LA
CR 2004/24 (traduction)
CR 2004/24 (translation)
Lundi 14 juin 2004 à 10 heures
Monday 14 June 2004 at 10 a.m. - 2 -
8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte.
La Cour siège aujourd’hui, conformément au paragraphe 6 de l’article 79 de son Règlement,
pour entendre les exposés oraux des Parties sur les exceptions préliminaires soulevées par le
défendeur dans l’affaire relative à Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne).
Avant de rappeler les principales phases de la présente procédure, il est nécessaire de
compléter la composition de la Cour.
Le 17 mars 2003, le greffier a informé le s Parties que le jugeSimma, de nationalité
allemande, avait indiqué à la Cour qu’il ne compta it pas participer à la décision sur l’affaire,
conformément au paragraphe2 de l’article 17 du Statut. Aux termes du paragraphe1 de
l’article 37 du Règlement de la Cour,
«Si un membre de la Cour ayant la nationalité de l’une des parties n’est pas ou
n’est plus en mesure de siéger dans une phase d’une affaire, cette partie est autorisée à
désigner un juge ad hoc dans un délai fixé par la Cour ou, si elle ne siège pas, par le
président.»
En conséquence, l’Allemagne a choisi M. Carl-August Fleischhauer pour siéger comme
juge ad hoc. Etant donné que le juge Fleischhauer, après une brillante carrière comme conseiller
juridique du ministère des affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne et comme
conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies, a été membre de la Cour de 1994 à 2003,
je n’ajouterai rien, sinon que nous nous félicitons de le voir revenir à la Cour.
La Cour ne comptant pas en son sein pour la présente affaire de juge ayant la nationalité de
la Principauté de Liechtenstein, cette Partie s’est aussi prévalue du droit qui lui est conféré par le
paragraphe2 de l’article31 du Statut de choisir un juge ad hoc , et elle a d’abord choisi
M. Ian Brownlie, qui a remis sa démission le 25 avril 2002, puis sir Franklin Berman. Sir Franklin,
avocat comptant une longue carrière dans le doma ine du droit international et de la diplomatie, a
été conseiller juridique du Foreign Office du Ro yaume-Uni et a représenté son pays dans des
affaires dont a connu la Cour et da ns le cadre de maintes négocia tions internationales. Il est
membre de nombreux comités internationaux s’occupa nt de l’administration de la justice et il est
actuellement président du comité de l’associati on de droit international chargé des questions
relatives à la responsabilité des organisations internat ionales. Il est également professeur invité de
droit international à l’Université d’Oxford, à l’Université du Cape et à King’s College, à Londres. - 3 -
9 Aux termes de l’article 20 du Stat ut de la Cour, tout membre de la Cour doit, avant d’entrer
en fonction, en séance publique, prendre l’engagement solennel d’exercer ses attributions en pleine
impartialité et en toute conscience. Cette disposition vise également les juges ad hoc. J’invite
donc maintenant les juges Fleisc hhauer et sir Franklin Berman à prendre l’engagement solennel
requis par l’article 20 du Statut et je vous invite tous à vous lever. Juge Fleischhauer.
Le juge FLEISCHHAUER :
“I solemnly declare that I will perfo rm my duties and exercise my powers as
judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.”
Le PRESIDENT : Merci. Sir Franklin.
Le juge sir Franklin BERMAN :
«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes
attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et
en toute conscience.»
Le PRESIDENT: Merci. Veuillez vous asseoir . La Cour prend note de l’engagement
solennel pris par les juges Fleischhauer et Berman et je les déclare en conséquence dûment installés
comme juges ad hoc dans l’affaire relative à Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne).
*
er
raJpelleraaiintenant le déroulement de la procédure à ce jour. Le 1 juin2001, le
Liechtenstein a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre l’Allemagne
au sujet d’un litige concernant
«des décisions prises en 1998 et depuis lo rs par l’Allemagne qui tendent à traiter
certains biens de ressortissants du Liechtenstein comme des avoirs allemands «saisis
au titre des réparations ou des restitutions , ou en raison de l’état de guerre»
⎯c’est-à-dire comme une conséquen ce de la seconde guerre mondiale ⎯, sans
prévoir d’indemniser leurs propriétaires pour la perte de ces biens, et au détriment du
Liechtenstein lui-même».
