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140-20080908-ORA-02-01-BI
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CR 2008/23 (traduction)

CR 2008/23 (translation)

Lundi 8 septembre 2008 à 15 heures

Monday 8 September 2008 at 3 p.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La séance est à présent ouverte. La Cour se réunit

cet après-midi pour entendre la Fédération de Ru ssie en son premier tour d’observations orales sur

la demande en indication de mesures conservatoires présentée par la Géorgie. Je donne maintenant

la parole à M. Kolodkin, agent de la Fédération de Russie.

M. KOLODKIN :

I. NTRODUCTION

1. Madame le président, éminents Membres de la Cour, plaise à la Cour. C’est un grand

honneur et un grand privilège pour moi que de me présenter devant la Cour internationale de

Justice au nom de la Fédération de Russie. La Fédération de Russie réaffirme à cette occasion son

vif attachement au principe de règlement pacifi que des différends internationaux consacré par la

Charte de l’Organisation des NationsUnies, ai nsi que la déférence que lui inspire l’organe

judiciaire principal de la communauté des nations.

2. C’est la première fois que la Fédération de Russie est appelée à ester devant la Cour.

Nous déplorons que cette première fois intervienne dans des circonstances tragiques.

3. Au nom de la Fédération de Russie, je voudrais exprimer la profonde tristesse que nous

cause une tragédie qui a frappé des personnes d’origines ethniques diverses
⎯ Ossètes et

Géorgiens, essentiellement. Cette tragédie est le résultat des récents événements sanglants

auxquels mon pays n’a eu d’autre choix que de se mêler. Je voudrais exprimer mes condoléances

aux familles des personnes auxquelles ces événements ont coûté la vie, et toute ma compassion à

celles qui ont été blessées, qui ont perdu leur fo yer ou qui ont enduré toute autre souffrance en

raison des hostilités. En même temps, je voudr ais rappeler que ce n’est pas la Russie qui est à

l’origine des activités armées aujourd’hui en cause.

4. Permettez-moi de vous c iter la première ligne du préam bule de la Constitution de la

Fédération de Russie, qui exprime un principe fondamental pour l’Etat russe: «Nous, peuple

multinational de la Fédération de Russie…» Et de fait, pour un Etat aussi divers, ethniquement,

que l’est la Russie, le strict respect de la convention internationale de1965 sur l’élimination de - 3 -

toutes les formes de discrimination raciale est de la plus haute importanc e. Nous observons les

dispositions de la convention et veillons à leur respect. La discrimination raciale est un délit

punissable en droit russe, comme le veut, notamment, l’article 4 de la convention elle-même.

5. Madame le président, Messieurs de la Cour, conformément à la pratique établie de la
11

Cour, ainsi exposée dans l’affaire relative à la Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c.

Belgique), mesures conservatoires,

«en présence d’une demande en indication de mesures conservatoires, point n’est
besoin pour la Cour, avant de décider d’indiquer ou non de telles mesures, de s’assurer
de manière définitive qu’elle a compétence quant au fond de l’affaire, mais … elle ne

peut indiquer ces mesures que si les dispositions invoquées par le demandeur semblent
prima facie constituer une base sur laquelle [s]a compétence … pourrait être fondée»
(Licéité de l’emploi de la force (Yougosla vie c.Belgique), mesures conservatoires,
ordonnance du 2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 124, par. 21).

6. Le demandeur a invoqué une seule b ase pour fonder la compétence de la Cour

⎯l’article22 de la convention internationale de1965 sur l’élimination de toutes les formes de

discrimination raciale. Il s’ensuit que le demandeur et le défendeur, ainsi, du reste, que la Cour

elle-même, sont contraints ⎯ et se doivent ⎯ de s’en tenir à cette base.

7. Mais —et c’est un «mai s» lourd de conséquences ⎯le différend dont le demandeur a

saisi la Cour n’est pas un différend au sens de la convention précitée. Il n’y a pas, en effet, de

différend relatif à la discrimination raciale. Et, si différend il y avait entre nos deux pays devant la

Cour, ce serait un différend ayant trait à l’emploi de la force, aux activités armées et au droit

international humanitaire.

8. Dès lors, le défendeur estime que la Cour n’a manifestement pas compétence pour

connaître de la présente espèce.

1. Exposé général des faits

9. Madame le président, dans la nuit du 7 août dernier, les forces militaires géorgiennes ont

lancé une offensive armée de grande ampleur cont re les localités ossètes d’Ossétie du Sud. Dans

un premier temps, la principale ville de la région, Tskhinvali, abritant des milliers de civils, a été

lourdement bombardée. Les forces de maintien de la paix russes stationnées en Ossétie du Sud en

toute licéité et légitimité, et avec le consenteme nt de la Géorgie, ont elles aussi été attaquées ⎯ je - 4 -

voudrais à cet égard appeler votre attention sur les documents relatifs au statut des forces russes en

tant que garantes du maintien de la paix, qui sont reproduits à l’annexe 3 du document 1 présenté à

titre de «contribution de la Fédération de Ru ssie». Cette attaque de grande ampleur,

minutieusement préparée et faisant intervenir aviation, chars, artillerie et lance-roquettes multiples,

a immédiatement provoqué la mort de nombreux civils et représentants des forces russes de

maintien de la paix. Elle n’a guère laissé au défe ndeur d’autre choix que de recourir à la force en

légitime défense. L’emploi de la force par la Russie a permis d’éviter de nouvelles pertes aux

forces russes de maintien de la paix, ainsi que le massacre, ou l’expulsion du territoire sud-ossète,

de populations civiles de souche non géorgienne.

10. Le conflit armé lancé par la Géorgi e dans la nuit du 7août peut être

considéré comme l’aboutissement logique de la politique menée de longue date par les autorités

géorgiennes, ainsi que le montrera plus en détail mon confrère, l’autre agent de la Russie,

S.Exc.M.KirillGevorgian. Dès le début d es années1990, les autorités géorgiennes s’étaient

engagées sur une pente clairement nationaliste , que résumait le slogan: «la Géorgie aux

Géorgiens». En 1990, la Géorgie révoqua le statut autonome dont jouissaient l’Abkhazie et

l’Ossétie du Sud au sein de son territoire ⎯qui faisait lui-même partie de l’URSS. Depuis cette

date, le Gouvernement géorgien a maintes fois fait usage de la force à l’encontre de l’Ossétie du

Sud et de l’Abkhazie. C’est ainsi qu’il a jugé opportun de résoudre les questions de souveraineté

territoriale auxquelles son pays avait à faire face et le conflit ethnique existant de longue date entre

la Géorgie et l’Ossétie du Sud, d’une part, et la Géorgie et l’Abkhazie, d’autre part. A chaque fois,

ce recours à la force a eu de graves conséquences humanitaires pour les habitants de ces territoires,

Géorgiens de souche compris.

11. On le sait, les hostilités ont pris fin voici trois semaines. Toutes les parties en présence

ont accepté les «six principes» du plan convenu par les présidentsMedvedev et Sarkozy. Les

forces russes sont en train d’être évacuées de Géorgie et d’Ossétie du Sud. La présence militaire

russe est aujourd’hui limitée, se réduisant à des postes d’observation et à des unités chargées du

déminage, de l’assistance humanitaire et de la reconstruction des infrastructures civiles

endommagées au cours du conflit. Elle le sera da vantage encore dès qu’aura été mise en place une

présence internationale chargée du maintien de la sécurité. Les personnes déplacées, quelles que - 5 -

soient leurs origines ethniques, ont pris le chemin du retour, et toutes les parties en présence

s’accordent sur leur droit de regagner leur foyer.

12. La Fédération de Russie s’élève résolume nt contre la conclusion formulée par le

demandeur sur la base des faits exposés ce matin.

13. Le demandeur n’a présenté aucun élément qui puisse, ne serait-ce que vaguement, être

tenu pour une preuve satisfaisante des allégations qu’il profère, que ce soit dans les documents

qu’il a soumis à la Cour ou dans ses plaidoiries. Ainsi que le montrera en détail dans son exposé

mon confrère M.Gevorgian, la Fédération de Russie a, du début des années1990 jusqu’au

lancement, le 7août, de l’offe nsive géorgienne, exercé de bonne foi ses fonctions de garante du

maintien de la paix en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Avant le 7 août, il n’y avait pas de conflit
13

armé entre la Fédération de Russie et la Géorgie et ce conflit, je l’ai dit, est aujourd’hui terminé.

14. Les forces armées russes étaient et sont aujourd’hui présentes sur les territoires de

l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Toutefois, cette présence n’a jamais été constitutive

d’occupation, contrairement à ce qu’affirme la Géorgie. Les territoires de l’Abkhazie et de

l’Ossétie du Sud, leurs autorités ou leurs unités armé es n’ont jamais été sous le contrôle des forces

militaires russes, ni, partant, de la Russie elle -même. La Russie n’a jamais exercé de compétence

sur le territoire ou la population de l’Abkhazie ou de l’Ossétie du Sud. Prétendre le contraire est

absurde. Et cela n’est pas davantage le cas maintenant, puisque l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud sont

des Etats indépendants, reconnus par la Russie.

2. Il n’y a pas en l’espèce de différend au regard de la convention de 1965

15. Madame le président, la Cour l’aura ma intenant bien compris: l’article22 de la

convention internationale de1965 sur l’éliminati on de toutes les formes de discrimination raciale

est la seule base alléguée pour fonder sa compétence en la présente affaire. Aussi le demandeur

est-il tenu d’invoquer l’existence d’un différend relati f à l’interprétation ou à l’application de cette

convention et la violation, par la Russie, des obligations qu’elle lui impose.

16. L’on aurait donc pu s’attendre à voir la Géorgie entreprendre de démontrer à la Cour que

des actes de discrimination raciale avaient été commis. Or, aucun élément tendant à étayer

l’allégation d’une discrimination raciale imputable à la Russie n’est ressorti des documents soumis - 6 -

à la Cour par le demandeur et, en particulier, des observations qu’il a présentées voici trois jours ou

de sa plaidoirie de ce matin. Mon collègue, M. SamuelWordsworth reviendra de manière plus

approfondie sur ce point.

17. De fait, si différend il y a, c’est un di fférend sur des questions telles que la licéité de

l’emploi de la force, le rapport entre les principes d’intégrité territoriale et d’auto-détermination, la

non-ingérence dans les affaires internes de l’Etat , la violation alléguée du droit international

humanitaire ⎯mais en aucun cas un différend qui relèvera it de la convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

14
3. Le défendeur n’a jamais consenti à la compétence de la Cour à l’égard des questions
portées devant elle par le demandeur

18. Madame le président, la compétence de la Cour repose sur le principe du consentement.

Dès 1927, la Cour permanente de Justice internationale avait, dans l’affaire de l’Usine de Chorzów,

formulé son dictum fondamental, selon lequel «[c]’est t oujours l’existence d’une volonté des

Parties de conférer juridiction à la Cour, qui fait l’objet de l’examen de la question de savoir s’il y a

o o
compétence ou non» (Usine de Chorzów, compétence, arrêt n 8, 1927, C.P.J.I. série A n 9, p. 32).

Ce dictum, la Cour l’a réaffirmé en maintes occasions.

19. La Fédération de Russie n’a pas accepté la compétence obligatoire de la Cour au titre du

paragraphe 2 de l’article 36 du Statut. Notre consentement se limite à la compétence conférée par

certains traités internationaux, au nombre desquels figure la convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

20. La Fédération de Russie s’emploie à élargir graduellement son acceptation de la

compétence de la Cour, telle que prévue par les traités internationaux. Depuis les

annéesquatre-vingt, mon pays n’a formulé aucune réserve aux traités internationaux prévoyant la

compétence obligatoire de la Cour. En1989, nous avons retiré celles que nous avions émises à

l’égard de six traités relatifs aux droits de l’hom me, dont la convention de 1965. Et en 2007 nous

avons fait de même en ce qui concerne six autres conventions.

21. Lorsque le défendeur a consenti à soumettr e à la Cour les différends en rapport avec la

convention l’opposant à d’autres Etats parties, il ne pouvait imaginer que l’article22 de la

convention de1965 serait ainsi galvaudé, et falla cieusement invoqué pour amener la Cour à - 7 -

examiner des différends dépourvus de tout rapport avec la convention, auxquels notre

consentement ne s’étendait nullement.

22. Il semble que le demandeur ait parfaitement compris la situation. Il s’est employé à

présenter sous un autre jour les griefs qu’il nourrit à l’égard de la Russie concernant

d’hypothétiques violations du principe de non-recours à la force, de normes du droit humanitaire et

d’autres obligations, s’abritant derrière le fait que le demandeur et le défe ndeur sont tous deux

parties à la convention de1965. Dans la requête et dans la pr emière demande en indication de

mesures conservatoires, l’absence de tout lien raisonnable entre la convention de 1965 et l’éventail

des griefs formulés devant la Cour était si patent que le demandeur s’est proposé d’y remédier en

présentant une deuxième demande.

15 23. Nous soutenons que si vot re éminente Cour devait néanmo ins se déclarer compétente

prima facie en l’affaire, une telle décision pourrait, à l’avenir, compromettre l’acceptation de la

compétence obligatoire de la Cour au titre des traités internationaux.

24. Une autre considération est à prendre en compte: si la Cour devait se déclarer

compétente prima facie en l’espèce au titre de la convention de1965, elle pourrait se trouver, à

l’avenir, dans une situation où des parties à des affaires relatives à des «conflits armés»

s’estimeraient fondées à invoquer comme bases de compétence la convention de 1965 ou d’autres

traités visant à lutter contre la discrimination. Ce risque est d’autant plus réel que nombreux sont

les conflits dans le cadre desquels des personnes d’origines ethniques différentes sont les victimes

directes d’activités militaires.

4. Le demandeur n’a jamais invoqué la convention de 1965

25. Madame le président, l’absence d’un diffé rend entre le demandeur et le défendeur au

regard de la convention de1965 est attestée par le fait que le demandeur n’a pas recouru aux

procédures de règlement des différends prévues pa r celle-ci avant de saisir la Cour, et n’a pas

davantage cherché à négocier un règlement sous les auspices de la convention. Cette question sera

examinée plus avant par M. Alain Pellet.

26. Je voudrais quant à moi appeler votre attention sur le point suivant: la convention

de1965 est un traité accordant la plus ha ut importance aux mécanismes d’application ⎯ énoncés - 8 -

en ses articles11 à14. Une grande partie de la convention de1965 leur est consacrée. La Cour

n’a, volontairement, été mentionnée qu’une fois dans la convention ⎯ à l’article 22 ⎯, et ce, pour

souligner que sa saisine ne devait intervenir qu’e n dernier recours. Dans sa requête, la Géorgie

invoque trois phases d’«intervention de la Russi e en Ossétie du Sud», s’échelonnant sur une

période comprise entre1990 et 2008 ⎯même si, bien sûr, la convention de1965 n’est entrée en

vigueur, en ce qui concerne la Géorgie, qu’en1999. L’on peut se demander pourquoi la Géorgie

n’a jamais invoqué cette convention à propos des te rritoires d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, dans

le cadre de ses relations avec la Russie, quand elle prétend que cette dernière n’a, tout au long de

cette période, cessé de violer ses droits. Le fait est que le demandeur n’a invoqué la convention

de 1965 que lorsqu’il est devenu évident que son offensive armée contre l’Ossétie du Sud était un

échec.

16 5. Présentation de la plaidoirie du défendeur

27. Madame le président, Messieurs de la Cour, la plaidoirie du défendeur s’articulera

comme suit. S.Exc.M.KirillGevorgian, ambassadeur de la Fédération de Russie auprès des

Pays-Bas, exposera, lui aussi en tant qu’agent, le contexte historique et factuel de la présente

affaire. M.AlainPellet reviendra ensuite plus en détail sur l’incompétence manifeste de la Cour

pour connaître de la présente affaire. MM.AndreasZimmermann et SamuelWordsworth

établiront les raisons pour lesquelles la Cour ne doit, en tout état de cause, pas indiquer de mesures

conservatoires.

28. Madame le président, j’espère que vous comprendrez que nous ne serons peut-être pas en

mesure de répondre dès maintenant à certaines des questions soulevées ce matin par le demandeur ;

nous le ferons bien sûr dès mercredi.

6. Conclusions

29. Madame le président, Messieurs les Membres de la Cour, la Fédération de Russie prie la

Cour de dire qu’elle n’a pas compétence pour se pro noncer sur la requête de la Géorgie, de rejeter

la demande en indication de mesures conservatoires et de rayer de son rôle la présente affaire.

