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CR 2011/5 (traduction)

CR 2011/5 (translation)

Lundi 21 mars 2011 à 15 heures

Monday 21 March 2011 at 3 p.m. - 2 -

12 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte.

Avant de commencer la procédure orale de ce jour, je voudrais tout d’abord adresser, au nom

de la Cour, nos sincères condoléances au peupl e japonais, frappé la semaine dernière par un

tremblement de terre suivi d’un tsuna mi aux effets dévastateurs. J’ai été particulièrement affligé

par les scènes de désolation que l’on a pu voir à la suite de cette catastrophe naturelle, et par le

nombre effroyable de victimes ⎯plus de 20000morts et disparus. Ce chiffre est terrible et

consternant. La Cour adresse ses plus sin cères témoignages de sympathie aux familles des

victimes, ainsi qu’à tout le peuple et au Gouve rnement du Japon. Nous espérons voir aboutir au

plus vite les efforts de reconstruction, et comptons sur la force de caractère du peuple japonais pour

surmonter cette terrible épreuve.

Je voudrais vous inviter à vous lever et à observe r une minute de silence, à la mémoire des

nombreuses victimes du tremblement de terre.

La Cour observe une minute de silence.

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous rasseoir. La Cour se réunit aujourd’hui

pour entendre les Parties en leurs plai doiries dans l’affaire relative à l’ Application de l’accord

intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce).

Je voudrais indiquer tout d’abord que le juge Skotnikov, pour des raisons qu’il m’a dûment

fait connaître, est empêché de siéger aujourd’hui.

Je note en outre que, la Cour ne comptant su r le siège aucun juge de la nationalité des

Parties, chacune d’elle s’est prévalue de la faculté que lui confère le paragraphe 2 de l’article 31 du

Statut de désigner un juge ad hoc. L’ex-République yougosla ve de Macédoine a désigné

M. Budislav Vukas, et la Grèce a désigné M. Emmanuel Roucounas.

L’article 20 du Statut dispose que «[t]out membre de la Cour doit, avant d’entrer en fonction,

en séance publique, prendre l’engagement solennel d’ exercer ses attributions en pleine impartialité

et en toute conscience». En vertu du paragra phe6 de l’article31 du Statut, cette disposition

s’applique également aux juges ad hoc. Bien que M. Vukas siège actuellement en qualité de juge - 3 -

ad hoc dans une autre affaire, et qu’il ait fait une déclaration solennelle aux fins de la procédure s’y

rapportant, le paragraphe 3 de l’article 8 du Règlement de la Cour lui impose de faire une nouvelle

déclaration solennelle en la présente espèce.

13 Avant d’inviter chacun des juges ad hoc à faire leur déclaration solennelle, je dirais, selon

l’usage, quelques mots de leur carrière et de leurs qualifications.

M.BudislavVukas, de nationalité croate, a été professeur de droit international public à

l’université de Zagreb, de 1977 à 2008. Il a occupé de nombreux autres postes d’enseignant dans le

monde entier, notamment aux universités de Boston, Paris, Rome, Split et Tilburg, et a également

donné des cours à l’Académie de droit internatio nal de LaHaye. M.Vukas a représenté son

gouvernement à diverses occasions, en particu lier à la Sixième Commission de l’Assemblée

générale des Nations Unies, à la troisième Conféren ce des Nations Unies sur le droit de la mer et à

la Conférence mondiale sur les droits de l’homme à Vienne. Il a conjugué ses brillantes activités

universitaires et diplomatiques avec une carrière de juge international. Il a été membre pendant

près de dixans du Tribunal international du dro it de la mer, dont il a assuré la vice-présidence

de 2002 à 2005. Il est actuellement juge ad hoc à la Cour en l’affaire relative à l’ Application de la

convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie

c. Serbie-et-Monténégro). Il est également membre de la C our de conciliation et d’arbitrage de

l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. M. V ukas est par ailleurs membre de

plusieurs institutions universitaires, dont la société cr oate de droit international et l’Institut de droit

international. Il a publié en outre de nombreux travaux et articles dans divers domaines du droit

international public, en particulier le droit de la mer, le droit de l’environnement et le droit

international des droits de l’homme.

M.EmmanuelRoucounas, de nationalité gr ecque, est professeur honoraire de droit

international à l’Université d’Athènes, où il enseigne depuis 1970. Il a donné des conférences dans

de nombreuses autres institutions universitair es du monde entier, dont les universités de

Thessalonique, Paris, Londres, SanSebastián, Berkel ey et Yale. Il a également donné un cours à

l’Académie de droit international de LaHaye . Ancien membre de la Commission du droit

international, il est membre de l’Institut de droit international et de la Cour permanente d’arbitrage.

Il a été en outre membre du Comité pour l’él imination de la discrimination raciale de - 4 -

l’Organisation des Nations Unies, membre du groupe d’experts de la conférence sur la sécurité et la

coopération en Europe pour les Balkans et membres de divers comités au Conseil de l’Europe.

14 M.Roucounas a représenté son gouvernement à diver ses occasions, en particulier à l’Assemblée

générale des NationsUnies de1980 à1999 et au sein de la délégation grec que lors de plusieurs

conférences diplomatiques internationales. Il a été conseil du Gouvernement grec dans l’affaire du

Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie) devant la Cour. M. Roucounas a publié de

nombreux travaux et articles dans divers domaines du droit international, allant du droit de la mer,

des droits de l’homme et du droit humanitaire à la bioéthique et l’unification européenne.

Conformément à l’ordre de préséance défini au paragraphe 3 de l’article 7 du Règlement de

la Cour, j’invite tout d’abord M. Roucounas à pr endre l’engagement solennel prescrit par le Statut

et je demande à toutes les personnes présentes à l’audience de bien vouloir se lever.

M. ROUCOUNAS :

“I solemnly declare that I will perform my duties and exercise my powers as
judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.”

«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes

attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et
en toute conscience.»

Le PRESIDENT: Je vous remercie. J’invite maintenant M.Vukas à prendre l’engagement

solennel prescrit par le Statut.

M. VUKAS :

“I solemnly declare that I will perform my duties and exercise my powers as
judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.”

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous rasseoir. Je prends acte des déclarations

solennelles faites par MM.Roucounas et Vukas et déclare ceux-ci dûment installés en qualité de

juges ad hoc en l’affaire relative à lApplication de l’accord intérimaire du 13septembre1995

(ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce).

* - 5 -

15 Je rappellerai à présent les principales étapes su ivies jusqu’à ce jour par la procédure en

l’espèce.

Le 17novembre2008, le G ouvernement de l’ex-République yougoslave de Macédoine a

déposé au Greffe de la Cour une requête introduc tive d’instance contre le Gouvernement de la

Grèce, affirmant que celle-ci avait agi en violati on de ses obligations découlant du paragraphe 1 de

l’article 11 de l’accord intérimaire, signé par les Parties le 13 septembre 1995, et entré en vigueur

le 13 octobre 1995.

Dans sa requête, l’ex-République yougoslave de Macédoine, se référant au paragraphe1 de

l’article36 du Statut, invoque, pour fonder la compétence de la Cour, le paragraphe2 de

l’article 21 de l’accord intérimaire.

Par ordonnance en date du 20janvier2009, la Cour a fixé au 20juillet2009 et au

20janvier2010, respectivement, les dates d’e xpiration du délai pour le dépôt du mémoire de

l’ex-République yougoslave de Macédoine et du c ontre-mémoire de la Grèce. Le mémoire de

l’ex-République yougoslave de Macédoine a été dûment déposé dans le délai ainsi prescrit.

Par lettre datée du 5août2009, la Grèce a indi qué avoir «acquis la conviction que la Cour

n’a[vait] manifestement pas compétence pour se pr ononcer sur les demandes de l’Etat requérant

dans cette affaire», ajoutant que, pl utôt que de soulever des excep tions préliminaires au titre de

l’article 79 du Règlement de la Cour, elle «aborde r[ait] les questions de compétence conjointement

avec celles relatives au fond».

Le contre-mémoire de la Grèce, qui traite de questions relatives tant à la compétence et à la

recevabilité qu’au fond, a été dûment déposé dans le délai prescrit par la Cour dans son ordonnance

du 20 janvier 2009.

Au cours d’une réunion que le président de la Cour a tenue le 9mars2010 avec les

représentants des Parties, le coagent de l’ex-R épublique yougoslave de Macédoine a indiqué que

son gouvernement désirait pouvoir répondre au contre -mémoire de la Grèce, et notamment aux

exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité qu’il c ontient, dans une réplique . Lors de la même

réunion, l’agent de la Grèce a déclaré que son g ouvernement n’avait pas d’objection à ce qu’il soit

accédé à cette demande, pour autant que la Grèce puisse en réponse présenter une duplique. - 6 -

16 Par ordonnance en date du 12mars 2010, la C our a autorisé la présentation d’une réplique

par l’ex-République yougoslave de Macédoine et d’une duplique par la Grèce, et fixé

respectivement au 9 juin 2010 et au 27 octobre 201 0 les dates d’expiration des délais pour le dépôt

de ces pièces. La réplique et la duplique ont été dûment déposées dans les délais ainsi prescrits.

*

Après s’être renseigné auprès des Parties, la Cour a décidé, conformément au paragraphe2

de l’article53 de son Règlement, que des exemplaires des pièces de procédure et documents

annexés seraient rendus accessibles au public à l’ ouverture de la procédure orale. En outre,

conformément à la pratique de la Cour, l’ensem ble de ces documents, sa ns leurs annexes, sera

placé dès aujourd’hui sur le site Internet de la Cour.

*

Je constate la présence à l’audience des agen ts, conseils et avocats des deux Parties.

Conformément aux dispositions relatives à l’organisa tion de la procédure arrêtées par la Cour, les

audiences comprendront un premier et un second tour de plaidoiries.

*

Le premier tour de plaidoiries débute aujourd’hui et s’achèvera vendredi25mars2011.

Enraison de la longueur du di scours d’ouverture, l’ex-Républi que yougoslave de Macédoine

disposera si nécessaire d’un temps de parole supplémentaire après 18heures aux fins de

l’audience de ce jour. Le second tour de pl aidoiries s’ouvrira lundi28mars et se terminera

mercredi 30 mars 2011.

* - 7 -

L’ex-République yougoslave de Macédoine, qui est l’Etat demandeur en l’affaire, sera

entendue la première. Je donne à présent la paro le à S.Exc.M.AntonioMiloshoski, agent de

l’ex-République yougoslave de Macédoine.

17 M.MILOSHOSKI: Monsieur le président, permettez-moi avant tout, au nom de mon

gouvernement, de m’associer aux condoléances que vous avez adressées au peuple japonais. Tous

nos pays apporteront leur contribution en vue d’offrir un soutien aux victimes de cette tragédie.

1. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, c’est un honneur exceptionnel

pour mon gouvernement que de se présenter pour la première fois devant la Cour ⎯ organe

judiciaire principal de l’Organisation des NationsUnies ⎯gardien suprême de la justice

internationale. J’aimerais d’emblée exprimer mon plus profond respect aux membres de la Cour et

saisir cette occasion pour féliciter MM.Emmanuel Roucounas et BudislavVukas de leur

nomination en tant que juges ad hoc dans la présente affaire. Je tiens également, Monsieur le

président et Mesdames et Messieurs de la Cour, à vous exprimer ma gratitude pour la souplesse

dont vous avez fait preuve en organisant cette audience. Nous sommes pleinement conscients de la

charge de travail qui incombe à la Cour et du peu de temps qui lui est imparti.

2. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je tiens à rendre hommage à

feu Thomas Franck et à exprimer ma profonde gra titude à son égard. Il s’est présenté devant vous

à plusieurs reprises, avec beaucoup de talent, et il a aussi été juge ad hoc. C’était un membre

extrêmement précieux de notre équipe de juristes et dans les tout derniers jours de sa vie, nous

avons eu le privilège et l’honneur de trouver de l’inspiration dans sa pensée aiguisée, sa logique de

fer et la noblesse de son esprit.

3. Monsieur le président, depuis qu’elle a acquis son indépendance de manière pacifique

en 1991, il y a de cela vingt ans, la République de Macédoine s’est montrée attachée à la paix, à la

primauté du droit, au respect des droits de l’ homme et au règlement pacifique des différends

internationaux. Nous sommes une démocratie multiethnique menant une politique de bon

voisinage et de coopération régi onale. Nous nous sommes joints aux efforts de la communauté

internationale pour établir durablement la paix, la stabilité et la prospérité dans les Balkans et pour

intégrer les Balkans dans l’Union européenne et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. - 8 -

4. De fait, à des moments décisifs au cours des deux décennies troublées que viennent de

vivre les Balkans, mon pays s’est révélé être un élément important, non pas du problème, mais de

la solution. Au début des années1990, pendant l’éclatement de l’ancienne Yougoslavie, nous

étions pleinement conscients du risque de voir un conflit armé s’étendre à notre pays et dès 1992, à

notre demande, nous avons accueilli la première mission de déploiement «préventif» de l’histoire

18 des NationsUnies. Fort justement baptisée «For ce de déploiement préventif des NationsUnies»,

ou «FORDEPRENU», cette mission a contribué à la stabilisation de notre situation en matière de

sécurité.

5. De plus, pendant les années 1990, nous avons édifié une société multiethnique et construit

un solide système de protection des droits de l’homme et des droits des minorités. En2001,

lorsque mon pays a connu une grave crise intérieure , c’est la maturité des citoyens macédoniens et

la modération de nos dirigeants, avec le soutien de l’Union européenne, de l’Organisation du Traité

de l’Atlantique Nord et d’autr es acteurs internationaux, qui a permis de lui apporter une solution

politique.

6. La conclusion et la mise en Œuvre de l’ accord cadre d’Ohrid, conjuguées aux réformes

inspirées par l’OTAN et l’UE, ont renforcé encore le rôle de mon pays comme artisan actif de la

sécurité. Animé par l’esprit de bon voisinage, mon pays a régi ses frontières avec tous ses voisins

de manière pacifique et dans le respect du droit international.

7. Aujourd’hui, nous participons à plusieur s missions de paix dans d’autres pays. Par

exemple, nous faisons partie de l’opéra tionLTHEA de l’Union européenne en

Bosnie-Herzégovine, chargée de la mise en Œuvre de l’accord de Dayton. Nous participons à la

mission de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan, en étroite

collaboration avec l’Organisation du Traité de l’A tlantique Nord. Depuis près de deux ans, notre

personnel médical militaire en Afghanistan a effectué une mission conjointe avec ses homologues

grecs. Vu nos politiques constructives et nos bons résultats chez nous et à l’étranger, nous étions

bien placés pour être invités à rejoindre l’OTAN au sommet de Bucarest en 2008, en même temps

que l’Albanie et la Croatie.

8. Monsieur le président, la Républi que de Macédoine est fermement attachée à

l’établissement et au maintien de relations amicales avec tous les pays, y compris la République - 9 -

hellénique, Partie défenderesse en la présente affair e. Malheureusement, nos relations bilatérales

sont assombries par la question fâcheuse de la divergence relative au nom de mon pays. Bien qu’il

ne soit pas demandé à la Cour de régler cette qu estion en l’espèce, qu’il me soit permis d’apporter

quelques éléments d’information. Le défendeur a exprimé des préoccupations quant au nom de

mon pays après que nous avons acquis pacifi quement notre indépendance, en1991. Cette

divergence a engendré d’importants retards dans le processus de reconnaissance internationale de

mon pays par d’autres Etats, son admission au sein de l’Organisation des Nations Unies et d’autres

organisations internationales et le développement de nos relations avec le défendeur. Le dialogue

greco-macédonien sur la divergence relative au nom a commencé en1993. Depuis lors, nous

sommes activement engagés dans des négociations menées de bonne foi avec le défendeur sous les

19 auspices de l’ONU, en vue de résoudre cette dive rgence. Nous avons regretté qu’en1994 notre

voisin ait décidé d’imposer un embargo unilaté ral sur le commerce et la circulation de

marchandises entre nos deux pays et tenté de fair e obstacle à notre reconnaissance internationale

par d’autres Etats et à notre participation dans des organisations internationales.

9. C’est l’accord intérimaire que les deux Parties ont signé le 13 septembre 1995 qui a établi

le cadre juridique nécessaire à la norma lisation des relations entre nos deux pays 1. Aujourd’hui,

plus de quinzeans après, nous pouvons dire que de manière générale, l’accord intérimaire a bien

fonctionné. Il a, dans une large mesure, permis aux deux Parties de laisser derrière elles une

période de tension et d’ouvrir une nouvelle ère de coopération bilatérale en favorisant les relations

de bon voisinage et la compréhension mutuelle. En particulier, l’accord intérimaire a contribué à la

levée de l’embargo économique impo sé par le défendeur et supprimé ⎯pendant une période de

treize ans ⎯ les obstacles à une intégration réussi e de notre pays dans la communauté

internationale, nous permettant de rejoindre des organisations internationales comme

l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et le Conseil de l’Europe.

10. Au cours des dernières années de né gociations, comme auparavant, les Parties et

l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’Organisation des NationsUnies, M.MatthewNimetz,

ont formulé diverses propositions, qui ont été soit acceptées comme base d’une solution, soit

1
Accord intérimaire entre le demandeur et le déur (NewYork, 13septembre1995), entré en vigueur le
13 octobre 1995 : tableau 1. - 10 -

rejetées par l’une ou l’autre Pa rtie. En octobre2005, nous avons accepté une proposition de

M.Nimetz qui, d’après la correspondance que celui-ci avait adressée aux deux Parties, était

conforme à leurs revendications minimales et aurait donc pu servir de base à une solution

honorable et acceptable. Plus tôt dans la même année, le défendeur ava it accepté une proposition

différente de M. Nimetz. En mars 2008, immé diatement avant le somme t de l’OTAN à Bucarest,

mon pays a accepté une proposition de M.Nimetz et nous nous sommes déclarés disposés à la

soumettre au vote des citoyens macédoniens pa r voie de référendum. Malheureusement, la

proposition a été rejetée par le défendeur. Au lie u d’accepter cette proposition, le défendeur s’est

opposé, en violation de l’accord intérimaire de1995, à ce que mon pays soit invité à adhérer à

l’OTAN.

