. La formulation
employée dans l’actuelle annexe P, comme vous pouvez le lire, est la suivante :
«Trois objectifs possibles : i) améliorer la conservation et la gestion des
peuplements baleiniers ; ii) améliorer la conservation et la gestion des autres
ressources marines vivantes ou l’écosystème dont les peuplements baleiniers font
partie intégrante ; iii) mettre à l’épreuve les hypothèses qui n’ont pas de lien direct
avec la gestion des ressources marines vivantes.»
Pour le comité scientifique comme pour la commission, ce troisième objectif a toujours été
interprété comme indépendant des questions de gestion ou de conservation des baleines. C’est
pour cette raison que j’affirme que ce que prétend M. Mangel, à savoir que toutes les captures
effectuées au titre de permis spéciaux doivent être motivées par leur importance au regard de la
conservation et de la gestion des baleines, témoigne d’un «malentendu fondamental». Le mot est
fort, mais c’est celui que j’ai employé. J’ai trouvé rassurant qu’un membre éminent du comité
scientifique soit d’accord avec moi sur ce point, mais également sur les principaux points - 12 -
développés dans mon exposé d’expert, comme vous pouvez le lire dans les documents présentés
par le Japon.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, permettez-moi de conclure.
Premièrement, JARPA II est incontestablement un programme de recherche scientifique.
Deuxièmement, les deux programmes JARPA et JARPA II ont fourni des informations précieuses
aux fins de la mise en œuvre éventuelle de la RMP dans sa version actuelle ou d’éventuelles
améliorations de cette procédure. Troisièmement, et c’est à mon sens l’élément le plus important,
ces programmes apportent des informations capitales sur les évolutions qui s’opèrent actuellement
dans l’écosystème de l’Antarctique. Je vous remercie de votre attention.
M. LOWE : Je vous remercie, Monsieur Walløe. Je n’ai pas d’autres questions.
23 Le PRESIDENT : Merci beaucoup, d’autant que nous arrivons au terme des trente minutes
réservées à l’interrogatoire principal. Je vous remercie donc, Monsieur Lowe, de cet interrogatoire
moins interactif que d’habitude. Je donne à présent la parole à M. Gleeson, qui, si j’ai bien
compris, va procéder au contre-interrogatoire. Monsieur Gleeson, je vous prie.
M. GLEESON : Merci, Monsieur le président. Monsieur Walløe, quand avez-vous rédigé
l’intéressant exposé si peu interactif que nous venons d’entendre ?
M. WALLØE : Quand je l’ai rédigé ?
M. GLEESON : Oui.
M. WALLØE : Pour l’essentiel, au cours des deux dernières journées, après avoir entendu
les plaidoiries de l’Australie, la semaine dernière.
M. GLEESON : Vous a-t-on aidé ?
M. WALLØE : Non, absolument pas.
M. GLEESON : Soit.
M. WALLØE : On ne m’a pas non plus aidé, d’ailleurs, à rédiger ma déposition initiale. - 13 -
M. GLEESON : Vous avez, je crois, affirmé par deux fois à la Cour cet après-midi, en lisant
le premier paragraphe de votre rapport, que vous étiez un expert indépendant. Vous en
souvenez-vous ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Et vous avez fait état de votre expérience en tant que représentant de la
Norvège à la commission, vous en souvenez-vous ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Est-il également vrai que vous ayez reçu l’une des plus hautes distinctions
que le Japon puisse décerner à un étranger ?
24 M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : C’était en 2009 ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Et pouvez-vous confirmer que vous l’avez reçue en remerciement des
services rendus en matière de promotion de la politique du Japon dans le domaine de la pêche ?
Est-il exact de l’affirmer ?
M. WALLØE : Je ne m’en souviens pas, mais c’est tout à fait possible. Je voudrais ajouter
que ce n’était pas la première fois que mon travail était repris par les Japonais, et il me semble que
c’est également important. C’était à propos d’une question sans rapport avec le comité
scientifique, mais qui concernait la mise à mort de cétacésla première fois que j’ai été amené à
échanger avec les Japonais pas avec des scientifiques, mais avec une délégation japonaise à la
commission.
M. GLEESON : En ce qui concerne vos rapports avec des scientifiques de JARPA II, est-il
exact que le Japon vous a invité en 2005 à participer à un examen, au niveau national, du projet - 14 -
initial JARPA, pour l’aider à présenter les résultats de ce programme à la communauté scientifique
mondiale ? Est-ce exact ?
M. WALLØE : C’est exact, en effet, mais je voudrais ajouter que ça n’a pas été la seule
fois vous y reviendrez d’ailleurs probablement mais ça n’a pas été la seule fois que l’on m’a
invité à des réunions de concertation où l’on m’a présenté des résultats de recherche en cours et
demandé de les commenter. J’ajouterai toutefois que j’ai, de la même façon, été en relation avec
des scientifiques des Etats-Unis au sujet de la chasse aborigène de baleines à bosse en Alaska à
Seattle, ou encore à Barrow. Je crois donc à la coopération scientifique, et le Japon n’est que l’un
des pays avec lesquels je la pratique. J’ai été en rapport avec des scientifiques de Russie, à propos
de la chasse pratiquée dans la partie orientale du pays, avec des scientifiques du Danemark, ou plus
exactement du Groenland, sur la chasse aborigène qui y a cours. Et, plus important, comme je l’ai
dit, j’ai aussi été en rapport avec des scientifiques américains à Seattle et en Alaska.
25 M. GLEESON : Je vous prierai maintenant de vous reporter à l’exposé que vous avez soumis
à la Cour en avez-vous ici une copie ?
M. WALLØE : Oui, j’en ai une copie.
M. GLEESON : Veuillez donc vous reporter à la page 7. Dans les deux derniers paragraphes
de cette page, vous avez fait référence aux travaux réalisés dans le cadre de JARPA et qui
portaient, premièrement, sur le nombre de stocks, deuxièmement, sur l’épaisseur de graisse et,
troisièmement, sur le contenu de l’estomac. Pouvez-vous nous confirmer que, bien que vous ne
fournissiez aucune référence, trois des sources dont nous voyons à présent les titres à
l’écran sur lesquelles repose ce paragraphe sont des publications, ou propositions de
publications, que vous avez cosignées avec des scientifiques de l’institut de recherche sur les
cétacés ? Est-ce exact ?
M. WALLØE : Je ne suis pas certain de bien comprendre la question. Mais s’il s’agit de
savoir si mon nom apparait sur cette publication, c’est exact. - 15 -
M. GLEESON : Et les trois publications dont nous voyons le titre à l’écran sur les questions
du mélange des stocks, de l’épaisseur de graisse et du contenu de l’estomac, dont vous dites à la
page 7 qu’elles offrent des exemples de résultats utiles obtenus grâce à JARPA, sont en partie votre
œuvre. Est-ce exact ?
M. WALLØE : Il est exact que j’ai réalisé la première analyse statistique, en utilisant des
méthodes différentes de celles employées par les Japonais. Je n’ai pas pris part à la préparation de
la collecte de données, simplement à l’analyse. Parce que, comme je l’ai dit, l’analyse réalisée par
les Japonais posait selon moi certains problèmes, mais n’en contenait pas moins des informations
pertinentes. C’est la raison pour laquelle j’ai apporté ma collaboration. Quant à la question de
savoir si je suis l’un des coauteurs ou si mon nom apparaît sur la publication … c’est–à-dire que
parfois oui, parfois non, lorsque je pratique ce type de collaboration. Pour moi, ce qui est
important c’est que, à l’âge mais aussi au comment dire ? niveau de reconnaissance
scientifique que j’ai atteints, je me sens sûr de moi, quant à mes accomplissements scientifiques. Il
n’est pas toujours nécessaire d’être cité parmi les auteurs ; je donne souvent mon avis sans l’être.
Mais dans ce cas-là, les Japonais ont insisté pour que mon nom figure dans la publication.
26 M. GLEESON : Je vous remercie de cette explication. Pouvez-vous confirmer que les trois
publications conjointes auxquelles vous avez pris part et qui apparaissent ici à l’écran sont parmi
celles sur lesquelles repose la déclaration que vous faites à la page 7, dans les deux derniers
paragraphes ? Est-ce exact, oui ou non ?
M. WALLØE : Veuillez m’excuser, mais il me faut d’abord la lire, pour en être sûr. A
première vue, oui, je maintiens cette déclaration.
M. GLEESON : Pouvez-vous expliquer pourquoi vous n’avez pas indiqué à la Cour, non
plus qu’à l’Australie, que les publications dont vous faisiez l’éloge à la page 7 étaient des
publications dont vous étiez le coauteur, aux côtés de scientifiques de l’institut de recherche sur les
cétacés ? - 16 -
M. WALLØE : Cela ne m’a pas semblé nécessaire. Mais en effet, je n’ai aucune raison de
tenter de le cacher. Ce n’est pas ce que je cherchais à faire et, bien sûr, la première publication,
tout particulièrement, relève du domaine public.
M. GLEESON : Je vous remercie. J’aimerais maintenant me pencher sur une question dont
vous avez parlé cet après-midi à la Cour il s’agit des travaux consacrés par des scientifiques
japonais et par vous-même à la question de l’épaisseur de graisse. Je demanderai que l’on vous
fournisse le dossier qui a été communiqué à la Cour, et au Japon. Si vous voulez bien vous reporter
à l’onglet n 7 de ce dossier… Et vous souvenez-vous de ce que l’on pourrait, en employant un
mot assez péjoratif, qualifier d’attaque dirigée, dans le cadre de votre interrogatoire principal,
contre un scientifique australien qui se serait livré à une forme d’«obstruction» ? Vous
rappelez-vous avoir employé ce mot devant la Cour ?
M. WALLØE : J’ai utilisé ce mot, en effet, et je suis d’accord que le mot est fort. Mais je
pense que, parfois, il ne faut pas mâcher ses mots.
M. GLEESON : Et vous souvenez-vous avoir dit à la Cour que, de fait, vos travaux sur
l’épaisseur de graisse, réalisés en collaboration avec le Japon, avaient été pour ainsi dire acceptés,
comme valables et utiles, par la communauté scientifique ?
M. WALLØE : C’est ce que j’ai dit il y a quelques minutes, en effet. Pendant une période de
trois ans.
o
27 M. GLEESON : Si vous vous reportez à l’onglet n 7, il est fait référence à la réunion du
comité scientifique qui s’est tenue cette année, et à laquelle vous étiez présent. Est-ce exact ?
M. WALLØE : L’onglet n 7 ? o Le rapport du groupe de travail sur la modélisation de
l’écosystème ?
o
M. GLEESON : Et, à la page 4 de l’onglet n 7, sous la section 4.1, le comité scientifique
commence par affirmer que, à sa soixante-troisième séance voici plusieurs années donc , la
variance des tendances concernant l’épaisseur de graisse dont avaient fait état M. Konishi et - 17 -
d’autres auteurs dont vous-même s’était révélée avoir été sous-estimée, pour un certain
nombre de raisons, qui sont précisées. Admettez-vous qu’il s’agit d’une conclusion à laquelle le
comité scientifique est parvenu il y a environ deux ans, quant à l’utilité et la fiabilité de vos travaux
sur l’épaisseur de graisse ? L’admettez-vous ?
M. WALLØE : J’admets que cela s’est passé à la réunion de 2011, que la question a été
soulevée par les scientifiques australiens, et nous avons réalisé en fait, il est ici fait référence à
Skaug, qui avait été recruté en tant que statisticien dans mon équipe ; il a donc réanalysé les
données que j’avais présentées à la réunion en utilisant les méthodes mises en avant par les
scientifiques australiens. Et il est parvenu au même résultat, au même déclin, que moi-même grâce
à mon analyse fondée sur la «méthode du jackknife». Même déclin, mais une variance un peu plus
élevée. Toutefois, les résultats n’en restaient pas moins significatifs, d’un point de vue scientifique,
au niveau de 5 %.
M. GLEESON : Monsieur Walløe, afin de faire le meilleur usage de l’heure qui m’est
impartie, je vais essayer de formuler mes questions en termes aussi précis que possible, et je vous
prierai d’être aussi concis que vous le pourrez en y répondant. Si vous passez maintenant au
paragraphe suivant, page 4, le comité scientifique rappelle que les analyses qu’il avait demandées
en 2011 n’ont pas été menées à bien ; en lieu et place, M. Butterworth, membre de cette délégation
japonaise, a produit des estimations en utilisant la «méthode du jackknife». Pouvez-vous le voir ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Je ne vais pas les lire en détail, mais les paragraphes suivants sur cette page
et les deux premiers paragraphes de la page suivante rendent compte en détail de la discussion
relative aux estimations obtenues au moyen de cette méthode ; êtes-vous d’accord pour constater
que, au troisième paragraphe, page 5, M. Butterworth a analysé les données et admis en toute
28 franchise au comité scientifique que les conclusions de l’article avaient été invalidées ? Vous
souvenez-vous avoir été témoin de cette scène il y a de cela quelques semaines seulement,
Monsieur Walløe ? - 18 -
M. WALLØE : Oui. C’est vrai, mais je voudrais ajouter que cette analyse réalisée au moyen
de la «méthode du jackknife»-là n’est pas la même que l’analyse dont je parlais, et que j’ai réalisée
il y a deux ans. C’en est une autre. J’ai été invité à cosigner cet article, et j’ai refusé, parce que
j’avais des doutes sur les résultats. Je pense que l’analyse a été réalisée trop à la hâte, donc je n’ai
rien à redire au troisième paragraphe de la page 5. Mais la difficulté que je vois, et que vous avez
évoquée à propos de la page précédente, tient au fait que la question a été soulevée il y a deux ans,
et que le scientifique australien n’a pas accepté de réanalyser les données lui-même, ce qui, selon
moi … moi, personnellement, j’y étais favorable, pour le Gouvernement japonais à l’époque et
aussi pour lui. Je lui ai dit : «Vous devriez réanalyser et voir ce que vous obtiendrez comme
résultats». Aujourd’hui, il revient à la charge et affirme qu’il est important, pour chaque baleine,
de connaître la distance par rapport à la lisière des glaces, ce qui est une question difficile, parce
qu’il faut savoir où se trouve la lisière des glaces pour chaque année du programme JARPA,
mesurer ensuite la position de chaque baleine par rapport à cette lisière, et en déduire les distances.
C’est un travail colossal. Et c’est la raison pour laquelle il n’avait pas été entrepris.
M. GLEESON : Pouvez-vous voir, Monsieur Walløe, que dans les deux paragraphes qui
suivent, il est indiqué que Mme Solvang et vous-même avez présenté une nouvelle analyse, et que
la conclusion du groupe de travail du comité scientifique, au dernier paragraphe, revenait en réalité
à encourager tout le monde à repartir et à refaire des analyses, en vue d’un examen l’année
d’après ?