Dans sa requête, le Liechtenstein invoquait comme base de la compétence de la Cour l’article
premier de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends du 29 avril 1957. - 4 -
10 Par ordonnance du 28 juin 2001, la Cour a fixé au 28 mars 2002 et au 27 décembre 2002,
respectivement, la date d’expira tion du délai pour le dépôt d’un mémoire par le Liechtenstein et
d’un contre-mémoire par l’Allema gne. Le Liechtenstein a dépo sé son mémoire dans le délai
prescrit.
Dans le délai fixé pour le dépôt de son contre-mémoire, l’Allemagne a soulevé certaines
exceptions préliminaires de compétence et de r ecevabilité, conformément au paragraphe1 de
l’article79 du Règlement de la Cour. En c onséquence, par ordonnance du 12juillet2002, le
président de la Cour a constaté qu’en vertu du paragraphe5 de l’article79 du Règlement, la
procédure sur le fond était suspendue et il a fixé au 15 novembre 2002 la date d’expiration du délai
dans lequel le Liechtenstein pouvait présente r un exposé écrit contenant ses observations et
conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par l’Allemagne.
Le Liechtenstein a déposé un expo sé écrit dans le délai ainsi fixé et l’affaire s’est trouvée en
état pour ce qui est des exceptions préliminaires.
En raison de la charge de travail judiciaire de la Cour, la date d’ouverture de la procédure
orale, originellement prévue pour le mois de septembre 2003, a été fixée, après consultation des
Parties, au 14 juin 2004.
La Cour a décidé, conformément au paragraphe 2 de l’article53 de son Règlement et après
avoir consulté les Parties, que des exemplaires des pièces de procédure déposées en l’affaire et de
leurs annexes seraient mis à la disposition du public lors de l’ouverture de la procédure orale. En
outre, conformément à la pratique de la Cour, ces documents, sans leurs annexes, seront publiés dès
aujourd’hui sur le site Internet de la Cour.
Je remarque la présence à l’audience des agents, conseils et avocats des deux Parties. Selon
les dispositions que la Cour a approuvées pour le dé roulement de la procédure après avoir consulté
les Parties, les audiences comprendront deux tours de plaidoiries. Chaque Partie disposera d’une
session complète de trois heures au premier tour et d’une heure et demie au second tour.
L’Allemagne présentera ce matin son premier tour de plaidoiries relatives à ses exceptions
préliminaires. La Cour entendra les plaidoiries du Liechtenstein au premier tour le
mercredi 16 juin, à compter de 10 heures. - 5 -
11 L’Allemagne disposera ensuite d’une heure et de mie, le jeudi 17 juin, à partir de 10 heures,
pour présenter sa réponse. Le Liechtenstein di sposera également d’une heure et demie le
vendredi 18 juin à compter de 10 heures pour faire de même.
Je donne donc maintenant la parole à l’ agent de l’Allemagne, M. Thomas Läufer
[M. Edmund Duckwitz].
*
* *
M. LÄUFER :
A. Introduction
1. Monsieur le président, Madame et Messieu rs de la Cour, c’est un réel honneur pour moi
de comparaître à nouveau devant la Cour en qualité d’agent de la République fédérale
d’Allemagne, cette fois dans une procédure intentée contre mon pays par la Principauté de
Liechtenstein. Mon équipe et moi-même nous ad ressons aujourd’hui à la Cour pour lui demander
de rejeter la requête du Liechtenstein dans cette phase préliminaire.