11. Dans la période allant de novemb r2009 jusqu’à aujourd’hui, le dialogue

greco-macédonien sur la divergence relative au nom s’est poursuivi parallèlement à la tenue de

20 réunions de haut niveau entre les deux pays. Le mois dernier encore, l’ambassadeur Nimetz saluait

le comportement des deux pays dans le cadre des négociations en cours sur la question du nom,

déclarant ce qui suit :

«[L]es deux parties ont adopté une attitude positive montrant qu’elles souhaitent
progresser sur cette question. Je pense que l’événement le plus important de l’année
dernière a été le dialogue entr e les deux premiers ministres ⎯qui ont tenu

huitréunions. A mon avis, cela a eu un e ffet posit2f en instaurant un climat de
confiance et de compréhension aux plus hauts niveaux.»

12. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, si je vous communique ces

informations, c’est simplement pour que vous pui ssiez mieux comprendre la situation actuelle.

Contrairement à ce que peut dire le défendeur, nous ne cherchons pas en la présente affaire un

règlement de la divergence relative au nom, que ce soit directement ou indirectement. Cette

question est et demeure l’objet du processus de médiation entrepris sous les auspices de l’ONU.

13. Que cherchons-nous donc en saisissant la Cour en l’espèce? Que le défendeur soit

enjoint de s’acquitter de l’une de ses principal es obligations au titre de l’accord intérimaire

de1995; rien de plus, rien de moins. Notre re quête a trait à la viola tion par le défendeur d’un

2
«Nimet: No New Proposal», VOA News , (9févrir011), peut être consulté à l’:dresse
http://www.voanews.com/Macedonian/news/Macedonian-VOA-Macedonia-Greece-…
15695 309.html. - 11 -

aspect du régime provisoire établi en vertu de l’accord, d’une obligation qui a permis la

normalisation des relations bilatérales dans l’atte nte d’un règlement de la divergence relative au

nom. Plus particulièrement, not re requête concerne l’obligati on qu’impose au défendeur le

paragraphe 1 de l’article 11 de l’ accord intérimaire, et que le défendeur avait respectée depuis plus

de treize ans, depuis l’entrée en vigueur de cet accord. Par son comportement dans la période qui a

précédé le sommet de Bucarest en avril 2008 et lo rs du sommet lui-même, le défendeur a violé le

paragraphe1 de l’article11 en ce qu’il s’est opposé à notre adhésion à l’OTAN, alors qu’il était

clair et qu’il ne faisait de doute pour personne que nous devions être désignés provisoirement dans

cette organisation sous l’appella tion «ex-République yougoslave de Macédoine». C’est d’ailleurs

sous ce nom qu’il est fait référence à notre pays da ns le cadre de notre contribution aux efforts de

l’OTAN en Afghanistan, depuis2002. Or en 2007- 2008, le défendeur est revenu à sa pratique

d’avant1995, nous empêchant de rejoindre les or ganisations internationales dont il est membre.

Nous regrettons vivement ce comportement, et nous espérons que la Cour aidera les Parties à

revenir au système prévu par l’accord intérimaire. Cela nous permettrait de demander à faire partie

de l’OTAN et de l’Union européenne, objectif que nous poursuivons depuis 1993 et qui revêt une

importance considérable pour la stabilité intérieure de la démocratie multiethnique macédonienne.

21 L’intégration européenne et euro-atlantique contri bue, et continuera de contribuer, à la stabilité

dans la région.

14. Monsieur le président, il s’agit purement et simplement d’un cas de pacta sunt servanda.

Pour un motif qui n’est pas conforme à l’accord intérimaire, le défendeur s’est opposé à notre

participation à l’OTAN. Le défendeur cherche à donner l’impression que la présente affaire est

complexe, et avance un ensemble d’affirmations exagérées ou dénuées de pertinence ainsi que de

nouvelles allégations de fait et de droit qu’il n’ a pas formulées avant avril2008. Ses arguments

semblent être construits de manière à dissimuler ce qui est une violation assez claire d’une

obligation non moins claire énoncée dans l’accord intérimaire.

15. Dans les pièces de procédure qu’il soum et, le défendeur recourt à quatre principaux

arguments. Premièrement, il insiste sur le fait qu’il est en droit d’élever une objection si mon pays

utilise son nom constitutionnel dans ses relations avec des organisations internationales ou d’autres - 12 -

pays, ou même si d’autres pays utilisent ce nom . Or, l’accord intérimaire n’autorise aucune

objection sur cette base, et en tout état de cause, aucun élément factuel ne montre que celle-ci est le

véritable motif de l’objection du défendeur.

16. Le défendeur va jusqu’à affirmer que l’appellation «ex-Répub lique yougoslave de

Macédoine» est le nom provisoire de mon pays et qu’il existe une obligation erga omnes de

l’utiliser, y compris pour mon pays lui-même. Cependant, une telle affirmation est en pleine

contradiction avec le texte de la résolution 817 (1 993) du Conseil de sécurité et les déclarations de

ceux qui l’ont rédigé. Elle va également à l’enc ontre de l’interprétation de ladite résolution qui

prévaut de longue date et qu’attest e la pratique de l’ONU, d’autres organisations internationales et

d’Etats tiers. L’interprétation en question a même été confirmée par M.Nimetz lorsque l’accord

intérimaire a été conclu. Nous faisons observer que la République helléni que elle-même a décidé

d’accepter une correspondance officielle émanant de la «République de Macédoine» dans l’un des

arrangements bilatéraux conclus en vue de donner effet à l’accord intérimaire.

17. Deuxièmement, le défendeur tente de ju stifier son manquement en donnant l’impression

qu’il y a eu des violations de l’accord intérimaire de notre part. Il s’agit d’une affirmation inexacte,

à laquelle nous avons répondu dans les pièces de procédure que nous avons présentées. Cependant,

et surtout, il s’agit d’un argument concocté ex post facto. A aucun moment avant avril2008 le

défendeur ne nous a informés qu’il considér ait que nous avions commis des violations

substantielles de l’accord intérimaire et qu’il comp tait suspendre celui-ci en tout ou en partie, ni

22 qu’il avait l’intention de prendre des contre-mesure s s’il n’était pas remédié aux violations dont il

nous accusait. En agissant de la sorte, le défendeur cherche à contourner le droit des traités et le

droit de la responsabilité des Etats et à remplacer un système stable de relations conventionnelles

par des droits octroyés et déterminés de façon unilatérale.

18. Troisièmement, le défendeur dénature à plusieurs reprises notre demande en insistant sur

le fait que la présente affaire a trait au compor tement de l’OTAN, qui ne relève pas de la

compétence de la Cour. Que ce soit bien clair : nous ne prions pas la Cour de déclarer ou

d’ordonner quoi que ce soit au sujet de l’OTAN ou de toute autre organisation internationale. Nous

demandons seulement une appréciation du comporteme nt que le défendeur a adopté au moment où

l’OTAN devait décider d’adresser ou non à notre pa ys une invitation à rejoindre l’organisation. - 13 -

Nous demandons qu’il soit déclaré que ce comportement constitue une violation de l’obligation que

lui impose le paragraphe 1 de l’artic le 11 et qu’il soit ordonné au défendeur de respecter à l’avenir

cette obligation pour ce qui est de notre adhésion à l’OTAN, à l’Union eur opéenne et à d’autres

organisations internationales dont le défendeur est membre, lors que nous devons être désignés,

dans ces organisations, sous l’a ppellation prévue dans la résolu tion817 (1993) du Conseil de

sécurité.

19. Quatrièmement, le défendeur tente de justif ier sa violation de l’article 11 en se référant à

un autre article de l’accord intérimaire, l’article 22, dont il dit qu’il l’autorise à élever une objection

dans le cadre de l’exercice de ses droits en vertu du Traité de l’Atlantique Nord. Je laisserai à nos

conseils le soin de répondre à cela par des argume nts juridiques mais qu’il me soit permis de faire

une observation. Si l’on acceptait un tel raisonnement, qui va à l’encontre du sens ordinaire de la

disposition, l’article22 viderait complètement de sa substance l’article11, ce qui reviendrait à

supprimer l’une des principales raisons pour lesquelles mon pays a conclu l’accord intérimaire.

20. En accordant le remède demandé dans notre requête, la Cour réaffirmera le principe

fondamental de pacta sunt servanda et assurera le respect des dispos itions de l’accord intérimaire.

Le défendeur ne doit pas manipuler nos possibilit és d’adhérer à des organisations internationales

comme un instrument qui lui permettrait d’imposer la solution qu’il préfère pour le règlement de la

divergence relative au nom. C’est exactement ce que l’article11 de l’accord intérimaire visait à

empêcher, et qu’il a effectivement empêché pendant treize ans.

21. Monsieur le président, notre décision d’introduire une instance devant la Cour n’était pas

une décision facile, et nous ne l’avons pas pri se sans y réfléchir sérieusement. Cependant, nous

n’avions pas d’autre choix. Nous avons pris la voie que le défendeur aurait dû suivre: s’il était

véritablement convaincu que nous avions commis des violations substantielles de l’accord

intérimaire, il aurait pu engager une action à notre encontre en vertu de l’article 21 de cet accord,

23 ou invoquer les procédures prévues par la conventi on de Vienne de 1969 sur le droit des traités ou

encore les procédures établies dans le cadre des règles relatives aux contre-mesures. Il n’a choisi

aucune de ces voies. Au lieu de cela, il a voulu se faire justice lui-même et il s’est mis hors la loi.

Nous avons, en revanche, suivi les prescriptions de l’accord intérimaire et introduit la présente

instance. Lorsque les Parties ont conclu l’accord in térimaire, elles ont accepté la compétence de la - 14 -

Cour pour le règlement des questions liées à l’acco rd, à l’exception de la divergence relative au

nom. Le demandeur prie la C our de rappeler le défendeur a ux obligations que lui impose cet

instrument bilatéral extrêmement important, conc lu précisément dans le but d’asseoir le cadre

juridique nécessaire au développement de relations de bon voisinage.

22. Monsieur le président, je me permets r espectueusement de vous présenter le programme

de ce matin. Je serai suivi à la barre par M. Philippe Sands, qui abordera un certain nombre

d’éléments factuels et juridiques antérieurs aux faits d’avril2008. M.SeanMurphy examinera

ensuite le processus d’adhésion à l’OTAN et l es événements qui ont précédé avril2008 comme

ceux qui se sont déroulés à cette date, ainsi que l’objection soulevée par le défendeur à notre

adhésion à l’OTAN. M.PierreKlein exposera ensu ite la première partie de notre argumentation,

expliquant pourquoi le défendeur a tort d’affirmer que la Cour n’est pas compétente et que notre

demande est irrecevable, argumentation qu’ il achèvera demain matin . Après cela, nous

examinerons en détail les circonstances dans les quelles le défendeur a violé le paragraphe1 de

l’article11 de l’accord intérimaire. A la fi n de la matinée, nous expliquerons pourquoi les

violations par le défendeur du para graphe1 de l’article11 ne sauraient être justifiées par le droit

des traités ou le droit de la responsabilité des Etat s, ni par aucun autre principe ou règle de droit

international nouvellement invoqué par le défendeur. Nous exposerons également les mesures que

nous demandons. Enfin, nous terminerons notre exposé par quelques brèves conclusions. Je saisis

cette occasion d’exprimer mes remerciements à Mme Blinne Ní Ghrálaigh pour son importante

contribution. Elle nous a fait part de son regr et d’être absente cette semaine pour des raisons

d’ordre familial.

23. Monsieur le président, Mesdames et Me ssieurs de la Cour, c’est véritablement un

privilège pour mon pays ⎯ et pour moi-même ⎯ que de se présenter pour la première fois devant

la Cour. Je resterai à votre disposition pour vous fournir toute l’assistance dont vous pourriez avoir

besoin dans la présente procédure et je vous invite à présent à appeler à la barre M. Sands. Je vous

remercie pour votre aimable attention.

24 Le PRESIDENT : Je remercie M. Antonio Milo shoski, agent de l’ex-République yougoslave

de Macédoine, pour son exposé liminaire. J’appelle maintenant à la barre M. Philippe Sands. - 15 -

M. SANDS :

L E CONTEXTE FACTUEL :LA PÉRIODE ALLANT DE 1991 À LA CONCLUSION DE
L’ACCORD INTÉRIMAIRE

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour. C’est pour moi un privilège

que de comparaître devant vous —en ce premie r jour du printemps— au nom du demandeur en

cette importante affaire. Même si les questions sur lesquelles celle-ci porte ne défraient pas la

chronique, les enjeux sont importants: il s’agit de faire en sorte que le défendeur respecte ses

obligations au titre d’un traité b ilatéral, de manière à ce qu’il ne soit plus autorisé à s’opposer à

l’entrée du demandeur à l’OTAN et dans d’autres or ganisations internationales. Non seulement

cette affaire est, de toute l’évidence, importante po ur la stabilité intérieure du pays, mais elle l’est

aussi pour la tranquillité de la région. La Cour a naturellement une connaissance approfondie des

Balkans et, par ses arrêts, elle a contribué aux pr ocessus de réconciliation et de relance du dialogue

qui conditionnent les avancées future et la stabilité . A cet égard, elle a toujours mis l’accent sur le

lien étroit qui existe entre la stabilité et le respect des droits conventionnels.

2. L’accord intérimaire de1995 a joué un rôle essentiel en énonçant les conditions de la

stabilité entre le demandeur et le défendeur. Pendant treize ans, jusqu’aux mesures prises par ce

dernier dans la période qui a précédé le mois d’avril2008, cet accord a rempli sa fonction sans

soulever de difficulté. Le défendeur n’a jamais accusé le demandeur d’avoir commis une violation

substantielle d’une quelconque obligation lui incombant au titre de cet instrument.

3. Il m’appartient cet après-midi de retracer succinctement les événements qui se sont

déroulés pendant la période allant de l’accession du demandeur à la qualité d’Etat en 1991 jusqu’à

la conclusion de l’accord intérimaire en 1995. Dans ce cadre, je m’attacherai plus particulièrement

aux circonstances qui ont conduit à l’adoption de l’accord; au compromis dont celui-ci était

l’expression ; à ses objectifs et à son libellé ; et à la manière dont il a rempli sa fonction entre 1995

et la période qu’examinera ensuite mon collègue, M. Sean Murphy.

4. Avant d’aborder ces questions, vous me perm ettrez certainement, Monsieur le président,

de prendre quelques instants pour vous faire part de mon profond regret et de ma tristesse que

25 M. Thomas Franck ne soit pas à nos côté aujourd’ hui. Tom a apporté un concours inestimable à la - 16 -

préparation de nos plaidoiries mais, au-delà de cela, je lui suis infiniment reconnaissant du soutien

et de l’amitié indéfectibles qu’il m’a témoignés pendant de longues années tout en me faisant

bénéficier de ses efforts —que nombre d’entre vous mesurez également— pour former de

nouvelles générations issues de tous les continents en les sensibilisant à l’ importance cruciale que

revêtent les principes et l’intégrité dans un m onde en proie aux troubles et souvent cruel. Son

compagnon, M. Martin Daley, continue de suivre l’affaire depuis New York ; à travers vous, et au

nom de toute notre équipe, je tiens à lui présen ter nos condoléances, à lui exprimer notre profonde

tristesse mais aussi à le remercier pour son aide.

5. Monsieur le président, en août1944, le peuple macédonien a proclamé la création de

l’Etat de «Macédoine démocratique». En 1946, cet Etat a été rebaptisé «République populaire de

Macédoine», devenant l’une des six républiqu es constituantes de la République fédérative

populaire de Yougoslavie (RFPY). De 1963 à 1991, il a porté le nom de «République socialiste de

Macédoine» 3.

6. Le 25janvier1991, le demandeur a adopté une déclaration de souveraineté. Le 7juin

suivant, le parlement du demandeur a adopt é un nouveau nom constitutionnel, celui de

«République de Macédoine» ou Republika Makedonija. Enfin, le 25septembre1991, ce même

parlement a, à la suite d’un référendum, adopté une déclaration d’indépendance de la «République

de Macédoine» puis, le 17 novembre, une nouvelle constitution 4.

7. Pendant cinquanteans —plus de cinquant e ans—, le nom du demandeur n’a suscité

aucune objection de la part du défendeur. Nous rappellerons aussi que, dans son avisn o6 du

14janvier1992, la commissionBadinter a précisé que, selon elle, «l’utilisation du nom

5
«Macédoine»» n’impliquait aucune revendication territoriale à l’égard du défendeur . Ce qui était

vrai en 1992 l’est, de toute évidence, encore aujourd’hui. En tout état de cause, ce n’est pas de la

3Mémoire du demandeur, par. 2.3.

4Ibid., par. 2.6.
5 o
Ibid., par.2.13; Commission d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie, Avis n 6 sur la reconnaissance
de la République socialiste de Macédoine par la Communauté européenne et ses Etats membres (14 janvier 1992), joint
en annexe III à la lettre en date du 26 mai 1993 adressée au pr ésident du Conseil de sécurité par le Secrétaire général de
l’Organisation des NationsUn ies, NationsUnies, doc. S/25855 (28mai 1993); mémoire du demandeur, vol.II,
annexe 33. - 17 -

divergence entre le demandeur et le défendeur su r la question du nom dont est saisie la Cour, mais

de l’opposition du défendeur à l’admission du de mandeur au sein de l’OTAN et ce, en violation

flagrante d’un traité bilatéral.