M. WALLØE : Je suis d’accord, et bien sûr les analyses que Solvang et moi-même avions
réalisées concernaient ce que j’ai mentionné, l’une des autres variables pas l’épaisseur de
graisse mais le contenu total de graisse dans le corps du specimen analysé et pas toutes les
baleines non plus, seulement la première capturée chaque jour, pendant les années JARPA. Donc il
s’agissait d’un nombre de spécimens bien moins élevé, mais l’on observait le même déclin quant à
la quantité de graisse dans l’ensemble du corps. Et je suis d’accord qu’il faut poursuivre l’analyse
mais, pour moi, lorsqu’on réalise effectivement un grand nombre d’analyses différentes, et que
siègent au comité scientifique des gens qui ont intérêt à contester que les résultats soient
intéressants, nous en arrivons toujours à la situation et c’est à ce propos que je parlais de - 19 -
techniques d’obstruction , nous en arrivons donc toujours à la situation où la seule chose sur
laquelle nous puissions nous mettre d’accord, c’est la nécessité d’analyses supplémentaires. Ce
n’est pas rare au sein du comité scientifique. Mais je continue de penser que notre constat d’un
29 déclin de l’épaisseur de graisse est valable, les articles initiaux n’ont pas été retirés ; ils sont
toujours dans le domaine public. Je suis tout à fait confiant que, lorsque nous aurons effectué
toutes les analyses, nous obtiendrons encore le même résultat. Mais oui, nous, ou nos collègues
japonais, le ferons avant la réunion de l’année prochaine.
M. GLEESON : Je veux vous poser deux questions pour conclure sur le problème de
l’épaisseur de graisse, et dans toute la mesure du possible, veuillez essayer d’y répondre par oui ou
par non. La première est la suivante : après vingt-six années de données recueillies dans le cadre
de JARPA et de JARPA II, est-il vrai que, à ce jour, ni la CBI ni le comité scientifique n’ont
confirmé que les données obtenues permettaient d’aboutir à des conclusions fiables sur les
tendances en ce qui concerne l’épaisseur de graisse ?
M. WALLØE : Eh bien, j’aurais personnellement tendance à penser que c’est faux. Mais
c’est effectivement la conclusion du comité scientifique. Ma propre conclusion scientifique est que
les données ne sont pas seulement marginalement significatives, mais indiquent clairement
l’existence d’un déclin. Mais je suis d’accord que c’est la conclusion du comité scientifique. Nous
avons entendu M. Gales nous dire l’autre jour que le comité scientifique n’était pas un organe
politique, mais un organe purement scientifique, ce qui n’est pas l’impression ou le souvenir qu’il
m’ait laissés. La politique est loin d’être absente du comité scientifique, lorsque le débat tourne
autour de questions politiquement sensibles.
M. GLEESON : Je vais poser la seconde de mes deux questions et, là encore, j’apprécierais
que vous me répondiez par oui ou par non. Cette question est la suivante : êtes-vous d’accord pour
dire que, au terme de vingt-six années de collecte de données réalisées dans le cadre de JARPA et
de JARPA II, ni la commission ni le comité scientifique n’ont affirmé qu’il était nécessaire
d’analyser l’épaisseur de graisse aux fins de la conservation de la gestion des baleines ou à toute
autre fin de recherche essentielle. Etes-vous d’accord ? - 20 -
M. WALLØE : Sur la première question, je le suis. Ces analyses ne sont pas nécessaires aux
fins de la gestion des baleines et de l’industrie baleinière. En ce qui concerne la seconde, il y a,
selon moi, lieu de penser que l’écosystème de l’Antarctique évolue et, pour moi, en tant que
scientifique, c’est là quelque chose d’important. J’y vois donc une problématique importante.
30 M. GLEESON : Je conclus de votre dernière réponse que vous jugez cette problématique
importante, mais vous conviendrez avec moi que ni la commission, ni le comité scientifique n’ont
affirmé que les recherches portant sur l’épaisseur de graisse constituaient un besoin d’une
importance primordiale en matière de recherche ? Est-ce exact ?
M. WALLØE : Non. Parce qu’il y a deux ans, le comité scientifique a déclaré, et je peux
trouver la référence correspondante, qu’il était important d’obtenir une réponse en ce qui concerne
l’épaisseur de graisse. Je peux vous trouver cette référence, je ne la connais pas par cœur. C’était
il y a deux ans. Tous les membres de ce sous-comité, puis tous ceux du comité scientifique, y
compris les scientifiques australiens que j’ai mentionnés, et M. Gales, étaient présents lors de cette
réunion et ont appuyé cette déclaration.
M. GLEESON : J’en viens au deuxième des trois domaines de recherche sur lesquels vous
collaborez dans le cadre du projet JARPA II, à savoir l’étude du contenu de l’estomac dont vous
avez parlé cet après-midi. Je vais demander à ce que l’agent de l’Australie vous montre la réponse
de M. Gales en date du 31 mai, que vous avez certainement lue. Et si vous avez ce document sous
les yeux, je vous prie de vous reporter au paragraphe 4.9.
M. WALLØE : Oui, je l’ai. Le paragraphe 4.9. Voilà, j’y suis.
M. GLEESON : Selon vous, est-il exact de dire que l’extrait du rapport du comité
scientifique de 2007 qui est ici cité reflète la position actuelle du comité sur la question de l’utilité
et de la pertinence des données de JARPA relatives au contenu de l’estomac ?
M. WALLØE : Il faudrait que je le lise d’abord. Il s’agit d’un long paragraphe, je vous prie
de m’excuser quelques minutes. - 21 -
M. GLEESON : Je vous en prie.
M. WALLØE : Je l’ai lu et je suis d’accord sur le fait qu’il s’agit d’un extrait du rapport de
la réunion du comité scientifique. Je ne suis pas certain d’être d’accord avec l’intégralité de son
contenu, mais bien sûr, comme je l’ai dit, il existe des divergences d’opinion au sein du comité
scientifique et du sous-comité. En ce qui concerne la dernière partie en caractères gras, j’étais
31 d’accord avec cela à l’époque. L’article qui est actuellement en cours d’examen pour publication
est de bien meilleure qualité qu’à l’époque, et je conviens que certaines des questions que nous
nous posions n’avaient pas encore été résolues.
M. GLEESON : Ma question, Monsieur Walløe, était la suivante : êtes-vous d’accord pour
dire que la déclaration du comité scientifique faite en 2007, qui est reproduite ici, reflète la position
la plus récente adoptée par ce comité sur les recherches relatives au contenu de l’estomac ? Est-ce
exact ?
M. WALLØE : Il est exact qu’il s’agit de la dernière déclaration en date du comité
scientifique, et je n’ai pas indiqué dans mon exposé que nous disposions d’une déclaration plus
récente. J’ai dit qu’un article était en cours d’examen par un comité de lecture ; voilà ce que j’ai
dit.
M. GLEESON : Serait-il juste de conclure que dans la déposition que vous avez faite cet
après-midi et dans votre exposé, vous défendez en partie vos propres travaux scientifiques, ou
non ?
M. WALLØE : Il est vrai que je fais partie de l’équipe qui a mené ces recherches. Les
résultats, les données primaires, sont obtenus indépendamment de mon avis et au moyen de
méthodes sur lesquelles je n’ai pas eu mon mot à dire. Mais il est vrai que je participe à l’analyse.
M. GLEESON : A la lumière des questions que je vous ai posées cet après-midi,
souhaitez-vous retirer l’affirmation selon laquelle vous êtes un témoin indépendant ? - 22 -
M. WALLØE : Non. Je me considère comme un témoin indépendant au sens où en tout
cas davantage que M. Gales, par exemple. Ma principale préoccupation est la science et c’est pour
cette raison que je collabore avec des scientifiques japonais, américains et russes ou encore dans
d’autres domaines, autres que la chasse à la baleine avec des scientifiques de nombreux autres
pays. Je crois à la collaboration scientifique internationale.
M. GLEESON : J’en viens à présent à la question des hypothèses vérifiables. Vous avez
précisé cet après-midi à la Cour, concernant le projet sur les pluies acides, que vous aviez procédé
en deux temps. Tout d’abord, jusqu’en 1980 en Norvège et, ensuite, à partir du milieu des
années 1980 dans le cadre du projet conjoint entre le Royaume-Uni, la Suède et la Norvège. Est-ce
exact ?
M. WALLØE : Oui.
32 M. GLEESON : Vous avez également corrigé une imprécision dans votre exposé et indiqué
que la période pendant laquelle vous aviez travaillé sans hypothèses vérifiables se situait entre 1980
et, avez-vous dit, 1986 environ. Vous souvenez-vous l’avoir dit ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Je voudrais à présent vous montrer un document, reproduit sous
l’onglet n 8, qui a été rédigé par le chef de ce projet conjoint et dans lequel il confirme la
méthodologie retenue au démarrage du projet. Vous constaterez, dans la partie surlignée, que
l’aluminium était d’emblée identifié comme l’une des causes possibles. Vous en souvenez-vous ?
M. WALLØE : Je ne m’en souviens pas. C’est écrit ici, cela n’a pas été publié en 1986,
mais en 1990. Peut-être le savait-on déjà, voilà la petite correction que je peux apporter. Mais
en 1980, ce n’était certainement pas admis.
M. GLEESON : Passons à présent, Monsieur Walløe, au document suivant, qui se trouve
sous l’onglet n 9, et qui est projeté à l’écran. Les auteurs d’une publication à laquelle vous avez
également participé, MM. Morris et Reader, ont déclaré que les effets de l’aluminium sur les - 23 -
salmonidés avaient été démontrés par des recherches en milieu naturel et des études
expérimentales, et ils mentionnent plusieurs références, dont trois datant de l’année 1980. Cela
vous aide-t-il à vous souvenir qu’en 1980, sinon plus tôt, les travaux de plusieurs chercheurs dans
le domaine, dont vous-même, avaient permis de mettre en avant l’aluminium comme l’une des
causes possibles ?
M. WALLØE : Non. Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. Mais j’aurais dû être
plus précis concernant les dates.
M. GLEESON : Passons maintenant, Monsieur Walløe, à l’onglet n 10 : il s’agit d’un
extrait de votre article paru dans cette même publication, dans lequel vous revenez sur votre
précieuse contribution à ce projet. Vous y indiquez qu’il ressortait d’analyses antérieures que des
concentrations de certaines espèces d’aluminium non organique étaient les principaux facteurs
déterminants, et que votre travail, d’un grand intérêt sur le plan statistique, avait consisté à procéder
à une analyse de régression sur 14 variables, dont l’aluminium, et vous avez conclu que
l’aluminium était l’un des trois principaux facteurs causaux. Est-ce exact ?
33 M. WALLØE : C’est exact, mais pas en 1980. Cet article a été publié bien plus tard.
Comme vous le voyez, il a été publié en 1990.
M. GLEESON : Ce que j’aurais tendance à en conclure, Monsieur Walløe et vous me
direz ce que vous en pensez , c’est que les travaux que vous avez menés en collaboration avec
des scientifiques internationaux dans le cadre du projet sur les pluies acides sont un excellent
exemple d’application de la méthode scientifique. Et permettez-moi à cet égard de vous soumettre
trois points. Premièrement, il existait d’emblée une problématique clairement identifiée. Est-ce
exact ?
M. WALLØE : Que les pluies acides étaient une hypothèse ? C’est exact. Cette hypothèse
existait dès le départ.
M. GLEESON : La problématique que je vous soumets, Monsieur Walløe, résidait en ceci
que les poissons mouraient et qu’il importait de savoir si ce phénomène était causé par les - 24 -
émissions de soufre des usines britanniques et allemandes ou si la cause était d’ordre géologique.
N’était-ce pas là le problème qui avait été identifié ?
M. WALLØE : Si.
M. GLEESON : Et pour expliquer ce problème, plusieurs facteurs de causalité possibles
avaient été mis en avant, parmi lesquels l’aluminium, n’est-ce pas ?
M. WALLØE : Non ! L’aluminium n’avait pas été envisagé à ce stade.
M. GLEESON : Bien, et si l’auteur du projet a indiqué dans son ouvrage que tel était le cas,
vous diriez qu’il s’agit d’une simple erreur, c’est bien ça ?
M. WALLØE : C’est délicat, je n’ai pas l’ouvrage sous les yeux, mais il a été écrit en 1990,
tout comme l’article, donc nous avons peut-être été quelque peu imprécis. Mais je suis presque
certain, puisque j’y ai participé, qu’à la fin de ce projet, l’aluminium ne faisait même pas partie des
hypothèses, non certainement pas. Rien n’indiquait à l’époque que l’aluminium pouvait être en
cause même si, dans certaines analyses, nous avons pu constater a posteriori qu’il était présent.
M. GLEESON : Permettez-moi de vous poser une question plus générale à ce sujet.
Convenez-vous qu’avant qu’un scientifique ne s’attelle à un projet opérationnel de grande
envergure, notamment s’il implique des mises à mort, certains critères minimaux doivent être
34 remplis pour que la validité scientifique du projet puisse être établie ? Et dans l’affirmative, quels
sont ces critères ?
M. WALLØE : Je suis d’accord sur la nécessité d’une problématique un domaine
d’intérêt ou un élément que l’on souhaite étudier, mais pas nécessairement de façon aussi précise
que l’indique M. Mangel, à savoir qu’il faut avoir formulé une hypothèse qui ne soit pas vague,
mais qui vous permette de concevoir une expérience ou une étude d’observation et de décider du
seuil de signification, de la puissance du test , etc. ; en bref, tout l’attirail des statistiques modernes.
Je ne suis pas d’accord avec cette partie, mais je conviens qu’il faut tout de même savoir à peu près
ce que l’on souhaite étudier. Et je suis d’accord avec M. Mangel, et certains de vos juristes qui ont - 25 -
cité Poincaré, qu’un tas de pierres n’est pas de la science – même si parfois, ce tas de pierres peut
par la suite se révéler important pour d’autres scientifiques, le jour où ils découvrent qu’il contient
en fait des informations. Mais j’admets qu’il faut savoir à peu près pour quelles raisons on étudie
tel ou tel objet, pourquoi on collecte des données.
M. GLEESON : Etes-vous d’accord pour dire qu’une revue de la littérature est une étape
scientifique habituelle qui doit être effectuée avant le lancement d’un projet opérationnel de grande
ampleur ?
M. WALLØE : Sur la nécessité d’étudier la littérature ? Oui. Mais le problème qui se pose
pour l’océan Antarctique est qu’il existait évidemment peu de publications très fouillées sur le
sujet, du moins aux débuts du projet.
M. GLEESON : Etes-vous d’accord pour dire qu’un scientifique doit formuler les
hypothèses de la façon la plus claire et la plus précise possible compte tenu des limites inhérentes
au sujet d’étude ?
M. WALLØE : Pas nécessairement. Dans certains cas, il est possible de formuler une
hypothèse, mais c’est sur ce point que j’ai fait référence à M. Tukey dans mon exposé. Selon lui,
on peut parfois formuler une hypothèse spécifique, mais souvent, on ne se pose en fait pas la bonne
question, et il vaudrait mieux rester plus vague au départ et finir par découvrir quelque chose.
Donc oui, je partage l’avis de M. Tukey sur cette question d’ordre méthodologique, et c’est
également le cas d’un membre éminent du comité scientifique.
35 M. GLEESON : Etes-vous d’accord pour dire qu’il y a un rapport entre la formulation de
l’hypothèse et des questions telles que le choix des méthodes, la taille des échantillons retenue,
etc. ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Et que l’hypothèse peut contribuer à déterminer le degré de précision
nécessaire pour le choix de la taille des échantillons ? - 26 -
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Et seriez-vous également d’accord pour dire qu’avant de démarrer un projet
opérationnel de grande ampleur, un scientifique s’interrogera longuement quant aux choix entre les
différentes méthodes à sa disposition ?