2. Avec votre autorisation, j’aimerais vous présenter notre équipe juridiqu:
S.Exc.M.Duckwitz, coagent, MM. Frowein, Tomuschat et Dupuy, conseils, et M.Khan,
M. Paulus, Mme Oellers-Frahm, Mme Wasum-Rainer et M. Hassenpflug, conseillers.
3. Permettez-moi tout d’abord de dire la tr ès haute estime dans laquelle je tiens les membres
de la Cour. J’aimerais également adresser mes félicitations personnelles, et celles de mon
gouvernement, à sir FranklinBerman et à M.Carl-August Fleischhauer pour leur désignation en
tant que juges ad hoc en l’affaire.
Permettez-moi aussi de vous remercier, Monsie ur le président et Madame et Messieurs les
Membres de la Cour, d’avoir bien voulu accepter que les audiences aient lieu à cette date. Nous
sommes conscients de la difficulté que cela représentait pour la Cour, compte tenu de son
calendrier. - 6 -
4. Monsieur le président, je voudrais commen cer par souligner les excellentes relations qui
existent depuis plus de cinquante ans entre la République fédérale d’Allemagne et la Principauté de
Liechtenstein. Nos deux pays ont des objectif s communs et les défendent dans diverses
organisations internationales impor tantes. Tous deux sont attachés à la primauté du droit, à la
12 protection des droits fondamentaux et au règlem ent pacifique des différends internationaux.
Cependant, dans la présente instan ce, l’Allemagne ne peut que contester avec force la compétence
de la Cour et la recevabilité de la requête présentée par le Liechtenstein.
5. Je peux vous assurer que j’ai étudié soigneusement, et à plusieurs reprises, le mémoire et
les observations du Liechtenstein. Et pourtant, je do is avouer que je n’ai toujours pas compris de
quoi il s’agit ici. En particulier, je ne vois toujours pas sur quelle base de droit international le
Liechtenstein entend fonder ses demandes à l’encontre de l’Allemagne. Nous allons montrer que la
Cour devrait rejeter les demandes du Liechte nstein pour défaut de compétence et pour
irrecevabilité. Nous ne pensons pas en effet que le Liechtenstein mérite de recevoir encore une
chance de présenter sa cause de manière cohérente, alors qu’il n’a pas su le faire dans sa requête,
dans son mémoire, et dans ses observations écrites.
6. Les exceptions de l’Allemagne sont de caractère exclusivement préliminaire, comme
l’exige l’article 79 du Règlement de la Cour. Nous ne parlerons que des questions qui doivent être
tranchées avant que l’affaire en vienne au stade du fond. L’Allemagne ne soulèvera ici que des
exceptions qui sont solidement établies dans la jurisprudence de la Cour.
7. Nos exceptions préliminaires ont été déposées par écrit, comme le prescrit le Règlement,
et nous allons renvoyer à ces pièces écrites et à leurs annexes au cours de nos exposés oraux
d’aujourd’hui. Nous citerons nos pièces sous le titre «Exceptions préliminaires de l’Allemagne» et
la réponse du Liechtenstein sous le titre «Observatio ns du Liechtenstein». Pour ne pas faire perdre
de temps à la Cour, nous ne donnerons pas non plus in tégralement les références de tous les textes
auxquels nous renverrons ou que n ous citerons, mais nous indiquerons ces références dans le texte
écrit qui sera remis au Greffe. Pour faciliter la tâche de la Cour, nous avons fourni un dossier
contenant des copies des documents que nous ju geons particulièrement intéressants pour la
procédure orale dans cette affaire. - 7 -
Les faits
8. Monsieur le président, permettez-moi de commencer par vous présenter les faits de
l’espèce, à la fois parce qu’ils sont essentiels si l’on veut bien comprendre les questions soumises à
la Cour, et en raison de la nature des allégations faites par le Liechtenstein dans sa requête, et que
nous jugeons plutôt étranges. Je veux parler en particulier du préte ndu «changement de position»
de l’Allemagne sur les confiscations opérées pa r la Tchécoslovaquie après la seconde guerre
13 mondiale et du prétendu «enrichissement» résultant pour l’Allemagne de ce prétendu changement
de position. Il va sans dire, Monsieur le pr ésident, Madame et Messieurs de la Cour, que
l’Allemagne est tout à fait prête à rejeter sur le fond ces allégations non justifiées. Cependant,
comme elle va le montrer maintenant, la thèse du Liechtenstein doit être rejetée dès la phase
préliminaire.
