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YUGONUK

CR 200410 (traduction)

CR 2004110(translation)

Lundi19avril2004à17h 20

Monday 19April2004 at 5.20p.m. Le PRESIDENT : La Cour entendra à présentla plaidoirie du Royaume-Uni. Je donne la

parole àsirMichael Wood, agent du Royaume-Uni.

Sir Michael WOOD :Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, c'est pour

moi un honneur de me présenter devant vous aujourd'hui en qualité d'agend tu Royaume-Uni. Les

membres denotre équipesont M. Chanaka Wickremasinghe, conseiller juridique au ministère des

affaires étrangères, quiest notre agent adjoint, M. Greenwood, notre conseil, et M.DavidBurton,

membre denotre ambassade à La Haye, qui intervient comme conseiller.

Monsieur le président,le conseil du Royaume-Uni, M. Greenwood, va vous exposer notre

argumentation. Avant de vous prier de lui donner la parole, j'aimerais simplement saluer l'équipe

juridique de la partie adverse, M. Varady et ses collègues;je tiens àles assurer de notre trèshaute

estimeet dire en particulier l'intérêt qeous aurons àentendre leurs exposésmercredi.

Monsieur le président, sans plus de cérémoniej,e vous prie de bien vouloir inviter

M. Greenwood à s'adresserà la Cour

Le PRESIDENT : Je vous remercie, sir Michael. Je donne maintenant la parole à

M.Greenwood.

M. GREENWOOD :Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, c'est pourmoi

un honneur de me présenterune fois de plus devant vous, et ce au nom de mon pays.

INTRODUCTION

1. Les circonstances de la présente procédure orale sont inhabituelles -voire

exceptionnelles- pour la Cour. A l'instar des défendeursdans les sept autres affaires plaidées

cette semaine, le Royaume-Uni a soulevé des ex~eptions préliminaires dont la date de dépôt

remonte à juillet 2000'. Dans ses conclusions finales, le Royaume-Uni a priéla Cour de dire et

'Exceptions préliminairesdu Royaume-Uni (EPRU), 20 juin 2000, accompagnées d'un volume d'annexes
(annexes aux EPRU). En février2004, les défendeursdans les huit affaires ont présentéun document intitulé
((Documentsnouveaux présentéspar les Etats défendeurde l'articledu Règlement dela Cour»(ci-après«les
documents nouveaux)))ainsiqu'un document intitulé «Correspondancela Cour internationalede Justiceaprès
dépôt des observations et conclusions écrites du demandeur le 18décembre2002)) (ci-après ((le volume de
correspondance»). juger, premièrement,qu'elle n'avait pas compétence et, deuxièmement, que les demandesformées

7 contre le Royaume-Uniétaienten tout étatde cause irrecevables2. Des argumentsdétaillésont été

exposés à l'appui de ces conclusionsdans la pièce écritedu Royaume-Uni.

2. Après avoirdemandé:deux prorogations de délai - motivées, commela Cour l'a indiqué

dans les ordonnances y relatives3, par ce que le demandeur qualifiait de ((changementsprofonds))

survenus en Yougoslavie et ayant (placé l'[affaire] dans une tout autre perspective))-, la

République fédérale de Yougoslavie a déposé,en décembre2002, un exposé écrit contenantses

observations et conclusions. Ce document, monsieur le président, fait à peine une page; le

demandeur n'y répond pas directementaux arguments du Royaume-Uni et, surtout,n'invite pas la

Cour à rejeter les conclusions finales de celui-ci. En revanche, ses observations et conclusions

s'apparentent à un renoncement aux deux seulschefs de compétenceinvoquéesdans la requêteE . t

il prie explicitement la Cour de statuer sur sa compétence à la lumière des observations qu'il

expose - une demande réitérlé dans sa lettre du 28 février2003~.

3. Ainsi, la Cour se troiiveen présence d'un demandeuret d'un défendeur qui s'accordenetn

faità considérer qu'ellen'a pas compétence en l'espèce. Il semble qu'il n'y ait plus de différend

entre les Parties quant la cornpétenceet, partant, plus de différenddevant la Cour. Nous estimons

que la décision de la Cour, quelle qu'elle soit, devra refléterce point essentiel.

4. La question est alors la suivan:eoù cela nous mène-t-il ? D'un côté,c'est évidemment

de la Cour que relève la compétence dela compétence. Ce principe, qui découle du paragraphe6

de l'article 36 du Statut, est bien établipar la jurisprudence. La présente procédure orale apour

objet de permettre aux Partie:;chaque affaire d'exposer leurs conclusions sur la manièredont la

Cour devraitexercer cette cornpétence.De l'autre côté, que le demandeurn'invoque plus dansson

exposé écritune quelconque compétence à l'égard de ses prétentions est l'évidenceun fait de la

plus haute importance. Il le seraitpour tout tribunal, mais il l'est encore pluspour une cour dont la

compétenceest subordonnéeiauconsentementdes parties.

EPRU,p. 102.

'Ordonnances du 21février2001et du 20mars 2002
Volume de correspondance.8 5. Par conséquent,l'objet de la procédure oraleen l'espèce doitêtreavant tout -à notre

sens - d'examiner les conséquences qui découlent dl ea teneur de l'exposéécritdu demandeuren

date du 18décembre 2002. Mais cela pose un dilemme pour les défendeurs. Leparagraphe 1 de

l'article 60 du Règlement de la Cour exhorte les parties à présenter des exposés oraux aussi

succincts que possible et portant«sur les points qui divisent encore les parties)). Cependant,dans

l'affaire quinous occupe, il n'est pas évidentqu'il reste despoints divisant encore les Partiesquant

a l'objet de laprocédureorale.

6. Car celle-ci porte principalement sur une question : la Cour a-t-elle compétencepour

connaître d'un aspect quelconque des demandes formulées dansla requête puisréitérées danlse

mémoire ? Si l'on répond par la négative,l'affaire s'arrête la. Seule une autre question pourrait

être soulevée au cours des audiences, celle de la recevabilitédes demandes; or, mêmecette

question-làn'a pas besoind'êtretranchée si la Cour concluta son incompétence.

7. Si l'on comprendbien son exposéécrit,le demandeur semble dire qu'il n'existe plus de

désaccord entre les Parties quant à la compétence. Mais iln'a pas pour autant abandonnéla

procédure (préférantà l'évidence,pour une raison inconnue, que cette procédure s'achève parun

arrêtde la Cour). Nous ne savons pas encore quelle sera la position du demandeur dans la

procédure orale. Le Royaume-Uni n'a donc pas le choix :nous devons répondre-ne serait-ce

quebrièvement - aux arguments sur la compétence invoquéspar le demandeurdans sarequête,au

stade des mesures conservatoires et dans son mémoire,et nous devons le faire a la lumièrede

l'exposé écriqtu'il a présenté ultérieurement.