M. WALLØE : Je ne suis pas tout à fait certain de comprendre la question.
M. GLEESON : Avant de démarrer un projet opérationnel, le scientifique se demandera :
«Quelles sont les autres possibilités pour moi d’approfondir les connaissances que je cherche à
obtenir ?»
M. WALLØE : De façon générale, oui, je suis d’accord.
M. GLEESON : Et si un projet opérationnel de grande ampleur a déjà été mené auparavant,
êtes-vous d’accord pour dire que notre scientifique suivra d’on ne peut plus près les résultats et les
enseignements qui en auront été retirés, et les soumettra à un examen rigoureux, afin de
comprendre en quoi ils contribuent à répondre à la question qui se pose à lui ?
M. WALLØE : Oui, de façon générale, je suis d’accord. Mais je crois savoir où vous voulez
en venir, et je ne suis pas certain de pouvoir répondre par l’affirmative à votre prochaine question.
M. GLEESON : Votre déposition me laisse une double impression, Monsieur Walløe. La
première est que vous avez plus d’humour que moi, mais la seconde, plus sérieusement, est qu’il
me semble, je dois vous l’avouer, que votre exposé s’apparente davantage à une plaidoirie qu’à une
déposition. Que répondez-vous à cela ?
36 M. WALLØE : Eh bien, je ne sais pas si je dois prendre cela comme une insulte ou comme
un compliment. En tout cas, j’essaie d’expliquer pourquoi je fais cela, c’est-à-dire déposer en tant
que témoin-expert, car il n’est pas certain que d’autres membres du comité scientifique, même s’ils
sont d’accord avec le cadre général du programme JARPA II, accepteraient de déposer devant cette
Cour, en raison du harcèlement auquel on s’expose à l’extérieur de cette salle d’audience. - 27 -
M. GLEESON : Loin de moi, en tout cas, l’idée de vous harceler. Quel était l’autre point
que vous souhaitiez prier le président de vous laisser mentionner devant la Cour, à ce stade ?
M. WALLØE : Veuillez m’excuser, je ne vois pas.
M. GLEESON : Vous avez dit vouloir ajouter quelque chose, que vous saviez où je voulais
en venir, que souhaitiez-vous dire à la Cour ? Je vous en prie, faites...
M. WALLØE : Non, je ne suis pas certain de comprendre ce à quoi vous faites allusion, je
parlais de ce que je n’avais pas eu le temps de dire pendant les 20 minutes que m’a accordées
M. Lowe, est-ce à cela que vous faites référence ?
M. GLEESON : Passons à autre chose, Monsieur Walløe. Je vais vous demander de
o
consulter le dossier qui se trouve devant vous à l’onglet n 14, s’il vous plaît.
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Et d’aller à la page 10, il s’agit du projet JARPA.
M. WALLØE : Le projet JARPA II…
M. GLEESON : Oui, et sous l’onglet n 10, sous l’intitulé «Objectifs en matière de
recherche», le premier objectif est le suivi de l’écosystème de l’Antarctique.
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : La CBI ou le comité scientifique ont-ils indiqué qu’ils considéraient ce
projet comme répondant à un besoin d’une importance primordiale en matière de recherche ?
37 M. WALLØE : Je dois admettre que je ne suis pas sûr, bien qu’ayant moi-même participé à
l’ensemble des réunions du comité scientifique, de la teneur exacte des déclarations qui ont été
faites sur ce point. Très clairement, certain d’entre nous, au comité scientifique, considèrent que le
suivi de l’écosystème de l’Antarctique répond à un besoin important peut-être devrait-on dire
d’importance primordiale en matière de recherche. - 28 -
M. GLEESON : Mais vous confirmez, me semble-t-il, que le comité dans son ensemble n’a
jamais considéré, non plus, d’ailleurs, que la commission, qu’un projet de suivi à long terme de
l’écosystème de l’Antarctique puisse constituer un besoin primordial en matière de recherche.
Est-ce exact ?
M. WALLØE : Je pense que c’est exact. Mais là encore, il convient de garder à l’esprit que
le comité scientifique est très différent des comités scientifiques pouvant exister dans les autres
domaines auxquels touchent mes recherches, tels que la physiologie ou les statistiques. Ici, les
liens avec la politique sont étroits, notamment chez certains membres.
M. GLEESON : Puis-je vous demander maintenant de vous reporter à la page 11 du projet
JARPA II, au milieu de laquelle figure le deuxième objectif, à savoir la modélisation de la
concurrence entre les espèces baleinières. Dans ce passage, il est fait référence aux hypothèses
formulées, et elles sont énoncées à la page 61 du document, comme vous en conviendrez sans
doute.
M. WALLØE : Page 61 du document ?
Le PRESIDENT : A l’onglet n 14. Vous êtes à la page 11, je vous demande d’aller à la
page 61.
M. WALLØE : Oui, je vous prie de m’excuser, j’y suis maintenant. En effet.
M. GLEESON : Bien. Vous avez exprimé, dans votre rapport, votre désaccord avec la
position de M. Mangel, qui indiquait n’avoir pu trouver qu’une seule hypothèse dans le
programme JARPA, et affirmez pour votre part qu’il en existe plusieurs. S’agit-il des hypothèses
que vous avez devant les yeux, aux pages 61 et 62 ?
M. WALLØE : Je reconnais que certaines de ces hypothèses sont liées à la théorie de
l’excédent de krill. Mais il ne s’agit pas de versions différentes d’une seule et même théorie, et
certaines en sont d’ailleurs totalement indépendantes. Je suis toutefois d’accord sur ce point : ces
hypothèses, pour beaucoup d’entre elles, s’y rattachent. - 29 -
38 M. GLEESON : Ce sur quoi je souhaiterais appeler votre attention, Monsieur Walløe, c’est
que, si tant est que l’on puisse trouver des hypothèses dans le programme JARPA II, celles-ci
figurent aux pages 61 et 62, et c’est la première chose. La seconde, c’est que, si vous revenez à la
page 11, vous constaterez que les hypothèses n’ont trait qu’à un seul des quatre objectifs, à savoir
l’établissement d’un modèle d’écosystème. Etes-vous d’accord sur ce point ?
M. WALLØE : Certes, mais je tiens tout d’abord à formuler une observation sur la première
hypothèse de l’appendice 5, à la page 61. L’hypothèse de la capacité de charge globale constante
est sans rapport avec la théorie de l’excédent de krill, et pourrait, par exemple, être liée au
changement climatique.
M. GLEESON : En effet, je vous remercie. A la lumière de ces hypothèses et de l’objectif
relatif à l’établissement d’un modèle, comprenez-vous, à la lecture du programme JARPA II, que
ce modèle est destiné à analyser la concurrence entre les espèces baleinières ?
M. WALLØE : Oui, j’ai conscience que ce modèle repose, à certains égards, sur la
concurrence. Mais il faut ici comprendre ce qu’on entend par concurrence : cette notion n’implique
pas nécessairement que les animaux se trouvent dans la même zone et consomment le même krill
au même moment. Il peut s’agir de baleines à bosse consommant du krill à tels moment et endroit,
et de petits rorquals en consommant à tels autres moment et endroit ; il n’en demeure pas moins
que l’abondance de krill est limitée si bien que, dès lors que les baleines à bosse en consomment
beaucoup, il en restera moins pour les petits rorquals, et ce, même si les deux espèces ne se côtoient
pas. Il ne s’agit pas ici de concurrence au sens de celle que se livrent lions et hyènes en Afrique
lorsqu’ils se disputent la dépouille d’une proie.
M. GLEESON : Pourriez-vous, Monsieur Walløe, indiquer à la Cour si le deuxième objectif,
que nous examinons actuellement en même temps que les hypothèses et l’exercice de modélisation,
si ce deuxième objectif, donc, précise les données qui doivent être recueillies pour établir le modèle
envisagé ? - 30 -
M. WALLØE : Non, je ne suis pas d’accord sur ce point, dans la mesure où, pour mesurer
l’abondance de krill, et il me semble que c’est ce que vous…
M. GLEESON : Peut-être n’avez-vous pas compris ma question. Ce que je vous demandais,
c’est si vous pensez, en lisant l’objectif 2, pages 11 et 12, que les scientifiques du programme
JARPA indiquent quelles données ils entendent recueillir pour éprouver leurs hypothèses et établir
leur modèle ?
39 M. WALLØE : Je ne suis pas sûr de comprendre votre question, mais…
M. GLEESON : La question est simple, Monsieur Walløe. Etes-vous en mesure de
déterminer, à partir de ces pages, quelles données le Japon se propose de recueillir pour tester les
hypothèses et établir le modèle ? Pouvez-vous nous dire si cette information apparaît sur ces
pages, oui ou non ?
M. WALLØE : Désolé, mais il va me falloir quelques minutes pour lire ces pages ; ne les
ayant pas lues ici, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à la question sans disposer d’un peu de
temps pour prendre connaissance de la page 11 puis de la page 61… Ou dois-je essayer de
répondre sans les avoir lues ?
M. GLEESON : Non, Monsieur Walløe, prenez le temps qu’il vous faut pour les lire.
Toutefois, il me semblait vous avoir entendu indiquer à la Cour tout à l’heure que vous aviez lu
tous les rapports présentés par l’Australie, que vous aviez entendu tout ce qui s’était dit la semaine
dernière, et que rien ne vous avait fait changer d’avis. Est-ce bien là votre position ?
M. WALLØE : En effet, mais je ne me souviens pas de tous les détails de ce que j’ai lu dans
ces rapports.
Le PRESIDENT : Peut-être pouvez-vous, Monsieur Gleeson, préciser quel paragraphe vous
souhaitez que M. Walløe lise ? Qu’il ne lise pas les deux pages, seulement les paragraphes en
question. - 31 -
M. GLEESON : Absolument. Je vous invite, Monsieur Walløe, à lire la seconde moitié de la
page 11…
M. WALLØE : «Suivi de l’habitat des cétacés», c’est cela ?
M. GLEESON : En commençant par le titre, celui qui suit c’est le deuxième objectif
«Modélisation de la concurrence», je vous invite à lire ce passage, qui se poursuit à la page 12.
M. WALLØE : Jusqu’au point 3, les cinq premières lignes de cette page ?
M. GLEESON : Jusqu’au point 3, oui. Ensuite, je vous reposerai ma question.
M. WALLØE : Très bien, je vais lire ce passage. Voilà, c’est fait.
40 M. GLEESON : Bien, à vrai dire, je vais également vous demander d’aller à la page 15, en
bas, où figure le même titre, «Modélisation de la concurrence» et à la page 16, où sont fournies des
informations supplémentaires sur le modèle. Je vous prie donc de lire la fin de la page 15 et la
quasi-totalité de la page 16, et de me prévenir lorsque vous aurez terminé.
M. WALLØE : Je lis donc jusqu’au point II, c’est ça ? C’est fait.
M. GLEESON : Très bien. A présent que vous vous êtes rafraîchi la mémoire sur
l’objectif n 2 et la modélisation, ma question est la suivante : le projet JARPA II précise-t-il les
données à recueillir aux fins de cet exercice ?
M. WALLØE : Vous voulez sans doute dire que cela n’est pas précisé sur ces pages ? En
effet. Mais étant donné le contexte, je pense que les données recherchées en premier lieu sont
celles concernant l’abondance des petits rorquals, et peut-être aussi des deux autres, ou trois autres
espèces mentionnées, les baleines à bosse, les rorquals communs c’est, de toute évidence,
difficile, mais c’est ce qui est annoncé ici et les baleines bleues. Au moins le comité
scientifique dispose-t-il maintenant de quelques données chiffrées concernant l’abondance et le
taux de croissance, notamment des baleines à bosse, mais également des baleines bleues. C’est
plus problématique pour les rorquals communs. - 32 -
M. GLEESON : Mais indépendamment de ce que vous en déduisez, le document lui-même
indique-t-il les données requises aux fins de l’établissement de ce modèle ?
M. WALLØE : Non, mais je suppose que…
M. GLEESON : Je vous remercie, Monsieur. Permettez-moi de vous poser la question
suivante. Si l’on ne nous dit pas quelles sont les données nécessaires aux fins de la modélisation,
cela signifie-t-il que nous ne disposons d’aucune base statistique permettant de savoir combien de
baleines devront être tuées pour établir le modèle en question ?
M. WALLØE : Non, pas nécessairement. Il est fait référence à un modèle que je connais
très bien, établi par Mori et Butterworth en 2004, qui s’appuyait, bien entendu, sur une quantité
plus restreinte de données, mais offre selon moi une base intéressante ; par ailleurs, des données
d’abondance existent déjà, et il est possible, notamment pour les petits rorquals, d’en obtenir
41 d’autres dans le cadre non seulement de JARPA II, mais également d’autres programmes de
recherche conduits dans l’océan Austral.
M. GLEESON : Vous savez, n’est-ce pas, Monsieur, que le modèle Mori et Butterworth est
cité ici à titre d’exemple de modèle déjà testé, et qu’il n’est nullement indiqué, dans le
projet JARPA II, que ce modèle y sera exploité. Pouvez-vous confirmer ce point ?
M. WALLØE : Ce passage ne le dit pas, en effet. Je ne sais pas si ce modèle est mentionné
ailleurs dans le document, mais il est certain qu’il a fait l’objet de nombreuses discussions au sein
du comité scientifique, et ce, dans des contextes très différents. Il a également été convenu, lors de
ces discussions, qu’il était très difficile de mesurer, notamment par des méthodes acoustiques,
l’abondance du krill proprement dit, du fait de sa répartition inégale ; il peut se cacher dans des
zones non accessibles acoustiquement, de sorte que le recours aux données d’abondance des
baleines, et en particulier aux changements des niveaux d’abondance, peut se révéler utile pour
obtenir aussi des renseignements sur les modifications éventuelles de la production primaire,
notamment de krill. - 33 -
M. GLEESON : Permettez-moi de vous demander de revenir à l’exposé que vous avez
soumis à la Cour, et en particulier à la page 9 de cet exposé, qui concerne la taille des échantillons.
M. WALLØE : Page 9 ?
M. GLEESON : Page 9. Au milieu de la page figure un paragraphe où vous indiquez avoir
reproduit les calculs pour certaines variables en faisant différentes suppositions, et estimer correct
l’ordre de grandeur des résultats obtenus dans le cadre de JARPA II. Pourquoi ne pas avoir inclus
ces calculs dans votre rapport afin de permettre à la Cour et à l’Australie de les examiner ?