9. Monsieur le président, cette affaire a pour poi nt de départ et pour pivot le fait que tous les
Allemands et Hongrois d’origine ou de souche ont été dépossédés de leurs avoirs par ce qui était
alors la Tchécoslovaquie, dans la période qui a suivi immédiatement la seconde guerre mondiale.
La confiscation de ces avoirs, opérée en applica tion des décrets Beneš de1945, n’a jamais donné
lieu à aucune indemnisation de la part de la Tchécoslovaquie. Ce régime discriminatoire de
confiscation a été appliqué aussi aux ressortissa nts du Liechtenstein. Le Liechtenstein demande
réparation de ces mesures devant la Cour.
10. A aucun moment l’Allemagne n’a reconnu la licéité des mesures en question de la
Tchécoslovaquie. La position juridique de l’A llemagne concernant les confiscations fondées sur
les décrets Beneš et exécutées dans le contexte du transfert forcé de populations n’a pas changé.
Ces actes ⎯ à notre point de vue, point de vue qui est certainement aussi celui du Liechtenstein ⎯
étaient contraires au droit international public.
11. Cependant l’Allemagne, et en particulier les tribunaux allemands, n’ont pas eu l’occasion
de se prononcer sur le statut des biens liechtenste inois jusqu’à ce que, par un pur hasard, l’affaire
du Tableau de Pieter Van Laer soit portée devant eux dans les annéesquatre-vingt-dix. Qui plus
est, et ce qui est plus important encore, les tribunaux allemands n’avaient pas compétence pour
examiner le statut de ces biens d’une manière qui constituerait cette prise de position dont parle le
Liechtenstein. Comme nous le ve rrons, ce défaut de compétence est le résultat direct du régime - 8 -
juridique spécial entré en vigueur après la sec onde guerre mondiale, qui reposait sur des accords
internationaux contraignants entre l’Allemagne et les puissances alliées occidentales, à savoir la
France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d’Am érique. Ainsi, le prétendu «changement de
position» n’a jamais eu lieu, c’est une constructio n artificielle résultant des propres élucubrations
du Liechtenstein.
12. Le Liechtenstein prétend que des terres arables, de nombreux édifices, manufactures et
autres biens appartenant à quelque trente-huit resso rtissants du Liechtenstein ont fait l’objet de ces
mesures de confiscation de la Tchécoslovaquie. Da ns la liste jointe en annexe à ses observations,
le Liechtenstein cherche à montrer que la plupart de ces actes concernaient des biens appartenant
au prince de Liechtenstein et à sa famille. Ce pendant, il n’a toujours pas indiqué clairement dans
quelle mesure d’autres ressortissants du Liechtenstein ont été touchés par ces actes. Dans la plupart
des cas, les biens en cause sont qualifiés d’«avoirs» ou de «participations», sans autre précision.
14 13. Le Liechtenstein n’a pas indiqué si d’au tres propriétaires avaient intenté une action en
justice devant les juridictions tchécoslovaques, ni dans quelle mesure il avait exercé sa protection
diplomatique au profit de ressortissants liechtensteinois. En particulier, le Liechtenstein n’a pas dit
à l’Allemagne s’il avait fait des démarches auprès du Gouvernement de la Tchécoslovaquie ou de la
République tchèque à cet égard.
14. Je tiens à répéter, pour bien souligner mon propos, que l’Allema gne n’a jamais reconnu
comme licites les confiscations de biens opérées en application des décrets Beneš. Toutefois, en
vertu de la convention sur le rè glement, aucune action portant sur des mesures prises à l’encontre
des biens «saisis au titre des répa rations ou des restitutions, ou en raison de l’état de guerre» n’est
recevable devant les tribunaux allemands.
