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135-20091001-ORA-01-01-BI
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CR 2009/22 (traduction)

CR 2009/22 (translation)

er
Jeudi 1 octobre 2009 à 15 heures

Thursday 1 October 2009 at 3 p.m. - 2 -

12 Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est

ouverte. La Cour se réunit aujourd’hui pour entendre le second tour de plaidoiries de la

République orientale de l’Uruguay. Je donne à présent la parole à M. Martin. Vous avez la parole,

Monsieur.

M. MARTIN :

R ÉPONSE AUX ARGUMENTS DE L ’A RGENTINE EN CE QUI CONCERNE L ’ARTICLE 7

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est, une nouvelle fois, un privilège de

plaider devant vous au nom de l’Uruguay. La semaine dernière, vous avez demandé aux Parties de

ne pas se répéter et de rester aussi succinctes que possible dans leurs exposés ; l’Uruguay en a pris

bonne note. Nous ferons tout pour respecter vos directives.

2. Il m’incombe cet après-midi de répondre aux arguments que l’Argentine a présentés au

second tour en ce qui concerne la décision prise d’ un commun accord entre les Parties de ne pas

soumettre les projets ENCE et Botnia à l’examen sommaire de la CARU prévu à l’article7 et de

passer directement aux consultations et négocia tions envisagées aux articles suivants. Comme

vous allez l’entendre, rien de ce que l’Ar gentine a déclaré lundi (CR2009/20) ou mardi

(CR 2009/21) n’affaiblit en aucune manière les arguments que nous vous avons exposés la semaine

dernière.

3. Avant d’aborder le thème principal de mon exposé, il me faut cependant éclaircir un point

sur lequel la confusion persiste. Tout au long de cette procédure, tous les conseils de l’Argentine

ou presque ont qualifié, à maintes reprises, de «permis de construire» les autorisations

environnementales préalables que l’Uruguay a délivrées à la société ENCE en 2003 et à la société

Botnia en 2005. Leur intention était claire : in sinuer que l’Uruguay avait déjà pris sa décision sur

ce que l’Argentine ne se lasse pas d’appeler un «fait accompli», simplement en délivrant les

autorisations préalables.

4. Le problème, Monsieur le président, c’est que les conseils de l’Argentine se trompent.

Individuellement et collectivement, ils se mépre nnent gravement sur la signification, en droit

uruguayen, d’une autorisation environnementale préalable ou «AAP». Ainsi que l’Uruguay l’a - 3 -

1
longuement exposé dans ses pièces de procédure , une AAP, comme son nom l’indique, n’est

qu’une autorisation préalable, qui signifie simplement que, sur la base de l’examen mené jusque-là,
13
2
le gouvernement considère initialement le projet proposé comme écologiquement viable . L’AAP

remplit deux fonctions administratives. Premièrement, elle définit les exigences environnementales

auxquelles un projet doit satisfaire. Deuxièmem ent, elle indique quelles autres études et

autorisations environnementales seront requises pour apprécier s’il est satisfait à ces exigences 3.

Elle ne constitue absolument pas, en soi, un permis de construire.

5. La délivrance d’une autorisation environne mentale préalable n’est donc pas l’ultime étape

de la procédure d’autorisation, co mme l’Argentine aimerait le faire croire à la Cour, mais bien le

commencement. Après la délivrance de l’AAP s’engage un processus interactif entre l’Uruguay et

la société concernée, pendant lequel l’Uruguay co nserve le droit —un droit dont il fait usage ⎯

d’exiger des modifications dans les projets, avant même que la construction, à plus forte raison la

mise en service, puisse avoir lieu 4. Certes, l’autorisation environnementale préalable est une étape

nécessaire de la procédure d’autorisation. Mais en aucune manière elle n’est, en soi, suffisante

pour que les travaux de construction commencent.

6. Le projet Botnia le prouve. Après la délivrance de l’autorisation environnementale

préalable par l’Uruguay en février2005, le pr ojet a dû encore obtenir pas moins de huit

autorisations supplémentaires avant que la mise en service de l’usine soit fi nalement autorisée en

novembre 2007. [Planche 1 à l’écran.] Ces autorisations comprenaient :

⎯ l’approbation du défrichage et des travaux de terrassement (12 avril 2005) ;

⎯ l’approbation des travaux de construction d’une usine de cellulose (18 janvier 2006) ;

⎯ l’approbation de la construction de la station de traitement des eaux usées (10 mai 2006) ;

⎯ l’approbation de la construction d’un site d’enfouissement de s déchets industriels solides

(9 avril 2007) et

⎯ l’autorisation de la mise en service (31 octobre 2007) 5.

1CMU, par. 1.15, 1.32, 3.10-3.12 ; DU, par. 1.18 et 2.47.

2CMU, par. 3.10.
3
DU, par. 2.47.
4CMU, par. 3.11 ; DU, par. 2.47.

5CMU, par. 4.92, note de bas de page 662 ; DU, par. 2.48. - 4 -

7. Comme la Cour peut le constater à la lectur e de cette liste, qui figure aussi sous l’onglet 1

du dossier d’audience, la construction proprement dite de l’usine de cellulose n’a commencé que

6
près d’une année après la délivrance de l’autorisation environnementale préalable .

8. Deux autres exemples suffiront pour illu strer le caractère purement préliminaire et

contingent d’une autorisation envi ronnementale préalable. [Fin de la projection.] Le premier

14 exemple est le projet concernant l’usine de cellulose Traspapel, examiné par l’Uruguay au milieu

des années1990, qu’il était prévu de réaliser sur le site même où se trouve aujourd’hui l’usine

Botnia. L’autorisation environnementale préal able pour Traspapel a été délivrée en août1995 7.

Pourtant, le projet a par la suite été abandonné et l’usine n’a jamais été construite. Je dois aussi

faire observer que, lorsque, par la suite, la CARU a appris que l’Uruguay avait délivré

l’autorisation environnementale préalable pour Traspapel sans l’en informer en vertu de l’article 7,

personne à la CARU, pas même parmi les délégués de l’Argentine, n’a émis d’objection ou adopté

le point de vue qui est celui de l’Etat demandeur en la présente espèce selon lequel la notification à

8
la CARU doit précéder toute autorisation, aussi préliminaire soit-elle . Ce fait, à lui seul, devrait

amener la Cour à s’interroger sérieusement sur la va lidité de l’argument que l’Argentine soutient à

cet égard.

9. Le caractère contingent de l’autorisation environnementale préalable est aussi démontré

dans le cas du projet ENCE. La Cour sait bi en à présent que l’autorisation environnementale

préalable pour le projet ENCE a été délivrée en oc tobre2003. Ce projet a atteint un stade plus

avancé que le projet Traspapel, et un permis autorisant des travaux de nivellement a été délivré le

28novembre2005, soit plus de deux ans plus tard 9. Et pourtant, le projet ENCE a été lui aussi

abandonné par la suite et l’usine n’a jamais été construite.

10. La conclusion est évidente: la simple délivrance des autorisations environnementales

préalables pour Botnia et ENCE ne signifiait pas que la construction ⎯ et encore moins la mise en

service ⎯ était inéluctable.

6 CMU, par. 3.117.
7
CMU, par. 2.61.
8
CMU, par. 2.63.
9 CMU, par. 3.115 ; DU, par. 3.48 ; CMU, vol. II, annexe 25. - 5 -

11. Je reviens à présent sur les accords interv enus entre les Parties pour se dispenser de

l’examen sommaire de la CARU prévu à l’article7 et passer immédiatement à des pourparlers

directs. Je commencerai par relever quelques poi nts de concordance dont nous nous félicitons.

D’abord, dans les exposés qu’ils ont présentés au début de la semaine, MM.Pellet et Kohen ont

finalement reconnu que rien — et c’est exactemen t ce que l’Uruguay a toujours dit — n’empêche

les Parties de s’entendre pour écarter une phase de la procédure prévue par le statut en faveur d’une

10
autre . Ensuite, même si les conseils n’ont pas dir ectement reconnu les faits, ils n’ont pas nié que

l’Uruguay ait fourni à l’Argentine une masse d’in formations et qu’il l’ait consultée au sujet des

deux usines, ENCE et Botnia, ce qui doit être interprété comme une reconnaissance.

15 12. Il reste cependant deux points fondamen taux de divergence entre nous. Premièrement,

celui de savoir si les Parties sont effectivement convenues de se dispenser de la notification prévue

à l’article 7. Deuxièmement, celui de savoir si l’Argentine a donné son accord à la construction des

usines. Je vais examiner ces deux points successivement.

13. En ce qui concerne la décision commune des Parties de se dispenser de la procédure de

notification à la CARU prévue à l’article7, l es conseils de l’Argentin e maintiennent obstinément

leur thèse selon laquelle les Parties n’ont jamais rien décidé de tel. Bien au contraire, disent-ils, en

mars2004, elles sont simplement convenues de re nvoyer le dossier ENCE à la CARU pour que

celle-ci puisse procéder à l’examen sommaire prévu à l’article7. La ténacité des conseils est

admirable mais, avec tout le respect dû à nos contradicteurs, leurs arguments ne pas plus sensés

aujourd’hui qu’ils ne l’étaient la semaine de rnière. Comme nous l’avons démontré, il serait

absurde que les Parties, alors qu’elles négocient au plus haut niveau, dépensent autant de temps et

d’énergie juste pour convenir de renvoyer la ques tion devant la CARU afin que celle-ci procède à

un examen purement préliminaire ayant pour unique objet de déterminer si des contacts à un niveau

supérieur étaient nécessaires. Peut-être entrons- nous ici dans les subtilités du droit international

procédural, mais rien ne nous oblige à renoncer au bon sens.

14. Outre les problèmes de logique inhérents à l’argumentation de l’Argentine, les faits

qu’elle avance sont manifestement inexacts. La semaine dernière, j’ai montré comment la

10
CR 2009/14, p. 13, par. 4 (Kohen) ; CR 2009/20, p. 23, par. 22 (Pellet). - 6 -

paralysie de la CARU avait conduit le ministèr e uruguayen des affaires étrangères à envoyer près

de 1700 pages de documentation sur l’usine Botnia — 1683 pages pour être précis — directement à

11
son homologue argentin en octobre-novembre2003 . Il ressort des éléments de preuve produits

par l’Argentine elle-même que cette intervention directe des deux ministères des affaires étrangères

a en fait eu lieu à la demande de l’ Argentine, précisément parce que la CARU était paralysée.

[Planche 2 à l’écran.] Pour reprendre les termes d’un rapport de 2005 adressé au Sénat argentin par

le directeur de cabinet du conseil des ministres, que vous trouverez sous l’onglet2 de votre

dossier :

«Compte tenu de la gravité de la situati on, et n’ayant pu parvenir, dans le cadre
de la CARU, au consensus nécessaire pour régler la question, la CARU a suspendu ses

sessions et l’examen de la question a été confié aux deux ministères des affaires
étrangères…

Dans ces conditions et en raison de l’impasse dans laquelle se trouvait la
CARU, le ministère argentin des affaires étrangères a demandé à l’Uruguay de lui
communiquer les informations techniques pertinentes. En novembre 2003, en réponse

à la demande du ministère argentin , le ministère uruguayen des affaires étrangères a
transmis à l’ambassade d’Argentine à Montev ideo la documentation relative au projet
Celulosas de M’Bopicua que la société avait présentée à la direction nationale de

16 l’environnement (DINAMA) en même temps que sa demande d’autorisation
environnementale.» 12

15. La semaine dernière, je vous ai relaté ce qui s’était produit après que le ministère

argentin des affaires étrangères eut reçu les info rmations qu’il avait demandées. [Fin de la

projection.] En particulier, les conseillers tec hniques de l’Argentine auprès de la CARU les ont

analysées et ont rédigé un rapport dans lequel ils ont conclu sans ambiguïté «à l’absence d’impact

13
sensible sur l’environnement du côté argentin» .

16. Mardi, pour la première fois depuis le début de l’affaire, nous avons entendu l’Argentine

reconnaître enfin l’existence de ce rapport. Dans son exposé, M.Kohen en a minimisé

l’importance, le présentant co mme rien d’autre qu’un «premier commentaire» des consultants

14
argentins, agissant «à titre purement individuel» . Cette déclaration est surprenante, Monsieur le

11
CMU, par. 3.40.
12
RU, vol. II, annexe 14 (déclaration du ministère argentin des affaires étrangères au Sénat argentin, p. 616 ; les
italiques sont de nous).
13CMU, vol. III, annexe 46 (déclaration du ministère ar gentin des affaires internationales, du commerce
international et de la culture, figurant dans le rapport établi par Alberto Angel Fernandez, chef du conseil des ministres, à
o
la chambre des députés argentine, rapport n 64, p. 136 (mars 2005) ; les italiques sont de nous).
14CR 2009/21, p. 42-43, par. 20 (Kohen). - 7 -

président. Ce qu’elle trahit surtout, selon moi, c’est l’embarras que l’Argentine continue

d’éprouver à cet égard. — A titre purement individu el ? Le récapitulatif du rapport technique de

l’Argentine, déposé par l’Uruguay, émane d’une de s sources les plus officielles que l’on puisse

imaginer : en effet, c’est une déclaration officielle du ministère argentin des affaires étrangères, qui

figure dans un rapport de fin d’année à la Chambre des députés. ⎯Non, Monsieur le président,

cette conclusion exprime indéniablement la position officielle du Gouvernement argentin dans son

ensemble, et elle ne saurait être ainsi balayée d’un revers de main.

17. C’est dans ce contexte que les ministres des affaires étrangères se sont rencontrés le

2mars2004 et qu’ils sont convenus de la marche à suivre, comme cela a ensuite été consigné au

procès-verbal de la réunion de la CARU du 15 mai 2004. Ils sont convenus notamment que l’usine

ENCE serait construite et que la CARU concentrerait ses efforts sur la surveillance de la qualité des

eaux.

18. Dans son intervention de mardi, M.Kohe n m’a accusé de présenter les documents à la

15
Cour de façon sélective et incomplète . Il n’a pas tort, mais pour une tout autre raison que celle

qu’il a avancée. En vérité, l’Uruguay avait, et a toujours, l’embarras du choix. Les documents sur

17 lesquels il peut s’appuyer sont d’une extrême a bondance. Nous avons dû faire un choix en raison

des contraintes de temps.

19. Monsieur le président, ces contraintes de temps sont aujourd’hui encore plus grandes et il

m’est impossible de faire un sort à tous les éléments de preuve versés au dossier sur ce point, qui

sont pour la plupart tirés de sources officielles argentines. Vous trouverez, dans les notes de bas de

page de ma plaidoirie, les références aux nom breux documents cités dans les écritures de

16
l’Uruguay qui prouvent que nous avons présenté les faits avec exactitude . J’invite la Cour à

15
CR 2009/21, par. 5 (Kohen).
16 o
Procès-verbal de la CARU n 01/04 (15 mai 2004), p. 18-19, 33. CMU, vol . IV, annexe 99 ; Site internet de la
présidence de la République de l’Uruguay : «M’Bopicuá : mét hodologie de travail établie» (3 mars 2004). CMU, vol. II,
annexe 17 ; La Nación (Argentine), «l’Uruguay promet de tenir le gouvernement informé au sujet de la fabrique de
papier» (3mars2004). CMU, vol.IX, annexe183; déclarat ion du ministre argentin de s affaires étrangères, du
commerce international et de la culture, figuran t dans le rapport au sénat argentin, rapp65 (mars2005). CMU,
vol. III, annexe 47 ; déclaration du ministère argentin des affaires étrangères, du commerce international et de la culture à
la chambre des députés argentine, rapportn 64 (mars2005). CMU, vol.III, annexe 46; rapport annuel sur l’état de la
er
nation pour2004, ministère des affa ires étrangères, du commerce international et de la culture (1s 2005). CMU,
vIoIlI.,;meémorandum adressé par le er ministre conseiller Daniealstillos à
M. l’ambassadeur Alberto Volonté Berro (1 avril 2004). CMU, vol. II, annexe 18; proposition de procès-verbal
extraordinaire, version finale, par. VIII (28 avril 2004). CMU, vol. IX, annexe 200. - 8 -

examiner ces documents, non pas seulement sous la forme sous laquelle ils sont présentés dans nos

écritures, mais dans leur intégralité. L’Uruguay est convaincu que, ce faisant, elle constatera que

notre version des faits est la bonne.

20. Aux fins qui nous occupent aujourd’hui , permettez-moi de citer encore une source

supplémentaire. [Planche3 à l’écran.] Dans une déclaration du ministère argentin des affaires

étrangères à la chambre des députés, voici comment était décrit l’accord de 2004 :

«Ledit accord respecte d’une part le caractère national uruguayen du projet et
d’autre part, la réglementation en vigueur des eaux du fleuve Uruguay par
l’intermédiaire de la CARU.

De même, l’accord prévoit une méthode de travail pour les trois phases de la
construction de l’ouvrage : le projet, la construction et la mise en service.

Ainsi, des procédures de contrôle complètes ont été appliquées sur le
fleuve Uruguay, ce qui signifie qu’elles se poursuivr ont après la mise en service des
17
usines.»

Comme vous pouvez le voir, il n’y a absolument ri en de conditionnel dans l’affirmation que les

usines seront mises en service.

21. [Fin de la projection.] M. Kohen a affirmé en outre que le procès-verbal de la réunion de

la CARU du 15mai2004 qu’il a présenté à la Cour mardi montre que la commission s’attendait

18
toujours à effectuer un examen relatif à l’usineENCE en vertu de l’article7 . Il n’en est rien.

L’Uruguay invite la Cour à examiner attentivemen t les extraits du procès-verbal figurant dans le

18 dossier d’audience présenté par l’Argentine. La Cour constatera que ce s extraits contredisent

clairement l’argument de l’Argentine. Le texte four ni par l’Argentine souligne au contraire le fait

que la commission prévoyait que l’usine serait construite et mise en service. Certes, l’Uruguay

devait communiquer les plans de gestion environneme ntale (les «PGE») en vue de la construction

et de la mise en service de l’usineENCE à la CARU afin que celle-ci puisse présenter des

observations, mais ces dernières devaient être «écartées ou tranchées avec l’entreprise» selon que

19
l’Uruguay le jugerait bon . Tout à fait comme l’Uruguay l’a t oujours affirmé, la CARU s’est vu

confier un rôle technique consista nt à examiner l’information relative aux impacts de l’usine sur

17
CMU, vol.III, annexe46; (déclaration du ministère argentin des affaires étrangères, du commerce
international et de la culture à la chambre des députés, p. 136) ; les italiques sont de nous.
18
CR 2009/21, par. 9 (Kohen).
19DU, par. 3.48. - 9 -

l’environnement et à contrôler la qualité de l’eau. Mais rien ne pe rmet d’affirmer que le fait que

les usines seraient construites faisait l’objet du moindre doute.

22. M. Kohen a cherché à donner de l’importance au fait que l’Uruguay n’a pas communiqué

20
les informations pertinentes c oncernant l’usineENCE en2004 . La vérité est que l’Uruguay

n’aurait jamais pu transmettre les documents de mandés en2004, pour la simple raison qu’ils

n’existaient pas! Le seul PGE (relatif a ux travaux de terrassement) jamais établi pour

l’usineENCE est bien postérieur, puisqu’il est daté de novembre2005, évidemment bien

après2004 et après que les consultations menées dans le cadre du GTAN eurent pratiquement

abouti à une impasse.

23. En fin de compte, la preuve sans doute la plus convaincante du fait que les ministres des

affaires étrangères ne sont pas convenus de renvoyer la question à la CARU pour examen au titre

de l’article7 est la conduite ultérieure de la CARU. L’Arge ntine n’a rien cité ⎯ puisqu’il n’y a

rien à citer ⎯ dans les éléments du dossier qui donne à penser que la commission attendait une

notification au titre de l’article 7. Pour les raisons sur lesquelles je me suis déjà trop étendu, cette

idée même est absurde. Tout ce que la CARU a fa it a été de concevoir le programme conjoint de

surveillance appelé PROCEL, exactement comme les ministres des affaires étrangères en étaient

convenus.