M. WALLØE : La raison en est et il s’agit d’un des points faibles, comme je le dis dans
mon exposé, des documents JARPA II , que je ne sais pas vraiment comment les tailles
d’échantillons ont été calculées. Je suis contraint de faire des suppositions, et c’est ce que j’ai
écrit : j’indique quelque part que les explications ne sont pas toujours claires. C’est la critique que
je formule à l’égard du programme JARPA II. J’ai dû faire un certain nombre de suppositions, en
accord ou pas avec la démarche adoptée par les scientifiques japonais, mais l’objectif reste le
même : voir si l’on peut déceler les changements sur une période de six ans bien sûr, il s’agit
42 d’un choix arbitraire, on aurait pu choisir douze ans ou toute autre durée , mais je pense que les
scientifiques japonais voulaient vérifier s’ils pouvaient observer des changements sur une période
de six ans. A cela s’ajoutait, outre le seuil de signification de 5 %, la question de la puissance du
test la probabilité de déceler des changements, le niveau minimal de changement. J’ai donc fait
des calculs portant, par exemple, sur les changements relatifs à l’âge et à la maturité
sexuelle point qui m’intéressait tout particulièrement , et j’ai constaté que le nombre de
baleines nécessaires pour pouvoir observer un changement était de l’ordre de 900.
M. GLEESON : Monsieur Walløe, voici ce qui ressort, semble-t-il, de votre déposition :
premièrement, lorsque vous avez lu JARPA et tenté de comprendre les calculs statistiques de la
taille des échantillons, vous vous êtes heurté à des difficultés considérables. Est-ce exact ?
M. WALLØE : C’est exact. - 34 -
M. GLEESON : Deuxièmement, vous avez réalisé des travaux, qui se trouvent quelque part
mais que vous n’avez pas présentés à la Cour, dans lesquels vous avez tenté de comprendre les
calculs réalisés dans le cadre de JARPA II. Est-ce exact ?
M. WALLØE : C’est exact, et c’est, me semble-t-il, ce que j’ai écrit dans mon rapport. J’ai
relevé ces chiffres et le fait qu’ils soulevaient, selon moi, des difficultés.
M. GLEESON : Ces calculs que vous avez effectués, Monsieur Walløe, où sont-ils ?
M. WALLØE : Eh bien je pense qu’ils sont sur mon bureau, en Norvège. Je ne les ai pas en
tête actuellement.
M. GLEESON : Non, en effet. Aviez-vous une raison de ne pas les joindre à votre rapport,
ce qui aurait permis à la Cour et à l’Australie d’examiner votre avis d’expert en pleine
connaissance de cause ?
M. WALLØE : Je dirais que ces calculs n’étaient pas suffisamment clairs. Le Japon a fourni
un tableau qui s’appuie, me semble-t-il, sur la littérature. Je n’en ai pas discuté avec mes collègues
japonais mais je pense qu’ils se sont référés à un manuel de statistique et ont constaté que certains
43 de ces calculs y figuraient. Je crois même savoir de quel ouvrage il s’agit mais en l’absence
d’éléments précis, je préférerais éviter d’y faire référence. Je ne crois pas que le Japon procède à
l’aveuglette ; il utilise réellement un manuel de statistique.
M. GLEESON : Je vais simplement vous reposer la question, Monsieur Walløe, pourquoi ne
pas avoir soumis vos calculs à la Cour et à l’Australie, ce qui nous aurait permis d’évaluer vos
travaux ? Aviez-vous une raison, oui ou non ?
M. WALLØE : Il n’y a pas d’autre raison que le fait que je pensais que ce n’était
pas … lorsque j’ai formulé cette critique … et bien évidemment j’avais les documents, tout comme
vous et la délégation australienne, dans lesquels se trouve ce tableau. Je pensais donc qu’il me
suffisait de dire que je ne le comprenais pas vraiment, en tout cas, telle est ma réponse. - 35 -
M. GLEESON : Permettez-moi d’essayer de tirer cela au clair. Allons à l’onglet n 15, qui
va s’afficher sous peu à l’écran : le calcul effectué dans le cadre de JARPA pour les baleines à
bosse, de façon à obtenir la taille d’échantillon de l’ordre de la cinquantaine d’individus retenue
dans ce programme, partait de deux principes : premièrement, le projet durerait douze ans et
deuxièmement, il viserait à déceler une évolution de plus ou moins 3 % du paramètre considéré.
Vous souvenez-vous avoir procédé à cette analyse ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Et le paramètre auquel nous nous intéressons ici est la proportion de
femelles gestantes. Vous souvenez-vous de cela ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Seriez-vous donc d’accord pour dire que l’hypothèse d’une évolution de
3 % par an, soit 36 % sur les douze années du programme, n’est pas plausible sur le plan
biologique, compte tenu des connaissances dont nous disposons sur la gestation des baleines à
bosse ?
M. WALLØE : Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question, car je crois que
nous avons déjà abordé ce sujet au sein du comité scientifique, mais une évolution de 3 % par an
chez les baleines à bosse ne me semble pas irréaliste.
44 M. GLEESON : Je ne cherche pas à vous prendre en défaut, peut-être devrais-je vous poser
la question autrement : lorsque vous avez lu le projet JARPA, y avez-vous trouvé des éléments
justifiant de considérer comme une hypothèse plausible, qui méritait d’être testée, l’hypothèse
d’une évolution de plus ou moins 36 % ? En avez-vous trouvé dans le projet JARPA ?
M. WALLØE : Non, mais je ne suis pas tout à fait certain.
M. GLEESON : Je vous remercie. Puis-je passer à la question suivante ? Je n’ai que peu de
temps. - 36 -
M. WALLØE : Les observations que j’ai formulées dans mon exposé d’expert ne concernent
pas les baleines à bosse, mais les petits rorquals.
M. GLEESON : Nous y viendrons, Monsieur. Je vais à présent demander que l’on vous
montre le document figurant sous l’onglet n 16, qui concerne les rorquals communs : en quelques
mots, êtes-vous d’accord pour dire que le prélèvement de cinquante individus devait s’inscrire dans
le cadre d’un projet d’une durée de douze ans visant à mettre en évidence une évolution de plus ou
moins 36 % sur cette période ?
M. WALLØE : Avant que vous ne poursuiviez, je pense que ce que je n’ai pas écrit dans
mon exposé d’expert, mais que j’étais prêt à dire, c’est qu’au cours des consultations que j’ai
menées avec le Japon, avec des scientifiques japonais, je n’ai jamais apprécié le projet portant sur
les rorquals communs, en particulier, et je l’ai d’ailleurs dit aux Japonais avant qu’ils ne
commencent. Je n’ai jamais apprécié ce projet parce que je pense, surtout si l’on s’en tient à
dix-huit baleines, que l’on ne peut pas en tirer d’informations. Et le projet relatif aux baleines à
bosse présente également des lacunes, même si je le trouve mieux présenté et mieux argumenté que
celui sur les rorquals communs.
M. GLEESON : Je vous remercie de votre honnêteté. Toutefois, ma question était la
suivante : êtes-vous d’accord pour dire que, tel que cela nous est présenté dans le projet JARPA,
l’approche est la même pour les rorquals communs que pour les baleines à bosse, à savoir que la
taille d’échantillon est fixée à une cinquantaine d’individus étant entendu que le programme
d’échantillonnage durera douze ans et qu’il s’agit de mettre en évidence une évolution de plus ou
moins 36 % sur cette période ? Et si ces deux critères ne sont pas remplis, l’ensemble des
statistiques ainsi obtenues n’ont plus aucune valeur, n’est-ce pas ?
M. WALLØE : Oui.
45 M. GLEESON : Je vais à présent demander à ce qu’on vous montre, sous l’onglet n 17, un
tableau similaire concernant les petits rorquals. En conservant les mêmes hypothèses, à savoir - 37 -
douze ans et une évolution annuelle de 3 %, le projet JARPA indique qu’il serait nécessaire de
mettre à mort dix-huit baleines seulement. Est-ce exact ?
M. WALLØE : Eh bien…
M. GLEESON : Est-ce exact jusque-là ? Je vous poserai ensuite ma question.
M. WALLØE : Je conviens que c’est ce que montre ce tableau, mais je voudrais souligner
que, dans mon exposé d’expert, j’indique que, pour la plupart de ces calculs pas uniquement
dans le domaine de la recherche baleinière, car mon expérience concerne la recherche médicale ,
l’établissement d’un nombre aussi réduit à partir de calculs de puissance ne se justifie jamais en
pratique, parce qu’on ne connaît pas la distribution, la forme sous laquelle elle se présente. C’est
pour cette raison, que dans les recherches médicales auxquelles j’ai participé, et je le mentionne
dans mon exposé d’expert, il est toujours judicieux d’inclure un nombre nettement plus important
de patients, et dans ce cas précis, je ne suis pas convaincu qu’un nombre aussi réduit calculé à
partir d’une analyse de puissance puisse livrer les informations requises.
M. GLEESON : Seriez-vous toutefois d’accord pour dire que, si l’on appliquait aux petits
rorquals les postulats retenus pour les baleines à bosse et les rorquals communs, à savoir douze ans
et une évolution annuelle de 3 %, seul un nombre restreint de petits rorquals serait nécessaire ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Cependant, dans le projet JARPA II, ces hypothèses ont été modifiées à un
double égard : premièrement, on recherche désormais une évolution plus limitée, de 1 à 1,5 %, et
deuxièmement, la période n’est plus de douze ans, mais de six. C’est ainsi que JARPA II en arrive
à un nombre qui avoisine les 850 individus, n’est-ce pas ?
M. WALLØE : Oui.
M. GLEESON : Lorsque vous avez lu ce projet, y avez-vous trouvé une explication
scientifique justifiant de retenir une période de douze ans pour les baleines à bosse et les rorquals
communs, mais de six ans seulement pour les petits rorquals ? - 38 -
46 M. WALLØE : Comme je l’ai dit il y a quelques instants, je ne me suis pas vraiment
intéressé aux baleines à bosse et aux rorquals communs, parce que je n’appréciais pas
particulièrement cette partie du programme JARPA.
M. GLEESON : Avez-vous trouvé une explication scientifique justifiant le choix de la
période de douze ans pour deux espèces, et de six ans pour la troisième ?
M. WALLØE : Non, je n’ai pas étudié les raisons du choix de la période de douze ans pour
les deux premières espèces. En revanche, je me suis interrogé sur le choix entre une durée de
six ou douze ans dans le cas du petit rorqual. La raison, telle que je l’ai comprise, était que les
évaluations de la mise en œuvre de la RMP avaient lieu tous les six ans voilà pourquoi les
scientifiques japonais, voire le gouvernement, avaient arrêté ce choix.
M. GLEESON : Dans ce cas, pourquoi, Monsieur Walløe, choisir douze ans pour les
baleines à bosse et les rorquals communs ?
M. WALLØE : Comme je l’ai dit, je ne me suis jamais interrogé sur le cas des baleines à
bosse et des rorquals communs parce que je n’appréciais pas ces propositions de capture tout
particulièrement en ce qui concerne les rorquals communs, mais c’est vrai également pour les
baleines à bosse.
Le PRESIDENT : Monsieur Gleeson, il vous reste trois ou quatre minutes. Je dirais plutôt
trois.
M. GLEESON : Je vous remercie, Monsieur le président. Si vous voulez bien revenir à votre
rapport, Monsieur Walløe, en page 10.
M. WALLØE : Veuillez m’excuser, il me faut alors ranger cela. En page 10 ?
M. GLEESON : Au deuxième paragraphe, vous déclarez avoir souvent eu l’impression que
la taille des échantillons était également influencée par des considérations de financement.
Pourriez-vous expliquer ce que vous avez voulu dire par là ? - 39 -
M. WALLØE : Ce que j’ai voulu dire, c’est que les considérations financières entrent
également en ligne de compte lorsque des organismes de financement conseils de recherche ou
autres envisagent de financer des projets ou programmes de recherche coûteux. Dans ce cas
précis, la taille d’échantillon retenue est de l’ordre dequoi ? 850 individus, ce qui correspond
à ce qu’un navire de ce type peut entreposer et ramener au Japon au cours d’une saison. Je crois
donc qu’il a également été tenu compte de ces éléments pour fixer ce nombre de 850 individus.
Mais j’aimerais également dire que, pour répondre à certaines des questions posées, il serait
nécessaire d’avoir recours à des échantillons encore plus importants que ce qui est indiqué ici.
47 M. GLEESON : Deux questions pour finir, Monsieur Walløe. Si les volets relatifs aux
baleines à bosse et aux rorquals communs de ce programme vous posent problème,
considérez-vous que cela porte atteinte à la crédibilité scientifique d’un projet de recherche qui
prétend vouloir modéliser la concurrence entre différentes espèces ?
M. WALLØE : Je considère en particulier le projet relatif aux rorquals communs comme mal
conçu, car la majeure partie de cette population évolue hors de la zone étudiée par le programme
JARPA, plus au nord, et je le redis, cet échantillonnage ne peut être aléatoire en raison de la limite
de taille des individus : seuls pourraient être capturés des rorquals communs de petite taille.
Toutefois, pour les baleines à bosse, et je suis désolé de le dire, parce que je sais que les
baleines à bosse sont… le terme d’animaux «sacrés» a été employé ici-même, et je comprends que
cela soulève des difficultés d’ordre affectif, mais le fait est que la capture de baleines à bosse se
justifie davantage sur le plan scientifique, car celles-ci sont présentes dans la même zone et il serait
intéressant, même à partir d’un petit nombre d’individus, d’observer d’éventuelles évolutions, par
exemple, de la quantité de krill dans l’estomac, de l’épaisseur de graisse de ces baleines, etc.
L’étude des baleines à bosse permettrait de répondre à de nombreuses questions, mais je
comprends également que ce soit délicat sur le plan émotionnel et je crois qu’il est possible, même
sans prélever d’individus de cette espèce, d’obtenir des informations quant à l’évolution de
l’écosystème et peut-être à la concurrence. L’un des exemples est … - 40 -
M. GLEESON : Monsieur Walløe, je me permets de vous interrompre ; sans vouloir être
impoli, il ne me reste que quelques instants. Ma dernière question est la suivante. Avez-vous
déclaré que l’ancien président norvégien de la CBI, son premier président, M. Birger Bergersen,
aujourd’hui décédé, songeait qu’il serait légitime, à des fins scientifiques, de recourir à
l’article VIII pour capturer un nombre de baleines inférieur à dix et n’a jamais envisagé la mise à
mort de centaines de baleines à cet effet et, dans l’affirmative, sur quelles sources vous
fondiez-vous ?
M. WALLØE : J’en conviens et je m’attendais à cette question, car je sais que j’ai accordé
un entretien à ce sujet : c’était il y a un certain temps et à l’époque, après m’être intéressé à la
chasse à la baleine, j’avais été prié de rédiger un article sur M. Birger Bergersen pour le
dictionnaire biographique des personnalités norvégiennes je crois qu’il existe une publication
similaire au Royaume-Uni et dans d’autres pays, le «Who’s who». Invité à rédiger sa biographie,
je me suis rendu aux archives nationales pour consulter ses documents personnels, et j’en ai retiré
48 une vision quelque peu différente de celle qui nous a été présentée par l’Australie quant à la genèse
de la convention, car une grande partie des travaux ont été menés non pas en 1946, mais dans les
années 1930, aboutissant à l’accord de 1937. J’ai lu les notes que Birger Bergersen avait rédigées
quotidiennement pendant la réunion de Londres de 1937, je les ai toutes lues : et, effectivement,
l’idée d’inclure ce qui constitue aujourd’hui l’article VIII, et qui portait un numéro différent à
l’époque, a été formée le tout dernier jour de cette longue session à Londres. Cette disposition a été
présentée sans aucune explication et, dans ses notes, à l’époque, Birger Bergersen qui était
anatomiste, tandis que Kellogg des Etats-Unis était archéologue, ce n’étaient pas des spécialistes
des baleines , dans une lettre adressée à Kellogg, écrit que cette disposition pourrait s’avérer
nécessaire, même dans l’éventualité de la découverte d’une nouvelle espèce de baleine.