30. Le défendeur tient à souligner que sa pr ésence devant la Cour aujourd’hui est sans

préjudice de sa conviction que la Cour n’est pas compétente en la présente affaire. - 9 -

31. Voilà qui met fin à mon exposé. Puis-j e vous prier, Madame le président, de donner à

présent la parole à S. Exc. M. Kirill Gevorgian ? Je vous remercie de votre attention.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, MonsieurKo lodkin. Et je donne en effet la parole à

S. Exc. M. Gevorgian, agent de la Fédération de Russie.

GMEV. ORGIAN:

II. HISTORICAL AND FACTUAL BACKGROUND

1. Madam President, Members of the Court, it is a great honour for me to represent the

Russian Federation before you here today.

17 2. My role is to describe the historical and factual context of this dispute between ourselves

and Georgia. I should like to make it clear thaI shall not be entering into the discussion on the

merits, and that the only purpose of my brief histori cal excursion is to enable the Court to reach its

decision on provisional measures by taking account of all the circumstances of the ca⎯ all the

more so because the Application contains num erous inaccuracies and even some considerable

distortions of the facts that are relevant in dealing with this case.

3. The historic destinies of the Georgian and Russian peoples are inextricably linked.

Relations between the two countries go back to anci ent times. They are described in detail in the

Historical Background document which has been submitted to the Court.

4. In the eighteenth century, when the Caucasus was an area of rivalry between the Russian,

Persian and Ottoman empires, moving closer to Russia was simply a natural choice for orthodox

Georgia, the only one which allowed it to keep its national identity.

5. Eastern Georgia was integrated into theRussian Empire in 1801. Since then, the two

peoples have been closely united. At all times, those Georgians who came to live in Russia were

part of the better sections of society.

6. The history of the Ossetian and Abkhaz peoples is likewise closely linked to that of

Georgia and Russia.

7. The Georgians, the Abkhazians and the Osse tians have lived together in the Caucasus for

centuries. Nevertheless, these ar e three separate peoples, each with its own cultural and linguistic - 10 -

identity. The Ossetian people, which settled on both sides of the Caucasian ridge, was thereby

divided in two, hence the distinction between North and South Ossetia.

8. South Ossetia joined Russia as an integral part of eastern Georgia. The principality of

Abkhazia followed suit in 1801, and remained larg ely autonomous until 1864. Within the Russian

Empire, Abkhazia was always a separate administrative entity from Georgia.

9. After the Russian revolution in February 1917, Georgia separated from Russia. Following

the October revolution of 1917, South Ossetia a nd Abkhazia also set up their own self-government

structures. Uprisings by the Ossetians and Abkhazians were violently suppressed by the Georgian

nationalists. According to Ossetian sources, this repression left more than 5,000 dead and many
18

more injured, with 20,000 refugees in North Ossetia.

10. In 1921, Abkhazia and Georgia concluded a treaty of alliance. A year later, Georgia,

including Abkhazia, joined the Soviet Union. However, the special status of Abkhazia was

reduced to that of an autonomous republic with in Georgia in 1931. From 1925, South Ossetia

enjoyed the status of an autonomous region.

11. The Soviet period was characterized by th e “georgianization” of the Ossetians and the

Abkhazians. This was unquestionably linked to the policy of Stalin. “Georgianization” was

reflected above all by changes in the demographi c composition of the regions. According to the

1926 census, Abkhazians formed more than 30 percent of the population of Abkhazia, and

Georgians 36percent. In the 1959 census, Abkhazians accounted for no more than 15percent,

but Georgians 39 per cent.

12. This policy clearly provoked ethnic tensions in the Georgian autonomous regions which

were exacerbated in the late 1980s with the comi ng to power in Georgia of nationalists seeking

independence, such as Zviad Gamsakhurdia, the first President of Georgia, who launched his

political programme with the slogan “Georgia for Ge orgians”. In one of his interviews, which you

will find in our written contribution, he unamb iguously summed up his attitude towards the

national minorities: “the autochthonous population must have a supremacy over other

ethnicities”1.

1
Ma è colpa del Cremlino, La Stampa, 17 Feb. 1991. - 11 -

13. Georgia took steps to deprive Abkhazia and South Ossetia of their respective

autonomous status. The prospect of being integr ated into an independent Georgia with no legal

guarantees of self-government provoked a reaction on the part of the Abkhazians and Ossetians.

Tblisi responded by sending milita ry and paramilitary forces to Tskhinvali, the capital of South

Ossetia, in January 1991.

14. Attempts made in these circumstances by th e Soviet authorities to maintain order in a

federated republic and to st op any bloodshed are presented by Georgia in its Application as

19 evidence of “gross interference in Georgia’s internal affairs and encroachment on its territorial

integrity”.

15. On 9April 1991, Georgia declared its independence. In exercising its right to self-

determination, Georgia denied that right to th e Abkhazians and Ossetians. Moreover, the Ossetian

people found itself split between the two States: whereas in the Soviet Union, the boundaries

between North and South Ossetia were merely ad ministrative, they became international ones

following the dissolution of the USSR.

16. In 1992, a civil war broke out in Abkhazia. The government of the new Georgian

President Eduard Shevardnadze sent troops to Suk humi, the capital of Abkhazia. The clashes

between the Georgian forces and the Abkhaz militia caused many deaths on both sides.

17. The report of 17March 1993 by the United Nations fact-finding mission in Abkhazia,

extracts from which are included in the Historical Background document submitted to the Court,

contains witness accounts of numerous human rights violations committed by both parties.

18. In this context, I would emphasize that Russia remained impartial. The report by Human

Rights Watch, to which Georgia refers in its Application, describes this stance in the following

terms:

“When the Abkhaz broke the ceasefire in September 1993, the Russian
Government seemed surprised. It condemned the attack, issued calls to Abkhaz forces

to cease the offensive and its accompanying human rights violations, and cut off
electricity and telephone service to Abkhazia. It also supported resolutions in the
Security Council condemning Abkhaz forces for breaching the ceasefire. At the same

time, the Russian Government criticized t2 e Georgian Government for refusing, once
the attack was underway, to negotiate.”

2
Human Rights Watch Report “Georgia/Abkhazia. Violations of the laws of war and Russia’s role in the
conflict”, March 1995, p. 45. - 12 -

19. And further on:

“Russian policy during the battles immediately after the breach of the ceasefire
appeared to follow four lines. First, the government condemned the breach and
imposed certain sanctions on the Abkhaz. Second, Russian forces returned essential

artillery parts to Georgian forces that had been turned over to them as part of the
ceasefire, thus allowing the Georgians to return the guns to action. Third, the Russian
Black Sea fleet participated in the humanitarian evacuation of tens of thousands of
20 Georgians from Sukhumi. Fourth, Russia continued to sponsor peace talks under UN
3
auspices between the parties.”

20. These are the events which Georgia is presumptuous enough to describe in its

Application as the “first phase of Russia’s intervention in South Ossetia and Abkhazia”.

21. In point of fact, Russia spared no effort to halt the bloodshed in the Caucasus from 1992

to 1994, to secure ceasefire agreements between the parties and to create peacekeeping and conflict

settlement procedures.

22. The violent phase of the conflict in South Ossetia was ended by the signing in Sochi on

24June 1992 of the treaty between Russia and Georgia on the principles of the settlement of the

conflict. Under this agreement, the Joint Peacek eeping Force was deployed in the region. This

consisted of three battalions ⎯ Russian, Georgian and Ossetian ⎯ each comprising 500 troops.

These forces were deployed only in their area of responsibility, covering only a third of the

territory of South Ossetia and a zone extending 7km into Georgian territory as such. It must be

pointed out that in the Georgian villages, it was the Georgian forces that carried out the

peacekeeping duties.

23. The hostilities in Abkhazia were for the most part halted following the deployment of the

Russian contingent acting as the Collective Peacekeeping Force of the Commonwealth of

Independent States. This force was set up under the agreement signed between Georgia and

Abkhazia in 1994, under the aegis of Russia. The force’s mandate was approved by a decision of

the Council of Heads of State of the CIS, with its numbers limited to 1,900. The troops of this

peacekeeping force were deployed in an “area of responsibility” in the territory of Abkhazia and of

Georgia itself. This area covered only a tenth of the Abkhaz territory.

24. At the same time, the United Nations S ecurity Council, by its resolution 858 (1993),

decided to set up the United Nations Observer Missi on in Georgia (UNOMIG), consisting of up to

3
Ibid. - 13 -

88military observers whose task was to verify respect for the ceasefire agreement, alongside a

small number of civilian support staff.

21 25. On 4 April 1994, Georgia, Abkhazia, Russia and the United Nations High Commissioner

for Refugees signed the quadripartite agreement on voluntary return of displaced persons.

26. The mechanisms for peacekeeping and negotiation received the support of international

governmental organizations such as the United Nations and the OSCE, and of Georgia itself.

27. In this respect, I should like to draw th e Court’s attention to Sections 5 to 8 of the

document Collection of relevant facts and documents , which contain a large number of extracts

from different documents confirming the approval by the international community of Russia’s role

in maintaining peace and security in the region th roughout this period, which the Applicant now

describes as the “second phase of Ru ssia’s intervention in South Ossetia and Abkhazia”. Among

these, I would cite the CSCE Budapest Document of 1994, according to which the efforts of the

Russian Federation facilitated the steps taken towards a peaceful resolution of the Georgian-

Ossetian conflict. There are also references in these documents to numerous United Nations

Security Council resolutions welcoming the role played by the Collective Peacekeeping Forces of

the CIS as stabilizing factors in the Abkhaz zone of conflict.

28. You will also find there an extract from the statement by the Georgian Minister for

Foreign Affairs, Alexander Chikvaidze, at the Fo rth-Ninth Session of the United Nations General

Assembly, according to which: “The Russian Fede ration is an active participant in the process

designed to find a peaceful solution to the Abkhazian conflict. It has taken on a great responsibility

4
with regard to this peace process.”

29. Progress was made in the peace process un til Mr. Saakashvili came to power at the end

of 2003. From May 2004, he moved troops and special units of the Georgian Ministry of the

Interior into the Georgian-Ossetian zone of conflic t, which the agreements reserved strictly for the

peacekeeping forces. In August, these troops bombarded Tskhinvali in an attempt to invade it. In

February 2005, he formally renounced the ceasefir e which had been concluded between the parties
22
in November 2004 through the active mediation of Russia. In Abkhazia, progress in the settlement

4
A/49/PV.16, 4 Oct. 1994, p. 28. - 14 -

process was abruptly halted by the deployment of the Georgian contingent in the Kodori gorge in

2006, in violation of all the agreements and of th e decisions of the United Nations. As a result,

PresidentSaakashvili lost all credibility in the ey es of the Ossetians and Abkhazians by trying to

replace the elected governments by rival artificial structures, to which the Minister representing the

Applicant has referred this morning.

30. Russia, on the other hand, has always acted in accordance with its role as a mediator in

the conflicts. It has continued to recognize the territorial integrity of Georgia, even after the

holding of referendums in the two regions in wh ich the overwhelming majority of Ossetians and

Abkhazians voted for independence.

31. Madam President, Members of the Court, the situation in the Ossetian-Georgian conflict

zone was suddenly aggravated on 1 and 2 August this year when Georgian military forces

bombarded residential areas of Tskhinvali, causing a number of casualties. On the evening of

2August and in the night of 3August, Georgia openly manoeuvred its troops in the area of

Tskhinvali, moving its forces and heavy armour towa rds the zone of conflict, which caused the

civilian population to take flight.

32. Russia continued its efforts to prevent the conflict breaking out again. The special envoy

of the Russian Ministry of Foreign Affairs, Ambassador Yuri Popov, went to the conflict zone to

try to organize a meeting of the representatives of Georgia and South Ossetia. But on 7 August, at

11.30in the evening, the commander of the Georgian contingent of the peacekeeping forces,

Mr. Kurashvili, announced that Tblisi had decided to restore “constitutional order”.

33. On 7 August, the Georgian military units launched a massive attack on Tskhinvali, using

heavy weapons in an indiscriminate way. They bombarded residential areas of Tskhinvali, the

hospital, schools and children’s nurseries. Much of the South Ossetian capital was destroyed, and

many other villages in South Ossetia virtually razed to the ground.

34. The civilian population was seized by panic. The Georgian venture, cynically described

in the Application as “a limited operation into territory held by ethnic separatists”, has caused a real

humanitarian disaster. Tens of thousands of civilians ⎯ mainly women, old people and
23

children ⎯ have fled towards North Ossetia. In just two days, 34,000 refugees crossed the Russian

border. And that figure represents half the entire Ossetian population! - 15 -

35. Furthermore, the members of the Georgi an contingent of the Collective Peacekeeping

Forces deliberately opened fire on their Russian comrades in arms. As a result, we lost

15 peacekeeping soldiers, with another 70 wounded.

36. No one now disputes that the crisis in A ugust was caused by the attack of the Georgian

forces. In our written contribution, there are nume rous references to support that fact. Even the

western media, which can hardly be said to have any particular sympathy towards Russia,

recognize that the conflict was started by Tblisi an d that the Georgian forces did not hesitate to

bombard the civilian population and a base of the Russian peacekeeping forces.

37. Faced with this situation, Russia made every effort in its power to resolve the crisis by

diplomatic means. It immediately convened the Security Council to bring the crisis to the attention

of the international community ⎯ to no avail. Consequently, Russia had no choice but to send

reinforcements to the conflict zone in order to prevent further casualties among civilians and our

peacekeeping soldiers. You will find in our writte n contribution the notification addressed to the

Security Council to this effect, in accordance with Article 51 of the United Nations Charter.

38. At the same time, Russia took urgent step s to provide humanitarian aid to the refugees

and to other civilians who found themselves in danger. And I should like to emphasize that this

assistance was distributed without any discrimination, thus to the Georgian victims as well. Hence

25 tonnes of humanitarian aid was sent to the Georgi an town of Gori. In the same way, hundreds

of people were given food and medical assistance in the Georgian villages of South Ossetia.

39. On 12 August in Moscow, the Presidents of Russia and France adopted the six principles

of the political agreement designed to bring about a permanent ceasefire in the Ossetian-Georgian

zone of conflict.

24 40. These six Medvedev-Sarkozy principles form a sound basis for restoring international

peace and security in this region. The Russian Federation has confirmed its willingness to follow

to the letter these six principles, which are as follow s: (1)non-use of force; (2)the absolute

cessation of hostilities; (3) free access to humanitarian assistance; (4) withdrawal of the Georgian

armed forces to their permanent positions; (5) withdrawal of the Russian armed forces to the line

where they were stationed prior to the begi nning of hostilities; pending the establishment of - 16 -

international mechanisms, the Russian peacekeeping forces will take additional security measures;

(6) an international debate on ways to ensure security and stability in the region.

41. The agreement protocol laying down these pr inciples was signed in turn by the parties to

the conflict, namely the leaders of South Ossetia , Abkhazia and Georgia, through the intermediary

of Russia and in the presence of the OSCE and the European Union.

42. Russia immediately began to implement these six principles. The ceasefire was

announced on 12 August. On 16 August, the Russian forces began their withdrawal. This task was

completed around 2September. Today, there is no military presence outside the security zones

established in accordance with the fifth Medvedev-Sarkozy principle, all the more so because those

zones coincide with the areas of responsibility of the peacekeeping forces as defined before

Georgia launched its offensive.

43. As for the present situation, there are 3, 750 Russian peacekeeping soldiers in Abkhazia,

compared with some 10,000members of the Abkhaz militia. In South Ossetia, there are

3,700 Russian troops. Of these, 272 are stationed at eight observation posts along the perimeter of

the security zone. That line extends for 85km. In addition, 180 soldiers are divided among ten

observation posts along the border between South Ossetia and Georgia. The remaining troops are

engaged in mine clearing, assembling and evacuating military equipment, rebuilding civilian

infrastructure damaged in the hostilities (roads, bridges, power lines and the water system),

distributing humanitarian aid and providing medica l assistance. All this has one aim: to help

South Ossetia to return to normal life, including those Ossetian villages inhabited by Georgians.

These troop numbers are reducing as the tasks referred to are completed.

25 44. I would point out that, in accordance with the fifth Medvedev-Sarkozy principle, the

additional security measures taken by the Russian forces will be ended when an international

mechanism is put in place. Russia is involved in intensive negotiations on the creation of such a

mechanism. Thus Russia has supported the OSCE ’s decision proposing a substantial increase in

the number of OSCE military observers in the region of up to 100 persons.