24. Puisque j’ai mentionné de nouveau le programme PROCEL, permettez-moi d’ajouter une

chose. Dans son exposé du premie r tour de plaidoiries, le 16 septembre, M. Kohen vous a dit que

l’accord des Parties sur le programme PROCEL ne signifiait pas que l’Argentine avait accepté les

usines, puisque ce programme ne visait qu’à réuni r des données de référence dans l’éventualité où

les usines seraient construites, et non pas à procéder à une véritable surveillance en cours

d’exploitation21. Cet argument est également erroné, comme le texte final du programme PROCEL

19
adopté par la CARU le montre clairement. Je me contenterai d’en cite r une partie seulement,

encore que j’invite la Cour à en prendre connaissan ce dans sa totalité. On y lit à la toute première

page ce qui suit : «Le présent plan comprend un pr ocessus de surveillance continue permettant de

déterminer tous les trois ans les tendances afin d’évaluer l’impact à long terme des effluents en

20
CR 2009/21, par. 12 (Kohen).
21
CR 2009/14, par. 17 (Kohen). - 10 -

analysant les conclusions des relevés ainsi effectués.» 22 De toute évidence, la mise en service de

l’usine est prévue, reconnue et planifiée.

25. Ainsi que l’Uruguay l’a démontré la semain e dernière, l’autorisation de construction de

l’usine ENCE fut ensuite élargie à l’usine Botn ia. Mardi, l’Argentine a exprimé son désaccord

avec cet argument, bien qu’elle se soit contentée de deux observations. Premièrement, M. Kohen a

23
reproché à notre argument d’être «de nature grammaticale». Deuxièmement, l’Argentine n’aurait

pu, selon lui, donner son aval à l’usine Botnia en 2004, puisque l’autorisation préalable concernant

24
l’usine Botnia n’a été délivrée qu’enfévrier2005 . Ni l’un ni l’autre de ces arguments n’est

convaincant.

26. S’agissant de l’affirmation selon laque lle l’argument de l’Uruguay est de nature

grammaticale, M.Kohen, en avançant cela, fait pe u de cas des sources officielles de l’Argentine

elle-même, en laissant entendre que les textes ne signifient pas vraiment ce qu’ils disent. Comme

nous l’avons déjà démontré, des documents o fficiels émanant des plus hauts responsables

gouvernementaux argentins montrent de façon c oncluante que le diffé rend concernant les

deux usines ⎯ au pluriel ⎯ avait été réglé. [Planche 4 à l’écran.] Vous voyez maintenant à

l’écran le même document que je vous ai montré me rcredi dernier. Il est tiré d’un rapport présenté

à la fin de 2004 à la chambre des députés argentine. Monsieur le président, je n’ai pas l’intention

de m’attarder longuement sur ce document. Je voudrais simplement signaler que le pluriel du mot

«usines» n’est pas une faute de frappe ni une erre ur de scribe, comme l’Argentine voudrait vous le

faire croire. Comme vous le constatez, le mot «u sines» apparaît à plusieurs reprises. Aujourd’hui,

je souhaite appeler particulièreme nt votre attention sur la ment ion figurant au bas de l’écran

concernant «les deux usines». En espagnol, dans la version originale, «las dos plantas». A

l’évidence, les auteurs de ce document savaient exactement de quoi ils parlaient.

27. Ce n’est pas non plus le seul document offici el de haut niveau qui corrobore ce que nous

disons. [Fin de la projection.] Je vous ai montré auparavant le plan PROCEL adopté par la CARU,

22CMU, vol. IV, annexe 109.
23
CR 2009/21, p. 44-45, par. 25 (Kohen).
24Ibid., p. 45, par. 26 (Kohen). - 11 -

25
20 et donc approuvé par l’Argentine, qui parle des «usines» et des «installations», au pluriel . En

voici un autre. [Planche 5 à l’écran.] Ce passage est tiré de ce que l’Argentine elle-même appelle

26
«un examen détaillé de l’historique» du différend figurant dans un rapport présenté au Sénat

argentin :

«En novembre 2004, les conseillers t echniques ont achevé l’élaboration du

«plan de surveillance de la qualité environnementale du fleuve Uruguay dans les zones
entourant les usines de cellulose». Ce plan fut approuvé par voie d’accord entre les

deux délégations à la CARU au cours d’une séance plénière tenue 12 novembre 2004.
Les mesures prévues dans le plan de su rveillance sont concentrées dans les zones
d’influence potentielle des projets mentionnés et comprennent la mise en Œuvre de
27
mesures de surveillance par la CARU visant à protéger la qualité des eaux…»

28. L’Argentine se trompe également lors qu’elle avance qu’il lui aurait été impossible

d’approuver l’installation de l’us ine Botnia en2004 parce que l’autorisation préalable n’avait pas

encore été délivrée. [Fin de la projection.] Mardi, nos savants contradicteurs ont affirmé que

l’Uruguay laissait entendre que l’Argentine avait accepté la construction de Botnia «avant même de

recevoir toute l’information la concernant» 28. Il n’en est rien. En fait, les éléments de preuve non

contestés montrent que l’Argentine et la CARU étaient au courant du projet Botnia bien

avant 2005, dès l’époque où des représentants de la société avaient rencontré des fonctionnaires du

Gouvernement argentin à Buenos Aires pour discute r d’un investissement possible de Botnia en

Uruguay, soit en octobre2003. Selon un co mpte rendu contemporain de cette réunion, les

fonctionnaires argentins s’étaient montrés «ouverts et d’un grand secours» 29. A peu près à cette

époque, la Botnia a également publié un communiqué de presse dans lequel elle annonçait ses plans

30
en Uruguay .

29. Plusieurs mois plus tard, en avril 2004, les délégués argentins et uruguayens à la CARU

ont rencontré des représentants de la Botnia pour s’in former plus avant des plans de la société. Le

procès-verbal de la réunion établi par la CARU n’ est pas détaillé, mais la réunion y est qualifiée

25CMU, vol. IV, annexe 109.

26RA, par. 2.104.
27
DU, vol. II, annexe R14 (déclaration du ministre argentin des affaires étrangères au Sénat argentin, p. 618).
28
CR 2009/21, p. 45, par. 28 (Kohen).
29CMU, vol. II, annexe 16.

30CMU, vol. IX, annexe 199. - 12 -

31
d’«instructive» . Puis, en août 2004, la CARU a envoyé en Finlande une délégation officielle, qui

comprenait des membres du Gouvernement argen tin, pour mieux connaître la société et les

32
techniques qu’elle utilisait dans ses usines de cellulose .

21 30. En novembre2004, la CARU a adressé à la DINAMA une lettre dans laquelle elle

33
s’enquérait de l’avancement du projet de l’usine Botnia en Uruguay sur le plan administratif . En

décembre, la DINAMA, répondant à cette lettre, a transmis à la CARU la demande d’autorisation

34
préalable présentée par la société Botnia .

31. L’Argentine et la CARU étaient donc bien au courant et tenues régulièrement informées

du projet de Botnia depuis une époque bien antérieu re à la délivrance de l’autorisation préalable en

février2005. Il n’y a donc rien d’étonnant, et moins encore d’impossible, dans le fait que

l’Argentine et la CARU aient accepté le projet et l’aient intégré dans leurs plans bien avant la

délivrance de l’autorisation préalable.

32. Monsieur le président, j’en viens mainte nant à mon dernier point, concernant le GTAN,

dont M. Condorelli vous parlera plus amplement dans un instant. La Cour connaît bien maintenant

la lettre du 5mai2005 dans laquelle le ministre ar gentin des affaires étrangères, RafaelBielsa,

demandait que l’Uruguay accepte «une intervention plus directe» que celle que pouvait offrir la

CARU. Même à supposer que l’Argentine ait raison lorsqu’elle dit qu’il n’y avait pas eu d’accord

préalable au sujet de l’usine Botnia et que tout es les conditions étaient réunies pour que la question

soit examinée par la CARU au titre de l’article 7, nous affirmons que la lettre du ministre Bielsa est

une preuve irréfutable que les Parties étaien t mutuellement convenues de passer outre à cet

35
examen. Bien plus, tout comme à la fi n de 2003 dans le cas de l’usine ENCE , c’est l’Argentine

qui a demandé l’intervention plus directe d’autorités supérieures.

33. Parlant au nom de l’Argentine, M. Kohen a proposé une réponse en deux volets.

Premièrement, il a fait valoir que, dans cette mê me lettre, l’Argentine avait demandé que l’on

31 CMU, vol. IV, annexe 101.

32 Ibid., annexe 105.
33
CMU, par. 3.29.
34 Ibid.

35 Voir plus haut, par. 32. - 13 -

envisage de relocaliser l’usine, pour montrer que cette lettre prouve qu’il n’y avait pas eu d’accord

36
préalable sur l’usine Botnia . M. Condorelli reviendra dans un instant à cette question.

34. Deuxièmement, selon l’Argentine, le procès-verbal d’une réunion tenue par la

commission le lendemain même, le 6 mai2005, dém ontrerait que l’on ne peut tirer la conclusion,

pourtant évidente, qu’elle avait elle-même proposé de contourner la CARU. La Cour se rappellera

que, ce jour-là, le président de la délégation arge ntine auprès de la CARU avait protesté contre le

fait que l’Uruguay n’avait pas selon lui renvoyé le projet Botnia à la commission au titre de

37
l’article 7 . M. Kohen va même jusqu’à qualifier ces protestations de preuve «concluante» que les

22 Parties ne s’étaient pas mises d’accord pour contourner la CARU 38. Pourtant, cette mention isolée,

postérieure d’un jour seulement à la lettre du ministreBielsa, à un moment où la CARU n’était

presque certainement pas informée de cette lettre, et trois semaines avant que les ministres des

affaires étrangères ne se réunissent, le 31 mai, pour concrétiser l’accord tendant à créer le GTAN,

n’étaye pas la thèse de l’Argentine.

35. Ce qui est encore plus probant ⎯et même déterminant ⎯ c’est que, hormis cette

déclaration isolée, faite même avant la création du GTAN, l’Argentine ne cite aucun autre élément

de preuve qui donne à penser que la CARU s’attendait à jouer un rô le quelconque dans le

processus, outre le contrôle de la qualité de l’eau après la mise en service des usines, selon la

description exacte faite par le ministreBielsa dans sa lettre du 5mai2005. Ce n’est pas

uniquement un cas de défaut de preuve; l’Argentin e ne cite aucun élément de preuve parce qu’il

n’en existe pas. Les procès-verbaux de la CARU ne contiennent rien qui indique que la

commission, ou même la délégation argentine, s’a ttendait à ce qu’un examen de l’usine Botnia soit

mené en vertu de l’article 7 apr ès la création du GTAN. Les Parties avaient clairement décidé de

sauter cette étape et de passer directement aux consultations et aux négociations entre

gouvernements envisagées à l’article 12.

36. Monsieur le président, la question qu’a posée l’ambassadeur Gianelli à l’Argentine dans

son allocution d’ouverture la semaine dernière me revient à l’esprit. Il a posé la question suivante :

36CR 2009/21, par. 42 (Kohen).
37
Ibid., par. 32 (Kohen).
38Ibid., par. 40 (Kohen). - 14 -

«S’ils ne procédaient pas à des consultations, qu ’ont donc fait les représentants [de l’Argentine]

pendant sixmois, en2005 et en 2006, lorsqu’ils on t rencontré à douzereprises leurs homologues

uruguayens pour échanger des informations et pa rtager leurs vues sous les auspices du GTAN ?»39

Il est tout à fait frappant que nous n’ayons jamais vraiment entendu de réponse à cette question de

la part de l’Argentine au cours de toutes ces audi ences. La raison en est évidente. Elle aimerait

bien le nier, mais le fait est que l’Argentin e elle-même a reconnu à de nombreuses occasions que

ses fonctionnaires au sein du GTAN participaien t effectivement à des négociations et à des

40
consultations au titre de l’article 12 du statut

37. Monsieur le président, Messieurs de la C our, je vous remercie enco re une fois de votre

généreuse attention et je vous prie de bien vouloir appeler à la barre M. Condorelli.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Merci, M. Martin. I give the floor to

Professor Condorelli. You have the floor, Sir.

23 Mr. CONDORELLI:

GTAN, THE INTERNATIONAL C OURT OF JUSTICE
AND A RTICLE 12 OF THE STATUTE

1.INTRODUCTION

1. Mr. President, Members of the Court, my statement today will be short and for two

reasons. First, I plan to adhere very strictly the Court’s instructions and preferences, when it

asks us to use this second round of pleadings exclus ively to reply to the remarks and observations

by the opposing Party, without reopening issues and reiterating arguments on which the Parties

have already spoken at length. Second, as regards the subject on which I am to speak, although our

opponents delivered oral pleadings which ⎯ it is true ⎯ were most eloquent, extremely well made

and at first sight convincing, in reality the arguments they put forward are essentially but a

repetition of the same arguments Uruguay has alread y refuted: arguments which, while they are

39
CR 2009/16, par. 19 (Gianelli).
40Voir par exemple MA, par.2.72 ; requête introductive d’instanésentée par l’Argentine, par.4
(4 mai 2006). - 15 -

cloaked in new words, are nevertheless the same in substance. My task will therefore not take very

long.

2. As in the first round of oral pleadings, I am going to focus in my comments on Article 12

of the Statute and related matters. Let me just re mind you of the meaning of this provision: if an

agreement has not been reached between the Par ties in the procedures and stages of negotiation

envisaged in Articles 7 to 11 of the Statute, rega rding the implementation of a project by one Party

falling within the ambit of Article7 because liable to cause significant harm to the other Party, a

final period of 180days must be devoted to th e attempt to reach agreement between the Parties

through direct negotiations. Failing this, your Court may be seised to settle the dispute.

A. GTAN and Article 12 of the Statute of the River Uruguay

3. Logically, the first question which must be considered is still the following: was GTAN

the machinery for direct negotiation laid down by Article12 or not, namely, this period for

negotiation between the Parties which must proceed the seisin of the Court under this provision of

24 the Statute? Mr.President, the answer must still be in the affirmative: nothing asserted by our

opponents casts any doubt on this. The answer mu st be in the affirmative for everyone, but

particularly so for Argentina, for the simple re ason that it was that country that gave it most

officially, first to Uruguay, and then to the C ourt. Of course, I do not intend to revisit the

indisputable evidence of this, of which I reminded the Court on 24 September last, or to again cite

the diplomatic documents and reiterated remarks by the opposing Party, by which it claimed, but

did not accept, that GTAN ⎯ in the words of its Minister for Foreign Affairs ⎯ “was the instance

of direct negotiation between both countries in relation with the dispute over the construction

project for the two industrial cellulose plants” 41. I should just like to add, at this point, that the

accuracy of this statement is ultimately confirmed ⎯ albeit unwittingly perhaps ⎯ by

Professor Pellet’s comments last Monday, when, discussing GTAN precisely, he admitted that “this

was not a matter of referring the question to CARU, as our opponents would have us say, but rather

of attempting to reach a negotiated bilateral so lution to the dispute over compliance with the

41
Speech of 12 February 2006 by the Argentine Minister for Foreign Affairs, Jorge Taiana, to the Foreign Affairs
Committee of Congress, Application instituting proceedings, 4 May 2006, Ann. 3. - 16 -

Statute of the River Uruguay” 42. I could not put it better myself: ProfessorPellet is quite right.

GTAN was effectively the instrument through which it had been agreed between the Parties to try

and settle their dispute by direct negotiation, as envisaged by Article 12 of the Statute. Is there any

need to point out that GTAN was concerned only w ith the pulp mills, namely with exchanges of

information and follow-up on the effects of thei r operation on the river ecosystem and that it was

following the failure of the consultations held through GTAN and because of this failure that

Argentina decided to seise your Court and also th at it made a point of officially notifying Uruguay

of it?

4. An observation now on why GTAN was set up and why the Parties decided that

consultations concerning the plants should now be held by direct negotiation, and not through

CARU. I must confess that I was most surprised to hear my dear friend Professor Kohen make the

following remark:

25 “ProfessorCondorelli referred to a claimed ‘impasse in CARU’ at the time as
the reason why the GTAN was set up. Members of the Court, it was nothing of the
sort. He must have been mistaken and been thinking of the situation that existed from

November2003 to May2004. In the first half of 2005, CARU was functioning
normally.” 43

But, Mr.President, ProfessorKohen is barking up the wrong tree with this criticism. It was not

Uruguay, not me, not Argentina which defined GT AN as a “negotiating body established between

both Parties upon the Parties having failed to reach agreement within CARU” . Nor did Argentina

do so by words buried in one or other of the thousands of documents exchanged between the

Parties, but by the diplomatic Note by which it notified Uruguay of its decision to seise the Court,

namely the first document, the most important one , which it annexed to its Application instituting

proceedings. What more can one say on the lack of credibility of the allegations to which I have

just referred?

5. In their oral pleadings, our opponents did not see any point in explaining to the Court why

GTAN was created. But there is something else on which they displayed the same attitude, which I

would describe as one of embarrassed silence: as Mr . Martin has also just pointed out, they have

42
CR 2009/20, p. 16, para. 6 (Pellet).
43
CR 2009/21, p. 48, para. 37 (Kohen).
4Note No.149/2005 from the Secretary for Foreign Affairs of Argentina to the Ambassador of Uruguay in
Argentina of 14 December 2005, Application instituting proceedings, 4 May 2006, Ann. II. - 17 -

still not said a single word, not a word, on what GTAN did in its six months of operation, they have

not made any comment on the analysis by Uruguay in its written pleadings of the quantity and

quality of the information transmitted to Argentina a nd on the very complete list of the subjects on

45
which consultations in GTAN were held . The Court will certainly recall that Mr. Reichler and I

reverted to this again and again last week, providing a wealth of detail 46. May it please the Court to

find that the total absence of objections of any kind whatever from Argentina therefore implies

acknowledgement that GTAN effectively functio ned as a body for consultation and direct

negotiation between the Parties. Consultation which covered all the topics indicated in the

agreement between the Parties setting up GTAN, name ly, those relating to the environmental risks

26 liable to be caused by the “operation” of the plan ts, as the agreement concerned explicitly states. I

would point out that this agreement is recorded in the Press Release of 31May2005, which has

been shown to the Court a number of times in recent days by counsel of both Parties, in the original

language, Spanish, and in the English and French tr anslations as well. And I would also like to

point out to the Court, in passing, that Argentina has been careful not to contest the fact that this is

indisputably and in all its effects an internationa l agreement binding on the Parties, to which the

principle pacta sunt servanda fully applies: our opponents may well interpret it in their fashion,

but they do not dispute that it is essentially a binding treaty instrument.

6. As regards the topics discussed in GTAN, I must say a word on the subject of an

allegation which has been repeated I know not how many times by our opponents, who as I have

said, have no doubt agreed among themselves to gloss over what the consultations via GTAN

concerned. On the other hand, they have endlessly harped, one after another, on a subject which, in

their view, should have been the subject of the consultations, whereas Uruguay opposed it. Here is

the proof, they exclaim, of Uruguay’s unilateralism, of its desire to impose a fait accompli, contrary

to the required spirit of good faith which should pr evail in such a context. ProfessorKohen in

47
particular twice quoted a passage from an Uruguayan declaration in GTAN, in which the

representative of Uruguay said the following: “the reason the plant was located at a certain place is

4CMU, para. 3.100.
46
CR 2009/16, p. 44, para. 16 (Reichler); CR 2009/19, p. 20, para. 17 (Condorelli).
4CR 2009/13, p. 19, para. 25 (Kohen,); CR 2009/14, p. 20, para. 27 (Kohen). - 18 -

alien to the Group (GTAN) and is not one of its competences since, besides being a decision taken

prior to the present Government, the location of the plants is a fact” . 48

7. Is this really an indefensible co mment, a scandalous assertion, as our opponents

indignantly assert? Is it truly an expression of an unacceptable “unilateralist assertion of

sovereignty”, to use one of the highly colourfu l expressions with which my friend Professor Pellet

often likes deck out his comments 49? Far from it, Members of the Court! Uruguay is quite

correctly arguing that the question of the location of Botnia did not fall within GTAN’s ambit

27
because the two contracting parties so decide d in expressly laying down this limitation on

jurisdiction in the very text of the internationa l agreement they concluded. The Argentine claim

concerned was therefore effectively inadmissible according to the undertaking binding the two

States: in other words, if “the location of th e plants is a fact”, as Uruguay has emphasized, it is

because the Parties so decided by means of an agreement from which Argentina could not and still

cannot release itself unilaterally. Is there also an y need to recall that, by this accord, Uruguay and

Argentina agreed that, via GTAN, additional studi es and analyses needed to be conducted and an

exchange of information and follow-up was required on the effect which the operation of the plants

would have on the river ecosystem. The location of the plants was an accepted fact, also according

to the actual text of the agreement: the consultati ons were in future to focus on the environmental

risks which might be caused by their operation and on the steps to be taken to neutralize them.