8. Cependant, Monsieur le président, conformémenta l'article 60 du Règlement,je ne

reviendrai pas sur tout ce qui a déjàétédit dans les exceptions préliminaires du Royaume-Uni.Si

vous le voulez bien, je privilégierai trois questions. Premièrement,les conséquences dela teneur

de l'exposé écrit du demandeue rn date du 18décembre2002, quiconstitue sa seule réponse à nos

exceptionspréliminaires;deuxièmement,les principales raisons pour lesquelles le paragraphe2 de

l'article 36 du Statut de la Cour (la «clause facultative)))ne peut manifestement pas constituer une

base de compétence en l'espèce; et troisièmement, les principales raisons pour lesquelles la

conventionsur le génocidene peut davantage fonder la compétencede la Cour. Je conclurai alors, Monsieur le président, par quelques brèves remarques sur les allégations

du demandeur concernant les événements survenus depuisl'adoption de la résolution 1244du

Conseilde sécurité endate du 10juin 1999.

9. Afin d'évitertout malentendu, permettez-moi toutefois de préciserque le Royaume-Uni

maintient la totalitédes arguments qu'il a invoqués dansses exceptions préliminaires. Queje ne

les aborde pas tous ici ne doit pas pousserconclure que nous aurions renoncéà certains de ces

arguments.

L'EFFET DE L'EXPOSE ECRIT DU DEMANDEZ~R DU 18 DECEMBRE 2002

10. Je commencerai donc par traiter de la réponse du demandeur à nos exceptions

préliminaires. La partie significative de l'exposéécritdu demandeur, que mon distingué collègue

M. Bethlehema lue àvotre intention ce matin, développe deuxpoints.

11. Premièrement, le demandeur reconnaît à présent qu'il n'était pas membre de

l'organisation des NationsUnies à la dateàlaquelle la demande en l'espèce aétédéposée.Il en

conclut à juste titre qu'il n'é:taitpas <<partieau Statut de la Cour en qualité de Membrede

l'organisation des NationsUnlies)). Le demandeur n'ayant jamais prétendu être partau Statutà

un quelconque autre titre et ayant été dans l'incapacité de le faiila lieu d'en conclure qu'il

reconnaît n'avoir pas étpartie au Statut de la Cour aunentdu dépôtde sa demande.

12. Si ce raisonnement est correct -et c'est bien sûr ce que le Royaume-Uni a toujours

affirmé-, il s'ensuit que le demandeur n'était pashabilità introduire une instance contre le

Royaume-Uni ni, de fait, contre aucun des défendeursdans le cadre des sept autres affaires. La

Cour n'est ouverte qu'aux parties au Statut et aux Etats qui peuvent en invoquer le paragraphe 2 de

l'article 35. De l'aveu mêmetlu demandeur, il n'étaitpas partie au Statut et n'a jamais tenté d'en

invoquer le paragraphe 2 de l'article35. Pour -les raisons exposées dans nos exceptions

préliminaires,il aurait d'aillecirs été dans l'incde le faire5. La Cour n'a donc compétence

rationepersonae à l'égardd'aucun des aspects de cette affaire. Il semble que les Parties sàient

présentd'accord sur ce point.

5~xceptionspréliminaduRoyaume-Uni, par.3.27-3.34 13.En outre, puisque - comme il l'admet désormais expressémen-t le demandeur n'est

pas devenupartie au Statut de la Cour avant le le'novembre 2000, il n'aurait pas pu présenteravant

cettedate de déclarationvalide au titre duparagraphe2 de l'article 36 du Statut. Par conséquent,la

déclarationqu'ila entendu faire en ce sens le 25 avril99(déclaration remise le lendemain),est

nulle et non avenue. Par son exposé écritdu 18décembre2002, le demandeur renonce donc à

10 fonder la compétencede la Cour sur la clause facultative. Il ne cherche plus du tout -ne peut

plus le faire à invoquer cette clause facultative.

14.Le second paragraphe de la partie de l'exposé écrit consacréea question précise quele

demandeur n'était pas partie ala convention sur le génocide avant mars 2001. Ainsi, lorsqu'ila

présentésa demande, le demandeurne pouvait fonder la compétencede la Cour sur la convention.

15. Encore une fois, ce qu'il importe de relever ici, c'est que le demandeur renonce de

nouveau à la base sur laquelle il cherchait, dans sa demande et son mémoire, à fonder la

compétencede la Cour.

16.L'exposé écrit est donc intéressanàtplus d'un titreIl confirme une grandepartie de la

thèseexposéepar le Royaume-Unidans sesexceptionspréliminaires ainsi que dansses conclusions

orales de 1999. Les Parties s'entendent donc désormais surle fait que le demandeur n'étaitni

membre de l'Organisation des Nations Unies ni partie au Statut de la Cour au moment où il a

présentésa demande et qu'il n'était pas habilitéà soumettre de déclaration valide au titre de la

clause facultative. A ce titre, l'exposé étu demandeurétaie les arguments que nousavons déjà

avancés.

17,Toutefois, et plus fondamentalement, il convient de se demander comment il pourrait y

avoir compétencedans une affaire où le défendeura toujoursnié qu'ilpût y avoircompétenceet où

le demandeur a désormais renoncé auxdeux fondements sur lesquels il avait tenté d'asseoirla

compétencede la Cour. Même si,commeje l'ai déjàdit, c'est la Cour qui détient lacompétencede

la compétence,les positions adoptées par les Parties quaàla compétence dela Cour en l'espèce

ont, en tant que telles, des effets en droit.

18.Le paragraphe 6 de l'article 36 du Statut, qui énoncele principe de la compétencede la

compétence,dispose :«En cas de contestation surlepoint de savoirsi la Cour est compétentel,a

Cour décide.)) Or,àla lumièredes pièces écrites,on a du malà voirà présentun désaccordsur la questionde la compétence. D'me part, le Royaume-Uni a systématiquementniél'existence d'une

base quelconque fondant la compétence de la Couret, d'autre part, le demandeur, de par les

élémentq su'il développedans son exposé écrit, admet à present cette thèse.

19. Monsieur le président, ainsi que l'a Cour l'a précisé à maintes reprises, «l'un des

principes fondamentauxde son Statut est qu'elle nepeut trancher un différend entredes Etats sans

11 que ceux-ci aient consenti à sa j~ridiction))~. C'est la raison pour laquelle, conformémentau

paragraphe 2 de l'article 38 du Règlement,le demandeur doit, autant que possible, indiquer dans

sa demande «les moyens de droit sur lesquels [il] prétend fonder la compétencede la Cour)).

Toutefois, même sila Cour n'a jamais eu l'occasion, à cejour, de se prononcer sur cette question,

sa compétence, selonnous, ne saurait se fonder sur une base invoquéepar un Etat dans sa demande

mais à laquelle celui-ci a reinoncédevant la Cour au stade des exceptions préliminaires de

l'instance.