Souvenez-vous que la baleine de Bryde venait tout juste d’être découverte, quelques années
auparavant : il s’était alors avéré qu’il s’agissait d’une espèce distincte du rorqual boréal ; c’était
dans les années 1920. Et donc dix ans plus tard, Bergersen, en tant qu’anatomiste, a défendu la
nécessité d’inclure ce paragraphe, qui est désormais l’article VIII, de façon à pouvoir mettre à mort
au besoin des baleines. Sur le fondement de sa propre discipline scientifique, c’est ainsi qu’il a - 41 -
justifié l’article VIII… mais je l’avais déjà dit dans un entretien et je m’attendais donc à cette
question.
M. GLEESON : Je ne suis pas certain que vous ayez expliqué ce qui vous a amené à
conclure qu’il ne pensait pas nécessaire de tuer plus de dix baleines.
M. WALLØE : Dans certains cas, un anatomiste n’aura besoin d’étudier qu’un seul
spécimen, mais Bergersen a évoqué un nombre limité et indiqué dans cette note : par exemple,
moins de dix individus.
M. GLEESON : Je vous remercie. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le PRESIDENT : Monsieur Lowe, souhaitez-vous procéder à un interrogatoire
complémentaire ?
M. LOWE : Je vous remercie, Monsieur le président, je n’ai pas d’autres questions.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup. La Cour va à présent se retirer pendant une dizaine de
minutes, mais il est demandé aux Parties et à l’expert de ne pas s’éloigner de la grande salle de
justice. Après cette pause, nous regagnerons la salle, et il me semble que certains juges auront des
questions à poser à Monsieur Walløe. L’audience est suspendue pendant dix minutes.
49 J’invite Monsieur Walløe à profiter de ces dix minutes pour reprendre des forces et à
s’abstenir de toute communication avec des membres des délégations japonaise ou australienne ou
avec certains de ses collègues du comité scientifique.
M. LOWE : Oui, aucun contact avec les conseils pendant cette pause.
L’audience est suspendue de 16 h 35 à 16 h 50.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience reprend. Le juge Greenwood sera le
premier membre de la Cour à poser une ou plusieurs questions à M. Walløe.
Monsieur le juge Greenwood, vous avez la parole. - 42 -
Juge GREENWOOD : Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur Walløe, je pense
que nous gagnerions du temps si vous aviez une copie de votre propre rapport sous les yeux, car je
voudrais vous poser quelques questions à ce sujet.
M. WALLØE : Je l’ai devant moi.
Juge GREENWOOD : Pourriez-vous l’ouvrir à la page 10, s’il vous plaît ?
M. WALLØE : Oui.
Juge GREENWOOD : Voici ce que vous énoncez au deuxième paragraphe : «[I]l convient
d’admettre que les scientifiques japonais n’ont pas toujours fourni des explications complètement
claires et transparentes sur la manière dont la taille des échantillons a été calculée ou déterminée et,
à la lecture des projets de recherche JARPA et JARPA II soumis au comité scientifique de la CBI,
j’ai souvent retiré l’impression que cette taille était également influencée par des considérations de
financement». Pourriez-vous, s’il vous plaît, indiquer simplement à la Cour à quelle taille
d’échantillons vous faites ici référence, s’agissant du programme JARPA II ?
M. WALLØE : Je me réfère à la taille d’échantillons fixée à 850.
Juge GREENWOOD : Pour les petits rorquals donc ?
M. WALLØE : Les petits rorquals. Mon commentaire ne porte pas sur la taille des
échantillons de baleines à bosse ou de rorquals communs.
50 Juge GREENWOOD : Bien. Je vous remercie. A la lecture du document soumis au comité
scientifique de la CBI, à propos duquel vous avez déjà été interrogé, êtes-vous en mesure de
comprendre les raisons scientifiques qui ont conduit à retenir une taille d’échantillons nettement
plus élevée que celle qui avait été fixée dans le cadre du programme JARPA je pense qu’il s’agit
du double du nombre d’individus capturés alors, deux fois la taille d’échantillon appliquée au cours
des dernières années du programme JARPA et près de trois fois la taille initialement fixée dans ce
programme ? - 43 -
M. WALLØE : Je n’ai pas du tout participé aux débuts du programme JARPA, mais je
considère, d’après ce qu’on m’a expliqué, qu’il s’agissait en partie d’une étude de faisabilité, même
si, bien évidemment, elle ne portait pas sur dix baleines seulement mais sur un nombre qui était
élevé, même à l’époque. Cependant, dans mon exposé d’expert, je n’examine rien d’autre que la
taille des échantillons retenue dans le cadre de JARPA II. JARPA est un programme bien plus
complexe et je dois admettre que j’ai quelques réserves sur certain de ses aspects, mais mon exposé
porte uniquement sur JARPA II.
Juge GREENWOOD : Je vous remercie. Bien, permettez-moi alors de vous poser une
question complémentaire sur ce point. Lorsque le programme JARPA II a été présenté pour la
première fois au comité scientifique de la CBI sous forme de projet, il y était notamment question
de passer d’un nombre de 300-400 petits rorquals, soit la taille de l’échantillon appliquée pendant
quelque seize ans dans le cadre du programme JARPA, à un chiffre plus de deux fois plus élevé.
Voyez-vous des raisons scientifiques de conclure que le nombre initial était trop faible et, par
conséquent, qu’il était nécessaire de le relever ?
M. WALLØE : Je pense avoir saisi les raisons de cette augmentation mais, bien évidemment,
je n’ai pas fait à l’époque les mêmes calculs que lorsque j’ai rédigé mon exposé. Cependant, il était
également évident que certains des objectifs du programme JARPA n’avaient pas été atteints, en
partie à cause de la taille trop restreinte de l’échantillon. Ce n’était pas la seule raison, mais c’en
était une.
Juge GREENWOOD : Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Merci. C’est le juge Cançado Trindade qui posera la question suivante.
Juge CANÇADO TRINDADE : Je vous remercie, Monsieur le président. La connaissance
spécialisée de tel out tel domaine n’étant plus aujourd’hui considérée comme suffisante, voire
51 souhaitable, dès lors qu’elle est isolée des autres domaines de connaissances, d’aucuns ont, ces
dernières années, exprimé le souhait de voir relier ces domaines et c’est d’ailleurs également
vrai, ajouterai-je, en ce qui concerne les juridictions internationales, dans leurs efforts pour mieux - 44 -
instruire les affaires qui leurs sont soumises. En gardant cet élément à l’esprit, j’aurai trois
questions étroitement liées à poser à Monsieur le professeur Walløe.
Premièrement : Selon vous, l’utilisation de méthodes létales aux fins du programme
JARPA II, par opposition à d’autres méthodes de «recherche», conduit-elle à des résultats
«scientifiques» notables ou importants ? Ces méthodes sont-elles essentielles pour obtenir ces
résultats ou ceux-ci peuvent-ils être obtenus par l’utilisation de méthodes non létales ?
M. WALLØE : Comme j’ai, je crois, au moins essayé de le dire au cours de la vingtaine de
minutes qu’a duré ma présentation initiale, je considère qu’il est, en théorie, possible d’obtenir des
données génétiques et certaines autres informations, notamment sur la pollution, en recourant au
seul échantillonnage biopsique même si, selon mes collaborateurs en Norvège nous avons plus
l’expérience de la mer de Barents que de l’océan Antarctique , l’échantillonnage létal permet
d’obtenir ces informations bien plus efficacement. En revanche, la seule pratique de
l’échantillonnage biopsique ne permet pas de répondre à certaines autres questions. Donc, en fait,
j’ai admis l’explication du Japon sur la nécessité de l’échantillonnage létal.
Juge CANÇADO TRINDADE : Deuxièmement, et je reviens sur un point qui a déjà été
mentionné : s’agissant des axes de «recherche scientifique» suivis et des objectifs visés dans le
cadre du programme JARPA II, peut-on déterminer le nombre total de baleines qu’il faut tuer pour
atteindre ces objectifs ?
M. WALLØE : Non… Mais voulez-vous dire sur une longue période ?
Juge CANÇADO TRINDADE : Oui, comme celle que couvre le programme JARPA II.
M. WALLØE : Non, moi, je ne le peux pas. Je pense que c’est difficile et que cela dépend
de la problématique que vous privilégiez. Je pense que, pour le moment et pendant encore
quelques années , la mise à mort de 850 individus se justifiera, mais n’oubliez pas d’où je
viens , je l’ai déjà indiqué, même si cela n’est pas pertinent en l’espèce ; en ce qui concerne la
mise à mort de baleines, comme celle d’autres animaux, pour autant que nous ayons la certitude - 45 -
qu’elle ne s’accompagne pas de souffrances et que la chasse pratiquée soit viable, je n’ai aucune
objection à la mise à mort de baleines comme méthode scientifique.
52 Juge CANÇADO TRINDADE : Troisième et dernière question : connaissez-vous d’autres
programmes pour lesquels l’emploi de méthodes létales a été jugé essentiel ? Et, dans
l’affirmative, que pourriez-vous nous dire du recours qui est fait de ces méthodes dans ces autres
programmes par rapport à leur utilisation dans le cadre de JARPA II ?
M. WALLØE : Veuillez m’excusez, votre question vise-t-elle les recherches sur les baleines
ou sur les animaux en général ? Car alors, même si ce n’est pas nécessairement… Je veux
dire … je n’ai pas ces informations en tête, mais il est évident qu’il existe d’autres exemples
dans…
Juge CANÇADO TRINDADE : Ma question concerne les recherches sur les baleines,
puisque vous avez vous-même mentionné il y a quelques minutes avant notre brève pause
l’évaluation du programme JARPA II qui aurait lieu l’année prochaine.
M. WALLØE : Bien entendu, comme je l’ai mentionné, au début des années 1990, la
Norvège effectuait des recherches en vertu de permis spéciaux sur le contenu de l’estomac il lui
fallait obtenir le volume nécessaire. Or, contrairement à l’Antarctique, où les cétacés se nourrissent
pour l’essentiel d’une ou deux espèces de krill, ces espèces pourraient être au nombre de trois ou
quatre dans l’Atlantique Nord et dans la mer de Barents, et nous devions établir, à l’époque, ce que
nos petits rorquals de l’Atlantique Nord consommaient, et en quelle quantité, en fonction de
l’abondance de ces espèces dans la zone où ils évoluaient. Nous devions donc employer des
méthodes létales pour obtenir ces informations, et celles-ci étaient ensuite utilisées dans le cadre
d’un modèle informatique appelé Ultspec, qui a été présenté alors aux associations de pêche et
publié dans des revues spécialisées. Donc, pour cette recherche, le recours à des méthodes létales
était nécessaire.
Juge CANÇADO TRINDADE : Je vous remercie, Monsieur le professeur Walløe ; merci,
Monsieur le président. - 46 -
Le PRÉSIDENT : Je vous remercie. C’est à présent au tour du juge Yusuf de poser une
question.
Juge YUSUF : Je vous remercie Monsieur le président. Monsieur Walløe, j’aimerais mieux
comprendre votre position au sujet des critères avancés par M. Mangel quant aux caractéristiques
d’un programme de recherche scientifique. Il m’a semblé comprendre que vous n’étiez pas
d’accord avec ces critères ? Est-ce bien ce que vous avez dit ?
53 M. WALLØE : Si vous faites référence aux quatre critères je ne les ai pas sous les yeux,
je vais donc devoir les demander , il me semble que j’en approuve l’essentiel mais pas la totalité.
Voilà ce dont je me souviens pour l’heure, mais j’aimerais les voir avant de me prononcer.
Juge YUSUF : Ils figurent en page 5 de votre rapport.
M. WALLØE : De mon rapport ? Alors je dois pouvoir les retrouver ; je pensais que vous
parliez d’autre chose, excusez-moi… Ah, oui. Je n’ai pas mentionné ici le quatrième critère, selon
lequel un programme ne devrait pas mettre en danger les populations, qui s’est ajouté à ces trois-là.
J’approuve totalement le quatrième critère, c’est pour cela que je ne l’ai pas mentionné. Par contre,
en ce qui concerne ces trois critères, j’admets c’est ce que j’essayais de dire au début
j’admets, disais-je, qu’il doit y avoir certaines questions, des points que les scientifiques aimeraient
explorer, mais pas nécessairement des questions précises. C’est sur ce point que je ne suis pas
d’accord, sur le fait qu’il doive s’agir de questions précises ; au sens où M. Mangel l’entend, il
s’agit d’une hypothèse si précise que l’on peut d’emblée savoir quel type et combien
d’observations seront nécessaires pour obtenir un seuil de signification de 5 % et une puissance de
80 % ou 95 % pour employer les termes statistiques et là, je ne suis pas d’accord. Mais sur la
première partie de ce critère, je n’ai aucune objection. Concernant le deuxième critère, voulant que
le programme s’appuie sur le bon éventail d’outils empiriques là, je suis d’accord mais afin
de répondre aux questions, parmi lesquelles la définition de la taille des échantillons à l’aide d’un
raisonnement statistique correct, je suis d’accord, oui, mais comme je l’ai déjà écrit dans cet exposé
et explicité ensuite, j’ai de réels doutes sur l’emploi de la méthode statistique pour calculer les
tailles d’échantillons, car cette méthode se révèle très souvent inadaptée et ce, pour une raison - 47 -
statistique, à savoir qu’on ne sait jamais quelle sera la distribution des variables étudiées. Et c’est
l’une des raisons qui m’ont conduit à m’intéresser à la fiabilité des méthodes statistiques, et j’ai
même développé, par simulation informatique, avec l’un de mes étudiants, des méthodes qui
peuvent être utilisées dans le cadre d’essais cliniques, et pour lesquelles il n’est pas nécessaire de
calculer à l’avance les tailles d’échantillons. On les appelle méthodes séquentielles, elles ne
peuvent pas être utilisées dans ce type de recherches sur les baleines, mais le sont à présent très
souvent dans le cadre d’essais cliniques destinés à tester de nouveaux médicaments ou de nouveaux
traitements.
Juge YUSUF : Je vous remercie. Vous avez longtemps fait partie du comité scientifique.
Cette question de la définition des caractéristiques d’un programme mené en vue de recherches
scientifiques, ou de l’établissement de critères pour ces recherches scientifiques, ne s’est-elle
54
jamais posée au comité en tout cas pendant la période où vous y avez siégé ?
M. WALLØE : Elle s’est effectivement posée si dans le cadre des programmes
JARPA, JARPN et JARPA II, les trois programmes de recherche dont deux seulement sont ici
mentionnés. Elle a été examinée par le comité scientifique et a été à l’origine de vives discussions
au sein du comité.
Juge YUSUF : Le comité scientifique n’a donc jamais, dans votre souvenir, établi de
critères ?