50
8. My dear opponent, MarceloKohen, vigor ously protests against this interpretation . His

argument borrowed support from the fact that GTAN was created by both Presidents on

5May2005. For ProfessorKohen, it is inconcei vable for the agreement which created GTAN to

be interpreted as Uruguay maintains (and as I have just recalled), since the same day, the Argentine

Minister, Mr. Bielsa, asked his Uruguayan opposite number to consider relocation of the plants and

51
the very next day (“conclusive” , says Mr.Kohen), the Argentine delegate to CARU protested

against the breach of Article 7 of the Statute as a result of an authorization given to Botnia.

48MA, para. 2.65 and Ann., Vol. 4, Ann. 4.
49
CR 2009/20, p. 17, para. 9 (Pellet).
50CR 2009/21, pp. 48-49, paras. 37-41 (Kohen).

51CR 2009/21, p. 49, para. 41 (Kohen). - 19 -

9. But Professor Kohen forgets to consider two points, both very important ones. The first is

that the Note of 5May2005 from the Argentine Minister to his Uruguayan colleague expresses

nothing more or less than the proposal by Argen tina, its preference as regards the content of the

agreement to be concluded on the direct negotia tion between the Parties on the subject of the

plants ⎯ the future GTAN agreement that is. The second point is that it is true that the same day,

5 May, the two Presidents agreed on the principle of setting up GTAN. But this was, precisely, an

28 agreement of principle, which did not specify at all what the consultations via GTAN were to be

about. Intense diplomatic negotiations over almost a month and numerous exchanges of proposals

and counter-proposals were needed to finally a rrive at a text acceptable to and accepted by both

Parties. The Court has had many opportunities to read this text, whose content clearly does not

wholly correspond to the wishes expressed by the Ar gentine Minister one month before: it is the

text which is recorded in the press release of 31 May2005. By the agreem ent finally concluded,

the two Parties explicitly recognized that the plants “se están construyendo” ([were] being

constructed) in Uruguay and fully agreed that, via GTAN, consultations were needed on the

“consequences which the operation of the pulp m ills will have on the ecosystem of the River

52
Uruguay which they share” . On the consequences of the op eration, Mr.President, not on the

location of the plants.

10. But, ProfessorKohen explains, Uruguay ther efore admits that the construction work on

Botnia did indeed begin in May2005: let Uruguay be consistent then and not try “to tell us that

construction authorization for the . . . mill was not issued until January 2006” 5! Unfortunately, my

respected opponent is too easily carried away: Uruguay concealed nothing about the fact that,

before the authorization to construct the plant, which actually dates from January2006, it had

indeed authorized the carrying out in situ of various preparatory works, some of which, moreover,

were highly visible: it even ope nly indicated both a list of these pr eparatory works and the date of

54
each authorization related to them . However, all the works prior to January2006 leave the

possibilities of choosing the best techniques for avoi ding the environmental risks as far as possible

5MA, Vol. IV, Ann. 3 and CR 2009/19, pp. 17-18, paras. 12-13 (Condorelli).
53
CR 2009/21, p. 50, para. 42 (Kohen).
5CMU, p. 232, para. 3.116. - 20 -

completely open. Our opponents even resorted to facile irony on the subject of the preparatory

works concerned and their visibility, but did not s how why, in their view, their preparatory nature

should allegedly be excluded, such as the levelling of a plot or the erection of an administrative

building or the laying of foundations, these, in part icular, being works unlikely by their nature to

affect either navigation or the régime of the RiverUruguay or the quality of its waters in the

slightest.

29
B. The ICJ and Article 12 of the Statute

11. I now come, Mr. President, to the few remark s which need to be made on the role of the

Court in the present case and the role of Article12 in this connection. Here too, our opponents

have added nothing of note to the arguments they had already put forward. Nor ⎯ and this should

be emphasized ⎯ they have replied at all, in par ticular, to Uruguay’s arguments aimed at

demonstrating to the Court that Article 12, duly interpreted in the light of the object and purpose of

the Treaty and also of general international law, permits the interested Party to carry out the

planned work, when the direct negotiations have proved fruitless and pending the final decision of

the Court, which the other Party will have seized. It being understood, of course, that no one

disputes the full jurisdiction of the Court as regards deciding whether wrongful acts in breach of the

Statute have been committed and also determin ing, as and when appropriate, the remedies which

should be imposed on the State responsible. So I have no need to revert to this question, your

Court will be relieved to hear. I shall therefor e simply underline the conclusions presented to you

on this subject by Uruguay, in particular through my oral pleading of 28 September last.

12. However, I must also emphasize what now seems like true obstinacy by the opposing

Party, which stubbornly persists in denying the undeniable: namely, that it did indeed seize the

Court following the failure of the direct negotiati ons laid down in Article 12, and therefore on the

basis of this provision, to achieve any result. As I have already had occasion to point out,

Argentina very officially declared to both Uruguay and the Court that it was turning to your

distinguished Court on the basis of Article 12: the Court cannot now accept a change of course by

Argentina at the eleventh hour. It should also be added that, according to the Statute, there is no

place for seizing the Court allegedly on the sole ba sis of Article12, as Argentina would have us - 21 -

believe: in fact, Article12 refers, with a view to the settlement of the disputes in question, to

Article60, the only provision in the Statute in wh ich your Court is mentioned. In other words,

recourse to the Court must always necessarily be based on the application of the compromissory

clause in Article60, even for disputes arising af ter the procedure laid down by ChapterII of the

30 Statute. In short, Argentina could not have broug ht proceedings before the Court without referring

to Article 60, even if the current dispute between it and Uruguay was indisputably based, precisely,

on Article 12.

13. However, let me point out, if I may, that in the oral pleadings, a marked rapprochement

between the Parties has become apparent on this su bject, thanks to the fact that the Applicant has

moved several steps in the right direction. In fact, Uruguay has always contended, and continues to

do so, that the Court is called upon in the present case to determine whether or not the Botnia plant

may cause significant harm to Argentina by affecti ng the quality of the waters of the river, which

constitutes the final stage of the procedure laid down in ChapterII of the Statute; but the

Respondent has never disputed the Court’s jurisdictio n to verify that all the obligations laid down

by the Statute, including the procedural ones, have been complied with. As for the Applicant, we

have now seen it adopt ⎯ in particular via ProfessorPellet ⎯ a less unreasonable attitude.

Previously it contended that, as the Court had been seized by Argentina, not on the basis of

Article 12, but exclusively on the basis of Article 60, it followed that “the role which the Court is

required to play in this case is not to provide the final assessment under Article12 of the

55
Statute . . .”. Now the tenor of Argentina’s comments is much more nuanced: indeed, last

Tuesday, you heard Professor Pellet make a remarkable concession:

“[W]e do not claim that it is not for the Court, in the context of the present case,
to determine whether the Botnia plant ma y cause significant harm to Argentina or

affect the régime of the river or the quality of its waters ⎯ but we are firmly
convinced that the jurisdiction of the Court goes very far beyond such a
determination.” 56

The Court will doubtless have noted this signifi cant rapprochement, as well as its inevitable

implications: since it is now clearly accepted by the Applicant that it is for the Court in the present

case (I have italicized these words by Professor Pelle t) to decide whether the Botnia plant may or

55
RA, p. 142, para. 1.174.
56
CR 2009/21, p. 58, para. 14 (Pellet). - 22 -

may not cause significant harm to Argentina and the river, it must also inevitably accept that, if the

Court decides that the alleged harm no longer su bsists or is not serious, it can but recognize

Uruguay’s right to continue operating Botnia. Following this reasoning ⎯ which Argentina has

31 also now embraced ⎯ it is self-evidently quite senseless to envisage dismantling the plant even in

the absence of significant ecological harm.

14. Mr.President, I have still (this will be my last point) to make some comments to the

Court on the allegations by the opposing Party that the argument set forth to you by Uruguay would

allegedly prejudice the authority of your Court and remove the safeguards, to which Argentina is

57
entitled, of “an impartial evaluation by this Court of the possibility of building the plant” : I am,

of course, referring to the argument which I defended before this Court last week myself, according

to which a project may be carried out, once the ne gotiations have ended fruitlessly, even before the

Court has taken its final decision. Let me summarize my reply in just three points.

15. First point. It is obvious ⎯ it seems to me ⎯ that your Court’s authority would suffer no

prejudice if you accepted the point of view defended by Uruguay. It is the contrary which is true,

since Uruguay’s argument implies recognition of th e full jurisdiction of the Court to take any

decision it judges legally appropriate and equitabl e, including, as and when appropriate, a decision

ordering the cessation, modification or even dismantli ng of the plant, in the unlikely event that the

Court were to rule that Uruguay is responsible fo r wrongful acts of such gravity as to warrant such

radical measures.

16. Second point. It is indisputable that Argentina is entitled to an impartial evaluation of

the situation, and also has an undeniable right, wh ere appropriate, to obtain full restoration for the

breach in the event of wrongful acts of which it has been found to be the victim. Uruguay has

never disputed this: on the contrary, it recognizes th at it has an absolute obligation to comply with

the decision which the Court will adopt and, moreover, has solemnly repeated in this very Court its

undertaking to scrupulously comply with it. Th is being so, is there any purpose in claiming ⎯ as

Argentina does ⎯ that the position taken by Uruguay is (to pay tribute once again to

58
Professor Pellet’s highly colourful language) an “ode to unilateralism” giving primacy to the logic

57
CR 2009/20, p. 18, para. 9 (Pellet).
58
CR 2009/20, p. 17, para. 8 (Pellet). - 23 -

of the fait accompli? Is there any point in speak ing of faits accomplis when faced with acts which

32 your Court is empowered to remedy? I venture to answer these questions myself: no, Members of

the Court, there is none.

17. Third point. It is true that the final judgment by your Court can only come at the end of

proceedings, the length of which greatly depends on the attitude of the Parties and their conduct in

the proceedings. But it should be pointed out again that your Court has an important role to play

even during the proceedings, in the event that th e State opposed to the work should consider itself

threatened by an irreparable harm caused by the latter. It is obvious that I am here alluding to the

indication of provisional measures with binding eff ect, which may be requested by the interested

Party at any stage in the proceedings before the Court. Moreover, this was the role which the Court

played when, on 13July2006, it rejected Argen tina’s request for the indication of provisional

measures on the ground that “Argentina has not provi ded evidence at present that suggests that any

pollution resulting from the commissioning of the mills would be of a character to cause irreparable

damage to the River Uruguay” ( Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay),

Provisional Measures, Order of 13July2006, I.C.J. Reports 2006 , p.132, para.75). The Court

could certainly have played the same role again, in particular since the commissioning of the plant

in 2006, if the Applicant had been genuinely convinced ⎯ as it claims to have been in its written

and oral pleadings ⎯ that Botnia poses risks of irreparable damage to the river ecosystem and to

Argentina. Yet Argentina did not do so, which ⎯ incidentally ⎯ places a large question mark

over the credibility of its allegations on the irreparable risks allegedly arising from the claimed

breaches by Uruguay of its substantive obligations laid down by the 1975 Statute.

C. Conclusion

18. Mr.President, Members of the Court, afte r the refutation by Mr.Martin and myself of

the arguments recently put forward by Argentina concerning the procedural obligations arising

from the Statute of the River Uruguay, it is now time to turn to the substantive obligations. May I

ask you, Mr. President, to give the floor to my colleague and friend, Professor McCaffrey. Thank

you. - 24 -

33 Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident : Thank you, Professor Condorelli.

J’appelle maintenant à la barre M. McCaffrey. Monsieur McCaffrey, vous avez la parole.

M.McCAFFREY: Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président,

Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que de plaider de nouveau devant vous au nom de

la République orientale de l’Uruguay.

D ÉVELOPPEMENT DURABLE

I. Introduction

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, vous avez maintenant entendu les réponses

apportées par l’Uruguay aux arguments d’ordre proc édural avancés par l’Argentine, arguments qui

⎯MM.Martin et Condorelli l’ont montré ⎯ ne résistent pas à l’examen. J’entreprendrai

maintenant de vous montrer que l’Argentine n’a, au second tour de sa plaidoirie, nullement étayé

une argumentation relative à l’environnement qui, déjà, était bancale. M.Boyle poursuivra

aujourd’hui cette démonstration, et M. Reichler y reviendra demain.

II. Faire droit à la thèse de l’Argentine aurait pour conséquence
d’empêcher le développement durable de l’Uruguay

2. Monsieur le président, en dépit de ce que son agent a dit, mardi dernier (CR 2009/21), des

relations amicales qu’elle entretie ndrait avec l’Uruguay, l’Argentine ⎯pour des raisons connues

d’elle seule ⎯ semble résolue à contrarier les initiatives qu’a prises l’Uruguay en vue d’assurer un

développement économique qui ménage l’environnement à long terme ⎯ou, pour reprendre les

termes de la déclaration de Rio, de veiller à ce que «la protection de l’environnement…[fasse]

partie intégrante du processus de développement…» 59. L’Uruguay a montré que l’usine Botnia et

les processus successifs au moyen desquels ses act ivités avaient été surveillées et approuvées

satisfaisaient à tous les critères requis en matière de développe ment durable, en dépit de toutes les

horreurs, nées de son imagination, que le conseil de l’Argentine nous a présentées. L’Argentine a

été jusqu’à tenter ⎯effort désespéré, et qui, au final, s’est révélé vain— de mettre en doute la

compétence de la SFI, la principale institution inte rnationale en matière de financement de projets

59
Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, principe 4, Nations Unies, doc. A/CONF.151/26,
ILM, vol. 31, 1992, p. 874. - 25 -

privés répondant aux critères de développement durab le dans les pays émergents. L’Argentine

s’est sans doute sentie acculée à cette extrémité parce que les évaluations nombreuses et

minutieuses de l’usine et de sa performance envi ronnementale réalisées par la SFI réduisaient à

néant la substance de son argumentation relative à l’environnement.

34 3. Il me revient, cet après-midi, de vous indiquer les erreurs que l’Argentine commet en ce

qui concerne l’interprétation et l’application a ux faits de la présente espèce de la notion de

développement durable. M.Boyle montrera ensuite pourquoi les affirmations de l’Argentine sur

l’évaluation de l’impact sur l’environnement, la surveillance et la pollution ne sauraient être

retenues, et établira que l’Uruguay a satisfait à toutes les obligations internationales lui incombant à

ces égards. Demain, M.Reichler, démontrera que les arguments relatifs à l’environnement de

l’Argentine restent dénués de tout fondement du point de vue factuel.

A. La participation de la SFI, en l’espèce, est parfaitement en accord avec le principe de

spécialité

4. Monsieur le président, plusieurs conse ils de l’Argentine ont soulevé des arguments

mettant en doute la compétence de la Société fi nancière internationale, voire contestant que les

questions d’ordre environnemental relèvent même de son mandat. Or, si la légitimité du processus

d’approbation de projets suivi par la Société fina ncière internationale peut être mise en cause

comme le prétend l’Argentine, les investisseurs risquent de se montrer peu disposés à s’engager à

financer des projets, et les Etats bénéficiaires de perdre des crédits indispensables à la réalisation

des objectifs qu’ils se sont fixés en matière de développement durable. Mon collègue, M. Reichler,

a traité de la question de l’objectivité des expert s indépendants mandatés par la SFI dans le cas de

l’usine Botnia. Dans cette plaidoirie, je me contenterai de montrer que les questions d’ordre

environnemental relèvent indubita blement de la compétence fondamentale de la SFI, et que les

conclusions de cette dernière à cet égard méritent de se voir accorder un réel poids.

5. Monsieur le président, lundi dernier, Mme Boisson de Chazournes a présenté la SFI

comme une institution dotée d’un e compétence délimitée, conduisant des activités opérationnelles

dans le domaine de la promo tion de l’investissement privé 6. Elle a renvoyé au «principe de

60
CR 2009/20, p. 38, par. 29. - 26 -

spécialité», citant l’avis c onsultatif rendu par la Cour en réponse à la demande de l’Organisation

mondiale de la Santé en l’affaire de la Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans

un conflit armé, et ajoutant : «C’est ainsi que les compétences de la SFI devaient être comprises à

la lumière du principe de spécialité.» 61

6. Le propos de la Cour, dans cet avis consultatif était le suivant :

«Les organisations internationales sont régies par le «principe de spécialité»,
c’est-à-dire dotées par les Etats qui les créent de compétences d’attribution dont les
limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de

promouvoir.» ( Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un
conflit armé, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 78, par. 25.)

35 La Cour poursuivait ainsi :

«La Cour permanente de Justice internationale s’est référée à ce principe de
base dans les termes suivants :

«Comme la Commission européenne [du Danube] n’est pas un
Etat, mais une institution internationa le pourvue d’un objet spécial, elle

n’a que les attributions que lui conf ère le Statut définitif, pour lui
permettre de remplir cet objet; mais elle a compétence pour exercer ces
fonctions dans leur plénitude, pour auta nt que la Statut ne lui impose pas

de restrictions.» (Compétence de la Commission européenne du Danube,
avis consultatif, 1927, C.P.J.I. sérieB n 14, p.64.)» ( Licéité de
l’utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé, avis

consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 78, par. 25.)

7. Si l’on remplaçait les mots «Commission européenne» par ceux de «SFI» dans ce passage,

l’Uruguay n’aurait pu le dire mieux. Le «princip e de spécialité» s’applique bien sûr à la SFI

⎯mais quelle est sa mission «spéciale»? Mme Boisson de Chazournes a elle-même répondu à

62
cette question: la promotion de l’investissement privé . Mais de n’importe quel investissement

privé ? Non ⎯ telle n’est pas la mission de la SFI ni, du reste, celle de la Banque mondiale. La

SFI promeut le financement privé de projets releva nt des efforts que déploient les pays émergents

pour parvenir à un développement qui soit socialement et écologiquement durable 6. En réalité, le

fait que la durabilité environnementale est au cŒur de sa mission, comme l’a indiqué M. Reichler

61 CR2009/20, p.38, par.29, «Thus, the IFC’s sphere of competence should be consid ered in the light of the
principle of speciality.»

62 Voir les statuts de la SFI, art.1, disponibles à l’adresse suivante: http://www.ifc.org/ifcext/about.nsf/
AttachmentsByTitle/articles-french/$FILE/articles-french.pdf.

63 Voir la politique de la SFI en matière de durabilté sociale et environnementale, disponible à l’adresse
suivante :
http://www.ifc.org/ifcext/sustainability.nsf/AttachmentsByTitle/pol_Soc…
lityPolicy_French.pdf. - 27 -

jeudi dernier (CR 2009/19), se reflète dans les nor mes environnementales élaborées mises au point

par l’organisation et à l’aune desquelles elle apprécie les projets qui lui sont proposés. L’Argentine

ne l’a jamais contesté. C’est ainsi à la lumière de ces normes que les 182 Etats membres de la SFI,

«collectivement, décident de l’orientation générale de ses programmes et approuvent ses

64
investissements» (cf., le site Internet de la SFI). L’un des investissements approuvés par ces

182 pays était bien sûr l’usine Botn ia. En un mot, la SFI agissait précisément dans le cadre de sa

compétence «spéciale» en l’espèce: elle contribuait au financement privé d’un projet qui joue un

rôle important dans l’effort que déploie l’Ur uguay pour assurer un développement économique qui

soit écologiquement viable.

8. MmeBoissondeChazournes n’a pas ménagé ses efforts pour montrer que la SFI n’était,

pour reprendre ses termes, «pas dotée d’un pouvoir de qualification juridique» 65. Eh bien,

36 Monsieur le président, personne ⎯ l’Uruguay compris ⎯ n’a dit le contraire. C’est là une piteuse

chimère forgée, pour être ensuite balayée, par l’Argentine. Ce que l’Uruguay soutient, c’est que les

évaluations de la SFI, étayées par les connaissances techniques d’experts indépendants, doivent se

voir accorder un poids important en tant qu’éléments de preuve en l’espèce.