20. Cette conclusion se trouve d'ailleurs dans une certaine mesure confirmée par l'exception

très limitée que la Coura reconnue à la règle selon laquelleles bases de compétence doivent être

précisées dans la demande. Dans l'affaire desctivitésmilitaires etparamilitaires auNicaragua et

contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), 1iiCour a admis qu'«un autre motif de

compétence ~[ouvait] ...êtreportéultérieurement à l'attention dela Cour», mais a soulignéqu'elle

ne pouvait en tenir compte qu'«à condition que le demandeur ait clairement manifesté l'intention

de procéder surcette base»'. Son insistance sur cette condition reflète ànotre sens un principe

double selon lequel, premièrement, la Cour ne peut se fonder sur une base de compétence

particulière que siun demandeur l'invoque et, deuxièmement,le seul fait d'affirmer une base de

compétencene suffit pas : le demandeurdoit manifester son intention de (procédersur cette base));

en d'autres termes, il doit continueàse fonder sur ce titre de compétence.

Timor oriental (Portugal c. Australie), C.I.J.Recueil 1!)95,par.26, cité au paragraphe 19 de
l'ordonnancede 1999rendue en l'espéce aour.C

'Activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis dilrnérique).
compétenceet recevabilité,C.I.J.Recueil 1984, p.80., par. 21. Il semble qu'il s'agisse là d'un raisonnement inédit, mais le principe est clair. Si la Cour

exerçait sa compétence sur une base à laquelle le demandeur a renoncé et quia toujours été

contestéepar le défendeur,elle tournerait en dérisionle principe d'une compétencefondée sur le

consentementdes parties.

22. Il s'ensuit donc que, indépendammentdes raisons pour lesquelles le demandeur a

renoncéaux seules basesjuridiques sur lesquelles la compétence,selon lui, pourrait être fondéc e,

renoncement a pour conséquence qu'iln'existe pas de base sur laquelle la Cour puisse désormais

exercer sa compétence.

23. Cetargument met selonnous un terme à la questionet il serait parfaitement opportunque

la Cour raye tout simplementl'affaire de son rôle. Toutefois, au vu des circonstances inhabituelles

de cette audience, je vais montrer à présent que,en tout état de cause, aucun des éléments

12 initialement invoqués par le demandeur-et auxquels il a désormais renoncé - n'aurait pu

asseoir la compétence de la Cour.

LA CLAUSE FACULTATIVE

24. Monsieur le président, pour commencer, l'examen de laclause facultative fait ressortir

qu'il y a troisraisons distinctes pour lesquelles la déclarationdéposéeen 1969par le Royaume-Uni

et la déclaration que la République fédérale de Yougoslavaieentendu présenter le 25avril 1999ne

peuvent fonder la compétence : premièrement,ainsi que le demandeur l'admet à présent, la

déclarationdu 25 avril 1999ne représentait pasune acceptationvalide de la compétenceau titre du

paragraphe2 de l'article 36; deuxièmement,mêmesi la déclaration du 25 avril 1999 avait été

valide, il résulte des réserves dotlle était assortie quela présente instancen'aurait pu entrer dans

le cadre de cette déclaration; ettroisièmement,en tout étatde cause, ainsi que la Cour l'a reconnu

dans son ordonnance du 2juin 1999~,la réserve des«douzemois» contenue dans la déclarationdu

Royaume-Unia pour effet d'empêcherle fondement de la compétence en vertu du paragraphe2 de

l'article 36en l'affaire contre le Royaume-Uni.

'~ffaire relative Liceiféde l'emploi de faforce (Yougoslc.Royaume-Uni) (mesures conservafoires),
ordonnance d2 juin 1999C.I.JRecueil 1999par. 23-25. 25. Monsieur le président,je puis être relativementbrefsur les deux premiers points, car ils

ont étjudicieusement traités, etde manière fait exhaustive,par les conseils des autres défendeurs,

dont le Royaume-Uni fait avec ireconnaissancesiens les arguments sur ce point.

La déclaration qu'a entendu fairele demandeur était entachée de nullité

26. Sur le premier point, je n'ajouterai que la chose suivante. Pour que la déclaration

d'avril 1999 soit valable et effective en tant que base de compétence en l'espèce,le demandeur

devait être partie au Statut de la Coàla date où la déclarationa été déposée ainqsi'à la date où

la requêtea étéprésentéeen vertu de ladite déclaration. Ces conditions ne peuvent être remplies

que si le demandeurétait Membre del'organisation des Nations Unies àces deux dates.

27. Or, Monsieur le président,c'est précisémentce que nient toutes les entités concernées

par la dissolution de l'ex-République fédérative socialistee Yougoslavie. C'est ce qu'a niéle

Conseil de sécurité lorsqu'ila adopté la résolution 757 (1992)', dans laquelle il a déclaré

expressément que la prétention du demandeur d'assurer automatiquement la continuité de

l'ex-RFSY comme Membre de l'organisation des Nations Unies n'avait pas été généralement
l3
acceptée.C'est ànouveau ce qu'il a fait par sarésolution,777(1992)1°,dans laquelle il a considéré

que la République fédérale de Yougoslavie ne pouvait pas assurer automatiquement la continuité

de la qualité de Membre de l'ex-République fédérative socialistede Yougoslavie, lui

recommandant de présenterUriedemande d'admission à l'organisation des Nations Unies en tant

quenouveau Membre.

28. C'est ce qu'a niél'Assemblée générale en des termes similaires, par exemple dans sa

résolution4711 ".

29. C'est ce qu'ont nié les autres Etats qui on' succédé à l'ex-République fédérative

socialiste de Yougoslavie, dorit chacun a été admià l'organisation des Nations Unies en tant que

nouveau ~embre".

EPRU, annexe22.
'Ibid., annexe 23.

"Ibid., annexe 24. 30. C'est ce qu'a nié la commission d'arbitrage de la Conférence pour la paix en

ex-Yougoslavie,présidée par M. Robert ad inter').

31.C'estcequ'ont nié d'autres Etatsprésents dansla région, dontle ~o~aume-uniI4.

32. Et aujourd'hui, suivantl'électionen 2000 d'un gouvernement démocratique à Belgrade,

c'est exactementce quenie le demandeur lui-même.

33. Enfin, Monsieur le président, la position adoptéepar les organes concernés de

l'organisation des Nations Unies et par les autres Etats et entités à partir de 1992a étéconfirmée

ensuite par la décision d'admettrele demandeur en tant quenouveau Membre de l'organisation en

novembre 2000, après qu'il eutprésenté sa demande d'admissionle 27 octobre 2000'~. Comme

d'autres conseils l'ont déjàdit à la Courplus tôt dans lajournée,cette décision exclut l'idée que le

demandeurait déjàété Membre de l'organisation des Nations Unies enavril 1999.