8. De la fin de l’année1991 jusqu’à1993, à la suite de la déclaration d’indépendance du

demandeur, un nombre croissant d’Etats l’ont reconnu en tant qu’Etat. En juillet1992, il a

demandé à devenir membre de l’Organisation des Na tions Unies. Malheureusement, en raison de
26

son opposition au nom constitutionnel du demandeur , le défendeur a fait pression sur les Etats

membres de l’Organisation pour qu’ils ne soutiennent pas cette adhésion. Etant donné que celle-ci

s’imposait, une solution de compromis a été trouvéeet, le 7avril1993, le Conseil de sécurité

adoptait la résolution 817. [Projection n o1.] Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la

Cour, la partie pertinente de cette résolutio n est actuellement projetée à l’écran; vous pourrez

également la consulter —ainsi que tous l es autres documents que nous vous présenterons

o
aujourd’hui et demain— dans notre dossier de plaidoiries, sous l’onglet n 2. Monsieur le

président, dans sa résolution 817, le Conseil de sécurité recommandait l’admission du demandeur à

l’Organisation des NationsUnies, à condition que celui-ci soit «désigné provisoirement, à toutes

fins utiles à l’Organisation, sous le nom d’«ex-République yougoslave de Macédoine», en attendant

que soit réglée la divergence qui a[vait] surgi au sujet de son nom». Le lendemain, par l’adoption

de la résolution47/225 de l’Assemblée générale , le demandeur a été admis à l’Organisation des

Nations Unies 6. [Fin de projection.]

9. L’un des aspects essentiels de l’argumentation du défendeur en la présente espèce est la

question de savoir si le demandeur est tenu de se désigner lui-même sous cette appellation

provisoire dans ses communications avec l’Organisation des NationsUnies, l’OTAN et d’autres

organisations internationales, ou si le compromis de la résolution 817, qui se reflète également dans

l’accord intérimaire, l’autorise à se désigner sous son nom constitutio nnel de République de

Macédoine. A cet égard, il convient de relever que la résolution 817 ne faisait nullement obligation

au demandeur de se désigner lui-même sous l’appellation provisoire d’«ex-République yougoslave

de Macédoine». Le demandeur ne l’a d’ailleurs jamais fait, ce qui n’a pas posé le moindre

6
Ibid., par. 2.19. - 18 -

problème au Secrétariat ou à quelque autre orga ne de l’Organisation des NationsUnies; le

demandeur a toujours fait usage de son nom constitutionnel dans ses communications écrites et

orales avec l’Organisation des NationsUnies, ses me mbres et ses représentants, et il en a fait de

même dans toutes les autres organisations internationales . Afin de ne pas laisser place au doute, la

résolution817 n’imposait pas non plus, que ce soit dans sa lettre ou dans son esprit, aux autres

Etats de désigner le demandeur sous son appellation provisoire.

10. Cela a été confirmé par certains participants au processus de décision de 1993 — conduit

par la troïka composée de la France, de l’Espagne et du Royaume-Uni —, qui a abouti à l’adoption

de la résolution817. Ainsi, dans notre répli que, nous nous sommes référés à une déclaration de

27 M.JeremyGreenstock, qui a pris part à la rédac tion de la résolution817. M.Greenstock précise

que l’appellation provisoire «signi fiait, par exemple, que le me mbre serait désigné sous cette

appellation sur la plaque nominativ e et dans tous les documents officiels de l’ONU tant que la

divergence concernant le nom ne serait pas réglée». [Projection n o2.] «Néanmoins», poursuit-il,

«cela ne signifiait pas que le nouveau memb re fût tenu de se désigner oralement ou

par écrit par cette appellation provisoire . Il était, d’après mes souvenirs, reconnu à
titre informel que le nouveau membre continuerait probablement à se désigner
lui-même sous son nom c onstitutionnel, à savoir «R épublique de Macédoine» . On

estimait de même que tout Etat tiers sera it également libre de désigner le nouveau
membre de l’Organisation des NationsUni es soit en utilisant le nom préféré par le
pays lui-même, soit en se servant de l’a ppellation provisoire convenue qui avait été
8
déterminée en vertu de la résolution 817 du Conseil de sécurité des Nations Unies.»

Le défendeur n’a nullement cherché, dans ses écritures, à contester la véracité de la

déclaration de M. Greenstock, qui a été versée au dossier de l’affaire ; son seul argument consiste à

dire qu’elle a été faite a posteriori . Le défendeur a-t-il présenté le moindre —je dis bien le

moindre— élément de preuve, hormis ses propres déclarations, pour infirmer les propos de

M. Greenstock ? La réponse est non, Monsieur le président. [Fin de projection.]

11. Le défendeur n’a pas non plus cherché à réfuter la déclaration faite en des termes

similaires par M.MatthewNimetz, déclaration su r laquelle nous avons appe lé l’attention de la

Cour dans notre réplique 1. Compte tenu de son argument concernant l’absence de

7Ibid., par. 2.20 et 5.66. Voir également réplique du demandeur, par. 4.51-4.61.
8 o
Réplique du demandeur, par. 4.43 et annexe 59 ; dossier de plaidoiries, onglet n 2. Les italiques sont de nous.
9Duplique du défendeur, par. 7.18.

10Réplique du demandeur, par. 2.26-2.33. - 19 -

contemporanéité de la déclarati on de M.Greenstock, le silence du défendeur est curieux, puisque

M.Nimetz a fait cette déclaration en septembre1995 , c’est-à-dire au moment précis où l’accord

intérimaire a été adopté. Et M.Nimetz n’est p as n’importe qui. A l’époque, il était l’envoyé

spécial des Etats-Unis aux négociations sur l’accord intérimaire et, à ce titre, participait étroitement

à ces négociations et était parfaitement informé des sujets sur lesquels elles portaient ; aujourd’hui,

M.Nimetz est le représentant spécial du Secrétai re général de l’Organisation des NationsUnies

aux fins du règlement de la divergence entre les Parties concernant le nom du demandeur. Il est

donc difficile d’imaginer point de vue plus i ndépendant ou faisant davantage autorité sur la

o
question. [Projection n 3.] Eh bien, voici ce que M. Nimetz a indiqué en 1995 :

«les gens de ce pays [celui du demandeur] emploient, en parlant d’eux-mêmes, leur
nom constitutionnel, à savoir République de Macédoine . Et nous avons effectivement
28 constaté qu’il n’existait pas de prescripti on les obligeant à utiliser un nom qu’ils

n’accep11nt pas. Cela ne signifie pas pour autant que l’Organisation accepte ce
nom.»

Le silence du défendeur au suje t de cet élément de preuve est fort éloquent. Monsieur le

président, ce que nous disons est très simple: bi en que les organisations dont il devient membre

soient tenues de le désigner sous son appellation pr ovisoire, le demandeur est entièrement libre de

s’appeler comme il l’entend, tout comme les au tres Etats, nombre d’entre eux ne se privant

d’ailleurs pas de le faire 1. Si le demandeur souhaite se d ésigner lui-même sous le nom de

«République d’Australie du Sud», en hommage à un certain professeur qui pourrait bien, un jour,

13
en briguer la présidence, il a tout à fait le droit de le faire . S’il souhaite se désigner lui-même

sous son nom constitutionnel, rien dans la résolution817 ni dans l’accord intérimaire ne l’en

empêche; bien au contraire, pareille pratique est tout à fait conforme au paragraphe2 de cette

11
Réplique du demandeur, par. 4.57.
12
Parmi les Etats ayant conclu des accords ou entretenan t des relations diplomatique s avec le demandeur sous
son nom constitutionnel, on compte: la République d’Albanie,la République d’Autriche, la République fédérative du
Brésil, la République de Bulgarie, le Canada, la République populaire de Chine, la République de Croatie, le Royaume du
Danemark, la République d’Estonie, les Etats-Unis d’Amérique, la République de Finlande, la République française, la
République de Hongrie, l’Irlande, la République italienne, le Royaume hachémite de Jordanie, la République de Lituanie,
le Grand-duché du Luxembourg, le Ro yaume du Maroc, les Etats-Unis du Me xique, le Royaume de Norvège, le
Royaume des Pays-Bas, la République de Pologne, la Roum anie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du
Nord, la Fédération de Russie, la République de SierraLeone, la Républiquslovaque, la Républi que de Slovénie, la
République démocratique de Somalie, le Royaume de Suède, la République tchèque, la République de Turquie.

13 Conformité au droit international de la déclaratiounilatérale d’indépendance des institutions provisoires
d’administration autonome du Kosovo (requête pour avis consultatif prés entée par l’Assemblée générale des
Nations Unies), déclaration de M. James Crawford au nom du Royaume-Uni, 10décembre2009, CR2009/32, p.48,
par. 5. - 20 -

résolution, qui ménage cette possib ilité et l’autorise. [Fin de pr ojection.] Chose curieuse, cette

approche exposée par M. Nimetz a d’ailleurs été acceptée et cautionnée par écrit par le défendeur

lui-même: un mois après la signature de l’accord intérimaire, le 13octobre1995, les Parties ont

adopté deux mémorandums, l’un portant sur des dispos itions pratiques et l’autre, sur la mise en

place de bureaux de liaison dans le cadre de l’accord intérimaire. Ces mémorandums, ainsi que les

dispositions pratiques qui y étaient énoncées, c onfirmaient expressément que le demandeur se

réservait le droit de se désigner lui-même par son nom constitutionnel, et que le défendeur ne s’y

opposait pas 14.

12. Permettez-moi donc maintenant d’en veni r à la conclusion de l’accord intérimaire,

c’est-à-dire l’instrument qui est au cŒur de la présente espèce, laquelle porte sans conteste sur le

principe pacta sunt servanda et la nécessité d’assurer le respect du droit des traités. Au vu des

écritures du défendeur, la Cour serait tout à fa it fondée à conclure qu’il s’agit d’une affaire

réellement délicate et complexe qui soulève quantité de questions factuelles et juridiques

étroitement liées les unes aux autres. Or ce n’est pas le cas. Il s’agit d’une affaire très simple qui a

29 trait au respect d’un traité. Nos éminents amis et collègues de la Partie adverse ont été contraints

de jouer la carte de la complexité. Et pourquoi ? Parce que le nuage de fumée qu’ils ont tenté de

créer est, en l’espèce, leur seul espoir. Ce nonobs tant, la Cour n’a pas pu manquer de relever,

même à ce stade précoce de son examen, que l’argumentation du défendeur n’avait cessé de

changer: les arguments formulés en avril200 8 se sont littéralement volatilisés en raison des

difficultés évidentes qu’ils soulèvent lorsqu’on les con fronte au libellé de l’accord intérimaire. On

ne saurait en effet soutenir que le défendeur n’était pas, en 2007 et 2008, conscient des implications
o
de l’accord intérimaire ni de ses conséquences extrêmement contraignantes. [Projection n 4.] A

cet égard, l’ambassade du défendeur à Washington a, fort opportunément, publié un communiqué

de presse contenant une interview accordée par Mme DoraBakoyannis, le ministre des affaires

étrangères du défendeur de l’époque, à un jour naliste grec; le texte est reproduit dans son

intégralité en annexe 73 de notre mémoire. Le journaliste a demandé à Mme Bakoyannis pourquoi

son gouvernement n’optait pas pour la «solution de facilité» en «invoquant l’ accord intérimaire et

14
Mémoire du demandeur, par. 5.67 et annexes 3 et 4. - 21 -

en acceptant que l’ex-République yougoslave de Macédoine devienne me mbre de l’OTAN sous

cette dénomination». MmeBakoyannis lui a-t-e lle répondu que l’accord intérimaire n’était pas

pertinent? Eh bien, non. A-t-elle dit que cet accord autorisait à prendre des mesures pour

s’opposer à l’adhésion du demandeur ? Non plus. Ce qu’elle a dit, c’est la chose suivante : «Les

solutions de facilité ne sont pas dans l’intérêt de la nation. Lorsqu’on pr atique la politique de

15
l’autruche ou que l’on manque de courage politique, il y a toujours un prix à payer.» Nous y

voilà —nous y voilà, Monsieur le président: le défendeur reconnaît clairement qu’il avait

conscience de ses obligations juridiques et qu’il a purement et simplement choisi de n’en faire

aucun cas pour ne pas être accusé de «manque[r] de courage politique». [Fin de projection.]

13. Le défendeur a-t-il, à l’époque, accusé le demandeur de commettre une violation

substantielle de l’accord intérimaire? Pas le moins du monde. Il s’agit là d’une accusation

nouvelle, ex post facto, d’une accusation que le défendeur n’a formulée à l’encontre du demandeur

qu’après s’être opposé à l’adhésion de ce dernier à l’OTAN; encore ne l’a-t-il formulée qu’en

réponse à notre argument selon le quel cette opposition constituait, elle , une violation substantielle

de l’accord. Puis, au fil du déroulement de la présente instance, les nouveaux arguments ont surgi

pêle-mêle — comme par hasard, au fur et à mesure que de nouveaux conseils rejoignaient l’équipe,

où ils sont d’ailleurs assez nombreux. Compte tenu de son évidente faiblesse juridique et

chronologique, l’argument de la violation substan tielle a ainsi cédé la place à un autre, celui de

30 l’exceptio; ensuite, nous avons eu droit à une toute nouvelle doctrine du droit international, qui

autoriserait à prendre des mesures immédiates et unilatérales relativement aux traités spéciaux dont

l’objet est de «parer au plus pressé»; et puis, comme si cela ne suffisait pas, un autre argument

encore, relatif à l’article 22, nous a été opposé ; enfin, que fait le défendeur dans sa duplique, non

sans avoir indiqué dans son contre-mémoire qu’il n’utiliserait pas cet argument? Eh bien, il

affirme qu’il était fondé à recourir à des contre-m esures. Monsieur le président, permettez-moi,

avec tout le respect que je leur dois, de poser la question à nos éminents collègues: quelle était

15Ambassade du défendeur à Washington, interview accordée le 14octobre2007 par le ministre des affaires
étrangères, MmBakoyannis, au quotidien athénien Kathimerini (propos recueillis par D. ntoniou)
(15 octobre 2007), mémoire du demandeur, par. 2.60, note de bas de page n 121 ; et mémoire du demandeur, annexe 73 ;
dossier de plaidoiries, onglet nrojection n 4. - 22 -

votre thèse en avril2008? Quelle est votre thèse aujourd’hui? Et je serais tenté d’ajouter, étant

donné que les arguments de la Partie adverse ne cessent de changer : quelle sera votre thèse jeudi,

et quelle sera-t-elle mercredi prochain ?

14. La résolution817 a ouvert la voie à l’a dhésion du demandeur à d’autres organes et

institutions des NationsUnies. Cela n’a pas empê ché le défendeur de cont inuer de s’opposer au

nom constitutionnel du demandeur et de décider de se faire justice lui-même. En février 1994, il a

ainsi imposé un embargo général sur le commerce, ce qui a porté un coup important à l’économie

déjà fragile du demandeur. Puis il a entrepris de s’opposer à l’adhésion de celui-ci à d’importantes

16
organisations internationales dont il était membre . C’est dans ce contexte que lordOwen et

M.CyrusVance ont lancé le processus visant à parvenir, sous les auspices des NationsUnies 1, à

un accord entre les Parties sur la marche à suiv re. Au départ, ce processus avait pour objet de

régler la divergence sur le nom elle-même mais, cela s’étant révélé difficile, il a été réorienté afin

de trouver un accord intérimaire sur certaines questi ons cruciales. A ce stade, le point essentiel de

mon propos est le suivant : les projets successifs qui ont abouti à l’accord intérimaire avaient pour

principal objectif de s’assurer que le demandeur puisse adhérer à toute organisation internationale,

à condition qu’il se conforme à l’approche prescrite par l’Organisation des NationsUnies dans la

résolution 817. Dès lors, le défendeur n’avait p as le droit — aux fins, par exemple, de provoquer

un règlement de la divergence sur le nom— de s’opposer ou de menacer de s’opposer à pareille

adhésion. Jusqu’à l’accord intérimaire, aucune oblig ation juridique particulière de cette nature ne

lui incombait ; une fois cet accord conclu, en revanche, son droit de s’opposer est devenu

extrêmement limité. Monsieur Murphy examinera cette question plus en détail le moment venu.

15. Vous trouverez l’accord intérimaire sous l’ onglet 1 de votre dossier de plaidoiries : il est

largement reconnu comme une réuss ite diplomatique et juridique toute particulière du milieu des

31 années1990. La Cour, comme je l’ai déjà indiqué , est pleinement consci ente des nombreuses et

importantes difficultés auxquelles ont été confrontés les Balkans entre 1991 et 1995. Avec sagesse,

avec une grande sagesse, le demandeur et le défendeur ont adopté une autre route, que l’on pourrait

appeler la route de la «règle de droit». Ils ont négocié et ⎯ le 13 septembre 1995 ⎯ adopté un

16
Mémoire du demandeur, par. 2.25.
17
Ibid., par. 2.21-2.22. - 23 -

traité. Celui-ci est entré en vigueur un mois pl us tard et il l’est maintenant depuis seizeans;

aucune des Parties n’a jamais pr is aucune mesure pour en suspendre l’application en tout ou en

partie ou pour tenter de s’en retir er. De fait, jamais avant le so mmet de Bucarest d’avril 2008, le

défendeur n’a reproché au demandeur d’avoir commis une violation substantielle du traité. Et c’est

là un point important en l’espèce car les deux Etat s sont liés par les règl es énoncées dans la

convention de Vienne de 1969 sur le droit des traité s et connaissent, par là même, parfaitement les

mesures procédurales et les autres règles à suivre s’ils veulent faire part de leurs préoccupations sur

l’action alléguée de l’autre Partie dans le cadre de l’accord intérimaire. Le droit des traités établit

un régime complet, et pourtant le dé fendeur demande à présent à la Cour ⎯il vous demande ⎯

d’édicter de nouvelles règles pour ce traité et pour ses actes. Et c’est sur quoi porte réellement

cette affaire, sur la question de savoir si le dé fendeur peut se soustraire aux exigences du droit des

traités. Nous estimons que si la Cour accepte l’invitation du défendeur à réécrire le droit des

traités, elle risque de porter gravement préjudice à la stabilité du système international. Nous nous

exprimerons davantage sur ce sujet demain. Il c onvient, pour l’heure, d’examiner brièvement

l’accord intérimaire dans sa globalité.

