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MASI
CR 2007/25 (traduction)
CR 2007/25 (translation)
Mercredi 14 novembre 2007 à 10 heures
Wednesday 14 November 2007 at 10 a.m.
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Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte et je donne la parole à M. Crawford pour qu’il poursuivre son exposé d’hier.
M. CRAWFORD : Je vous remercie, Monsieur le président.
LE SULTANAT DE JOHOR ET SON TITRE ORIGINEL SUR PULAU BATU PUTEH (PBP)
La «théorie Pellet»: un trou petit mais crucial dans un fromage plus grand
1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’ai montré hier que, sous le règne du sultan Hussein, du temenggong Abdul Rahman et de leurs successeurs, le Sultanat de Johor n’avait cessé d’exister tout au long de la période pertinente, et que sa continuité avec le Johor du XXe siècle avait été reconnue à la fois par la Grande-Bretagne et, plus tard, par Singapour elle-même. Un élément crucial est que la théorie du sultanat évanescent n’est pas celle qui fut adoptée par le colonisateur en fait, la Grande-Bretagne.
2. J’en viens maintenant à la théorie exposée par M. Pellet, à savoir que, s’il peut certes avoir existé sur l’île proprement dite de Singapour et alentour, le Sultanat de Johor ne s’étendait cependant pas aux îles situées au-delà de 3 milles marins du continent et, en particulier, ne s’étendait pas aux trois formations situées à l’entrée orientale du détroit.
3. Cet argument appelle une observation liminaire. Dans son mémoire puis dans son contre-mémoire, Singapour s’était gardée de prétendre que PBP était terra nullius. Elle n’avait pas glissé une seule fois l’expression «terra nullius» ! C’est seulement dans sa réplique que Singapour a suggéré que, en 1847, PBP avait le statut de terra nullius, expression qu’elle a beaucoup utilisée la semaine dernière. Surtout, M. Brownlie a admis que «[l]’expression «possession légale» est synonyme de l’occupation effective d’une terra nullius»1. Le principal pilier de la thèse de Singapour est donc sa théorie de la terra nullius. Il est permis de souligner combien cette théorie contraste avec la position qui était initialement, en 1978, celle de Singapour, à savoir que cette dernière détenait une forme de titre documentaire ⎯ ce qui est totalement incompatible avec l’occupation d’une terra nullius. L’Attorney-General a traité ce point hier.
1 CR 2007/21, p. 43, par. 44 (Brownlie).
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4. Dans sa réplique, Singapour défend sa réticence extrême à fonder sa prétention sur l’argument de la terra nullius, déclarant :
«Il est évident que, en 1847, Pedra Branca était terra nullius… Du point de vue judiciaire, il était nécessaire d’attendre pour savoir si la Malaisie satisferait au critère approprié pour établir son prétendu «titre originaire» ⎯ Singapour n’avait pas à devancer et à réfuter la thèse malaisienne dans son mémoire.»2
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Comme la Cour ne le sait malheureusement que trop bien, les conseils n’ont encore jamais reculé à l’idée d’énoncer une évidence. Et s’il est compréhensible qu’une partie n’expose pas pleinement sa thèse dans son mémoire, le fait de ne pas exposer le fondement de sa prétention avant la réplique semble toutefois dénoter une légère paranoïa ⎯ si tant est qu’il soit possible d’être légèrement paranoïaque. Force est de présumer que Singapour ⎯ qui connaissait parfaitement la thèse de la Malaisie compte tenu des échanges formels écrits et oraux qui avaient eu lieu au début des années quatre-vingt-dix ⎯ ne voulait pas opposer à l’analyse écrite de la Malaisie les propositions de rechange qu’elle défend désormais : soit le Johor ne détenait aucun titre sur les îles inhabitées du détroit, soit les trois formations se trouvaient au sein de la sphère néerlandaise. La première proposition est contredite de manière flagrante par le traité Crawfurd et par la manière dont ont été ensuite traitées les îles du Johor, comme je vais le montrer. La seconde proposition ne cadre ni avec les termes du traité anglo-néerlandais, ni avec la pratique ultérieure des parties à ce traité, ainsi que mon confrère Nico Schrijver le fera apparaître dans peu de temps.
5. Toutefois, la Cour doit naturellement examiner la thèse que Singapour plaide aujourd’hui, et celle-ci plaide désormais en invoquant la notion juridique d’occupation, telle que la Cour l’a définie dans son avis sur le Sahara occidental. Cela exclut l’idée que le territoire concerné, PBP, appartenait déjà à un tiers.
6. Concernant le titre originel, il convient de distinguer trois questions : premièrement, PBP était-elle terra nullius au début du XIXe siècle ? Deuxièmement, dans la négative, à quelle entité appartenait-elle ? Troisièmement, quel était le statut de cette entité en droit international aux époques pertinentes ? Voilà selon moi les trois questions qu’il vous faut trancher, et je les examinerai tour à tour.
2 RS, par. 3.3-3.4.
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Première question : Pulau Batu Puteh n’était pas terra nullius
7. Comme les Parties s’accordent à le reconnaître, le critère à appliquer pour déterminer si un territoire donné est terra nullius a été formulé par la Cour dans son avis sur le Sahara occidental ⎯ je cite :
«Quelles qu’aient pu être les divergences d’opinions entre les juristes, il ressort de la pratique étatique de la période considérée que les territoires habités par des tribus ou des peuples ayant une organisation sociale et politique n’étaient pas considérés comme terra nullius. On estimait plutôt en général que la souveraineté à leur égard ne pouvait s’acquérir unilatéralement par l’occupation de la terra nullius en tant que titre originaire, mais au moyen d’accords conclus avec des chefs locaux.» (Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 39, par. 80.)
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La Cour a ajouté que le territoire en question, quoique peuplé de manière éparse, «était habité par des populations qui, bien que nomades, étaient socialement et politiquement organisées en tribus et placées sous l’autorité de chefs compétents pour les représenter» (ibid., p. 39, par. 81). Elle a également prêté attention au fait que l’Espagne n’avait jamais agi en estimant pouvoir acquérir la souveraineté au Sahara occidental par une occupation pure et simple, passant au contraire des arrangements avec les chefs locaux (ibid.).
8. Célèbre à juste titre, ce passage de votre avis appelle trois observations.
1) La première concerne le thème de l’universalité du droit international, que M. Pellet a lui aussi évoqué mais pour défendre une autre position. Tant la population du Sahara occidental que celle du royaume du Maroc ⎯ en dépit de leurs propres traits distinctifs et croyances sur les plans religieux et culturel ⎯ relevaient pleinement du droit des gens. Rudyard Kipling aurait certes pu dire «l’Est est l’Est et l’Ouest est l’Ouest»3, mais le droit international n’est l’apanage ni de l’ouest, ni de l’est. L’avis relatif au Sahara occidental réfute de manière décisive l’idée, qui avait cours chez certains contemporains de Kipling, selon laquelle le droit international aurait purement et simplement été le droit du colonisateur, servant ce que John Westlake a appelé la «civilisation blanche»4, et que l’«autre», du point de vue anthropologique ⎯ les
3 Rudyard Kipling, «The Ballad of East and West», The Complete Verse (Londres, Kyle Cathie, 2002), p. 187.
4 Voir, par exemple, J. Westlake, Collected Papers, p. 139 et 145.
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sociétés d’Asie et d’Afrique ⎯, aurait nécessairement eu un statut inférieur sinon inexistant. Le droit international n’est ni blanc ni noir. Il s’ensuit que le titre originel, bien qu’il puisse voir le jour dans des systèmes sociaux distincts ayant leurs propres valeurs et allégeances, constitue un titre juridique tout autant que n’importe quel autre.
2) Deuxième point : d’aucuns suggèrent parfois que la Cour serait revenue sur sa position adoptée en l’affaire du Sahara occidental dans des affaires contentieuses ultérieures. Rien, toutefois, ne vient confirmer l’existence d’un tel revirement et Singapour ne l’a pas laissé entendre ⎯ du moins pas par la voix de M. Pellet. Le passage dont je viens de donner lecture ne traduit pas une sorte de droit édulcoré qui serait réservé aux avis consultatifs ⎯ l’affaire était elle-même très contentieuse, comme la Cour s’en souviendra. Quoi qu’il en soit, le droit que la Cour énonce dans l’exercice de sa compétence consultative vaut tout autant que celui qu’elle formule dans les affaires contentieuses, et fait tout autant autorité ⎯ même si, dans certains avis consultatifs, il se peut que la Cour ne dispose pas de tous les faits pertinents (cf. Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 263, par. 97 et p. 266, par. 105 E)).
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3) Troisièmement, il sera rappelé que, dans l’affaire du Sahara occidental, deux questions étaient posées. La première était celle de savoir si le territoire concerné était terra nullius à l’époque pertinente : la Cour conclut unanimement que tel n’était pas le cas. La seconde était celle de savoir si les liens juridiques existant entre le Maroc et le Sahara occidental étaient de nature à empêcher la population du territoire concerné d’exercer le droit à l’autodétermination proclamé par l’Assemblée générale. Cette seconde question ne se pose évidemment pas ici, dans le cas d’une île inhabitée ⎯ il ne fait aucun doute que les gardiens de phare ont des droits, mais ils n’ont pas celui à l’autodétermination ! En outre, l’affaire du Sahara occidental ne présentait aucune analogie avec le traité anglo-néerlandais de 1824, qui scinda l’ancien Royaume de Johor en deux sphères distinctes, clairement délimitées ⎯ mon confrère Nico Schrijver en dira davantage sur ce point tout à l’heure.
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9. La question est donc la suivante : PBP était-elle terra nullius au sens du critère exposé dans l’affaire du Sahara occidental ? Singapour peut penser que la réponse est naturellement affirmative5, nous pensons qu’elle est naturellement négative, ce pour au moins trois raisons.
10. La première raison est que PBP était connue et utilisée depuis des siècles. Etant un petit groupe de rochers inhabités plus réduit qu’un terrain de football ⎯ j’ai remarqué que l’un des rochers était nettement hors-jeu sur l’image projetée hier ⎯, situé dans le voisinage d’autres îles et rochers habités plus importants, l’on aurait pu s’attendre à ne trouver aucune mention d’elle dans les documents historiques. Tel n’est pas le cas. PBP est désignée nommément sur les cartes les plus anciennes de la région et y figure comme faisant partie du Johor.
11. A l’onglet 42 de votre dossier se trouve la carte la plus ancienne dont nous disposons ⎯ elle date de 15956. Cette carte montre PBP très clairement. Située entre l’île de Bintan et la péninsule malaise, l’île est désignée par son nom portugais, ce qui n’a rien d’étonnant puisque la carte est portugaise. Un autre élément à noter, au sujet de cette carte, est le nombre considérable d’établissements qui sont marqués par leur nom. Nous n’avons pas affaire au Sahara occidental.
12. La carte suivante est une carte marine de 1703 établie par John Thornton, un hydrographe anglais de la Compagnie des Indes orientales et de la compagnie de la baie d’Hudson7. Elle situe Pedro Branco à l’entrée du détroit de Sincapura. Elle donne le résultat des sondages, la hauteur de fond entre PBP et Point Romania d’un côté et Byntang de l’autre. Combien d’îles ayant fait l’objet de sondages minutieux étaient-elles terra nullius ? On voudrait nous faire croire que, à l’heure du déjeuner, les sondeurs avaient pour habitude de faire irruption sur les côtes, de hisser le drapeau, de tirer un coup de canon et de reprendre leur sondage dans l’après-midi, avec la certitude d’avoir étendu le domaine de leur souverain.
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13. Prenons l’onglet 44 ⎯ c’est une carte de 1732 établie par un autre Anglais, Alexander Hamilton. Cette carte revêt une importance particulière car elle est présentée comme une carte des domaines du Johor, de Sumatra et des îles voisines8. Vous constaterez qu’elle situe la
5 RS, par. 3.3.
6 CMS, carte 1.
7 John Thornton, «A Large Chart Describeing Ye Streights of Malacca and Sincapore» (1703) : CMS, carte 5. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 43.
8 MM, carte 2. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 44.
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formation dénommée «Pedrobranco» au large de la péninsule baptisée «Johore» et du point dit «Pt Romar», qui correspond manifestement à Point Romania. En dressant sa carte des domaines du Johor, Alexander Hamilton y inclut PBP en la désignant clairement par son nom.
14. La carte suivante est la carte marine du détroit établie en 1755 par Bellin. Elle contient plus de détails que la carte de Thornton de 17039. Là encore, sont indiquées les hauteurs de fond entre PBP et Point Romania. Figurent également sur cette carte des vues du mont Barbucet et de Point Romania, une carte qui illustre non seulement l’importance de PBP pour la navigation, mais aussi la proximité de ces formations entre elles. PBP était une aide à la navigation indispensable pour négocier l’entrée dans le «détroit du gouverneur», pour reprendre son nom de l’époque. Le lien étroit qui unissait PBP et Point Romania sur le plan de la navigation ressort également d’autres cartes de la même période10. Si ⎯ comme l’affirme Singapour — PBP était de toute évidence terra nullius, elle devait être la terra nullius la plus célèbre au monde.
15. La deuxième raison pour laquelle PBP ne saurait avoir été alors terra nullius réside dans la profusion des éléments de preuve attestant que, comme d’autres îles des environs, PBP était largement utilisée et fréquentée «par des tribus ou des peuples ayant une organisation sociale et politique». Selon les ouvrages portugais de l’époque, PBP fut beaucoup utilisée par la population indigène dès 1552. Joao de Barros, un agent de la Compagnie portugaise des Indes orientales qui avait été chargé par le roi du Portugal d’écrire une histoire des Portugais dans les Indes orientales, relate :
«En cabotant, il pénétra dans le détroit de Singapour… Il découvrit que la côte s’incurvait quelque peu… Parvenu à l’île dite de Pedra Branca, très prisée des navigateurs de ces contrées, il se dirigea vers celle que les indigènes ont baptisée … Pulugaia.»11 (Les italiques sont de nous.)
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9 MM, carte 3. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 45.
10 Voir, par exemple, la carte intitulée «Le détroit de Sincapore et ceux de Drion, Sabon, Mandol (etc.) ainsi que la partie sud du détroit de Malacca, améliorée et corrigée grâce aux observations des capitaines John Hall du Worcester, J. Lindsey, Elmore et d’autres navigateurs, Londres, publiée par Laurie & Whittle Fleet Street, 1er janvier 1799» : CMS, carte 6. Voir également la carte de 1803 de William Heather : CMM, carte 3 ; voir en outre MM, atlas cartographique, cartes 4, 5 et 6.
11 CMM, par. 19. CMM, vol. 3, annexe 7.
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16. Outre son utilité sociale ⎯ comme repère et aide à la navigation ainsi que lieu de pêche ⎯, elle faisait aussi l’objet d’une organisation politique. PBP est désignée comme appartenant au territoire du sultan de Johor dans la note diplomatique néerlandaise de 1655 que j’ai évoquée hier. L’appréhension des Néerlandais quant à la réaction négative du sultan et la réponse que fit effectivement ce dernier montrent bien que PBP faisait partie du territoire du Johor.
17. J’insiste sur le fait que le critère énoncé par la Cour dans l’affaire du Sahara occidental n’exige pas que chaque parcelle de territoire soit à tout moment habitée sous peine d’être considérée comme terra nullius. Après tout, les populations du Sahara occidental étaient nomades, comme vous l’avez relevé. La théorie de la terra nullius sous forme de fromage suisse ⎯ je note que M. Pellet veut attribuer le fromage à la France ⎯ signifierait que n’importe quelle tierce partie expansionniste pourrait tout bonnement trouver un rocher ou îlot à plus de 3 milles au large des côtes, en revendiquer la possession légale et, ainsi, mettre la stabilité de la région en péril.
18. Voilà qui m’amène à mon troisième point. Rien ne prouve que ni la Grande-Bretagne ni les Pays-Bas, les puissances colonisatrices concernées, aient jamais agi sur cette base. Singapour est «plus royaliste que le roi», ou peut-être devrais-je dire «plus colonialiste que le colonisateur». Le secteur cédé par le Johor dans le traité Crawford comprenait l’ensemble des «eaux, détroits et îlots adjacents sur une distance de 10 milles géographiques» à partir de l’île principale de Singapour12. De toute évidence, ces formations n’étaient pas considérées comme étant terra nullius. Les Néerlandais reconnurent la validité de cette cession. Sur une autre côte de la région, le traité d’amitié et de commerce de 1847 conclu entre la Grande-Bretagne et le sultan de Bornéo au sujet de la cession de l’île de Labuan portait lui aussi cession d’îles situées dans un rayon de 10 milles géographiques13. La pratique des Etats dans la région ne suivait absolument pas la théorie de la terra nullius à 3 milles. La sentence Ord de 1868 ⎯ qui fut rendue par le gouverneur des Etablissements des détroits ⎯ avait trait à la souveraineté sur certaines îles de la mer de Chine méridionale et s’étendait à des îles situées bien au large14.