14 34. Reconnaître ces réalitésen l'espècene va nullement à l'encontre de la décisionrendue

par la Cour en février200316sur la Demande en revision de son arrêtde 1996" en l'affaire du

Génocide, demandequi avait été introduitepar la Bosnie-Herzégovine contrela République

fédérale de Yougoslavie.Bien entendu, cette affaire-là neconcernait aucun des défendeurs dansla

présente instance,et ces derniers ne sont donc pas liéspar la décisionde la Cour.

35. Mais quoi qu'il en soit, Monsieur le président, ladécision rendue par la Cour

le 3 février 2003étaitaxéesur le fait que la République fédéraldee Yougoslavie avait manqué de

satisfaire auxconditionsprévues à l'article 61 du Statut. Ces conditions sont naturellement strictes,

l2S'agissant de l'admission de ces Etatà l'Organisation des Nations Unies, voir les résolutions461236
(Slovénie),461237(Bosnie-Herzégovine),461238 (Croatie) et 471225(ex-Républiqueyougoslave de Macédoine)de
l'Assemblée généradles Nations Unies. Quant au rejet exprimépar ces Etats facea prétentionde la République .
fédéralede Yougoslavie d'assurer la continuité de l'ex-République fédérativocialiste de Yougoslavie, voir
doc. N47lPV.7, p. 152(Croatie) et p. 154(Bosnie-Herzégovine), EPRU, annexib,id., annexe 28 (déclaration).

l3Avisno8,9 et 10,ILR,vol. 92, p. 199, 103et 206

l4S'agissant de la position du Royaume-Uni, voir,par exemple, la déclaration faite par sir David Hannay,
doc.Ai47lPV.7,p. 141-142(EPRU, annexe25). Voir égalementladéclarationde l'Union européennecitéeau par.3.10
des EPRU.
1sDocuments nouveauxno1-10.

16Demandeenrevision de 1'arrêdtuIIjuille1996 (Yougoslaviec. Bosnie-Herzégovine),arrêt du3 février2003.
17
Application de la convention pour la prévention elta répression du crimede génocide(Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie),exceptionspréliminaires,J. Recuei1996(II),p. 595. étantdonné quec'est la revision d'un arrêt précéden dte la Cour qui est en jeu. La partie qui

demandepareille revision est tenue de démontrerl'existence d'un fait qui n'était connuni par la

Cour,ni par elle au moment où l'arrêt précédea ntétérendu.

36. Dans sa décision de février 2003,la Cour a dit que ni l'admission de la République

-
fédérale deYougoslavie en itant que Membre de l'organisation en novembre 2000, ni les

conséquences que la RFY entendait prêter à cette admission pour son statut à l'époque de l'arrêt

précédent,ne constituaientdes faits inconnus au sens de l'article 61 dutatut".

37. Mais il n'est ici question de rien de tout cela. Il n'y a pas ici d'arrêt antérieur'onle

chercheraità voir reviser, pas de fait jusqu'ici inconnu dont l'existence devrait êtredémontrée.

Dans l'affaire du Génocide,le statut de la République fédérald ee Yougoslavie n'avait été mie sn

cause par aucune des parties dans aucune des phases procédurales ayant conduit à l'arrêtde 1996.

Dans la présente affaire, en revanche,la question de savoir si le demandeur était autoriséà faire

une déclaration au titre dupariagraphe2 de l'article 36 du Statut est largement en cause depuis le

début.

38. Le Royaume-Uni n'affirme pas non plus, Monsieur le président,que l'admission du

demandeur en qualité de Membre de l'organisation des NationsUnies ait modifié quoi quesoit

rétrospe~tivement'~. Si cette admission est pertinente en l'espèce, c'est plutôt parce qu'elle

confirmeau-delà de tout doute ce que le Royaume-Uniprésente depuisle début comme le véritable

15 état des choses,àsavoir que le demandeurn'étaitpas Menlbre de l'organisation des Nations Unies

à l'époqueoù il a entendu faire une déclarationau titre du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut.

39. Il est vrai que, dans le cadre de la Demande en revision et à la lumière des arguments

exposéspar les parties dans l'affaire du Génocide (qui avait débuté dès 1993), la Cour avait

considéré que, avant novembre 2000, le statutdu demandeur était sui generis et que les

conséquencesde la décision prise par l'Assemblée générad lans sa résolution4711devaient être

déterminées au cas par cas2'. C'est là une manièrede décrirela situation telle qu'elle ressortait de

l'affaire du Génocide. Mais cela ne change rienà notre argument central en l'espèce,à savoir que

-
18
Demandeen revisionde 1',ardt IIjuillet 19arrêdu 3 févri2003,par.68-70
lIbid.,par71.

Ibid.par.70-71. l'une de ces conséquencesétaitque le demandeur ne pouvait faire, en avril 1999, une déclaration

valable au titre du paragraphe 2 de l'article 36 du Statut, l'autorisanttroduire une instance

contre des Etats qui avaient systématiquement nié sa qualde partie au Statut de la Cour.

40. Monsieur le président,entre 1992 et 2000, de bonnes raisons justifiaient de maintenir la

communication avec le demandeur, à une époqueoù l'Organisation des Nations Unies tentait de

rétablirla paix dans une sériede conflits funestes, mêmesi le maintien de cette communication

devait se payer par une certaine confusion dans la manièrede traiter la situation du demandeur

vis-à-vis de l'organisation des Nations Unies. Mais cela ne justifie pas de traiter le demandeur

comme s'il avait étéun Membre de l'organisation des Nations Unies autoriséà utiliser le système

juridictionnel de la clause facultative de la Cour, lorsque tous les éde preuve montrent qu'il

n'étaitpas considéréalors comme ayant une telle qualité.

La réserveassocié e la prétenduedéclaration du demandeurexclutla compétencede la Cour
en l'affaire

41. La deuxième raison, Monsieur le président, pour laquellela déclarationqu'a entendu

faire le demandeur le 25 avril 1999 ne peut fonder la compétence dela Cour est que, même si

celle-ci était valable, la réserve qist associée exclurait de toute façonla présente affaire de sa

portée.

42. Cette question ayant déjàétéexaminée par plusieurs autresconseils aujourd'hui, il me

suffira d'ajouter que la réserve qui accompagnela déclaration de la République fédérald ee

Yougoslavieexclut expressément et toutà fait délibérémen t compétencede la Cour à l'égardde

tout différend survenuavant le25 avril 1999et de tout différend, quelleque soit la dateelle il

16 serait né, ayant tràides situations ouàdes faits intervenus avant le 25 avril 1999. Le différend

que le demandeura cherché à soumettre àla Cour est exclupar les deux membres de cette formule.