9. Pourtant, Mme Boisson de Chazournes attaque la SFI sur ce terrain aussi, affirmant que

66
l’Uruguay «accorde une place excessive aux évaluations de la SFI» . Elle étaye cette allégation en

renvoyant à ce que la Cour a dit dans l’affaire des Activités armées de la nécessité de traiter avec

prudence les éléments de preuve provenant d’une source unique ( Activités armées sur le territoire

du Congo (République démocratique du Congo c.Ouganda), arrêt, C.I.J.Recueil2005, p.201,

par. 61). Or, dans le même paragraphe de cet arrêt, la Cour indiquait que cette prudence n’était pas

de rigueur dès lors la source était une tierce part ie indépendante, neutre, rompue à l’appréciation

«de grandes quantités d’informations factuelles, parfois de nature technique» 67. Aux termes de cet

64
Voir la politique de la SFI en matière de durabilté sociale et environnementale, disponible à l’adresse
suivante :
http://www.ifc.org/ifcext/sustainability.nsf/AttachmentsByTitle/pol_Soc…
lityPolicy_French.pdf.
65
CR 2009/20, p. 38, par. 29 («has no power to make legal determinations»).
66Ibid., p. 41, par. 34 («gives excessive weight to the IFC’s assessments»).

67Ibid. - 28 -

arrêt, une «attention particulière mérite d’être prêtée» 68aux éléments de preuve émanant de pareille

source. M.Reichler a indiqué d’autres raisons justifiant d’accorder un poids spécial aux rapports

établis pour la SFI. Mais ce sur quoi je voudrais, qu ant à moi, insister, c’est que la SFI a approuvé

ce projet, ce qui est précisément le type de fonctions qu’elle a été mise en place pour remplir.

B. Phosphore : l’usine Botnia satisfait aux normes européennes

10. Comme vous le savez, Monsieur le président , la SFI a approuvé la mise en chantier et la

mise en service de l’usine Botnia en Uruguay, sur le fleuve Uruguay. Une nouvelle fois, lors de

leur second tour, les avocats de l’Argentine ont laissé entendre à plusieurs reprises que cette usine

n’aurait pas pu être construite en Europe, invoq uant toujours la même raison: le phosphore.

M.Sands a répété plusieurs fois que les diverses affirmations selon lesquelles l’usine Botnia
69
répondrait aux normes européennes étaient «fausse[s]», ce qu’«[o]n peut démontrer» . Mais j’ai

bien peur que ce ne soit la fausseté de son ar gument qui puisse être démontrée. M.McCubbin a

déjà mis en évidence — mais cela semble avoir écha ppé à M. Sands — qu’une usine de la taille et

de l’envergure de l’usine Botnia pouvait être cons truite sur un fleuve européen, et que tel avait

effectivement été le cas sur l’Elbe, un cours d’eau bien plus modeste que le fleuve Uruguay. Il a

montré que, lorsque l’Allemagne avait mis en servi ce l’usine de pâte à papier la plus moderne

37 d’Europe en2002, l’usine Stendal, les émissions de phosphore de celle-ci étaient infiniment

supérieures, par rapport au débit de l’Elbe — qui ne représente que 15 % de celui de l’Uruguay —,

à celles de l’usine Botnia par rapport au fleuve Uruguay — ainsi qu’illustré sur la planche à l’écran,

qui figure également sous l’onglet 6 du dossier de plaidoiries. Aucun des avocats de l’Argentine ne

s’est même risqué à nier cette évidence.

11. Ce n’est d’ailleurs pas la seule comparai son possible. Comme M. McCubbin l’a relevé,

aucun fleuve d’Europe occidentale ne rivalise en ampleur avec le fleuve Uruguay. Ainsi, les usines

de pâte à papier européennes, dont beaucoup re jettent bien davantage de phosphore que Botnia,

sont construites sur des fleuves nettement plus modestes que l’Uruguay. Par exemple, l’usine de

Zellstoff Pols a été construite sur la Mur, en Au triche, et rejette 50%de phosphore de plus que

68
CR 2009/20, p. 41, par. 34.
69
CR 2009/21, p. 13-14, par. 5. - 29 -

l’usine Botnia, bien qu’établie sur un cours d’eau dont le débit moyen, limité à 139 m par seconde,

est plus de 30 fois inférieur à celui du fleuve Uruguay. Dans ces conditions, l’apport additionnel de

phosphore dans la Mur dépasse de plus de 50fois celui de Botnia dans l’Uruguay. De même,

l’usine de M-Real en France, sur la Seine, déve rse plus de 40 tonnes de phosphore par an, soit plus

du triple de la quantité émise par Botnia, dans un fleuve dont le débit représente moins de 10 % de

celui du fleuve Uruguay. Le décalage est tout au ssi grand dans le cas de l’usine de Kwidzyn, en

Pologne, qui se trouve sur la Vistule. Cette us ine rejette 3fois plus de phosphore que l’usine

Botnia, mais dans un cours d’eau mesurant moins d’un sixième de l’Uruguay. Enfin, l’usine Imatra

de StoraEnso en Finlande ne rejette qu’un peu pl us de phosphore que Botnia mais ses rejets vont

70
dans un fleuve, la Vuoksi, dont le débit représente moins de 10 % de celui du fleuve Uruguay .

12. Pour en revenir un moment au fleuve Uruguay, M.McCubbin a soulevé un autre point

que l’Argentine n’a pas cherché à réfuter, à savoir qu’environ 19 000 tonnes de phosphore passent

chaque année par le fle uve devant Fray Bentos, en dehors de toute contribution de Botnia. A titre

de comparaison, celle-ci ne rejette que 15 tonnes (d’après ses résultats en 2008) sinon moins

(d’après ses résultats en2009) ⎯ainsi qu’illustré à l’écran et sous l’onglet7 du dossier de

plaidoiries. Et sur ce chiffre, près de 3 tonnes étaient déjà présentes dans les eaux du fleuve avant
71
que celles-ci ne soient utilisées par l’usine . Ainsi, pour chaque tonne de phosphore libéré dans le

38 fleuve par Botnia, plus de 1000 tonnes proviennent d’autres sources, notamment de l’industrie et de

l’agriculture argentines. Là en core, les avocats de l’Argentine n’ont absolument pas tenté de

contester ces chiffres, que la Cour peut donc tenir pour établis.

13. En fait, non seulement l’apport de Botnia en phosphore est insignifiant comparé à la

charge phosphoreuse totale du fleuve—dont elle représente moins d’un millième—, mais

l’Uruguay tâche en outre de compenser cet apport re lativement modeste dans son intégralité. Il se

conforme ainsi à sa réglementation, qui prévoit que :

«Si un plan d’eau n’est pas conforme aux conditions fixées pour sa
classification, le ministère du logement, de l’aménagement du territoire et de

l’environnement [ou MVOTMA, pour repr endre le sigle espagnol] établit des

70
DU, annexe 83, p. 5-9, tableau 5.-1.
71Société financière internationale, étude d’impact cumulé, annexeH, CM U, vol.VIII, annexe 176, p.D3.19;
documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S7, p. D3.2. - 30 -

programmes de rétablissement pour le plan d’eau en question en vue d’instaurer les
72
conditions adoptées.»

14. Voilà pourquoi, afin d’obéir à la lettre comme à l’esprit de ce décret, et de protéger la

qualité des eaux du fleuve Uruguay, l’Uruguay a pris des mesures vigoureuses non seulement pour

compenser les rejets de phosphore de Botnia, mais pour aller également au-delà en réduisant

l’apport global de phosphore venant de son territoire.

15. Ainsi qu’exposé par M. Boyle, l’OSE, l’organe national uruguayen chargé des ouvrages

hydrauliques, a conclu un accord av ec Botnia pour le traitement des eaux usées de Fray Bentos

[onglet 8]. Des canalisations relieront bientôt Fray Bentos à la station de traitement des eaux usées

de l’usine Botnia. Lorsque la construction sera terminée, la quantité de phosphore qui sera

éliminée des eaux usées de Fray Bentos, et qui n’ira plus dans le fleuve Uruguay, devrait nettement

compenser celle que l’usine Botnia rejette actuelle ment. En outre, l’OSE a obtenu un financement

de la Banque mondiale pour construire des usines de traitement des eaux usées dans les villes de

Salto et de Paysandú, plus en amont. Ainsi qu’indiqué sur la planche à l’écran, lorsque ces mesures

supplémentaires de déphosphoration sont prises en co nsidération, le résultat cumulé compense très

largement la quantité totale de phosphore rejetée pa r Botnia dans le fleuve. La planche projetée

figure sous l’onglet 8 du dossier de plaidoiries.

16. Monsieur le président, à part tenir de grands discours sur le phosphore, sur la

prolifération d’algues et sur l’eutrophisation et tempêter sur la nécessité urgente de protéger ce

cours d’eau fragile et menacé, qu’a donc fait l’ Argentine pour remédier au problème du phosphore

dans le fleuve ?

39 17. Apparemment rien. Si elle s’inquiète tant d’un rejet de phosph ore dans le fleuve,

pourquoi l’Argentine n’adopte-t-elle pas de réglemen tation en la matière ? En fait, l’Argentine ne

s’est dotée d’aucune loi ou réglementation pour li miter les rejets de phos phore dans le fleuve

Uruguay par ses propres industriels, fermiers, éleveurs ou municipalités. Elle a beau seriner que les

8 ou 15 tonnes de phosphore rejetées par l’usine constituent une quantité beaucoup trop importante,

l’Argentine n’a jamais ne serait-ce que tenté de ni er qu’elle déverse elle-même 25 fois plus dans la

baie de Ñandubaysal, comme M.McCubbin l’a expo sé. Les sociétés argentines exploitent des

72Décret n 253/79, règlementation de la qualité de l’emai 1979, tel que modifié) , art.10; CMU, vol.II,

annexe 6. - 31 -

entreprises industrielles qui rejettent des efflue nts, y compris du phosphore, dans le fleuve

directement, ou via des affluents tels que le Gualeguaychú; l’Argentine possède des milliers

d’hectares de terres cultivables et de pâturages qui do nnent sur le fleuve et y libèrent leurs engrais

chargés de phosphore, dont les animaux s’abreuve nt ; des villes argentines comme Gualeguaychú,

Colón et Concepción del Uruguay continuent de déverser quotidiennement leurs eaux usées dans le

fleuve. Si l’Argentine tenait sincèrement à protéger le fleuve Uruguay d’un excès de phosphore, ne

devrait-elle pas commencer par là, en balayant deva nt sa porte? Pourtant, je le répète, elle n’a

adopté aucune loi, aucune réglementation pour limiter les rejets de phosphore venant de son propre

côté du fleuve.

18. Monsieur le président, le statut de 1975 établit le droit d’utiliser équitablement les eaux

du fleuve. Il n’y a rien d’équitable à ce que l’Argentine puisse disposer du fleuve comme bon lui

semble à des fins industrielles, agricoles ou municipales—sans se soucier des quantités de

phosphore rejetées dans celui-ci—tout en voulan t, en même temps, empêcher l’Uruguay de se

servir du fleuve d’une manière qui n’ajoute rien à la concentration de phosphore — je dis bien, qui

n’ajoute rien à la concentration de phosphore déjà présente dans l’eau. Cette iniquité est d’autant

plus flagrante que l’Uruguay prend des mesures qui compenseront très largement la quantité de

phosphore rejetée par l’usine et qui se traduiront globalement par une nette diminution du taux de

phosphore dans le fleuve.

C. Il n’est pas démontré que l’usine Botnia ait une incidence sur le tourisme à Gualeguaychú
ou dans la baie de Ñandubaysal

19. Monsieur le président, l’obstination avec laquelle l’Argentine s’oppose à l’usine de pâte

à papier est d’autant plus énigmatique que celle -ci n’a tout simplement eu aucun effet sur la

manière dont l’Argentine utilise le fleuve. Elle persis te à faire valoir, en dépit de tous les éléments

de preuve contraires y compris les siens, que l’usine Botnia a une incidence sur le tourisme à

Gualeguaychú et dans la baie de Ñandubaysal.

40 20. Dans sa plaidoirie de lundi dernier, Mm eBoissondeChazournes a bravement tenté de

faire valoir de nouveau cet argument 7, comme un saumon qui remonte le fleuve mais se heurte à

73
CR 2009/20, p. 30-32, par. 9-16. - 32 -

un barrage. Dans le cas présent, le «barrage» est bien évidemment constitu é par les éléments de

preuve proprement dits. En réalité, MmeBoi ssondeChazournes a reconnu que le nombre de

touristes avait en réalité augmenté à Gualeguaychú et sur les plages de Ñandubaysal. Elle a donné

à cela deuxexplications incroyables. Selon elle, les touristes sont à présent plus nombreux en

raison des efforts du conseil de tourisme de Gualeguaychú et d’une sorte de schadenfreude

touristique : les situations malheureuses attirent le s curieux. Quelle que soit l’explication, comme

je l’ai noté la semaine dernière, la ville de Gual eguaychú profite considérablement de la hausse de

la fréquentation touristique et peut difficilement se plaindre que l’usine fasse largement baisser le

tourisme. Cela n’est pas non plus une surprise. M.Reichler et moi-même avons également noté

que le propre rapport scientifique et technique de l’Argentine indique, à plusieurs reprises, que la

74
baie de Ñandubaysal n’est pas touchée par ce qui se passe dans le fleuve , comme les effluents de

l’usine Botnia [onglet n o9]. La vue de l’usine n’a pas non plus eu d’effet sensible sur la «beauté

naturelle» de la plage ou de Gualeguaychú ⎯ que mentionne le conseil de l’Argentine même si le

statut ne s’y rapporte manifestement pas ⎯, comme le montre la photographie de l’usine que vous

voyez à l’écran, laquelle a été prise depuis la plage dans la baie de Ñandubaysal à l’aide d’un

objectif 35mm ⎯qui correspond à ce que perçoit l’Œil. Il est difficile d’apercevoir l’usine de

l’autre côté du fleuve; peut-être cette flèche [d iapositive] vous aidera-t-e lle. Vous trouverez la

o
photographie reproduite sous l’onglet n 9 de votre dossier de plaidoiries.

21. Voilà qui en dit long sur l’argument de fait de l’Argentine selon lequel l’utilisation du

fleuve par l’Uruguay est incompatible avec celle de l’Argentine. Néanmoins, celle-ci a affirmé,

tant au premier tour de plaidoiries 75 qu’au second, que le tourisme et même les loisirs à

Gualeguaychú et sur les plages sont des «utilis ations existantes» avec lesquelles l’usine est

incompatible 76. Pour l’heure, je noterai simplement que, même dans la mesure où il s’agit là

d’utilisations du fleuve ⎯ comme la nage, par exemple ⎯, et même en admettant qu’on puisse les

74Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.2, par. 4.1.2 (affirmant que les scientifiques argentins
ont pu «séparer nettement la baie, du fait qu’elle se comporte comme un écosystème relativement séparé du

fleuve Uruguay» et que les données «montrent que la baie est un milieu qui est à l’abri des fluctuations à court terme du
fleuve»), par.4.3.1.2 (mettant en avant des données qui «renforcent l’interprétation se lon laquelle la baie est un
environnement qui est relativement détaché du fleuve») et par. 1 (indiquant que la baie «n’est apparemment pas soumise
aux variations à court terme du fleuve naturelles ou induites par l’activité humaine»).
75
Voir, par exemple, CR 2009/13, p. 16-17, par. 15-17 (Kohen).
76CR 2009/20, p. 30, par. 9 et p. 32, par. 13-16 (Boisson de Chazournes). - 33 -

considérer comme des «utilisations existantes», et enfin, à supposer, aux fins du raisonnement, que

l’usine y porterait atteinte, malgré les éléments de preuve contraires, la conclusion selon laquelle

41 l’usine ne pourrait pas être explo itée ne s’imposerait pas. Les «u tilisations actuelles» (existantes)

ne représentent qu’un seul facteur parmi ceux qui so nt à prendre en considération pour parvenir à

une utilisation équitable et raisonnable au sens de l’article 6 de la convention de 1997 sur les cours

d’eau internationaux 77, convention dont les Parties s’accordent à dire qu’elle devrait contribuer à

78
l’interprétation du statut ; et ce facteur est cité conjointement aux «utilisations potentielles» du

cours d’eau, dont l’usine Botnia faisait certainem ent partie. En vertu de l’article10 de la

convention, tout conflit entre des utilisations doit êt re résolu eu égard au principe de l’utilisation

équitable et raisonnable, et non en accordant à une utilisation une priorité automatique sur l’autre 79.

22. Tout cela signifie que la Cour n’aura nul besoin de beaucoup de temps pour entendre ma

réponse à l’argument époustouflant, également présenté par M.Sands (CR2009/21, p.14, par.5),

selon lequel, en vertu de la décision que la Cour a prise en1974 dans l’affaire des Essais

80
nucléaires , l’Uruguay est juridiquement lié à l’égard de l’Argentine, par les déclarations faites

non seulement par son propre gouvernement, mais également par la SFI et même par Botnia,

concernant le respect, par l’usine, des normes MTD et du droit européen. Assurément, il est hors

de question que l’Uruguay ait cherché à s’engager en vers l’Argentine à cet égard. Certes, l’usine

Botnia est tenue de respecter les norm es MTD de l’Union européenne ⎯l’Uruguay a toujours

insisté à cet égard, et a, en réalité, fait du r espect des normes MTD de l’Union européenne une

condition explicite pour accorder ses permis et autorisations. Quant au droit de

l’Unioneuropéenne, l’Uruguay n’accepte pas de l’im porter dans le droit applicable aux fins du

statut de1975. Mais cela ne signifie pas qu’il n’a aucun rôle à jouer en l’espèce; le droit de

l’Unioneuropéenne fournit un moyen de co mparaison utile pour apprécier la performance

environnementale de Botnia. Il est donc très ré vélateur que l’Argentine ne soit pas parvenue à

démontrer qu’une loi ou qu’une réglementation de l’Union européenne serait violée, si elle

77
Convention sur le droit relatif aux utilisations dcours d’eau internationaux à des fins autres que la
navigation, A/51/869, 21 mai 1997, art. 6.
78
Voir, par exemple, RA, par. 1.140.
79Convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation,

A/51/869, 21 mai 1997, art. 10 2).
80Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 472, par. 46. - 34 -

s’appliquait. En fait, il n’y a aucune viola tion du droit de l’Union européenne. En bref,

l’application de ce droit confirme simplement que l’usine respecte toutes les conditions du

développement durable.

42
III. CONCLUSION

23. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’indiquerai, pour conclure, que les

deux Parties en l’espèce reconnaissent l’importance de cet te affaire. En effet, sa portée dépasse de

loin celle d’une usine de pâte à papier sur le fl euve Uruguay. Ce que la Cour décidera en l’espèce

aura une profonde influence sur les efforts faitspar les pays en développement du monde entier

pour améliorer les conditions de vie de leurs populations ⎯ autrement dit, pour se développer sur

le plan économique d’une manière qui soit dur able pour l’environnement. L’Uruguay en est

persuadé, la Cour fera en sorte que la promesse du développement durable ne reste pas lettre morte.

24. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre aimable attention.

Je vous prie d’appeler à la barre mon éminent collè gue, M. Boyle, peut-être après une pause café ?

Je vous remercie.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Je vous remercie de votre

présentation, Monsieur McCaffrey. En effet, le mo ment est venu pour la Cour de faire une pause.

L’audience est suspendue pour quinze minutes.

L’audience est suspendue de 16 h 30 à 16 h 45.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est

reprise et je donne la parole à M. Boyle. Vous avez la parole, Monsieur.

M. BOYLE :

PROTECTION DE L ’ENVIRONNEMENT

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est un plaisir que de prendre de nouveau la

parole devant vous. Je développerai cet après-midi trois points en réponse à la thèse de l’Argentine

relative à l’environnement. - 35 -

2. Premièrement, je souhaiterais préci ser que, contrairement aux assertions de

Mme Boisson de Chazournes et de M. Wheater, l’évaluation d’impact sur l’environnement

effectuée par l’Uruguay était complète et solidement étayée. Elle satisfait à l’ensemble des

obligations incombant à l’Uruguay en vertu du statut de 1975 et du droit international en la matière.

Par souci de concision, j’emploierai l’abréviation EIE.

3. Deuxièmement, contrairement à ce qu’a avancé M. Wheater, le programme de monitoring
43

de l’Uruguay est très élaboré, supérieur à tous les programmes exécutés par l’Argentine, et il

permet tout à fait de détecter les modifications de l’environnement immédiat de l’usine qui seraient

le signe d’un éventuel dommage environnemental.