16. L’accord intérimaire a été en grande partie rédigé à partir d’un projet de traité proposé

par M.CyrusVance et lordOwen en mai1993, pour tenter de normaliser les relations entre les

deux Etats. Ce projet a été transmis au Conseil de sécurité par le Secrétaire général de

l’Organisation des NationsUnies et a servi de ba se pour les négociations de l’accord intérimaire

de 1995. Le projet de 1993 et l’accord de 1995 ont la même structure et des éléments en commun

⎯ ce que nous avons exposé en détail dans le mémoire. Le projet de traité de 1993 était divisé en

six sections, A à F, qui ont toutes été adoptées sans modification dans le texte final à une exception

près : dans le projet de 1993, la section C relative à l’accession du demandeur à des organisations et

à des institutions était intitulée «Institutions eu ropéennes», mais les parties sont finalement

convenues que la section devrait couvrir toutes les «Institutions internationales, multilatérales et

régionales».

17. L’accord intérimaire tel qu’adopté comprend un préambule et vingt-trois articles, divisés

en sixsections. La sectionA concerne les «rela tions amicales et mesures de confiance» et se

compose de huitarticles qui portent sur des ques tions telles que les relations diplomatiques, - 24 -

32 l’inviolabilité de la frontière exista nte, le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale et

l’indépendance politique. Cette se ction comprend également, à l’article5, l’accord visant à

poursuivre les négociations sur le nom du demandeur sous les auspices du Secrétaire général de

l’Organisation des NationsUnies et, à l’article7, les engagements des parties sur l’interdiction de

certains actes ou de la propagande et sur la non-utilisation d’un symbole particulier. Des

procédures spécifiques y sont créées à cette fin pour répondre aux inquiétudes relatives à cet article.

18. Ensuite, la section B porte sur les «droits de l’homme et [les] droits culturels» et prévoit

le respect des droits de l’homme et de la règl e de droit, huitinstruments dont la Charte des

NationsUnies y étant mentionnés, et l’encourag ement aux contacts entre les ressortissants des

Parties. Comme je viens de le noter, la secti onC concerne les «institutions internationales,

multilatérales et régionales» et se compose d’une seule disposition ⎯l’article11. Celle-ci se

trouve au cŒur du présent différend. Comme l’ expliquera M.Murphy, le fait qu’une section

spécifique soit réservée à cette obligation n’est p as sans importance. La section D se compose de

troisarticles qui visent à normaliser les relations conventionnelles entre les Parties, y compris les

accords bilatéraux et multilatéraux. La sectionE por te quant à elle sur les «relations dans les

domaines économique, commercial, environnemental et juridique» et se compose de sixarticles

visant à renforcer la coopération entre les deux Etat s. La sectionF contient les «clauses finales»

qui concernent le règlement des différends (l’article 21 prévoit la compétence de la Cour), l’effet de

l’accord à l’égard des Etats tiers et des organisati ons internationales (l’article22, sur lequel nous

reviendrons en temps utile) et l’entrée en vigueur de l’accord.

19. L’objet et le but de l’accord intérimaire ressortent aisément de ses dispositions. L’accord

visait la normalisation immédiate des relations entre le de mandeur et le défendeur ⎯ et c’est un

objectif qu’il a atteint. Il visait également à instituer la coopération future entre les parties

nonobstant la persistance de la divergence sur le nom du demandeur ⎯ un objectif également

atteint dans les treizeannées qui ont suivi. En particulier, compte tenu de l’intérêt mutuel des

Parties pour «le maintien de la paix et de la sécu rité internationales», exprimé dans le préambule,

l’accord a institué la reconnaissance du demandeur par le défendeur, l’établissement de relations

diplomatiques, l’adoption de mesures pratiques pour mettre en place ces relations, l’engagement en

faveur de la liberté de mouvement des personnes et des biens, qui exige notamment la levée de - 25 -

l’embargo économique qui avait été maintenu pa r le défendeur, et, élément important, la

confirmation de «la frontière existante» entre les Parties en tant que «frontière internationale

33 durable». L’accord a réaffirmé l’absence de prétentions territoriales du demandeur à l’encontre du

défendeur et prévu que le demande ur puisse rejoindre le concert des nations et devenir un membre

actif de la communauté internationale.

20. En résumé, l’adoption de l’accord a conf irmé le fait que le défendeur reconnaissait

l’attachement du demandeur aux buts et principes énoncés dans la Charte des NationsUnies, à la

promotion de la démocratie, à la lib erté individuelle et à la règle de droit ainsi qu’à la stabilité des

relations entre les deux Pays. C’est pour cela, Monsieur le président et Mesdames et Messieurs de

la Cour, que figure au cŒur de l’accord l’engage ment clair et obligatoire exposé à l’article11,

grâce auquel le demandeur pourrait rejoindre les organisations internationales, régionales et

globales, malgré la divergence sur le nom.

21. Dans ce contexte, les Parties sont d’accord sur certains points. Ceux-ci peuvent paraître

évidents, mais ils ne sont pas sans importance. Les Parties s’entendent sur le fait que l’accord

intérimaire est un traité. Elles conviennent que, dans ces conditions, l’accord intérimaire est régi

par le droit des traités, tel qu’il apparaît dans la convention de Vienne de 1969 à laquelle elles sont

toutes deux parties. Elles s’accordent également à reconnaître qu’entre1995 et le début de2008,

l’accord intérimaire s’appliquait sans aucune difficult é particulière : comme je l’ai indiqué, jamais

avant avril2008 le défendeur n’a invoqué le droi t des traités pour justifier qu’il contestait la

manière dont le demandeur s’acquittait des oblig ations lui incombant en vertu de l’accord

intérimaire. Les éléments de preuve contenus da ns le dossier de plaidoiries qui vous a été soumis

sont parfaitement clairs sur ce point. Les Parti es conviennent également que le défendeur avait

retiré toutes ses objections et avait cessé de c ontinuer de s’opposer à l’accession du demandeur à

toutes organisations et institutions auxquelles celui-ci a ensuite pu accéder entre 1995 et 2008.

22. L’article 11 a donc très bien fonctionné. Depuis 1995, le demandeur a été admis dans un

grand nombre d’organisations internationales ⎯à commencer par le Conseil de l’Europe, en

novembre1995, jusqu’à, tout récemment, l’O ffice européen des brevets, il y a deux ans ⎯ sans - 26 -

rencontrer de quelconque opposition de la part du défendeur . En 1995, à la suite de l’adoption de

l’accord intérimaire, le demandeur s’est même vu offrir ⎯et il a accepté ⎯ d’adhérer au

programme du partenariat pour la paix de l’OTAN, sous l’appellation provisoire énoncée dans la

34 résolution 817, et, en 1999, il a été invité ⎯ offre qu’il a acceptée ⎯ à participer au plan d’action

pour l’adhésion (MAP) de l’OTAN, également sous cette appellation provisoire. Les forces

militaires du demandeur ont depuis lors participé à de nombreux exercices de l’OTAN et apporté

leur concours à plusieurs campa gnes de l’Organisation, y comp ris à la mission de la force

19
internationale de sécurité au Kosovo (KFO R) placée sous le commandement de l’OTAN . Le

demandeur apporte sa contribution à l’opération menée en Afghanistan sous la conduite de

l’OTAN depuis 2002 et compte actuellement quelques 170 hommes servant sous ses ordres ⎯ bien

plus que le défendeur au même moment.

23. Tout au long de cette période, l’Organi sation a fait référence au demandeur suivant

l’appellation énoncée dans la résolution817, ma is il s’est désigné lui-même sous son nom

constitutionnel. Cela a-t-il posé quelque difficulté ? Non. [Projection n°5.] Vous pouvez voir à

l’écran une photographie qui montre clairement un o fficier de la force internationale d’assistance à

la sécurité (ISAF) remettant une décoration à un soldat sur l’uniforme duquel on peut lire le mot :

20
«Macédoine» . Sur l’insigne de l’uniforme ne figurent pas les mots : «ex-République yougoslave

de Macédoine». Il n’y est pas non plus indiqué : «la seconde partie». Il n’y est pas non plus écrit :

«demandeur». Il y est inscrit : «Macédoine». S’il y avait eu une difficulté, on peut supposer que

l’officier de l’ISAF que l’on voit sur la phot ographie n’aurait pas exécu té l’acte amical qu’il

semble accomplir. Le défendeur a-t-il fait part de quelque préoccupation au sujet des contributions

du demandeur à l’OTAN ? Il n’en a rien fait. A-t-il fait part de quelque préoccupation au sujet de

la manière dont le demandeur était désigné au sein de l’OTAN ? Non. Il est donc surprenant que

les hommes et les femmes de Macédoine puissent aller risquer leur vie en Afghanistan mais que le

pays ne soit pas autorisé à accéder à l’Organisation. Cela ne revient pas à dire qu’il n’y a jamais eu

de problème: par exemple, il y a quelques années, lors d’une fête de fin d’année à Kaboul, les

18
Voir la liste dans le mémoire du demandeur, par. 2.40.
19
Voir le mémoire du demandeur, par. 2.50.
20La photographie peut être consultée à l’adressesuivante : http://www.morm.gov.mk/morm/mk/pr/news/
svecenost_ispr_ ISAF.htm dossier de plaidoiries, onglet 2, diapositive 5. - 27 -

forces contribuant à l’ISAF ont été invitées à apporter un plat national. Il me semble que le plat

offert par le demandeur avait été présenté comme une «moussaka macédonienne». Cela n’a pas été

du goût de l’ensemble de la communaut é hellénique. Gastronomie mise à part ⎯ et, pour ma part,

je peux assurément attester des délices d’une savoureuse moussaka macédonienne servie avec une

délicieuse salade grecque et une bonne bouteille de Retsina, peut -être un Ritinitis Nobilis2008

produit par l’excellent établissement vinicole Gaia à Santorini—, le défendeur n’a pas une seule

fois accusé officiellement le demandeur de violati on substantielle de l’accord intérimaire au motif

que figurait le mot «Macédoine» sur ses uniformes, ni, d’ailleurs, pour quelque autre raison que ce

soit. La Cour ne dispose d’aucune preuve du contrair e. Rien. Se sont des faits, et il n’y a pas de
35

désaccord à leur sujet. [Fin de projection.]

24. Pourtant, depuis avril2008, les Parties ne s’entendent pas sur la manière dont il faut

interpréter l’accord intérimaire. Et ces dive rgences découlent de la conduite du défendeur

précédant le sommet de Bucarest en avril2008, comme l’exposent les chapitresII du mémoire et

de la réplique. Pour justifier sa conduite, le défendeur propose —ains i que nous avons pu le

déchiffrer— quatre thèses principales se rapportant à l’accord intérimaire, autour desquelles il a

bâti son argumentation juridique.

25. Premièrement, le défendeur dit qu’une objec tion était permise en vertu de l’article 11 car

il prévoyait que, à un moment futur donné, le de mandeur utiliserait son nom constitutionnel dans

21
ses communications avec l’OTAN . M.Murphy examinera cette question plus en détail demain,

mais je note simplement ici que, entre 1995 et avril 2008, le défendeur n’a jamais ⎯ pas une seule

fois ⎯ affirmé qu’une telle pratique du demandeur serait illicite, justifiant une objection de sa part

en vertu de l’accord intérimaire, pour violation du traité. Dans sa demande d’accession à l’OTAN,

le demandeur a précisé qu’il suivrait au sein de cel le-ci la même pratique que dans toute autre

organisation dont il était devenu membre depuis 1995. Ce fait ne fait l’objet d’aucune divergence,

comme l’exposera M. Murphy.

26. Deuxièmement, le défendeur prétend que l’accord est un «accord synallagmatique», de

telle sorte que le respect de l’obligation énoncée à l’article 11 de ne pas s’opposer à la candidature

21
Contre-mémoire du défendeur, par. 4.72. - 28 -

du demandeur à l’OTAN est en quelque sorte lié au respect, par le demandeur, de toute autre

22
obligation qui lui incombe en vertu de cet accord . Suivant le défendeur, il en résulte qu’il est

parfaitement en droit de décider unilatéralement ⎯ sans préavis et en évitant toutes les obligations

imposées par le droit des traités ⎯ de ne pas s’acquitter de l’oblig ation de l’article11 en raison

d’une prétendue violation, par le demandeur, d’une autre partie de l’accord. Comme vous le

reconnaîtrez, il s’agit là d’un argument original et il se heurte à une difficulté essentielle : hormis la

question de savoir s’il s’agit d’un accord «synallagm atique» tel que le défi nit le défendeur, point

sur lequel nous ne faisons aucune concession, il n’a pas été en mesu re de trouver une seule source

provenant de la Cour ⎯ ou, de fait, de toute autre juridiction internationale ⎯ qui étaye l’argument

36 original qu’il invoque à présent. Et la Cour r econnaîtra bien évidemment que, si elle l’acceptait,

l’argument piétinerait sûrement le droit des traités: cela reviendrait à remplacer un régime qui

prévoit la stabilité et la prévisibilité par un sy stème d’actes unilatéraux adoptés sans préavis ni

référence à de quelconques critères objectifs. N ous avons fait toutes ces remarques dans notre

réplique, en précisant pourquoi nous n’acceptons pas que l’accord intérimaire soit considéré

comme un «accord synallagmatique», ainsi que le présente le défendeur, ni que l’obligation prévue

au paragraphe1 de l’article11 de l’accord soit soumise à la condition du respect de tout autre

obligation. Toutefois, même si le paragraphe1 de l’article11 de l’accord intérimaire devait être

considéré en bloc comme «synallagmatique», quelle serait la conséquence d’une telle conclusion ?

Considérons la thèse du demandeur au regard de l’ opinion des plus hautes instances en la matière.

Examinons donc les propos tenus, en1999, par le rapporteur spécial de la Commission du droit

o
international dans son second rapport sur la responsabilité des Etats. [Projectionn 6.] Voici ce

qu’il a dit :

«le rapporteur spécial est convaincu que le non-respect d’obligations synallagmatiques
doit être justifié a)par la législation concernant la suspension ou l’extinction de ces

obligations (ce qui suffit à traiter de la plupart des problèmes liés aux obligations
conventionnelles), et b) par le droit des contre-mesures» 23.

22
Contre-mémoire du défendeur, par. 3.41-3.49.
23Réplique du demandeur, par. 5.77, citant la Commissi on du droit internationaDeuxième rapport sur la
responsabilité des Etats, présenté par M. James Crawford, Rapporteur spécial, document des NationsUnies
A/CN.4/498/Add.2, par. 329 ; dossier de plaidoiries, onglet 5. - 29 -

Et cette opinion ⎯parfaitement juste selon nous ⎯ n’a pas été désapprouv ée à l’époque par la

Commission du droit international, comme le savent nombre de personnes présentes aujourd’hui

dans la grande salle de justice. En d’autres te rmes, la violation d’une obligation synallagmatique

n’emporte pas une sorte de régime juridique sp écialisé; elle conduit simplement aux règles

classiques qui résultent soit de la violation d’un traité soit des contre-mesures, le défendeur ne

cherchant pas à invoquer ces dernières en l’espèce, comme il l’a indiqué dans son

contre-mémoire 24. Le défendeur n’a rien trouvé à dire , dans sa duplique, à propos de cette

déclaration du rapporteur spécial. Encore une fois , c’est un silence profond et saisissant. Ce

mutisme est assurément dû à l’énormité du probl ème. Nous attendons avec vive impatience de

pouvoir écouter dans la semaine le conseil du défe ndeur sur ce point et, en particulier, de savoir

qui, au nom du défendeur, pourrait être disposé à se présenter à la barre pour dire que le rapporteur

spécial s’était simplement trompé. Rien n’a changé en droit ou dans la pratique depuis qu’il a

37 exprimé son opinion, en soi tout à fait juste. C’est sans doute pourquoi l’argument relatif au

caractère «synallagmatique» de l’accord se réduit à que lques pages tout au plus dans la duplique et

ne semble plus être au cŒur de l’argumentation du défendeur. C’est à n’y rien comprendre. [Fin

de projection.]

27. Le troisième argument du défendeur relatif à la nature de l’accord intérimaire est qu’il

s’agit simplement, comme il l’indique, d’un «cadre conservatoire provisoire» 25. Le défendeur le

définit donc de manière plutôt créative; comme nt dire, un traité «palliatif», une «solution

provisoire»; et, pour une raison ou pour une autr e, le défendeur enchaîne avec l’argument selon

lequel cette condition transforme totalement la nature de l’obligation de l’article 11, renforçant son

caractère conditionnel. Nous avons donc examiné de long en large la convention de Vienne sur le

droit des traités, le texte entier, chaque article, ch aque ligne, à la recherche de la section qui porte

sur les traités «palliatifs». Nous avons cherché la règle particulière sur laquelle le défendeur

semble s’appuyer pour être en mesure d’agir absolument comme il le souhaite, lorsqu’il le souhaite

⎯ c’est ce que le défendeur appelle le droit de «réaction immédiate» 26⎯, une fois qu’ il a décidé

24
Contre-mémoire du défendeur, par. 8.3, voir également par. 8.1.
25Duplique du défendeur, par. 2.32-2.38.

26Duplique du défendeur, par. 2.39 v). - 30 -

de qualifier l’accord comme faisant partie de cette catégorie particulière d’instruments juridiques

internationaux. Cet argument est aussi désespéré qu e le précédent, comme tout étudiant en droit

international présent dans cette pièce, cette grande salle de justice, aujourd’hui, le reconnaîtra

immédiatement. Il est absolument infondé. Il n’est soutenu par aucune source aussi infime soit-

elle, et c’est là un trait caractéristique des pièces de procédure du défendeur.

Ce que nous pouvons ajouter au sujet de la doctr ine de «la réaction unila térale immédiate aux

traités palliatifs» ne nous apparaît pas immédiatement. Pour les Britanniques qui se trouvent parmi

nous, elle rappelle l’affaire des MonthyPython et du «perroquet mort». Le perroquet n’était pas

27
sonné, il n’était pas endormi, le perroquet était bel et bien mort, tout comme cet argument . Le

quatrième argument du défendeur consiste à dire que le sens et l’effet de l’article11 doivent être

28
interprétés dans le contexte de l’article22 . Suivant le défendeur, alors que l’article11

l’empêchait de s’opposer à la candidature du dema ndeur à une organisation internationale, il était

cependant en quelque sorte autorisé à le faire en ve rtu de l’article 22, en raison de prétendus droits

ou obligations découlant de l’instrument constitutif de cette organisation. M. Klein examinera cet

38 argument plus tard et nous y reviendrons demain. P our l’instant, nous vous invitons simplement à

vous poser la question suivante: compte te nu du souhait du demandeur de rejoindre des

organisations internationales et de la pratique qui a été suivie pendant treizeannées, pourquoi

celui-ci aurait-il donc accepté une disposition qui, suivant la thèse du défendeur, prive l’article 11

de tout sens et effet pratique? C’est donner d’une main pour reprendre de l’autre. Cela n’a tout

simplement aucun sens. C’est absurde.