45. It will therefore be clearly seen, Madam President and Members of the Court, that the

Russian presence on the ground does not constitute an occupation, as referred to so often by the

representatives of the Applicant this morning. - 17 -

46. Madam President, Members of the Court, I hope that the account of events which I have

just given has convinced you that the present dispute between Georgia and Russia has nothing to do

with racial or ethnic discrimination. Russia h as never practised, encouraged or supported racial

discrimination in South Ossetia and Abkhazia.

47. It would be absurd to talk of any kind of discrimination against Georgians by Russia,

given the level of integration of Georgians in all areas of Russian society. Hundreds of thousands

of Georgians are now living in Russia. Since 1992, more than 270,000 Georgians have acquired

Russian nationality. That is a not inconsiderable figure for a country with five million inhabitants.

48. Today, there are representatives of the Georgian nation among the scientific, artistic and

political elites, as well as in the business world. Th ere is no need to list their names: the best

known representatives are mentioned in one of the documents in our written contribution.

49. Clearly, the relations between Russia a nd Georgia are currently undergoing a crisis.

However, as Mr.Sergey Lavrov, the Russian Fore ign Minister, has said: “there is no hostile,

biased attitude towards the Georgian people. We want to continue to be friends with the Georgian

people, we want to continue sincerely enjoying this friendship.” 5 It is not by chance that the day

after the Georgian attack, President Medvedev ordere d the Russian Interior Ministry to take steps

26
to prevent any form of discrimination “against all foreigners living in Russia”.

50. Having rejected Georgia’s false accusations , it becomes clear that what is involved here

are ethnic conflicts that have been ravaging the Caucasus for centuries. Until the present crisis,

Russia merely played the role of an impartial me diator in these conflicts, a guarantor of peace and

security in the region. In accordance with that role, it could not refrain from intervening when

Georgia treacherously attacked the Ossetian civilian population and the Russian peacekeeping

soldiers, thereby destroying a fragile peace which had taken root in the Caucasus, not least through

the efforts of the Russian mediators.

51. That brings my statement to an end. I should like to thank the Court for its attention and

would now ask you, Madam President and Members of the Court, to give the floor to

Mr. Alain Pellet.

5
Interview with Radio Ekho Moskvy, Press Release No. 1194-15-08-2008 of the Ministry of Foreign Affairs of
Russia, 14 Aug. 2008, available at http://www.mid.ru. - 18 -

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Votre Excel lence. J’appelle maintenant à la barre

M. Pellet.

Mr. PELLET: Thank you, Madam President.

III. THE C OURT ’S MANIFEST LACK OF JURISDICTION

1. Madam President, Members of the Court, I express my keen thanks for your stoic

willingness to hear me out once again! However, before entering into the heart of my subject, a

rather “drily legal” one, I wish to express my si ncere compassion for the victims on all sides of the

armed conflict at the root of the case which Ge orgia has chosen to refer to you. And this,

Madam President, is not “grandstanding”; I truly mean it and I wish to make clear that I am saying

it with the full agreement of the Agents of Russia.

2. I shall endeavour to show this afternoon that the Court manifestly lacks jurisdiction to rule

on the Application submitted by the Republic of Georgia and that, in consequence, it is, a fortiori,

without prima facie jurisdiction to order the provisional measures which the Applicant went on to

request.

27 3. In two of your Orders of 2 June 1999, you removed from the list the cases which

Yugoslavia had brought against Spain and the United States, holding that:

“the Court manifestly lacks jurisdiction to entertain Yugoslavia's Application; whereas
it cannot therefore indicate any provisional measure whatsoever in order to protect the

rights invoked therein; and whereas, within a system of consensual jurisdiction, to
maintain on the General List a case upon which it appears certain that the Court will
not be able to adjudicate on the merits would most assuredly not contribute to the
sound administration of justice” ( Legality of Use of Force (Yugoslavia v. Spain),

Provisional Measures, Order of 2 June 1999, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 773, para. 35;
see also Legality of Use of Force (Yugoslavia v. United States of America) , ibid.,
p. 925, para. 29).

Madam President, the same result must obtain here.

4. Obviously, the Russian Federation does deny being a party to the 1965 Convention on the

Elimination of All Forms of Racial Discrimination, but the basis of jurisdiction which Georgia

claims to find in Article 22 of that Treaty is in the present case so clearly artificial and unjustified

that it is unthinkable that the Court should be able to exercise jurisdiction on the merits on this

purported basis. - 19 -

5. Even though you already heard much comment on this provision this morning, I do not

think it redundant to read it out again:

“Any dispute between two or more States Parties with respect to the
interpretation or application of this Conven tion, which is not settled by negotiation or
by the procedures expressly provided for in this Convention, shall, at the request of

any of the parties to the dispute, be referre d to the International Court of Justice for
decision, unless the disputants agree to another mode of settlement.”

6. Now, Madam President:

⎯ there is obviously no dispute between Georgia and Russia with respect to the interpretation or

application of the 1965 Convention; and

⎯ even if it were accepted that there was such a dispute ⎯ quod non ⎯, it is clear that the

Applicant has not made the slightest effort to settle it “by negotiation or by the procedures

expressly provided for” in the Convention, and that also precludes your jurisdiction.

These are the two points which I propose to address in turn.

28 1. The lack of a dispute between Georgia and Russia over the interpretation or application of
the 1965 Convention

7. In truth, Madam President, the first point is sufficient to dispose of the question: there is

quite simply no dispute between Georgi a and Russia over the interpretation (in concreto) or

application of the Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination: it is clear

that the real issues of fact and law raised by Ge orgia, issues which the Court has no jurisdiction to

adjudicate, are in no way contemplated within that in strument. This is attested to by all elements,

including the Application, the Applicant’s Requests for the indication of provisional measures and

the whole of its previous approach.

8. Of course, Madam President, the Applicant tries its best to cloak its Application in what I

would call a “dressing of discrimination”, by means of which it seeks to persuade us that the object

of its dispute with the Russian Federation is in fact application of the 1965 Convention, But,

Madam President, Members of the Court, as you have repeatedly said:

“[I]t may happen that uncertainties or disagreements arise with regard to the real
subject of the dispute with which the Court has been seised, or to the exact nature of
the claims submitted to it. In such case s the Court cannot be restricted to a

consideration of the terms of the Applica tion alone nor, more generally, can it regard
itself as bound by the claims of the Applicant... It is for the Court itself, while
giving particular attention to the formulation of the dispute chosen by the Applicant, to - 20 -

determine on an objective basis the dispute dividing the parties, by examining the
position of both parties.”

And also:

“[I]t is the Court's duty to isolate the real issue in the case and to identify the
object of the claim. It has never been cont ested that the Court is entitled to interpret

the submissions of the parties, and in f act is bound to do so; this is one of the
attributes of its judicial functions.” ( Nuclear Tests (New Zealand v. France),
Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 466, para. 30; see also Request for an Examination
of the Situation in Accordance with Paragraph63 of the Court’s Judgment of

20 December 1974 in the Nuclear Tests (New Zealand v. France) Case (New
Zealand v. France), Order of 22September1995, I.C.J. Reports 1995 , p.304,
para. 55.) (Fisheries Jurisdiction (Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court,
Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 448, paras. 29-30.)

9. As one of the Agents of Russia said a short while ago, here there is undoubtedly no

dispute between Georgia and Russia which can be tied to the Convention on the Elimination of All

Forms of Racial Discrimination. As the Court stated in particularly clear terms in the Oil

Platforms case ⎯ from which Mr.Crawford did however willingly quote this morning ⎯, when

the “Parties differ on the question whether the disput e between” them concerns the application of a

particular Treaty,

29 “the Court cannot limit itself to noting that one of the Parties maintains that such a
dispute exists, and the other denies it. It must ascertain whether the violations of the
Treaty [alleged by one of the Parties] do or do not fall within the provisions of the

Treaty and whether, as a consequence, th e dispute is one which the Court has
jurisdiction ratione materiae to entertain, pursuant to”

the jurisdictional clause in the Treaty in question (Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United

States of America), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1996(II) , p. 810, para. 16;

see also Judge Higgins’s separate opinion, ibid., pp. 847-861) ⎯ in the present instance, Article 22

of the 1965 Convention. And this is also true , as you unequivocally stated in your 1999 Orders on

the requests for the indication of provisional measures in the Genocide case, when it is a matter of

“determin[ing], even prima facie”, as is the case in the examination of a request for the indication

of provisional measures, whether a dispute ex ists within the meaning of such a clause (Legality of

Use of Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Provisional Measur es, Order of 2June1999,

I.C.J. Reports 1999(I) , p.137, para.38. See also, in respect of ArticleXIV of the Unesco

Convention, Armed Activities on the Territory of the C ongo (New Application: 2002) (Democratic

Republic of the Congo v. Rwanda), Provisional Measures, Order of 10 July 2002, I.C.J. Reports

2002, p. 248, para. 85). - 21 -

10. Georgia “gives itself away”, if I can put it in those terms, in the clearest of ways already

in the first sentence of its Request for the indication of provisional measures of 12 August 2008:

“the rights of the Republic of Georgia under the International Convention on the
Elimination of All Forms of Racial Discrimination (‘CERD’) to protect its citizens
against violent discriminatory acts by Russian armed forces, acting in concert with
separatist militia and foreign mercenaries, including unlawful attacks against civilians

and civilian objects, murder, forced displ acement, denial of humanitarian assistance,
and extensive pillage and destruction of towns and villages, in South Ossetia and
neighboring regions of Georgia, and in Abkhazia and neighboring regions, under
6*
Russian occupation” .

11. It could not be put any more bluntly: the object of the dispute which Georgia seeks to

have adjudicated by the Court is not at all allege d violations by Russia of its obligations under the

1965 Convention, but it is based (and based solely) on allegations of unlawful actions in violation

of international humanitarian law in South Ossetia and Abkhazia. As I have said, and as is its right,

the Russian Federation takes the view that this c ourtroom is not the appropr iate venue in which to

30 debate these accusations ⎯ over which this Court is manifestly without jurisdiction.

12. I am well aware, Madam President, that Georgia, no doubt realizing its blunder, tried to

“correct its aim” in what it called its “amended request” of 25 August, in which it attempted to

refocus on the 1965 Convention. But no one can be misled by this ploy: this is the same request,

based on the same facts ⎯ except for a greater number of (contrived) references to the Convention

(the “CERD”); but this cosmetic sprinkling of cita tions is clearly insufficient to alter the nature of

the Application. Moreover, this stands to reason because, amended or not, the only effect the

request for the indication of provisional measures can have is to preserve “the respective rights of

either party” and, in the case of the Applicant in any event, those rights are defined in the

Application instituting proceedings.

13. In accordance with settled jurisprude nce (see among a great many precedents: Polish

Agrarian Reform and German Minority, Order of 29July1933, P.C.I.J., SeriesA/B, No.58 ,

6Request, para. 1.
*
«les droits que la République de Géorgie tient de la convention internationale sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination racial e (CIEDR) s’agissant de protéses ressortissants des violences à
caractère discriminatoire que leur infligent les forces armées russes opérant de concert avec des milices
séparatistes et des mercenaires étranger⎯attaques contre les civils etles biens de caractère civil,
meurtres, déplacements forcés, déni d’aide humanitaire, pillages et destructions généralisés de villes et
villages, entre autres ⎯, en Ossétie du Sud et dans les régions voi sines de Géorgie, en Abkhazie et dans
les régions voisines, sous occupation russe» [traduction du Greffe]. - 22 -

p. 177; Anglo-Iranian Oil Co. (United Kingdom v. Iran), Interim Protection, Order of 5 July 1951,

I.C.J. Reports 1951 , p.93; Interhandel (Switzerland v. United States of America), Interim

Protection, Order of 24October1957, I.C.J. Reports 1957, p.111; Passage through the Great

Belt (Finland v. Denmark), Provisional Measures, Ord er of 29July1991, I.C.J. Reports 1991 ,

p. 16, para. 16; Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v.

Nigeria), Provisional Measures, Order of 15March1996, I.C.J. Reports 1996(I) , pp.21-22,

para. 35; Armed Activities on the Territory of the C ongo (New Application:2002) (Democratic

Republic of the Congo v. Rwanda), Provisional Measures, Order of 10 July 2002, I.C.J. Reports

2002, p. 241, para. 58; Certain Criminal Proceedings in France (Republic of the Congo v.

France), Provisional Measures, Order of 17 June 2003, I. C.J. Reports 2003 , pp.107-108,

paras. 22-29; and Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Order of 13 July 2006,

I.C.J. Reports 2006, p. 129, paras. 61-62) and, as you reiterated again most recently:

“the Court, when considering a request for the indication of provisional measures,
‘must be concerned to preserve . . . the ri ghts which may subsequently be adjudged by
the Court to belong either to the Applicant or to the Respondent’ ( Land and Maritime
Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional
31
Measures, Order of 15March1996, I.C.J. Reports 1996(I) , p. 22, para. 35); . . . a
link must therefore be established between the alleged rights the protection of which is
the subject of the provisional measures bei ng sought, and the subject of the principal
request submitted to the Court” ( Request for Interpretatio n of the Judgment of

31March2004 in the Case concerning Avena and Other Mexican Nationals
(Mexico v. United States of America) (Mexico v. United States of America) ,
Provisional Measures, Order of 16 July 2008, para. 58).

14. Georgia’s Application itself leaves no room for doubt. The presentation of the facts set

out as relevant by the Applicant ⎯ to which the “amended” Request of 25August expressly

refers ⎯ is significant: the only matters dealt with here ⎯ in this statement of facts ⎯ are the

various phases “of Russia’s intervention” in South Ossetia and Abkhazia. And the references to the

Convention on the elimination of discrimination scattered throughout it cannot fool anyone: it is

indeed this “intervention” which Georgia seeks to have condemned by the Court ⎯ in the summary

form, a form which is unavoidably skimpily (a nd hastily) documented, of an order indicating

provisional measures. Just this morning moreove r, it was indeed this intervention which our

opponents railed against (together with discriminat ory practices by “marauding militias”), and acts - 23 -

of war, indiscriminate according to them but surely not discriminatory within the meaning of the

Convention.

15. Georgia’s “Observations” filed in the Regist ry last Thursday are just as telling: these

7
concern only armed “attacks” (by Georgian troops as well as Russian, incidentally ⎯ and by

8 9 10
Ossetian militias ), “indiscriminate attacks on civilians” , use of cluster bombs , refugees and

displaced persons 11and declarations and recognition of independence . But it truly takes a strong

desire to accommodate to interpret these documents as relating to a dispute as to the application of

the1965 Convention, which, I shall point out, is not mentioned even once anywhere in

these 248 pages ⎯ not once; for its part, the word “discrimination” (and this goes for its

32
permutations as well) appears just once, in a stat ement by a witness, who, by the way, accuses the

“de facto Abkhazian authorities”, not Russia, of the discriminatory act in question 13. It is not my

impression that the folder provided to us this morning calls for any different comment.

16. I wish to be clear, Madam President, the qu estion is not whether violations of general or

humanitarian international law are occurring (or ha ve occurred) in North Ossetia or Abkhazia.

Lacking a basis for jurisdiction, you cannot answer that question ⎯ not today, not in the future.

The only question which you can (and must) decide is whether or not there is, prima facie, a dispute

between the Parties with respect to the applica tion of the 1965Convention on the Elimination of

All Forms of Racial Discrimination.

17. In other words, there is unquestionably a di spute (or more than one dispute) between the

Parties. But it is just as undeniable that it (or they) does (or do) not concern application of

the1965Convention. This follows from the plead ings submitted by Georgia and the file it has

produced and which, I presume, counsel for Georgia must have put together as carefully as they

7
See Human Rights Watch, “Georgia: International Groups Should Send Mi ssions”, Ann.4; Human Rights
Watch, “Georgian Villages in South Ossetia Burnt, Looted”, Ann. 5.
See Human Rights Watch, “Georgia: Satellite Images S how Destruction, Ethnic At tacks”, Ann.1; Human

Rights Watch, “EU: Protect Civilians in Gori District”,Ann. 2; Human Rights Watch, “Georgian Villages in South
Ossetia Burnt, Looted”, Ann. 5.
9
See Human Rights Watch, “Georgia: International Groups Should Send Missions”, Ann. 4 (in this instance, by
Georgian forces); Amnesty International, “Continuing Concern for Civilians after Hostilities in Georgia”, Ann. 6.
1See Human Rights Watch, “Civilians Killed by Russian Cluster Bomb ‘Duds’” (Ann. 3).

1See Amnesty International, “Continuing Concern for Civilians after Hostilities in Georgia”, Ann. 6.