4. Troisièmement, tant dans ses écritures qu’à l’audience, l’Argentine n’est pas parvenue à

étayer sa thèse selon laquelle la Cour est compétente pour statuer sur la prétendue pollution de l’air,

ni ses arguments relatifs aux articles 36 et 41 du statut.

5. En résumé, l’Argentine n’a pas réussi à démontrer une quelconque violation du droit

uruguayen, du statut de1975, ou encore du dro it international relatif aux risques de dommages

environnementaux transfrontières.

EVALUATION D ’IMPACT SUR L ’ENVIRONNEMENT

6. Permettez-moi d’en venir maintenant à l’ évaluation d’impact sur l’environnement. Je

commencerai par un peu de théorie. En droit in ternational, une EIE a pour objet de permettre aux

autorités compétentes d’évaluer le risque d’un dommage transfrontière significatif 81. La

Commission du droit international a défini comme suit l’expression «dommage significatif» : «[l]e

dommage doit se solder par un effet préjudiciable réel…dans d’autres Etats. Ces effets

82
préjudiciables doivent pouvoir être mesurés à l’aide de critères factuels et objectifs.» Appréciés à

l’aune de cette définition, les élém ents versés au dossier de l’affaire attestent que tous les effets

susceptibles de causer un dommage significatif à la qualité des eaux du fleuve et à son équilibre

81
Article 7, projet d’articles sur la prerention des dommages transfrontières, Rapport de la Commission du droit
international, cinquante-troisièmesession (23avril-1 juin et 2juillet-10août2001), Nations Unies, Documents officiels
de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, supplément n(A/56/10), p. 157 ; principe 17, déclaration de Rio
sur l’environnement et le déve loppement; art.2 de la convention sur l’éval uation de l’impact sur l’environnement dans
un contexte transfrontière, 1991, CENUE (ci-après «convention Espoo»).

82Commentaire de l’article 2, projet d’articles suprévention des dommages transfrontières, Rapport de la
Commission du droit international, cinquante-troisième session (23 avril-1t 2 juillet-10 août 2001), Nations Unies,
Documents officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, supplément n 10 (A/56/10), p. 417. - 36 -

83
écologique ont été évalués bien avant la décision d’autoriser la construction de l’usine . Tel a

également été le cas des effets potentiels des émi ssions atmosphériques, de la direction des vents,

des inversions de courant et des débits d’étiage, des proliférations d’algues, et de la capacité du

milieu récepteur à disperser les effluents. Je reviendrai sur chacun de ces points dans un instant.

7. M. Weather a, à plusieurs reprises, qualifié l’EIE de Botnia d’«insuffisante» et a reproché

84
à la DINAMA d’avoir manqué d’esp rit critique dans son évaluation . Mais si la DINAMA s’était

livrée à une évaluation insuffisamment critique, elle n’aurait certainement pas écrit, dans son

44 rapport, que «[l]es documents fournis par Botnia au cours du processus d’évaluation de l’EIE

re[célaient] : des lacunes, des contradictions (parfois au sein d’un même document) et des réponses

partielles et insatisfaisantes» 85. Elle a même ajouté: «l’information reçue présente également la

caractéristique d’être à la fois volumineuse et vague, ainsi que répétitive, non pertinente et de piètre

qualité» 86, appréciation qui pourrait tout à fait s’applique r à la copie d’un mauvais élève. Tel est

donc la manque d’esprit critique dont a fait preuve la DINAMA. Et que s’est-il passé ensuite ? Eh

bien, la DINAMA a réagi à l’EIE en demandant à Bo tnia des informations supplémentaires et en

exigeant de cette dernière qu’elle améliore son évaluation et ce, jusqu’à ce que, selon elle, ladite

87
évaluation soit complète . C’est précisément ce qu’un organisme de réglementation est supposé

faire. La DINAMA ne s’en est pas laissé compter par Botnia. A la fin du processus, elle a estimé

⎯et je cite son rapport ⎯ que «ces faits, même s’ils n’ont pas été suffisamment étudiés en

profondeur, ne provoqueront pas d’impact diffic ile à atténuer ou à compenser». Et, en ce qui

concerne les questions pour lesquelles les éléments d’information étaient insuffisants, la DINAMA

a décidé d’adopter, et je la cite, «un mécanisme de surveillance continue et complète de l’ensemble

des paramètres et bio-indicateurs en tant que de besoin» 88. L’évaluation qu’a faite la DINAMA de

l’EIE préalable n’était donc nullement «inconsid érée». Lorsqu’elle a pris la décision de

recommander au ministère de l’environnement d’ approuver le projet, la DINAMA jugeait que

83CR 2009/18, p. 24-28, par. 41-53 (Boyle).
84
Par exemple, CR 2009/20, p. 55-59, par. 6-12 (Wheater).
85
Rapport d’évaluation des impacts su r l’environnement de la DINAMA relatif à l’usine de Botnia
(11 février 2005), CMU, vol. II, annexe 20, par. 6.
86
Ibid.
87Ibid., par. 1.

88Ibid., par. 8. - 37 -

Botnia lui avait communiqué toutes les inform ations nécessaires et que celles-ci étaient

suffisamment détaillées pour établir un rapport favorable et définir les conditions auxquelles l’usine

pourrait être autorisée à fonctionner. Après tout, c’est à cela que sert une EIE : aider les personnes

chargées de délivrer une autorisation à une usine à prendre une décision en toute connaissance de

cause, en évaluant les risques de dommages et en définissant les conditions auxquelles l’usine est

autorisée à fonctionner. Ainsi, la DINAMA a pleinement soutenu et recommandé la décision

d’approuver l’usine Botnia.

8. Le deuxième argument de l’Argentine est que l’EIE n’a pas été effectuée en temps et en

heure. L’Argentine soutient que l’EIE doit être achevée avant que l’autorisation de construction ne

puisse être délivrée. Et elle prétend que tel n’a p as été le cas. Permettez-moi de vous rappeler une

nouvelle fois les faits. L’EIE de Botnia a ét é publiée sous forme résumée le 7décembre2004 89.

90
45 La DINAMA a organisé une réunion publique à FrayBentos le 21décembre2004 . Le rapport

final de la DINAMA sur l’EIE a été publié le 11février2005 91. L’autorisation environnementale

préalable a été délivrée le 14février2005, sach ant que mon éminent collègue, M.Martin, a

expliqué en début d’après-midi l’ensemble des cons équences de cette autorisation. Il ne s’agissait

pas d’une autorisation de constr uire, mais d’une autorisation provisoire. Il est absolument

incontestable quel’EIE de Botnia et toutes les procédures de consultation publique y afférentes

avaient été achevées avant qu’une autorisation n’ait été délivrée. Le seul argument que l’Argentine

oppose à cette thèse est que l’EIE de Botnia telle qu’approuvée par la DINAMA était à ce point

incomplète qu’elle ne saurait être considérée comme une EIE. Examinons donc la thèse présentée

par les conseils de l’Argentine.

9. M.Sands a affirmé que les questions clés n’avaient pas été examinées dans l’évaluation

d’impact sur l’environnement de Botnia. Eh bien , il est évident une fois de plus qu’il ne connaît

pas les éléments de preuve. L’évaluation d’imp act sur l’environnement de Botnia contient une

analyse approfondie de l’eutrophisation et de la prolifération des algues 92, et le rapport d’évaluation

89
EIE de Botnia communiquée à la DINAMA, publiée le 7 décembre 2004, IM DU, vol. II, annexe 15, par. 3.3.
90Rapport d’évaluation des impacts su r l’environnement de la DINAMA relatif à l’usine de Botnia

(11 février 2005), CMU, vol. II, annexe 20, par. 1 et 7.
91Rapport d’évaluation des impacts su r l’environnement de la DINAMA relatif à l’usine de Botnia
(11 février 2005), CMU, vol. II, annexe 20.

92Evaluation d’impact sur l’environnement de Botnia, par. 6.2.1.2.f et 6.3.3.1, CMU, annexe 160. - 38 -

des impacts sur l’environnement publié par la DINAMA renvoie également à cette question 93. Ce

n’est certainement pas un problème dont Botnia et la DINAMA n’avaient pas connaissance. Après

tout, il y avait déjà eu d’autres proliférations d’algues, surtout depuis l’ouverture du barrage de

Salto en 1979. Il était aussi tout à fait raisonna ble de la part de la DINAMA de conclure que

l’usine Botnia n’aggraverait pas les choses si la charge en nutriments provenant de l’usine était

bien réglementée, comme cela a été le cas. La capacité de dispersion du milieu récepteur, nous

a-t-on dit, n’a pas été prise en considération, ma is elle a fait l’objet d’ une évaluation exhaustive

dans l’évaluation d’impact sur l’environnement mené e par Botnia : en effet, deux chapitres entiers,

qui ne sont ni brefs ni faciles à manquer, sont consacrés à cette question 94. Tout un chapitre porte

95 96
sur les émissions atmosphériques . L’examen du débit du fleuve occupe une vingtaine de pages .

Il est clair pour toute personne qui lit vraiment ce s rapports que ceux-ci montrent que la DINAMA

a agi avec la diligence voulue en examinant toutes l es questions pertinentes avant que ne soit prise

la décision d’autoriser l’usine.

46 10. Dans sa version finale telle qu’approuvée par la DINAM A, l’évaluation d’impact sur

l’environnement de Botnia est complète et satis faisante. Cette évaluation couvre notamment les

impacts transfrontières éventuels de l’usine Botnia 97, les caractéristiques du débit du fleuve ⎯ dont

98 99 100 101
l’inversion du courant ⎯ , la pollution atmosphérique , la qualité de l’eau , la biodiversité et

102
la fréquence des proliférations d’algues . J’en dirai davantage sur l’identification d’autres sites

possibles dans un instant, mais il essentiel de retenir qu’à ce stade, ceux-ci avaient déjà été

93
Rapport d’évaluation des impacts sur l’environnement de DINAMA relatif à l’usine de Botnia, CMU, vol.II,
annexe 20, par. 4.6 et 6.1.
94
Evaluation d’impact sur l’environnement de Botnia, CMU, vol. VI, annexes 159 et 160.
95
Ibid., annexe 159, sect. 5.2.3.
96 o
Rapport complémentaire n 5 de l’étude de l’impact sur l’environneme nt de Botnia. Annexe VIII étude de la
dispersion du panache et études sé dimentologiques (12 novembre 2004), CMU, vol. VII, annexe 164 ; rapport
d’évaluation des impacts sur l’environnement de la DINAMA relatif à l’usine de Botnia (11 février 2005), CMU, vol. II,
annexe20; évaluation d’impact sur l’environnement de Botnia soumise par cette société à la DINAMA, chap.5,
caractéristiques de l’environnement existant, CMU, vol. VI, annexe 159.

97Rapport d’évaluation des impacts sur l’environnement de DINAMA relative à l’usine de Botnia, par. 4.1 et 4.2,
CMU, vol. II, annexe 20.

98Ibid., par. 3.2.

99Ibid., par. 4.2 et 6.2.
100
Ibid., par. 3.2, 4.1 et 6.1.
101
Ibid., par. 3.5 et 6.6.
102
Ibid., par. 6.1. - 39 -

identifiés, évalués et écartés. Le choix de Fray Bentos, comme vous allez le voir, n’était pas assuré

d’avance. L’Uruguay invite donc la Cour à conclure que l’évaluation d’impact sur

l’environnement de Botnia, telle qu’approuvée pa r la DINAMA, a été menée en temps opportun,

avant la délivrance de l’autorisation de construi re ou d’exploiter, et conformément au droit

international.

11. Les conseils de l’Argentine se sont évertués à relever de prétendues insuffisances, erreurs

et failles dans les diverses évaluations environne mentales menées sur le projet de Botnia. Ces

conseils invitent tout bonnement la Cour à conclu re que ce qui a été fait n’a pas été bien fait, n’est

pas suffisant et ne peut justifier la décision d’autori ser l’usine. De fait, ils contestent la faculté de

jugement, la compétence et la bonne foi non seule ment de l’Uruguay mais aussi de la Société

financière internationale, comme vous l’a dit M.McCaffrey. Les évaluations d’impact sur

l’environnement pour des projets d’une telle ampleu r sont souvent au centre de vives controverses,

tant devant les juridictions nationales que, de plus en plus, devant les juridictions internationales.

Et il est peu probable que ceux qui s’opposent à ces projets soient jamais convaincus par une

évaluation d’impact sur l’environnement, aussi volumineuse et détaillée soit-elle. La thèse

soutenue par l’Argentine est loin de nous surprendre. On pouvait s’y attendre.

12. Mais c’est à des juristes, et non à des expert s techniques, qu’il appartient de dire en quoi

consiste une évaluation d’impact sur l’environnemen t conforme au droit international. Quoi qu’un

expert technique puisse avoir à dire, il ressort de la jurisprudence des tribunaux nationaux qu’une

évaluation d’impact sur l’environnement ne doit pas forcément contenir une analyse approfondie de

chaque aspect d’un projet ; le but d’une telle év aluation est d’aider les responsables à prendre leur

décision et d’alerter l’opinion publique. Nul besoin de tester chaque hypothèse envisageable ou

47 d’apporter des solutions détaillées à des pr oblèmes théoriques qui ont pu être identifiés 10. On

o
pourrait aussi rappeler le sage principe n 5 du Programme des Nations Unies pour

l’environnement, aux termes duquel «l es effets sur l’environnement devraient être évalués, dans

une EIE, à un niveau de détail correspondant à leur importance probable du point de vue de

10Voir Prineas v. Forestry Commission of New South Wales (1983) 49 LGRA 402 ; The Belize Alliance of
Conservation Non-Governmental Organisations v. The Department of the Environment (2003), Judicial Committee of the
Privy Council (from Belize Ct. App.), RU, vol. IV, annexe R84 ; Marsh v. Oregon Natural Resources Council, 490 U.S.
360 (1989); Robertson v. Methow Valley Citizens Council , 490 U.S. 332 (1989Wilderness Society Inc. v. Hon.

Malcolm Turnbull, Minister for the Environment and Water Resources [2007], FCAFC 175 (22 novembre 2007). - 40 -

104
l’environnement» . Dans cette optique, la vraie question qu’il convient de se poser est de savoir

si les évaluations qui ont effectivement été menées ont permis de rassembler des éléments

d’information sur la base des quels il était raisonnable pour la DINAMA, le ministère de

l’environnement et la SFI de décider des im pacts probables de l’usine sur le fleuve ou

105
l’Argentine . L’Uruguay invite la Cour à conclure en ce sens.

13. Mais comme l’Uruguay n’a cessé de le faire valoir, une évaluation d’impact sur

l’environnement est un processus, et non un événem ent isolé. Si de nouvelles questions se posent

ou si de nouveaux problèmes doivent être réso lus, ils peuvent toujours être examinés

ultérieurement. Pour juger si une procédure d’évaluation d’impact sur l’environnement est

suffisamment complète, il convient de l’apprécier dans son ensemble, et pas simplement par

référence à l’évaluation d’impact sur l’environneme nt de Botnia de2004. Toutes les évaluations

peuvent alors être prises en compte, y co mpris le rapport d’évaluation des impacts sur

l’environnement de la DINAMA et le complément d’information fourni ultérieurement par Botnia

à la demande de la DINAMA, ainsi que l’étude d’impact cumulé finale de la SFI, achevée en

septembre 2006, qui étayait pleinement les conclusions déjà adoptées par la DINAMA.

14. D’ailleurs, même les experts de l’Argen tine conviennent que l’évaluation d’impact sur

l’environnement de l’usine Botn ia a été menée avec soin, conformément aux normes et règles

internationales. Permettez-moi de citer le rapport Wheater : «L’étude d’impact cumulé finale a été

nettement améliorée, et est tout à fait conforme à ce que l’on peut rais onnablement attendre d’une

106
étude d’impact internationale.» De même, si l’on examine le rapport Latinoconsult demandé par

l’Argentine, celui-ci dit que l’ét ude d’impact cumulé finale est «conforme aux pratiques actuelles

107
dans ce domaine» . Eh bien, toutes ces approbations sont impossibles à concilier avec les

opinions personnelles exprimées par M.Wheater dans sa plaidoirie de lundi après-midi devant la

48 Cour (CR 2009/20). Se pourrait-il qu’il ait manqué lui-même de discernement dans son évaluation

104
Buts et principes de l’évaluation de l’impact sr l’environnement, 17juin1987, tels qu’approuvés par
l’Assemblée générale dans sa résolution 42/184 (1987).
105
Etats-Unis et Canada ⎯ Continued Suspension of Obligations in the EC Hormones Dispute,
WT/DS320/AB/R and WT/DS321/AB/R (14 novembre 2008), par. 591 ; Argentine ⎯ Safeguard Measures on Imports of
Footwear, WT/DS121/AB/R (14 décembre 1999), par. 121.
106
Rapport Wheater, op. cit., p. 1 (paragraphe introductif). MA, vol. V, annexe 5.
107Rapport Latinoconsult, op. cit., p. 13. MA, vol. 5, annexe 3. - 41 -

antérieure? Aurait-il, peut-être, changé d’avis ? Peut-être ne connaît-il pas ses propres éléments

de preuve ? Son long curriculum vitae publié sur son site Internet ne mentionne pas de compétence

en matière d’évaluation d’impact sur l’environnement . Dans la liste, encore plus longue, de ses

publications, aucune d’elles ne semble avoir pour sujet l’évaluation d’impact sur l’environnement.

Il est donc étrange que l’Argentine n’ait pas fait appel au témoignage d’un expert en la matière, elle

qui se montre si critique à l’égard de la procédure suivie en l’espèce.

15. L’abondance de données et la richesse de l’analyse de l’évaluation d’impact sur

l’environnement de Botnia, du rappor t de la DINAMA et de l’étude d’impact cumulé finale font

plus que justifier la décision d’autoriser le pr ojet et la conclusion selon laquelle l’usine ne

présenterait pas de risque pour l’Argentine ou pour le fleuve. Une telle évaluation d’impact sur

l’environnement est conforme au droit uruguayen et au droit international, et l’Argentine n’a cité

aucun précédent tendant à démontrer le contraire.

16. Il est temps maintenant de se pencher sur l’un des arguments sur lesquels l’Argentine

insiste le plus, à savoir que le choix du site de FrayBentos constituait un fait accompli et que

d’autres sites plus appropriés auraient dû être exam inés dans le cadre de l’évaluation d’impact sur

l’environnement de Botnia. L’Uruguay rejette en bloc cet argument et estime que l’Argentine a

présenté à la Cour une version erronée des faits et du droit.

17. Quiconque a un jour mangé du corned-beef de Fray Bentos ne peut ignorer que ce lieu a

un temps abrité ce qui fut l’une des plus impor tantes usines de transformation de la viande

d’Amérique latine. FrayBentos est le plus anci en site industriel d’Uruguay. Il est donc habitué

aux odeurs et aux effluents. Cinqfacteurs peuve nt expliquer le choix de ce site pour accueillir
108
l’usine Botnia :

⎯ la proximité de plantations d’eucalyptus ;

⎯ un bon réseau de transports et une grande disponibilité de main-d’Œuvre ;

⎯ l’eau pouvant être puisée dans le fleuve et y être rejetée sans risque de pollution ni rupture de

l’approvisionnement en eau potable ;

108
SFI, étude d’impact cumulé (septembre 2006), CMU, vol. VIII, annexe 173, chap. 2.3. - 42 -

⎯ la dispersion des effluents dans un très grand fleuve capable de les diluer, même dans des

conditions de bas débit ; et, enfin,

⎯ le caractère adéquat du site.

49 18. L’évaluation d’impact sur l’environneme nt de Botnia et les propres études de la

DINAMA ont démontré, à la satisfaction de celle-ci, que l’implantation d’une usine à Fray Bentos

n’aurait d’effets dommageables ni sur le fleuve ni sur l’Argentine. La question du lieu

d’implantation de l’usine a également été examinée dans l’étude d’impact cumulé finale de la SFI,

laquelle a confirmé la capacité du fleuve en tant que milieu récepteur à disperser les effluents,

l’absence de tout effet dommageable, ainsi que la pr oximité de plantations. Les experts de la SFI

ont conclu que Botnia avait suffisamment pris en compte les questions environnementales

pertinentes lors du choix du lieu d’implantation de l’usine ; ils ont également confirmé la viabilité
109
du site d’un point de vue environnemental .