12 MM, annexe 6, art. II.
13 CMM, annexe 21.
14 MM, par. 87. MM, vol. 3, annexe 86.
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19. Singapour soutient que les Britanniques chargés de choisir l’emplacement du phare Horsburgh savaient ce qu’il en était «de la question du titre et savaient bien quelles îles appartenaient au Johor», et qu’ils «ne considéraient pas que le Johor détenait un titre sur Pedra Branca»15. La raison avancée est que PBP se trouve à plus de 3 milles marins de la côte.
20. Or, aucun des éléments versés au dossier ne vient corroborer la thèse singapourienne des 3 milles. Celle-ci est de toute évidence dénuée de pertinence en ce qui concerne l’étendue du territoire cédé par le traité Crawfurd. Nul n’en fit jamais mention dans l’abondante correspondance à laquelle donna lieu la nécessité de choisir entre Peak Rock et PBP. Et, ainsi qu’il ressort de la sentence Ord, le Johor, au XIXe siècle, se composait de nombreuses îles, habitées et inhabitées, situées à plus de 3 milles marins de la côte ⎯ Pulau Tinggi en constitue un exemple.
21. En outre, ainsi que le montrera mon collègue Marcelo Kohen, la Grande-Bretagne chercha à obtenir le consentement des autorités du Johor en ce qui concerne l’île même de PBP. Si les Britanniques avaient effectivement considéré PBP comme terra nullius, l’on peut se demander pourquoi ils n’en firent nulle part état à l’époque, sachant que Pedra Branca fut d’emblée au coeur de ces délibérations.
22. Pour toutes ces raisons, force est de conclure que PBP n’était pas terra nullius.
Question 2 : Pulau Batu Puteh faisait partie du Johor
23. J’en viens maintenant à ma deuxième question. A quelle entité territoriale de la région PBP appartenait-elle, si elle n’était pas terra nullius ? Réponse : au Johor.
24. C’est ce qui ressort en effet de chacune des nombreuses descriptions que l’on trouve dans les documents d’époque, avant comme après 1828. Je les passerai en revue rapidement : elles figurent dans le dossier de plaidoiries et apparaîtront à l’écran.
15 RS, par. 3.5.
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1) Ecoutons tout d’abord une voix venue directement de l’ancien Johor : Engku Muda, dont les propos ont été recueillis dans un manuscrit non publié du Johor, cité par Winstedt, lui-même cité par Trocki. Le contexte est celui d’un litige sur la préséance ⎯ il semble y en avoir eu en ces temps, mais n’est-ce pas la nature humaine ? Engku Muda, qui voulait être Raja Muda ⎯ c’était un des titres de l’empire ⎯ affirmait16 :
«Si je ne peux être Raja Muda [il avait rang de temmenggong], je ne veux pas de titre. Mais tous les îles et îlots et le Johor sont sous mon autorité, et Pahang appartient sans contredit à mon «père» Dato’ Bendahara Abdu’l-Majid : car de nos jours, le sultan ne se soucie plus des Malais, mais vit à Linga et cède Riau au Raja Muda.»
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Vous aurez relevé, dans les querelles dynastiques qui devaient se faire jour par la suite, une part de conflit entre les Malais vivant au nord du détroit, dont faisait partie Engku Muda, et des non-Malais ⎯ disons-le comme ça ⎯, ou, en d’autres termes, un certain nombre d’autres groupes vivant au sud. Cet aspect joua un rôle dans la suite des événements. En tout état de cause, l’importance de la citation tient à la référence qu’elle contient à «tous les îles et îlots».
2) Prenons maintenant un exemple de l’époque coloniale. Voici ce qu’écrivait sir Stamford Raffles en 182317 :
«Les établissements européens sur les côtes de Sumatra et de Bornéo sont de simples comptoirs commerciaux et l’intérieur de ces grandes îles n’a jamais connu les effets d’une présence européenne. Une grande partie de ces côtes et l’ensemble des petites îles ainsi que les Etats de la péninsule malaise sont exclusivement sous autorité indigène.»
Voilà pour Raffles.
Passons à Crawfurd. Nous sommes en 1824, l’époque de la conclusion du traité anglo-néerlandais.
3) Lettre du 10 janvier 1824 adressée au gouverneur général de l’Inde par Crawfurd18
«Cette principauté [le Johor] s’étend, sur le continent, de Malacca jusqu’à l’extrémité de la péninsule sur les deux côtes. Elle comptait plusieurs établissements sur l’île de Sumatra, et comprenait toutes les îles sises au débouché du détroit de Malacca ainsi que toutes celles des mers de Chine, jusqu’aux Natuna au point 4° de latitude nord et 109° de longitude est.»
16 Official Record No 37, p. 30. Windstedt, p. 63, citant des propos tenus par Engku Muda à la fin du XVIIIe siècle. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 46.
17 CMM, vol. 3, annexe 8. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 47 ; les italiques sont de nous.
18 C. B. Buckley, An Anecdotal History of Old Times in Singapore, Singapour : Fraser & Neave, 1902, p. 16l. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 48 ; les italiques sont de nous.
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4) Et maintenant, le rapport Presgrave, du 5 décembre 1828 ⎯ soit après la conclusion du traité Crawfurd19 :
«Il est difficile de décrire exactement les limites de ce que l’on appelle habituellement l’Empire du Johor. Celui-ci semble englober la partie méridionale de la péninsule malaise jusqu’à la jonction avec le territoire de Malacca et la principauté de Pahang, une petite partie de la côte orientale de Sumatra … toutes les îles se trouvant entre les Karimon au sud et Pulau Aor à l’est, à l’entrée de la mer de Chine, ainsi que Linggin et les nombreuses îles adjacentes, s’étendant presque jusqu’aux îles Banka et Billiton.»
M. Pellet reproche à ces auteurs de ne pas mentionner PBP. Mais Singapour fait là preuve de «Pedra Branca-centrisme», si je puis dire. Il s’agit d’un amas de rochers. Pourquoi devrait-il être mentionné dans ce genre de descriptions de l’étendue des possessions du Johor ? Il n’y a absolument aucune raison de le mentionner, tout comme il n’y a aucune raison de mentionner les autres amas rocheux de la région. Il va de soi qu’ils sont couverts par ces descriptions générales.
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Nous avons ensuite l’article paru dans le Singapore Free Press en 1843.
5) L’article du Singapore Free Press du 25 mai 184320
«Les lieux et îles dans le voisinage desquels ces actes de piraterie sont le plus fréquemment commis et qui servent de repaires aux pirates, tels que Pulau Tinghie, Batu Puteh, Point Romania etc., sont tous situés dans les territoires de notre bien-aimé allié et pensionnaire, le sultan de Johore, ou plutôt le tomungong de Johore, car c’est lui le véritable souverain.»
Je reviendrai sur cette appréciation du Free Press dans un instant, lorsque je répondrai aux critiques développées par M. Pellet.
J’en viens au document suivant ⎯ plus que deux citations, Monsieur le président, ceci n’est qu’une sélection. Il s’agit de la lettre de 1886 adressée au British Colonial Office par le sultan de Johor, qui décrit ses possessions comme suit :
6) Lettre du 20 mars 1886 adressée au Colonial Office britannique par le sultan de Johor21.
«Les îles en question se situent autour des côtes de Johore : toutes celles qui se trouvent à l’ouest sont à proximité immédiate de Johore, de même que bon nombre de celles qui se trouvent à l’est ; mais beaucoup, parmi ces dernières, sont situées plus loin, parfois jusqu’au voisinage de Bornéo.»
Telle était la perception du sultan lui-même, en 1886.
19 MM, vol. 3, annexe 27. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 49 ; les italiques sont de nous.
20 MM, vol. 3, annexe 40. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 50 ; les italiques sont de nous.
21 MM, vol. 3, annexe 63. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 51 ; les italiques sont de nous.
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Enfin, la description offerte par sir Hugh Clifford, dont nous a parlé hier sir Elihu, dans l’Encyclopédie Britannica.
7) Article de l’Encyclopédie Britannica rédigé par sir Hugh Clifford en 192622
Je ne redonnerai pas lecture de toute la citation, mais là encore, il est question de «toutes les petites îles adjacentes à la côte qui se trouvent au sud du parallèle 2° 40' S».
25. M. Pellet peut bien opter pour une approche réductrice de ces textes, leur cohérence globale n’en est pas moins impressionnante. N’ayant pas le temps de répondre point par point à ses arguties, je m’en tiendrai, si vous me le permettez, à deux remarques.
26. Premièrement, Singapour affirme que le tableau dressé par Presgrave dans son rapport de 1828 n’est qu’une description approximative, pour reprendre ses propres termes, des frontières des territoires du Johor23. Il est vrai qu’il s’agissait d’une description générale, mais il n’y a aucune ambiguïté quant aux îles visées : «toutes les îles se trouvant entre les Karimon au sud et Pulau Aor à l’est, à l’entrée de la mer de Chine». Si Presgrave avait eu des doutes à cet égard, il lui aurait été facile de remplacer le mot «toutes» par «de nombreuses», mais il ne l’a pas fait.
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27. Le second point que je voudrais soulever a trait à l’article paru en 1843 dans le Singapore Free Press. M. Pellet n’a pas ménagé sa peine pour tenter de le déconsidérer. Il a argué qu’il était anonyme, qu’il était paru dans un journal privé n’ayant pas accès aux sources officielles, et qu’il attribuait à tort Pulau Tinggi au Johor ⎯ son auteur, donc, était mal informé24.
28. Il est vrai que cet article n’était pas signé : les «by-lines», comme on en est venu à les appeler en anglais (il s’agit d’articles signés), n’étaient pas chose courante dans les journaux du XIXe siècle. A vrai dire, j’ai dû demander à ma fille le sens de l’expression «by-lines» ⎯ elle travaille dans le domaine des médias. Mais nous avons ici un texte long et circonstancié sur la piraterie. Il a été publié dans les pages éditoriales du Singapore Free Press, et le «nous» éditorial y est utilisé d’un bout à l’autre : «Au cours des trois derniers mois, nous avons enregistré cinq cas de piraterie», y lit-on par exemple. C’est le Singapore Free Press qui s’exprime ainsi, pas une personne anonyme. A l’évidence, le rédacteur en chef assumait donc la responsabilité du contenu
22 Voir le dossier de plaidoiries, onglet 52.
23 CMS, par. 4.24-4.26.
24 CR 2007/20, p. 55, par. 8 ; p. 56, par. 9 (Pellet).
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de l’article : qu’il en ait été l’auteur est plus que probable. Or, le rédacteur en chef du journal était alors William Napier, dont je vais vous dire quelques mots. Je puise, en ce qui le concerne, mes informations dans des sources publiées, dont le célèbre ouvrage que Turnbull a consacré aux Etablissements des détroits (The Straits Settlements), ainsi que dans le très précieux document sur le Singapore Free Press que l’on peut consulter sur l’excellent site Internet de la Bibliothèque nationale de Singapour25 ⎯ nous l’avons inséré sous l’onglet 53 de votre dossier. Napier fut le premier «frère» à être initié à la franc-maçonnerie à Singapour (il s’agit, bien sûr, de la loge «Zetland in the East», dont il était le numéro un)26. Il fut le tout premier avocat inscrit au barreau du territoire de Singapour (en 1833) de sorte qu’il fut premier à deux égards27. Il fut le principal fondateur du Singapore Free Press, et son rédacteur en chef de 1835 à 1846. Il était président de la chambre de commerce de Singapour en 1842, et s’employa, en cette qualité, à lever des fonds en vue de l’édification du phare28. En 1848, il devint lieutenant-gouverneur de Labuan, autre colonie britannique de la région. Napier n’était pas un étranger sans connaissance de la région, il était parfaitement au fait de la campagne en faveur de l’érection d’un phare, qui fut menée énergiquement à travers les pages de son journal. Le Singapore Free Press a été décrit par Turnbull comme un «journal fiable, sobre et modéré, le meilleur défenseur des intérêts commerciaux de Singapour»29. Quant à Pulau Tinggi ⎯ une île située à 7,5 milles marins de la côte est du Johor, et un tout petit peu plus distante, donc, de son littoral que PBP ⎯, elle faisait et fait encore partie du Johor. Pulau Tinggi se trouve dans la zone décrite par le rapport Presgrave de 1828 comme territoire du Johor30. Pulau Tinggi fut nommément citée comme faisant partie du
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25 The Singapore Free Press, http://infopedia.nlb.gov.sg/articles/SIP_88_2005-2-03.html (consulté le 7 novembre 2007).
26 C. B. Buckley, An Anecdotal History of Old Times in Singapore (1902, réed. University of Malaya Press, Kuala Lumpur, 1965), p. 437 ; RM, annexe 18.
27 J. N. Kyshe (dir. de publ.), Cases Heard and Determined in Her Majesty’s Supreme Court of the Straits Settlements 1808-1884 (Legal Library Publishing Services, Somerset, 1885), vol. 1, civ.
28 Voir MS, annexe 193, dans laquelle est citée une lettre du 23 juillet 1842 adressée à Bonham par Napier, en sa qualité de président de la chambre de commerce de Singapour.
29 C. M. Turnbull, The Straits Settlements 1826-67 (OUP, Kuala Lumpur, 1972), p. 131.
30 MM, annexe 27 ; voir également, MM, p. 36, encart 11.
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Johor par la Cour suprême de Calcutta en 183731. La sentence Ord de 1868 confirma son appartenance au Johor32. Vous voyez maintenant apparaître à l’écran ⎯ et vous pouvez également vous reporter à l’onglet 54 de votre dossier ⎯ la ligne fixée par la sentence Ord, et son rapport à Pulau Tinggi. Donc, non seulement l’auteur de l’article du Singapore Free Press était bien renseigné, mais il avait raison en ce qui concerne les limites du Johor, dans lesquelles il situait l’île qu’il appelait Batu Puteh.
29. A qui PBP aurait-elle pu appartenir, sinon au Johor ? Les Néerlandais ne la revendiquèrent à aucun moment après 1824, alors qu’ils ne se firent pas faute de revendiquer les îles situées au sud du détroit, notamment les Carimon et, plus avant dans le siècle, les Natuna. Ainsi que Nico Schrijver vous en fera bientôt la démonstration, PBP relevait de la sphère britannique, et non de la sphère néerlandaise. Elle faisait partie du Johor.
Question 3 : le Johor a conservé son identité en tant qu’unité territoriale tout au long de la période coloniale et à l’issue de celle-ci
30. La troisième question — la Cour s’en souvient sans doute — est la suivante : Quel était le statut de l’entité en question à l’époque pertinente ? Par entité, j’entends bien sûr l’entité sur le territoire de laquelle se trouvait PBP : le Johor. Sur ce point, je vais pouvoir être très bref.
31. Si la question se pose, c’est parce que certaines des affaires dont vous avez eu à connaître ont porté sur des entités marginales ou éphémères, dont l’organisation sociale et politique — si elle suffisait peut-être à empêcher que le territoire ne fût considéré comme terra nullius — n’a pas pour autant permis de garantir la pérennité. Que le territoire en question ait appartenu à telle ou telle entité est sans grande conséquence si cette entité a été éphémère. Certains membres de la Cour se souviendront — mais la Cour, en tant que telle, n’oublie bien évidemment jamais — des débats que nous avons eus à propos de l’ordre des Senoussi dans l’affaire Lybie/Tchad (Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 6). Quant à moi, je me rappelle fort bien la mimique du juge Guillaume tandis que nous dissertions de l’ordre des Senoussi
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31 R v. Malay Prisoners, Cour suprême de Calcutta, 12 juillet 1837, cité par N. Tarling, Piracy and Politics in the Malay World (FW Cheshire, Melbourne, 1963), p. 100. La décision de la Cour fut rapportée dans le numéro du 3 août 1837 du Singapore Free Press, consultable entre autres à la British Library en microforme MC1238 : http://catalogue.bl.uk/F/KQPN852XAC5LMHJAGREHFNJEK3IBYJ3TF4ACD9GX23YFRY… (consulté le 11 novembre 2007).