28. Monsieur le président, ce bref exposé pr ésente le contexte de l’adoption de l’accord

intérimaire. Il vise à vous fournir une «feuille de route» pour les arguments qui seront avancés par

la suite. Vous relèverez et identifierez un thème qui se répétera tout au long de nos exposés et qui

est le suivant : dans un contexte de faits qui sont clairs, sans ambigüité et qui sont à peine contestés,

la tâche de la Cour devient une tâche essentielle ment juridique, à savoir celle d’interpréter et

d’appliquer l’accord intérimaire au regard d es faits pertinents et du système de règles

27
Il est possible de regarder le sketch à l’asuivante: http://www.yout ube.com/watch ?v=whHfE48b4VA
(version originale sous-titrée en français).
28
Contre-mémoire du défendeur, par. 6.52-6.63 et 7.26-7.31. - 31 -

internationales dans lesquelles il s’inscrit et auxelles la Cour a tant contribué. Il apparaîtra

clairement à tous que la pos ition du défendeur est un mouvement perpétuel, où un ensemble

d’arguments juridiques nouveaux et originaux en totale évolution ⎯ parfois fondés sur des faits qui

n’existent même pas et dont il n’y a pas de trace ⎯ est avancé à l’appui d’une réaction totalement

injustifiable. C’est simple: si vous vous repor tez à2007 et2008 et que vous examinez les faits

présentés comme preuves, c’est-à-dire, le dossier soumis à la Cour dans les deux séries de pièces

écrites, nous vous invitons à vous poser deux ques tions : premièrement, qu’a fait le défendeur

en 2007 et 2008 ? Qu’a fait le défendeur ? Et, deuxièmement, quelles raisons a-t-il avancées alors

pour expliquer ses actes? Pourquoi? Ces deux ques tions simples sont au cŒur de cette affaire

évidente et pour aider la Cour à y répondre, pe ut-être après une brève pause, je vous demanderais,

Monsieur le président, de bien vouloir inviter M.Murphy à la barre. Je vous remercie de votre

aimable attention.

39 Le PRESIDENT: Je remercie MonsieurSa nds pour sa présentation. Avant d’inviter

M.Murphy à la barre, je pense que le moment est propice de faire une brève pause café de

15 minutes.

L’audience est suspendue de 16 h 40 à 16 h 55.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience reprend. Je donne à présent la parole à

Monsieur Murphy.

M. MURPHY :

LE CONTEXTE FACTUEL :L’OPPOSITION DU DÉFENDEUR À L ’ADMISSION
DU DEMANDEUR À L ’OTAN

Introduction

1. Je vous remercie, Monsieur le président, M esdames et Messieurs de la Cour. C’est un

privilège que de prendre de nouveau la parole devant vous, et de le faire au nom du demandeur en

l’espèce.

2. Ainsi que l’ont souligné notre agent et M.Sands dans leurs exposés, d’une manière

générale, la présente affaire n’est ni juridiquement ni factuellement complexe. En effet, il y a peu - 32 -

de complexité dans les faits centraux sur lesquels repose l’affaire, qui concernent le comportement

adopté par le défendeur en2007 et2008 à l’ég ard de la demande d’admission du demandeur à

l’OTAN. Je suis chargé aujourd’hui de rappeler ce comportement sur la base des éléments de

preuve que nous avons présentés dans nos écritures et qui sont accessibles au public. Demain, nous

expliquerons en quoi ce comportement constitue une «objection» illicite au sens du paragraphe 1 de

l’article 11 de l’accord intérimaire de 1995.

3. Si nous examinons ces faits de manière beau coup plus détaillée dans nos écritures, je me

contenterai ici de mettre l’accent sur quatre points clés, sur lesquels nous demandons à la Cour de

se pencher avant tout.

4. Premièrement, de1995 à2007, le demandeur a pris toutes les mesures nécessaires pour

être invité à adhérer à l’OTAN et, au début de l’an née 2008, il allait entamer la dernière étape de la

procédure d’admission à l’organisation. Lors du sommet de l’OTAN à Bucarest en avril 2008, le

consensus des Etats membres de l’Organisation ét ait requis pour que le demandeur soit invité à

adhérer à l’OTAN. Il suffisait de l’opposition d’un seul Etat membre pour faire obstacle à cette

invitation.

5. Deuxièmement, en 2007 et 2008, le défende ur s’est lancé dans une campagne vigoureuse,

systématique, et publique contre l’admission du demandeur à l’OTAN, pos ition qu’il a maintenue

au cours des mois qui ont précédé le sommet de Bu carest, et lors du sommet lui-même. Pendant le

sommet, deux autres Etats adriatiques ont été invi tés à adhérer à l’Alliance, contrairement au

demandeur.

6. Troisièmement, il ressort de tous les éléments de preuve que l’opposition manifestée par le

défendeur durant cette période s’expliquait par sa préoccupation de voir non réglée la divergence

40 relative au nom. Les éléments de preuve ne montrent pas que cette opposition était fondée sur la

préoccupation de voir l’OTAN désigner le de mandeur sous un nom autre que l’appellation

provisoire prévue. Les éléments de preuve ne m ontrent pas non plus que le défendeur a manifesté

son opposition parce qu’il craignait que, dans les communications avec l’OTAN, le demandeur ou

des Etats tiers utilisent le nom constitutionnel de celui-ci.

7. Et quatrièmement, rien dans la pro cédure d’admission à l’OTAN n’empêche un Etat

membre de s’opposer à l’admission d’un nouveau membre. En effet, cette procédure repose sur - 33 -

l’idée que tout Etat membre peut, par son oppos ition, faire obstacle à l’adhésion d’un nouveau

membre. En outre, si la décision finale de l’OT AN n’est pas en cause en l’espèce, le défendeur a

simplement tort de penser que, même si il n’avait pas formulé d’objection, les Etats membres

auraient de toute façon rejeté la demande d’admission du demandeur.

I. De 1995 à 2007 le demandeur a suivi les étapes de la procédure
d’admission à l’OTAN

8. Monsieur le président, permettez-moi d’en venir à mon premier point, à savoir que

de1995 à2007, le demandeur a suivi les étap es requises pour pourvoir être invité à adhérer à

l’OTAN.

9. La Cour n’ignore évidemment pas que l’OTAN a été créée en 1949 par 12 Etats, mais que

l’Alliance a adopté une «politique de la porte ouverte» en matière de nouvelles admissions.

Aujourd’hui, l’Alliance a plus que doublé sa taille et compte 28Etats membres. Pour donner un

exemple, le défendeur a rejoint l’OTAN en 1952, alors que l’Albanie et la Croatie ont été invitées à

29
adhérer lors du sommet de Bucarest en avril 2008 .

10. Cet élargissement de l’Organisation s’est fait conformément à l’article10 du traité de

l’Atlantique Nord, qui prévoit en partie que «[l]es parties peuve nt, par accord unanime, inviter à

accéder au traité tout autre Etat européen susceptible de favoriser le développement des principes

30
du présent traité et de contribuer à la sécur ité de la région de l’Atlantique Nord» . Un

consentement «unanime» étant requis, l’oppositi on d’un seul Etat membre suffit pour empêcher

o
tout accord et, donc, faire obstacle à l’adhésion d’un nouveau membre. [Fin de la projection n 1.]

41 11. Comme M.Sands l’a noté, au lendemain de la conclusion de l’accord intérimaire

en1995, le demandeur a accepté de participer au programme de l’OTAN dit «partenariat pour la

paix» après y avoir été invité, et le défendeur ne s’y est pas opposé. Ce programme, également

appelé «PpP», vise à promouvoir la coopération prati que entre les pays partenaires et l’OTAN ; il

29
Mémoire du demandeur, par. 2.44.
30Traité de l’Atlantique Nord, article 10, 4 avril 1949, 34 UNTS 243. - 34 -

permet aux pays partenaires de bénéficier de l’entraînement dispensé par les forces de l’OTAN et

de se joindre aux missions de maintien de la paix de l’Organisation, ce que le demandeur a fait et

continue de faire aujourd’hui en Afghanistan . 31

12. En 1999, l’OTAN a mis en place un autre programme, le «plan d’action pour l’adhésion»

ou «MAP». Ce programme vise à aider les pays qui souhaitent devenir membres de l’OTAN en

leur fournissant des conseils et un appui logistique sur les diverses exigences liées au statut de

membre. Là aussi, le demandeur a accepté de par ticiper à ce programme sans que le défendeur ne

s’y oppose. Sur les dix pays qui ont participé à ce programme depuis 1999, seul le demandeur ne

s’est pas vu offrir le statut de membre de l’Organisation 32.

13. Pendant sa participation aux deux progr ammes, et jusqu’à présent, le demandeur a

toujours été doté à l’OTAN de l’appellation d’«e x-République yougoslave de Macédoine». C’est

le nom utilisé par le secrétariat de l’OTAN dans ses communications avec le demandeur, c’est

également celui utilisé notamment dans des documents et des rapports officiels de l’Organisation.

Parallèlement, le demandeur a toujours ⎯ depuis 1995 ⎯ utilisé son nom constitutionnel dans ses

échanges officiels avec l’OTAN, notamment pour signer des documents. Pour donner un exemple,

c’est le nom «Macédoine» qui apparaît sur l’unifo rme du demandeur lors des exercices et des

missions avec les forces de l’OTAN, comme le mo ntre clairement la photo que M.Sands vous a

projetée. Cette pratique est constante et n’a jamais été jugée inappropriée par l’OTAN ou par ses

33
Etats membres, à l’exception peut-être du défendeur .

14. Les chefs d’Etat ou de gouvernement de l’OTAN se réunissent périodiquement lors d’un

«sommet» dont le but est de donner des orientati ons stratégiques à l’Alliance. Par ailleurs, la

dernière étape de la procédure d’admission s’ouvr e lors du sommet de l’Alliance, lorsque les Etats

membres prennent la décision d’inviter un pays à engager des pourparlers en vue de son adhésion.

42 Ces pourparlers ont pour but de vérifier que le pa ys candidat prend les dernières mesures qui lui

permettront d’honorer toutes ses obligations politiques, juridiques et militaires en tant que membre

de l’Alliance. Aux termes de ces pourparlers, un protocole d’adhésion est signé et ratifié par tous

31Mémoire du demandeur, par. 2.47, 2.50.
32
Ibid.
33Réplique du demandeur, par. 2.29-2.32. - 35 -

les Etats membres, et le pays candidat dépose son instrument d’adhésion et devient officiellement

membre de l’Alliance. Il importe de souligne r en l’espèce que l’étape finale de la procédure

d’admission ne pourra être menée à terme si aucune invitation n’est adressée à l’Etat candidat lors

34
du sommet .

15. Au milieu de l’année 2007, il est apparu que trois pays, à savoir l’Albanie, la Croatie et

le demandeur, étaient sur le point d’être invités à adhérer à l’Organisation lors du prochain sommet

de l’OTAN, devant se tenir à Bucarest au début du mois d’avril 2008. Le demandeur a fait savoir

que s’il devenait membre de l’OTAN, il accepterait pl einement de continuer à y être désigné sous

son nom provisoire. [Début de la projection n o2] En effet, en janvier2007, le président du

demandeur a déclaré ce qui suit :

«Naturellement, le plus satisfaisant pour nous serait de devenir membre de
l’OTAN sous notre nom constitutionnel. N éanmoins, si aucune solution à notre

différend n’est trouvée avant que nous ayons rejoint l’OTAN, nous sommes prêts, à
titre de solution temporaire, à devenir un membre à part entière sous le nom par lequel
nous sommes actuellement désignés aux Nations Unies.» 35

o
[Fin de la projection n 2.]

16. Par conséquent, dans la période qui a précédé le sommet de Bucarest, les Etats membres

de l’OTAN semblaient prêts à inviter le demandeur à adhérer à l’Organisation, comme cela ressort

de plusieurs déclarations faites à l’époque par cer tains d’entre eux, et que nous avons reproduites

dans nos écritures 3. Ainsi par exemple, le ministre de la défense de la République tchèque a

déclarélors d’une visite à Skopje en septembre 2007: «Ma visite est le signe du soutien que nous

apportons à la Macédoine sur la voie de son adhési on aux organisations euro-atlantiques. J’espère

37
que la Macédoine sera invitée à rejoindre l’OTAN au sommet de Bucarest en avril 2008.»

17. Pour conclure ce premier point, je dirai que les informations et les éléments de preuve

dont vous disposez montrent que de 1995 à 2007, le demandeur suivait en tous points la procédure

34
Mémoire du demandeur, par. 2.48 ; réplique du demandeur, par. 2.37-2.43.
35
Mémoire du demandeur, annexe 69, p. 2.
36Voir par exemple, mémoire du demandeur, par. 2.53.

37Mémoire du demandeur, annexe 72. - 36 -

qui aurait dû conduire à son admission à l’OTAN, était l’un des trois pays dont la candidature allait

43 être examinée lors du sommet de Bucarest, et était prêt à adhérer à l’OTAN en y étant doté de son

appellation provisoire.

II. En 2007-2008, le défendeur s’est vigoureusement et systématiquement
opposé à l’adhésion du demandeur à l’OTAN

18. Monsieur le président, j’en viens à présent à mon deuxième point, qui concerne la preuve

du comportement du défendeur en 2007 et en 2008 à l’égard de l’invitation qui allait être adressée

au demandeur d’adhérer à l’OTAN.

19. Les éléments de preuve ne montrent pas avec une précision absolue à quel moment exact

le défendeur a changé de position à l’égard de l’admission du demandeur à l’OTAN. Pendant au

moins les dixannées qui ont suivi l’adoption de l’accord intérimaire, le défendeur a reconnu que,

en vertu de cet accord, il ne pouvait s’opposer à l’admission du demandeur aux organisations

internationales tant que celui-ci y était désigné sous son nom provisoire. Les déclarations faites par

des représentants du défendeur jusqu’en2005 mont rent que celui-ci semblait continuer de se

38 39
conformer à cette obligation et de soutenir l’adhésion du demandeur à l’OTAN .

20. Toutefois, le défendeur semble avoi r commencé à changer de position en2004-2005

après que plusieurs pays, dont les Etats-Unis d’ Amérique, eurent reconnu officiellement le

demandeur sous son nom constitutionnel 40. Dans les deuxannées qui ont suivi, le défendeur a

durci sa position de sorte qu’à l’été2007, il a adopté une nouvelle décision «stratégique» sur la

manière de réagir à l’admission du demandeur à l’OTAN. Réfléchissant sur cette période, l’ancien

premier ministre du défendeur, Mme Dora Bakoyannis, a déclaré : «[n]ous connaissions la stratégie

que nous mettrions en Œuvre sur la question de Sk opje même avant l’été 2007. La décision avait

été prise.»41

38Réplique du demandeur, par. 2.50-2.51.
39
Réplique du demandeur, par. 2.49.
40Mémoire du demandeur, par. 2.60, n 121 ; réplique du demandeur par. 2.52.

41Réplique du demandeur, par. 2.53 ; annexe 189, p. 5. - 37 -

21. Quelle était cette décision? Les éléments de preuve présentés à la Cour, examinés au

42
chapitre 2 de notre mémoire et de notre réplique, et reproduits dans nos annexes , sont abondants,

clairs et sans équivoque: ils n’ont fait l’objet d’aucune contestation sérieuse de la part du

44 défendeur. A la fin de l’année 2007 et au début de l’année 2008, le défendeur s’est lancé dans une

campagne vigoureuse et systématique d’oppositi on à l’adhésion du demandeur à l’OTAN au seul

motif que la divergence sur le nom n’avait pas encore été réglée. Ces éléments de preuve

proviennent des propres communications diplomat iques écrites et orales du défendeur, et de

déclarations faites publiquement et au sein des in stitutions gouvernementales officielles de celui-ci

par ses hauts représentants.

22. Je ne reviendrai pas cet après-midi sur tous les éléments de preuve qui vous ont été

présentés, mais permettez-moi de mettre l’accent sur quelques exemples.

23. Pour commencer, dès l’automne2007, le défendeur a fait des déclarations publiques

claires et dépourvues d’ambigüité quant à son in tention d’utiliser le sommet de Bucarest pour

o
promouvoir ses intérêts en matière de politique étrangère. [Projection n 3.] Intéressons–nous de

nouveau à l’interview du ministre des affaires étrangères du défendeur, MmeBakoyannis, que

M.Sands a mentionnée tout à l’heure. Voici l es propos échangés au sujet de la manière dont le

défendeur entendait agir dans le cadre des négociations sur la question du nom :

«Journaliste: la Grèce est-elle dis posée à aller au bout de sa logique, pour
mettre à profit les perspectives d’adhésion de Skopje à l’OTAN, et recourir à tous les
moyens et options à sa disposition ?

MmeBakoyannis: oui. La réponse est affirmative. La Grèce considère les
relations de bon voisinage et la réso lution des problèmes comme une condition
43
préalable à l’adhésion à l’Alliance.»

[Fin de projection.]

24. En coulisses, le défendeur faisait très clairement part aux autres Etats membres de

l’OTAN de son opposition. Il a rédigé un long aide-mémoire devant être utilisé dans le cadre des

discussions avec l’ensemble des Etats membres de l’OTAN. [Projection n o4.] Ce document est

actuellement projeté à l’écran. Dans les conclusi ons, qui figurent aux pages3 et4, le défendeur

42
Voir généralement mémoire du de mandeur, annexes 65-106 et 123-135 ; ré plique du demandeur, annexes 5-7,
75-82 et 89-153.
43Mémoire du demandeur, annexe 73. - 38 -

affirme que: «le dénouement satisfaisant de[s] né gociations [relatives au nom] est une condition

sine qua non pour que la Grèce puisse continuer de sout enir les aspirations euro-atlantiques de

44
Skopje» . Il déclare ensuite, dans un dernier point :

«Par conséquent, il est dans l’intérêt de tous de régler cette importante question

45 avant qu’une prochaine décision euro-atlanti que d’élargissement ne soit prise. Il
s’agira du critère décisif pour que la Gr èce accepte l’envoi d’une invitation à
l’ex-République yougoslave de Macédoine pour engager les négociations d’adhésion à
45
l’OTAN.»