43. Monsieur le président, il estclair commede l'eau de roche,a lecture de la requête,que

le différend décritdans celle-ci a vu le jour avant le 25 avril 1999. La requête évoqueun

((différend)unique et repose presque entièrement sur des allégationsde faits présentéscomme

s'étant produits avant cette date. Lorsdes audiences en 1999, le demandeur avait fait ce qui ne

peut êtredécrit quecomme une tentative désespérée visanà fractionner ce qui était manifestement un seul et unique différenderi une sériede ((micro-différends))e,n prétendantque chaque bombe

larguéeconstituaitun différend distinct. Cette approcheartificielle, la Courl'avait fortjustement et

naturellementrejetée2'

44. Puis, dans son mémoire, le demandeuren est revenu a la notion de différendunique. Il

n'y cherche nullement à faire la distinction entre les événements intervenus avant le25 avril 1999

et ceux intervenus après. Il inivoqueplutôt l'argument selon lequelles événements qui ons tuivi la

résolution 1244du 10juin 1999du Conseil de sécuritéauraient introduit de nouveaux élémentsqui

auraient aggravé etétendule différend,en conséquence de quoice différend devrait être réputé

avoir vu lejour aprèsle 25 avril2*et mêmeaprèsle 10juin.

45. Monsieur le président, voilàun argument vraiment extraordinaire, comme le conseil du

Canada l'a démontré.Un différendque le demandeurdécrit depuis toujours comme portant surla

licéitéde l'emploi de la force et sur la conduite d'opérations militairesn'aurait vulejour - selon

cette analyse - qu'aprèsla cessation de cet emploide la force et de ces opérationsmilitaires, leur

nature et leur fondementjuridique ayant l'un et l'autre changé entre-temps.

46. D'ailleurs, cet argument ne tient pas. Lajurisprudence de la Cour - dans des décisions

comme celles sur Certaines terres à phosphates à ~au1-u'~ et sur la Compétenceen matièrede

pêcheries (Espagne c. - pose pour principe qu'un demandeurne saurait modifier sa

demande à tel point que celle-ci excèderait les limites qui étaientles siennes dans la requête.Si les

événements censéss'êtreprotiuits après le 10juin 1999ont effectivement transformé le différend,

alors ce principe est violé. Slitel n'est pasle cas, le demandeur n'en cherche pas moins à porter

devant la Cour un différend qu'ila lui-mêmeexclu de la compétence de celle-ci par lestermes de

sapropre réserve.

17 47. Le véritable état des choses,Monsieur le président, c'est que le différend que le

demandeur cherche à soumettre à la Cour a de toute évidencevu le jour avant le 25 avril 1999

- comme l'illustrent abond.amment les débatsdu Conseil de sécurité del'organisation des

21Voir, parexemple, l'ordonnance du 2juin 1999en l'aYougoslavie c. Belgiqpar. 29.

**Mémoire,par. 3.2.1à 3.2.16.

23AffairedeCertaines Ierres àphosphates à Nauru(Nauruc. Australie), C.I.J1992, p. 266, par. 67.
24Affaire de Compétenceen matièredepêcheries(Espagne c. CanadaC.I.JRecueil 1998, p447,par. 29.NationsUnies des 24 et 26 mars 1999~~ ainsi que les déclarationsfaites par les Partiàsl'époque,

tous longuement décrits dansla quatrième partie de nos exceptions préliminaires. De surcroît, la

requêteet le mémoirele montrent eux-mêmesclairement,le différend est inextricablement lié des

faits antérieursau 25 avril 1999,de sorte qu'il se trouve égalementexclu par le second membre de

la réserve. S'ilne s'agit pas d'un différend relatif àdes faits intervenus avant le 25 avril 1999,

alors pourquoi, pourrait demander la Cour, ces faits occupent-ils une si grande place tant dans la

requêteque dans le mémoire ?

48. Lorsqu'il a rédigésa prétendue déclaration,le Gouvernement qui était alors celui dela

République fédérald ee Yougoslavie a choisi d'exclure une vaste catégoriede différends. Il en

avaitassurémentle droit et, compte tenu de sa propre conduite à cette époque,on peut parfaitement

comprendrequ'il ait faitce choix. Mais il doit aujourd'hui en assumer les conséquences.

La réserve de douze mois figurant dans la déclarationdu Royaume-Uni et les termes de
l'ordonnance de la Cour en date du 2juin 1999

49. Monsieur le président, considérant à présentle troisième point concernant la clause

facultative, le demandeur est confrontà un autre obstacle, distinct et insurmontable, dès lors qu'il

cherche à invoquer ladite clause contre le Royaume-Uni. Dans la déclaration par laquellele

Royaume-Uni a accepté la compétence de la Cour, celui-ci a expressément exclu les

«différends...lorsque l'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour au nom d'une autre

partie au différenda étédéposéeou ratifiée moins de douze moisavant la date du dépôt dela

requête par laquelle la Courest saisie du différend))-la réserve de douze mois. Le demandeur

n'a déposé sa prétendue déclaration que troisjours ava ntdépôt de larequêteen l'espèce.

50. C'est pour cette raison que la Cour, dans son ordonnance du 2 juin 1999 en l'affaire

contre le Royaume-Uni, a indiqué que«les déclarations faites parles Parties conformémentau

paragraphe 2 de l'article 36 du Statut ne sauraient manifestement pas constituer une base de

compétencedansla présenteaffaire, même prima f~cie))~~.

25EPRU,annexes 14et 16.

26Licéitde l'emploi delaforce (SerbieetMonténc.Royaume-Uni),ordonnancedu 2juin 199par.25.18 51. La Cour est parvenue exactement à la mêmeconclusion dans l'affaire parallèle contre

l'Espagne. Toutefois, elle a ordonné que cette affaire soitretiréedu rôle2'. La seule différence

entre les deux affaires tient à ce que l'Espagne avait également formulé une réserve quant à

l'application de l'articlIX de la convention sur le génocide,de sorte que cette dernière ne pouvait

manifestementpas non plus asseoir la compétencede la Cour.

52. C'est pourquoi, dans l'affaire contre l'Espagne, la Cour a estimé qu'aucun fait ultérieur

ne pouvait avoir suppriméles conséquences de la réserve temporelle formulée par l'Espagne, ce

qui aurait permis de considérer le paragraphe 2 de l'article 36 comme un fondement possible de la

compétencedela Cour.

53.Ce qui étaitvrai pour l'Espagne, Monsieurle président,l'était - et le reste -également

pour le Royaume-Uni, dont 'laréserve temporelle est en grande partie identique à celle de

l'Espagne. En conséquence, l'ordonnancedu 2juin 1999 rendue par la Cour en l'affaire contrele

Royaume-Uni doit selon nous,, êtreconsidéréecomme définitive ence qui concerne la clause

facultative et comme laissant seule ouverte à d'autres arguments la question de savoir si la

convention sur le génocidepeut constituer une base de compétence pour la Cour. Dansle cas

contraire, il s'agirait d'une discrimination incompréhensible et inexplicable entre les deux

défendeurs,ce quine saurait avoir été l'intention de la Cour.