32 MM, annexe 86.
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(«encore eux», semblait-il dire). Nous avons aussi évoqué les rois et chefs du Vieux-Calabar, dans l’affaire Cameroun c. Nigéria (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équatoriale (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 405, par. 207). Loin de moi l’idée de dénigrer l’ordre des Senoussi ou les rois et chefs du Vieux-Calabar : c’était à n’en pas douter des entités parfaitement constituées en leur temps, mais un temps qui fut bref, et elles n’ont laissé aucune trace — ainsi que l’impliquait la célèbre question posée par le juge Kooijmans en l’affaire Cameroun c. Nigéria.
32. Ici, au contraire, nous n’avons pas affaire à quelque entité sans lendemain, aujourd’hui inconnue du droit international, mais à un sultanat occupant une place importante à l’échelle régionale, qui continue d’exister en tant qu’entité constitutive de la Malaisie, dans les limites, toujours, qui lui furent reconnues à la suite de la conclusion du traité anglo-néerlandais de 1824. J’ai démontré cette continuité hier — et c’est la raison pour laquelle j’ai affirmé que la thèse de la discontinuité défendue par M. Chan était erronée, la découpe analytique à laquelle s’est livré M. Pellet vaine.
33. La démonstration de la Malaisie sur le titre originaire est relativement simple. Le sultanat, avant 1824, s’étendait au nord et au sud du détroit, mais aussi à l’est et à l’ouest, comme l’illustrent les textes et les cartes, et en particulier les cartes marines, que je vous ai montrés. PBP, île bien connue et communément utilisée, relevait clairement de son territoire. Les querelles dynastiques des années 1810, si elles divisèrent la famille régnante, ne signèrent pas la fin du sultanat. Le traité anglo-néerlandais de 1824 scinda celui-ci en deux, sans qu’aucun territoire ne devînt pour autant terra nullius : tous relevaient soit de la sphère britannique soit de la sphère néerlandaise. PBP se trouvait dans la sphère britannique, ainsi que le reconnurent clairement les Néerlandais. La Grande-Bretagne et les Pays-Bas étaient peut-être en désaccord sur la question de savoir qui assurait la continuité de l’ancien Johor — mais pas sur les conséquences territoriales de la scission opérée en 1824 dans le détroit et ses alentours. C’était donc le Johor — Etat qui survécut à la Compagnie des Indes orientales et aux Etablissements des détroits — qui détenait le titre originaire sur les îles, eaux et terres qu’il n’avait pas cédées à la Grande-Bretagne aux termes du traité Crawfurd.
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Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie, M. Crawford, pour votre exposé. J’appelle maintenant à la barre M. Schrijver.
M. SCHRIJVER :
Conclusion
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34. En conclusion, Monsieur le président, Messieurs de la Cour : Quelles preuves Singapour a-t-elle fournies que quiconque aurait jamais considéré PBP comme terra nullius aux époques pertinentes ? La réponse est simple : aucune. PBP faisait partie du Johor.
Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre patience et de votre attention. Monsieur le président, je vous prierais maintenant de bien vouloir donner la parole à M. Schrijver.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie, Monsieur Crawford, de votre exposé. J’appelle maintenant à la barre M. Schrijver.
M. SCHRIJVER :
LES TRAITÉS DE 1824 ET LES CONSÉQUENCES QUI EN DÉCOULENT
1. Monsieur le président, Messieurs les juges. C’est un grand plaisir et grand honneur pour moi que de me présenter de nouveau devant la Cour.
2. M. Crawford a démontré que le Sultanat du Johor avait une longue histoire et a exercé, jusqu’en 1824, sa souveraineté au nord et au sud du détroit de Singapour. Cela englobait toutes les îles et autres formations maritimes se trouvant dans le détroit de Singapour et dans les environs de celui-ci. Monsieur le président, le privilège me revient à présent de passer en revue l’histoire du XIXe siècle dans le but de montrer que les trois formations maritimes ont continué de relever de la souveraineté du Johor au cours de ladite période.
3. L’année 1824 marque à plusieurs égards un tournant dans l’histoire de la région. Deux importants traités furent conclus au cours de cette même année. Tout d’abord, les puissances européennes présentes dans la région, en l’occurrence la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, convinrent de sphères d’influence dans la région malaise. Cela eut pour résultat, comme nous l’avons montré, la partition de l’ancien Royaume du Johor entre, d’une part, le Sultanat du Johor
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proprement dit, qui est resté situé dans la partie méridionale de la péninsule malaise et dans les îles environnantes, et, de l’autre, le Sultanat Riau-Lingga au sud du détroit de Singapour. Ensuite, le Sultanat du Johor céda l’île de Singapour et d’autres îles situées dans un rayon de 10 milles géographiques à la Grande-Bretagne. Mon exposé d’aujourd’hui porte principalement sur les deux traités de 1824, sur l’interprétation appropriée qu’il convient de leur donner, sur leur mise en oeuvre et sur les conséquences qui en découlent. Les textes de ces deux traités figurent sous l’onglet 55 dans le dossier de plaidoiries. Une analyse de ces deux traités, Monsieur le président, et de la pratique subséquente fondée sur les deux traités étayent le titre originaire du Johor en tant qu’entité souveraine et confirme ce titre originaire du Johor sur PBP et les deux autres formations maritimes.
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Le traité anglo-néerlandais de 1824
4. Pour commencer, je voudrais examiner le traité anglo-néerlandais de 1824. Je démontrerai que ce traité confirme clairement le titre du Johor sur PBP, Middle Rocks et South Ledge. La Malaisie et Singapour s’accordent sur l’évolution historique qui a conduit à la conclusion de ce traité. En 1814, à la fin de l’occupation française des Pays-Bas, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas conclurent une convention générale qui restaura la souveraineté néerlandaise sur les colonies des Pays-Bas en Amérique, en Afrique et en Asie33. Au cours de cette occupation française, diverses colonies néerlandaises d’Asie et d’ailleurs, y compris Malacca, passèrent sous contrôle temporaire des Britanniques.
5. En 1814, les Britanniques étaient anxieux de maintenir une présence dans la région malaise. De surcroît, ils étaient désireux d’avoir un accès direct à la route de la Chine et au commerce dans la région. Toutefois, les Néerlandais restaurèrent rapidement leur position, non seulement sur Java et à Riau, mais également à Malacca. Entre-temps, Stamford Raffles, qui avait occupé les fonctions de gouverneur de Java au cours de la période allant de 1811 à 1816, parvint à obtenir dans un premier temps la création d’un comptoir britannique à Singapour, grâce à un accord conclu avec le temenggong le 30 janvier 181934. Une semaine à peine après, Raffles parvint à conclure un autre accord entre la Compagnie anglaise des Indes orientales et le sultan et
33 Voir MM, vol. 2, annexe 1.
34 MM, vol. 2, annexe 2.
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temenggong du Johor, accord aux termes duquel ⎯ et je cite une partie du libellé de l’article VIII dudit accord — «[l]e port de Singapour d[evait] être considéré comme placé sous la protection immédiate et soumis aux dispositions réglementaires des autorités britanniques»35.
6. Bien entendu, cette initiative fut loin de plaire aux Pays-Bas, qui la considéraient comme allant à l’encontre de l’esprit de la convention de 1814, par laquelle les Néerlandais avaient retrouvé leurs colonies. Dans un premier temps, les Néerlandais exigèrent le départ des Britanniques de Singapour, étant donné que l’île faisait partie du Johor et que l’établissement de la factorerie violait les droits de la personne que les Néerlandais considéraient comme le souverain du Johor. Pour les Néerlandais, cette personne était le sultan Abdul Rahman, qui résidait à Lingga sous protection néerlandaise et qui avait consenti à l’établissement de la factorerie de la Compagnie anglaise des Indes orientales. Toutefois, par la suite, les Néerlandais manifestèrent une volonté de négocier avec les Britanniques pour définir les limites de leurs sphères d’influence respectives dans la région. Dans les archives nationales des Pays-Bas se trouve un volumineux dossier sur les très longues négociations qui ont présidé à la détermination de leurs sphères d’influence respectives dans cette région36. En fin de compte, les Néerlandais acceptèrent l’établissement de Singapour dans le cadre du compromis sur la définition des sphères d’influence dans le monde malais.
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7. Ce compromis fut consigné dans le traité anglo-néerlandais de 1824. Le traité exigeait le retrait par les Pays-Bas de leur opposition à l’exercice d’un contrôle britannique sur Singapour et les Néerlandais devaient également céder Malacca à la Compagnie anglaise des Indes orientales. Je voudrais citer le libellé de l’article 10, qui est le suivant :
«La ville et le fort de Malacca et ses dépendances sont cédés par le présent traité à S. M. britannique et S. M le roi des Pays-Bas s’engage pour lui-même et pour ses sujets à ne jamais former d’établissement dans aucune partie de la presqu’île de Malacca, et à ne conclure aucun traité avec aucun des princes, chefs ou états indigènes qu’on y trouve.»
35 Voir MM, vol.2, annexe 3 ; et MM, p. 21, par. 45.
36 Archives nationales, La Haye, 2.21.007.57.
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8. De surcroît, les Néerlandais devaient renoncer à toute prétention sur la partie septentrionale du rivage sud du détroit de Singapour. En contrepartie, les Britanniques ne devaient pas nourrir de prétention sur aucune «des îles au sud du détroit de Singapour»37 : «aucune des îles au sud du détroit de Singapour». A présent, le texte intégral de cette disposition clé, l’article 12 du traité anglo-néerlandais de 1824, se trouve projeté à l’écran ; il est libellé comme suit :
«S. M. des Pays-Bas retire les objections faites au sujet de l’occupation de l’île de Singapour par les sujets de S. M. britannique.
Cependant, S. M. britannique promet qu’il ne sera pas formé d’établissement britannique dans les îles de Carimon ou dans les îles de Battam, Bintang, Lingin ou dans aucune des autres îles situées au sud du détroit de Singapour, et qu’aucun traité ne sera conclu sous l’autorité britannique avec les chefs de ces îles.»38
9. En d’autres termes, Monsieur le président, les Néerlandais ne devaient plus revendiquer de territoire au nord des «îles au sud du détroit de Singapour», et ceci laissa Singapour, Malacca et d’autres lieux, îles et mers autour de la péninsule dans la sphère d’influence britannique. Les Néerlandais devaient se contenter de Sumatra et d’autres îles du sud du détroit de Singapour.
10. Ainsi, l’île de Singapour et la partie du Sultanat du Johor située dans la péninsule malaise, ainsi que toutes les îles se trouvant dans le détroit et à proximité, tombèrent dans la sphère d’influence britannique. Sur certaines cartes, une ligne imaginaire de délimitation de ces sphères d’influence a été tracée ; elle se dirige à partir de Pulau Carimon jusqu’à Bintan, en passant par les îles de Pemping Besar, Belaking Padang et Batam. Vous pouvez voir les emplacements de ces îles à l’écran [carte 4] et sous l’onglet 56 dans le dossier de plaidoiries.
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11. Singapour met l’accent sur ce qu’elle appelle «le caractère artificiel de la ligne de délimitation imaginée par la Malaisie pour servir sa propre cause»39. Singapour cherche à soutenir que le détroit de Singapour lui-même sert de ligne de partage. En outre, Singapour affirme que le détroit de Singapour, y compris les îles se trouvant dans le détroit, est resté non partagé et ouvert à l’accès de l’un et l’autre Etats40. Pour plusieurs motifs, cette interprétation de Singapour, cette nouvelle interprétation, du traité anglo-néerlandais de 1824 n’est pas tenable.
37 Art. 12 du traité anglo-néerlandais. Texte dans MM, vol. 2, annexe 5.
38 Ibid. ; les italiques sont de nous.
39 CR 2007/20, p. 47, par. 34 (Chan).
40 Voir CR 2007/20, p. 48, par. 36-38.
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12. Tout d’abord, la règle générale d’interprétation d’un traité est que ⎯ et bien entendu je cite l’article 31 de la convention de Vienne ⎯ «[u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but». L’article 12 est clair quant à son libellé. Seules «les îles au sud du détroit de Singapour» relèvent de la sphère d’influence néerlandaise. Par conséquent, les régions situées au nord de ces îles relèvent de la sphère d’influence britannique.
13. L’objet et le but de l’accord anglo-néerlandais étaient de résoudre les différends entre les deux puissances concernant leurs sphères respectives. Il est impensable qu’ils aient pu convenir de laisser la totalité du détroit de Singapour ouverte et non partagée, comme le soutient Singapour ⎯ de sorte que, par exemple, Pulau Batu Puteh ou d’autres îles du détroit seraient ouvertes à l’occupation par une quelconque puissance tierce41.
14. Sur la base d’une étude approfondie des travaux préparatoires, Irwin ⎯ autre historien qui fait autorité au sujet de cette région ⎯ conclut que le point crucial pour les Néerlandais et les Britanniques était de préciser les limites locales de leurs sphères d’influence dans la zone même du détroit de Singapour. Il était entendu que cette influence s’exercerait par voie de traités devant être «conclus … avec les chefs de ces îles». Que ces traités aient été des traités de cession, de protection ou simplement d’alliance, c’était là une question relevant de chaque Etat respectif dans sa sphère d’influence respective. Falck et Fagel, les principaux négociateurs du côté néerlandais, expliquèrent dans une note qu’il était nécessaire d’empêcher les Anglais de revendiquer un futur droit quelconque d’établir un lien avec les îles de Lingin, Rhio et des Carimons ou d’exercer une influence sur ces îles». Et afin d’éviter toute confusion, Elout ⎯ que nous retrouverons plus tard en tant que ministre des colonies, mais qui en ce moment-là était conseiller dudit ministre ⎯ avait cherché à remplacer dans le projet de texte le membre de phrase de nature générale «toutes autres îles appartenant à l’ancien Royaume du Johor» par un membre de phrase beaucoup plus précis, «toutes les îles au sud du détroit de Singapour». Et cela fut accepté42. Dans le texte définitif de
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41 CR 2007/20, p. 48, par. 36 et 38 ; RS, p. 17, par. 2.24 et p. 239, par. 8.15 ; CMS, p. 30-31, par. 3.23-3.24.
42 Voir G. Irwin, Nineteenth-Century Borneo: A study in Diplomatic Rivalry, The Hague, Martinus Nijhoff, 1955, p. 66. Voir également MM, par. 49-53 ; CMM, par. 33 ; RM, p. 34-42, par. 78-94.
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l’article 12, aucune mention ne fut faite du Johor en général, mais une mention précise fut faite de Karimon, Batam, Bintan, Lingga ou de toutes les autres îles du sud du détroit. Ces îles se trouvent à présent représentées sur la carte projetée à l’écran et elles se trouvent également incluses sous l’onglet 57 du dossier de plaidoiries.
15. Lorsque les deux puissances coloniales résolurent leur divergence de vues dans la région malaise, la Grande-Bretagne se trouva en mesure de soulever les questions relatives à Singapour proprement dite, en tant que questions faisant suite aux arrangements de 1819 avec le temenggong et le sultan.
16. Monsieur le président, je voudrais à présent m’intéresser à ce deuxième traité conclu en 1824.
Le traité Crawfurd de 1824
17. Afin de donner effet à la cession de Singapour à la Grande-Bretagne, un traité a été conclu : il s’agit du traité dit d’amitié et d’alliance du 2 août 1824, communément connu sous le nom de traité Crawfurd. John Crawfurd était le résident britannique à Singapour à l’époque. Il a mis en oeuvre ce que sir Tamford Raffles avait mis en route. Les deux parties au traité étaient le sultan et temenggong du Johor et la Compagnie anglaise des Indes orientales.
18. Dans la totalité de ses pièces de procédure écrite, Singapour a passé sous silence la pertinence de ce traité aux fins du présent différend. De même, au cours de son premier tour de plaidoiries, elle lui accorda peu d’attention. Par le traité Crawfurd, le sultan et temenggong cédait aux britanniques l’île de Singapour, ainsi que les mers, détroits et îlots adjacents, dans un rayon de 10 milles géographiques à partir de la côte. La phrase clé concernant l’étendue géographique du territoire cédé est celle qui figure à l’article II du traité Crawfurd : «[L]’île de Singapour située dans le détroit de Malacca ainsi que les mers, détroits et îlots adjacents dans un rayon de 10 milles géographiques à partir de la côte de ladite île principale de Singapour.»43
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43 Art. II du traité Crawfurd. Texte dans MM, vol. 2, annexe 6 ; les italiques sont de nous.