1See EUobserver.com, “France accuses Russia of Ethnic Cleansing”, Ann. 16.
13
“Declaration of Zaza Gorozia”, Ann. 30. - 24 -

could. But this also follows from the attitude taken by the Respondent since the very early

1990s ⎯ when this imaginary dispute is said to have originated ⎯ because, in the words of the

Application: “The Russian Federation has viol ated its obligations under CERD during three

14*
distinct phases of its interventions in South Ossetia and Abkhazia” , the first of these three phases

dating back to the period 1991-1994 ⎯ a period in which, I shall note in passing, Georgia was not

party to the Convention.

18. This means that, according to our opponents, there has been a dispute since1991

between Georgia and Russia relating to the Conve ntion on racial non-discrimination. A dispute

which the Georgian Government failed to mention for 18 years

⎯ in its relations with Russia;

⎯ in the Security Council or the OSCE;

33 ⎯ (perhaps most importantly) in the organ establis hed under the Convention to deal with it, the

Committee on the Elimination of Racial Discrimination;

⎯ or, for that matter, in its recent request of 11 and 12 August to the European Court of Human

Rights for interim measures, which does not refer to Article 14 of the Convention.

Here there is a kind of negative opinio juris: this failure to act, this silence consistently maintained

over so many years, indisputably attests to the absence in the view of Georgia’s leaders ⎯ they

who generally do not shrink fro m vehemently expressing their grievances against Russia 15 ⎯ of

any dispute relating to the interpretation and application of the Convention.

19. Georgia ratified the Convention in 1999. Since then, in accordance with its obligations

16
under Article9, it has submitted thr ee periodic reports to the Committee . In none of these did

Georgia invoke any actions by Russia to excuse itself from its own treaty responsibilities, as it is

trying to do today; nor, of course, did it refer to any dispute with the Federation ⎯ no such dispute

being mentioned either in the periodic reports or during examination of them in the discussions

1Application, para. 5 (emphasis added).

*«5. La Fédération de Russie a viol é les obligations que lui impose la CIEDR au cours de trois phases
distinctes de ses interventions en Ossétie du Sud et en Abkhazie.» [Traduction du Greffe.]
1See, e.g., the address by Mr.Mikheil Saakashvili, President of Georgia, to the United Nations General

Assembly, 26 September 2007, A/62/PV.7, specifically, pp. 20, 21 and 22.
1Documents CERD/C/369/Add.1 of 24 May 2000 and CERD/C/461/Add.1 of 21 July 2004 (this document
contains Georgia’s second and third reports). - 25 -

17
between Committee members and Georgia’s representatives . A fortiori, no reference to any such

dispute is to be found in the Committee’s concluding observations.

20. It is self-evident that it would be equall y fruitless to look for the slightest reference to a

dispute between Georgia and Russia concerning a pplication of the Convention during the CERD’s

examination of Russia’s reports. It is particularly telling that no mention whatsoever was made of

any dispute between Georgia and Russia over a pplication of the Convention during the CERD’s

most recent session, which concluded in Geneva on 15 August 2008, one week after the armed

conflict broke out ⎯ and that was at the very time the Committee was formulating its concluding

18
34 observations on the Russian Federation’s ei ghteenth and nineteenth periodic reports . What is

more, as the Committee was in session, Georgia coul d have been expected to seise it pursuant to

Article11 or, at the least, to bring its grievan ces to the Committee’s attention, especially as there

19
has been an early warning procedure in place in the CERD since 1993, enabling the Committee to

react in urgent situations by seeking explanations from the State party concerned or by requesting

20
intervention by other United Nations organs, including the Security Council or

21
Secretary-General .

21. But nothing of the sort occurred. And no individual complaint against Russia has been

submitted to the Committee, even though Russia h as borne the obligations under Article14 since

1991.

22. And, to provide an initial response on two points to James Crawford, today my opponent

but still my friend, I shall already note:

⎯ first, that the CERD reports concerning Georgia on which he placed great reliance this morning

do not mention Russia even once; and, second,

17Summary records, see: CERD/C/SR.1453 of 15 March 2001, CERD/C/S R.1454 of 16 March 2001,
CERD/C/SR.1705 of 3 August 2005 and CERD/C/SR.1706 of 4 August 2005.

18See CERD/C/RUS/CO/19 examined by the Committee dur ing its 73rd session (28 July-15August) and the
questions put by the Special Rapporteur in connection with the Russian Federation’s 18th and 19th periodic reports.

19Annual report for 1993, A/48/18, Annex III, “Prevention of racial discrimination, including early warning and
urgent procedures”.

20See decision CERD/C/66/DAR/Dec.2 of 11 March 2005 concerning the situation in Darfur.
21
See decision CERD/C/62/Dec/1 of 21 March 2003 concerni ng the situation of displaced persons in Côte
d’Ivoire. - 26 -

⎯ that, in attempting to demonstrate the existen ce of negotiations between the Parties on this

alleged dispute, he ⎯ I am referring to Professor Crawford ⎯ cited various United Nations

documents (Security Council resolutions, repor ts by the Secretary-General) and the

quadripartite agreement of April 1994 22, carefully omitting to state the fact, a crucial one

however, that, when these documents refer to Russia, all of them do so not as a party to the

conflict but as “facilitator” (the term us ed, for example, in Security Council

resolution 1808 (2008)).

23. This all confirms, if any confirmation is needed, that until some no doubt particularly

imaginative lawyers “invented” a dispute of which no one in Tbilissi or Moscow had any inkling,

that dispute did not in fact exist... But it goes without saying that such a dispute still does not

35 exist! Once again, Madam President, there is no doubting that actual, serious disputes do divide

Georgia and Russia ⎯ but they are not about application of the 1965 Convention. And, while the

Russian Federation has every intention of settling them peacefully, it is under no obligation, and for

the time being does not wish, to bring them before the Court.

2. Failure to satisfy the preconditions for seisin of the Court

24. Madam President, Article22 of the Convention, which I read out at the start of this

presentation, does not confine itself to making the jurisdiction of this Court subject to the existence

of a dispute between the Parties affecting its inte rpretation or application. It also lays down

procedural conditions because it gives you jurisdic tion, Madam President, Members of the Court,

only if the dispute in question “is not settled by negotiation or by the procedures expressly provided

for in this Convention”. This is a condition, an alternative one perhaps but certainly a precondition,

for the seisin of your distinguished Court. Failin g negotiation and/or recourse to the procedures

laid down by the Convention ⎯ both of which must relate to the alleged dispute ⎯ an application

to the Court is inadmissible.

25. The wording of Article22 is clear in this respect. And this interpretation, according to

the natural meaning of the words, is endorsed by the travaux préparatoires , which show that

referral the Court was seen by those who drafted the Convention, both in the Sub-Commission on

22
S/1994/397, Ann. . - 27 -

23
Human Rights which prepared the first preliminary draft and the Commission on Human Rights

itself24, or the General Assembly and its Third Committee 25, as a last resort when all other

possibilities have proved ineffective and the travaux préparatoires are clear in this respect.

26. In the present case, as I have just said, there has never been the slightest negotiation

between the Parties on the interpretation or appli cation of the Convention on the elimination of

racial discrimination. I repeat: careful research in Moscow after the filing of the Georgian

36 Application shows that the Convention has never even been referred to in relations between the two

States, never. A fortiori, the procedures laid down by it have not been initiated either by Russia or

by Georgia: as I said, even after the start of hostilities, Georgia did not refer the matter to CERD

under Article 11 of the Convention, which lays down a conciliation procedure when “a State Party

considers that another State Party is not giving effect to the provisions of this Convention . . .”.

27. No negotiation, no conciliation ⎯ and therefore, Madam President, no possibility of

unilaterally seising the Court either.

28. It is seldom that the law goes in for binary reasoning ⎯ yes or no; black or white; all or

nothing ⎯ indeed, that is what makes our profession (jur ist, judge or counsel) so interesting. But

here, precisely, we find ourselves in one of these exceptional cases:

⎯ either there have been negotiations between the Parties or one of them (or perhaps one of its

nationals) has referred the matter to the CERD, and, in the event of failure, the Court in turn

may be seised unilaterally;

⎯ or neither of these two avenues has been pursued and the Court has no jurisdiction.

29. Fortunately for jurists, in most cases th ere is probably room for debate, though perhaps

not on the nature of the machinery laid down by the Convention. Because, assuming that the

notion of self-contained régime has any meaning ⎯ which I have always doubted ⎯ it seems hard

to believe that this is the case here and, moreover, is of no practical interest: it is enough to register

23See Resolution2(XVI) (Additional measures of implementation), doc. E/CN .4/873-E/CN.4/sub.2/241,

pp. 51-57.
24See United Nations, Official Documents of the Commission on Human Rights, Twentieth Session, Report of the
1820th meeting, doc. E/CN.4/SR.810.

25See United Nations, Official Documents of the General Asse mbly, Twentieth Session, Third Committee, 1344th
meeting on 16 Nov. 1965, p. 384; and United Nations, Official Documents of the General Assembly, Twentieth Session,
Third Committee, 1367th meeting on 7 Dec. 1965, p. 485. - 28 -

the fact that Article22 makes the option of referral to the Court subject to what might be called

“the effective exercise of prior means of settleme nt”. On the other hand, one might for example

question whether the expression “procedures expressl y provided for in this Convention” refers

exclusively to the procedure (or series of procedures) in Articles 11 to 13 or includes the individual

communications in Article14. But this matters little to us: neither of these inter-State or

individual mechanisms has been activated. One also wonders whether the negotiations and

recourse to the CERD are cumulative or alternative preconditions as the terms of Article22 are

more ambiguous than would appear in the light of the context (and above all Article 11 (2)) and in

the light of the travaux préparatoires. But in the present case this is also unimportant: there has

been neither negotiation nor recourse to the procedure in Article11 (or Article14). If the

negotiations or procedures in the Convention ha d begun, jurists might discuss whether they had

failed until the cows come home. But here again, the question does not arise in the present case:

one cannot wonder whether a procedure not even begun has failed.

30. The conclusion, Madam President, is that whatever the “proper interpretation” of the

Convention might be on all these points, in any event and for the case that concerns us, the

precondition or preconditions in Article 22 are not met ⎯ with no likelihood or possibility of any

subjective interpretation or assessment. There has been no negotiation; there has been no recourse

to any procedure provided for in the Convention; and the Court has no jurisdiction.

31. Let me remind you at this point that, having had to interpret Article29 of the

1979Convention on discrimination against women, which is drafted in terms comparable to our

Article 22, the Court stated in its Order of 10 July 2002 referred to this morning that it fell to it “to

consider whether the preconditions on the seisin of the International Court of Justice laid out in

Article 29 of the Convention in question have been satisfied”. And “[w]hereas at this stage in the

proceedings the Congo [had] not shown that its a ttempts to enter into negotiations or undertake

arbitration proceedings with Rwanda . . . concerned the application of Article 29 of the Convention

on Discrimination against Women”, you took the vi ew that “the preconditions on the seisin of the

Court set by Article29 of the Convention therefore do not appear prima facie to have been

satisfied” (Armed Activities on the Territory of the C ongo (New Application:2002) (Democratic

Republic of the Congo v. Rwanda), Provisional Measures, Order of 10 July 2002, I.C.J. Reports - 29 -

2002, p.247, paras.78 and 79; see also, on the subject of Article75 of the WHO Constitution,

ibid., p. 248, para. 82).

32. However, there was a difference as comp ared with the present case, MadamPresident:

while in its pleadings the DRC had relied on its attempts “to bring Rwanda to arbitration” ( ibid.,

p.239, para.51), citing the precise circumstances in which these attempts were supposed to have

been made, neither the Application by Georgia, nor its two successive requests for the indication of

provisional measures, nor any of the documents that the Appli cant has produced mention even the

start of negotiation (nor, obviously, refe rral to the CERD!). And this morning

ProfessorCrawford’s statement on this point was eloquent, but eloquent by his silence ⎯ a rarity

38 in the case of my opponent, who seldom refuses a fence: it is highly significant that, instead of

trying to establish even a semblance of negotiations, he decreed that it was unnecessary to do so.

33. Contrary to what occurred in the Mavrommatis case, to which Mr.Crawford turned to

bail him out, the negotiations did not “come to a standstill” or finally come up against “a non

possumus or a peremptory non volumus by one of the parties” ( Mavrommatis Palestine

Concessions, Judgment No.2, 1924, P.C.I.J., SeriesA, No.2 , p.15). Quite simply, there has not

been the faintest sign that negotiations on the application of the CERD Convention have started.

34. This being so, there does not really seem to be any necessity either for the sort of learned

debate counsel so enjoy in this Court, on defining the threshold of your prima facie jurisdiction. It

is enough to keep in mind that whereas, “on a re quest for provisional measures the Court need not,

before indicating them, finally satisfy itself that it has jurisdiction on the merits of the case, yet it

ought not to act under Article41 of the Statute if the absence of jurisdiction on the merits is

manifest” (Fisheries Jurisdiction (Federal Republic of Germany v. Iceland), Interim Protection,

Order of 17 August 1972, I.C.J. Reports 1972, p. 33, para. 16. See also, for example, Aegean Sea

Continental Shelf (Greece v. Turkey), Interim Protection, Order of 11September1976, I.C.J.

Reports 1976, p. 8, para. 21; Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua

(Nicaragua v. United States of America), Provisional Me asures, Order of 10May1984, I.C.J.

Reports 1984 , p.179, para.24; LaGrand (Germany v. United States of America), Provisional

Measures, Order of 3 March 1999, I.C.J. Reports 1999 (I) , p. 13, para. 13; Armed Activities on the

Territory of the Congo (New Application:2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda), - 30 -

Provisional Measures, Order of 10July2002, I.C.J. Reports 2002 , p.241, para.58). That is the

case, since your jurisdiction depends upon a questi on to which you can answer “yes” or “no” and

since in the present case the answer can only be “no”, which incidentally the Applicant seems to

recognize. The Court can only so find and decline to exercise its jurisdiction. Since hesitation is

not permitted, not only does it fall to you, Members of the Court, to decline to indicate the

provisional measures requested by Georgia, but also the case can but be removed from the list at

this stage, this distinguished Court’s lack of jurisdiction being manifest.

35. So it is merely to be on the safe sidethat ProfessorZimmermann and Mr.Wordsworth

respectively are also going to demonstrate that, on the one hand, the Court cannot order the

measures requested by Georgia and on the other, that in any case the circumstances do not require

them.

Thank you, Members of the Court, for your renewed attention. May I now ask you,

Madam President, to give Professor Zimmermann the floor, presumably after the break.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Pellet. Nous allons à présent faire une pause.

L’audience est suspendue de 16 h 30 à 16 h 45.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Monsieur Zimmermann, vous avez la parole.

M. ZIMMERMANN : Je vous remercie, Madame le président.

IV. ABSENCE DE VIOLATION ÉVENTUELLE DE LA CONVENTION DE 1965 / JUGEMENT
PRÉMATURÉ DE L ’AFFAIRE AU FOND

A. Introduction

1. Madame le président, Messieurs de la Cour, c’est encore une fois un honneur pour moi

que de me présenter devant la Cour.

B. Les violations alléguées de la convention ne peuvent pas relever des dispositions de
la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes

de discrimination raciale

2. Madame le président, comme l’a déjà fait observer M.AlainPellet, les mesures

conservatoires ne peuvent viser qu’à protéger des droits sur lesquels porte la procédure au fond. En - 31 -

conséquence, c’est seulement lorsque les violati ons alléguées peuvent relever des dispositions de

l’instrument qui confère la juridiction que la Cour a effectivement compétence pour connaître de

l’affaire.

3. Nous soutenons que ce lien requis entre la demande et l’in stance principale fait défaut

pour plusieurs raisons, la première étant que les ar ticles2 et5 de la convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ⎯sur lesquels s’appuie la Géorgie ⎯

ne lient pas le défendeur hors de son propre territoire. En consé quence, la conduite de la Russie à

l’extérieur de son territoire n’étant pas régie par les articles 2 et 5 de la convention, ces dispositions
40

ne peuvent non plus autoriser l’indication des mesures demandées.

1. Les articles 2 et 5 de la convention internat ionale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale n’ont pas d’application extraterritoriale

4. Madame le président, dans sa requête et ses demandes, la Géorgie se contentait de laisser

entendre, parfois implicitement, que les articles 2 et 5 de la convention s’appliquent en sol étranger.