54. Quoi qu'il en soit, il est manifeste que la réserve temporelle figurantdans la déclaration

du Royaume-Uniexclut aujourd'hui la compétencede la Cour de la même façon qu'en1999. Dans

sonmémoire, le demandeur -- après avoirlonguementcitél'arrêtrendu par la Cour en l'affaire du

Génocide - affirme simp1emt:ntqu'«[il1est clair que le demandeur n'est pasparvenu à remplir la

condition des douze mois prescrite dans ...la réservedu Royaume-Uni, mais il n'est pas moins

clair que cette condition sera remplie si la procédure orale sur le fond commence aprèsle

25 avril 2000, ce qui est trèsprobable»28.

*'Licéitde l'emploi de laforce (SeetMonténégrco. Espagne), ordonnancedu 2juin 1999,paret40.

" Mémoirep ,ar. 3.2.22. 55. Selon nous, cette thèse interprète de manière erronée la jurisprudence dlea Cour quant

auxréserves émises au titre de la clause facultative et se fonde sur une lecture erronéede la réserve

faite par le Royaume-Uni. L'arrêtde 1996 rendu en l'affaire du ~énocide~~,sur lequel le

demandeur s'appuie tant dans son mémoire,est sans rapport aucun avec la présente question,

commel'a expliquéle Royaume-Uni aux paragraphes 4.24 et4.25 de ses exceptions préliminaires.

19 56. La Cour a indiqué àplusieurs reprises que sa compétence devait être établ iela date du

dépôt de la requête dans une affaire. Qu'il suffise de rappeler, par exemple, les décisions rendues

dans l'affaire de Lockerbie et dans celle relative au Mandat d'arrêt30. Ce principe simple et

essentiel se distingue largement du fait que la Cour tient compte des évolutionspostérieuresau

dépôtd'une requêtelorsque celles-ci permettent de mieux comprendre ce qu'étaitla véritable

position au moment du dépôtde ladite requête, maisil est tout àfait compatible avec celui-ci.

57. En l'espèce, la Cour a elle-même indiqué que, sulre fondement des deux déclarations

facultatives, ellen'étaitmanifestementpas compétente à cette date. Le fait que le demandeuraurait

pu, à supposer que sa déclarationait été valide- ce qui est bien entendu contesté-, déposerune

nouvelle requête à partir de fin avril2000 est sans importance. Le demandeur ne l'a pas fait et n'a

pas cherché à le faire.

58. Quoi qu'il en soit, Monsieur le président, les termes employés dansla réserve du

Royaume-Uni sont clairs :le Royaume-Uni n'accepte pas la compétencede la Cour en ce qui

concerne un différend à l'égard duquel toute autre partieen cause a accepté la juridiction

obligatoire de la Cour lorsque cette acceptation a été déposé ou ratifiée«moins de douze mois

avant la date du dépôtde la requête)).La réserve contient doncune condition objective qui doit

être remplie -il nesaurait en être autrement- àla date àlaquelle une requêteest déposée contre

le Royaume-Uni. Les événements intervenus postérieurement à cette date ne peuvent modifier

rétroactivementni la date à laquelle la déclaratioa étédéposéeou ratifiée,ni celle à laquelle la

requêtea étédéposée. Ils ne peuvent pas, par conséquent,modifier leis ncidences de laréserve.

29Application de la conventionpour la prévention etla répressiondu crime de génocide(Bosnie-Herzégovine
c. Serbieet Monténégro),eptionspre'liminaC.I.J.Recueil199p.595.

'OQuestionsd'interprétationet d'applicationde la convention dle 1971 résultantde l'incidentaérien
de Lockerbie (Jamahiriyaarabe libyennec. Royaume-Uni.).exceptions pre'liminaires,il 19p.9, par.38;
Mandatd'arrétdu II avr2000 (Républiquedémocratiquedu Congoc. Belgiq14février2002, par.26. 59. Pour toutes ces raisons, aucune compétencene saurait êtreétablieen l'espèce sur le

fondement du paragraphe 2 clel'article 36 du Statut, mêmesi le demandeur cherchait encore à

s'appuyer sur cette dispositiori.

La convention sur le génocide

60. Permettez-moi à prksent de m'attarder un instant sur la question de la convention sur le

génocide.

61.Il ressort clairement de sonexposéécridt u 18décembre 2002 que le demandeurn'estime

pas avoir été partie à la coilvention sur le génocideen 1999 et n'a jamais acceptéla clause

attributive de compétence figurant à l'articliX de cette convention, clause que, de surcroît, il

20 n'invoque plus pour fonder la compétence de la Cour. Pour les raisons déjà évoquéesl,e

Royaume-Uni soutient que la Cour n'a pas à chercherplus loin, cette affirmation constituant,de la

part de la Serbie et Monténkgro,une renonciation sans équivoque à invoquer l'article IX de la

convention sur le génocidecommebase de compétencede la Cour.

62. Mais même sitel n"étaitpas le cas, la conventionsur le génocidene saurait, Monsieur le

président, asseoir la compétence de la Couren l'espèce. Quand bien mêmetoutes les autres

conditions seraient remplies, l'article de cette convention ne pourrait conférer à la Cour une

compétence que pour connaître de ((différends entre les parties contractantes relatifs à

l'interprétation, l'applicationou l'exécutionde [cette] convention)). Toute compétence tirée de

l'articleX est donc strictement limitéepar l'objet du différendet, ainsi qu'elle l'a indiqué (dans

l'affaire deslates-formes pétrolières31et dans la phase de la présenteespècerelative aux mesures

~onservatoires~~)l,a Cour doi.t,au stade des exceptions préliminaires, rechercher si les allégations

avancées sont decelles qui entrent dans les prévisions du traitéet si, partant, elle est compétente

ratione materiae pour en coninaître.

3' Affaire des Plates-formi?~pétrolières(Rkpublique islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique),exception
préliminaire,I.J.Recueil 1996,p. 803, par. 16. Voir égalementl'opinion individuellede Mme lejuge Higgins, par.30.