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19. A l’écran, et également sous l’onglet 58 du dossier de plaidoiries, vous pouvez relever l’étendue de la notion d’un rayon de 10 milles géographiques énoncé à l’article II du traité de Crawfurd sur une carte de l’époque ⎯ il s’agit de la carte Thomson de 1849 ⎯ et non sur une carte établie par Singapour en 2007 pour embrouiller la question44.
20. La carte de 1849 a été établie par Thomson, le géomètre du gouvernement, après la conclusion du traité. Il est important de noter que ce traité confirmait ainsi la reconnaissance de l’autorité antérieure du sultan et temenggong du Johor sur les îles se trouvant dans le détroit de Singapour, y compris les îles se trouvant dans un rayon des 10 milles géographiques à partir de Singapour elle-même. Monsieur le président, comment le sultan et temenggong de Johor pouvait-il exercer sa souveraineté sur toutes ces îles inhabitées, qui étaient situées jusqu’à une distance de 10 milles géographiques de l’île de Singapour, des îles telles que Pulau Ubin et Coney, et pas sur PBP, sur Middle Rocks, sur South Ledge, qui sont situées, dans le cas de PBP, à seulement 7 milles de la partie continentale du Johor ?
21. L’article XIV du traité Crawfurd de 1824 fait référence à tout droit de la Compagnie des Indes orientales concernant «l’occupation ou la possession de l’île de Singapour»45. Cela renvoie clairement à la phrase clef de l’article II, qui fait mention des «mers, détroits et îlots adjacents dans un rayon de 10 milles géographiques, à partir de la côte de ladite île principale de Singapour».
22. Monsieur le président, trois conclusions découlent directement du texte. Premièrement, le principal objet et le principal but du traité Crawfurd sont la cession de l’île de Singapour. Deuxièmement, le texte fait référence aux mers, détroits et îlots adjacents, ce qui, en particulier dans le contexte, peut difficilement viser des îles situées à une distance de 25 milles marins. Troisièmement, le texte du traité rend cela abondamment clair en limitant de manière explicite la cession à 10 milles géographiques, à partir de la côte de l’île principale de Singapour, ainsi que cela est illustré sur la carte de Thomson.
23. Mais trois autres conclusions peuvent être tirées du traité. Premièrement, Johor ne pouvait pas avoir cédé le territoire de l’île de Singapour et les îles et mers adjacentes, s’il ne détenait pas de titre sur ce territoire. Et nous disons, avec Singapour, nemo dat quod non habet.
44 CR 2007/21, p. 18, par. 33 et sous son onglet 19 (Pellet).
45 MM, vol. 2, annexe 6.
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Ainsi, la conclusion du traité Crawfurd confirme la souveraineté du Johor sur la région en question. Deuxièmement, le fait que Johor avait un titre qui lui permettait de procéder à une cession démontre que le titre que détenait Johor sur la région avant 1824 ne traduisait pas une souveraineté sur Singapour et sur les îles adjacentes et pas une souveraineté sur PBP et les formations alentour. En vérité, la référence aux mers, détroits et îles dans le traité Crawfurd démontre que le territoire du Sultanat du Johor n’était pas inclus parmi les territoires du continent. Troisièmement, le traité Crawfurd exclut toute future revendication de titre sur des îles se trouvant au-delà du rayon des 10 milles géographiques à partir de Singapour. Le membre de phrase précis «dans un rayon des 10 milles géographiques» montre clairement qu’il s’agissait là et qu’il s’agit d’une région dans laquelle la Compagnie anglaise des Indes orientales et ses successeurs, pouvaient unilatéralement procéder à une expansion. Par conséquent, le titre concernant d’autres territoires et zones maritimes continuait d’appartenir à son détenteur, et ce détenteur était le Sultanat du Johor.
24. Les Néerlandais comme les Britanniques respectèrent leurs sphères d’influence respectives telles que définies par le traité anglo-néeralandais de 1824. Les Néerlandais ne formulèrent jamais de revendication concernant des îles situées dans le détroit de Singapour ou à proximité, qui ne se trouveraient pas au sud du détroit, alors que les Britanniques persuadèrent les souverains du Johor de respecter les sphères d’influence qui venaient d’être convenues.
25. Le processus tendant à donner effet aux termes de l’accord anglo-néerlandais de 1824 a imposé un échange de territoires. Cet échange concerna, entre autres zones, Malacca, Aceh et Benkulu à Sumutra ainsi que les îles Carimon. Le Sultanat du Johor fut divisé en deux : le Sultanat Riau-Lingga sous influence néerlandaise, au sud, et, au nord, le reste du Sultanat du Johor allié de la Grande-Bretagne.
26. Le sultan de Lingga, coupé de la partie septentrionale de l’ancien Sultanat de Johor-Riau-Lingga, fut contraint de s’abstenir de tenter d’exercer son pouvoir au-delà de la sphère d’influence néerlandaise, c’est-à-dire au nord de Pulau Bintan. Bien entendu, étant donné que cette répartition précise était imposée par les puissances coloniales et que certaines dispositions devaient être prises pour la mettre en oeuvre, les parties au traité anglo-néerlandais convinrent sagement qu’un délai de cinq ans environ était nécessaire pour que la répartition devienne effective dans la
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pratique. On peut être sûr qu’aucune zone ne resta un no man’s land. C’est également ce qui ressort clairement de communications échangées entre les Britanniques et les Néerlandais et d’instructions internes.
27. Le 31 août 1824, peu après la conclusion du traité, Elout, le ministre néerlandais des colonies, adressa au gouverneur général des Indes orientales néerlandaises une lettre contenant des instructions. Dans celle-ci, à laquelle se trouvait annexé le texte du traité anglo-néerlandais, il indique très clairement au gouverneur général la manière de le mettre en oeuvre. Et, s’agissant de l’article 12, le ministre donna les instructions suivantes :
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«Il appartiendra à Votre Excellence [le gouverneur général] d’exposer au sultan que les intérêts mutuels des deux puissances européennes imposent d’instaurer une certaine séparation entre leurs possessions propres et celles de leurs alliés indigènes et qu’à cet effet, il apparaît nécessaire d’inclure dans cet accord la partie du royaume de Johor se trouvant dans la sphère d’influence britannique ;
[A] l’inverse, les possessions et territoires appartenant au sultan et situés à l’intérieur du domaine où le Gouvernement néerlandais exerce sa souveraineté se trouvent à nouveau confirmés et ce d’une manière décisive, avec la garantie que se perpétueront les relations amicales existant traditionnellement avec les Pays-Bas ; il en découle que l’autorité britannique ne s’exerce pas au sud du détroit de Singapour [et] Son Excellence le sultan notera que le démembrement d’une partie de ses territoires ne représentera pas pour elle une perte essentielle, eu égard notamment aux actes du temenggong de Johor, qui ont d’ores et déjà réduit à néant son influence [c’est-à-dire celle du sultan de Lingga] sur ces régions.»46 [Traduction du Greffe à partir du texte anglais fourni par la Malaisie.]
28. Sur ce, le gouverneur général envoya dans le secteur un représentant, Christiaan van Angelbeek. Le 10 avril 1825, celui-ci arriva à Singapour et remit une lettre du gouverneur général néerlandais au résident Crawfurd, dans le but de le consulter sur les points du traité anglo-néerlandais qui concernaient le monde malais47. A son tour, Crawfurd informa van Angelbeek du traité qu’il avait conclu avec le sultan et le temenggong du Johor par lequel avaient été cédés à la Compagnie anglaise des Indes orientales l’île de Singapour «ainsi que les
46 Voir RM, vol. 1, p. 38-39, et RM, vol. 2, annexe 2 ; voir le dossier de plaidoiries, onglet 59 ; les italiques sont de nous.
47 Voir RM, p. 39, par. 85 ; et RM, vol. 2, annexe 4.
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eaux, détroits et îlots adjacents», dans un rayon de 10 milles géographiques. Van Angelbeek rapporta que le résident Crawfurd lui avait fait part de ce traité afin d’informer le Gouvernement néerlandais des liens existant entre la Compagnie anglaise des Indes orientales, le sultan Hussain et le temenggong du Johor.
29. Par la suite, van Angelbeek avisa son sultan, le sultan de Riau-Lingga, des conséquences des articles 9, 10, 11 et 12 du traité anglo-néerlandais, et lui dit de rester au sud du détroit de Singapour. Pour sauver la face, le sultan Abdul Rahman décida ensuite d’adresser une lettre à son frère le sultan Hussain, pour lui faire don des «terres de Johor et de Pahang». Mais ce prétendu don était toutefois dépourvu de tout effet juridique : au regard du droit international, ces questions avaient été réglées par les deux traités de 1824. De plus, il était dépourvu d’effet dans la pratique : les Britanniques ne reconnaissaient pas l’autorité du sultan de Lingga dans le détroit ni au nord de celui-ci, et son autorité effective dans le domaine du temenggong était «déjà réduit[e] à néant»48, selon les termes non équivoques du ministre néerlandais Elout.
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30. De la même façon, les Britanniques demandèrent au temenggong et au sultan de Johor de ne pas formuler de revendications au sud du détroit. Cela signifiait que les îles Carimon ⎯ dont les sujets prêtaient allégeance au temenggong ⎯ relevaient de la sphère d’influence néerlandaise et étaient ainsi placées sous l’autorité du sultan de Riau. Finalement, de nombreux partisans du temenggong du sud du détroit vinrent vivre au Johor, refusant d’accepter le sultan de Lingga en tant que souverain.
31. Singapour prétend curieusement que l’article 12 a laissé «tout le détroit de Singapour indivis, et libre d’accès tant pour les Britanniques que pour les Néerlandais»49 et que, partant, PBP ne tomba ni dans la sphère britannique ni dans la sphère néerlandaise. Cette thèse est intenable. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, l’on ne peut trouver le moindre élément de preuve pouvant étayer la thèse de Singapour, dans les archives britanniques ou néerlandaises relatives au traité de 1824, ni dans la doctrine pertinente50. Il n’y avait que deux sphères d’influence. Il n’y avait pas de zones indivises. Ainsi que la Cour l’a confirmé dans des décisions précédentes, les
48 Voir plus haut note 17.
49 Voir CMS, vol. 1, p. 30-31, par. 3.23, p. 33, par. 3.29 ; CR 2007/20, p. 48, par. 36 (Chan).
50 Voir en particulier RM, par. 80.
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traités délimitant des sphères d’influence, sans être proprement des traités frontaliers, peuvent en réalité déterminer les frontières entre territoires (voir l’affaire du Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 17, par. 25 ; affaire du Différend frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 112, par. 33 ; affaire de l’Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999, p. 1073, par. 43). La création d’un «no man’s land» entre ces zones aurait été en contradiction avec la notion même de «sphères d’influence». Ainsi que la Cour l’a relevé en l’affaire de l’Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), ces traités visaient à protéger les sphères d’influence respectives de toute intervention de l’autre partie ou d’Etats tiers, et d’exclure tout risque de différends futurs (affaire de l’Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999, p. 1073, par. 43). Comment aurait-on pu y parvenir, si le détroit de Singapour avait été laissé indivis ?
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32. Permettez-moi d’appeler l’attention de la Cour sur une lettre datée du 4 mars 1825 adressée par le gouvernement de l’Inde à Crawfurd, lui indiquant : «[N]otre acquisition de ces îlots ne va pas à l’encontre des obligations figurant dans le traité conclu à Londres au mois de mars de l’an dernier, les îlots en question étant tous situés au nord des limites méridionales du détroit de Singapour»51 (les italiques sont de nous) : la lettre se trouve sous l’onglet 60 de votre dossier de plaidoiries. Partant, il est clair que même les îles qui se trouvaient dans la partie méridionale du détroit relevaient de la sphère d’influence britannique.
33. L’exactitude de l’interprétation britannique, d’un point de vue néerlandais, peut être déduite de la carte officielle de 1842 de la résidence de Riau52, qui fait partie de la grande carte des Indes orientales néerlandaises à huit feuillets établie sur ordre du roi des Pays-Bas. Cette carte fut commandée dans le but précis d’identifier les limites des Indes orientales néerlandaises. PBP y figure clairement au nord de la ligne, dans la sphère d’influence britannique. De plus ⎯ à l’exception de la cession de Singapour dans le traité Crawfurd ⎯ c’était le Sultanat de Johor qui représentait la sphère d’influence britannique. De cette manière, le traité de 1824 entre la Grande-Bretagne et les Pays-Bas confirma la continuité du titre du Johor sur l’ensemble des îles et sur toutes les autres formations maritimes du détroit de Singapour.
51 Voir RM, vol. 2, annexe 3 ; RM, p. 40, par. 89.
52 Voir dossier de plaidoiries, onglet 61.
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34. La semaine dernière, M. Pellet a tenté de faire de la magie avec la carte de 1842 établie sur ordre du roi des Pays-Bas. Il a affirmé que PBP ne relevait pas de la sphère d’influence britannique et que Pedra Branca était située au sud du détroit de Singapour53. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, cela est contraire aux faits. La légende de la carte de 1842 montre — la voici à l’écran — que cette ligne rouge en pointillé marque les délimitations générales des frontières (en néerlandais, «Algemeene Grensscheidingen»), dans ce cas précis de la limite extérieure de la résidence de Riau, partie la plus septentrionale des Indes orientales néerlandaises dans cette région. A l’évidence, cela coïncide avec les territoires relevant des sphères d’influence britannique et néerlandaise. PBP, qui faisait partie de Johor, relevait manifestement de la sphère d’influence britannique.
35. En résumé, il est impensable qu’après des négociations si intenses et en disposant d’un tel texte de traité, les Britanniques et les Néerlandais aient laissé tout le détroit de Singapour «indivis», comme le prétend Singapour. A l’époque, le détroit de Singapour représentait déjà l’une des voies de navigation les plus fréquentées de la région, reliant la mer de Chine méridionale au détroit de Malacca et à l’océan Indien. Il s’agissait précisément là de la principale raison d’être de l’établissement de Singapour, dont l’étendue géographique fut précisée avec soin dans le traité Crawfurd de 1824. De fait, la position de Singapour la conduit logiquement à affirmer que d’autres îles inhabitées du détroit étaient terrae nullius. Cet argument contredit toutefois les traités de 1824 et ⎯ comme mon confrère et ami James Crawford vient juste de l’expliquer ⎯ ne peut s’appliquer au milieu de XIXe siècle à une zone où la navigation et le commerce étaient si actifs depuis des siècles. Je le répète, ni les Néerlandais ni les Britanniques n’auraient pu envisager la possibilité de laisser des zones en dehors de leurs sphères d’influence, et de permettre à d’autres pays — la France, par exemple ⎯ de venir occuper des terrae nullius dans la région.
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36. En ce qui concerne la mise en pratique du traité Crawfurd, le point critique fut rapidement atteint. En 1825, le résident britannique reçut du gouvernement de l’Empire britannique des Indes l’ordre de prendre formellement possession de l’île de Singapour et de ses dépendances. A cette fin, John Crawfurd fit le tour de l’île en bateau, déterminant à cette occasion
53 Voir CR 2007/21, p. 15-16, par. 26 et 28. Voir également RS, p. 21-23, par. 2.34-2.37.
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son point oriental extrême ; et, comme nous l’avons déjà mentionné, entre autres actes, il planta l’Union Jack sur Pulau Ubin, dans le détroit de Tebrau54 et y fit tirer une salve de vingt et un coups de canon. Puis, le 9 août 1825, le résident Crawfurd débarqua sur les îles Rabbit et Coney et en prit possession de la même façon ; il rapporta alors : «Ces deux îlots … marquent la limite sud-ouest des possessions britanniques, qui à elles toutes s’inscrivent dans un cercle dont la circonférence atteint désormais 100 milles géographiques.»55
37. Monsieur le président, permettez-moi de vous montrer à présent à l’écran l’emplacement exact de ces deux îlots, qui constituaient, selon ce que Crawfurd rapporta, les limites extérieures de Singapour. A aucun moment, que ce soit à l’époque ou par la suite, les autorités néerlandaises ne contestèrent cette délimitation.
38. Les limites de Singapour et de ses dépendances, telles que déterminées par la disposition des 10 milles, ont été représentées sur nombre de cartes de l’époque. Et ces limites sont également tout à fait en conformité avec un instrument juridique international important du début du XXe siècle.