Ce matin, vous avez entendu M.Crawford examiner la question. Il a alors paru suggérer que

l’application extraterritoriale constituerait la règle et non l’exception. Permettez-moi, par

conséquent, de commencer par citer la déclar ation que vous avez faite dans l’affaire du Mur, selon

laquelle les obligations en matière de droits de l’homme s’appliquent «avant tout nationale[ment]»

(Conséquences juridiques de l’édification d’un mu r dans le territoire palestinien occupé, avis

consultatif, C.I.J. Recueil 2004 , p.179, par.109). La règle générale reste que, conformément à

l’article 29 de la convention de Vienne, les traités, y compris ceux relatifs aux droits de l’homme,

ne lient les Etats qu’en ce qui concerne leur propre territoire.

5. Certes, il peut y avoir des exceptions mais celles-ci ne sauraient simplement être avancées,

elles doivent être prouvées ⎯ et, nous rappellerons encore une fois le principe énoncé à l’article 29

de la convention de Vienne, qui dispose que tout e interprétation différente doit ressortir du traité

même ou doit être par ailleurs ét ablie. Aussi n’y a-t-il pas lieu pour nous de rechercher «une

disposition qui restreint le champ d’application te rritorial des obligations», comme il a été indiqué,

mais de déterminer si, excepti onnellement, une obligation particulière s’appliquerait à l’étranger.

En l’espèce, toutefois, aucune des exceptions e nvisagées à l’article 29 de la convention de Vienne

ne s’applique. - 32 -

6. Bien entendu, ainsi que l’a concédé le conseil de la Géorgie, la c onvention internationale

sur l’élimination de toutes les formes de discrimin ation raciale se distingue des autres instruments

relatifs aux droits de l’homme en ce qu’elle ne contient pas de clause d’applicabilité générale

régissant l’application territoriale du traité en tant que tel et dans sa totalité. Ainsi, elle ne contient

pas d’équivalent à, par exemple, l’article2 du p acte international relatif aux droits civils et

politiques (PIDCP). En conséquence, il faut éval uer le champ d’application territorial de chaque

norme spécifique de la convention, non sur la base d’un principe «d’application globale», mais en

examinant la manière spécifique dont chacune des normes est formulée. Il ne découle rien d’autre

du contexte de la convention. En fait, l’incident même de Sharpe ville que mentionne le conseil de

la Géorgie et qui a contribué à la naissance de la Convention était un cas manifeste d’application

territoriale.

41 7. Commençons donc par examiner l’article2 de la Convention. La formulation des

différentes obligations énumérées à son paragrap he1 indique clairement qu’il y a lieu de les

appliquer à l’intérieur de chaque Etat membre . Cela ressort nettement des propres termes de

l’article 2. Je vais simplement attirer votre attention sur quatre brefs passages :

⎯ Premièrement, l’alinéa a) du paragraphe1) demande à chaque Etat partie de s’engager à faire

en sorte que toutes les autorités publiques et institutions publiques, nationales et locales, ne se

livrent à aucun acte de discrimination raciale 26.

⎯ Deuxièmement, dans le même ordre d’idées, l’alinéa c) du paragraphe1 de l’article2 vise le

réexamen des «politiques gouvernementales nationales et locales» 27.

⎯ Troisièmement, à l’alinéa d) du paragraphe 1), il est demandé aux Etats, «par tous les moyens

appropriés, y compris… des mesures législatives , [d’]interdire la discrimination raciale…et

28
[d’]y mettre fin» .

⎯ Enfin, conformément à l’alinéa e) du paragraphe1) de l’article 2, chaque Etat «s’engage à

favoriser…les organisations et mouvements intégrationnistes multiraciaux et autres moyens

propres à éliminer les barrières entre les races».

26 Les italiques sont de moi.
27
Les italiques sont de moi.
28 Les italiques sont de moi. - 33 -

Ces quatre citations montrent bien que l’accent est placé sur les mesures prises à l’intérieur du

propre territoire d’un Etat, sur lequel fonctionnent ses institutions «nationales et locales», où il peut

prendre «des mesures législatives» et est en po sition de «favoriser…les organisations et

mouvements intégrationnistes multiraciaux». Les termes employés dans la disposition contredisent

par conséquent l’hypothèse d’une application extraterritoriale soutenue par la Géorgie.

8. La même conclusion peut être tirée de l’ article5 de la convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Pour ne pas m’étendre trop longtemps,

je ferai simplement deux observations à ce sujet.

⎯ Premièrement, l’article 5 ⎯

Le PRESIDENT: Monsieur Zimmermann, pourri ez-vous faciliter le travail des interprètes,

qui n’ont pris connaissance des éléments que récemment, en parlant un peu plus lentement ?

M. ZIMMERMANN : Certainement, Madame le président.

La même conclusion peut être tirée de la formulation de l’article 5 de la convention

internationale sur l’élimination de toutes les fo rmes de discrimination raciale. Par souci de

brièveté, je ferai simplement deux observations à cet égard.

42 ⎯ Premièrement, l’article 5 est supposé régir la mise en Œuvre des obligations générales énoncées

à l’article2 ⎯lesquelles, comme je viens de le montrer, sont limitées territorialement.

L’objectif n’est pas d’imposer des obligations qui vont au-delà de l’article2, mais plutôt de

demander aux Etats de s’acquitter de ces obligations d’une certaine manière.

⎯ Deuxièmement, la Géorgie a cherché à interpréter l’alinéa i) du paragraphe d) de l’article 5 de

la convention comme s’il créait un droit absolu à la liberté de mouvement. Pourtant, l’article 5

restreint tout simplement ce droit à celui «de circuler librement et de choisir sa résidence à

l’intérieur d’un Etat » ⎯, l’Etat en question étant la Russie. Les termes mêmes de la

disposition montrent ainsi que l’alinéa i) du paragraphe d) de l’article5 de la convention ne

s’applique pas extraterritorialement.

9. En résumé, la formulation même des article s2 et5 de la conven tion internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimin ation raciale démontre que les Etats ne sont pas

tenus d’appliquer ces dispositions à l’étranger. J’ajouterai que cette formulation précise a été - 34 -

choisie à l’issue des longs débats qui ont précédé l’adoption de la convention. Or, les rédacteurs de

l’époque avaient sans aucun doute connaissance d’autres thèses ainsi que d’autres clauses et traités

qui prévoient effectivement de s’appliquer extrate rritorialement, tels que, par exemple, l’article1

de la convention européenne des droits de l’ homme ou l’article 1 commun aux quatre conventions

de Genève qui demande aux parties de «respecter…la présente Convention en toutes

circonstances». Les articles2 et5 de la convention internationale sur l’élimination de toutes les

formes de discrimination raciale sont formulés de manière bien plus restrictive. Simplement,

⎯ pour reprendre encore une fois les termes de l’ar ticle 29 de la convention de Vienne sur le droit

des traités ⎯, il «ne ressort [pas] du traité» «une inte rprétation différente» justifiant leur

application extraterritoriale.

10. Je vais à présent démontrer également que, même si l’on devait suivre, pour les besoins

du raisonnement, l’assertion générale de la Géorgie selon laquelle la convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimin ation raciale peut, en principe, s’appliquer

extraterritorialement, l’affaire dont il s’agit ne pr ésente pas le seuil nécessaire permettant une telle

application puisque la Russie n’a jamais exercé, quel que soit le moment considéré, le contrôle

suffisant nécessaire.

2. La convention internationale sur l’élimin ation de toutes les formes de discrimination

raciale n’est pas applicable car l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie n’ont jamais été sous le
contrôle effectif de la Fédération de Russie

11. Madame le président, Messieurs de la Cour, si nous acceptons, pour les besoins de

l’argumentation, que les articles2 et5 de la conve ntion internationale sur l’élimination de toutes

les formes de discrimination raciale puissent régir la conduite d’un Etat à l’extérieur de ses propres

frontières, une telle application extraterritoriale est soumise à des conditions particulières. La

43 Géorgie l’a elle-même reconnu lorsqu’elle a prié respectueusement la Cour d’indiquer des mesures

spécifiques dans des zones «placées sous le contrôle effectif de la Fédération de Russie» 29.

12. Même à supposer que la convention s’a pplique à «toutes les zones placées sous le

contrôle effectif d’un Etat», les mesures provisoires demandées ne se justifieraient toujours pas

29
Voir la demande modifiée, par. 23. - 35 -

puisque le défendeur n’exerce pas actuellement, ni n’exercera à l’avenir, un contrôle effectif sur

30
l’Ossétie du Sud ou sur l’Abkhazie .

13. Madame le président, les deux seules affaires, dans lesquelles la Cour a jugé qu’un Etat

exerçait un contrôle effectif permettant de déclencher l’ applicabilité générale de traités relatifs aux

droits de l’homme, à savoir l’affaire du Mur (Conséquences juridiques de l’édification d’un mur

dans le territoire palestinien occupé, av is consultatif, C.I.J. Recueil 2004, par. 78, 89, 108, 109) et

celle des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo

c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, par.173 et suiv.), touchaient toutes deux à une situation

d’occupation belligérante. Mais, même dans des affaires d’occupation, des juridictions telles que la

Chambre des Lords ne sont pas prêtes à r econnaître que les puissances occupantes exercent

nécessairement un contrôle effectif. Partant, tandis que la Chambre des Lords a reconnu qu’une

personne se trouvant en Irak, dans une prison brita nnique, était sous le contrôle effectif du

Royaume-Uni, une personne située à l’extérieur d’un espace confiné tel qu’une prison, à un point

de contrôle, n’était pas considérée comme soumise à un tel contrôle effectif 31.

14. Vous-mêmes, la Cour, avez également insisté grandement sur le facteur temps afin de

conclure à l’existence d’un contrôle effectif. Ai nsi, l’Avis que vous avez émis dans l’affaire du

Mur faisait particulièrement référence à «la durée de la présence [d’Israël]» en Cisjordanie et à

Gaza (Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis

consultatif, C.I.J. Recueil 2004, p. 179, par. 110), présence qui, à l’époque considérée, remontait à

plus de trente-sept ans. Pour cette raison, la comp araison (faite par le conseil de la partie adverse)

avec les affaires israéliennes examinées par le comité pour l'élimination de la discrimination raciale

ne conduit pas non plus bien loin ⎯en particulier puisque les rapports concernaient

essentiellement l’article 3 de la c onvention internationale sur l’élimination de toutes les formes de

discrimination raciale, qui n’est pas en cause ici et sur lequel je reviendrai de toute manière dans un

moment.

30
Voir la formulation employée par la Géorgie dans sa demande en i ndication de mesures conservatoires
modifiée, par. 23, 24.
31R (Al-Skeini)v. Secretary of State for Defence, 2007, UKHL 26 ; 2007, 3WLR 33 ; 2007, 3All ER 685. - 36 -

44 15. Madame le président, si nous cherchons à a ppliquer ce critère aux faits de l’espèce, il en

ressort une situation précise, à savoir que le défendeur n’a, à aucun moment, exercé un contrôle

effectif en Ossétie du Sud ou en Abkhazie. Son statut dans ces territoires ne saurait simplement

être comparé à celui d’Israël en Cisjordanie, de l’Ouganda en RDC ou, du reste, de l’Afrique du

Sud en Namibie.

16. En tout premier lieu, la Russie n’est pas une puissance occupant l’Ossétie du Sud et

l’Abkhazie. Les deux régions disposaient d’un st atut d’autonomie internationalement reconnu et

jouissent d’une indépendance de fait depuis déjà un certain temps. En particulier, la Russie n’a

jamais ⎯ pour paraphraser le critère que vous avez appliqué dans l’affaire des Activités armées sur

le territoire du Congo (République démo cratique du Congo c O.uganda), arrêt,

C.I.J. Recueil 2005, par.173) ⎯, la Russie, donc, n’a jamais assumé le rôle des autorités

existantes, à savoir celui des auto rités abkhazes et sud-ossètes, rec onnues en tant que telles par la

Géorgie elle-même. D’ailleurs, la présence russe, outre que sa participation se bornait à des

opérations restreintes de maintien de la paix, est limitée dans le temps et ne se prolongera que

pendant quelques semaines.

17. De plus, les autorités locales ont toujours conservé leur indépendance et continuent à le

faire. Ainsi que l’a souligné notre agent de manière plus détaillée, la présence des forces militaires

russes est également limitée à certains points stratégiques et ne couvre pas la totalité du territoire en

question. Cette absence de contrôle effectif est confirmée, comme le démontrera plus précisément

mon ami et collègue Sam Wordworth, par le fait que la Russie s’est fréquemment désolidarisée des

autorités ossètes et abkhazes et les a même conda mnées. Enfin, le nombre de soldats actuellement

stationnés dans la région a déjà été substantiellement réduit et le sera encore.

18. En résumé, si l’on applique le critère que vous, la Cour, avez élaboré jusqu’à présent, le

défendeur n’exerce pas un contrôle effectif sur le s territoires contestés. Ce résultat est également

confirmé par la pratique la plus récente, en date du 15 août 2008, du comité pour l'élimination de la

discrimination raciale, auquel M.AlainPellet a déjà fait référence. On se demande en effet

pourquoi le Comité n’a pas dit un mot ⎯ pas un seul ⎯ à propos de la situation en Ossétie du Sud

et en Abkhazie si, comme l’a fait valoir la Géor gie, il considérait bel et bien que la Russie

contrôlait effectivement le territoire et que la c onvention internationale sur l’élimination de toutes - 37 -

les formes de discrimination raciale était en con séquence applicable. Au moins, le Comité ne

semble donc pas estimer ⎯contrairement à ce qu’a avancé le conseil de la Partie adverse ce

45 matin ⎯ que la Russie exerçait un contrôle sur les deux régions contestées en vertu du simple fait

que la Géorgie avait perdu son autorité sur ces territoires.

19. Je parviens ainsi à mon observation suivante, à savoir que même si l’on devait accepter

que la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

s’applique aux zones pertinentes, les actes d’organes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie ou de groupes

et personnes agissant à titre privé ne seraient pas attribuables, pas même prima facie , à la

Fédération de Russie.

3. Les actes commis par des organes de l’Ossétie du Sud ou de l’Abkhazie ou par des groupes
et personnes agissant à titre privé ne sauraient être attribués à la Fédération de Russie

20. Madame le président, Messieurs de la C our, les conseils du demandeur ont paru insinuer

ce matin qu’il n’y avait guère lieu de s’interroger su r l’attribution, mais qu’il suffisait de la tenir

pour acquise. Pourtant, nous affirmons que, même à ce stade, la Géorgie doit prouver ce qu’elle

avance et non se borner à l’affirmer — et à attr ibuer d’office une respon sabilité. Je commencerai

donc par un fait incontesté, me semble-t-il, à savoi r que le comportement des autorités sud-ossètes

et abkhazes n’est pas celui d’organes de la Fédération de Russie.

21. Surtout, seules des circonstances excepti onnelles, et des conditions précises—très

précises — permettent d’attribuer à un Etat le comportement d’entités autres que ses organes mais

constituant des organes de facto ou relevant de son contrôle effec tif. Dans la présente affaire,

toutefois, les entités concernées d’OssétieduSud et d’Abkhazie ne peuvent pas être qualifiées

d’organes de facto du défendeur, pas plus qu’elles ne sont sous sa direction ou son contrôle

effectifs.

22. Tout d’abord, la Géorgie elle-même n’ a pas prétendu dans sa demande que les entités

sud-ossètes ou abkhazes pouvaient être qualifiées d’organes de facto. En fait, il est évident que,

aussi bien à l’époque où elles étaient reconnues en tant que régions autonomes au sein de la

Géorgie que depuis leur déclara tion d’indépendance, l’OssétieduSud et l’Abkhazie n’ont jamais

été ni l’une ni l’autre un simple instrument du dé fendeur sans aucune autonomie réelle au sens de

votre jurisprudence (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de - 38 -

génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, par. 391 et suiv.

(renvoyant à l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Nicaragua c.Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt , C.I.J. Recueil 1986, par. 109-110)) : au

contraire, elles ont mené leur propre politique, ont tenu des élections et ont eu des gouvernements

indépendants.

46 23. Madame le président, pour ce qui est de la question de la direction et du contrôle, la Cour

a récemment confirmé le critère d’attr ibution rigoureux énoncé dans l’affaire Nicaragua (ibid. ,

p. 64-65, par. 115), qui exige un contrôle exercé «à l’occasion de chacune des opérations au cours

desquelles les violations alléguées se seraient produites» ( Application de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.Serbie-et-Monténégro) ,

arrêt du 26 février 2007, par. 400).