19. Ce nonobstant, rien ne permet de dire que ni Botnia ni l’Uruguay n’ont examiné d’autres

sites ou que le choix de FrayBentos constituait un fait accompli. Là encore, les conseils de

l’Argentine méconnaissent tout simplement les fait s. Les informations relatives au choix du lieu

d’implantation de l’usine et aux autres sites qui ont été envisagés sont exposées de manière

110
extrêmement détaillée dans l’étude d’impact cumulé finale de la SFI . Ce document démontre

que, bien avant de retenir FrayBentos, Botnia s’ est intéressée à quatresites au total: LaPaloma,

Paso de los Toros, Nueva Palmira et Fray Bentos. Et, oui M. Sands, l’un de ces sites éventuels se

trouvait effectivement sur la côte : celui de La Paloma. Ce site a cependant dû être écarté d’emblée

en raison de difficultés d’approvisionnement en eau douce ; malheureusement, les usines de pâte à

papier ne peuvent pas utiliser l’eau de mer.

20. Une analyse détaillée des avantages et inconvé nients des trois sites restants a ensuite été

effectuée 111. Elle est, elle aussi, exposée en détail dans l’ étude d’impact cumulé finale. Le site de

Paso de los Toros a été écarté en raison du manque de capacité de dilution des effluents dans des

conditions de bas régime, et aussi des problèmes susceptibles de se faire jour du fait d’autres

109Ibid., p. 2.9-2.12.
110
Ibid., chap. 2.3.
111Ibid., CMU, vol. VIII, annexe 173. - 43 -

utilisations de l’eau. Les deux sites restants, Nueva Palmira et Fray Bentos, se trouvaient tous deux

sur le fleuve Uruguay. Si Fray Bentos l’a em porté sur Nueva Palmira, c’est essentiellement pour

des raisons logistiques et environnementales: l’ approvisionnement en bois pouvait être effectué à

112
proximité de l’usine, ce qui réduisait l’impact environnemental dû au transport par poids lourds .

21. Il est donc tout simplement impossible de contester raisonnablement que Botnia a bel et

bien examiné différents sites avant de retenir Fray Bentos, les motifs de cette décision étant

exposés de manière détaillée dans l’étude d’impact cumulé finale. S’il existe une obligation
50

d’examiner plusieurs lieux d’implantation au tout début du processus, alors Botnia s’en est

acquittée. Et cela suffit sans doute à écarter les arguments de l’Argentine sur cette question.

22. Néanmoins, la Cour devrait également examiner avec attention les précédents juridiques

sur lesquels se fondent les conseils de l’Argen tine. L’Argentine soutient que, d’un point de vue

juridique, une évaluation d’impact sur l’envir onnement doit inclure une analyse d’autres lieux

d’implantation possibles. Voilà ce que disen t nos contradicteurs. Examinons donc ce que

prévoient les traités, les lignes directrices et la pr atique étatique au sujet de la question des autres

lieux d’implantation possibles. Selon moi, cela est assez révélateur.

23. MmeBoissondeChazournes a fondé son argumentation sur le principe 4 c) des buts et

principes de l’évaluation de l’ impact sur l’environnement adoptés en 1987 par le Programme des

Nations Unies pour l’environnement ainsi que su r la convention de 1991 sur l’évaluation de

l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière ⎯que j’appellerai ci-après

convention d’Espoo ⎯ et sur les politiques opérationnelles adoptées en 1998 par la SFI en matière

113
d’évaluation de l’environnement .

24. Lues dans leur intégralité, ces sources dém ontrent toutes exactement le contraire de ce

que l’Argentine soutient. Pour faire bonne mesure , et compte tenu du fait que cette dernière

affirme que l’Uruguay doit se conformer aux norme s de l’Union européenne, je me réfèrerai

également dans un instant à la directive européenne concernant les évaluations d’impact sur

112
Ibid., tableau 2.3-1.
113CR 2009/14, p. 27, note de bas de page n 60. - 44 -

l’environnement 114. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’aucun de ces instruments n’impose

d’examiner d’autres lieux d’implantation possibles dans le cadre d’une évaluation d’impact sur

l’environnement, à moins que cela ne soit nécessaire au regard des circonstances. Et le fait est que,

dans le cas présent, cela n’a jamais été nécessaire, dès lors que les données recueillies ont démontré

que le fait d’implanter l’usine à Fray Bentos ne cr éerait pas un risque significatif pour le fleuve ou

pour l’Argentine.

II.L ES PRINCIPES DU PNUE

25. Penchons-nous donc sur le principe 4 c) des principes du PNUE. Il prescrit qu’une

évaluation d’impact sur l’environnement doit incl ure, au minimum, «une description des autres

solutions possibles, le cas échéant». Voilà ce qu’il prescrit.

51 26. Comme il apparaît clairement à la Cour, j’en suis sûr, au vu de ce texte, le principe 4 c)

se contente de mentionner les «autres solutions possibles», expression qui est aussitôt nuancée par

les mots «le cas échéant». Contrairement à ce que l’Argentine voudrait faire accroire à la Cour, il

n’est nullement fait mention d’autres lieux d’implan tation possibles. Voyons maintenant comment

ces lignes directrices ont été interprétées et appliqu ées. A cet égard, j’aimerais appeler l’attention

de la Cour sur le document du PNUE de 2008 intitulé Desalination Resource and Guidance

115
Manual for Environmental Impact Assesments . Certes, en temps normal, je ne me référerais pas

à un document de cette nature, mais il est en l’o ccurrence utile. Bien qu’il ait été manifestement

établi avant tout pour les projets de désalinisation, il décrit un processus type d’évaluation d’impact

sur l’environnement. La question de savoi r ce qui pourrait constituer une solution de

remplacement y est également abordée. Si le c hoix d’un autre lieu d’implantation est évoqué, il

n’est pas obligatoire et n’est pas mentionné da ns une énumération exhaustive; ce n’est qu’une

possibilité parmi d’autres, dans une liste non exha ustive. Parmi les autres possibilités figurent le

recours à d’autres solutions techniques et le fait de modifier l’ampleur du projet ou les procédés

11Directive85/337/CEE du Conseil du 27juin1985 concer nant l’évaluation des incidences de certains projets
publics et privés sur l’environnement, Journal officiel, L175 du5.7.1985, p40, telle que modifiée par la
directive 97/11/CEE du Conseil du 3 mars 1997, Journal officiel, L 73 du 14.3.1997, p. 5 et la directive 2003/35/CE du
Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003, Journal officiel, L 156 du 25.6.2003, p. 17.

11PNUE (2008), Desalination Resource and Guidance Manual for Environmental Impact Assesments ,
Programme des NationsUnies pour l’environne ment, dont la version anglaise peut êt re consultée sur le site Internet:
http://www.unep.org.bh/Newsroom/pdf/EIA-guidance-final.pdf. - 45 -

116
employés . L’examen de ces solutions de remplacement devrait, selon ces lignes directrices,

commencer dès le début de la planification d’un nouveau projet, c’est-à-dire bien avant l’évaluation

d’impact sur l’environnement. Eh bien, c’est précisément ce qu’a fait Botnia lorsqu’elle a examiné

les quatre lieux d’implantation possibles que j’ai mentionnés précédemment. Comme cela a été

indiqué la semaine dernière, les avantages comp arés des techniques par séquences de blanchiment

sans chlore élémentaire et par séquences de blanchiment sans aucun composé chloré ont également

été examinés. Tel a par ailleurs été le cas, comme cela a aussi été indiqué la semaine dernière, des

avantages comparés du traitement secondaire et du traitement tertiaire des effluents. De toute

évidence, ce sont ces éléments techniques qui constitua ient les alternatives les plus pertinentes, et

les choix qu’il convenait d’opérer avaient d’im portantes conséquences environnementales, comme

cela a été indiqué la semaine dernière, notamment en réponse aux questions posées par la Cour.

Toutes ces questions, c’est-à-dire la réflexion de Botnia sur l’ECF et le TCF, sur le traitement

secondaire et le traitement tertiaire, sont expo sées en détail et de manière exhaustive dans son

117
évaluation d’impact sur l’environnement .

52 27. Dans le manuel du PNUE il est ensuite clairement indiqué que d’autres solutions de

remplacement importantes ⎯et cela englobe les autres lieux d’implantation ⎯ ne doivent être

sérieusement envisagées que si l’évaluation d’impact sur l’environnement a révélé des impacts

significatifs, ce qui, bien évidemment, n’a pas été le cas de l’évaluation d’impact sur

l’environnement de Botnia, puisque de tels impacts n’ont pas été mis en évidence. Permettez-moi

de citer un passage du PNUE :

116Ibid., p. 23, par. B.4.5, lequel se lit comme suit :

«L’examen de solutions de remplacement à une proposition est une obligation prévue par de
nombreux systèmes d’évaluation d’im pact sur l’environnement, et il devrait idéalement commencer dès
les premières étapes de ladite évaluation … lorsque l’ on peut encore facilement tolérer que d’importantes
modifications soient apportées à un projet et que l’on est disposé à le faire. Les éventuelles solutions de
remplacement peuvent concerner le lieu d’implantation, les techniques utilisées, l’ampleur du projet ou
les procédés employés, mais elles peuvent également consister à abandonner le projet…

Les éventuelles solutions de remp lacement au projet ou à certaines parties du projet doivent être
brièvement énumérées et exposées dans l’évaluation d’impact sur l’environnement, de manière à indiquer
qu’elles ont été sérieusement examinées et appréciées . Les raisons qui ont conduit à écarter ou à retenir
certaines solutions et à définir le ou les projefinalement examinés par l’évaluation d’impact sur

l’environnement doivent également être indiquées.» [Traduction du Greffe.]
117CMU, vol. VI, annexe 158. - 46 -

«Au fur et à mesure que la planification du projet progresse et se précise, les
principales solutions de remplacement ne sont sérieusement examinées que si

l’évaluation d’impact sur l’environnement révèle des impacts significatifs…qui ne
peuvent être atténués autrement. L’examen de mesures permettant d’atténuer les
impacts doit donc être considéré comme un processus, [et je cite toujours le PNUE]

qui débute par un examen des principales solutions de remplacement dès les premières
étapes de la planification du projet et se poursuit après que d’éventuels impacts ont été
mis en évidence.» 118

Ce passage correspond tout à fait à la position qui a toujours été celle de l’Uruguay. Compte tenu

des conclusions favorables de l’évaluation d’impact sur l’environnement, il n’était tout simplement

pas nécessaire d’examiner plus avant d’autres lieux d’implantation. Cela aurait été tout à fait vain.

III. LA CONVENTION D ’ESPOO

28. Mais penchons-nous également sur la c onvention d’Espoo: les conclusions auxquelles

119
nous aboutissons alors sont clairement les mêmes . L’appendice II, intitulé «Contenu du dossier

d’évaluation de l’impact sur l’environnement», dispose que ce dossier doit contenir une

«b) [d]escription, s’il y a lieu, des solutions de remp lacement (par exemple en ce qui concerne le

lieu d’implantation ou la technologie) qui peuv ent être raisonnablement envisagées sans omettre

120
l’option «0-0».»

29. Je relèverai ici l’emploi des mots «par exem ple», «s’il y a lieu» et «raisonnablement».

De même que les principes et le manuel du PNUE , l’appendice II de la convention d’Espoo fournit

une liste non exhaustive des solutions de remplacement envisageables. Ces dispositions ne peuvent

raisonnablement être interprétées comme emportant naturellement l’obligation de passer en revue,

dans le cadre de l’évaluation d’impact sur l’environnement, les autres lieux d’implantation

possibles. En outre, il existe une pratique des Etats qui nous éclaire sur ce que ceux-ci entendent

par «solutions de remplacement…qui peuvent êt re raisonnablement envisagées», au sens de la

convention d’Espoo ⎯et cette pratique étaye davantage la thèse de l’Uruguay que celle de

l’Argentine.

118
PNUE (2008), Desalination Resource and Guidance Manual for Environmental Impact Assessments, op. cit.,
p. 17, par. A.2.7.
119Le préambule à la convention d’Espoo renvoie expressément aux principes du PNUE. Voir le texte faisant foi,

à l’adresse suivante : http://www.unece.org/env/eia/documents/legaltexts/conventiontextfrench….
120Appendice II, alinéa b), de la convention d’Espoo. - 47 -

30. Les publications que la Commission économ ique des NationsUnies pour l’Europe a

consacrées à la convention d’Espoo nous ren seignent sur cette pratique des Etats. L’ Examen de
53
121
l’application de la convention d’Espoo pour 2006 , qui couvre la période allant de 2003 à 2005 ,

repose essentiellement sur les ré ponses apportées à des questionnair es adressés aux Etats au sujet

de la mise en Œuvre de la convention. La question19 porte sur la manière dont ces Etats

déterminent les «solutions de remplacement … [pouvant] être raisonnablement envisagées» au sens

de l’appendice. Les paragraphes62 et 63 de cet Examen présentent une synthèse de leurs

122
réponses — que je vais à présent vous présenter en quelques mots.

31. Il ressort des réponses des Etats que, en ce qui concerne les «solutions de

remplacement … [pouvant] être raisonnablement envisagées» dans le cadre d’une évaluation

123
d’impact sur l’environnement, la pratique est très variée . Il ne s’en dégage pas de définition

unique. Mais, et je pense que c’est là le point le plus important, rares sont les Etats qui estiment

obligatoire de trouver d’autres lieux d’implantation po ssibles. De manière générale, les «solutions

de remplacement … qui peuvent être raisonnablement envisagées» sont déterminées au cas par cas.

Certains pays imposent simplement de men tionner, dans les évaluations d’impact sur

l’environnement, quelles ont été les solutions de remplacement effectivement examinées.

Maintenant, une fois de plus, voyons ce qu’il en est de la pratique ici en Europe. L’examen

d’autres lieux d’implantation possibles sera subordonné à la nature du projet et à la question de

savoir si le choix d’un autre site permettrait de parer à un risque de dommage.

IV. D IRECTIVE EUROPÉENNE SUR L ’ÉVALUATION D ’IMPACT SUR L ’ENVIRONNEMENT

32. Avant de clore la question des autres lie ux d’implantation possibles, j’ajouterai quelques

124
mots sur la directive de l’Union européenne relative à l’évaluation d’impact sur l’environnement .

Le paragraphe3 de l’article5 de ce texte impose aux Etats membres d’adopter les mesures

121ECE/MP.EIA/11. Disponible à l’adresse suivante : http://www.unece.org/env/documents/2008/eia/ece.mp.eia.
11.pdf.

122Ibid., p. 20, par. 62-63. Les réponses apportées aux questionnaires par les différents pays sont disponibles, en
anglais, à l’adresse suivante : http://www.unece.org/env/eia/implementation/review_implementation_2006….

123Ibid.
124
Directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juon 1985 concerna nt l’évaluation des incidences de certains projets
publics et privés sur l’environnement, Journal officiel n L 175, du 05/07/1985, p. 40, telle que modifiée par la directive
97/11/CE du Conseil du 3mars1997, Journal officiel n 073, du 14/03/1997, p.5 et la directive 2003/35/CE du
Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003, Journal officiel n L 156, du 25/06/2003, p. 17. - 48 -

nécessaires pour faire en sorte que le maître d’ ouvrage fournisse des informations comportant

notamment «une esquisse des principales solutions de substitution qu[’il a]…examinées et une

indication des principales raisons de son choix, eu égard aux effets sur l’environnement».

33. Une fois de plus, il n’est pas fait expressément mention d’«autres lieux d’implantation

possibles». Il n’y a aucune raison de douter que l’évaluation d’impact sur l’environnement

concernant l’usine Botnia serait conforme au pa ragraphe3 de l’article 5 de cette directive

européenne. Mais, en juin 2001, la Commission européenne a également publié un guide pratique

sur la sélection de projets soumis à une évaluati on d’impact sur l’environnement, telle que visée à

54 l’article 4 de la directive, et un autre sur la déte rmination du champ de l’évaluation, telle que visée

en son article 5125. Ces guides sont destinés à apporter à tous les acteurs qui participent à ces étapes

du processus d’évaluation d’impact sur l’envi ronnement une assistance concrète, fondée sur

l’expérience des pays d’Europe et d’ailleurs.

34. Au sujet du paragraphe 3 de l’artic le 5, le guide pratique indique ceci ⎯ et je pense que

ce passage résume bien la situation :

«Certains Etats membres ont choisi de rendre obligatoire l’examen de solutions
de remplacement dans le cadre des évaluati ons d’impact sur l’environnement, tandis
que d’autres préfèrent laisser au maître d’ouvrage la liberté de décider de la pertinence

de telles solutions dans le cadre de son projet. Il est toutefois communément tenu pour
une bonne pratique d’examiner les différe ntes solutions possibles au stade de la
planification du projet, de prendre en comp te leurs effets sur l’environnement au

moment d’en retenir une et de consigner les appréciations émises dans le cadre de
l’étude d’impact sur l’environnement. Les solutions de remplacement renvoient, en
substance, à d’autres voies ouvertes au maître d’ouvrage pour réaliser les objectifs du
projet : le maître d’ouvrage peut, par exemple, opter pour un autre type d’intervention,

choisir un autre site, adopter d’autres techniques ou modifier la conception du
projet.»126 [Traduction du Greffe.]

35. Voilà, donc, ce que dit l’Union européenne. Et je pense que vous conviendrez que c’est

là une nouvelle illustration de la large définition donnée à la notion de solutions de remplacement

aux fins des évaluations d’impact sur l’enviro nnement. Tous ces exemples, qu’il s’agisse du

PNUE, de la convention d’Espoo ou de l’Union europ éenne, vont dans le même sens. Il en va de

même en ce qui concerne la pratique de la Ba nque mondiale, mais à cette heure-ci, un jeudi

125
Guidance on EIA screening, 2001 [Guide pratique sur la sélection de s projets, 2001], disponible à l’adresse
suivante : http://ec.europa.eu/environment/eia/eia-guidelinges/g-screening-full-te….
126Guidance on EIA scoping, 2001 [Guide pratique sur la détermin ation du champ de l’évaluation, 2001],

par. B6.2, disponible à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/environment/eia/eia-guidelinges/g-scoping-full-text…. - 49 -

après-midi, je ne vais pas vous infliger un fastidie ux récapitulatif de cette pratique. Reste que, de

quelque point de vue que l’on se place, rien ne vient étayer la thèse de l’Argentine sur les autres

lieux d’implantation possibles. Dans tous ces cas, l’Etat est encouragé à adopter une démarche

pragmatique, régie par le bon sens. Il en ressort que l’évaluation d’impact sur l’environnement

n’est pas un processus mécanique, et certainement pas celui que l’Argentine voudrait vous voir

entériner. Envisager différentes solutions ne se résu me pas à désigner différents sites. Il s’agit de

trouver la solution qui sera écologiquement acceptable. Et c’est, je l’affirme, précisément ce qu’a

fait l’Uruguay en ce qui concerne l’usineBotnia. Il a examiné les différents processus et

technologies d’exploitation possibles à un stade précoce, afin de sélectionner un projet qui serait

bénéfique et durable sur le plan environnemental . Il ressort du dossier que Botnia a exposé ces

différentes options dans l’évaluation d’impact sur l’environnement. L’Uruguay a également

envisagé les possibles effets transfrontières de l’usin e à FrayBentos, et a conclu que le site était

parfaitement adapté : il n’y aurait aucun effet dommageable pour le fleuve ou pour l’Argentine 127.

55 Une fois ce dernier point clarifié, comme je l’ai dé jà dit, il n’était plus nécessaire, dans la pratique,

d’envisager d’autres lieux d’implantation possibles. C’est seulement si l’on avait démontré

l’existence d’un risque de préjudice réel pour le fleuve ou pour l’Argentine que l’Uruguay aurait

été tenu, à la lumière de la pratique détaillée ci -dessus, d’envisager d’autres sites possibles. Et

c’est précisément ce que l’Uruguay a affirmé tout du long : contraindre Botnia à envisager d’autres

emplacements possibles, une fois de plus, aura it été une entreprise parfaitement vaine. Cet

exercice n’aurait été nécessaire que si le site de FrayBentos s’était révélé inadapté. Ce qui n’est

pas le cas. Et cela, je le dis respectueusement, vient réduire à néant l’argumentation de l’Argentine

sur la question des autres lieux d’implantation possibles.

36. Avant de refermer définitivement le chapitre des évaluations d’impact sur

l’environnement, toutefois, il nous faut réagir brièvement à un autre argument ⎯ l’affirmation

selon laquelle les populations risquant de pâtir du projet en Argentine n’auraient pas été consultées.