o
15. Cela était dit tout d’abord dans la loi n 63 du 31 août 1951 précisant le statut des avoirs
allemands à l’étranger et des autres biens appréh endés au titre des réparations ou des restitutions,
adoptée par le conseil de la haute commission allié e pour l’Allemagne pendant l’occupation de ce
pays après 1945. Cette même disposition fut ensuite reprise dans l’article 3 du chapitre sixième de
la convention sur le règlement de questions issues de la guerre et de l’occupation ― dite en abrégé,
«convention sur le règlement» ―, entrée en vigueur le 5 mai 1955. Cette convention fut conclue le
jour même où l’Allemagne recouvra, conformément au paragraphe 2 de l’article 1 de la convention - 9 -
sur les relations entre les trois puissan ces et la République fédérale d’Allemagne 1, «la pleine
autorité d’un Etat souverain sur ses affaires in térieures et extérieures». Autrement dit, le
rétablissement de la souveraineté était subor donné à l’acceptation de la convention sur le
règlement.
16. L’article 3 du chapitre sixième de la c onvention sur le règlement prévoit notamment, en
son paragraphe 1, que «la République fédérale ne soulèvera, dans l’avenir, aucune objection contre
les mesures qui ont été prises ou qui seront prises à l’égard des avoirs allemands à l’étranger ou des
autres biens saisis au titre des réparations ou des rest itutions, ou en raison de l’état de guerre». Le
paragraphe3 de cet article fait échec à la compétence des tribunaux allemands: « [n]e sont pas
recevables les réclamations et les actions dirig ées contre des personnes qui ont acquis ou transféré
des droits de propriété, en vertu des mesures visées [au paragraphe]1...» Permettez-moi de
souligner que cette disposition est en vigueur de puis 1955 et qu’elle a été dûment publiée dans le
Recueil des traités des Nations Unies.
15 17. Comme l’Allemagne l’explique en détail dans ses exceptions préliminaires, les
juridictions allemandes ont toujours estimé que la convention sur le règlement faisait obstacle à ce
qu’elles se prononcent sur la licéité de toute mesure de confiscation prise aux fins indiquées dans la
2
convention sur le règlement . Les juges allemands sont tenus d’appliquer l’article3 du chapitre
sixième de la convention sur le règlement et ne peuvent de ce fait exercer leur compétence à
l’égard des avoirs «saisis au titre des réparations ou des restitutions, ou en raison de l’état de
guerre». L’Allemagne n’a jamais traité les biens liechtenstei nois confisqués comme des biens
3
«allemands», comme le Liechtenstein l’affirme erronément dans ses observations . Mais elle a été
obligée, afin de retrouver un statut d’Etat so uverain, de promettre dans la convention sur le
règlement qu’elle ne se prononcerait pas sur la licé ité des confiscations effectuées antérieurement.
La différence est de taille, et l’Allemagne s’élèv e avec force contre la dénaturation de sa position
ainsi commise par le Liechtenstein. En outre, celui-ci avait connaissance de cette situation, et il n’a
pas émis la moindre objection à cet égard pendant les quarante années qui ont suivi la conclusion
1Nations Unies, Recueil des traités, vol. 332, p. 219.
2
Affaire AKU, ILR, vol.23, p.22-23 (1956), exceptions prélim inaires de l’Allemagne (EPA), annexe2; BGHZ,
vol. 32, p. 172 (1960); voir la traduction anglaise à l’annexe 3 des EPA. Voir également EPA, par. 21.
3Observations du Liechtenstein (OL), par. 12. - 10 -
de la convention sur le règlement. Même s’ il a pu, comme il l’affirme, se méprendre sur la
jurisprudence interne allemande, le Liechtenstein ne saurait aujourd’hui tenter de nous faire croire
que son interprétation prétendument nouvelle de la position allemande constituerait un changement
de cette position elle-même. Une nouvelle fois, le Liechtenstein défo rme les faits et construit une
thèse de toutes pièces.
18. Je voudrais à présent évoquer l’affaire du Tableau de Pieter van Laer qui, pour
l’Allemagne, est au cŒur de la présente instance. En1991, le tableau fut transporté de la ville
tchèque de Brno (Brünn) à la ville allemande de Cologne, pour y être présenté dans une exposition
la même année. Le prince de Liechtenstein en revendiqua aussitôt la propriété et assigna en justice
la ville de Cologne.