24. Notre agent a déjà mis l’accent sur le rôle de médiateur joué par la Russie avant le début

des récentes hostilités dans le cadre du conflit qui opposait la Géorgie à l’OssétieduSud et à

l’Abkhazie. S’il est vrai que la situation a évolué depuis le 7 août, rien n’indique cependant que, en

termes de contrôle effectif, la relation du défendeur avec l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie ait changé

d’une manière qui puisse se révéler pertinente du point de vue juridique. Pour être plus précis, le

demandeur n’a pas démontré — et ne peut d’ailleurs démontrer, fût-ce prima facie — que le degré

de contrôle élevé qui est requis par votre jurisprudence existe bien à l’heure actuelle, et encore

moins qu’il existera à l’avenir.

25. Permettez-moi d’en venir aux mesures précises sollicitées par la Géorgie, et en

particulier à celles qui sont formulées aux alinéas a) et b) de sa demande.

4. Les articles 2 et 5 de la CIEDR n’énoncent pas d’obligation de prévenir les violations

26. Madame le président, si jamais elles étaient indiquées, les mesures énumérées aux

alinéas a) et b) de la demande imposeraient à la Russie de prendre des dispositions concrètes pour

parvenir à certains résultats ou en prévenir d’autres dans les territoires concernés. Ces mesures

sollicitées par la Géorgie présupposent donc que les articles 2 et 5 de la CIEDR — les seules

dispositions qu’elle invoque à l’ heure actuelle—contiennent une obligation de prévention, et

notamment une obligation d’empêcher la discrimination raciale à l’étranger. Or, cet argument ne - 39 -

tient pas puisque le devoir allégué de prévenir les violations n’est pas inscrit dans les dispositions

en question. La CIEDR est nettement différente de la convention sur le génocide, à laquelle le

conseil du demandeur, M.Reichler , a fréquemment renvoyé. Contra irement à celle-ci, la CIEDR

n’exprime tout simplement pas d’obligation généra le de prévention—et surtout aucune qui soit

«incontestable», comme il a été dit.

27. C’est ce qui ressort du libellé même des ar ticles2 et5 de la CIEDR. Nulle part dans

l’article2, et encore moins dans l’article5—je dis bien nulle part—, et ce, par opposition à

l’article3 de la convention, les Etats ne s’engagent à prévenir les violations de la convention,

àfortiori en dehors de leurs frontières. Certes, l’article2 prescrit certa ines mesures positives
47
comme celles exposées aux alinéas c) et e), mais lorsqu’il s’agit d’actes ou de pratiques de

discrimination raciale, les obligations sont formulées en termes purement négatifs. Les articles2

et 5 de la convention ne font tout simplement p as obligation de prévenir la discrimination raciale à

d’autres acteurs, et surtout d’autres Etats, d’autant plus lorsque pareils actes sont commis à

l’étranger.

28. Ces mesures conservatoires demandées par la Géorgie ne sont donc pas—pour

paraphraser l’ordonnance de la Cour dans les instances relatives à la Licéité de l’emploi de la

force — «susceptibles d'entrer dans les prévisions de [la CIEDR]» (voir, mutatis mutandis, l’affaire

relative à la Licéité de l’emploi de la force (Yougosla vie c.Belgique), mesures conservatoires,

ordonnance du 2juin1999 , C.I.J. Recueil 1999 (I), p.137, par.38). En conséquence, elles ne

peuvent elles non plus faire l’objet d’une ordonnan ce conservatoire, même s’il va de soi que la

Russie fera tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher de tels actes.

29. Madame le président, cette lecture de la CIEDR est parfaitement conforme à l’arrêt rendu

par la Cour dans l’affaire du Génocide en Bosnie, dans lequel la Cour a jugé que le défendeur avait

violé la convention sur le génocide en manquant de prévenir le génocide. Pour parvenir à cette

conclusion, la Cour a minutieusement analysé l’«obligation de prévention» énoncée dans la

convention sur le génocide. Toutefois, contrairem ent à la CIEDR, qui renferme seulement en son

article3 une obligation en matière de ségrégation raciale et d’apartheid, la convention sur le

génocide prescrit une obligation généra le de prévention. En examinant cette obligation clairement

formulée, la Cour a estimé nécessaire de préciser que «la convention sur le génocide n’[était] pas le - 40 -

seul instrument international à prévoir l’obligation … de prendre certaines mesures afin de prévenir

les actes qu’il vise à interdire» (affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention

et la répression du crime de génocide (Bosni e-Herzégovine c.Serbie-et-Monténégro), arrêt du

26 février 2007, par. 429).

30. La Cour s’est ensuite référée, toujours dans la même affaire, à «[b]ien d’autres

instruments comport[a]nt une obligation similaire» (ibid.). Or, ce sont là des propos révélateurs

aux fins de la présente affaire, puisque la Cour n’a pas dit un traître mot sur la CIEDR. S’il lui

avait semblé que, en dehors de son artic le3, la CIEDR contenait une obligation générale de

prévention, la Cour l’aurait de toute évidence incluse dans cette liste, compte tenu du rôle

fondamental qui est celui de l’interdiction de la discrimination raciale en droit international. Le fait

même qu’elle n’ait pas inclus la CIEDR signifie clairement que, de son point de vue, celle-ci

n’était pas à inscrire dans la liste des conve ntions énonçant une obligation générale de

prévention—en dehors de l’obligation spécifique contenue en son article 3, que le demandeur

n’invoque toutefois pas.

48 31. Les conséquences sont évidentes pour la présente affaire. Les articles 2 et 5 de la CIEDR

n’énonçant pas d’obligation de prévention, pareille obligation—ou les mesures spécifiques et

positives qui en découleraient — ne saurait constituer l’objet de l’instance principale. Partant, il ne

s’agit pas non plus ici d’un droit pouvant être protégé par l’indication de mesures conservatoires.

C. Ne pas anticiper sur un éventuel arrêt au fond

32. Madame le président, j’en viens ainsi à mon dernier point, à savoir que les mesures

demandées ne peuvent être indiquées puisqu’elles reviendraient nécessairement à préjuger l’issue

finale de l’affaire.

33. Il est bien établi dans sa jurisprudence que la Cour doit refuser d’indiquer des mesures

conservatoires lorsque la demande vise à obtenir un jugement provisionnel ( Usine de Chorzów,

ordonnance du 21novembre1927, C.P.J.I. sérieA n°12, p.10, ainsi que, par exemple, l’affaire

relative au Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique

c.Iran), mesures conservatoires, ordonnance du 15décembre1979 , C.I.J. Recueil 1979, p.16,

par. 28), et que les mesures conservatoires ne sauraient anticiper sur l’arrêt de la Cour du fait d’une - 41 -

initiative concernant les questions en litige devant elle ( Essais nucléaires (Australie c.France),

mesures conservatoires, ordonnance du 22juin1973 , C.I.J. Recueil 1973, p.103, par.20). Ainsi,

l’un des objectifs majeurs de la procédure prévue à l’article41 est d’éviter que l’issue de la

demande au fond soit en quelque façon préjugée (voir, par exemple, Différend frontalier (Burkina

Faso/République du Mali), mesures conservatoires, ordonnance du 1j0anvie1 r986 ,

C.I.J. Recueil 1986, p. 11, par. 30).

34. La Cour a aussi précisé récemment que l’article 41 visait en lui-même à sauvegarder les

droits respectifs des deux parties (Certaines procédures pénales engagées en France (République

du Congo c.France), mesures conservatoires, ordonnan ce du 17 juin 2003, C.I.J. Recueil 2003,

p.107, par.22). Dès lors, la Cour doit s’att acher à sauvegarder les droits à «reconnaître soit au

demandeur, soit au défendeur» (ibid.).

35. Madame le président, il semble éviden t que la demande géorgienne contient et

présuppose plusieurs à priori sur le rôle de la Fé dération de Russie dans le récent conflit — autant

de postulats que le défendeur conteste, en ce qu’ils donnent selon lui une idée fausse des faits sur le

terrain, lesquels n’ont, de toute façon, pas été établis, pas même prima facie.

49 36. Les mesures demandées présupposent notamment, de par leur teneur, que la Russie a été

et demeure mêlée aux actes énumérés dans la demande, des actes qui auraient en outre été commis

dans le dessein d’expulser la popula tion de souche géorgienne. Si elle devait adopter ces mesures,

la Cour devrait adhérer au postulat qui les sous-tend ⎯à savoir que la Russie se livre

effectivement à de tels actes ⎯ sans avoir eu au préalable la moindre chance d’établir les faits

sous-jacents allégués dans le cadre d’une procé dure en bonne et due forme et sans avoir entendu

l’exposé de tous les moyens de preuve.

37. A supposer tout de même pour le moment, aux fins de l’argumentation, que la mesure

sollicitée à l’alinéa a) de la demande soit indiquée, la Russie devrait faire face à l’idée que, en

ordonnant la mesure demandée, la Cour l’a eff ectivement jugée responsable de tels actes du point

de vue juridique.

38. L’affaire du Génocide milite en ce sens. Dans cette dernière, la Cour, tout en

reconnaissant «l'existence de certains risques», n’en a pas moins refusé d’indiquer les mesures

conservatoires qui étaient alors demandées par la République fédérale de Yougoslavie, ayant - 42 -

conclu à l’absence de pre uves suffisantes pour attester les faits allégués (voir l’affaire relative à

l’Application de la convention pour la p révention et la répression du crime de génocide

(Bosnie-Herzégovine c.Yougoslavie), mesures conservatoires, ordonnance du 13septembre1993,

C.I.J. Recueil 1993, p. 346, par. 45).

39. Le risque de préjuger une éventuelle décisi on ultérieure sur le fond devient d’autant plus

flagrant lorsqu’on se penche sur les mesures particulières demandées.

40. Selon le tout premier alinéa de la demande , la Fédération de Russie serait tenue de «faire

en sorte qu’aucune personne de souche géorgienne ni aucune autre personne ne soit soumise à

des…actes de violence ou de contrainte». Comp te tenu des observations que je viens d’exposer

sur les raisons pour lesquelles le défendeur ne peut, faute de contrôle effectif, être jugé (ni même

présumé) responsable des actes de discrimination allégués, le fait de prescrire pareilles mesures

aurait pour effet de rendre la Fédération de Russie juridiquement responsable de tout acte de

discrimination quel qu’en soit l’auteur — qu’il s’agisse des autorités sud-ossètes et abkhazes ou de

personnes privées —, préjugeant ainsi nécessairement une conclusion ultérieure sur la manière dont

il convient d’interpréter la convention, à savoir que, d’après nous, celle-ci ne s’applique à la

Fédération de Russie ni ratione materiae ni ratione loci dans le cas du conflit en question.

41. Suivant le deuxième alinéa, la Fédérati on de Russie serait soumise à une obligation

encore plus large, qui consisterait à «prendr[e ] toutes les mesures nécessaires pour empêcher que

50 des groupes ou des individus» n’infligent à des personnes de souche géorgienne les actes

énumérés dans ce même alinéa. Outre le fait que les articles2 et5 ne contiennent aucune

obligation de prévenir les actes qu’ils proscrivent —point que j’ai déjà traité—, cette demande

soulève la question fondamentale de savoir quels groupes et individus risquent, par leurs actes,

d’engager la responsabilité juridique de la Fédération de Russie.

42. Madame le président, comme je l’ai déjà dit, la Cour a confirmé dans des termes

parfaitement dénués d’ambigüité qu’un Etat peut uniquement être tenu pour responsable à raison

des actes des groupes sur lesquels il exerce un contrôle effectif (affaire relative à l’ Application de

la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine

c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, par. 396 et su iv.). Or, la mesure demandée par

la Géorgie revient à tenir le défendeur pour responsable des agissements de tous les groupes et de - 43 -

tous les individus commettant l’un quelconque des actes visés à l’alinéa b) de la demande modifiée.

En fait, s’il était réellement ordonné à la Russi e de «prendr[e] toutes les mesures nécessaires»,

celle-ci devrait peut-être même renforcer sensible ment sa présence militaire dans le secteur et

établir par là son contrôle effectif.

43. En ce qui concerne la mesure demandée à l’alinéa c), identique mutatis mutandis à celle

figurant à l’alinéa f) et donc largement redondante de toute f açon, il convient de noter qu’elle est

liée de manière inhérente au statut juridique intern ational de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, qui

ne participent toutefois ni l’une ni l’autre à la présente instance et qui ne sont pas soumises à la

compétence de la Cour de par l’article22 de la CIEDR. Pourtant, indiquer la mesure demandée

imposerait à la Cour de se prononcer sur la question sous-jacente du statut de ces territoires,

préjugeant par là une nouvelle fois de questions qui n’ont même pas de rapport avec l’objet de

l’affaire. En outre, pareille me sure porterait nécessairement atteinte aux droits de ces tierces

parties.

44. Il nous reste ainsi les mesures demandées aux alinéas d) et e), respectivement.

45. Madame le président, Messieurs de la Cour, chacun sait que, jusqu’à une date récente, un

conflit armé faisait rage, donnant lieu à des hostilités dans de grandes parties de l’Ossétie du Sud et

dans certaines parties de l’Abkhazie. Comme tant d’autres conflits armés, ces hostilités ont

malheureusement entraîné le déplacement d’un grand nombre de personnes, toutes ethnies

confondues. Cela étant, le fait d’ordonner le ret our de certaines, ainsi que le demandeur en prie la

Cour aux alinéas d) et e) en les déclarant «expulsées», imposerait là encore de tenir pour acquis que

les personnes en question n’ont pas fui un conflit armé mais ont effectivement été expulsées en

raison de leur appartenance ethnique. Qui plus est, la Fédération de Russie devrait en définitive
51
s’ingérer dans les affaires souveraines des autorit és sud-ossètes et abkhazes qui, dans les deux cas,

échappent tout simplement à son contrôle en droit et en fait.

46. D’une manière générale, si la Cour les prescrit, les mesures demandées imposeront au

défendeur des obligations ambigües et obscures dont il ne pourra de toute façon s’acquitter

puisque, comme je l’ai démontré, il n’exerce aucun c ontrôle effectif sur le territoire en question et

que, en outre, il n’est pas en mesure sur le pl an juridique de mettre en Œuvre les mesures

demandées vis-à-vis de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, respectivement. - 44 -

47. Madame le président, qu’il me soit permis de rappeler les mots empreints de sagesse de

M. Jiménez de Aréchaga, ancien président, à savoir que le pouvoir conféré à la Cour par l’article 41

ne constitue ni un pouvoir général de police pour assure r le maintien de la paix internationale ni

une compétence générale pour régler les différends ( Plateau continental de la mer Egée (Grèce

c. Turquie), mesures conservatoires, ordonnance du 11septembre1976, C.I.J. Recueil 1976,

opinion individuelle du juge JiménezdeAréchaga, p.16), mais se limite plutôt à sauvegarder les

droits des deux parties sans préjuger d’aucune façon que ce soit l’issue finale de l’affaire.

48. Madame le président, Messieurs de la Cour, ainsi s’achève ma plaidoirie. Je vous

remercie infiniment pour votre bienveillante atte ntion. Je vous prie à présent de bien vouloir

appeler mon confrère à la barre.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Zimmermann. Monsieur Wordsworth, vous

avez la parole.

Le PRESIDENT: Merci, Monsieur Zimmermann. Nous appelons maintenant à la barre

M. Wordsworth.

M. WORDSWORTH :

V. L N ’EST PAS SATISFAIT AUX CRITÈRES REGISSANT L ’INDICATION DE
MESURES CONSERVATOIRES

1. Madame le Président, Messieurs de la Cour , c’est un honneur que de me présenter devant

vous.

2. La Cour a bien entendu tout à fait c onscience du caractère exceptionnel de sa faculté

d’indiquer des mesures conservatoires en vertu de l’article41 de son Statut. Cela résulte

évidemment du fait qu’il lui est demandé de rendre une ordonnance visant une partie alors même

que sa juridiction à l’égard de cette partie n’a pas été établie et que cette dernière a encore moins eu

l’occasion de présenter sa thèse au fond. Un critère strict s’applique et, ainsi qu’un ancien

président de la Cour, le juge Nagendra Singh, l’a précisé :

52 «Si…la Cour indique des mesures conservatoires dans l’exercice de ses
pouvoirs inhérents (tels que l’article41 de son Statut les consacre), sa seule
justification est que, sans ces mesures, les droits des parties seraient si compromis que
l’arrêt de la Cour, au moment où il serait rendu, serait dépourvu de sens.» ( Essais - 45 -

nucléaires (Australie cF.rance), mesures conservatoires, ordonnance du
22 juin 1973, C.I.J. Recueil 1973, déclaration du juge Nagendra Singh, p.109; et

Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), mesures conservatoires, ordonnance
du 22 juin 1973, C.I.J. Recueil 1973, déclaration du juge Nagendra Singh, p. 145.)