M. WALLØE : Pas au-delà de ceux que vous trouvez dans les différentes annexes qui ont été
adoptées, proposées par le comité scientifique, puis soumises à la commission pour revenir ensuite,
si je comprends bien, officiellement, sous la forme de résolutions. Une majorité simple suffit, mais
la décision a toujours été prise par consensus tant au sein du comité scientifique que de la
commission. Et pour cette raison, c’est bien évidemment ce que je voulais dire tout à l’heure, il y a
éventuellement ce quatrième objectif qui se distingue de la gestion des baleines, etc. Dans la
mesure où ces annexes, qui ont évolué quelque peu avec le temps, existent, il y a accord au sein du
comité scientifique. - 48 -
Juge YUSUF : Et ma dernière question qui porte en fait toujours sur le même sujet, est
celle-ci : avez-vous connaissance de critères, ou d’un ensemble de critères, établis ou adoptés par
des organismes professionnels opérant dans vos domaines de recherche scientifique, pour définir
un projet de recherche scientifique ?
M. WALLØE : Oui j’en connais, mais cela dépend un peu de ce que vous entendez par
critères ; par exemple, dans le domaine de la recherche médicale, il existe un ensemble de critères
qui portent sur l’aspect déontologique de l’essai ; il est ainsi jugé contraire à l’éthique de procéder à
un essai sans la puissance suffisante, car cela revient alors à gaspiller les ressources, à se servir de
patients pour des recherches qui n’apporteront aucune connaissance utile. Donc, dans le domaine
de la recherche médicale, en particulier en ce qui concerne les patients, il existe un ensemble défini
de critères, c’est exact.
Juge YUSUF : Je vous remercie, Monsieur Walløe. Je vous remercie, Monsieur le président.
55 Le PRESIDENT : Je prierai à présent le juge Bennouna de bien vouloir poser sa question.
You have the floor, Judge Bennouna.
Juge BENNOUNA : Je vous remercie, Monsieur le président. J’aimerais vous poser une
question, Monsieur Walløe. Je vais procéder par étapes, et vous devinerez probablement où je
veux en venir ce qui sera, au final, ma question. Monsieur Walløe, pouvez-vous dire à la Cour
depuis combien de temps vous vous intéressez ou participez personnellement aux recherches
scientifiques effectuées dans le cadre de la chasse à la baleine, particulièrement dans
l’Antarctique ?
M. WALLØE : Pour ce qui concerne l’Antarctique, il m’est assez difficile de vous répondre,
mais je peux dire précisément à quand remonte mon intérêt pour la chasse à la baleine, comme je
l’ai fait en réponse à une question de M. Lowe : c’était en mai 1986, à la fin d’une réunion de la
commission, qui se tenait cette année-là en Suède, et j’ai vu à la télévision un débat entre le
commissaire norvégien de l’époque (M. Per Tresselt, que j’ai déjà mentionné) et M. Sidney Holt,
grand nom de l’opposition à la chasse à la baleine. Peu de temps après, j’ai reçu un appel de - 49 -
Mme Brundtland, et c’est comme ça que tout a commencé. Mais pour ce qui concerne
l’Antarctique, je me suis d’abord intéressé aux méthodes de mise à mort, tant pour le Pacifique
nord que pour l’océan Austral d’ailleurs, car il s’agissait de savoir si ces méthodes étaient efficaces.
A l’époque, les Japonais utilisaient une méthode de mise à mort secondaire : lorsque la baleine
n’était pas tuée par l’impact du harpon, on utilisait la technique dite de la «lance électrique».
Celle-ci avait été vivement critiquée par la commission, mais pas débattue au sein du comité
scientifique. En 1996, comme je croyais que les Japonais pouvaient certes établir des preuves de
l’efficacité de la lance électrique, mais que la méthode norvégienne (consistant à achever l’animal
d’un coup de fusil) était préférable, on m’a demandé, ou plutôt il serait plus juste de le dire
ainsi j’ai proposé d’effectuer les calculs. Quelque temps plus tard, on m’a transmis les données,
et ce fut ma première expérience (c’était dix ans après mes débuts à la commission et au comité
scientifique). Pendant les dix premières années, je n’avais eu aucun contact avec les Japonais, à
l’exception d’échanges d’amabilités à la commission et au comité scientifique, cela a commencé
ensuite.
Juge BENNOUNA : Je vous remercie. J’imagine que le Japon s’intéressait aux recherches
scientifiques sur la chasse à la baleine avant le lancement du programme JARPA ?
56 M. WALLØE : En effet.
Juge BENNOUNA : En 1987… Comme vous le savez, c’est en 1987 (la date est importante
puisque vous-même avez commencé, vous l’avez dit, en 1986) que le Japon a accepté le moratoire
de la chasse commerciale. Ce que je voudrais ou que la Cour voudrait savoir, c’est tout
d’abord de quelle façon le Japon menait ses recherches dans ce domaine avant le programme
JARPA. Le savez-vous ?
M. WALLØE : Je le sais en partie, mais les informations dont je dispose ne sont peut-être
pas assez précises. C’est la chasse commerciale qui permettait aux Japonais d’obtenir des
échantillons et des données. C’est de cette façon qu’ont, par exemple, été obtenues les
informations sur le déclin de l’âge de la maturité sexuelle observé entre 1945 et 1970, dont j’ai déjà
parlé. Toutes provenaient d’individus capturés dans le cadre de la chasse commerciale, qui a donc - 50 -
permis de collecter des données. J’ignore si des scientifiques se trouvaient à bord des bateaux ou si
les échantillons étaient prélevés après l’arrivée des bateaux au port, je n’ai pas d’informations
détaillées, mais ces éléments ont été obtenus, dans l’Antarctique, grâce aux captures effectuées lors
d’opérations de chasse commerciale.
Juge BENNOUNA : Voilà qui est intéressant. Ainsi, les échantillons étaient prélevés sur des
spécimens capturés lors d’opérations commerciales ? Voici donc la question suivante
(probablement la dernière, rassurez-vous) : savez-vous pourquoi, précisement, le Japon a justement
décidé de lancer ce programme JARPA de recherche scientifique en 1987, au moment où il
acceptait le moratoire, qui mettait un terme à la chasse commerciale ? Est-ce une pure
coïncidence ? Pourquoi le savez-vous ? , pourquoi au juste le Japon a-t-il décidé de lancer le
programme JARPA en 1987 ?
M. WALLØE : Je voudrais formuler deux observations. Vous l’aurez compris, j’étais
proche du premier ministre de la Norvège de l’époque, Mme Brundtland, et j’étais donc impliqué ;
je ne participais pas aux négociations, mais j’observais ce qui se passait et lui en rendais compte.
Or, comme nous l’avons entendu expliquer l’autre jour, les Etats-Unis exerçaient de fortes
pressions sur trois pays : le Japon, l’Islande et la Norvège. Les deux autres pays y ont cédé. Mais
Mme Brundtland était têtue, et elle a fait valoir que la Norvège était un membre fidèle de l’OTAN,
que son pays se pliait aux volontés des Etats-Unis, et qu’elle n’accepterait pas de subir des
pressions sur ce point. Elle a donc décidé de ne pas opter pour la levée. Cela dit, bien
évidemment, nous avions des contacts. Mais je n’étais pas impliqué, j’avais seulement entendu
mon premier ministre dire que les Japonais envisageaient de lever leur objection, parce qu’ils
57 pensaient que le moratoire serait réexaminé en 1990. Par ailleurs, il y avait beaucoup de baleines
dans l’océan Antarctique mais c’est une information que j’ai eue indirectement, ce ne sont pas
les Japonais qui me l’ont dit, mais Mme Brundtland et les membres de son cabinet. Il me semble
que c’était donc le contexte de l’époque, mais par ailleurs, et c’est en partie la raison pour laquelle
nous sommes parvenus, en Norvège, à résister aux pressions, nous avons alors décidé que nous
devions tout au moins collecter des données scientifiques. J’ai d’abord dirigé un petit groupe de
scientifiques qui se composait de Britanniques et d’un Américain. Mais le Gouvernement des - 51 -
Etats-Unis a par la suite interdit à son ressortissant d’y participer, et finalement, nous nous sommes
retrouvés à deux scientifiques norvégiens et deux scientifiques britanniques deux scientifiques
de renom, Roy Anderson et Ray Beverton. Ainsi, l’année suivante, rien n’indiquait que
l’abondance des petits rorquals déclinait dans l’Atlantique nord, mais si la Norvège voulait
continuait à en capturer, il lui fallait des preuves scientifiques plus solides. Nous nous sommes
donc mis au travail. Je sais que les Japonais avaient besoin d’approfondir et de développer leurs
recherches, mais là, il s’agit de simples conjectures je suppose qu’ils avaient des raisons de
lancer immédiatement le programme JARPA. C’est en tout cas ce que j’ai entendu dire de la
bouche des Japonais.
Juge BENNOUNA : Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Merci. Le juge Keith souhaite à présent poser une question. Vous avez la
parole, Monsieur.
Juge KEITH : Je vous remercie, Monsieur le président. Merci, Monsieur Walløe. Revenons,
si vous le voulez bien, à votre rapport initial, en bas de la page 13 et en haut de la page 14, où vous
commentez l’objectif de suivi de l’écosystème de l’Antarctique. Je suis d’accord avec vous pour
dire que la zone que les Japonais affirmaient surveiller était immense, la moitié de la superficie de
l’Antarctique. S’agissant de la méthode scientifique et je pose la question en toute naïveté , je
crois comprendre qu’il existait ou qu’il existe un certain nombre d’autres projets de
recherches traitant de ce vaste sujet dans la région du monde dont vous êtes originaire, ainsi que
dans la région dont je suis moi-même originaire, même si mon pays natal n’est qu’à mi-chemin de
l’Antarctique. Je pense en tout cas au programme SORP, à la CCAMLR et au comité scientifique
pour les recherches antarctiques ; et il me semble qu’il y a aussi les instituts japonais pour la
recherche polaire et pour les pêcheries d’Extrême-Orient. Je voudrais donc savoir s’il serait
58 justifié, du point de vue scientifique, dans le cas des programmes JARPA et JARPA II, qu’il y ait
des liens ? Car je n’ai pas remarqué de liens entre ces programmes et les autres projets portant sur
l’écosystème de l’Antarctique en général. Je vous remercie. - 52 -
M. WALLØE : Je ne suis pas tout à fait sûr de comprendre la question. Voulez-vous
connaître mon avis sur une éventuelle coopération entre les scientifiques de la CCAMLR et ceux
du programme JARPA II ?
Juge KEITH : En effet.
M. WALLØE : Parce qu’il s’agit de tout l’Antarctique ? Naturellement, si c’était possible,
j’estime que cela serait précieux. Néanmoins, et cela me ramène aux enjeux politiques, il existe au
sein du comité scientifique des opinions très arrêtées sur la valeur des recherches létales. Certains
de ces scientifiques appartiennent également au comité scientifique de la CCAMLR l’un d’eux
est d’ailleurs celui auquel j’ai fait référence dans mon intervention précédente. Il y a donc des
scientifiques norvégiens à la CCAMLR, puisque la Norvège a des intérêts politiques dans
l’Antarctique. Mais je crois que cela serait difficile, pour des raisons politiques et personnelles. Je
voudrais néanmoins ajouter que, selon moi, cela serait utile, et puisque la question ne pas été posée
lors du contre-interrogatoire, je voudrais préciser que je collabore désormais également avec
l’Australie dans le cadre du programme SORP avec M. Gales. Et ce, parce que je considère
que, comme vous le donnez à entendre, cette coopération sera fructueuse.
Juge KEITH : Deux des organes que j’ai mentionnés dans ma question (question dont la
portée était, je m’en rends bien compte, très vaste) étaient des instituts japonais : le problème
politique ne se poserait donc pas, n’est-ce pas ? Avez-vous un avis sur cet institut pour la recherche
polaire et celui pour les pêcheries d’Extrême-Orient ? Je ne sais pas, peut-être que leurs domaines
de compétence sont trop différents ?
M. WALLØE : J’ai de nouveau eu quelque difficulté à vous entendre. Si voulez savoir s’il
existe au Japon d’autres instituts scientifiques avec lesquels nous pourrions davantage collaborer, la
réponse est oui.
Juge KEITH : Je vous remercie.
59 Le PRESIDENT : Je vous remercie. Et maintenant, une question de
Mme la juge Charlesworth. Vous avez la parole, Madame. - 53 -
Juge CHARLESWORTH : Je vous remercie, Monsieur le président. Merci,
Monsieur Walløe. Ma question, comme celle du juge Keith, concerne la méthode scientifique. Je
me demande de quelle manière les scientifiques déterminent si l’échantillon de petits rorquals
capturés dans le cadre du programme JARPA II est représentatif de l’ensemble de la population.
Comment sait-on que l’on ne capture pas seulement les spécimens les plus lents, par exemple ?
M. WALLØE : Bien sûr, d’un point de vue statistique, les captures ne sont pas
représentatives des petits rorquals de l’autre moitié de l’Antarctique. Nous ne connaissons pas les
limites des aires où évoluent les deux stocks principaux. Peut-être ces populations se croisent-elles
de l’autre côté de l’Antarctique ou peut-être existe-t-il un autre stock, voire plusieurs, avec des
caractéristiques biologiques différentes. Mais, pour l’heure, nous l’ignorons. Je continue
néanmoins de penser que les informations collectées seront très précieuses pour les deux stocks. Se
pose également le problème des sous-populations, dont nous ne savons rien, à ce jour.
Le PRESIDENT : Je vous remercie. Ainsi s’achève l’interrogatoire de M. Walløe. Au nom
de la Cour, je le remercie de s’être présenté devant nous. Il peut à présent quitter le pupitre. Et
comme il nous reste 45 minutes, j’invite M. Pellet à poursuivre son exposé.
M. WALLØE : Avant de me retirer, je voudrais vous remercier, Monsieur le président, ainsi
que les membres de la Cour, pour leurs questions fort intéressantes.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Walløe.
Mr. PELLET: Thank you very much, Mr. President. That is good timing, since I should
need no more than 45 minutes.
Mr. President, Members of the Court, this morning I demonstrated that Article VIII was
limpide, or “crystal clear”, which is much more poetic. Consequently, there is no need to resort to
supplementary or auxiliary means of interpretation; as I said, that does no harm, but in fact those
methods confirm in every respect what emerges from a reading of the text when a plain and natural
60 meaning is given to its terms. That is true with regard to the preamble, the travaux préparatoires - 54 -
and the subsequent practice; and it was the subsequent practice that I had reached at the close of
this morning’s session.
C. Subsequent practice
1
36. Mr. President, Australia makes much of the subsequent practice of the Parties . But it is
of no more help to its argument than is recourse to the context or the travaux préparatoires. On the
contrary, the relevant practice — and I must emphasize that word, Mr. President, the relevant
practice — confirms that Article VIII, which is an exception to the other rules that apply to whaling
contained in the Convention, confers discretion on the Contracting Governments to issue special
permits and to determine their content as they think “fit”, including the authorization “to kill, take,
and treat whales” and the number of animals concerned.