25. Le défendeur indiquait donc par écrit aux autres Etats membres de l’OTAN —par les

voies diplomatiques officielles— son intentio n de ne pas accepter une décision de l’OTAN

favorable à l’adhésion du demandeur. En outre, le «critère décisif» pour le défendeur — il ressort

en fait des éléments de preuve qu’il s’agissait de son seul critère —, le «critère décisif» pour qu’il

accepte l’adhésion du demandeur à l’OTAN était qu ’il juge acceptable l’issue des négociations

relatives au nom. [Fin de projection.]

26. Cette opposition a été exprimée publiquement et de manière répétée au plus haut niveau

du gouvernement du défendeur, par so n premier ministre, KostasKa ramanlis. A titre d’exemple,

M.Karamanlis a prononcé un discours devant le Parlement le 22 février 2008, discours

partiellement reproduit à l’annexe 80 de notre mémoire. Il y déclarait notamment : «nos positions,

arguments et moyens sont connus», avant d’ajouter : «sans solution mutuellement acceptable, il ne

46 o
peut y avoir d’invitation à rejoindre l’Alliance» . [Diffusion de l’enregistrement vidéo n 1.]

27. Dans un discours similaire, également prononcé en février ⎯ en fait, juste une semaine

après le précédent —, le premier ministre a clairement indiqué que le défendeur poursuivait un «but

o
stratégique» en s’opposant à l’adhésion du demandeur à l’OTAN. [Projection n 5.] Il a ainsi

déclaré :

«Les principes, le but stratégique, le cadre et les éléments essentiels de notre
politique sont bien connus. La stratégi e que nous avons tracée est claire. Notre

volonté de trouver une solution [mutuellement acceptable au différend relatif au nom]

44
Mémoire du demandeur, annexe 129.
45Ibid.

46Extrait vidéo du discours prononcé par M.KostasKa ramanlis, premier ministre du défendeur, session du
Parlement grec du 22 février 2008, partie llement reproduit à l’annexe 80 du mémoire du demandeur. Cet enregistrement
vidéo est disponible à l’adresse : www.youtube.com/watch?v=JrWBlzCQahQ&feature=related. - 39 -

est réelle. Notre position est claire: «pas de solution ⎯pas d’invitation». A défaut
de solution, les aspirations du pays voisin à rejoindre l’OTAN resteront non
réalisées.» 47

[Fin de projection.]

28. Le défendeur s’est montré inflexible dans la poursuite de ce but stratégique.

Mi-mars2008, un mois avant le sommet de Bucarest , son ministre des affaires étrangères a pris

part à une réunion informelle des ministres des affaires étrangères de l’OTAN à Bruxelles, lesquels

46 devaient procéder à un examen préalable et à la préparation des décisions devant être prises

à Bucarest. A cette occasion, MmeBakoyannis a fait une déclaration publique dans laquelle

o
elle a présenté la position adoptée par le défende ur à cette réunion informelle. [Projection n 6.]

Elle a, entre autres, déclaré: «Comme je l’ai précisé à mes collègues du Conseil, c’est pour cette

raison que la Grèce n’a pu consentir à cette invita tion. Nous le déplorons . Personne n’aime faire

usage «d’un droit de veto».» 48

29. Monsieur le président, les termes employ és ne laissent, selon nous, pas place au doute.

MmeBakoyannis dit bien «la Grèce n’a pas pu con sentir à cette invitation». Le ministre des

affaires étrangères du défendeur qualifie lui-même la position pri se au sein de l’Alliance comme

constitutive d’un «veto» ce qui n’ est, évidemment, pas le terme technique approprié, mais traduit

assurément le rôle joué par l’opposition du défendeur et l’effet de celle-ci. En outre, et bien qu’elle

ne l’ait pas précisé dans ce discours-là, Mm Bakoyannis dira par la suite de la

«position…présentée» à Bruxelles, qu’elle était «pour l’essentiel, un premier veto contre toute

invitation à adhérer qu’il pourrait être envisagé d’adresser à Skopje au Sommet de Bucarest» 49.

[Fin de projection.]

30. Fin mars2008, alors que le sommet de Bucar est était imminent, le premier ministre du

défendeur a prononcé un discours devant le gr oupe parlementaire du parti au pouvoir.

[Projection n o 7.] Il y évoquait la voie prise par son pays dans les mois ayant précédé le sommet de

47Réplique du demandeur, annexe 97.
48
Mémoire du demandeur, annexe 83.
49Mémoire du demandeur, annexe 89. - 40 -

Bucarest et indiquait: «Au cours de ces dern iers mois, nous avons fait savoir en toute

responsabilité qu’en l’absence de solution mutuellement acceptable, la voie vers l’OTAN ne saurait

être ouverte pour notre pays voisin. Ce dernier ne pourrait être invité à adhérer.» 50

[Fin de projection.]

31. Deux jours avant le sommet, le ministre des affaires étrangères du défendeur a publié un

o
article intitulé «Le point de vue d’Athènes» dans l’International Herald Tribune. [Projection n 8.]

MmeBakoyannis y indiquait très clairement l es intentions du défendeur, précisant dans les

deuxième et troisième paragraphes: «Nous soutiendr ons fermement l’adhésion de l’Albanie et de

la Croatie à l’OTAN. Toutefois, s’agissant de l’ERYM, nous ne pourrons en faire de même tant

que les dirigeants de ce pays refuse[ron]t de régler la question du nom.» L’article se termine ainsi :

47 «Tant que le problème persistera, nous ne pourrons apporter notre soutien à la candidature de

l’ARYM à l’OTAN ou à l’Union européenne. Jamais aucun gouvernement grec n’acceptera.

Jamais aucun parlement grec n’approuvera.» 51

[Fin de projection.]

32. Cela nous amène au sommet de Bucares t lui-même, qui s’est tenu en avril2008.

L’intérêt porté par le public à la question de savoir si le défendeur maintiendrait son opposition à la

candidature du demandeur était évidemment considérable.

33. Dans un discours prononcé après l’annonce que l’OTAN n’inviterait pas le demandeur à

adhérer, le premier ministre du défendeur a été très clair sur la position adoptée par son pays au

Sommet. Ce discours, adressé aux «[f]emmes et [aux] hommes de Grèce» figure —si vous

o
souhaitez vous y reporter — sous l’onglet n 4 du dossier de plaidoiries. Etant donné qu’il reprend

la démarche générale adoptée pa r le défendeur dans les mois qui ont précédé le sommet de

Bucarest, je vous prie de bien vouloir m’autoriser à en lire les premiers paragraphes. Voici ce qu’a

déclaré le premier ministre du défendeur le 3 avril 2008 :

«Femmes et hommes de Grèce,

Unis et confiants dans vos capacités, nous avons remporté une bataille. C’est
avec fermeté et résolution que nous avançons vers notre ultime objectif, une solution
définitive au problème.

50
Mémoire du demandeur, annexe 88.
51Mémoire du demandeur, annexe 90. - 41 -

Pendant le sommet de l’OTAN qui s’est tenu ici, à Bucarest, nous avons

examiné les candidatures de trois pays qui souhaitent devenir membres de l’Alliance
nord-atlantique: l’Albanie, la Croatie et l’ex-République yougoslave de Macédoine.
Il a été décidé à l’unanimité que l’Albanie et la Croatie adhéreraient à l’OTAN. En

raison du veto de la Grèce, l’ex-République yougoslave de Macédoine ne rejoindra
pas l’OTAN.

J’avais informé tout le monde, aussi si ncèrement et généralement que possible,

qu’«un échec dans le règlement de la ques tion du nom entraverait leur invitation» à
rejoindre l’Alliance. Et c’est ce qui s’est passé. Skopje ne pourra devenir membre de
l’OTAN que lorsque la question du nom sera réglée.» 52

34. Je m’arrêterai ici. D’autres aspects de ce discours peuvent être examinés, mais il me

semble que ce passage exprime bien la position adop tée par le défendeur au sommet de Bucarest.

A mon sens, il ressort clairement de cet extrait que le premier ministre déclare que son pays a

«remporté une bataille». Il reconnaît ainsi pleinement, selon nous, le caractère agressif, continu et

stratégique de son comportement. Comme indiqué dans ce discours, la décision de ne pas inviter le

demandeur à rejoindre l’OTAN tient à une chose ⎯«le veto de la Grèce». Comment ce «veto»

48 a-t-il été opposé? Le premier ministre indique a voir dit «sur tous les tons et à chacun» qu’en

l’absence de règlement de la question du nom, il ne pouvait y avoir d’invitation.

35. Fort curieusement, dans sa duplique, le défendeur affirme que nous n’avons «jamais

apporté la preuve que la Grèce avait effectiv ement soulevé une objection lors du sommet de

53
Bucarest» . Or, le cinquième paragraphe de ce discours révèle que le premier ministre était très

soucieux d’informer les «[f]emme s et [les] hommes de Grèce» de ce qu’«hier et aujourd’hui,

pendant [les] réunions, [le défendeur avait] fait valoir [ses] solides arguments, affirmant clairement

[ses] positions et [ses] intentions»54. L’opposition du défendeur, exprimée à Bucarest avec «la plus

grande fermeté» par ses plus hauts représentants, ne fait donc selon nous aucun doute. [Fin de

projection.]

36. Immédiatement après le sommet, le 14avril2008, le représentant permanent du

défendeur auprès de l’Organisation des Nations Unies a écrit au Secrétaire général de

l’Organisation ainsi qu’à tous les Etats membres de celle-ci. [Projection n o10.] Dans sa lettre, le

défendeur confirmait à tous le s membres l’opposition qu’il avait manifestée à l’admission du

demandeur lors du sommet de Bucarest, précisant ce qui suit :

52Mémoire du demandeur, annexe 99.
53
Duplique du défendeur, par. 6.23.
54Mémoire du demandeur, annexe 99 ; les italiques sont de nous. - 42 -

«Au récent sommet de l’OTAN à Bucar est, étant donné qu’aucune solution

viable et définitive n’a pu être trouvée à la question du nom, la Grèce n’a pas pu
accepter que l’ex-République yougoslave de Macédoine soit invitée à rejoindre
l’Alliance nord–atlantique.» 55

[Fin de projection.]

37. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, toutes ces déclarations sont

des déclarations officielles. Elles sont toutes dépourvues d’ambigüité. Il s’agit de reconnaissances

faites par le défendeur, à l’époque des faits, de son opposition — et du fondement de celle–ci — à

l’admission du demandeur à l’OTAN. Nous estimons que, compte tenu de leur nature et des

circonstances dans lesquelles elles ont été faites, ces déclarations revêtent la plus haute valeur

56
probante . La Cour a en effet récemment confirmé qu’elle préfère «des informations fournies à

l’époque des événements par des personnes ayant eu de ceux-ci une connaissance directe». Et elle

49 a ajouté qu’elle «prêtera une attention toute par ticulière aux éléments de preuve dignes de foi

attestant de faits ou de comportements défavorables à l’Etat que représente celui dont émane lesdits

éléments» ( Activités armées sur le territoire du C ongo (République démocratique du Congo

c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 201, par. 61).

38. Il est à noter que le défendeur ne conteste pas l’existence de ces déclarations, et que

l’authenticité des éléments de preuve que nous vo us avons présentés ne fait pas débat entre les

Parties. Le défendeur ne nie pas que ses plus hauts représentants ⎯son premier ministre, son

ministre des affaires étrangères, son représen tant permanent auprès de l’Organisation des

Nations Unies ⎯ aient fait ces déclarations. Il ne prétend pas que les termes en aient été déformés

ou mal retranscrits, voire cités hors contexte.

39. Le défendeur tente simplement d’en minimiser l’importance en soutenant que ces

déclarations sont des «actes unilatéraux», qu’ell es ne visaient pas à «refléter avec précision le

57
comportement de la Grèce» , et qu’elles n’étaient que «des expressions de mécontentement

inopinées ou des déclarations politiques destinées à poser une ambiance» 5.

55Mémoire du demandeur, annexe 132.
56
Mémoire du demandeur, par. 2.17 (cita nt l’arrêt rendu en l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 41, par. 64).
57
Contre-mémoire du défendeur, par. 5.55.
58Duplique du défendeur, par. 5.31. - 43 -

40. Pourtant, Monsieur le président, avec tout le respect dû à nos contradicteurs, lorsqu’un

premier ministre s’exprime deva nt le parlement de son propre pays, en tant que chef du

gouvernement, il ne le fait pas à la légère ou de manière cavalière, et certainement pas à titre

personnel ou officieux. Lorsqu’un ministre des affaires étrangères fait une déclaration publique à

l’issue d’une réunion de l’OTAN d’ intérêt majeur, il ne le fait pas avec désinvolture ou sans tenir

compte des obligations juridiques internationales incombant à son pays. Et lorsqu’un ambassadeur

auprès de l’Organisation des NationsUnies demande à ce qu’une lettre soit distribuée à tous les

Etats membres de l’Organisation, il ne le fa it pas pour poser une ambiance ou pour des motifs

personnels, sans lien avec les intérêts de son Etat.

41. Il n’y a pas que les déclarations officielles du défendeur. Des représentants de l’OTAN

ont confirmé l’opposition manifestée par celui-ci. Ainsi, la veille de la réunion finale du

sommet de Bucarest à laquelle aucun consensu s n’a pu être trouvé, le porte-parole de

l’OTAN, M.JamesAppathurai, a exposé la situati on aux médias. Il a notamment dit ce qui suit

⎯ sa déclaration est reproduite in extenso dans nos annexes ainsi qu’à l’annexe30 du

contre-mémoire du défendeur ⎯ : [diffusion de l’enregistrement vidéo 3]

«Le Gouvernement grec a été très clair, y compris au cours des discussions qui
se sont déroulées ce soir. Tant que la ques tion du nom ne sera pas réglée et à moins
qu’elle ne le soit, on ne saurait s’attendr e à ce qu’il y ait un consensus quant à la

50 décision d’adresser à l’ex-République you goslave de Macédoine une invitation à
entamer des pourparlers d’adhésion.» 59

C’est le propre porte–parole de l’OTAN qui, au moment du Sommet de Bucarest, a dit que le

Gouvernement grec avait été très clair sur le fait que, tant que la question du nom ne serait pas

réglée, il n’y aurait pas de consensus quant à la décision d’adresser à l’ex-République yougoslave

de Macédoine une invitation.

42. D’autres Etats membres de l’OTAN — notamment l’Espagne, la Slovénie et les

Etats-Unis— ayant pris part aux négociations relatives à l’adhésion ont également confirmé

l’opposition du défendeur 60. Les informations diffusées à l’époque par divers médias le

confirment, comme en attestent plus de cent cinquante articles joints à nos écritures.

59
Extrait vidéo du point presse du porte-parole del’OTAN, M. James Appathurai, sommet de Bucarest,
3 avril 2008, intégralement reproduit dans le contre-mémoire du défenannexe30. Cet enre gistrement vidéo est
disponible à l’adresse http://www.youtube.com/watch?v=sF4fD5g9dco&feature=related.
60Mémoire du demandeur, par. 2.61 ; réplique du demandeur, par. 2.22. - 44 -

43. Il ressort de manière certaine et dépourvue d’ambigüité de l’ensemble de ces éléments de

preuve que le défendeur s’est fermement et sy stématiquement opposé à l’adhésion du demandeur à

l’OTAN avant et pendant le sommet de Bucarest. Les représentants du défendeur ont eux-mêmes

61 62
qualifié cette opposition de «bataille» livrée avec «ordre et méthode» , bataille ayant nécessité

des «contact[s oraux et écrits] avec des dirigeants étrangers» 63, des «réunions constantes» 64et

65 66
«intenses» et des «négociations [menées] avec assiduité» . Pour reprendre les termes du

défendeur lui-même, cette campagne avait pour obj ectif de «convaincre [ses] alliés et amis du

bien-fondé de [ses] positions» 67.

44. En résumé, il est un fait incontestable que le défendeur s’est effectivement opposé à

l’adhésion du demandeur. Comme nous l’e xposerons demain, cette opposition était une

«objection» au sens du paragraphe 1 de l’article 11 de l’accord intérimaire.

51 III. L’objection soulevée par le défendeur ne reposait pas sur le fait que le demandeur

serait doté à l’OTAN d’une appellation différente de celle qu’il porte à l’ONU

45. Monsieur le président, j’en arrive à présent au troisième point, à savoir qu’aucun des

éléments présentés ne prouve que l’opposition du défendeur reposait à cette époque sur la

préoccupation de voir le demandeur doté d’une appellation différente à l’OTAN de celle qu’il porte

à l’ONU.

46. Parmi les nombreux exemples de déclarations et de communiqués de hauts représentants

du défendeur datant de la période considérée, la Cour ne trouvera aucun élément indiquant que le

défendeur se serait opposé à l’adhésion du demande ur à l’OTAN parce que celui-ci y serait doté

d’une appellation différente de sa désignation provisoire. En par ticulier, il ne vous a été présenté

aucun élément prouvant que l’oppos ition du défendeur était due à une inquiétude au sujet de la

61Réplique du demandeur, annexe 121.

62Voir, par exemple, mémoire du demandeur, annexe 99 et réplique du demandeur, annexe 147.
63
Réplique du demandeur, annexe 121.
64
Réplique du demandeur, annexes 143 et 145.
65Ibid.

66Réplique du demandeur, annexe 189.

67Ibid. - 45 -

manière dont le demandeur serait désigné par l’ OTAN, dont les autres Etats désigneraient le

demandeur ou dont le demandeur se désignerait lui-même, que ce soit au sein de l’OTAN ou

ailleurs. Le défendeur n’a produit aucun élément à l’appui d’une telle allégation.