3. La prudence dont doit inévitablement s’acco mpagner l’exercice par la Cour des pouvoirs

que lui confère l’article 41 est d’autant plus nécessaire dans une affaire telle que la présente espèce,

dans laquelle le différend sous-jacent a été porté devant elle d’une manière pour le moins

artificielle. Ce différend porte sur les actions armées respectives des Parties; or, la compétence

prima facie de la Cour est présentée comme étant fondée sur la CIEDR, laquelle n’a jamais été

mentionnée auparavant. La prudence est de mise car il ne fait aucun doute que sont en jeu certains

faits qui ont conduit par le passé à l’indication de mesures conservatoires, à savoir des actions

armées menées par les parties qui comparaissent devant la Cour, actions qui ont notamment

entraîné des pertes en vies humaines ; néanmoins, ces faits ne sauraient en eux-mêmes être au cŒur

de l’examen par la Cour de la présente demande. La question essentielle doit être de savoir si la

Géorgie a présenté à la Cour une thèse attestan t de manière suffisamment convaincante que la

Russie a commis et continue de commettre des actes de discrimination raciale irréparables en

violation des articles 2 et 5 de la CIEDR, de sorte que les circonstances puissent exiger que soient

indiquées des mesures conservatoires.

4. En examinant cette question, j’aimerais aborder deux points. Pr emièrement, le préjudice

irréparable causé aux droits que la Géorgie tire de la CIEDR et, deuxièmement, l’urgence. Je le

ferai, bien entendu, en partant de l’hypothèse que la Géorgie tiendrait de la CIEDR certains droits

pouvant être applicables en la présente espèce, sachant que M.Zimmermann vient de démontrer

que tel n’était pas le cas.

Il n’existe aucun risque sérieux de préjudice irréparable

5. En ce qui concerne la question du préjudice irréparable, la Russie reconnaît naturellement

que les pertes en vies humaines sont irréparables. Se pose néanmoins la question de savoir si tous

les types de préjudice dont la Géorgie tire grief le sont réellement ⎯ ainsi, la

recommandation n o XXII du CERD, sur laquelle la Géorgie a fondé sa thèse au titre de l’article 5,

prévoit expressément qu’une réparation appropriée peut, dans certaines circonstances, être versée

en lieu et place de la restitution des biens. Quoi qu’il en soit, je souhaiterais aujourd’hui examiner - 46 -

plus particulièrement la question essentielle de savoir si le risque existe qu’un préjudice irréparable

soit causé aux droits spécifiquement invoqués par la Géorgie.

53 6. La présente espèce n’est pas comparable à l’affaire Cameroun c. Nigéria, dans laquelle les

actions armées se déroulaient alors qu’une instance était en cours et sur le territoire qui faisait

l’objet de ladite instance. Dans pareil c ontexte, le lien entre le préjudice irréparable ⎯ en

particulier les pertes en vies humaines ⎯ et les droits qui faisaient l’objet du différend pouvait être

aisément établi ( Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun

c. Nigéria), mesures conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996, par. 35-42).

En la présente espèce, en revanche, le contexte à prendre en considération n’est pas celui d’un

différend territorial en cours entre la Russie et la Géorgie, mais plutôt celui d’un conflit

interethnique ancien, interne à la Géorgie, au cours duquel cette dernière n’a jamais prétendu que la

Russie s’était rendue coupable d’un comportement di scriminatoire en violation de la CIEDR. En

outre, pour reprendre le critère retenu dans l’ordonnance en indica tion de mesures conservatoires

en l’affaire Cameroun c. Nigéria, la Russie soutient que la Géor gie n’a pas établi qu’il existait un

«risque sérieux» qu’un préjudice irréparable soit causé à ses droits opposables à la Russie en vertu

des articles 2 et 5 de la CIEDR, même en les interprétant de manière très large.

7. En ce qui concerne ce que l’on a appelé l es première et deuxième phases de l’intervention

de la Russie en Ossétie du Sud et en Abkhazie, il n’y a pas lieu d’entrer dans le détail, mais j’invite

la Cour à consulter le document [3] (Collection of Relevant Facts and Documents) joint par la

Russie à ses observations, où figurent plusieurs décl arations de ministres géorgiens, décisions et

accords internationaux auxquels la Géorgie est partie, dans lesquels le rôle de la Russie et celui des

forces de maintien de la paix est présenté comme tout à fait bénéfique. Pour ne donner qu’un seul

exemple ⎯ sachant qu’ils sont nombreux ⎯, le 31 mars 1999, la Géorgie cosigna avec la Russie et

les représentants de l’Ossétie du Nord et de l’ Ossétie du Sud une décision de la commission de

contrôle conjointe dans laquelle il était indi qué que «les forces de maintien de la paix

32
continu[ai]ent d’être un facteur essentiel de paix et de tranquillité» .

32
Contribution of the Russian Federation to the Heari ngs on Provisional Measures, document 3 (Collection of
relevant Facts and Documents), p. 25. - 47 -

8. De surcroît, le Conseil de sécurité s’est à maintes reprises félicité du rôle stabilisateur joué

par les forces de maintien de la paix de la CEI en Abkhazie et, dans sa résolution1808

du15avrildernier, a souligné une nouvelle fois «l’importance d’une coopération effective étroite

entre la Mission d’observation des Nations Unies en Géorgie et la force de maintien de la paix de la

Communauté d’Etats indépendants, qui jouent actue llement un rôle stabilisateur important dans la

zone du conflit». Dans le même temps, le paragraphe 14 de cette résolution appelle la Géorgie et

les autorités abkhazes «à remplir leurs obligations en la matière et à faire preuve d’un esprit de
54
coopération sans faille à l’égard de la MONUG et de la force de maintien de la paix de la CEI».

9. Voilà qui est en contradiction totale avec la thèse selon laquelle la Russie serait à l’origine

de discriminations raciales en Abkhazie ou même en Ossétie du Sud et, plus encore, avec

l’allégation selon laquelle la Russ ie serait à l’origine d’un préjudice irréparable causé aux droits

que la Géorgie tire de la CIEDR. Il en va rigoureusement de même i)de l’absence de toute

réclamation formulée par la Géorgie ou toute autre pa rtie contre la Russie sur la base de la CIEDR,

et ii) du fait que la Russie, par le biais de résoluti ons du Conseil de sécurité et par d’autres voies, a,

à maintes reprises, condamné différents actes illicites des autorités abkhazes, tout en rappelant et

réaffirmant l’importance fondamentale du droit au retour en Abkhazie de tous les réfugiés et

personnes déplacées (les exemples les plus récents étant les résolutions du Conseil de sécurité 1781

et 1808).

10. S’il devait être fait droit aux allégations de la Géorgie concernant ce que l’on a appelé les

deux premières phases de l’intervention, il en résulterait immanquablement :

⎯ premièrement, que la Géorgie a fait preuve d’ une naïveté totale dans ses relations avec la

Russie en acceptant ⎯et en s’en félicitant ⎯ la présence ou la participation d’une partie qui

constituait pourtant une puissante force de discrimination raciale au sein de la Géorgie ;

⎯ deuxièmement, que la Russie a toujours fait pre uve de mauvaise foi dans ses relations avec la

communauté internationale, y compris en tant que membre du Conseil de sécurité, en

condamnant les actes des autorités abkhazes et en demandant le retour des personnes

déplacées, alors qu’elle poursuivait en réalité des objectifs tout à fait opposés.

11. Aucune conclusion portant sur les faits ne saurait être formulée au stade des mesures

conservatoires, ce qui n’a pas empêché la Géorgie de présenter les événements qui se sont déroulés - 48 -

depuis le mois d’août2008 comme s’inscrivant dans le contexte d’une violation de ses droits et

d’un préjudice causés à ceux-ci de longue date. La Russie estime que cette thèse n’a tout

simplement pas été établie, même prima facie . Il en va rigoureusement de même de toute

allégation selon laquelle la Russie aurait, d’une quelconque manière, exercé un contrôle sur les

autorités d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie au cours de ce que l’on a appelé les première et deuxième

phases. Il ressort tout à fait clairement du co mportement de la Géorgie, des accords qu’elle a

signés et des décisions auxquelles elle était partie (tout cela étant exposé dans les parties 2, 7 et 9

du document 3 précité) qu’elle ne considérait pas que tel était le cas.

12. J’en viens maintenant aux événements du mo is dernier. La Cour n’est évidemment pas

en mesure de se faire une idée claire sur les arguments et contre-arguments qui lui ont été

55 présentés. Les faits sur lesquels il est raisonna blement permis de se fonder sont peu nombreux,

mais démentent bien, selon nous, l’existence d’ un risque sérieux que soit causé un préjudice aux

droits que la Géorgie invoque aujourd’hui :

a) Premièrement, il est incontestable que des actions armées ont eu lieu, mais elles ont entraîné des

pertes dans les rangs des forces armées de toutes les parties concernées, la mort de civils de

toutes origines ethniques ainsi qu’un déplacement massif de personnes de toutes origines : des

dizaines de milliers de Russes et Ossètes de souc he se sont réfugiés en Russie ; des dizaines de

milliers de Géorgiens de souche se sont réfugiés en Géorgie 3. S’il ne fait aucun doute que les

Géorgiens de souche ont fui en plus grand nom bre, il ne fait pas non plus de doute que des

personnes de toutes origines ont fui les zones de conflit et ce, bien que ⎯ dois-je ajouter ⎯ rien

n’ait été dit ce matin des 30 000 Ossètes qui se sont réfugiés en Russie.

b) Deuxièmement, les actions armées ont aujourd’ hui cessé, et des civils de toutes origines

ethniques ⎯quoiqu’il ne s’agisse pas encore de la totalité ⎯ ont commencé à retourner dans

les anciennes zones de conflit. Ainsi qu’il ressort de la carte de l’aide humanitaire de l’OCHA

des NationsUnies, sur laquelle est représentée la situation en Géorgie au25août2008,

«[d]epuis le 24août, l’on assiste à d’importants retours spontanés et organisés» et, d’après les

prévisions figurant sur cette carte, un fort pourcentage de ces populations devrait revenir dans

33
Voir par exemple la ReliefWeb map du 25 août sur le site
http://www.reliefweb.int/rw/fullMaps_Sa.nsf/luFullMap/0CBA6DADE11185A3C…
080826.pdf?OpenElement. - 49 -

les trois mois ⎯ le chiffre étant de 67% en ce qui concerne les retours en Ossétie du Sud 34et

de 90% pour la Géorgie occidentale.

13. Que ressort-il des «observations» de la Géorgie ?

14. Voyons tout d’abord ce qui n’en ressort pas. J’invite la Cour à examiner les annexes une

à une : ce qui est remarquable, c’est que les «observations» ne contiennent presque aucun élément

sur la situation en Abkhazie, ce qui a été pour le moins escamoté dans les exposés de ce matin. Si

vous feuilletez les onglets des observations de la Gé orgie, vous y trouverez : annexe 1, des images

satellites de l’Ossétie du Sud ; annexe 2, des atta ques par des milices d’Ossétie du Sud ; annexe 3,

le prétendu emploi de bombes à fragmentation en Ossétie du Sud ; annexe 4, des preuves de plus en

plus nombreuses selon lesquelles la Russie et la Géorgie ont eu recours à la force de manière illicite

pendant le conflit en Ossétie du Sud; annexe5, des villages d’Ossétie du Sud brûlés et pillés;

annexe 6, un rapport d’Amnesty International sur l’ Ossétie du Sud ; et ainsi de suite. Et pourtant,

le risque sérieux qu’un préjudice soit causé aux dr oits relatifs à l’Abkhazie est l’un des éléments
56

essentiels de la présente demande. Que trouve-t-on dans les annexes de la Géorgie au sujet de

l’Abkhazie ?

a) Premièrement, la résolution de l’Assemblée générale du mois de mai dernier à laquelle

M.Crawford a accordé tant d’importance ⎯une résolution adoptée avec seulement quatorze

voix pour, onze voix contre et cent cinq abstentions (annexe 8) ;

b) Deuxièmement, un communiqué de presse du 27 août indiquant que les équipes d’aide

humanitaire européennes n’ont pas accès aux régions géorgiennes rebelles d’Ossétie du Sud et

d’Abkhazie ;

c) Troisièmement — et ce sont là les derniers éléments —, deux déclarations signées. La première

contient des allégations selon lesquelles les Géorgiens de souche seraient obligés d’accepter des

passeports russes (annexe30); la seconde éman e d’un habitant de Ganmukhuri qui formule

certaines allégations fondées sur des ouï-dires, tout en précisant cependant qu’il «n’a[] entendu

parler d’aucun meurtre ou de blessures infligées à des civils par les forces russes ou les

séparatistes abkhazes» et qu’ils «n’[ont] pas brûlé les maisons» (annexe 36).

34
Ibid. - 50 -

15. Cela ne suffit tout simplement pas à étab lir l’existence d’un risque sérieux. En ce qui

concerne l’Ossétie du Sud, la Cour peut d’emblée écarter les articles de presse figurant dans les

«observations», lesquels ne constituent pas, ainsi qu’il ressort du dictum bien connu de la Cour en

35
l’affaire du Nicaragua , des éléments de preuve permetta nt d’établir des faits et peuvent

difficilement être considérés comme répondant à une norme d’objectivité élevée, dès lors,

notamment, que la Russie, dans la partie14 du do cument 3 cité plus haut, a été en mesure de

présenter des articles équivalents et opposés, artic les souvent parus dans les mêmes journaux.

Ainsi, la Géorgie a présenté un article publié dans The Guardian et intitulé «L’intention cruelle de

la Russie» (annexe13), et la Russie un article du même journal intitulé «Une illustration de

36
l’expansionnisme américain, et non une agression russe» . Selon nous, rien de tout cela n’aidera

la Cour à y voir plus clair.

16. J’aimerais appeler l’attention de la C our sur deux documents qui figurent dans les

«observations».

17. Premièrement, le communiqué d’Amnesty International du 22août, qui figure en

annexe 6 et est reproduit sous l’onglet 6 du dossier de plaidoiries de la Géorgie. Il y est demandé à

toutes les parties au conflit de protéger les civils déplacés et les réfugiés qui ont fui pendant les

hostilités, ainsi que ceux qui sont demeurés dans les zones où ces hostilités se sont déroulées. Ce
57
document contient une partie intitulée «Les attaque s apparemment indiscriminées contre les civils

doivent donner lieu à des enquêt es», laquelle porte expressément sur les violations alléguées du

droit international humanitaire ⎯par toutes les parties ⎯, ainsi qu’une autre partie intitulée

«ciblage ethnique possible». J’invite la Cour à lire ce court passage dans lequel il est indiqué que

«[d]es groupes armés irréguliers, qui auraient été constitués dans la région d’Ossétie du Sud et aux

alentours, se sont livrés à des violations des droits humains», et dans lequel il est rappelé

qu’Amnesty a invité toutes les parties au conflit «à assurer la protection des civils susceptibles

d’être victimes de représailles interethniques» ains i qu’«à ouvrir des enquêtes rapides, complètes,

35
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre ce(Nicaragua c.Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14, par. 62-63.
36Contribution of the Russian Federation to the Heari ngs on Provisional Measures, document 3 (Collection of
relevant Facts and Documents), p. 63-64. - 51 -

impartiales et indépendantes concernant les alléga tions de violations sur la base de l’identité

ethnique et à traduire les auteurs devant la justice».

18. Cela ne démontre nullement que les droits de la Géorgie en vertu des articles 2 et 5 de la

CIEDR sont exposés à un risque sérieux du fait d es actes de la Russie. De plus, ainsi qu’il est

indiqué dans le communiqué de Human Rights Watc h, qui figure en annexe5 des «observations»

de la Géorgie, la Russie considère que des mesur es décisives et sévères doivent être prises contre

les pilleurs, les troupes russes pr ésentes sur le terrain s’efforçant d’interdire l’accès à certaines

zones aux milices ossètes pour mettre un terme aux pillages, ainsi que cela a été indiqué dans

d’autres communiqués de Human Rights Watch 37.