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39. Je veux parler de l’accord de Johor de 1927 portant délimitation des eaux territoriales56. Dans ses pièces de procédure écrite, Singapour a, et cela est significatif, choisi d’adopter une attitude discrète sur cet accord, alors que celui-ci est d’une grande pertinence. En effet, cet accord redéfinissait les limites septentrionales, orientales et occidentales de Singapour dans le détroit de Johor. Il détermine de façon précise et méticuleuse tous les îles, îlots, eaux, détroits et rochers qui appartenaient à Singapour dans les limites de la cession de 182457. Bien entendu, Pulau Batu Puteh n’y figurait pas.
54 Voir MM, p. 26, par. 57.
55 Ibid. ; voir dossier de plaidoiries, onglet 62.
56 Voir MM, vol. 1, p. 48, par. 99-100 ; texte de l’accord dans MM, vol. 2, annexe 12.
57 Voir dossier de plaidoiries, onglet 63.
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Les Britanniques ont continué de reconnaître Johor en tant qu’entité souveraine
40. Tout au long de la période britannique, la Grande-Bretagne continua de reconnaître le droit du Sultanat de Johor à exercer sa souveraineté sur ses dominions, y compris sur les îles situées dans le détroit de Singapour et ses environs. La Malaisie en a mentionné de nombreux exemples dans ses pièces de procédure écrite. Parmi ces actes de reconnaissance du Sultanat du Johor par les Britanniques, on trouve ⎯ je vous les énumère rapidement :
⎯ les traités de 1819 aux fins de l’établissement d’une factorerie britannique à Singapour ;
⎯ le traité Crawfurd de 1824 ;
⎯ bien évidemment, la sollicitation d’une autorisation en 1844 pour construire le phare Horsburgh ;
⎯ «[l’]accord relatif aux possessions du temenggong de Johor sur l’île de Singapour» de [1862] ;
⎯ la sentence Ord de 1868 portant délimitation des territoires du Johor et du Pahang ;
⎯ la reconnaissance d’Abu Bakar, le puissant temenggong du Johor, en qualité de sultan du Johor en 1885 ;
⎯ le traité de Johor de 1885;
⎯ la confirmation de l’étendue territoriale du Johor sur demande du sultan Abu Bakar en 1886 ; et
⎯ l’accord de 1927 portant délimitation des eaux territoriales.
41. Il est à noter que chacun des actes que je viens d’énumérer faisaient intervenir le temenggong du Johor, puis, à partir de 1885, année de sa nomination en tant que sultan, le sultan du Johor. Cela confirme déjà en soi la reconnaissance du Johor par les Britanniques en tant qu’entité souveraine. De la même façon, ⎯ vous pouvez également le voir à l’écran ⎯ la Cour d’appel britannique jugea, en l’affaire Mighell v. Sultan of Johore relative à une rupture de fiançailles, que «le sultan du Johor [était] un dirigeant souverain indépendant» qui, pour ce motif, «ne p[ouvai]t être poursuivi devant les tribunaux de ce pays[le Royaume-Uni]»58.
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58 Mighell v. Sultan of Johore, 1893, QBD, p. 151. Cette décision était fondée sur une lettre officielle du Colonial Office britannique qui confirmait que Johor était un Etat indépendant et un territoire de la péninsule malaise.
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Conclusion : les conséquences des traités de 1824
42. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, permettez-moi de conclure à présent. Le traité anglo-néerlandais du 17 mars 1824 aboutit à la division du Sultanat de Johor-Riau-Lingga. Il divisa le Sultanat du Johor en deux sphères d’influence distinctes : les îles situées au sud du détroit de Singapour restèrent sous l’influence des Néerlandais ⎯ c’était le Sultanat de Riau-Lingga ⎯, tandis que le territoire continental et toutes les îles situées au sein du détroit de Singapour et au nord de celui-ci furent placés sous l’influence des Britanniques ⎯ c’était le Sultanat du Johor.
43. Suivant la division en deux sphères d’influence qui résulta du traité anglo-néerlandais de 1824, Johor continua d’exercer sa souveraineté sur le territoire comprenant toutes les îles présentes dans le détroit de Singapour, à deux exceptions près :
⎯ premièrement, les îles situées au sud du détroit de Singapour telles que mentionnées à l’article 12 du traité anglo-néerlandais de 1824 ;
⎯ et, deuxièmement, l’île principale de Singapour et les îles situées dans les 10 milles géographiques qui furent cédées aux Britanniques en vertu du traité Crawfurd de 1824.
44. Pulau Batu Puteh, île qui n’est pas située au sud du détroit de Singapour et qui ne fait pas partie du groupe d’îles se trouvant à proximité immédiate de Singapour qui fut cédé aux Britanniques, continua à faire partie du territoire du Johor. Pulau Batu Puteh est située à 7,5 milles marins au nord de Bintang (Pulau Bintan) et se trouve dans le détroit même. Que Pulau Batu Puteh soit dans la sphère d’influence britannique ressort clairement aussi des cartes néerlandaises de l’époque. Pulau Batu Puteh se trouve également en dehors de la région de Singapour cédée par Johor aux Britanniques en 1824. Elle se trouve en effet à 24,5 milles marins à l’est de l’île de Singapour, soit bien au-delà de la limite de 10 milles fixée dans le traité. De même, Middle Rocks et South Ledge sont situées bien au-delà de cette limite.
45. Pulau Batu Puteh demeura un territoire sous la souveraineté du Sultanat du Johor et releva donc clairement, après 1824, de la sphère d’influence britannique. Les Britanniques reconnurent cette situation chaque fois qu’ils traitèrent avec les dirigeants du Johor, comme par exemple en 1886, lorsque, à la demande du sultan Abu Bakar, fut confirmée l’étendue territoriale
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du Johor et, en 1927, lorsque la Grande-Bretagne et le Johor conclurent l’accord de 192759 portant délimitation des eaux territoriales.
46. Monsieur le président, en bref, cette longue histoire, étayée par des éléments de preuve sans équivoque démontre que les deux traités de 1824 confirmèrent le titre originel du Sultanat du Johor et, par la suite, celui de la Malaisie sur Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge.
47. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre aimable attention. Souhaitez-vous à présent appeler à la barre mon ami et collègue Marcelo Kohen ou estimez-vous que le moment est venu d’une pause thé ou d’une pause-café ?
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie infiniment pour votre plaidoirie M. Schrijver. Je pense que ceci constitue un moment approprié pour faire une courte pause et j’appellerai à la barre M. Kohen à la reprise.
L’audience est suspendue de 11 h 20 à 11 h 35.
Mr. KOHEN:
THE HORSBURGH LIGHTHOUSE WAS BUILT WITH JOHOR’S CONSENT
1. Mr. President, Members of the Court, it is a great honour for me to appear before you to defend Malaysia’s rights in this case. This morning I intend to address a question which is of the utmost importance and which constitutes a fundamental point of divergence between the Parties: the fact that the British authorities built the Horsburgh lighthouse with the consent of the authorities of Johor.
A. The project to build the Horsburgh lighthouse: a private initiative aimed at assisting the safety of navigation
2. Singapore makes a great case of the lighthouse’s construction. It is claimed that the decision to build it, the choice of site, its financing and finally its construction all constitute Great Britain’s purported original title over PBP, by “lawful taking of possession”. A number of
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59 Voir MM, vol. 1, p. 48, par. 99-100.
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insurmountable obstacles oppose the existence of this hypothetical title of sovereignty: the absence of terra nullius, the fact that Great Britain sought and obtained the consent of the sovereign for the construction of the lighthouse and the total lack of intention by the British to acquire sovereignty.
3. Confronted with these obstacles, our Singaporean friends have desperately tried to deform the bearing of events linked to the construction of the lighthouse, not to say the events themselves. I will begin by briefly retracing the origins and history of the choice of site for the construction of the Horsburgh lighthouse.
4. The East India Company’s hydrographer James Horsburgh died on 14 May 1836. Some months later, a group of merchants and sailors met in Canton and decided to raise funds with a view to erecting a lighthouse in his memory. The Committee of the China Fund for a Testimonial to the Memorial of the Late James Horsburgh Esqre created for this purpose invited “all nations” to join in its endeavour. Funds were indeed raised from many places. The Fund’s treasurer approached the Governor of the Straits Settlements, Bonham, to request that the latter take charge of the construction of a lighthouse “at Pedra Branca, at the entrance of the China Sea”. He also indicated to Bonham that the funds raised would be entrusted to him for the lighthouse “to be erected either on Pedra Branca, or on such other locality as the Government of the Hon’ble East India Company may deem preferable”60.
5. Governor Bonham replied with a suggestion that the lighthouse “[soit construit sur] Tree Island ou quelque autre site des environs que les navigateurs jugeraient mieux adapté”61. It is striking that the sites in question, PBP and Tree Island, are both clearly located outside Singapore’s territory. The first fell under the authority of Johor, the second falling within the Dutch sphere of influence, in accordance with the Anglo-Dutch Treaty of 1824. This was in April 1842. Several days later, the Colony’s Government Surveyor J. T. Thomson suggested Barn Island (Pulau Senang), an island under British sovereignty by virtue of the Crawfurd Treaty of 1824. Ultimately
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60MM, Vol. 3, Ann. 35, para. 109, letter of 1 March 1842 from Jardine Matheson and Co., Treasurer to the China Fund for a testimonial to the memory of the late James Horsburgh Esqre, care of Messrs. John Purvis and Co., Singapore, to the Honourable S. G. Bonham Esqre, Governor.
61MM, Vol. 3, Ann. 36, para. 110, letter of 4 April 1842 by S. G. Bonham in reply to Messrs. Jardine Matheson and Co., letter of 1 March 1824.
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the East India Company’s Court of Directors rejected the choice of this site as the levying of taxes for the maintenance of the lighthouse would have been contrary to the preservation of free trade62.
6. The project remained dormant until 1844. It regained a lease of life when Singapore’s Chamber of Commerce took matters in hand. Governor Butterworth took steps to determine which was the most appropriate site. He requested permission of the Johor authorities. Unfortunately, as explained by the Agent yesterday, one of the key pieces of evidence in this case, the letters which Governor Butterworth addressed to this effect to the Sultan and the Temenggong, is missing. One cannot therefore know when precisely the Governor addressed himself to the authorities of Johor, nor the exact content of his request for permission.
7. Following the advice of Captain Belcher, Butterworth gave his preference to Peak Rock rather than PBP and took the first concrete steps towards the construction of the lighthouse. He ordered the surveyor J. T. Thomson to assess the cost of the construction and communicated all this to his hierarchical superiors in the East India Company63. Discussions concerning the site continued in 1845. In 1846 the British Admiralty expressed its preference for PBP. Governor Butterworth finally accepted this idea and the East India Company gave its final approval on 3 October 1846.
8. On 1 November 1847, in what is pompously presented by Singapore as “the lawful taking of possession of Pedra Branca on behalf of the British Crown”, Thomson laid seven brick pillars in order to measure at some later date if and how they might withstand the force of the waves64. It is to be noted that he had previously tried to accomplish the same exercise at Peak Rock65.
40
62MM, Vol. 3, Ann. 37, para. 111, letter from J. T. Thomson to Governor Bonham of 1 May 1842: Vol. 3, Ann. 39, letter from G. A. Bushby to S. G. Bonham of 31 August 1842.
63MM, Vol. 3, Ann. 46, Butterworth (Governor of the Prince of Wales Island, Singapore and Malacca) to Curie (Secretary to the Government of India).
64MS, Vol. 4, Ann. 61, p. 491, J. T. Thomson, “Account of the Horsburgh Lighthouse”, Journal of the Indian Archipelago and Eastern Asia, Singapour, 1852, Vol. VI, p. 390.
65Ibid.
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9. If one were to believe my colleague Professor Brownlie, “it is not surprising that no brick pillars were placed on Peak Rock. No decision had been taken to construct a lighthouse on Peak Rock.”66 The truth is quite otherwise, Members of the Court, and it is, furthermore, well documented. Thomson did not lay brick pillars on Peak Rock for the simple reason that in approaching this island, poor weather prevented him from doing so67.
10. Obviously, the decision and the fact of laying, or not, these pillars on one or the other island, had nothing to do with sovereignty. Neither corpus, because it in no way signified an act of physical taking enabling one to speak of a taking of possession, nor even less animus, because the fact in question does not stem ⎯ either directly, or indirectly, or explicitly, or implicitly ⎯ from the intention to acquire sovereignty. The act in itself and its intention have but one significance, quite simply and naturally: to test resistance to the waves in order to ascertain what type of material would be most appropriate for the construction of the lighthouse.
11. Mr. President, our adversaries accused us last week of having a lot of imagination. What then can be said of wanting to attribute to the act of laying brick pillars on an island, returning several months later in order to know whether they have resisted the waves, the character of “taking of possession of territory on behalf of her Britannic Majesty”?
12. On 24 May 1850 the works began. A Masonic ceremony took place to mark the laying of the foundation stone. This was completely different from any ceremony in which a State takes possession of a territory or affirms its sovereignty over it68.
13. One should note that another Masonic ceremony took place at the laying of the first stone of the Raffles lighthouse on Coney Island (Pulau Satumu) in 1854. Since 1824 this island had been under British sovereignty as a result of its cession by Johor69. As Governor Butterworth expressed it, in both cases these Masonic ceremonies evidenced the philanthropic nature of these works70. That, indeed, is how the Governor described these lighthouses: as philanthropic works.
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66CR 2007/21, p. 51, para. 80 (Brownlie).
67RM, Vol. 2, Ann. 11, letter from S. Congalton, Commander of the H.C. Steamer Hoogly, to T. Church, Resident Councillor in Singapore, 12 January 1846.
68See MM, paras. 151-156; MR, paras. 219-230.
69MM, para. 156.
70RM, paras. 225-228.
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14. Singapore affirms that the Temenggong was not invited to the ceremony of 24 March 185071. In fact, all that is known is that the Temenggong was not present at the ceremony. We do not know whether or not he was invited, and thus whether he was the one who decided whether or not to participate. After all, it was a Masonic ceremony and one can understand it were he either not invited, or if he decided not to attend. The Temenggong’s absence at the ceremony of 24 May 1850 has no legal significance.
15. The fact is that nine days after the laying of the foundation stone of the Horsburgh lighthouse, the Temenggong makes an appearance on PBP. My friend Alain Pellet has tried to divert attention to a purely secondary question which we have already answered in our Reply72. I am now obliged to return to it briefly here.
16. It relates to the use by the Temenggong of the sampan belonging to Governor Butterworth. Mr. President, we are not the only ones to have not mentioned this detail of the story. Singapore’s Director of Marine and the National Museum of Singapore did likewise when they reproduced Thomson’s account73.
17. Our Reply already explains that the fact that the Temenggong went to PBP in a sampan belonging to the British Governor has no legal significance. Indeed, it was common for the Temenggong to use the boats belonging to the British, and for the latter to use the Temenggong’s ships74. For Alain Pellet: “it is hard to imagine that the Temenggong would have been able to use one of the Governor’s boats without having been invited to do so, or that he would have travelled to the island by that means without having received permission to do so”75. Permission to use the sampan, perhaps, but it is highly imaginative to infer from that, that he would have been invited and that he would have gone to the island with the permission of the British76.
42
71CR 2007/21, p. 33, para. 64 (Pellet).
72RM, paras. 231-238.
73RM, Vol. 2, Ann. 22, J.A.L. Pavitt, First Pharos of the Eastern Seas. Horsburgh Lighthouse (Singapore: Singapore Light Dues Board, D. Moore Press, 1966), p. 32; John Hall-Jones and Christopher Hooi, An Early Surveyor in Singapore. John Turnbull Thomson in Singapore 1841-1853 (Singapore: National Museum Singapore, 1979), pp. 15-16.
74RM, para. 234.
75CR 2007/21, p. 33, para. 64 (Pellet).
76Ibid., p. 34, para. 65 (v) (Pellet).
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18. Thomson’s account indicates, instead, the opposite. The Temenggong arrived on PBP on the same day as Thomson, and clearly they arrived on different ships. The Temenggong arrived with a suite of 30 persons, who came in ten other sampans belonging to the Temenggong’s fleet (not that of the Governor . . .). He arrived, settled into Thomson’s lodgings and devoted his time to his favourite activity, fishing. Though he intended to stay for longer, for an undefined period, the mosquitoes prompted him to decide to leave as early as the second day.