47. Au contraire, les éléments de preuve pr ésentés convergent tous dans une seule et même

direction: le défendeur s’est opposé à l’adh ésion à l’OTAN parce qu’au cune solution n’avait

encore été trouvée pour régler la divergence au sujet du nom. L’idée-force des déclarations que

nous vous avons présentées aujourd’hui est la suivante : «pas de solution au différend concernant le

nom, pas d’invitation à rejoindre l’OTAN». C’es t ce que le premier ministre du défendeur a

déclaré devant le parlement en février 2008 68. C’est ce qu’il a dit dans la déclaration qu’il a faite à

la presse à la mi-mars2008 69. Et c’est ce qu’il a dit dans le discours qu’il a prononcé à la fin du

70
mois de mars2008 devant le groupe parlementa ire de son parti, qui est le parti au pouvoir. La

cohérence des éléments versés au dossier est sans faille ; pas de solution au différend concernant le

nom, pas d’invitation à rejoindre l’OTAN. Les fa its ne conviennent peut -être pas au défendeur,

mais il doit les accepter.

48. En effet, pour toutes les parties prenantes au processus, c’était là la raison de

l’opposition du défendeur, étant donné que le défendeur l’avait dit haut et clair. Ainsi que le

ministre des affaires étrangères du défendeur l’ avait fait savoir moins d’une semaine avant le

sommet de Bucarest: «[p]as de solution—pas d’invitation. Nous l’avons dit, ce ne sont pas des

paroles en l’air, et chacun le sait» 71. L’OTAN a assurément bien compris le message, ainsi qu’il

72
52 ressort de la déclaration de son porte-parole à Bucarest . Et, pour reprendre les termes du service

de recherche du Congrès des Etats-Unis, «[b]ie n que [l’Alliance] ait j ugé que la Macédoine

satisfaisait aux critères d’adhésion, la Grèce a opposé son veto à la candidature de ce pays en raison

73
d’un différend de longue date concernant son nom» .

68Réplique du demandeur, annexe 97.

69Ibid., annexe 109.
70
Mémoire du demandeur, annexe 88.
71
Ibid., annexe 89.
72Contre-mémoire du défendeur, annexe 30.

73Mémoire du demandeur, annexe 135 ; voir aussi réplique du demandeur, annexe 82. - 46 -

49. En résumé, bien que le défendeur ait présenté de manière très exhaustive à divers organes

de l’ONU et d’organisations internationales ses doléances au sujet du demandeur, il n’a pas produit

la moindre preuve à l’appui de sa nouvelle thèse qu’ il a fait valoir après le début de la présente

instance, selon laquelle il s’était opposé à l’ adhésion du demandeur à l’OTAN en raison de

l’appellation dont le demandeur serait doté au sein de l’Alliance.

IV. Bien que la décision de l’OTAN ne soit pas en cause devant la Cour, le défendeur
donne une image erronée de cette décision et des liens entre celle-ci
et l’opposition qu’il a manifestée

50. Monsieur le président, j’en viens à présent au quatrième et dernier point qui recouvre

deux aspects du processus de décision en vigueur à l’OTAN dont le défendeur donne une idée

erronée.

51. Premièrement, dans ses écritures, le défe ndeur cherche à faire valoir qu’aucun des Etats

membres de l’OTAN n’est appelé à se prononcer individue llement pour ou contre une adhésion,

étant donné qu’une invitation à rejoindre l’Alliance do it faire l’objet d’un con sensus. En d’autres

termes, le défendeur tente de présenter une décisi on consensuelle de l’OTAN comme sortie de

nulle part, indépendamment de tout avis exprim é sous la forme d’une acceptation ou d’un rejet par

les différents Etats membres. Il affirme que, comme «la décision de l’OTAN du 3 avril 2008 était

74
une décision consensuelle[, l]a Grèce n’a … jamais eu à élever [d’]objection» .

52. Dans notre réplique, nous avons démontré que ces affirmations sont dénuées de tout

75
fondement . En nous appuyant sur plusieurs sources officielles de l’OTAN, nous avons exposé le

long processus qui est mis en Œuvre en vertu de l’ar ticle10 du traité de l’Atlantique Nord. Bien

53 que les décisions définitives soient prises lors de réunions au sommet, comme celle de Bucarest, le

processus lui-même s’étend sur de nombreux mo is, supposant des discussions «franches et

76
directes» entre les Etats membres quant à leurs positions respectives.

53. La procédure de prise de décision par consensus signifie qu’«[i]l n’y a ni vote ni décision

77
à la majorité» ni aucune procédure de veto formelle au sein de l’OTAN. Cela ne signifie pourtant

74Duplique du défendeur, par. 6.27.
75
Réplique du demandeur, par. 2.34-2.47.
76
Contre-mémoire du défendeur, annexe. 22, p. 8.
77Ibid. - 47 -

78
pas, comme le soutient le défendeur, qu ’il n’y a pas de «mécanisme d’objection» au sein de

l’OTAN. Bien au contraire. Un consensus ne peut être atteint que si aucune Etat membre de

l’OTAN ne s’oppose expressément à la décision en question. Le mécanisme de l’objection est

donc un élément central du processus de recherche de consensus: lorsqu’un Etat membre, voire

plusieurs, s’opposent expressément à une décision, cette objection sert à bl oquer le consensus.

Bien que cela ne soit pas techniquement désigné par le terme de «veto» au sein de l’OTAN, «[cela]

peut conduire à un veto de fa it dans la pratique», comme l’OTAN elle-même l’indique

clairement 79.

54. Le défendeur aurait pu choisir de ne pas s’opposer officiellement et expressément à

l’adhésion du demandeur à l’OTAN, tout comme il aurait pu choisir de ne pas faire de démarches

officielles auprès d’autres membr es de l’Alliance pour gagner des appuis favorables à sa position.

Or, au lieu d’adopter cette stratégie, le défe ndeur a choisi de s’opposer vigoureusement et

systématiquement à l’adhésion du demandeur à l’OTAN.

55. Deuxièmement, et cela concerne toujours le processus décisionnel de l’OTAN: le

défendeur tente de faire valoir que son opposition était sans importance étant donné qu’il existait

déjà un consensus au sein de l’OTAN selon lequel le demandeur ne remplissait pas les critères aux

fins de son adhésion 80. Nous relèverons tout d’abord que la position finalement adoptée par

l’OTAN, ainsi que celles des autres Etats me mbres de l’Alliance à Bucarest, ne sont en

l’occurrence pas pertinentes. La présente espèce concerne exclusivement la licéité de la conduite

du défendeur en2007-2008 au regard de l’accord in térimaire; cette conduite peut être considérée

comme licite ou illicite indépenda mment des positions adoptées par d’autres Etats membres de

l’OTAN.

56. Nous nous sentons toutefois obligés de faire observer qu’avant le sommet de Bucarest

l’OTAN n’a jamais considéré le règlement de la diverg ence au sujet du nom comme une condition

«sine qua non» 81à remplir par le demandeur pour pouvoir devenir membre de l’OTAN. Au cours

78Ibid., par. 1.6.
79
Ibid., annexe 15.
80
Duplique du défendeur, par. 6.3-6.24.
81Ibid., par. 6.6. - 48 -

des quinze années pendant lesquelles le demandeur a entretenu des relations avec l’OTAN, avant

54 les réunions qui ont précédé le sommet de Bucarest, l’Alliance n’a jamais indiqué que le règlement

de la divergence au sujet du nom constituait une co ndition ou un critère à remplir en vue de son

82
adhésion . Et pour cause: la divergence au sujet du nom «n’intéress[ait] pas l’OTAN,…ne

83
rel[e]v[ait] pas de l’Organisation» , selon les propres termes du secrétaire général de l’Alliance.

Il s’agissait, au contraire, «d’une qu estion bilatérale entre Skopje et Athènes» 8, qui «avait

longtemps été examiné[e] séparément des aspirations euro-atlantiques de la Macédoine», «ces deux

points [n’étant] devenus indissociablement liés [qu’]au cours de la période qui a précédé le sommet

de Bucarest» 85en raison des actions du défendeur. Ce point de vue a été maintes fois confirmé par

des Etats membres de l’OTAN qui ont souligné que «[l]a question du nom ne fai[sai]t pas partie

des critères de l’OTAN en matière d’adhésion» 86et que le demandeur «satisfaisait aux critères

d’adhésion [de l’Alliance]» 87.

57. Cela dit, le défendeur tente de présenter diverses déclarations faites à l’OTAN comme

venant étayer l’idée que la divergence au sujet du nom a empêché l’adhésion du demandeur, mais

le défendeur est à cette fin contraint de retirer 88 ou d’ajouter 89 des mots aux déclarations de

l’Alliance, dont il altère ainsi le sens. Il est certain que l’OTAN a toujours considéré que la

stabilité et les relations amicales dans la régi on, ainsi que la recher che d’une solution à la

divergence au sujet du nom, revêtaient de l’importan ce pour elle, mais elle n’a jamais dit, avant le

sommet de Bucarest, que l’existence de cette divergence était un obstacle à l’admission du

demandeur 90.

58. En effet, contrairement aux alléga tions du défendeur, les «règles de l’OTAN»

n’empêchent pas l’accession à la qualité de membre d’ un Etat qui aurait un différend bilatéral

82Réplique du demandeur, par. 2.58.

83Ibid., annexe 4.

84Ibid., annexe 5.
85
Mémoire du demandeur, annexe 135.
86
Réplique du demandeur, annexe96; voir aussi mémoire du demandeur, par.2.63-2.65; réplique du
demandeur, par. 2.58-2.59.
87
Mémoire du demandeur, annexe 135.
88Contre-mémoire du défendeur, par. 5.38 ; réplique, par. 2.57.

89Duplique du défendeur, par. 6.8.
90
Réplique du demandeur, par. 2.54-2.65. - 49 -

pendant avec un autre Etat . C’est ce qu’atteste l’accession à la qualité de membre du défendeur et

55 de la Turquie, du Royaume-Uni et de l’Espagne, ains i que de la Croatie et de la Slovénie, en dépit

des différends bilatéraux pendants entre ces Etats, y compris des différends territoriaux. 92

59. Enfin, pour résumer ce dernier point, la procédure d’adhésion à l’OTAN n’empêche ni ne

met dans l’impossibilité ses différents Etats memb res de se prononcer pour ou contre l’invitation à

rejoindre l’Alliance adressée à un nouvel Etat. Al ors que la décision définitive prise par l’OTAN à

Bucarest n’est pas véritablement en cause devant la Cour, le défendeur prétend à tort que l’OTAN

avait posé comme condition, avant le sommet de Bu carest, que la divergence au sujet du nom soit

réglée. Une telle condition n’a jamais été posée et tous les éléments, à l’exception de l’opposition

du défendeur, montrent que l’OTAN n’aurait vu auc un obstacle à ce que le demandeur soit invité à

rejoindre l’Alliance.

V. Conclusion

60. Monsieur le président, permettez-moi de conclure par un bref rappel des principaux

points de mon exposé. De 1995 à 2007, le demandeur a entrepris toutes les démarches nécessaires

à son admission à l’OTAN, notamment en participant au partenariat pour la paix et au plan d’action

pour l’adhésion, organisés par cette organisation. En2007, il semblait probable que trois pays,

dont le demandeur, seraient invités à adhérer à l’OTAN au sommet de Bucarest en avril 2008.

61. Cependant, en2007 et en2008, le défendeur a entrepris une vigoureuse campagne

d’opposition systématique à l’admission du demand eur à l’OTAN. Cette campagne n’était pas

subtile, elle n’était pas discrète, c’était une «bat aille» menée ouvertement et de façon agressive sur

divers fronts. De surcroît, comme l’a clairement exprimé le défendeur à maintes reprises, cette

campagne n’était nullement motivée par la manière dont le demandeur serait désigné à l’OTAN s’il

en devenait membre ou par la manière dont il se nommerait lui-même dans ses relations avec

l’OTAN. Par ailleurs, contrairement à ce qu’a affi rmé le défendeur, rien dans la procédure du

91
Duplique du défendeur, par. 6.5.
92Réplique du demandeur, par. 2.65. - 50 -

consensus en vigueur à l’OTAN n’empêche de prendr e des décisions individualisées, et il n’a pas

non plus été prouvé que, du fait de l’existence d’une divergence au sujet de son nom, le demandeur

n’avait pas rempli l’un des critères d’admission à l’OTAN.

62. Monsieur le président, avant d’achevermon exposé, permettez-moi de faire remarquer

que de hauts dirigeants du défendeur continuent d’évoquer l’objection à l’admission du demandeur

56 à l’OTAN comme le faisaient en2007 et en2008, bi en qu’ils s’efforcent d’ être discrets de peur

d’aggraver leur cas devant la Cour.

63. J’espère qu’au cours des audiences qui se tiendront cette semaine et la semaine prochaine

devant la Cour, celle-ci nous autorisera à présente r des extraits de déclarations faites récemment

par les hauts responsables du défendeur, qui sont acc essibles au public, en fait sur un site Internet

officiel du défendeur lui-même ⎯ des déclarations qui datent d’avant le dépôt de notre réplique.

64. Monsieur le président, je conclus mon intervention sur ces observations. Je vous prie de

bien vouloir appeler M.Klein à la barre, quiontinuera d’exposer les arguments du demandeur.

Merci beaucoup.

Le PRESIDENT: Je remercie M.Murphy pour son intervention. J’invite maintenant

M. Klein à prendre la parole.

KMLE.IN:

THE COURT HAS FULL JURISDICTION AS REGARDS THIS DISPUTE

1. Mr. President, Members of the Court, it is an honour for me to speak in these proceedings

on behalf of the Applicant. To begin with, it will be my task to deal with the jurisdictional matters

raised by this case. In this connection, thereprobably no need to point out that the Applicant

bases the jurisdiction of the Court on the compulsory jurisdiction clause in the 1995Interim

Accord, whose interpretation and application lie at the root of the dispute before you today. [Slide]

Under Article 21 (2) of that Accord ⎯ the text of which you will find at tab 1 in the judges’ folder,

“[a]ny difference or dispute that arises betweenthe Parties concerning the interpretation or

implementation of this Interim Accord may be s ubmitted by either of them to the International - 51 -

Court of Justice, except for the difference referred to in Article 5, paragraph 1” 9. Apart from the

initial phrase ⎯ to which we will return in greater detail in a moment ⎯ this text seems perfectly

clear. It enables each Party to submit to th e Court “any difference or dispute concerning the

57 interpretation or implementation [of the] Interim Accord”. This statement is particularly broad. It

covers ⎯ let me reiterate its terms again ⎯ any difference or dispute concerning the interpretation

or implementation of the Accord. [End of slide]

2. In its written arguments, the Respondent ne vertheless disputed the Court’s jurisdiction to

hear the dispute. To do so, it put forward three arguments. To begin with, the dispute brought

before the Court would allegedly fall within the scope of the exclusion clause by which

Article 21 (2) begins. In other words, the Court c ould not rule on this dispute, which was allegedly

a dispute turning upon the name of the applicant State. Secondly, the Court could not exercise its

jurisdiction in the case as this would inevitabl y lead to a ruling on a decision taken by an

international organization ⎯ NATO ⎯ a third party to the dispute. This would be tantamount to

making that organization ⎯ not to say all its member States ⎯ subject to the jurisdiction of the

Court without their consent. Lastly, the application of Article 22 of the Interim Accord would have

the effect of depriving the Court of any jurisdic tion regarding the dispute before it. These three

arguments are all baseless.

A. The exclusion clause in Article 21 must be construed restrictively and
is not an obstacle to the exercise by the Court of its jurisdiction

3. The first objection made by the respondent State in order to dispute the Court’s

jurisdiction consists in the assertion that the presen t dispute actually turns upon the question of the

applicant State’s name. The dispute would thus allegedly not fall within the scope of the

compromissory clause in Article 21 (2) of the 1995A ccord. It will be recalled that this provision

makes it possible to submit disputes concerning the interpretation or implementation of that Accord

“except for the difference referred to in Article 5, paragraph 1”. [Slide] Under Article 5 ⎯ the text

of which is reproduced at tab 1 of the judges’ folder

93
UNTS, No. 32193, Vol. 1891, p. 42. - 52 -

“[t]he Parties agree to continue negotiations under the auspices of the
Secretary-General of the United Nations pursuant to Security Council resolution845

(1993) with a view to reaching agreemen t on the difference described in that
resolution and in Security Council resolution 817 (1993)”.

58 It is therefore the latter text that must be referred to in order to establish ⎯ lastly ⎯ what the

difference ⎯ the dispute in question is. Resolution 817 (1993) is reproduced in the judges’ folder

at tab 5. In the third paragraph of its preamble, this resolution mentions the “difference [which] has

arisen over the name of the State, which needs to be resolved in the interest of the maintenance of

peaceful and good-neighbourly relations in the region”.

4. The central issue here is therefore to determ ine what the object of the dispute is which is

referred to in Article21(2) of the Interim A ccord, and which that provision excludes from the

scope of the compromissory clause. In this respect, the Parties express diametrically opposite

views. However, both of them rely, in support of their position, on essentially identical principles

of interpretation: those in Article 31 of the 1969 Vienna Convention on the Law of Treaties, and in

94
particular the reference to the ordinary meaning of the terms . Both States also agree ⎯ a point

worth making ⎯ that the Court is called upon to play a “central” role in the interpretation of the

95
Interim Accord and ensuring its implementation . Yet this convergence of views stops there.

5. Apart from these points of agreement, th e respondent State suggests a reading of the

compromissory clause which, in reality, amounts to robbing this provision of a substantial part of

its practical effect. For according to the R espondent, excluding the Court’s jurisdiction with

respect to the dispute over the name must be constr ued in a particularly broad way. This notion of

“dispute” should include “any dispute the settlemen t of which would prejudge, directly or by

96
implication, the difference over the name” . For the respondent State, this would be the case, in

particular, of any dispute relating to the interpre tation or application of Article11 of the Interim

Accord. On this point, the Respondent asserts that the facts put before the Court are indissolubly

linked to the dispute over the name 97. And in this connection it concludes that any decision of the

Court on whether the conditions for the applicati on of the second clause in Article11(1) of the

94RR, para. 3.19.
95
AR, para. 3.12; Rejoinder, para. 3.13.
96
RR, para. 3.13; see also RCM, para. 6.43.
97RR, para. 3.3. - 53 -

59 Interim Accord were satisfied in this case ⎯ and in particular whether this provision authorized or

prevented the Applicant from using its constitutional name ⎯ would necessarily imply a decision

by the Court on the question of the name .98

6. This interpretation of the compromissory clause is indefensible. The actual texts which

are at issue ⎯ the Interim Accord, of course, but also resolution 817 (1993) ⎯ manifestly call for a

more restrictive reading of the exclusion clause in Article21 of the Accord 99. The “divergence”

referred to in resolution817(1993), to which Ar ticle21 refers, through Article5 of the Interim

Accord is the one which ⎯ I am quoting the text of the resolution ⎯ “has arisen over the name of

the State”. It is this dispute which the Parties ar e invited to settle by the Security Council. It is

with respect to this dispute ⎯ and only this dispute ⎯ that the jurisdiction of the Court is set aside

by the first sentence of Article21(2). The fact that this question is clearly different ⎯ and

differentiable ⎯ from that of the use of the “provisiona l name” of the applicant State under the

name “the former Yugoslav Republic of Macedoni a” is clearly shown by the very terms and

structure of resolution 817 (1993). The “differen ce over the name” is the onl y matter identified in

the resolution as forming the object of a dispute between the Parties, which they must settle.