37. Three observations may be made here:
1. the instruments of secondary law referred to by Australia that are obligatory in nature do not
apply in the present case or do not have the significance given them by Australia;
2. while it is true that other instruments appear to lend support to Australia’s argument, those
instruments are no more than recommendations; and
3. that is why Australia and other “anti-hunting” States have sought to have the Convention, and
in particular Article VIII, revised — but hitherto without success.
1. The differing legal value of the texts adopted by the Commission
2
38. Australia’s extensive use of the texts adopted by the IWC raises questions as to the role
that can be attributed to them in the present case.
39. Article III, paragraph 2, of the Convention, which sets out the powers of the IWC and the
conditions under which they may be exercised, establishes the principle of the adoption of the
61 “decisions” of the Commission “by a simple majority of those members voting”, but specifies that
“a three-fourths majority of those members voting shall be required for action in pursuance of
Article V”.
MA, pp. 164-170, paras. 4.65-4.80; CR 2013/8, pp. 35-41, paras. 35-52 (Crawford).
See in particular MA, pp. 27-52, paras. 2.47-2.98, pp. 147-152, paras. 4.20-4.30, pp. 160-161, paras. 4.53-4.56,
pp. 164-170, paras. 4.65-4.80. - 55 -
40. That difference in the voting system is reflected in a difference in normative value
between the two types of acts that the IWC can adopt: amendments to the Schedule, on the one
hand, and recommendatory acts, on the other. Indeed, Article V of the Convention gives the
Commission the power to amend the Schedule to the Convention, which has the same value as the
3 4
latter . Consequently, amendments adopted by the IWC by an enhanced majority of three-fourths
are binding on the Parties, unless “any Government presents to the Commission objection to any
amendment prior to the expiration of [a] ninety-day period” , in which case it is not binding — that
amendment is not binding — on that Government. In contrast, the acts adopted by the Commission
by simple majority are not binding in nature, regardless of whether or not there is an objection from
any Government.
41. Of the amendments to the Schedule adopted by the IWC, only one concerns the matters
6
governed by Article VIII of the Convention: it is paragraph 30 of the Schedule adopted in 1979 —
the text of which you can find at tab 2 of the judges’ folder. The other amendments which
7
Australia refers to as being “additional conservation measures” — namely, the establishment of
8 9 10
the Indian and Southern Ocean sanctuaries, the commercial whaling moratorium and the factory
ship moratorium — all these regulations are applicable only to commercial whaling, and not to
special permits. Consequently, they can in no way inform the interpretation of Article VIII.
62 42. Australia understands from paragraph 30 of the Schedule that it has the effect of reducing
the discretion enjoyed by Contracting Governments under Article VIII. In Australia’s view, the
introduction of this provision had the effect of amending that Article, establishing “detailed criteria
that had to be addressed before a Contracting Government could issue a permit under
3See Art. I, para. 1.
4Art. III, para. 2.
5
Art. V, para. 3 (a).
6
CMJ, Ann. 6.
7
MA, p. 160, para. 4.53. See also CR 2013/11, pp. 34-35, para. 35 (Gleeson).
8CMJ, Ann. 6, para. 7 (a).
9Ibid., para. 7 (b).
10Ibid., para. 10 (e).
11
Ibid. - 56 -
12
Article VIII” . Although it has a more nuanced approach, New Zealand considers that
paragraph 30 was introduced to enable the Commission to oversee the implementation of
Article VIII, thereby probably implying, but without really daring to say so, that the IWC could
rule on the validity of permits that had been proposed in order, possibly, to prevent them from
13
being granted . I note, however, that Professor Crawford wisely asserted that “that is not the
point” . I have known my friend to take a less circumspect approach in the past — and no doubt
the “point” must seem a very awkward one, for him to sidestep it in such a way.
43. In fact, paragraph 30 provides guidance for a power that remains one of discretion, but it
does not constrain the exercise of that power. The same applies to the guidelines, which are
documents adopted by the Scientific Committee 15 in order to guide the implementation of
paragraph 30 in respect of the review of special permits. These documents, known as
Annexes (L, O or P) , were subsequently approved by the IWC, through a series of resolutions.
Neither paragraph 30 nor the guidelines transform a discretionary power into one that is
circumscribed. Ms Takashiba will address this point at greater length tomorrow morning.
44. I therefore need say no more than that Japan does not dispute the binding nature of
paragraph 30, but it does not follow that that provision can be deemed to have modified the
Convention, as our friends on the other side claim . At no point in the Convention is it envisaged
63 that the Commission could modify its actual terms by means of amendments to the Schedule under
Article V .8 It is true that the Schedule forms an integral part of the Convention, but the
amendments the Commission may make to it from time to time under Article V are subject to
specific rules which do not apply to any revision of the actual body of the Convention. This clearly
shows that the Parties cannot amend the Convention by means of that simplified procedure.
12
MA, para. 4.30.
13See WON, paras. 86 and 105.
14CR 2013/8, p. 33, para. 29.
15
See CMJ, para. 8.31. See also CR 2013/8, pp. 21-22, paras. 28-30.
16
See CMJ, para. 8.68.
17See CR 2013/7, p. 61, para. 66 (Boisson de Chazournes).
18See, in this regard, Written question from Terje Aasland (A) to the Minister of Fisheries and Coastal Affairs.
Answered on 20 June 2013 by the Minister of Fisheries and Coastal Affairs, Lisbeth Berg-Hansen, available at:
http://www.regjeringen.no/en/dep/fkd/Whats-new/News/2013/scientific-res…. - 57 -
45. Moreover, the subsequent practice of the States parties confirms that they have not given
the IWC such a power of amendment. Thus, on the only occasion that they have amended the
actual text of the Convention, they did so by means of a protocol, which itself was subject to
signature and ratification .
46. The circumstances under which the only protocol to the Convention was adopted in 1956
are instructive in a variety of ways. The aim was to amend the provisions of the actual text of the
Convention in order to extend the IWC’s responsibilities. The Contracting Governments agreed
that that could not be done in haste by simply adding to the Schedule provisions amending the body
of the Convention, even though it was understood that the protocol would not enter into force until
all the States parties had ratified it. This clearly shows that it is not sufficient for the Commission
to adopt texts by a majority, even an enhanced majority, for the Convention itself to be amended . 20
Australia and New Zealand are fully aware of that, and that also forms part of the subsequent
practice, since it is by means of formal protocols of amendment that they have sought,
unsuccessfully so far, to modify the Convention and in particular Article VIII thereof — I shall
return to this shortly, and at greater length tomorrow.
47. In contrast to paragraph 30 of the Schedule, whose provisions are binding on the
Contracting Governments, the Committee’s recommendations (and any positions that the IWC
might adopt on the special permits notified by the Governments) are not binding in nature. They
are purely recommendatory acts, facilitating co-operation between a State granting a special permit
64 and the organs of the Convention, in particular the Scientific Committee — organs which are not
intended to restrict the rights that States hold under Article VIII; the IWC is not a supranational
organization. And this leads me to answer the questions that Judge Greenwood did not put to
us . . .; but I do not think he will be upset with me for attempting to do so all the same.
First question: “What is the precise legal basis on which it is said that Japan has
a legal obligation [I suppose, Judge Greenwood, that you mean a binding legal
obligation?] arising from the recommendations contained in resolutions of the IWC?”
Answer: there is no such legal basis.
Second question: “And what is the precise content of that obligation?” Answer:
no legal basis, no obligation, no content at all . . .
19
See the Protocol of 19 Nov. 1956 amending Arts. II and V of the Convention; CMJ, Ann. 6.
20See Art. III, para. 2, of the Protocol of 19 Nov. 1956 amending Arts. II and V of the Convention; CMJ, Ann. 6. - 58 -
48. That has not prevented Japan from adopting a highly constructive attitude with regard to
those recommendations, as I shall show tomorrow, in my next — and final — speech. But that
does not render them legally binding.
49. Mr. President, this brings me to a brief consideration of the role played (or not played) by
a number of soft law instruments on which Australia relies in its attempt to have Article VIII say
the opposite of what it actually says.
2. The value of secondary soft law
21
50. Indeed, Australia invokes a series of IWC resolutions relating to special permits , the
guidelines of the Scientific Committee , and certain comments by States parties , which it 23
considers to constitute subsequent practice of relevance to the interpretation of Article VIII.
51. Inasmuch as Australia affirms that this “practice” gives rise to an interpretation of
Article VIII that conflicts with the clear text of that provision, it is only if it demonstrated that the
alleged practice had modified the Convention which might be possible that this argument
would have any semblance of relevance. But that is not at all the case.
65 52. The conditions under which subsequent practice may be recognized as modificatory are
extremely strict. In its draft Articles on the Law of Treaties, the ILC had envisaged the possibility
that the practice subsequently followed might modify the express provisions of a treaty. In the
24
commentary to draft Article 38 , the Commission stressed the need for the common consent of the
parties “to the application of the treaty in a manner different from that laid down in certain of its
provisions” in order that such practice might “have the effect of modifying the treaty” . 25
53. As was clearly stated in a recent arbitral award:
21
MA, para. 4.68, paras. 4.70-4.80. See also CR 2013/8, pp. 19-21, paras. 21-27 (Burmester); CR 2013/8,
pp. 37-38, paras. 40-45 (Crawford); CR 2013/11, pp. 33-35, paras. 30-35 (Gleeson).
22
MA, para. 4.67. See also CR 2013/8, pp. 21-22, paras. 28-31 (Burmester); CR 2013/8, pp. 34-35, paras. 31-34
(Crawford); CR 2013/11, p. 25, para. 2; p. 32, paras. 25-26 (Gleeson).
2MA, paras. 4.78-4.79.
2Report of the International Law Commission to the General Assembly, Yearbook 1966, Vol. II, p. 236.
25
Ibid., p. 236, para. 1, of the commentary to draft Article 38. See also Legal Consequences for States of the
Continued Presence of South Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding Security Council
Resolution 276 (1970), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1971, p. 22, para. 22; Sovereignty over Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh, Middle Rocks and South Ledge (Malaysia/Singapore), Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 50, para. 120, or
Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v. Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 2009, p. 242,
para. 64. - 59 -
“In order for there to be a practice of the kind referred to in Article 31,
paragraph 3 (c), of the Vienna Convention on the Law of Treaties, there must be an
indisputable concordance between the positions of the parties and those positions must
have been such as to establish the meaning of a treaty provision.” [Translation by the
Registry] 26
That is not the case for the “practice” invoked by Australia.
54. First of all, none of the elements alleged to constitute the practice (one could hardly
presume to use the word “instruments”, given how disparate this alleged “practice” is) none of
those elements in itself, therefore, has any binding effect whatsoever. That is obviously the case
for the positions adopted by certain States or groups of States; but it is also the case for the
resolutions adopted by the organs of the Convention.
55. According to the terms of Article VI:
“The Commission may from time to time make recommendations to any or all
Contracting Governments on any matters which relate to whales or whaling and to the
objectives and purposes of this Convention.”
Such recommendations in themselves may not be considered an element of subsequent practice
either for purposes of interpretation of the Convention or, still less, for establishing the existence of
66 an amendment binding on Contracting Governments . And I would point out that Article VIII
must be understood and interpreted notwithstanding the other provisions of the Convention.
56. As it happens, however, these recommendations are quite often at variance with the
actual text of the Convention, and in particular Article VIII. That is the case for the resolutions
requiring that any scientific research be carried out using non-lethal methods. It goes without
saying that these recommendations cannot be invoked in support of an interpretation of Article VIII
which they contradict and, in these circumstances, they cannot be considered as “highly persuasive,
[or] authoritative guidance” . And if the Court has had occasion in the past to refer to non-binding
29
resolutions (of the United Nations General Assembly or Security Council) , it has never done so in
26
Question of the tax régime governing pensions paid to retired UNESCO officials residing in France, Arbitral
Award of 14 January 2003, RIIA, Vol. XXV, pp. 259-260, para. 74; see also p. 258, para. 70.
27See, for example, Cruz Varas and others v. Sweden, Application No. 15576/89, European Court of Human
Rights, Judgment of 20 March 1991, para. 100.
28CR 2013/7, p. 31, para. 28 (Gleeson); see also CR 2013/8, p. 35, para. 35 (Crawford).
29
See Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 2004 (I), p. 176, paras. 98-99. - 60 -
order to invalidate a text, unless the conditions for a customary modification of the constituent
instrument are fulfilled, and that is not so in this case.
57. In this connection, and with all due respect to Professor Crawford and to the
Lauterpachts, father and son, I believe that the former is inaccurate in the views that he attributes to
30
the latter : of course a practice may be formed within the organization; and of course that practice
may serve to interpret the constituent instrument of the organization; but it cannot be concluded,
solely on the basis of an accumulation of resolutions with no binding effect that were adopted in
circumstances often marked by a very sharp antagonism between member States, that such a
practice establishes “the agreement of the parties regarding its interpretation” within the meaning
of Article 31, paragraph 3 (b), of the Vienna Convention. That is not even the case when such
resolutions are adopted by consensus frequently a mark of resignation rather than positive
will or even unanimously: to vote for a recommendation, which is non-binding by definition, is
not to undertake to apply it even if such a recommendation, and indeed any resolution, must be
67 taken into consideration in good faith by the parties to which it is addressed ; but that is another
matter, to which I shall return tomorrow.
[Slide 5: The votes on resolutions concerning JARPA]
58. Furthermore, the resolutions invoked by Australia and New Zealand are far from being
consensual. New Zealand thus unduly exaggerates when it asserts and I cite its Written
Observations: “These resolutions serve as an expression of the collective views of the parties.” 32
Similarly and for the same reason, Australia is wrong when it claims that these resolutions
reflect and I cite its Memorial; no, I cite Mr. Burmester: “the widespread view of the
33
Convention’s Contracting Governments” , or and this time I again cite Mr. Burmester: “the
collective view of the Commission” . They represent only the views shared by certain member
30
CR 2013/8, pp. 36-37, paras. 36-37 (Crawford).
31See Voting Procedure on Questions relating to Reports and Petitions concerning the Territory of South West
Africa, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1955, separate opinion of Judge Lauterpacht, pp. 118-119; see also
Chittharanjan Felix Amerasinghe, Principles of the Institutional Law of International Organizations, 2nd ed., Cambridge
University Press, 2005, p. 179.
32WON, para. 31.
33
CR 2013/8, p. 19, para. 23 (Burmester).
34
CR 2013/8, p. 20, para. 26 (Burmester); p. 41, para. 52 (Crawford). - 61 -
States (a majority for the time being) and, as such, must be duly taken into account by all
governments; nothing less, of course, but nothing more: there is no question here of treaties, of
pacta that are servanda.
59. Japan has drawn up a table illustrating the conditions for adoption of resolutions dealing
35
with Japanese research programmes ; it is reproduced in the judges’ folder at tab 38 and is now on
the screen. It shows that, in most cases, these non-binding resolutions have not at all met with the
agreement of all States parties, although they have always, of course, obtained the simple majority
necessary for their adoption: as was noted in the cross-examination of Mr. Gales, positions within
the Commission, as well as within the Scientific Committee, reflect a high degree of
36
“polarization” and Mr. Walløe made the same point a little while ago. And this is another reason
why these recommendations cannot be invoked as binding on States in the minority and can hardly
37
serve to elucidate the interpretation of the treaty .