19. Le second document est l’annexe19 des «ob servations» de la Géorgie. Il s’agit d’un

article publié sur le site Internet de la BBC le 25 août dernier, dans lequel sont rapportés les propos

d’un porte-parole de la Croix-Rouge présent dans la capitale d’Ossétie du Sud, Tskhinvali. Je cite :

«les autorités détenaient 89civils géorgiens sous bonne garde, ces derniers risquant de se faire

lyncher après la première attaque géorgienne de la ville au début du mois» (annexe 19). Dans son

souci d’attribuer tous les actes à la Russie, la Géorgie a totalement perdu de vue le fait que son

attaque de Tskhinvali avait bien évidemment susci té l’indignation générale, ce qui, sur un plan

pratique, signifie que les personnes déplacées ne peuvent toutes y retourner dans l’immédiat. Cette

indignation générale est un fait constaté sur le terrain ; elle ne démontre pas qu’un quelconque droit

de la Géorgie opposable à la Russie en vertu des articles 2 ou 5 de la CIEDR est exposé à un risque

sérieux.

20. En ce qui concerne le principe du retour, la position de la Russie est sans ambiguïté. Le

15août, dans le cadre de discussions avec le Haut Commissaire des Nations-Unies pour les

58 réfugiés, le ministre russe des affaires étrangè res a indiqué qu’il souscrivait au principe du

caractère non discriminatoire du droit au retour de tous les civils forcés à fuir 38.

37
Ibid., p. 75.
38Contribution of the Russian Federation to the Hearngs on Provisional Measures , document2 (Timeline of
events), p. 14. - 52 -

21. Permettez-moi juste de m’arrêter sur l’onglet 21 du dossier de plaidoiries de la Géorgie,

c’est-à-dire sur les commentaires formulés le 15août par le président de l’Ossétie du Sud,

M. Kokoïty, auxquels il a été accordé une grande attention ce matin.

22. Premièrement, s’agissant de l’allégation selon laquelle «[n]ous avons tout mis à plat», il

convient de faire une lecture un peu plus complè te de ce document. L’interview se poursuivait

ainsi :
«[Question] : On a prétendu que des cas de pillages avaient été signalés dans les

villages géorgiens.

[M.Kokoïty]: Oui, il y a eu des cas de pillages, mais c’est l’une des
conséquences de tout conflit armé, de toute agression. Nous cherchons sérieusement à

éradiquer de tels actes.

«[Question] : D’après ce que j’ai compris, ces villages ont déjà été nettoyés.

[M.Kokoïty]: Oui, j’entends par là que les populations civiles avaient été
évacuées avant. Plus personne ne restait mises à part les troupes géorgiennes. Quant
aux civils qui ont préféré rester, contrair ement à l’armée géorgienne, nous leur avons
ouvert un corridor pour les laisser partir. Mais je vous assure qu’il ne restait

pratiquement personne dans ces enclaves. Ils avaient évacué tout le monde bien à
l’avance. Les Géorgiens étaient sérieusemen t préparés à l’agression. Ils ont évacué
les personnes et le gouvernement dit «d’alte rnance» (administration temporaire pro-
géorgienne d’Ossétie du Sud, menée par D. Sanakoev…»

Voilà donc une version plus complète des propos de M. Kokoïty sur ce sujet particulier.

23. Deuxièmement, la déclara tion de M.Kokoïty, dans la même interview, selon laquelle

«[n]ous n’avons pas l’intention de laisser rentre r qui que ce soit». La Russie a bien connaissance

de cette déclaration. Le ministre russe des af faires étrangères a aussitô t qualifié ces propos de

M.Kokoïty de «déclaration faite sous le coup de l’émotion, consécutive à la situation qu’a

engendrée l’agression armée massive de l’Ossétie du Sud menée par les dirigeants géorgiens». Le

ministre ⎯ le ministre russe ⎯ a ajouté :

«Il existe des règles de droit interna tional généralement reconnues en vertu
desquelles les personnes ont le droit de retourner sur leurs lieux de résidence
habituelle, lorsque les circonstances qui les ont conduites à les quitter n’existent plus.

Cela est notamment confirmé par l’article premier de la conven tion de 1951 relative
au statut des réfugiés.»

24. Nous faisons également observer que, le 22août, M.Kokoïty a rencontré le Haut

Commissaire des NationsUnies pour les réfugiés et déclaré qu’il n’y aurait pas de discrimination

fondée sur les origines ethniques dans la politique de retour volontaire des refugiés et des autres - 53 -

personnes déplacées. Le Haut Commissaire a indiqué qu’il était «rassuré par [l’]engagement [de

M. Kokoïty] d’empêcher de nouveaux déplacements par le biais des garanties de sécurité pour tous
59
les membres de la population, indépendamment de leur appartenance ethnique» 39.

Il n’y a pas d’urgence

25. Madame le président, Messieurs de la Cour, j’en viens à présent la question de l’urgence.

Ainsi que la Cour l’a récemment rappelé au pa ragraphe 66 de l’ordonna nce qu’elle a rendue le

16juillet2008 en l’affaire Avena, il convient de déterminer «s’il y a urgence, c’est-à-dire s’il est

probable qu’une action préjudiciable aux droits de l’ une ou de l’autre Partie sera commise avant

qu’un tel arrêt définitif ne soit rendu». Par ailleurs, selon Shabtai Rosenne, «en tant que concept

implicite pour l’indication des mesures conservato ires, l’urgence doit être interprétée de façon
40
stricte et en rapport direct avec les droits demandés» .

26. Trois premiers points méritent d’être soulevés.

27. Premièrement, la thèse de l’urgence ne peut être invoquée qu’au regard des faits

survenus après le 7août2008. Avant cette date, bien évidemment, le degré d’urgence requis

n’était pas atteint, la Géorgie n’ayant même jamais fait grief à la Russie d’avoir commis des

violations de la CERD. Nul ne semble contester ce point aujourd’hui.

28. Deuxièmement, il s’ensuit que s’il y a urge nce, c’est à partir des événements survenus

après le 7août qu’il conviendra de le déterminer, c’est-à-dire à partir des actions armées et des

répercussions qu’elles ont eues de puis cette date. Cette conclusion rejoint ce que vient de dire

M.Pellet: le cas de l’espèce, et plus précisément la demande qui nous intéresse, porte

véritablement sur les actions armées récentes de la Géorgie et de la Russie.

29. Troisième point, si la Cour se penche sur la période pertinente sous l’angle de l’urgence,

à savoir le mois dernier, elle ne pourra que cons tater que des faits majeur s sont survenus pendant

cette période, ce qui contredit la thèse de l’urgence. Ce qui intéresse la Cour, c’est la situation qui

prévaut actuellement et non celle qui prévalait quand la Géorgie a introduit sa requête le 12août.

Certes, les activités militaires étaient alors en cour s, mais c’est aussi à cette même date que la

39
http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/print?tbl=NEWS&id=48b0665c4.
40
Rosenne, Provisional Measures in International Law, p. 139. - 54 -

Russie a annoncé un cessez-le-feu. Les actions arm ées ne se poursuivent plus actuellement, et il

convient de noter en particulier que, du 13 au 16 août , les Parties ont signé les six principes pour le

règlement pacifique du conflit, dont la Cour a déjà beaucoup entendu parler. Depuis lors, et tout le

monde semble s’accorder à ce sujet, les actions armées ont cessé et de nombreuses personnes

60
déplacées ont en fait déjà regagné Gori et les villages voisins. A ce propos, et cette information est

un autre élément qui n’a pas été mentionné ce matin, la Géorgie a publié le 26août une liste de

localités (dont Gori) où les déplacés pouvaient retourner en toute sécurité et a activement

encouragé le retour vers celles-ci 41.

30. Pour ce qui est de l’état actuel de la sécurité, sur lequel l’accent a été mis ce matin, le

19 août, le conseil permanent de l’OSCE, qui s’employait à contribuer à la mise en Œuvre complète

des six principes, a décidé d’augmenter, pour une période minimum de six mois, de cent le nombre

d’observateurs militaires au sein de la mission de l’ OSCE en Géorgie. La Russie a approuvé cette

décision, qui a été adoptée avec sa participation active.

31. La Géorgie a cité ce matin les observations de Rachel Denber de Human Rights Watch

(voir l’onglet8 du dossier de la Géorgie), qui a déclaré le 27août que la Russie était tenue de

garantir la sécurité et ajouté: «mais il est clair que les civils ne sont pas protégés. C’est la raison

pour laquelle l’Union européenne devrait c onsentir d’urgence à l’envoi d’une présence

internationale pour garantir la sécurité». C’est dans ce contexte que, le 4septembre, la Russie a

proposé que le conseil permanent de l’OSCE lance une opération de police dans la zone de sécurité

adjacente à l’Ossétie du Sud et que «les Etats membres de l’OSCE, en particulier l’Union

européenne, apportent les ressources humaines, matéri elles et financières nécessaires». Si l’Union

européenne doit apporter son assistance, ce n’est certainement pas la Russie qui l’en empêchera.

32. Autre fait révélateur: la Géorgie rec onnaît qu’elle doit fonder son argumentation sur

l’urgence et l’imminence. Or, le dernier document qui figure dans le dossier des plaidoiries qu’elle

a préparé pour les juges date du 29août, et à l’ heure de l’internet, à laquelle nous devons tous

malheureusement nous adapter, l’absence de documents plus récents en dit long. Nous ne pouvons

41
Contribution of the Russian Federation to the Heari ngs on Provisional Measures, document 3 (Collection of
relevant Facts and Documents), p. 77. - 55 -

évidemment rien dire au sujet des cartes produites par la Géorgie que M. Arvashan a présentées à la

Cour ce matin, étant donné que nous ignorons comment ces cartes ont été assemblées.

33. Dans sa demande, la Géorgie affirme que la Russie continue de pratiquer la

discrimination à l’égard des personnes de souche géorgienne en Abkhazie, en Ossétie du Sud et

dans les régions avoisinantes en faisant obstructio n au droit à la sûreté et au retour de ces

personnes. La Géorgie ajoute que la Russie sou tient activement des groupes ou des individus qui

42
continuent de perpétrer des actes de violence contre les Géorgiens de souche .

34. Or, les communiqués des ONG reproduits dans les observations de la Géorgie et figurant

maintenant dans le dossier des juges, qui font référence à des milices en maraude et à des milices et

criminels armés ossètes, n’étayent pas l’argument selon lequel la Russie continue de pratiquer la
61
discrimination raciale ou soutient activement les act es de violence commis en Ossétie du Sud et en

Abkhazie, où cela est d’autant moins le cas, évidemment. La thèse relative à l’urgence en

Abkhazie est le résultat d’une déduction, ce qui ne constitue pas une base solide pour l’indication

de mesures conservatoires.

35. Par ailleurs, et nous n’avons rien entendu à ce sujet ce matin, la Géorgie fait déjà l’objet

d’une protection juridique sous la forme de mesu res provisoires indiquées par la Cour européenne

des droits de l’homme. A la suite d’une requête introduite par la Géorgie le 11 août, alors que les

actions armées se poursuivaient, la Cour européenne a ordonné les mesures provisoires suivantes :

«Considérant que la situation actuelle emporte un risque réel et continu de
violations graves de la Convention. Afin de prévenir pareilles violations, le président,

appliquant l’article 39 du règlement de la Cour, appelle les deux Hautes Parties
contractantes concernées à honorer les engage ments souscrits par elles au titre de la
Convention, en particulier relativement aux articles 2 et 3 de la Convention.»

36. Je souhaite soulever cinq points à ce sujet.

37. Le premier, et le plus évident, concerne le fait que l’ordonnance de la Cour européenne

vise à la fois la Russie et la Géorgie. Cela doit expliquer pourquoi on en a si peu entendu parler.

38. Deuxièmement, les Parties, y compris la Russie, sont invitées à honorer les engagements

souscrits par elles au titre de la convention euro péenne des droits de l’homme. Cela s’applique

évidemment à l’article14 de ladite convention, qui prévoit que la jouissance des droits et libertés

42
Demande, par. 22. - 56 -

reconnus dans la convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur la

race, bien entendu. Accessoirement, j’ajouterai que la Géorgie n’a pas cité l’article14 dans la

requête qu’elle a introduite devant la Cour européenne, ce qui montre une fois de plus que le

véritable différend qui oppose la Géorgie à la Russie n’est pas fondé sur des questions de

discrimination raciale.

39. Troisièmement, l’ordonnance de la Cour européenne renvoie particulièrement aux

articles2 et 3 de la convention, qui concernent respectivement la protection du droit à la vie,

l’interdiction de la torture et de toute peine ou de tout traitement inhumain ou dégradant. Bien

évidemment, ces dispositions, l’article 3 notamment, ont été interprétées au sens large et il est bien

établi que, lorsqu’elles atteignent le degré de gravité requis, les pratiques discriminatoires

constituent des actes de mauvais traitement au sens de l’article 3 43.

62 40. Quatrièmement, les mesures provisoires indiquées par la Cour européenne des droits de

l’homme ont force contraignante comme il a été ét abli dans l’arrêt de gr ande chambre rendu dans

44
l’affaire Mamatkulov et Askarov c. Turquie .

41. Cinquièmement, en réponse à la demande d’ informations formulée par le président sur

les mesures prises pour se conformer à la convention, la Russie a produit des réponses qu’elle a

adressées le 22 août et le 5 septembre à la Cour européenne des droits de l’homme, dans lesquelles

elle confirme notamment qu’elle a toujours agi «e n étant résolument consciente des engagements

souscrits par elle au titre de la Convention» et rappelle qu’elle est «fermement déterminée» à

honorer ces engagements. Dans sa réponse du 22août, la Russie affirme également que ses

représentants «ont strictement respecté les dis positions pertinentes du dr oit international, à

commencer par la convention de la Haye concernant les droits et coutumes de la guerre sur terre et

les conventions de Genève pour la protection des victimes de la guerre et le premier protocole

additionnel à cette convention». Bien entendu, ces instruments, notamment l’article85,

paragraphe 4 du premier protocole additionnel, interdisent la discrimination raciale.

43
Asiatiques d’Afrique de l’Est c. Royaume-Uni, rapport de la commission, 14 décembre 1973, pao. 207. Chypre
c. Turquie, arrêt du 10 mai 2001, (2002) 35 EHRR ,731. Voir aussi , Salah Sheekh. c.les Pays-Bas , requête n 1948/04,
par. 148.
44Mamatkulov et Askarov c. Turquie , arrêt de grande chambre du 4 février 2005 (2005) 41EHRR 494. - 57 -

42. En bref, l’existence de l’ordonnance du 12août est un autre facteur qui montre de

manière convaincante que le degré d’urgence requis n’est pas atteint en l’espèce. Cette ordonnance

couvre la même conduite que la Géorgie demande à présent à la Cour d’examiner en l’espèce, et

elle est juridiquement contraignante.

43. Madame le président, j’en viens ma intenant brièvement à la question du pouvoir

discrétionnaire de la Cour de décider d’indiquer ou non des mesures conserva toires, même si elle

estime que les critères énoncés à l’article41 sont remplis. Dans le cas de l’espèce, un élément

essentiel est à prendre en compte pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire: les événements

d’août 2008 ont été déclenchés à la suite de l’emploi de la force par la Géorgie en Ossétie du Sud.

Il est indéniable que la Géorgie a employé la force avant la Russie, ces actes ayant provoqué des

pertes en vies humaines, qui sont évidemment irréparables, et la destruction de biens. Pour citer un

bulletin de Human Rights Watch joint en a nnexe 4 des observations de la Géorgie ⎯ aussi curieux

que cela puisse paraître, ce bulletin, qui n’est pas un document, s’est retrouvé dans le dossier de la

Géorgie ce matin ⎯je cite, donc, «Human Rights Watch con tinue à recenser les cas d’utilisation

de la force sans discernement imputables aux forces géorgiennes lors de leur assaut des 7 et 8 août

contre Tskhinvali et les villages voisins, qui ont causé de nombreuses pertes civiles et des

destructions considérables». L’impact considérab le et inévitable de cette utilisation systématique

de la force dans ce conflit interethnique de vieille date est très nettement reflété dans les

commentaires du porte-parole de la Croix-Rouge, que j’ai cité plus tôt.

63 44. Ces facteurs devraient être décisifs au regard de la dé termination du pouvoir

discrétionnaire. Je souligne encore néanmoins que la Russie est fermement convaincue que les

critères énoncés à l’article41 ne sont pas remplis en l’espèce: les circonstances ne justifient pas

l’indication de mesures conservatoires.

45. Madame le président, messieurs de la C our, voila qui conclut mes remarques et par la

même occasion les plaidoiries de la Russie pour aujourd’hui. Je vous remercie de votre patience. - 58 -

LE PRESIDENT: Je vous remercie, M.Wordsworth. Voilà qui met un terme au premier

tour des observations orales de la Fédération de Russie. La Cour se réunira de nouveau à 16 h 30

demain afin d’entendre le deuxième tour des obser vations orales de la Géorgie. L’audience est

levée.

L’audience est levée à 17 h 50.

___________

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