Comme je l’ai déjà souligné, dans un précédent exposé, les Argentins ont en réalité eu la possibilité

de présenter des doléances au cours de l’audience publique qui s’est tenue à FrayBentos. Les

127
Rapport d’évaluation d’impact sur l’environnement de la DINAMA, CMU, vol. II, annexe 20. - 50 -

détails de cette audience ont été rapportés dans les documents d’information communiqués à la

commission interaméricaine des droits de l’homme, et consignés dans l’autorisation

128
environnementale préalable délivrée le14février2005 ⎯je me garderai de vous en infliger de

nouveau l’exposé.

37. L’Uruguay ne conteste pas un seul instant qu’une consultation publique fasse, et doive

faire, partie intégrante d’une évaluation d’impact sur l’environnement, comme cela a été le cas en

l’espèce. Il ne conteste pas davantage que les r essortissants argentins étaient fondés à participer,

sur une base non discriminatoire, aux audiences publiques tenues en Uruguay, et à présenter des

doléances écrites aux autorités compétentes, comme ils l’ont fait en l’espèce. Tel est, en substance,

ce que l’Uruguay a répondu à la commission interaméricaine, et tel est ce qu’il continue de penser à

ce sujet aujourd’hui. L’affaire Claude Reyes, sur laquelle MmeBoisson de Chazournes s’est

appuyée dans le courant de la semain e, n’a rien à voir avec le droit des populations riveraines

susceptibles d’être affectées * d’être dûment consultées, mais porte sur celui des ressortissants

concernés d’obtenir des autorités gouvernementales certains documents et éléments d’information.

Nous pouvons donc maintenant passer à la question de la surveillance. Je suis désolé de devoir y

revenir, mais il le faut pour réfuter les critiqu es, dépourvues de tout fondement, que l’Argentine a

renouvelées une fois de plus en début de semaine.

56 V. S URVEILLANCE

A. Approbation de la SFI

38. Ainsi que je l’ai exposé la semaine dern ière, la société Botnia et le Gouvernement

uruguayen se sont activement employés à assurer la surveillance environnementale de l’usine

Botnia de manière coordonnée 129. La Cour n’a aucune prévention à avoir sur la qualité de ce

programme, complet et intégré, que les experts techniques indépendants de la SFI ont approuvé à

plusieurs reprises et sans réserve 130.

128Mesures conservatoires, juin 2006, observations de l’Uruguay, vol. II, pièce jointe n 15, sect. 3.

* En français dans le texte.
129DU, par. 4.63-4.66.

130DU, par.4.67 et 4.73-4.74; troisième rapport EcoMetrix, mars2009, documents nouveaux produits par
l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S7, p. ES.ii-ES.iii et 1.2 (à propos de la «surveillance approfondie» menée à bien). - 51 -

39. Le rapport d’examen avant mise en service de la SFI indique que les différents aspects du

programme de surveillance se conjuguent pour form er un dispositif «extrêmement complet...et

[allant] au-delà des engagements identifiés dans l’étude d’impact cumulé» 13. De fait, après avoir

relevé que le programme prend en compte tous les paramètres nécessaires et suit des «protocoles

bien établis» 132, les experts de la SFI précisent que le plan de monitoring de l’usine Botnia est bien

plus complet que les programmes mis en Œuvre au Canada ou dans d’autres juridictions dotées

133
d’une réglementation stricte . Depuis que l’usine Botnia est entrée en service voici près de deux

ans, les experts indépendants de la SFI ont maint es fois réaffirmé qu’ils jugeaient ce mécanisme de

134
surveillance satisfaisant .

40. M. Wheater semble donc être la seule personne à ne pas être satisfaite de la manière dont

l’Uruguay contrôle la performance e nvironnementale de l’usineBotnia ⎯mais il ne faisait là

qu’exprimer une opinion personnelle. Les rares critiques qu’il ait expressément formulées à propos

de prétendus «incidents» de pollution sont contre dites par les éléments de preuve, voire par de

simples considérations de bon sens, et je ne ferai donc pas perdre à la Cour un temps précieux en le

démontrant point par point. Mais je voudrais pr endre quelques instants pour vous convaincre de

l’extrême rigueur du programme de surveillance de l’Uruguay.

57 B. Monitoring préopérationnel

41. Ce programme repose sur un monitoring préopérationnel très sérieux. La DINAMA a

ainsi surveillé la qualité des eaux sur une période de 15 mois 135 ⎯ et non les sept comptabilisés par

l’Argentine ⎯, et a demandé à Botnia de prolonger encore ce monitoring 136. Ces longs mois de

131DU, par.4.67 (citant le rapport d’examen avant mise en service de la SFI, novembre2007, DU, vol.III,
annexe 50, p. ES.iv).
132
DU, par. 4.67-4.68 (citant le rapport d’examen avant mise en service de la SFI , novembre 2007, DU, vol. III,
annexe 50, p. ES.iv).
133
DU, par. 4-67-4.72.
134
DU, par. 4.73-4.74 ; troisième rapport d’EcoMetrix, mars 2009, documents nouveaux produits par l’Uruguay,
30 juin 2009, annexe S7, p. ES.ii-ES.iii et 1.2.
135DINAMA, rapport de performance pour la première année de fonctionnement de l’usine Botnia et la qualité

environnementale de la zone d’influence, mai2009 (ci-après le «rapport de la DINAMA de mai2009 sur la qualité de
l’eau»), documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S2, app. I, p. 1/54.
136
Plan de gestion environnementale en matière d’exploitation de l’usine Botnia, app. 3 (plan de monitoring et de
suivi environnemental), 24septembre2007, DU, vol.II, annexe 41, p.6/66 (indiquant que Botnia a mené à bien un
monitoring préopérationnel d’avril2005 jusqu’à la mise en service de l’usine en novembre2007 ⎯soit une période de
plus de 18 mois). - 52 -

monitoring préopérationnel, portant plus particulièrement sur la pa rtie du fleuveUruguay la plus

proche de l’usine, venaient s’ajouter à quelque 15années de surveillance pl us générale sous la

137
houlette de la CARU au titre du programme PROCON . De sorte que c’est sur 16 ans, au total,

que s’est étendu le monitoring pr éopérationnel de la qualité de l’ eau du fleuve auquel l’Uruguay a

pris part. Que pourrait raisonnablement exiger de plus l’Argentine ?

C. Nombre de stations de prélèvement

42. Le programme de monitoring postopérati onnel de l’Uruguay s’appuie sur 16 stations de

prélèvement, toutes situées le long du fleuve Uruguay 138. Et l’usine Botnia prélève des échantillons

139
dans quatre autres stations, de sorte que leur total s’élève à 22 [sic] , soit plus du double du

chiffre (neuf) fixé dans le plan PROCEL, que tant l’Uruguay que l’Argentine avaient jugé suffisant

en novembre 2004 14.

D. Emplacement des stations de prélèvement

43. Sur 16 stations de prélèvement de la DI NAMA, trois sont situées à proximité immédiate

de l’usine Botnia, et les autres assez loin en amont ou en aval pour pouvoir raisonnablement servir

de points de contrôle. L’Uruguay a également mi s en place une station destinée à surveiller les

effets des rejets d’eaux usées de Fray Bentos. Ce dispositif d’ensemble permet donc à l’Uruguay

de surveiller l’incidence effective sur le fleuve de l’usine Botnia ⎯ pour autant qu’elle en ait une.

58 E. Fréquence des prélèvements d’échantillons

44. Et en ce qui concerne la fréquence de la surveillance effectuée par l’Uruguay, l’un des

sujets sur lesquels M. Wheater a particulière ment fait porter ses critiques, la DINAMA effectue

150% des analyses de la qualité de l’eau que l’Ar gentine considérait comme suffisantes dans le

137CMU, par.7.5-7.9 (indiquant que le programme PROCON a été élaboré en 1987 et mis en Œuvre
jusqu’en 2005).

138Rapport de la DINAMA de mai2009 sur la qualité de l’eau, op. cit., annexeS2, app.I, p.2-3/54, fig.2.1 et
tableau 1.
139
Plan de gestion environnementale en matière d’exploitation, app.3 (plan de monitoring et de suivi
environnemental), 24 septembre 2007, DU, vol. II, annexe 41, par. 2.2.2.2.
140 o
Rapport n 247 de la sous-commission chargée de veiloer à la qualité des eaux et à la prévention de la
pollution, 8-12 novembre 2004, approuvé dans le procès-verbal n 08/04 de la CARU, 12 novembre 2004; plan de suivi
de la qualité des eaux du fleuve Uruguay à proximité des usines de pâte à papier (ci-après «PROCEL»), CMU, vol.IV,
annexe 109, p. 1961. - 53 -

cadre du PROCEL 141 ⎯ soit 50 % de plus, j’insiste ⎯ et à une fréquence rigoureusement identique

à celle qu’avaient adoptée les scientifiques arge ntins chargés du chapitre 4 du rapport scientifique

et technique de l’Argentine 142. La DINAMA effectue également des prélèvements de sédiments à

une fréquence trois fois supérieure à celle qui est prescrite dans le cadre du PROCEL 143 ⎯ en

accord avec l’Argentine.

45. M. Wheater a également tort lorsqu’il a ffirme que le programme de surveillance de

l’Uruguay ne prévoit pas de surveillance en continu 14. Les effluents de Botnia seraient la source

directe de tous les changements liés à Botnia obser vés dans l’eau du fleuve Uruguay. Or ils font

l’objet d’une surveillance continue en ce qui conc erne certains paramètres essentiels, tels que la

conductivité 14. Ils sont reliés électroniquement à un système de «prévention des situations

146
d’urgence» et d’information en temps réel afin de permettre à Botnia et à la DINAMA de

reconnaître les éventuels changements importants d es caractéristiques des effluents, ce qui leur

permet à l’évidence de prendre des mesures prév entives lorsqu’elles s’aperçoivent qu’il y a une

141
PROCEL, op. cit., CMU, vol. IV, annexe 109, p. 1961 (établi ssant que les prélèvem ents d’échantillons
devaient être effectués quatre fois par an) ; plan de surveill ance de la DINAMA pour l’usine de cellulose de Fray Bentos,
DU, vol.IV, annexeR86, p. 12-40 (établissant que la DI NAMA doit effectuer six campagne s annuelles de prélèvement
pour contrôler la qualité des eaux).

142Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 4, p. 63 (établissant que le s scientifiques chargés de
l’élaboration du chapitre 4 du rapport ont effectué des prél èvements d’échantillons selon une fréquence bimestrielle entre

mai 2008 et janvier 2009).
143PROCEL, op. cit., CMU, vol. IV, annexe 109, p. 1961 (établissa nt que la surveillance des sédiments devait
être effectuée une fois par an) ; plan de surveillance de la DINAMA pour l’usine de cellulose de Fray Bentos (version 2,

mai2007), octobre2007, DU, vol. IV, annexeR86, app.B, pa r.B3 (établissant que la DINAMA doit effectuer des
prélèvements de sédiments trois fois par an).
144
Voir, par exemple, CR 2009/15, p. 26, par. 15 (Wheater).
145SFI, Examen avant mise en service, novembre2007, DU, vol. III, annexeR50, p.10. 3, tableau 10.1. Voir

également le plan de la DINAMA pour la surveillance des us ines de cellulose à Fray Bentos, avant-projet, août2006,
CMU, vol.II, annexe31, app.3 («Surveillance continue: vol ume, T, pH, conductivité» et «Surveillance continue des
paramètres de mesure grâce à l’information en temps réel»).
146
Plan de surveillance de la DINAMA pour les usines de cellulose de Fray Bentos, mai 2007, CMU, vol.II,
annexe39, par. 39 (expliquant qu’il y a un «accès à distance aux données de surveillance en temps réel»); plan de
gestion de l’environnement applicable à l’exploitation de Botnia, app. 5 (analyse de s risques environnementaux),
30juin2007, DU, vol.II, annexeR43, p.2, tableau 1 (expliq uant que si certaines limites sont atteintes, par exemple
«[s]’il y a une possibilité de dépassement des niveaux perm is, la production est réduite»); plan de gestion de

l’environnement applicable à l’exploi tation de Botnia, app. 6 (plan d’urge nce), 20 septembre 2007, DU, vol.II,
annexe R44, p. 21, par. 3.2.1 (établissant que, si la réduction de la production ne permet pas de normaliser les effluents, le
directeur de l’usine est légalement tenu d’en informer immédiatement la DINAMA). - 54 -

possibilité d’impact quelconque sur la qualité de l’ eau du fleuve. L’Argentine n’a proposé aucune

147
autre solution qui soit préférable à ce système intégré et pratique .

59 F. Portée de la surveillance

46. Et, contrairement encore aux allégations de M. Wheater, l’Uruguay a fait en sorte qu’une

surveillance approfondie de la qualité de l’ eau et des sédiments soit effectuée pendant

l’exploitation de l’usine Botnia. Alors que le PROCEL n’a prévu la surveillance que de

148
28paramètres pour l’eau et de six paramètres pour les sédiments , la DINAMA a exécuté point

par point l’intégralité de son plan de surveillance de la qualité de l’eau à 68 paramètres et de son

plan de surveillance de la qua lité des sédiments à 18paramètres 149. Elle a exigé de Botnia une

surveillance de la qualité de l’eau encore plus approfondie. En revanche, M. Wheater a raison

lorsqu’il affirme que Botnia s’est engagée à surveiller 72paramètres applicables à la qualité de

l’eau 150. C’est d’ailleurs exactement ce qu’elle a fait 151, et l’Argentine n’a fourni aucune preuve du

contraire 152.

147Voir CR 2009/15, p. 26-27, par. 15 (Wheater) (insinuant que l’Uruguay devrait surveiller l’eau du fleuve
Uruguay toutes les heures ou tous les jours afin de détecter les changements «pouvant durer quelques heures ou quelques
jours»). Voir également Standard Methods, 20 éd., 1999 (pour la DBO ) et le plan de surveillance de la DINAMA pour
l’usine de cellulose de Fray Bentos (version 2-mai 2007), oc t. 2007, DU, vol. IV, annexe R86, app.A, tableauA1

(établissant qu’il faut jusqu’à 5 jours pour effectuer l’analyse de certains paramètres de qualité de l’eau, tels que la 5BO
de sorte que les résultats issus d’une surveillance effectuée toutes les heures ou tous les jours seraient dépourvus de toute
signification).
148
PROCEL, op. cit., CMU, vol. IV, annexe 109, p. 1962.
149
Plan de surveillance de la DINAMA pour l’usine de cellulose de Fray Bentos (version 2-mai 2007),
octobre 2007, DU, vol. IV, annexe R86, p. 8-10/40 et 14/40, tableaux A1 et B1 (où certaines entrées correspondent à
plusieurs paramètres); DINAMA, mai 2009, rapport sur la qualité de l’eau, op. cit., documents nouveaux produits par
l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S2, tableaux de données relatives à l’eau ; rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau
de surface et des sédiments (rapport semest riel: janvier-juin2009), juillet 2009, annexe1 et 2, dont le texte original

espagnol peut être consulté à l’adresse
:/wtpw.mvotma.gub.uy/dinama /index.php?option=com_docman&Itemid=312. La traduction pertinente a
été communiquée à la Cour le 14 septembre 2009.
150
Plan opérationnel de gestion environnementale de Bo tnia, app. 3 (plan de surveillance et de suivi de
l’environnement), 24 septembre 2007, DU, vol. II, annexe R41, p. 7-11/66, tableau 1.
151
DINAMA, rapport semestriel des ré sultats du plan de contrôle des émissions et de la performance
environnementale de Botnia (11novembre2008-31 mai 2009), 22 juillet 2009 (ci-après le «rapport de la DINAMA de
juillet 2009 sur la performance de Botnia»), p. 4, par. 2, dont le texte originaespagnol peut être consulté à l’adresse
http ://www.mvotma.gub.uy/dinama/index.php?option=com_docman&Itemid=312. La traduction pertinente a été
communiquée à la Cour le 14 septembre 2009.

152Le fait que Botnia ne fournisse des données que sur six paramètres particulièrement importants (CR 2009/15,
p. 32-33, par. 28 (Wheater)) sur son site Internet ne prouve en aucun cas que la société n’a pas effectué le programme de

surveillance dans son intégralité. Botnia n’est pas tenue de communiquer au public l’intégralité des données issues de ses
prélèvements. - 55 -

47. Ainsi, la DINAMA a totalement respecté son obligation de faire en sorte que

l’exploitation de Botnia soit conforme aux prescriptions énoncées dans le cadre de l’autorisation de

l’usine. Botnia est en outre tenue de surveille r ses propres effluents. La DINAMA a démontré à

153
plusieurs reprises, par la voie d’audits et de rapports, que la société respecte ses obligations .

60 48. M. Wheater affirme également que le programme de surveillance de l’Argentine est

meilleur que celui de l’Uruguay parce qu’il correspond à ce qu’il a ppelle une approche

«écosystémique» 154. Mais il s’agit là d’une fausse comparaison, au dire même du conseil de

l’Argentine, puisque Mme Boisson de Chazournes vous a déclaré lundi que le programme de

surveillance de l’Uruguay était également fondé sur une approche écosystémique 155.

49. La surveillance effectuée par l’Uruguay co mporte une étude approfondie des organismes

aquatiques du fleuve. En ce qui concerne les poissons, l’Uruguay fait délibérément porter son

analyse sur les deux espèces les plus abondantes, dont les membres passent toute leur vie dans le

fleuve Uruguay et qui pouvaient par conséquent révéler av ec exactitude les changements

effectivement engendrés par l’usine Botnia 156. Même M.Wheater concède que l’étude de ces

populations de poissons par l’Uruguay donne lieu à une «analyse approfondie» 157. Par ailleurs,

l’Uruguay a délibérément choisi de ne pas considérer le sábalo, qui est au cŒur de l’étude de la

population de poissons menée par M. Colombo, car il s’agit d’une espèce migrante qui se nourrit et

158
se reproduit loin de l’usine, dans les eaux polluées du Río de la Plata et du fleuve Parana ⎯ leur

surveillance n’a donc pas grand intérêt. En d’autres termes, le choix du sábalo est totalement

inapproprié pour surveiller l’impact de Botnia sur l’environnement. D’ailleurs, M.Colombo a

153Rapport de la DINAMA de juillet 2009 sur la performance de Botnia, op. cit., p. 4, par. 2 («[c]inq inspections

et deux audits de la mise en Œuvre du plan de gesti on environnementale d’opération… ont été effectués» entre le
10 novembre 2007 et le 31 mai 2009. Aucune violation n’a jamais été enregistrée.)
154CR 2009/15, p. 28, par. 18 (Wheater).

155CR 2009/20, p. 28, par. 4 (Boisson de Chazournes) (affirmant que «toutes les évaluations environnementales
réalisées dans le cadre du proj et Botnia … auxquelles se réfère l’Uruguay de manière intensive reposent toutes sur une
approche écosystémique»).

156Voir le plan de surveillance de la DINAMA pour l’ usine de cellulose de Fray Bentos (version 2-mai 2007),
octobre 2007, DU, vol. IV, annexe R86, p. 23/40.

157CR 2009/15, p. 28, par. 18 (Wheater).
158
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 5, p. 3, 518 et 22; CR 2009/14, p.50, par.24
(Colombo) («Le chenal principal du fleuve Uruguay cons titue … une voie de migrati on pour plusieurs espèces de
poissons.»). - 56 -

lui-même constaté que cette espèce présente une contamination provenant d’autres sources, situées

159
loin de l’usine .

50. Peut-être ai-je donné un peu trop d’exempl es précis de la faiblesse des thèses soutenues

par M. Wheater, mais ces exemples démontrent également à la Cour l’excellence du programme de

surveillance de la performance environnementale de l’usine Botnia que supervise l’Uruguay. Les

experts indépendants de la SFI l’ont d’ailleurs c onfirmé à plusieurs reprises, et la comparaison

entre le programme de l’Uruguay et le PROCEL, auquel a consenti l’Argentine, met en évidence le

caractère plus qu’adéquat de ce programme.