19. One is left with the impression that the Temenggong felt as if he was on his own territory, as opposed to being abroad. And it seems strange, to say the least, that the British authorities would have wanted to invite Johor’s most powerful dignitary to stay there and that they would bring together such a large number of persons to such a small space at a time when the construction work had just begun.
20. Clearly our Singaporean friends see a permission where there is not even the slightest trace of one ⎯ as in the Temenggong’s presence on PBP at the start of the Horsburgh lighthouse’s construction ⎯ and they obstinately deny the existence of a permission where the evidence is hardly lacking ⎯ the authorization granted by Johor to build the Horsburgh lighthouse, as will be seen shortly.
21. There is something even more striking. J. T. Thomson began his account by affirming: “On the same day his highness the Tumungong of Johor visited the rock, accompanied by 30 of his followers. He is the most powerful Native Chief in these parts allied to British interests.”77 The most powerful native chief in these parts, allied to British interests.
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22. I understand Singapore’s conundrum. Thomson is referring to the presence of the Temenggong himself on Pulau Batu Puteh (“the rock”) and affirms that he is “the most powerful Native Chief in these parts”. “These parts” necessarily includes “the rock”, that is, the White Rock, Pulau Batuh Puteh. Unless of course our Singaporean friends are once again inviting you to imagine a block of holey cheese, or rather with only one hole at the entrance of the strait (little does it matter whether the Emmental is French or not, that is a false Emmental, for as every one knows, the real one comes from the canton of Bern in Switzerland).
77MS, Vol. 4, Ann. 61, p. 533, J. T. Thomson, Account of the Horsburgh Lighthouse, 6 Journal of the Indian Archipelago and Eastern Asia 376 (1852), p. 430.
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23. The lighthouse was inaugurated on 15 October 1851. According to one of the two Singaporean versions relative to the moment of the purported “lawful taking of possession on behalf of the British Crown”, this inauguration marked the moment from when this taking of possession of PBP was completed. The two Parties agree in recognizing that neither on this occasion, nor at the time of the laying of the foundation stone in 1850, was there any ceremony to mark a taking of possession on behalf of Her Britannic Majesty. The plaque laid on this occasion was very clear, both as to the endeavour’s origins as well as to the goals pursued. You can see a photograph of this plaque on the screen: it is a question of private funds, of the aid of the East India Company, of the erection of the lighthouse to lessen the dangers of navigation and to pay tribute to Horsburgh. Nothing more78.
24. That brings to an end the essential points relative to the origins and the construction of the Horsburgh lighthouse. In his next speech, Sir Elihu Lauterpacht will indeed explain how the process of choosing the site and the construction of the lighthouse has no connection with any taking of possession or with any other acquisition of sovereignty on behalf of Her Britannic Majesty.
B. The scope of Butterworth’s request for authorization and of the permission granted by the authorities of Johor
25. Let us now consider one of the fundamental questions on which there is a divergence of views. It concerns the extent of the authorization granted by the authorities of Johor to Governor Butterworth to build the lighthouse. I will first examine the probable bearing of the British request (a) and then the content of the permission conferred by Johor (b).
(a) Butterworth’s request could hardly be interpreted as being confined to Peak Rock
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26. In its written submissions, Singapore maintained that Butterworth’s letters referred exclusively to Peak Rock79. Last week, Singapore deemed it necessary to nuance this position80. This is understandable since it is pure speculation which cannot be substantiated. Quite the opposite, in fact. On one point we agree with what my friend Alain Pellet has affirmed, and I
78MM, p. 72, para. 153.
79CMS, paras. 5.43, 5.45; RS, paras. 3.13-3.15.
80CR 2007/21, p. 28, para. 53 (Pellet).
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quote: “The content of the Governor’s letters can only be inferred from those replies and from the other letters that he himself wrote during the same period.”81 Let us then apply this method strictly because Singapore has not really analysed this correspondence which is before you. Let us therefore consider the Governor’s letters written during the same period and the responses from the authorities of Johor.
27. What does Governor Butterworth’s last available letter relative to the lighthouse, written just prior to the receipt of the authorizations granted by the Sultan and the Temenggong, state? In Butterworth’s letter to Purvis & Co. ⎯ the trustees of the funds raised for the construction of the lighthouse ⎯ and dated 30 October 1844, the Governor refers to his desire “soumettre … au Gouvernement suprême des Indes la question de l’installation d’un phare au voisinage de Pedra Branca conformément au souhait des souscripteurs de l’édifice à ériger à la mémoire du capitaine Horsburgh”82. “In the vicinity of Pedra Branca” clearly means that the area envisaged was that running from Point Romania up to Pedra Branca itself. Singapore has remained absolutely silent with regard to this letter. It is hard to deny, in this context, that the authorization of Johor did not extend to Pedra Branca, or that the latter is not a location “near Point Romania” or that it was not in the eyes of the British “another spot deemed eligible”, to use the terms of the Temenggong’s authorization which I will soon analyse.
28. Let us nonetheless take Singapore’s principal argument, namely that at the time when Governor Butterworth approached the authorities of Johor, Peak Rock was his preferred site. Singapore asserts, without any evidence in support, that it was around 20 November 1844 “that Butterworth wrote to the Sultan and the Temenggong to obtain their agreement to the construction of a lighthouse”83. First, nothing allows one to ascertain when precisely the letters were written. Perhaps they were written even before Butterworth decided in favour of Peak Rock. Next, one needs to take into account that the Governor knew perfectly well that his decision was not final, that it depended on later approval by the higher authorities in the East India Company, in India and
45
81CR 2007/21, p. 28, para. 54 (Pellet).
82RM, Vol. 2, Ann. 9, letter from Governor Butterworth to Purvis and Co., 30 October 1844.
83CR 2007/21, p. 31, para. 61 (Pellet).
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in England84. Finally, a comparison with all the preceding correspondence and with the Temenggong’s reply demonstrates that the options were always left open, and that the only thing that was certain at the time was that the lighthouse was going to be built in the Singapore Strait, preferably at the entrance to the South China Sea.
29. Thus, when Butterworth wrote to his Chief Engineer, Captain Faber, on 3 October ⎯ two days after Belcher’s letter proposing Peak Rock ⎯ he refers to that letter as being “relative à l'emplacement d’un phare à l’entrée de la mer de Chine”, whilst at the same time recalling that the subscribers wanted “la construction d'un phare portant le nom de Horsburgh sur Pedro Branco, à l’entrée de la mer de Chine”85. Clearly, even if the preference was for Peak Rock at that time, the geographical description of the site of the future lighthouse was in no way limited to Peak Rock. The explicit reference to PBP is always present.
30. Singapore insists on the content of Butterworth’s letter dated 28 November 1844, but this is of absolutely no assistance in determining the scope of the request for permission and of the permission itself. In this letter, the Governor is pleading with his superiors in favour of the construction of the lighthouse at Peak Rock. He also indicated that he had the permission from the authorities of Johor. For the opposing side, as the preferred site at that time was Peak Rock, only that site was covered by the permission, independently of ⎯ indeed, I would say instead, even against ⎯ the explicit content of the permissions granted by the Sultan and the Temenggong and what later occurred. I will come back to this.
46
31. Let us simply say that the letter of 28 November 1844 is itself absolutely clear when it comes to Singapore’s interpretation. Butterworth refers to the construction of the lighthouse “[comme] un sujet de quelque importance pour la navigation dans le détroit de Malacca près de Singapour et de l’entrée de la mer de Chine”, and recalls that the subscribers had raised funds “[pour] l’érection d’un phare portant le nom de ‘Horsburgh’ sur Pedra Branca à l’entrée de la mer de Chine ou sur un autre lieu jugé éventuellement préférable par le Gouvernement de l’Honorable Compagnie des Indes orientales”86.
84RM, paras. 117-118.
85CMS, Vol. 2, Ann. 10, letter from Butterworth to Captain Faber, 3 October 1844.
86MM, Vol. 3, Ann. 46.
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32. Singapore now claims that Butterworth’s decision to build the lighthouse at Peak Rock in 1844 should be dissociated from that to build a lighthouse on PBP87. It emerges very clearly from the files of this case that it is always a matter of the same lighthouse and that the decision of 1844 was not final. Singapore did not state the contrary in its Counter-Memorial: “En 1844, le projet de construction d’un phare fut relancé et, en 1846, la question du site finalement tranchée.”88
33. It can therefore be seen that Singapore’s speculation according to which Butterworth referred exclusively to Peak Rock in his letters requesting the permission from the authorities of Johor is devoid of any foundation. The correspondence which constitutes the relevant context continues to refer to an area and not to a particular site, this area being the one where the two sites envisaged at the time are located: Peak Rock and PBP. As we will see, the Temenggong’s reply, far from referring exclusively to a site, namely Peak Rock, itself also refers to an area and leaves open, at the same time, the possibility that ultimately one or the other site might be chosen.
34. My friend Alain Pellet therefore insisted on the need to refer to the authorization to build a lighthouse and not the lighthouse. “A lighthouse”, not “the lighthouse”, he told us89. But the truth is that one is still talking about the same lighthouse. It is the same project, of the Horsburgh lighthouse, regardless of its final location. All of Singapore’s efforts to hide this key factor in this story are, and will remain, in vain. “The lighthouse”, Horsburgh lighthouse.
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(b) In any event, the permission granted by Johor included PBP
35. Members of the Court, you have the complete texts of the letters of the Sultan and of the Temenggong of 25 November 1844 in your files90. They are, of course, of crucial importance. Not only in order to understand what Butterworth requested, but also ⎯ and in particular ⎯ because it is these letters which determine the spatial scope of the permissions granted by Johor to the British authorities to construct the Horsburgh lighthouse.
87CR 2007/21, p. 28, para. 53 (Pellet).
88CMS, para. 5.30.
89CR 2007/21, p. 28, para. 53 (Pellet).
90Tabs 72 and 73.
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36. Sultan Allie’s letter is, it is true, very general. But this in no way means it is devoid of relevance. He claims to be happy with the intention expressed in the Governor’s letter and adds in brackets: “a Light House”. One can infer two very important points from this reply: first, that Butterworth’s intention, according to the Sultan, was limited to the lighthouse. Hence, there is no reference to any intention other than that of building a lighthouse. The second is that the Sultan is giving a very broad authorization. In other words, he is authorizing the East India Company to build the lighthouse on the territory of Johor where this company deems it appropriate to do so.
37. The Temenggong’s letter is more detailed and stipulates the geographical scope of the permission which Johor is granting to the British authorities for the purpose of building the lighthouse, in a manner perfectly consistent with the Sultan’s letter.
38. Let us recall the Temenggong’s two key sentences: “J’ai dûment reçu la communication de mon ami et pris connaissance de son contenu. Mon ami désire ériger un phare à proximité de Point Romania”; “la Compagnie est entièrement libre de construire un phare à cet endroit, ou en tout autre lieu qu’elle jugera approprié”91.
39. In its Counter-Memorial, Singapore provides a capricious reading of the first sentence, taking it as signifying “Peak Rock” exclusively, and maintaining equally that PBP is not a location “near Point Romania”. As to the second sentence, according to Singapore, it can only be referring to the other Romania Islands (Pulau Lima)92. In sum, for Singapore “near Point Romania” meant “Peak Rock” and “or any spot deemed eligible” meant “the other Romania Islands”. In our Reply, we have amply refuted this reading, which is clearly incompatible with the text, the context, the object and the purpose of the letter, as well as with logic and common sense93.
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40. Perhaps this is why Singapore saw fit to change its position in its first round of pleadings. Singapore now admits that the permission extended to all places belonging to Johor94. Thus we are told that, as PBP did not belong to Johor, the permission could not be applicable to it. Worse still, we are told ⎯ and this constitutes a wholly new Singaporean position in this case ⎯ that even “if
91MM, Vol. 3, Ann. 45, translated by T. Church, Resident Counselor.
92CMS, paras. 5.42, 5.63, 5.64, 5.69, 5.70.
93RM, paras. 129-151.
94CR 2007/21, p. 29, para. 55 (Pellet).
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the Sultan and the Temenggong had given such permission, they would have been disposing of property that did not belong to them, which either cannot be done or has no legal value . . . They could not dispose of Pedra Branca.”95 A spectacular manner ⎯ I would say a desperate attempt ⎯ to evade the question. This shows the difficulties Singapore faces in denying that the actors in this story ⎯ the British authorities and those of Johor ⎯ had always understood that the permission extended to PBP. Indeed, such a permission can only mean an affirmation of Johor’s sovereignty and a recognition of this sovereignty by Great Britain.
41. This impressive effort by Singapore is furthermore doubly destined to fail because it is totally incompatible with its thesis on the status of PBP at the time. Was it not, according to Singapore, a terra nullius before 1847? Let us apply for a moment our adversaries’ thesis, which, as we know, is wrong. If PBP were a terra nullius as Singapore claims, and the Sultan and the Temenggong had authorized the construction of a lighthouse there, they would then have disposed of PBP before 1847. They would, simply by this incontrovertible act of manifestation of sovereignty, have “reduced to the disposal” of Johor this island, to use the terminology of the arbitral award of the King of Italy in the Clipperton Island case96. All of this is, however, pure speculation because the island was already part of Johor’s territorial expanse. The agreement granted to the British authorities to build a lighthouse was merely the manifestation of that sovereignty over the island.
49
42. Mr. President, this absurd claim seeking to remove all legal value from the permission to construct the lighthouse, even if it extended to PBP, cannot but hide an ethnocentric conception of the acquisition of sovereignty. Apparently, if one were to believe Singapore, not only should PBP be considered terra nullius even if it was in the middle of a maritime sultanate and was used by its pilots, fishermen and other inhabitants since time immemorial, but it was still a terra nullius over which only European powers could acquire sovereignty!
95CR 2007/21, p. 29, para. 57 (Pellet).
96RIIA, Vol. II, p. 1110.
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(i) PBP is a location “near Point Romania”
43. Let us then consider the two phrases of the Temenggong’s letter which bear on the territorial scope of Johor’s permission. The first refers to the construction of the lighthouse “near Point Romania”. This Court has already had an opportunity to examine what constitutes proximity, in the context of the delimitation of maritime areas. And you have rejected the notion according to which only that which is the nearest or most contiguous is near or contiguous97 (North Sea Continental Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark; Federal Republic of Germany/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969, p. 30, para. 41). Yet Singapore’s reasoning is precisely that because the Romania Islands are closer to Point Romania than PBP, then the latter is not close to Point Romania.
44. To claim in this context, as Singapore is attempting to do in its written submissions, that PBP is not close to Point Romania, is to defy the geography of the region, as well as its perception by this story’s main protagonists.
Thomson: “Point Romania the nearest land to Pedra Branca”
45. The British colony’s surveyor, Thomson, mentions together and explicitly the two locations under consideration in the following manner: “Point Romania, le territoire le plus proche de Pedra Branca”. The only argument Singapore has found to refute this categorical definition has been to say that Point Romania is the mainland territory closest to PBP98. This still does not explain why PBP is not “near Point Romania”. And one can assume that if PBP is close to something, this must be “the nearest land”. Unless, of course, our adversaries are claiming that PBP is far from everything on this planet, which they have not as yet said.
50
John Crawfurd: Romania includes PBP
46. Singapore has furthermore maintained an absolute silence in its Counter-Memorial, in its Reply and in its first round of the oral pleadings on the geographical description which John Crawfurd made of the region in question.
97See RM, para. 136.
98CMS, para. 5.65.
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47. “Romania constitue la partie orientale du détroit de Singapour ; l’entrée est divisée en deux chenaux par un groupe de rochers, dont le plus important, qui culmine à 20 pieds au-dessus du niveau de la mer, a été nommé Pedro Branca par les Portugais.”99
48. Clearly, for the first British Resident in the colony of Singapore and the signatory of the 1824 Treaty with Johor, Romania was the region which lay on the eastern side of the Singapore Strait and included as much the Romania Islands as PBP and the two channels found between the peninsula and PBP. One region: Romania. And it included PBP.
Thomson: “Carte marine des environs du phare Horsburgh et de la côte malaise adjaccente”
The map drawn up by Thomson himself is entitled “Carte marine des environs du phare Horsburgh et de la côte malaise adjaccente”. Not only is the title very revealing (that which is adjacent is near or contiguous, I refer to the definitions of the Oxford Dictionary which we reproduced in our Reply)100, but Thomson’s very idea of drawing up a map of PBP in such a manner that Point Romania and the Romania Islands were included in its environment means that in his eyes, all of this constituted a regional whole. He could have done it in a manner such that Bintan would appear on it and not the mainland coast of Johor and the Romania or Lima Islands. But no, he chose to show the place where the Horsburgh lighthouse was located and the adjacent Malay coast. In his eyes, and in the eyes of all those who knew the area, all these geographical entities made up one same region.