32Serbie et Monténégc. Royaume-Uni, ordonnancedu2juin 1999,par. 33-36 63. La convention sur le génocideporte surun crime qui, pour reprendre la formulation de la

Cour, implique «le refus du droitàl'existence de groupes humains entiers, refus qui bouleverse la

conscience humaine [et] inflige de grandes pertes à l'h~manité)?~.Comme l'a indiquéla Cour, il a

pour caractéristique essentielle la ((destruction intentionnelle((d'un groupe national, ethnique,

racial ou religieux»»en tant que

64. Les deux juridictions pénales internationales qui ont connud'affaires de génocide ont

emboîté le pas à la Cour, se montrant tout aussi strictes quantà l'obligation de satisfaireà cette

condition. Dans nos exceptions préliminaires,nous citions certaines des décisionsdu Tribunal

pénal international pour le Rwanda. Et dans un arrêt rendu ce matin même d,ans une affaire en

rapport avec le massacre de Srebrenica (affaire Procureur c. Krstic), la chambre d'appel du

Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslaviea déclaré :

21 «[Le crime] de génocide se singularise par la réprobation particulière et
l'opprobre qu'il suscite. Le génocideest un crime horrible de par son ampleur; ses
auteurs vouent à l'extinction des groupes humains entiers. Ceux qui conçoivent et
commettent le génocide cherchent à priver l'humanité des innombrables richesses

qu'offrent ses nationalités, races, ethnieset religions)),

poursuivant ainsi :

«Les conditions rigoureuses qui doivent être remplies pourque l'on puisse
prononcer une déclarationde culpabilité pour génocide témoignen dte la gravité dece

crime. Ces conditions -la preuve, difficileà apporter, d'une intention spécifique,et
la démonstration quec'était l'ensembledu groupe, ou une partie substantielle de
celui-ci, qui étaitvoué à l'extinction- écartentle risque que des déclarations de
culpabilité pour génocide soient prononcées à la légère.))

65. Mais, Monsieur le président, la destruction intentionnelleou la tentative de destruction

d'un groupe national, racial, ethnique ou religieux n'est pas, tant s'en faut, ce qui est en cause en

l'espèce. Ainsiqu'il ressort sans ambiguïté dela requête,la présenteaffaire porte sur la licéitéde

l'emploi de la force. Or, il s'agit la d'une notion radicalement différente de celle de génocide,

comme l'a clairement indiqué la Cour dans la phase de l'instance relative aux mesures

conser~atoires~~.La présente affaire concerne également des allégations de violationd su droit

33
Réservesà la convention pour la prévention et la répressiondu crime de génocide, avis consultatif;
C.I.J.Recueil 1951,p. 23.
34Affaire relatiàl'Application de la conventionpour la préventionet la répressiondu crime de génocide
(Bosnie-Herzbgovinec. Yougoslavie).mesuresconservatoires, C.I.J.Recueil 1993,p. 345, par. 42.

35Ordonnancedu 2juin 1999,par. 35. internationalhumanitaire, du droit des conflits armés. Mais,une fois de plus, de telles violations

sont sans rapport avec le crime de génocide, à moins de comporter l'élément d'intentionnalité

requis par la convention.

66.Lors de la phase relative aux mesures conservatoires, le demandeur, invoquantles pertes

civiles causéespar les attaques des forces de l'OTAN, la nature de certaines des armes dont il a

allégué l'emploiet les cibles choisies, a invité la Cour à conclure à l'existence d'une telle

intentionnalité.La Cour s'est toutefoisrefuséeàfaire sien ce raisonnement.

67. Comment, dès lors, le demandeur a-t-il traité la question dans son mémoire ? 11a

consacré deux pagesd'un volume qui en compte plus de trois cent cinquante à ce qu'il présente

commedes ((faitsliéà l'existence d'une volontéde commettre un génocided6et une autre au droit

y afférent (oùil se bornà répéterles dispositions de la convention sur le génocide)37.Il a invitéla

Cour à inférer une volontéde commettre un génocide de l'emploi de munitions contenant de

l'uranium appauvriet du choix, pour cibles, d'usines chimiques, puis a formuléun certain nombre

d'allégations relatives au traitementdes Serbes au Kosovo aprèsle déploiement des troupes dela

KFOR en application de la résolution1244(1999) du Conseil de sécurité. Et sur cette baseon ne

22 peut plus fragile, il conclut qu'il a ((apportéla preuve d'une intention de génoci...[et] prétend

par conséquentavoir établi la compétencede la Cour sur labase de l'articlIX de la convention sur

legénocide)?8.

68. Pures inepties, Monsieur le président. L'intention de commettre un génocideest une

chose grave, qui ne saurait être alléguéieconsidérémenn ti, afortiori, inférée inconsidérémed nt

la manière dontsont conduites les hostilités dansun conflit armé. Le Royaume-Uni a traitécette

question en détaildans la partie 5 de ses exceptions préliminaires, et je ne reviendrai pas sur ses

arguments. Qu'il suffise, aux fins qui nous occupent ici, d'exposer quelques considérations

succinctes.

36Mémoire p.282-284.

37Ibid .,326.
"Ibid. p,349, pa3.4.3 69. L'utilisation d'une arme donnée, fût-elle interditepar un accord international (et tel n'est

manifestement pas le cas en l'espèce),n'est pas un paramètre donton puisse inférerune intention

de commettre un génocide. Preuve s'il en est de la faiblesse de son argumentation sur cette

question, le demandeur ne se penche à aucun moment sur l'analyse que la Cour lui a consacrée

dans son avis consultatif en l'affaire des Armes nucléaires ni sur le raisonnement qu'elle a

développé àcet égarddans son ordonnance sur la demandeen indication de mesures conservatoires

soumiseen l'espèce.

70. De même, Monsieurle président,l'idéeque des attaques contre des usines chimiques

témoigneraientd'une intention de commettre un génocide est desplus fantaisistes. Elle repose sur

la thèse selon laquelle les dirigeants des Etats défendeurs((auraient dû savoir que toute frappe

contre de telles installations [étaitsusceptible d'accroître] le risque couru par lapopulationd9. En

d'autres termes,de ce que quelqu'un aurait dû savoirqu'une attaque étaitsusceptible d'exposer la

population civileàdes risques accrus, il faudrait déduire que1'Etatconcerné avait l'intentionnon

seulement de tuer les civils en question, mais également de détruiun groupe national, ethnique,

racial ou religieux en tant que tel. C'est là précisément, Monsile président,un argument que la

Cour a déjà rejetdans la phase relative aux mesures conservatoires.

71.Au reste, le demandeur ne se borne pas à avancerle mêmeargument, il invoque en outre

pour l'étayerles mêmesprétendus «faits». Nous retrouvons les allégations concernant l'uranium

appauvri et les attaques contre des usines chimiques quele demandeuravait déjà fait valoirau stade

des mesures conservatoires; or, la Cour avait alors estiméque les conséquencesqu'elle était invitée

à en tirer n'étaient passuffisantes pour faire entrer l'affaire dans le champ d'application de la

convention sur le génocide. Monsieur le président, les arguments du demandeur ne sont pas plus

solides en 2004qu'ils ne l'étaienten 1999.