7. The question of the use of the provisional name ⎯ for its part ⎯ is simply referred to here

as a temporary solution pending settlement of the “difference over the name”. When

resolution 817 (1993) and also resolution 845 (1993) was adopted, there was not the slightest doubt

between the Parties over the significance of the obliga tion to refer to the applicant State as “former

Yugoslav Republic of Macedonia”. It is t hus quite clear that the latter question ⎯ on which the

Court will have to rule in its interpretation of Article 11 ⎯ was in no way that referred to by

Article 5 of the Interim Accord. What the first sentence of Article 21 (2) manifestly seeks to avoid

is that it should fall to a third party ⎯ and in the event more particularly to the Court ⎯ to impose

on the Parties a solution to the dispute over the name . It is this question, and this question alone,

which the two States have sought to place beyond the reach of a legal settlement procedure owing

to its extreme sensitivity. Whether in the releva nt texts or in the logic underlying the exclusion
60

clause in Article21, nothing, absolutely noth ing therefore supports the Respondent’s allegation

98
Ibid., para.3.10.
99
AR, para. 3.12. - 54 -

that the notion of “dispute over the name” within the meaning of Article21(2) and Article5(1)

should include, to use these terms again, “any dispute the settlement of which would prejudge,

directly or by implication, the dispute over the name”.

8. Moreover, the applicant State has shown, in its written pleadings, that the particularly

broad interpretation of Article 21(2) contended by the Respondent would result in substantially

reducing the scope of the Court’s jurisdiction regarding the Interim Accord. Since the very purpose

of the Accord is to enable the Parties to avoid the difficulties raised by prosecution of the dispute

over the name, any dispute concerning any provisio n whatever in the Accord would, were the

interpretation proposed by the Respondent to be fo llowed, necessarily be linked to the question of

the name 100. Hoping to counter this argument, the respondent State has embarked upon an exercise

which proves especially perilous for its own arguments. In the event, it has identified the clauses in

the Accord regarding which, according to its own reading, the Court’s jurisdiction would not be

excluded by the combined interplay of Ar ticles21(2) and (5)(1). The result is ⎯ to say the

least ⎯ revealing.

9. Let me give you a picture of it, dealing onl y with the “operative” clauses in the Accord, in

other words setting aside its preamble and final clauses, Articles 21 to 23. [Slide] According to the

view put forward by the Respondent, Article 21 does not stand in the way of the Court’s exercising

101
its jurisdiction with respect to ⎯ potential ⎯ disputes concerning 13 clauses in the Accord . A

contrario, the Court would therefore no longer have jurisdiction following the same exercise by the

respondent State as regards no less than 11 clauses in the treaty ⎯ in other words, almost half.

According to this reading, the Court would therefore not be able to entertain disputes relating to

Articles1, 2, 5(1), 8(2), 9, 10, 11, 15, 16, 18 and 19. [These would a ll disappear.] It would

therefore be for the Parties ⎯ and for them alone ⎯ to determine whether the conduct of each of

them complied with these different clauses. All external monitoring ⎯ in particular

jurisdictional ⎯ would be excluded. This exercise ⎯ conducted by the Respondent itself it should

be remembered ⎯ clearly shows how indefensible the in terpretation it proposes of the exclusion
61

clause in Article 21 (2) is.

100
AR, para. 3.15.
101
RR, para. 3.21. - 55 -

10. But this is not all. Were we to follow the broad interpretation of the first sentence of

Article21 (2) proposed by the respondent State, it is by no means excluded that the Court might

ultimately find itself unable to exercise its jurisdic tion, even with respect to a dispute concerning

one of the provisions of the Accord which the Res pondent identifies as not being affected by this

exclusion clause. Allow me, Mr.President, if you will to give an illustration of this. The

respondent State includes Article 8 (1) of the Acco rd in the list of provisions whose interpretation

102
or application would fall within the jurisdiction of the Court . Under this provision, “[t]he Parties

shall refrain from imposing any impediment to th e movement of people or goods between their

territories or through the territory of either Party to the territory of the other”. Let us suppose⎯

just for the sake of argument of course ⎯ that the respondent State were to adopt measures

contrary to this provision with a view to pressurizi ng the applicant State to adopt this name or that.

Were this scenario, even remotely or indirectly, to raise the question of the name, any dispute over

compliance with Article 8 (1) would in such an event also escape the jurisdiction of the Court. And

this might just as well be the case of any violation of the other remaining provisions of the Accord.

It would be enough for the violation to be motivat ed one way or another by the desire to impose a

solution to the dispute over the name for the Cour t’s jurisdiction regarding any dispute concerning

the interpretation or application of these provisions to evaporate. [End of slide.]

11. The result of the interpretation of the first sentence of Article 21 (2) of the 1995 Accord

contended by the respondent State is therefore to reduce the Court’s jurisdiction regarding this

instrument to very little. By its own admission, almost half of the provisions of the Accord would

automatically be excluded from the scope of the compromissory clause. And even as regards the

other provisions of that instrument, the Court might find itself deprived of jurisdiction once a

62 dispute relating to it even remotely raised a questi on concerning the name of the applicant State.

One wonders what has happened to the ordinary me aning of the terms so loudly trumpeted by the

respondent State. And were all the States parties to the Statute of the Court to adopt the same

approach to its “central role” in the settlement of disputes as that contended by the respondent

State, it would probably be high time for the Carnegie Foundation to find another tenant for the

102
RR, para. 3.21. - 56 -

Peace Palace. On a more serious note, all of th is clearly shows that, in reality, only the dispute

whose object is the name of the applicant State in the strict sense is covered by this clause. Since

the Application submitted to the Court in this case is not at all aimed at seeking a ruling on that

dispute, there can be no doubt that the Court has full jurisdiction to rule on this dispute.

B. In exercising its jurisdiction the Court is not compelled to rule on the rights or

obligations of third States or Entities not parties to the proceedings

12. The second objection to jurisdiction raised by the Respondent is based on the allegation

that exercising its jurisdiction in the present case would necessarily compel the Court to pronounce

on the rights and duties of third States or Entities no t participating in the proceedings. According

to the opposing Party, the object of the Applicant’s claim is as follows. The Applicant claims to

have suffered damage as a result of NATO’s una nimous decision at the 2008 Bucharest Summit

103
not to invite it to join that organization . The very object of such a claim has significant

procedural consequences. Since the act complain ed of constitutes a collective decision by an

international organization, it is solely imputable to that organization and not to its Member States,

and in particular not to the Respondent 104. The fact that the organization has its own legal

personality supposedly has a “veil effect” which protects its Members from any claim pertaining to

such a collective act 10. The ultimate consequence is that the Court could not exercise its

jurisdiction with regard to the dispute before it to day, as it would be forced to rule on the acts of

third States or Entities not parties to the proceedings. The Monetary Gold decision would apply in
63

full here, since the legal interests of third States “w ould not only be affected by a decision [on the

merits], but would form the very subject-matter of the decision” 106.

13. In reality this objection is based on inco rrect factual premises and, moreover, the legal

bases it rests on are equally erroneous. Allow me, if you will, to expand on these two points in

turn. Firstly, it is clear that the objection raised by the respondent State can only be meaningful if

its description of the subject-matter of the claim brought before the Court is accurate. It is not.

10RCM, para. 6.1.
104
Ibid., paras. 6.67 et seq.
10Ibid., paras. 6.85 et seq.

10Case of the Monetary Gold Removed from Rome in 1943, Preliminary Qu estion, Judgment,
I.C.J. Reports 1954, p. 32, as cited in RCM, para. 6.95. - 57 -

Contrary to the Respondent’s assertions, the Application does not refer at all to the decision by the

North Atlantic Treaty Organization at its 2008 Summit. As the applicant State sets out in its

pleadings in the clearest of terms, it is a separate and clearly individual act which is clearly

107
attributable solely to the respondent State which forms the basis of the Application . It is this act

which constitutes the subject of the Application, irrespective of its subsequent consequences in

NATO. The Applicant in no way contests the decision by NATO at the Bucharest Summit, no

more so now than at any other previous stage in the proceedings. Nor does it ask the Court, any

more so now than at any other stage in the pro ceedings, to rule on whether that decision complied

with the organization’s own rules of procedure or with general international law. The sole purpose

of its Application is ⎯ and always has been ⎯ to seek a determination by the Court on whether a

specific act undertaken by the respondent State prior to the Bucharest decision complies with

Article 11 of the 1995 Interim Accord.

14. At this point, it is surely worth recalli ng the actual wording of the applicant State’s

submissions. The first element in its request is , very clearly, to ask the Court to “adjudge and

declare that the Respondent, through its State orga ns and agents, has violated its obligations under

108
Article11, paragraph1, of the Interim Accord” . The fact that this act is related to the decision

reached at the Bucharest Summit or even that it w as specifically the basis of it alters nothing. The

object of the Application is indeed an individual act, undertaken by the respondent State. The
64

existence of this act, and its scope, were amply demonstrated just a few moments ago by my

colleague ProfessorSeanMurphy. It is thus only by a pure and simple travesty of the

subject-matter of the Application that the respondent State is able to provide even a semblance of a

basis for the objection it seeks to make 10. Once the claim and its precise subject-matter are

compared, the Respondent’s elaborately constructed arguments crumble to dust.

15. Nor do its arguments prove any more convi ncing in strictly legal terms. The opposing

Party thus condemns the applicant State for refusi ng to engage in any real legal debate on the

argument that the rights of third States or Entities not parties to these proceedings would be

10AR, para. 3.17.
108
Memorial (“AM”), p. 123.
10See AR, para. 3.19. - 58 -

110
violated should the Court exercise its jurisdiction in this case . May our esteemed opponents rest

assured: far be it from us to wish to dodge such a debate. On the contrary. As we have said, the

respondent State bases its arguments here on the Court’s findings against jurisdiction in the

Monetary Gold and East Timor cases, yet carefully ignores other decisions in which the Court ruled

on the matter of possible limitations on its jurisdiction likely to arise from the absence of certain

third States from the proceedings.

In the cases of Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia) and Armed Activities

on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda), the Court sets out

very clearly the criteria that should be applied in order to determine wh ether it can exercise its

jurisdiction in such situations. Yet there is no doubt whatsoever that the case before the Court

today corresponds exactly to the situations before the Court in those two cases.

16. Let me remind you of the Court’s findings in those cases. In its 2005 Judgment, the

Court refers to the Nauru case in these terms:

“the Court observed that it is not pr ecluded from adjudicating upon the claims
submitted to it in a case in which a third State ‘has an interest of a legal nature which
65 may be affected by the decision in the case’, provided that ‘the legal interests of the

third State which may possibly be affected do not form the very subject-matter of the
decision that is applied for’” 111.

In the Nauru case, the Court notes in this regard that in the Monetary Gold case “the determination

of Albania’s responsibility was a prerequisite for a decision to be taken on Italy’s claims”. In both

Certain Phosphate Lands in Nauru and Armed Activities on the Territory of the Congo , the Court

considered that it was not dealing with such a situation 112. Nothing compelled it to rule first on the

responsibility of a third State not a party to the proceedings to be able to determine the question of

the responsibility of a State Party to the proceedings.

17. It is patently the same in the present case. The Court is not compelled to rule on whether

NATO’s decision at the Bucharest Summit complies w ith the rules of that organization or with

11RR, para. 3.37.

11Case of Armed Activities on the Territory of te Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda),
Judgment, I.C.J. Reports 2005, p.238, para. 203, citing the case of Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v.
Australia).

11Case of Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary Obj ections, Judgment, I.C.J.
Reports 1992, p.262, para. 55; case of Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the
Congo v. Uganda), Judgment, I.C.J. Reports 2005, p. 238, para. 204. - 59 -

general international law as a prerequisite for th e position the Court must take here on the legality

of the act by the respondent State in the days prece ding that Summit. And if this matter is to be

approached in terms of prerequisites, it is clear that it was the act of the respondent State which was

a prerequisite for NATO’s decision, and not the ot her way round. In this regard again we are

therefore far from the sequence of events envisaged in the Monetary Gold case. So the silence

lamented by the Respondent has now been filled.

C. Article 22 does not affect the scope of the Court’s jurisdiction in the present case

18. The third argument pertaining to jurisdiction put forward by the respondent State is

certainly the one that needs least comment. Accord ing to this line of argument, a clause in the

Interim Accord other than the compromissory clause supposedly results in placing the present

dispute outside the jurisdiction of the Court in th e present case. This is Article 22 of the Accord,

which can be found in the judges’ folders at tab 1, and which reads as follows:

“This Interim Accord is not directed against any other State or entity and it does

not infringe on the rights and duties r esulting from bilateral and multilateral
66 agreements already in force that the Par ties have concluded with other States or
international organizations.” 113

The respondent State asserts that this clause so mehow cancels out Article11. The undertakings

given by the Respondent at the end of Article 11 ar e, according to this line of argument, subject to

that State’s need to preserve the rights and duties stemming from its membership of the North

114
Atlantic Treaty Organization . Since, following this argument through, Article 11 of the Accord

would be “set aside” by the effect of Article22, another consequence of applying that provision

would be to exclude the Court from exercisi ng any jurisdiction over a dispute concerning,

precisely, the interpretation and application of Article 11.

19. It is obviously impossible for the Court to rule on the potential impact of Article22 of

the Interim Accord on its jurisdiction without firs t examining the relevance of the opposing Party’s

arguments on the merits. Is the effect of this prov ision really to make the application of Article 11

of the Accord subject to the Respondent’s righ ts and obligations supposedly stemming from the

North Atlantic Treaty, in particular regardi ng the admission of new members to NATO, as the

113
UNTS, No. 32193, Vol. 1891, p. 10.
114
See, inter alia, RCM, para. 6.25 et seq. and para. 6.52 et seq. - 60 -

respondent State claims? Tomorrow, the applicant State will demonstrate that this is not so.

Article22 has no impact on the jurisdiction of the C ourt. And this is by no means a preliminary

matter. Quite the contrary, as the applicant State has already observed on a number of occasions in

its written pleadings, this line of argument a bove all relates to a discussion on the merits 115. We

shall not expand any further on it at this stage. The exact scope of Article 22 of the Interim Accord

and the fact that it has no impact on the application of Article 11 of the Accord will be analysed in

detail tomorrow by my colleague, Professor Philippe Sands.

*

20. All the objections to jurisdiction raised by the respondent State therefore prove

67 groundless. The first, whereby the present dispute c oncerns the name of the applicant State and is

as such excluded from the compro missory clause granting jurisdiction to the Court cannot be

upheld. The interpretation of the first sentence in Article 21, paragraph 2, of the Interim Accord on

which the Respondent relies in order to reach th at conclusion has proved to be completely

unreasonable and contrary to the ordinary meaning of the terms of the provision. The second

objection raised by the respondent State whereby the rights of third States and Entities not parties

to the proceedings would be prejudiced should th e Court exercise its jurisdiction in the present

dispute must also be rejected. For it is based on an erroneous interpretation of both the factual

situation at the basis of the Application before the Court today and the legal principles applicable in

the present case. There is nothing which compels the Court to rule on the legal situation of third

States not parties to the proceedings as a prerequi site to considering th e request submitted by the

applicant State. Finally, the third objection based on Article22 of the Interim Accord is also not

such as to impede the Court’s jurisdiction. Th e only likelihood of it doing so would be if this

provision deprived Article11 of the Accord of its legal effects. However, as we shall see

tomorrow, this is not so. In any event this is a question of substance and not strictly speaking one

of jurisdiction.

115
See, inter alia, AR, para. 3.22 et seq. (esp. 3.25 and 3.26). - 61 -

21. Ultimately this result is hardly surprising. The respondent State itself has always seemed

rather convinced by the arguments it has put forward as preliminary objections. The fact that it has

never considered submitting these objections for cons ideration by the Court in a separate phase of

the proceedings speaks largely for itself. In conc lusion, Mr. President, Members of the Court, the

applicant State respectfully requests the Court to re ject all the objections to jurisdiction lodged by

the respondent State.

22. The opposing Party has also raised another type of argument in its Rejoinder against the

exercise of its powers by the Court in the present case, namely, the inherent limitations on the

exercise of the Court’s judicial function whic h would in this case pose an obstacle to the

admissibility of the claim. If I may, I shall return to this point tomorrow morning. For now, it only

remains for me to thank you, Mr. President, Members of the Court, for your attention.

68 Le PRESIDENT: Je remercie M.Klein de son exposé. Voilà qui met fin à l’audience

d’aujourd’hui. La procédure orale en l’affaire re prendra demain à 10heures, afin de permettre à

l’ex-République yougoslave de M acédoine de poursuivre son premier tour de plaidoiries.

L’ex-République yougoslave de Macédoine conclura son premier tour de plaidoiries demain,

entre 15 et 16 h 30. L’audience est levée.

L’audience est levée à 18 h 20.

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