The PBP-Point Romania relation in Thomson’s work
51
49. There is more. Thomson persisted with his idea of relating PBP with the Malay coast in his work Account of the Horsburgh Lighthouse. The two drawings which are included show PBP before and after the construction of the lighthouse, having in the background the Malay coast, Point Romania and the Romania Islands, which as you can see are explicitly mentioned there.
99MM, para. 125 and Ann. 23.
100RM, para. 143.
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50. Here is an actual image taken from the approximate location where the drawing reproduced by Thomson was made. Members of the Court, regardless of the angle from which one casts one’s eye, it is difficult to maintain that PBP is not close to the coastline of Johor in general, and not simply to its nearest point, Point Romania or Tanjung Penyusoh.
51. Members of the Court, I also draw your attention to Singapore’s “photographic tactics” used throughout the course of these proceedings. In all its written submissions as well as in this room before you, Singapore has carefully avoided showing photos of PBP with the coastline of Johor in the background. The only photos which show the island in a geographical context are taken in a southerly direction, showing the coastline of Pulau Bintan (Indonesian territory)101. This is no coincidence or simply a result of the prevailing light on the day at the time the photos were taken.
52. The facts associated with the construction and maintenance of the lighthouse also show that PBP is a location “near Point Romania”. It was to Point Romania that one went to get shelter from bad weather or supplies of water and other resources whilst the lighthouse was being built102; it was at Point Romania that at one point consideration was given to the creation of either a British station or a Malay village under the authority of one of Temenggong’s subordinates with a view to protecting the lighthouse, stating even that help could come quickly as PBP was within range of the naked eye from Point Romania103.
53. In sum, and without a doubt, PBP is “near Point Romania”. Without any doubt, from the beginning to the end of the lighthouse construction process, PBP was one of the sites envisaged for the construction of the lighthouse. Without any doubt, the permission granted by Johor does not refer solely to Peak Rock. Without any doubt, Members of the Court, in describing the location of the site for the construction of the lighthouse as being “near Point Romania”, the permission granted by the Temenggong included Pulau Batu Puteh.
52
101MS, images 3 and 16; RS, insert 7.
102MS, Vol. 4, Ann. 61, pp. 510-512, 514-515, 522, 524, 546-548, J. T. Thomson, Account of the Horsburgh Lighthouse, 6 Journal of the Indian Archipelago and Eastern Asia 376 (1852), pp. 407-409, 411-412, 419, 421, 443-445.
103MM, Ann. 59, letter from Church to Butterworth of 7 November 1850.
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(ii) “Or any spot deemed eligible”
54. Supposing (quod non), merely for the purposes of these pleadings that PBP is not a point near Point Romania. Would this mean that the authorization granted by the sovereigns of Johor did not include PBP? To assert this, as Singapore does in its written pleadings104, simply equates to removing from the Temenggong’s letter the second relevant sentence, the one in which he authorizes the construction of the lighthouse on “tout autre lieu …jug[é] approprié”, whilst at the same time disregarding the broad scope of the permission granted by the Sultan. In its oral pleadings, Singapore has finally conceded that the authorization could extend to all parts of the territory of Johor, though indicating that that could be Point Romania or Pulau Mungging, another island in the Romania group. “But not Pedra Branca.”105 Decidedly, our adversaries persist with their idea, that of a “hole in the sovereignty” at the mouth of the Singapore Strait. Uninhabited islands, similar to PBP and situated even further than PBP from dry land, even less known than PBP and to which there had been no prior reference, could form the object of cession by Johor to Great Britain106 or be recognized by the British Governor as being under Johor’s sovereignty107. Nonetheless, if one is to believe Singapore, PBP did not fall to Johor’s sovereignty, even if the permission granted by the authorities included it!
55. Singapore’s claim according to which the Temenggong’s second sentence refers to Pulau Mungging or the other islands of the Romania group is impossible to defend, because it is in contradiction with Singapore’s own argument used to set aside PBP as being “near Point Romania”. The Romania Islands are near Point Romania. Singapore has not tired of stating this throughout these proceedings108. Singapore has even recalled that Peak Rock is, of all the Romania Islands, the furthest from the mainland109. It is not possible to consider that the other islands in the group do not fall within the definition of “near Point Romania”. Claiming that the term “other spot deemed eligible” includes the other islands of the Romania group equates to depriving the second relevant sentence of the Temenggong’s letter of any effective meaning.
53
104CMS, paras. 5.42, 5.65.
105CR 2007/21, p. 29, para. 56 (Pellet).
106MM, Vol. 2, Ann. 6, Crawfurd Treaty of 2 August 1824.
107MM, Vol. 3, Ann. 86, the “Ord” Arbitral Award, 1 September 1868.
108MS, para. 2.14; CMS, paras. 6.65, 5.67; RS, footnote 85.
109MS, para. 2.14; RS, footnote 85.
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56. In our Memorial, we already highlighted the striking coincidence between the phrases used by the Temenggong (“à proximité du Point Romania”; “tout autre lieu …jug[é] approprié”), and other phrases used by important actors associated with the construction of the Horsburgh lighthouse, such as the subscribers and Governors Bonham and Butterworth110. Having mentioned one or the other of the sites envisaged (Pedra Branca, Tree Island, Peak Rock), the alternative phrases used are always similar: “sur un autre lieu que le Gouvernement de l’Honorable Compagnie des Indes orientales jugera éventuellement préférable”, “ou sur un quelconque autre lieu qui peut être jugé souhaitable par les marins”, “sur un autre lieu jugé éventuellement préférable par le Gouvernement de l’Honorable Compagnie des Indes orientales”. This last phrase is the formulation that Butterworth used in his letter of 28 November 1844, thus three days after having received the letters of the Sultan and of the Temenggong.
57. Singapore persists in maintaining the utmost silence on the identical nature of these alternative phrases. The reason for this is both simple and self-evident. The use of this phrase was not a coincidence, but was entirely consistent with the ever-open possibility that the final site might be other than the one being envisaged at the different times when the phrase was used. Thus even if PBP was not a site “à proximité du Point Romania” (quod non), even if the permission was originally destined for Peak Rock (quod non), the final choice of PBP would be without any doubt covered by the expression “ou tout autre lieu … jug[é] approprié”. No new permission was needed, as emerges from Butterworth’s letter of 26 August 1846. From whence the opposing side’s desperate efforts to sow confusion over this letter, by recourse to a somewhat dubious means.
C. The later correspondence evidences the fact that the permission granted by Johor extended to PBP
54
58. So let us now consider the exchange of written correspondence which took place at the time when the site for the construction of the lighthouse was changed, from Peak Rock to PBP, and afterwards.
110MM, para. 129.
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(a) Butterworth’s letter of 26 August 1846 confirms that the permission granted by Johor was applicable to PBP
59. Governor Butterworth’s letter dated 26 August 1846 to the Secretary of the Government of India, Bushby, puts Singapore in a truly embarrassing situation. In that letter, Governor Butterworth informs him that the whole of the details concerning the lighthouses, as put forward in his letter of 28 November 1844, are equally applicable to PBP. Undoubtedly one of the “details” of the letter cited is the permission given by the Johor authorities for the construction of the Horsburgh lighthouse. This letter is unequivocal: the permission given in 1844 is applicable in 1846 to PBP, once it was finally decided that the lighthouse would be built on the White Rock.
60. For Singapore, these terms need to be read as referring to “the whole of the details for the care of Light Houses”. Thus, only those questions relative to the care, maintenance or attention to be given to the lighthouse referred to in the letter of 28 November would be equally applicable to PBP, thereby excluding the permission granted by Johor for its construction and the other practical considerations mentioned therein.
61. Malaysia has carefully demonstrated in its Reply that the term used by Butterworth is “case” and not “care”. I will recall here the comparison which we made in our Reply between the key word which forms the object of discussion as it appears in the original letter ⎯ which you can see in the first column ⎯ and the other uses of the word “case” in the same document ⎯ which you can see in the second column, and this in sentences where the only possible interpretation of the writing is clearly “case”. For example, in the first comparison before you: “Les navires seraient par conséquent constamment contraints de modifier leur route par rapport au phare et de ne pas suivre une route directe, comme dans le cas de Pedra Branca”. You can see in the third column a superposition of the contested word over the word “case” used in other parts of the same document.
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62. The similarity between the two handwritings is striking and confirms that the word which is today called into question by Singapore is indeed “case” and not “care”. I refer you, Members of the Court, to our Reply and its annexes for further details111.
111See RM, paras. 153-174, App. to Chap. 3 and Ann. 26.
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63. In fact, Singapore changed the text of this letter of Butterworth’s during the written pleadings. At the time of the Memorial and Counter-Memorial, the opposing side read the letter as follows: “L’ensemble des détails concernant l’entretien du phare”112. In the Reply it clarified that “Light House” was in reality “Light Houses”, in the plural. The reason for this “confusion”, which Singapore gave in a footnote, was that it was a copy of the original letter, a copy which was in Singapore, which had been used in the Memorial113. In fact it is in the Counter-Memorial that they began this perilous exercise in graphology, claiming to have done so on the basis of the original letter. Apparently, the Singaporean researchers, civil servants and counsel only realized the mistake at the time of the Reply. Hence they did not realize that there was a mistake after claiming to have made a detailed examination of the handwriting just two words before, of the word “case”. Furthermore, the copy which is in Singapore states “dans le cas du phare” and not, as Singapore claims, “concernant l’entretien du phare”114. This is the level of attention, I would say “care”, with which the opposing side has undertaken its reading of this letter of Governor Butterworth.
64. We can understand the difficulties of our friends and adversaries when confronted with a letter which can only be read as meaning that Johor’s authorization was applicable to PBP. Their methods, however, are not the best.
Let us say, furthermore, that the credibility of Singapore’s readings of the handwriting is seriously tainted by their own contradictions. In contrast, Malaysia’s position has always been the same. It has always been based on the original text of the letter which is in the Indian National Archives.
65. The last ⎯ and ultimate ⎯ appeal by Singapore regarding this letter warrants criticism both in terms of procedure and substance. Our adversaries waited almost until the opening of these oral proceedings was imminent to produce a handwriting report purporting to prove that the term used is “care” rather than “case”. The justifying arguments are unfounded. Whereas Malaysia
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112MS, Vol. 2, Ann. 16, p. 136; CMS, paras. 5.81, 5.83.
113RS, p. 41, footnote 94.
114RM, para. 157.
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produced the original of the letter, Singapore chose in its Counter-Memorial to produce a purported handwriting study which is both simplistic and misleading115. In its Reply, Malaysia demonstrated this distortion of the true situation by undertaking a veritable forensic report which proves that the word used is “case”116.
66. Let us now deal with the substance of the belated Singaporean handwriting report. It is not convincing. The report’s author has difficulty in concealing that she is ill at ease, as emerges from her arguments explaining the difficulty of distinguishing “care” from “case”, which ultimately end in a tendentious manner, claiming that it is “highly probable” that the word used is “care”117. In the brief time left before these hearings, the expert who elaborated the report presented by Malaysia answered the assertions in Singapore’s report118. The methodology used, the examples used, the fact that each time the full word “case” appears in the document, it appears written in a manner similar to the word currently questioned, are elements which demonstrate the better probative value of the expert report presented by Malaysia119.
67. Let us leave aside for a moment the calligraphic debate. Instead, let us look for the meaning of the word used in its proper context. Because, supposing it were not possible to establish from a straightforward handwriting analysis whether the word used was “care” or “case”, the context also favours the latter term. Alain Pellet remained prudently silent on this question, contenting himself with affirming without any explanation that “the case of Light Houses”, “furthermore, is meaningless”120. It was the only response from Singapore to what we have demonstrated in our Reply; namely, that the term “care” does not make sense in the sentence as it is constructed, that the context of the letter shows that the term used can only be “case”, that neither
115CMS, Vol. 2, Ann. 12.
116RM, Vol. 2, Ann. 26.
117Report of Mrs. Lee Gek Kwee of 4 June 2007, presented by Singapore to the Court on 21 August.
118Letter of Malaysia’s Co-Agent to the Registrar of 26 September 2007 and annexed report.
119RM, Vol. 2, Ann. 26.
120CR 2007/21, p. 32, para. 63.
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57
Butterworth, nor any other British authority would have used the term “care” to refer to the safety and maintenance of the lighthouse, and that the subsequent practice shows that the whole of the details of the letter of 28 November 1844 relative to the lighthouse to be built at Peak Rock were applied equally to the lighthouse built on PBP121.
68. The opposing side thus affirms that the letter of 28 November 1844 refers to the construction of the lighthouse at Peak Rock and that the details contained in this letter are not applicable to PBP, with the exception of the whole of the details relative to the “care” to be given to the lighthouse.
69. The truth is that what happened subsequently confirms that “the whole of the details” concerning the lighthouse set out in the letter of 28 November 1844, as they were applicable to Peak Rock, were equally applicable to the new site chosen for the construction of the lighthouse to honour Horsburgh. These details, as you can see from reading this letter which you have in your files122, were as follows:
(a) the reference to the funds raised by the merchants;
(b) the person in charge of construction of the lighthouse (J. T. Thomson);
(c) the permission granted by Johor;
(d) the architectonic plan of the lighthouse, drafted by Thomson;
(e) the budget allocated to the Chinese constructor; and
(f) the manner of the entry into operation of the lighthouse123.
70. Butterworth’s letter of 28 August 1846 thus constitutes irrefutable evidence that Johor’s authorization for the construction of the Horsburgh lighthouse continued to apply once the final decision was taken with regard to its location on PBP. Not only does subsequent practice confirm the Malaysian interpretation, but so too does the later correspondence, once the final site chosen was PBP, and in a categorical way.
121RM, para. 162-174.
122Tab 79.
123RM, paras. 165-167 and 173.
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(b) The key correspondence which follows the final choice of PBP confirms Malaysia’s interpretation
71. It is indeed a matter of the key correspondence, because it involves the highest authorities which had to make the final decision. The only refutation which Singapore has considered that it is able to bring in its pleadings is that, “in requesting a final decision from his Government, the Governor appended the full dossier on the case, but nothing can be inferred from that”124. And, counsel for Singapore added, “even if it was accepted that Butterworth had intended to refer to the Peak Rock question, that would obviously only be transposable mutatis mutandis; the distances, in relation to the Malaysian coast or to Singapore, are different; so are the reasons for the choice; and the same is true for the legal status”125. He also referred to two appended letters which, in his view, were not applicable to PBP.
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72. The response to these allegations by Singapore is straightforward. First, we have already demonstrated that the whole of the details concerning the lighthouse at the time when the envisaged site was Peak Rock were subsequently applied to the location of PBP126. Secondly, the letters mentioned by Alain Pellet confirm Malaysia’s position. Indeed, J. T. Thomson’s report of 20 November 1844, conceived for Peak Rock, proved to be equally applicable to PBP: the type of lighthouse to be built was the same, the estimated cost was also applied to the new site, the contract signed with the Chinese constructor was retained, the workers envisaged were the same, as was the period of the year during which construction was envisaged, the security to be provided during the construction, etc.127. The commentaries of Belcher’s letter of 1 October 1844 referring to the safety of navigation at the entry of the South China Sea, the safety of the lighthouse, the problem presented by pirates, the directive “Keep the Light in Sight” when entering or leaving the strait, which referred to the lighthouse if it were built on Peak Rock, are equally applicable to PBP128. Thirdly, the distances from the mainland coasts or from Singapore change absolutely nothing in respect of the question. By definition, two different locations must be at different distances by reference to another point. Fourthly, it is incorrect that the reasons for the choice were different:
124CR 2007/21, pp. 31-32, para. 63 (Pellet).
125CR 2007/21, p. 32, para. 63 (Pellet).
126See infra, para. 69.
127MM, Vol. 3 Ann. 43, letter from Thomson to Butterworth, 20 November 1844; see RM, paras. 166-167.
128MM, Vol. 3, Ann. 41, letter from Belcher to Butterworth of 1 October 1844.
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what at all times guided the choice of location was what was best as an aid to navigation in the region. Fifthly, the legal status of the two locations was the same. But, leaving aside this point of divergence between the parties, one thing is certain; it is that at no time did the British authorities make the least comment relative to a difference in legal status between Peak Rock and PBP. Never was the question of sovereignty a determining factor for the choice of location of the lighthouse.