68 60. Moreover, the content of these resolutions does not bear witness to a conviction on the
part of States parties that they would limit their rights under Article VIII. One episode is
particularly revealing in this respect.
61. Shortly after the adoption of the moratorium and even before its entry into force, some
States within the Commission attempted to extend its effects to whaling for scientific purposes. A
preliminary resolution was adopted in 1985, in which the Commission, without the slightest
evidence, let it be understood that certain special permits granted under Article VIII might in fact
come under the heading of commercial whaling . (The proponents of this resolution recognized,
39
incidentally, the sovereign rights of the Contracting Parties .)
62. The following year, however, in 1986, the Commission adopted, this time by
consensus , a resolution on special permits recommending that States collaborate closely with the
3CMJ, pp. 403-407.
3CR 2013/10, p. 26.
37
International Tribunal for the Law of the Sea (ITLOS), case No. 14, Hoshinmaru Case (Japan v. Russian
Federation), Prompt Release, Judgment of 6 August 2007, paras. 86-87.
38
IWC, Resolution 1985-2, “Resolution on Scientific Permits”; MA, Ann. 7.
3IWC, Verbatim Record of the Thirty-Seventh Annual Meeting, 1985 (Australia).
4Chairman’s Report of the Thirty-eighth Meeting, p. 12, available at:
http://iwc.int/cache/downloads/b5vill4sd5kckwkc04socw804/CHAIRS%20REPOR…. - 62 -
41
Scientific Committee, on the basis of paragraph 30 of the Schedule . Australia stresses that this
42
resolution was adopted by consensus , which was a sign, according to Professor Crawford, that
“all Contracting Governments, including Japan, accepted the principles embodied in this
43
Resolution” . This overlooks the fact that a number of States, including precisely Japan, expressed
44
major reservations and that, as I have said, consensus is far from being the same as acceptance.
In addition, the adherence to the consensus by States which had expressed objections to the
moratorium, including Japan, signified genuine concessions on their part and was based on the
premise that the IWC, by 1990 at the latest, would undertake the “comprehensive assessment”
provided for in the moratorium. However, following the closure of the session at which this
resolution was adopted, the United States Commissioner saw fit to send a letter to the Secretary of
the IWC, requesting that amendments be made to the 1986 resolution, in an attempt to restrict the
69 exercise of States parties’ rights under Article VIII 45 which is evidence by converse implication
46
that this was not done by the 1986 resolution . The States opposed on principle to whaling
nevertheless achieved success the following year, and in a reversal of the difficult consensus
obtained by resolution 1986-2, the 1987 resolution was adopted following a succession of highly
47
polarized discussions, by 19 votes to six, with seven abstentions . Other resolutions, on which
Australia does not rely so heavily, were adopted by even narrower majorities. Those,
48
Mr. President, were the “substantial majorities” on which Australia relies in order to claim the
49
existence of a practice representing “the collective acts of the Contracting Governments” .
[End of slide 5]
41
IWC, Resolution 1986-2, “Resolution on Special Permits for Scientific Research”, available at:
http://iwc.int/cache/downloads/5q49gv1uutssss4sgksocsg8o/Resolution%201….
42
CR 2013/8, p. 38, para. 42 (Crawford).
43
Ibid.
44Chairman’s Report of the Thirty-Seventh Annual Meeting, 1985, pp. 11-12; see also IWC, Verbatim Record of
the Thirty-Seventh Annual Meeting, 1985.
45Letter from Mr. Calio of 26 Aug. 1986, reproduced in the Circular Communication of 29 Aug. 1986
(doc. RG/VJH/16202) (Ann. 2 to the Written Observations of Japan on New Zealand’s Written Observations).
46See in particular CR 2013/8, p. 37, para. 40, or p. 38, para. 72 (Crawford); CR 2013/11, p. 25, para. 44
(Gleeson).
47See also the table reviewing the votes on resolutions at tab 57 of the judges’ folder of Australia.
48See CR 2013/8, p. 41, para. 53; p. 50, para. 79 (Crawford); CR 2013/11, p. 27, para. 8 (Gleeson).
49See ibid.; CR 2013/8, p. 41, para. 52; p. 50, para. 79 (Crawford); CR 2013/11, p. 27, para. 8 (Gleeson). - 63 -
63. In any event, the mere existence of resolutions critical of JARPA or JARPA II does not
amount to practice. For this to be otherwise, these recommendations would have to reflect the
unanimous agreement of the Parties and be followed by physical acts of implementation on the part
of States, and the States concerned would all have to go along with the alleged practice. That is not
the case, as is shown by an examination of the practice followed by States in respect of scientific
research after the adoption of the moratorium.
64. In the period preceding the moratorium, all States with a whaling industry, including
Australia, had granted scientific permits, as is shown by the statistical table at tab 39 of the judges’
folder . Such was also the case for Japan, and I note that, between 1976 and 1978, Japan had
authorized the taking of 660 whales under scientific permits a not inconsiderable figure, if
account is taken of the fact that there was no moratorium on commercial whaling at the time and
that it was therefore also possible to collect biological data by means of commercial whaling
and this confirms that there was really nothing arbitrary in the contemporary catch quotas. If at that
time and I am talking about the time prior to the moratorium these activities did not give rise
70 51
to any particular difficulties, as is moreover observed by New Zealand , it was not because they
were fundamentally different from what they are today, but because the membership of the
Commission was different and some States that had had a whaling industry, such as the applicant
State and the intervening State, had not yet converted to the new religion of whale preservation
“per se”.
65. Australia and New Zealand disparage the increase in the number of whales killed under
53
special permits granted by Japan after the adoption of the moratorium . This disdainful attitude is
inappropriate. It is true that, following the entry into force of the moratorium, during the
1987-1988 season, Japan was forced to develop more ambitious programmes in terms of catch
numbers in order to make up for the lack of information that it had previously been possible to
obtain from commercial catches. However, far from being evidence of some abuse of the rights
50
See the statistical table included in the Circular Communication to Commissioners and Contracting
Governments, 5 Jan. 1987, RG/VJH/16365 (Ann. 3 to the Written Observations of Japan on New Zealand’s Written
Observations, 31 May 2013).
5WON, para. 93.
5WON, para. 78.
53
See MA, pp. 34-35, paras. 2.66-2.67. - 64 -
recognized by Article VIII, this confirms on the contrary that a requirement linked to scientific
research was involved: it was necessary to make good the loss of data previously provided by
commercial whaling . 54
66. Furthermore, Japan is not the only State to have issued scientific permits after 1986: the
Republic of Korea, Iceland and Norway did the same . It is true that these countries authorized the
taking of fewer whales than Japan; but it should be borne in mind that the last two of these
countries, Iceland and Norway, still have scientific information obtained from commercial whaling:
Norway made an objection to the moratorium, and Mr. Walløe recalled the circumstances in which
it has maintained that objection; and Iceland, after having denounced the Convention following its
adoption, has once again become a party, but has expressed a reservation with regard to the
moratorium.
71 3. The unsuccessful attempts to revise Article VIII
67. Mr. President, decisive proof exists that there is no modificatory practice and, moreover,
that the interpretation of Article VIII invoked by Australia is false: on several occasions, in fact,
the anti-whaling States have indicated that they wish to amend Article VIII or remove it from the
Convention . 56
68. Australia is one of the leaders, if not the leader, of this movement, and has not disguised
the fact that the deletion of Article VIII is the major focus of its policy on the IWC. I shall give
just one example it dates from 2010:
“Australia has been clear that we consider any new approach must include an
agreement to bring an immediate end to this form of whaling and must put in place a
54See the statistics on scientific permits for the period 1987-2011 on the IWC website, at:
http://iwc.int/table_permit.
55See the statistics on scientific permits for the period 1987-2012 on the IWC website, at:
http://iwc.int/table_permit.
56
See in particular Chair’s Report of the 58th Annual Meeting, Annual Report of the International Whaling
Commission 2006, p. 23 (CMJ, Ann. 65); see also United Kingdom (Department for Environment, Food
and Rural Affairs), The International Whaling Commission the way forward, 2008, available at:
http://archive.defra.gov.uk/wildlife-pets/wildlife/protect/whales/docum…), para. 23. See also the
position of New Zealand, The Conservation of Whales in the 21st Century, available at:
http://doc.org.nz/documents/conservation/native-animals/marine-mammals/…, p. 21. - 65 -
mechanism and timetable to address the reform of Article VIII of the ICRW to
57
permanently end this practice.”
69. Australia is nonetheless aware that, as things currently stand, any attempt to modify the
text of the Convention has no chance of succeeding. I am going to quote from another Australian
brochure, this time in French, which shows the importance that Australia must attach to it, because
it cannot be said that Australian documents are very frequently translated into French:
“A majority of the current members of the International Whaling Commission
oppose the use of Article VIII in the form of commercial-scale ‘scientific whaling’
and most of these would not support an immediate resumption of any form of
commercial whaling. However, this majority does not necessarily translate into a
capacity to amend Article VIII of the Convention. To amend the Convention requires
the convening of a diplomatic conference and the agreement of all parties to any
changes58o make them effective. This is unlikely to occur in the short to medium
term.”
72 The two documents that I have just cited are reproduced at tabs 41 and 42 respectively of your
folders.
70. There being no amendment, Australia appealed for a voluntary change in the practice of
special permits. It therefore proposed that in the future (and this is clearly about a future change to
the existing law and practice) that in the future, “Governments should commit to activities only
when authorized by the Commission” . In so doing, Australia acknowledges that what it is
arguing before you is doubtless desirable in its view, but does not correspond to the law that is in
force. The interpretation which it gives of Article VIII reflects its wishes it is known as wishful
thinking; but there is no getting away from the reality, indeed the legal reality.
71. Time does not permit me to dwell on it, but I should like to indicate in passing that New
Zealand also produced, in 2005, a discussion paper with a view to the adoption of a protocol
57
Australian Government, The Future of the International Whaling Commission: An Australian Proposal,
2 March 2010, doc. IWC/M10/SWG 5, available at: http://archive.iwcoffice.org/_documents/commission/future/IWC-
M10-SWG5.pdf. See also Australian Government, Whale Conservation and Management: A Future for the IWC,
doc. IWC/M08/INFO 11-FR, p. 7, presented to the Intersessional Meeting of the IWC in 2008, also available at:
http://www.environment.gov.au/coasts/publications/pubs/iwc-future-paper… also Chair’s Report of the 61st
Annual Meeting, Annual Report of the International Whaling Commission 2009, p. 8; CMJ, Ann. 68.
58
Australian Government, Whale Conservation and Management: A Future for the IWC,
doc. IWC/M08/INFO 11-FR, p. 12, presented to the Intersessional Meeting of the IWC in 2008, available at:
http://www.environment.gov.au/coasts/publications/pubs/iwc-future-paper… (emphasis added).
5Chair’s Report of the 61st Annual Meeting, Annual Report of the International Whaling Commission 2009,
p. 11 (emphasis added) (CMJ, Ann. 68); see also Government of Australia, “Addressing Special Permit Whaling and the
Future of the IWC”, IWC/61/9 (2009); CMJ, Ann. 178. - 66 -
amending several provisions of the Convention, starting with Article VIII . The paper explained
that such an amendment could only be contemplated by means of a binding instrument of equal
value to the Convention itself, so by a protocol. Mr. President, there can be no more convincing
argument (a contrario) in favour of Japan’s interpretation of Article VIII, such as it continues to
appear in the Convention.
72. Moreover, certain member States of the IWC have not failed to recall the necessity of a
formal amendment when expressing their disagreement with the content of resolutions opposed to
Article VIII, and to any direct or indirect attempt to make scientific permits subject to a régime of
61
control by the IWC . These disagreements, expressed by States which have a particular interest
both in this claimed practice and in the alleged opinio juris, are preventing any subsequent
73
62
agreement from being reached on a contra scriptum interpretation of Article VIII .
73. For as long as the member States of the IWC, which are divided into two opposing
camps, fail to reach an agreement to modify the Convention, the resolutions invoked by Australia
will remain the expression of the position of those States which, at present, enjoy the majority in
the IWC; but that position has no effect on the interpretation of the conventional provisions. In a
sense, that expression is a unilateral one, since it only reflects the homogeneous or
hegemonic? interests of that particular “camp”. It is a request, an appeal by the majority, but
not the expression of the positive law. And just because the anti-whaling States have, at present,
gained the majority in the conventional organ does not mean that the Convention has become “their
property” and that you, Members of the Court, can accept the interpretation that two of them (not
without various nuances, incidentally) are seeking to have you endorse.
Members of the Court, I am very grateful to you for listening attentively to this long
address it was perhaps just as well that it was cut in two which concerned a problem which
60
See cover page for protocol, v1, 24 March 2005; Ann. 4 to the Written Observations of Japan on New
Zealand’s Written Observations; and New Zealand, Discussion Document, Protocol Amending the International
Convention for the Regulation of Whaling, 24 March 2005; Ann. 5 to the Written Observations of Japan on New
Zealand’s Written Observations.
61
See Chair’s Report of the 61st Annual Meeting, Annual Report of the International Whaling Commission 2009,
p. 11.
62See Fisheries (United Kingdom v. Norway), Judgment, I.C.J. Reports 1951, p. 131, or North Sea Continental
Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark; Federal Republic of Germany/Netherlands), Judgment,
I.C.J. Reports 1969, p. 43, para. 74; see also Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia), Judgment,
I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1087, para. 63. - 67 -
we believe to be central to our case. The next speaker will be Professor Lowe, but I assume that
you would prefer to give him the floor tomorrow morning, although he is at your disposal now.
The PRESIDENT: Thank you very much, Professor Pellet. Yes, I will give the floor to
Professor Lowe tomorrow morning at 10 a.m. Avant de clore l’audience de cet après-midi, je
donne la parole au juge Bhandari, qui a une question à poser au Japon. Monsieur le juge Bhandari,
vous avez la parole.
74 Juge BHANDARI : Je vous remercie Monsieur le président. J’ai deux questions à poser au
Japon.
«Au paragraphe 5.108 de son mémoire, l’Australie cite une déclaration du
directeur général de l’agence japonaise des pêcheries, qui se lit comme suit : «La
conduite d’opérations de chasse à la baleine à des fins scientifiques était considérée
comme le seul moyen de perpétuer nos traditions de chasse.» Pourriez-vous
commenter cette déclaration au regard du principe de bonne foi ?»
Ma seconde question est la suivante :
«Avant de lancer le programme JARPA II, le Japon a-t-il établi que s’il
entendait conduire des recherches scientifiques à si grande échelle en ayant recours à
des méthodes létales, c’était parce que ces recherches étaient d’importance
primordiale et qu’aucune autre méthode n’était disponible ?»
Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le juge Bhandari. Le texte de ces questions
sera communiqué par écrit aux Parties dès que possible. Le Japon est invité à y répondre
oralement, de préférence demain avant la fin de son premier tour de plaidoiries. L’Australie aura
tout loisir de formuler ses commentaires sur la réponse du Japon lors de son second tour de
plaidoiries. La Cour se réunira de nouveau demain matin, à 10 heures, pour entendre la suite du
premier tour de plaidoiries du Japon. Je vous remercie, l’audience est levée.
L’audience est levée à 17 h 55.
___________
Translation