23 72. Je pourrais ajouter qu'il est frappant de constater que, dansce passage du mémoire,le

demandeur ne cherche nullement à établirune intention qui soit propre au Royaume-Uni. Au

contraire, il invite la Coàrconclure à l'existence d'une intention-élément indispensable de la

qualification de génocide- à partir d'une triple présomption. Parceque l'on peut s'attendre à

39Ibid., p. 2par. 1.6.1.1.déplorer des victimes parmi les populations civiles lorsque celles-ci se trouàproximité des

cibles choisies, l'on dprésumer que I'OTAN avait I'intention de causer de telles pertes. Ayant

présumé que l'OTAN avait l'iiltention de causer des pertes civiles, lprésumer qu'elle avait

l'intention d'entraîner la destructiond'un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Et le

Royaume-Uni étant membre cleI'OTAN, l'on doit présumer qu'il avait, de même, l'intention de

détruire ce groupe.

73. C'est là tourner en dérisionla convention sur le génocide, Monsieurle président,et la

Cour doit se garder de cautionner un tel travestissement.Il revienà assimiler à des actes de

génocide toutes actions militaires,y compris celles menées dans le strict respect du droit des

conflits armés,etréduitle critère d'intentionnalité expressémentupar la convention aurang de

simple formalité. Tant la jurisprudence de la Cour que la nécessité de préserver l'efficacité ldae

convention militent en faveur du rejet immédiat -hic et nunc- de ce qui constitue une

interprétation abusive de cetiristrument.

ALLEGATION RELATIVESAUX EVENEMENTSPOSTERIEURSAU 10 JUIN 1999

74. Monsieur le président,il ne nous reste plus qu'à examiner les allégations relaàilas

situation au Kosovo après l'adoption dela résolution 1244du Conseil de sécurité. Dansson

mémoire, le demandeura foirnéune nouvelle demande affirmant que les troupes de la KFOR

déployées sousl'autoritédu Conseil de sécurité conformément à cette résolutionet opérant aux

côtés d'une mission d'administration civides NationsIJnies, la MINüK, avaient été impliquées

dans les attaques menées contre lesSerbes et les autres communautés non albanaisesdu Kosovo

aprèsle 10juin 1999.

75. Cette nouvelle demande appelle deux obsemations. Premièrement, comme d'autres

demandes concernant la convention sur le génocidequi ontétésoumises par le demandeur, elle ne

peut manifestement pas entrer dans les prévisionsde ce traité. Il n'existe aucune base factuelle

concevable qui pourrait neslerait-ceque suggérer qu'unacte quelconque de la KFOR ou de la

MINUK-les deux organes auxquels le Conseil de sécuria confié le maintien del'ordre public

au Kosovo depuis l'adoptionde la résolution 1244-pourrait éventuellement entrer dans le champ

d'application de la convention sur le génocide. Au contraire, la KFOR et la MINUK ont systématiquement condamné toute violence ethniqueau Kosovo et les troupes de la KFOR sont

intervenues pour y protéger les communautés serbes. L'explosion de violencedu mois de

mars 2004 en est un bon exemple. Les contingents de la KFOR sont immédiatement passés à

24 l'action pour protégerles communautés serbes exposées à la violence interethnique. En effet,

soixanteet un soldats de la KFOR, ainsi que soixante-cinqpoliciers de laMINUK, ont été blessés,

et un policier a été tué. En rapportant ces événemea ntsConseil de sécurité desNations Unies, le

Secrétaire général adjoint aux opérationdse maintien de la paix a expressément remercié l'OTAN

pour la rapiditéde sa réactionet le déploiement immédiat de contingents supplémentaires-dont

sept cent cinquante ressortissants britanniques4'. 11est absurde d'insinuer que le comportementdu

Royaume-Uni -en tant qu'Etat contributeur de la KFOR - puisse d'une manière quelconque

entrer dans le champ d'application de la convention sur le génocide.

76. Deuxièmement - et ce point ne concerne pas uniquement la convention sur le génocide

mais plus largement la recevabilité de cette nouvelle demande -, la demande concernant le

comportement du Royaume-Uni et d'autres contingents de la KFOR est absolument sans rapport

avec le contenu de la requête. La jurisprudence de la Cour interdit qu'elle puisse être intégrée

l'espèceau stade du mémoire. La Cour a invariablement conclu à l'irrecevabilitéde ((demandes

nouvelles,'formulées encours d'instance, qui, si elles avaient étéaccueillies, auraient transformé

l'objet du différend originellement porté devant elle aux termde larequête»41.

77. Il s'agit précisément d'une demande de ce type. Ce qusi'est produit au Kosovo sous

l'administration des Nations Unies n'a rienàvoir, ni en fait ni en droit, avec la campagnemilitaire

de l'OTAN qui précéda. Autoriser l'ajoutde demandes portant sur la période postérieureau

10juin 1999transformerait l'espèceet en droit et en fait, ce qui constituerait un défiutoritédu

Conseil de sécurité età la manièredont la KFOR- àlaquelle environ dix-huit Etats non membres

de l'OTAN fournissent actuellement des effectifs - et la MINUK s'acquittent du mandat que leur

a confié le Conseil.

4Nations Unies,doc. SffV.4942, p. 4.
41
Compétencp eêcherie(sEspagnc.Canada),ar2.9. CONCLUSION

78. Monsieur le présidenit,le Royaume-Unien conclut que la positionàprésent adoptéepar

le demandeur-renoncer aux seuls chefs de compétence qu'il a invoqués- rend impossible la

poursuite de l'instance. Nous pensons qu'il appartienàla Cour de reconnaître ce fait en retirant

simplementl'affaire du rôle, ce que nous vous invitonsaire.

25 79. Par contre, pour le (casoù la Cour estimerait devoir rendre un arrêt surla base des

exceptionspréliminaires quilui sont soumises, le Royaume-Unirépètera les conclusionsénoncées

dans ses exceptions préliminaires. A notre avis, la Cour n'est pas compétente pour connaîtredes

Nous faisons observer que le
présentesdemandes. En outre:,ces demandes sont irrecevables.

demandeurn'a contesténi l'une ni l'autre conclusion et que son unique réponsea consisté,en fait,

àsouscrireà laprincipale conclusion concernantl'absence de compétence. C'est pour cela,et pour

les autresraisons que nous avons indiquées,quenous invitonsla Couà seprononcer dans ce sens.

Monsieur le président,je remercie la Cour pour sa patience. Avec votre permission, c'est

ainsi que se termine l'exposé1Royaume-Unidans le cadre du premier tour de plaidoiries.

Le PRESIDENT : Merc:i, Monsieur Greenwood. Voilà qui termine le premier tour de

plaidoiries du Royaume-Uni. Les audiences reprendroni demain matin à 10heures et la Cour

entendra les exposés orauxde l'Allemagne, de laFrance et de l'Italie.

L'audience estàprésent levée.

L'audience estlevée à 18h 5.

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