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73. Let us now consider the two other fundamental documents at the time of the taking of the final decision.
(i) The Government of India’s dispatch to the IEC’s Court of Directors
74. The first is the dispatch dated 3 October 1846 sent by the Government of India to the East India Company’s Court of Directors in London. This dispatch is entitled [slide 19] “Reports that Pedra Branca has been approved as the position for erecting the Horsburgh Light. Requesting consideration of the proposition for sending an Iron Light House from England”129. It contains Butterworth’s letter of 28 November 1844 and the letters of the Sultan and the Temenggong granting the permission to build the lighthouse. So why include them in a report which deals with the approval of PBP as the site for the construction of the Horsburgh lighthouse, if, as Singapore maintains, they were not relevant? We have already rejected this contention put forward by our adversaries. We have demonstrated that even the other documents that Singapore invokes had their relevance to PBP130.
75. The fact is, Mr. President, Members of the Court, that the East India Company’s Court of Directors had to make a final decision regarding the location of the Horsburgh lighthouse, that the final decision was finally made in favour of a site which was not under British sovereignty, and that in making it, the supreme authority of the Company had at its disposal the permission granted by the sovereigns of Johor.
129MM, Vol. 3, Ann. 54,paras. 136.
130RM, paras. 166-167.
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(ii) Governor Butterworth’s “Full Report” to the Government of Bengal dated 12 June 1848 confirms that the permission granted by Johor applies to PBP
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76. Another crucial piece in this puzzle is the “full report” that Governor Butterworth sent to the Government of Bengal on 12 June 1848, that is, in the last stage of the written exchanges between the various authorities responsible before the actual start of construction of the lighthouse. The report began as follows:
“Conformément aux diverses communications indiquées dans la marge* concernant la construction d’un phare sur Pedra Branca à l’entrée de la mer de Chine en mémoire du célèbre hydrographe James Horsburgh Esquire, j’ai maintenant l’honneur de vous soumettre ci-joint le rapport complet relatif aux ordres définitifs du très honorable gouverneur du Bengale.”131
77. The first of the communications which appears as noted in the margin is Butterworth’s letter of 28 November 1844. For Governor Butterworth, his letter of 28 November 1844, containing in an annex the permissions of the Sultan and of the Temenggong, constituted the first of the relevant exchanges “regarding the construction of a Light House on Pedra Branco”. One could not be clearer. It is the author of the letter of 28 November 1844 himself ⎯ Governor Butterworth ⎯ who considered that the letter dealt with the construction of a lighthouse at PBP.
78. This “Full Report” was then circulated to the various authorities responsible for making decisions (from the Government of Bengal to the Government of India, and then from the latter to the Company’s Court of Directors). All the competent authorities were perfectly well aware that Butterworth’s letter of 28 November 1844 and its annexes applied equally to PBP132. The same was true of Butterworth’s direct subordinates in charge of the building of the lighthouse, Church and Thomson, once the Company’s final decision was known133.
131MS, Vol. 2, Ann. 27.
132RM, Ann. 14, letter from the Government of Bengal to Governor Butterworth dated 19 April 1849; RM, Ann. 13, despatch of the Government of India to the Court of Directors dated 3 March 1849; MS, Ann. 31, letter from the Court of Directors to the Government of India of 5 September 1849.
133RM, Ann. 15, letter from Governor Butterworth to T. Church, Resident Councillor, 12 December 1849.
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79. To sum up, Mr. President, these last two documents prove that Singapore’s calligraphic gymnastics are destined for failure. The cited written exchange also shows without the shadow of a doubt, and in an autonomous fashion, that the permission granted by Johor, to which Governor Butterworth’s letter of 28 November 1844 refers, also included the site finally chosen for the construction of the Horsburgh lighthouse: Pulau Batu Puteh.
D. The British interpretation of the 28 November 1844 letter made a century later supports its application to PBP
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80. The question did not arise again after the construction of the lighthouse and its entry into operation. There was absolutely no reason for it to do so. The authorization had been well and truly given and Great Britain confined its activity to the maintenance of the lighthouse. There was no need to return to the issue.
81. It is revealing that, just over a century later, Singapore’s colonial authorities continued to interpret Butterworth’s letter of 28 November 1844 as implying an authorization by Johor to build the lighthouse at Pedra Branca. J. D. Higham, on behalf of the Colonial Secretary of Singapore, sent a letter on 12 June 1953 to the British Adviser in Johor. The relevant part affirms:
“Ce rocher se trouve apparemment à l’extérieur des limites du territoire cédé à la Compagnie des Indes orientales par le sultan Hussain et le dato tumunggong dans le traité de 1824 (voir extrait sous A). Cependant, il en était fait mention dans une dépêche du gouverneur de Singapour datée du 28 novembre 1844 (voir extrait sous B).”134
82. Annex B of Higham’s letter includes Butterworth’s sentence “This Rock is part of the Territories of the Rajah of Johor” with the addition “[i.e., Pedra Branca]” as denoting “this Rock”135.
83. Clearly, the British colonial authorities in Singapore were aware in 1953 that British title over the territories in the region was the Crawfurd Treaty of 1824. The doubt arises because, according to these authorities, the letter dated 28 November 1844 applied to PBP and because they thus interpret Butterworth’s sentence as referring to a free cession. We know that it was not a case
134MM, Ann. 67; MS, Ann. 93; emphasis added.
135CMM, paras. 139, 507 and 508; MS, Ann. 93.
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of a free cession of sovereignty and that the sentence in question referred to Peak Rock. It nonetheless remains true that Higham’s letter and the explicit addition made to his Annex B show the belief by the colonial authorities of the time that the construction of the lighthouse on PBP was covered by the permission given by Johor to Great Britain.
84. Higham’s letter and its Annex B equally show that the request for information formulated in Johor by the British colonial authorities, through the British Adviser in Johor, was based on erroneous information leading to the belief that there was a cession of PBP by the authorities of Johor one century earlier. Sir Elihu Lauterpacht will examine the correspondence of 1953 tomorrow.
E. The legal bearing of the consent given by Johor for the construction of the lighthouse
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85. We have seen that the permission granted by Johor applied to the site finally chosen, PBP. From a legal point of view, awarding a licence for the construction and operation of a lighthouse on a territory constitutes an obvious manifestation of an exercise of sovereignty.
86. In his pleadings of Friday 9 November, Mr. Bundy demonstrated in sufficiently clear terms that the British authorities had always requested and obtained the permission of local authorities when they planned the construction of lighthouses in the region outside Singapore’s territory. It was a widespread phenomenon. Only, Mr. Bundy had wanted to show that the Horsburgh lighthouse was an exception; that there had not been an agreement on the construction of the lighthouse on PBP136. We have just shown that the situation described by Judge van Eysinga, in his separate opinion appended to the judgment in the case concerning Lighthouses in Crete and Samos, applies perfectly to the situation of the Horsburgh lighthouse.
87. If the granting of permission for the construction and operation of a lighthouse is an act of exercising territorial sovereignty, the beneficiary of such a permission does not act on that territory à titre de souverain. No State has ever claimed that, because it has obtained an authorization to administer and operate a lighthouse, it has thus become sovereign over the territory on which the lighthouse is located.
136CR 2007/23, pp. 13-14, para. 17 (Bundy).
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88. Under no circumstances can this presence on foreign territory constitute a possession à titre de souverain. Furthermore, a State which requests another for a licence to build a lighthouse on foreign territory cannot claim to have acted à titre de souverain.
89. Even in cases where a State exercises public authority broader than the mere management of a lighthouse, as a result of a lease for instance (or even for free), but without a transfer of sovereignty, one is not in the presence of possession à titre de souverain. The practice in the area is abundant. The administrator is not sovereign and cannot validly act as sovereign, whether it stays on the territory for a decade or a century and a half. In the Namibia case, this Court summarily dismissed the claim of South Africa, which was in possession of a territory previously under the Mandate system. Faced with the titles invoked by South Africa, such as initial conquest, prolonged occupation, the maintenance of the “sacred trust” and its ability to annex South-West Africa, this Court’s advisory opinion of 21 June 1971 stated that these claims of title, “apart from other considerations, are inadmissible with regard to a mandated territory” (Legal Consequences for States of the Continued Presence of South Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1971, p. 43, para. 83).
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90. The answer is the same when a State confines itself to the construction and operation of an aid to navigation. In the case which Malaysia and Singapore have submitted to you, it would be equally inadmissible to invoke territorial sovereignty with regard to a territory on which was built and operated a lighthouse by a government which requested permission in order to act in this manner and which obtained it from the legitimate authorities of the territory.
91. To conclude, Mr. President, the fact that the Horsburgh lighthouse was built on Pulau Batu Puteh with the consent of Johor implies:
⎯ first, that the sovereign of Pulau Batu Puteh at the time of the construction of the lighthouse was Johor, and that consequently PBP was not a terra nullius;
⎯ secondly, that the British authorities knew and accepted this legal situation;
⎯ thirdly, that the British authorities had no intention to establish their territorial sovereignty over Pulau Batu Puteh; and
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⎯ fourthly, that the construction of the lighthouse and its maintenance cannot in any event imply a conduct à titre de souverain by Great Britain.
I thank you, Mr. President, and kindly request that you give the floor to my friend and colleague Sir Elihu Lauterpacht.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie, M. Kohen, pour votre plaidoirie. J’invite sir Elihu à prendre la parole.
M. LAUTERPACHT : Je vous remercie, Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour.
LA GRANDE-BRETAGNE N’AVAIT PAS L’INTENTION D’ACQUÉRIR LA SOUVERAINETÉ SUR PULAU BATU PUTEH
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1. Je vais maintenant, si vous le voulez bien, compléter la réponse de la Malaisie à la thèse de Singapour en passant du niveau général, global, de mon intervention d’hier à un examen plus approfondi d’un aspect de cette thèse auquel Singapour a accordé la plus grande importance ⎯ à savoir l’affirmation selon laquelle la conduite de la Grande-Bretagne relativement à Pulau Batu Puteh entre 1847 et 1851, ainsi qu’après 1851, pourrait servir de fondement à la présente revendication de Singapour. Je le ferai en m’appuyant sur les interventions faites par mes collègues hier et ce matin. De toutes ces plaidoiries, celle qui touche plus particulièrement au coeur de la question est celle de M. Crawford. En effet, il a, en des termes très clairs, réfuté l’allégation de Singapour selon laquelle, en 1847, Pulau Batu Puteh aurait été terra nullius. Il a par ailleurs démontré très clairement que, à cette époque, Pulau Batu Puteh faisait incontestablement partie du Johor. Son argumentation a ensuite été étayée et approfondie par M. Schrijver, lequel a examiné les conséquences du traité anglo-néerlandais de 1824.
2. Mon éminent ami, M. Kohen, vient quant à lui de développer un autre point, à savoir que la correspondance relative au début des activités britanniques sur Pulau Batu Puteh en 1847 ne pouvait être interprétée autrement que comme signifiant que la demande d’autorisation adressée par la Grande-Bretagne au Johor valait également pour Pulau Batu Puteh.
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3. Je commencerai donc, Monsieur le président, par le critère présenté par Singapour elle-même dans son mémoire, dans le cadre du premier de ses arguments, et sur lequel elle n’a cessé de se fonder. Selon le mémoire de Singapour, «les textes exigent une intention d’acquérir la souveraineté ⎯ une intention permanente à cette fin ⎯ et une action publique visant à mettre l’intention à exécution et à la rendre manifeste aux autres Etats»137.
4. Ce passage pose au moins deux questions : Premièrement, comment identifier l’«intention» d’acquérir la souveraineté ? Deuxièmement, qu’est-ce-qu’«une action publique visant à mettre l’intention à exécution et à la rendre manifeste aux autres Etats» ?
Remarque générale
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5. Permettez-moi de commencer par une remarque générale d’ordre juridique. Lorsqu’un Etat A accomplit, en dehors de son territoire, des actes s’apparentant à des actes étatiques, ou à des actes de souveraineté, actes que mon éminent ami, M. Brownlie, a qualifiés de «travaux publics», il n’a pas nécessairement l’intention d’acquérir la souveraineté sur la zone dans laquelle lesdits actes ont été accomplis. Prenons l’exemple des cessions à bail, c’est-à-dire lorsqu’un Etat B cède à bail à un Etat A des portions de son territoire. Il existe maints exemples de telles cessions, accordées en vue d’un usage pacifique ou militaire. Il convient d’en évoquer l’un des plus célèbres, à savoir les zones de Hong Kong cédées à bail avant que l’ensemble de ce territoire ne soit rétrocédé à la Chine en 1997. Les clauses de ce bail sont énoncées dans le traité de 1898 aux termes duquel les Nouveaux Territoires (soit 92 % du territoire de Hong Kong) avaient été cédés à bail à la Grande-Bretagne pour une période de 99 ans138. Jamais la Grande-Bretagne n’a revendiqué la souveraineté sur ces zones. Néanmoins, elles faisaient partie de la colonie britannique de Hong Kong et le drapeau britannique flottait de manière permanente sur la Government House [résidence du gouverneur]139. Ainsi, le déploiement d’un drapeau ne traduit pas une revendication de souveraineté. Le fait que les Britanniques aient administré les territoires cédés à bail et légiféré
137 MS, par. 5.109. Voir le dossier de plaidoiries, onglet 90.
138 Le texte figure dans ILM, vol. 23, 1984, p. 1366.
139 C. Patten, East and West: the Last Governor of Hong Kong on Power, Freedom and the Future, 1999. Voir dossier de plaidoiries, onglet 91.
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à leur égard de manière continue et comme s’ils faisaient partie de la colonie britannique est d’ailleurs plus pertinent encore. Jamais la Grande-Bretagne n’a cherché à fonder une revendication de souveraineté sur ces actes administratifs, lesquels, dans les territoires cédés à bail, portaient sur tous les aspects de la vie.
6. Ainsi que M. Brownlie l’a lui-même fait observer dans son remarquable traité intitulé «Principles of Public International Law», 6e édition, à la page 366 : «Un Etat peut céder un droit d’usage exclusif d’une partie de son territoire à un autre Etat, tout en conservant la souveraineté, mais en renonçant à jouir des prérogatives de souverain territorial. Une telle cession peut être considérée comme un «bail».». Dès lors, le fait que l’Etat cessionnaire administre la zone cédée à bail et légifère à son égard de manière continue ne lui confère pas le droit d’en revendiquer par la suite la souveraineté sur la base de ces actes. Je doute que la Cour souhaite appuyer une conclusion différente.
Servitudes
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7. Le concept de servitude est, sans nul doute, lui aussi bien connu de la Cour. Il existe littéralement plusieurs centaines d’exemples de situations dans lesquelles un Etat A accomplit sur le territoire d’un Etat B divers actes liés à sa présence sur le territoire de l’Etat B sans qu’il soit pour autant en mesure de revendiquer la souveraineté sur la zone pertinente de l’Etat B. Maints exemples sont exposés dans l’étude de M. Vali sur les «servitudes en droit international» [Servitudes of International Law], dont la deuxième édition a été publiée en 1958140. Il s’agit par exemple des zones nationales ou des cessions à bail dans des ports étrangers141, de la zone du canal de Panama jusqu’à sa rétrocession par les Etats-Unis142, etc.
8. Quoi qu’il en soit, revenons-en à notre hypothèse ⎯ pure hypothèse ⎯ selon laquelle Pulau Batu Puteh aurait été, pour des raisons que je ne saurais comprendre ou accepter, une terra nullius et, partant, aurait pu être acquise par la Grande-Bretagne. La Grande-Bretagne a-t-elle
140 Voir le dossier de plaidoiries, onglet 92, pour la table des matières.
141 Vali, p. 135-144.
142 Ibid., p. 253-262.
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jamais manifesté l’intention d’acquérir la souveraineté sur Pulau Batu Puteh ? A-t-elle accompli une quelconque action publique visant à mettre son intention à exécution et à la rendre manifeste aux autres Etats? La réponse est incontestablement négative.
Monsieur le président, si vous estimez que le moment est approprié, je pourrais arrêter ici pour la pause déjeuner.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je pense qu’il conviendrait que vous vous arrêtiez là pour la pause déjeuner, et nous reprendrons par votre exposé demain matin à 10 heures.
M. LAUTERPACHT : Je vous remercie, Monsieur le président.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie. Ceci met fin à l’audience de ce matin et nous nous réunirons demain matin à 10 heures. L’audience est à présent levée.
L’audience est levée à 13 heures.
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