51. Les critiques formulées par M.Wheater à l’encontre du programme de surveillance de

l’Uruguay se résument essentiellement à l’alléga tion selon laquelle l’Uruguay aurait négligé ou

61 aurait été incapable ⎯ je le cite ⎯ de «recherch[er] un quelconque lie n entre la détérioration de la
160
qualité des eaux et l’impact sur l’écosystème» . Mais la surveillance effectuée par l’Uruguay a

prouvé ⎯et les experts indépendants de la SFI l’ont confirmé ⎯ que l’usine Botnia n’a pas

d’impact négatif sur la qualité des eaux. C’est également ce que montrent les données sur la qualité

des eaux présentées par M. Colombo. Ainsi, il n’ y a pas de détérioration de la qualité des eaux à

laquelle imputer un impact sur l’écosystème, et on ne peut certainement pas reprocher à l’Uruguay

de ne pas avoir détecté ce qui n’existe pas.

52. Enfin, si les critiques de M.Wheater avaient une quelconque valeur, il serait très facile

de modifier et de renforcer le programme de surveillance, avec ou sans la coopération de

l’Argentine.

VI. P OLLUTION ET MODIFICATIONS DE L ’ÉQUILIBRE
ÉCOLOGIQUE DU FLEUVE

53. Nous en avons assez dit sur la surveillance. Arrivons-en maintenant aux articles 36 et 41

et aux arguments de l’Argentine concernant la pol lution et l’équilibre écologique du fleuve. Bien,

159J. C. Colombo, C. Bilos, M. R. Lenicov, D. Colautii, P. Landoni & C. Brochu, «Detritivorous fish
contamination in the Río de la Plata estuary : a critical a ccumulation pathway in the cycle of anthropogenic compounds»,
Can. J. Fish. Aquat. Sci. 57: 1139-1150, 2000, p. 1141 (qui fait étatla présence d’«impor tants composants de
contaminants organiques et de traces de métaux chez les sábalo du Río de la Plata» [traduction du greffe]). L’article peut
être consulté à l’adresse suivante :

:atricle.pubs.nrc-cnrc.gc.ca/RPAS/rpv?hm= HInit&afpf=f00-031.pdf&journal=cjfas&volume=57 (dernière
consultation le 30 septembre 2009).
160CR 2009/15, p. 28, par. 18 (Wheater). - 57 -

je commencerai par les questions simples. Premièrement, la po llution atmosphérique.

Mme Boisson de Chazournes, avec sa grâce habituelle, a esquissé un pas de tango autour du digeste

de la CARU ⎯ ainsi que l’on pouvait s’y attendre ⎯ et découvert que la définition de la «pollution

industrielle» englobait les émissions gazeuses. C’ est effectivement le cas. Mais il s’agit des

émissions gazeuses qui ont un impact sur le milieu aquatique et qui sont régies par l’article41

⎯c’est tout; il ne s’agit pas de pollution atmo sphérique en général, ni de pluies acides ou

d’odeurs transfrontières. Aucun de ces paramètres n’est encore réglementé par le digeste de la

CARU. Ni par le statut. Et l’Argentine n’a fourni encore aucune preuve ⎯ et n’a d’ailleurs

présenté aucun argument ⎯ établissant que les rejets atmosphé riques provenant de l’usineBotnia

polluaient d’une quelconque manière le fleuve lu i-même. Les éléments de preuve soumis par

l’Argentine portent essentiellement sur les odeurs à Gualeguaychú ⎯mais il ne s’agit pas du

fleuve. Le bon sens nous dirait que les cheminées industrielles ne sont généralement pas à l’origine

de la présence de phosphore dans les fleuves, mais l’Argentine est remarquablement évasive à

propos des autres polluants présents dans l’atmosphère qui ont été selon elle déposés dans le fleuve.

Et si les dépôts provenant de l’atmosphère n’ont pas altéré la qualité de l’eau d’après les normes de

la CARU, alors ils ne peuvent absolument pa s constituer une violation du statut. L’Uruguay

réaffirme que l’usine ne cause pas de polluti on atmosphérique propre à causer un dommage au

fleuve et que la thèse de l’Argentine concernant ladite pollution au-delà du fleuve ne relève pas du

champ d’application de l’article 60 du statut ni de la compétence de la Cour.

62 54. Passons à présent à l’article36. M.Sands a relu cet articlemais il pense encore qu’il

impose à l’Uruguay d’éviter toute ⎯il a insisté sur le terme anglais «any» ⎯ modification de

l’équilibre écologique. Eh bien, je pourrais me contenter de réitérer mon argument selon lequel le

sens ordinaire du texte, lu dans le contexte et à la lumière de son objet et de son but, vient

161
contredire cette interprétation . Mais examinons également le texte authentique espagnol de

l’article 36 : ce «any» ne semble pas y figurer, même en espagnol. Et nous pouvons examiner ce

texte original en regard de la traduction anglaise non officielle utilisée par M. Sands.

161
Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, art. 31. - 58 -

55. Voici la version espagnole ⎯ et j’espère que vous voudrez bien pardonner ma mauvaise

prononciation, je ne suis pas hispanophone: «L as Partes coordinarán, por intermedio de la

Comisión, las medidas adecuadas a fin de evitar la alteración del equilibrio ecológico …. [a fin de

evitar la alteración del equilibrio ecológico].» Il me semble plutôt évident que ce texte ne conforte

pas l’interprétation de M. Sands. On ne lit pas «c ualquier alteración», qui est l’expression que l’on

pourrait s’attendre à lire si le texte venait effectiement étayer l’interprétation de mon collègue.

Mais je ne m’éterniserai pas sur les langues vivantes.

56. Il n’en reste pas moins que l’article36 envisage, même aujourd’hui, que des mesures

soient prises par les deux parties: la «coordination» ⎯c’est le mot employé en anglais ⎯ des

mesures propres à éviter une modification de l’équilibre écologique. Et c’est ce qu’indique le statut

dans les trois langues. Or, c’est le point qui se mble avoir échappé à M.Sands. De par sa nature

même, elle fait partie des obliga tions qui ne sauraient être remplies que conjointement, et non de

celles qui imposent des engagements unilatéraux. L’Argentine n’a p as précisé ce que l’Uruguay

pourrait faire d’autre dans le cadre de cette coordination prévue pa r l’article36. Comme je l’ai

expliqué la semaine dernière, l’Uruguay a fa it acte de coopération en adoptant les règles

nécessaires dans le cadre du digeste de la CA RU. L’Argentine pourrait également souhaiter

rappeler que si les effluents de l’usine Botn ia sont capables de produire une modification

écologique, il en va de même des effluents de la zone industrielle de Gualeguaychú.

L’interprétation de l’article 36 par l’Uruguay a au moins le mérite de permettre aux deux parties de

déterminer l’importance des modifications, si modifications il y a, qu’elles sont prêtes à tolérer.

57. Troisièmement, je dirai quelques mots su r la charge de la preuve. Lundi (CR 2009/20),

mon cher ami M.Pellet a avancé devant la Cour l’ idée extraordinaire que le statut fait peser la

charge de la preuve à égalité sur les deux Parti es. J’ai eu beau lire le compte rendu avec une

certaine attention, à aucun moment M. Pellet n’a appuyé les observations qu’il a faites devant vous

63 sur une disposition du texte ou sur un raisonnement. Une lecture ordinaire du texte ne révèle aucun

élément qui puisse venir à l’appui de ce qui cons titue, comme la Cour ne manquera sans doute pas

de s’en rendre compte, une certaine exagération purement française. Eh bien.

58. Cela nous conduit, enfin, à la question du phosphore. Mardi, le conseil de l’Argentine a

fait référence au phosphore et fait valoir que l’Ur uguay n’avait pas respecté la directive sur la - 59 -

162
qualité de l’eau de l’Union européenne . Même si cette directive était applicable en l’espèce, ce

qui n’est pas le cas, elle n’est absolument d’aucu ne utilité pour l’Argentine. Il est vrai que la

directive prévoit l’élimination progressive de certaines substances dangereuses prioritaires, dont les

nonylphénols, quoiqu’elle ne les interdise pas tota lement. Mais, bien évid emment, l’usineBotnia

n’utilise pas de nonylphénols, un point sur lequel M. Reichler reviendra demain. Par ailleurs,

l’Argentine ne les réglemente pas, comme nous le savons, pas plus que la CARU. Si la directive de

l’Unioneuropéenne promeut également la réduc tion des polluants, dont le phosphore, elle

n’interdit pas l’introduction de nouvelles sources d’émission de phosphore. En revanche, elle exige

des Etats membres qu’ils coopèrent dans la g estion des bassins fluviaux transfrontières pour

contribuer à atteindre les objectifs de la directive. Ce qu’il faut, c’est donc des mesures conjointes,

sur une période assez longue, contre la présence de phosphore dans les fleuves transfrontières de

l’Union européenne. Cela rappelle fort quelque chose. L’Uruguay réglemente déjà le phosphore et

saurait gré à l’Argentine de coopérer avec lui pour réduire encore sa concentration. Mais je dois

dire que si la directive de l’Union européenne constituait le droit applicable en l’espèce, l’Uruguay

satisferait à ses dispositions, contrairement à l’Argentine.

59. L’Uruguay n’a jamais caché le fait que sa norme relative à la concentration de phosphore

dans l’eau est régulièrement dépassée, et que tel ét ait déjà le cas avant même la construction de

163
l’usine Botnia . On trouve cette information dans le contre-mémoire. La raison en est très

simple: comme M.McCaffrey nous l’a montré cet après-midi, la présence de phosphore dans le

fleuve Uruguay n’a rien à voir avec l’usineBotnia , mais a en revanche beaucoup à voir avec les

rejets venant d’Argentine, qui sont sans commune mesure avec ceux de Botnia.

60. Enfin, lundi, M.Sands nous a non seuleme nt dit que l’Argentine avait proposé que la

CARU adopte une norme concernant le phosphore, mais il a également indiqué que l’Uruguay

avait fait obstacle à cette proposition. Et, pour étayer ses dires, il a mentionné des sources diverses

qui ne figurent nulle part dans le dossier 16. Nous avons pu toutefois les retrouver et sommes à

162
CR 2009/21, p. 13, par. 5 et p. 30-32, par. 35-36 (Sands).
163CMU, par. 4.91-4.92.

164CR2009/20, p.30-31, par.35, notes de bas de page 36 et 37 (Sands). Tandis que l’Argentine continue de
s’appuyer obstinément sur des éléments de preuve qui ne font pas partie du dossier afin de conférer une certaine
crédibilité à ses prétentions, l’Uruguay serait heureux de soumettre les documents pertinents à la Cour, si elle le souhaite. - 60 -

64 présent en mesure d’affirmer sans équivoque que M. Sands se trompe doublement. Premièrement,

aucun délégué de l’Argentine n’a jamais proposé de normes sur le phosphore au sein de la CARU.

Deuxièmement, l’Uruguay n’a jamais fait barrage à une telle propos ition puisqu’elle n’existe pas ;

165
il ne pouvait pas la paralyser et il ne l’aurait pas fait . Voilà pour ce qui est de l’histoire en

carton-pâte. Mais quelle est la véritable histoire ?

61. Eh bien, ce que ces documents nous indiquent effectivement, lorsqu’on les lit, c’est que,

en avril 2005, la CARU ⎯ soit, juste pour mémoire, les délégations des deux Etats ⎯ a demandé à

166
ses conseillers techniques d’étudier la question du phosphore dans le fleuve . Les conseillers

techniques ont présenté le rapport demandé. Par dé finition, ces conseillers techniques de la CARU

ne sont nullement des membres de la délégati on argentine, malgré ce que M.Sands aurait voulu

167
vous faire accroire . En outre, ils ne proposent nulle part dans ce document d’établir une norme

de la CARU sur le phosphore. Dès lors, même s’ ils étaient membres de ce tte délégation, cela ne

ferait aucune différence. Qu’est-il donc ressor ti de ce fameux rapport ? Une proposition visant à

évaluer plus avant les sources de phosphore dans le fleuve, laquelle a été adoptée par la CARU 168.

Cet exercice n’a pas abouti à grand-chose d’autre.

62. Le temps a passé jusqu’à ce que, un an plus tard, à en croire M. Sands, l’Uruguay bloque

une autre proposition de l’Argentine concernant la réglementation du phosphore. Selon lui, cette

proposition s’inscrivait dans une autre, plus large, permettant à la CARU d’«adopter une approche

écologique globale à l’égard de ses activités» 16. Une partie de cette a ffirmation est effectivement

correcte. L’Uruguay a bien rejeté la proposition dans son ensemble, car les amendements proposés

dépassaient l’autorité dont dispose la CARU au re gard du statut. Cela dit, même cette proposition

ambitieuse ne contenait pas, en fait, la moindr e mention de cette prétendue norme relative au

phosphore. Par conséquent, l’Uruguay n’a pas rejeté une proposition visant à réglementer le

165
Procès-verbal 05/2005 de la CARU, cité dans le CR 2009/21, p. 30, par. 35, note de bas de page 36 (contenant
un rapport technique préparé par le secr étaire technique de la CARU, proposan t une autre évaluation des sources de
phosphore dans le fleuve); procès-verbal 07 /2006 de la CARU, cité dans le CR 2009/21, p.30, par.35, note de bas de
page37 (contenant une référence à la proposition de l’Argen tine en vue d’un monitoring élargi mais pas de proposition
concernant une norme sur le phosphore).
166
Procès-verbal 05/2005, cité dans le CR 2009/21, p. 30, par. 35, note de bas de page 36.
167
Procès-verbal 07/2006, cité dans le CR 2009/21, p. 30, par. 35, note de bas de page 37.
168Ibid.

169CR 2009/21, p. 30-31 (Sands). - 61 -

phosphore, il a rejeté une proposition visant à réécrir e le statut de 1975 et les responsabilités de la

CARU ⎯ il s’agit là de deux choses totalement différentes. Et nous avons cherché partout dans les

éléments de preuve soumis par l’Argentine, sans cependant trouver la moindre proposition

65 d’adopter une norme sur le phosphore. Ce n’est probablement pas surprenant, puisque l’Argentine

n’en a elle-même jamais adopté aucune, comme M. McCaffrey vous l’a indiqué; la seule chose

que nous avons retrouvée est une proposition des c onseillers techniques préconisant d’évaluer le

170
taux de phosphore, évaluation qui était déjà en cours .

63. Dans ces conditions, les actions par les quelles l’Uruguay a permis le déversement de

phosphore dans le fleuve ne sauraie nt être qualifiées de violations du statut de1975 ni du droit

uruguayen. L’Argentine n’a d’ailleurs pas davant age démontré que le fleuve en a pâti d’une

quelconque façon ⎯son seul élément de preuve concret se limite à la prolifération d’algues du

4février. Mais de telles proliférations ne sont pas la preuve d’une altération écologique ⎯ elles

surviennent et disparaissent, constituant une car actéristique durable et normale du fleuve.

L’Argentine n’a pas démontré que cette pro lifération particulière ait causé un quelconque

préjudice. Compte tenu des autres éléments de preuve que l’Argentine a produits, on se serait

attendu au moins à quelques photographies de poissons morts. Ici-même, le bassin de la Cour

connaît actuellement une prolifération d’algues, cr oyez-moi, mais les poissons sont toujours bien

vivants. Ils l’étaient en tout cas à 14h45 cet après-midi ⎯de même que les septvilains petits

canards.

64. Bien, je pense m’être suffisamment exprimé sur la question du phosphore, permettez-moi

donc de conclure.

VII. C ONCLUSIONS

65. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, vous avez entendu dire que les usines de

pâte à papier sont par nature dangereuses. Tel est peut-être le cas de certaines usines anciennes,

mais cette usine de pâte à papier-là, en cet em placement-là, semble fonc ièrement inoffensive et

sûre, pour autant qu’elle soit correctement surveillée et les autorisations, respectées. Telle était la

conclusion initiale de la DINAMA. Et l’ensemble de s éléments de preuve qui vous ont été soumis

170Procès-verbal 07/2006 de la CARU, rapport 264 de la sous-commission dela qualité des eaux et de la

prévention de la pollution, p. 02442, cité dans le CR 2009/21, p. 31, par. 35, note de bas de page 37. - 62 -

confortent cette opinion. Les éléments de preuve montrent également que l’usine est correctement

surveillée et que toutes les conditions sont réuni es pour que les autorisations soient appliquées;

elles l’ont été jusqu’ici et le seront à l’avenir.

66. L’Argentine reproche à l’Uruguay d’avoir fa it preuve de négligence et de ne pas avoir

bien maîtrisé les questions scientifiques, notamment les plus importantes comme le débit du fleuve,

l’évaluation d’impact sur l’environnement et la surveillance. Mais les éléments présentés par

l’Uruguay lui-même montrent que toutes les questions importantes ont été pleinement comprises et

soigneusement analysées, à l’avance et au moment opportun. En matière de surveillance, les

données dont dispose l’Uruguay sont plus complètes, plus fiables, et basées sur des données de

référence couvrant une période bien plus longue que celles de l’Argentine. Les éléments

scientifiques de l’Argentine ont davantage servi la cause de l’Uruguay. L’Argentine n’a réussi à

66 identifier aucun préjudice réel ni aucun risque r éel de préjudice. Elle s’est bornée à spéculer sur

des effets pouvant être associés à l’usine, mais sans l’ombre d’une preuve. La Cour peut et doit

s’en tenir au bon sens pour évaluer les éléments de preuve, mais M.Reic hler s’exprimera plus

longuement sur ce sujet demain.

67. L’Argentine a également invoqué le princi pe de précaution mais, franchement, elle n’a

fait aucun effort réel, que ce soit cette semaine ou lors de son premier t our de plaidoiries, pour

démontrer le moindre risque de préjudice grave ou irréversible justifiant l’application de ce

principe. Comme je l’ai expliqué à la Cour la semaine dernière, l’Uruguay s’est assuré qu’il n’y

avait aucun risque de préjudice grave ou irrévers ible en exigeant le recours à une technologie

moderne employant des techniques de réduction des déchets, et des processus visant à supprimer

les polluants organiques persistants et autres subs tances toxiques, conformément à l’agenda21 de

la conférencedeRio. L’Uruguay a fait tout ce qu’un gouvernement diligent devait faire en

l’occurrence pour évaluer, supprimer et réglem enter le risque de pollution ou de préjudice

écologique, comme en témoignent l’absence de pollution ou de préjudice, la conformité

systématique aux normes relatives à la qualité de l’ eau de la CARU et le respect des articles36

et41 du statut. Mais M.Reichler s’exprimer a plus longuement sur les éléments de preuve

concernant ces questions demain. - 63 -

68. Enfin, on s’est plu à vous dire qu’il s’agit là d’une affaire importante en matière

d’environnement, mais cela nous paraît à tous une évidence. L’Uruguay a cherché tout au long de

cette procédure à suivre et à promouvoir une vision cohérente du droit international de

l’environnement — une vision qui reflète le consensus auquel sont parvenus les Etats développés et

en développement à Rio en 1992, et que la Co mmission du droit international a développée par la

suite, de même que l’Organisation des Nations Unies dans d’autres contextes. C’est pourquoi

l’Uruguay n’a pas choisi une lecture restrictive du statut de 1975, même si, sur certaines questions,

comme bien évidemment l’évaluation de l’impact sur l’environnement, les dispositions du texte

constituent une base bien ténue. Au cŒur du cons ensus de Rio se trouve bien entendu le concept

de développement durable, l’accent étant mis su r la nécessité d’intégrer développement

économique et protection de l’envi ronnement. L’équilibre recherché par ce concept est également

reflété dans le projet d’articles de la CDI sur la prévention des dommages transfrontières et dans la

convention des NationsUnies sur les cours d’eaux internationaux. Il est regrettable que cet

équilibre n’apparaisse pas dans les arguments avancés par l’Argentine. On peut se demander

quelle vision du droit international de l’environnement motive la pa rtie adverse, mais elle ne

s’appuie certainement pas sur des fondements so lides ou largement accep tés dans la société

67 internationale contemporaine. Et elle ne s’appuie pas non plus sur la jurisprudence de la Cour ni

sur les conclusions de la Commission du droit inte rnational. L’Uruguay ne doute pas que la Cour

se soucie autant que lui de la protection de l’e nvironnement. Comme cette affaire l’a encore une

fois montré, l’environnement n’est certainement pas une abstraction.

69. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, ce fut un honneur pour moi de m’adresser à

vous au nom de l’Uruguay et je vous remercie de votre patience et de votre attention.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Je remercie M.Boyle de sa

présentation. L’audience est à présent levée et les audiences reprendront demain matin à 10 heures.

L’audience est levée à 17 h 50.

___________

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