19. Permettez-moi de résumer brièvement l’i ssue de cette instance, décrite plus en détail
dans nos exceptions préliminaires: le 10octobr e1995, le tribunal régional de Cologne déclara
l’action irrecevable, au motif que l’article 3 du ch apitre sixième de la convention sur le règlement
faisait échec à la compétence des juridictions allemandes en l’espèce.
16 Le 9 juillet 1996, la cour d’appel de Cologne débouta le demandeur de son appel et confirma
que l’article 3 du chapitre sixième de la convention sur le règlemen t faisait échec à la compétence
des juridictions allemandes pour connaître de l’action intentée par le demandeur.
Le 29janvier1998, la Cour constitutionnelle fédérale refusa d’examiner le recours
constitutionnel engagé par le dema ndeur. Aucune de ces juridicti ons ne statua sur le fond de
l’affaire.
20. Après le rejet de tous les recours en jus tice intentés par le prince de Liechtenstein dans
l’affaire du Tableau de Pieter van Laer, la Principauté de Liechtenstein sollicita des entretiens avec
le Gouvernement allemand. Compte tenu des re lations amicales existant entre les deux pays,
l’Allemagne se déclara disposée à tenir ces c onsultations. Il y eut deux entretiens, le
10juillet1998 et le 14juin 1999. De nature pur ement consultative, ils ne donnèrent lieu à aucun
changement de position de la part de l’Allemagne ―et ils n’auraient pas pu le faire, comme je
tiens à le souligner une nouvelle fois. - 11 -
21. Le 28juillet2001, la Cour européenne des droits de l’homme rejeta à l’unanimité la
requête du prince de Liechtenstein, qui prétenda it que les décisions des juridictions allemandes
violaient la convention européenne des droits de l’homme. La Cour eur opéenne conclut qu’il n’y
avait pas eu de violation de la convention. Ni l’artcile 6 de la convention, quigarantit l’accès effectif
o
à un tribunal, ni l’article1 du protocole n 1, qui garantit le droit de propriété, n’avaient été
enfreints. Vous trouverez le texte complet de l’arrêt dans le dossier devant vous.
22. Pour ce qui est de la violation alléguée du droit à l’accès effectif à un tribunal, la Cour
européenne a dit à l’unanimité ―avec votre permission, Monsieur le président, je vais citer
l’arrêt :
«l’exclusion de la juridiction de l’Allemagne en vertu du chapitre sixième, article 3, de
la convention sur le règlement est une consé quence du statut particulier de ce pays au
regard du doit international public après la seconde guerre mondiale. Ce n’est qu’à la
suite des accords de Paris de 1954 relatifs à la République fédérale d’Allemagne et du
traité de1990 portant règlem ent définitif concernant l’Allemagne que la République
fédérale a obtenu la cessation du régime d’occupation et l’autorité d’un Etat souverain
sur ses affaires intérieures et extérieures pour l’Allemagne unie. Dans ce contexte tout
à fait particulier, la restriction à l’accès une juridiction allemande, découlant de la
convention sur le règlement, poursuivait un but légitime.»
23. Mr. President, Members of the Court, these facts form the basis for Germany’s
Preliminary Objections, which may be summarized as follows: we request the Court to adjudge
and declare that this case is not within its jurisd iction and, further, that the Principality of
17 Liechtenstein’s claims against Germany are inad missible. Germany respectfully submits that
Liechtenstein’s claims should be rejected a limine by the Court.
24. Mr. President, as part of our first Prelimin ary Objection, I shall show that Liechtenstein
has proved unable to establish the existence of a dispute between the Parties. This case concerns
the confiscation of Liechtenstein’s property pursu ant to the Beneš Decrees of 1945 in the former
Czechoslovakia. That is a matter between Liechtenstein and the Czech Republic, successor State to
Czechoslovakia. We are of the opinion that Li echtenstein’s claims do not satisfy the conditions
required to justify characterization as a disput e with Germany. However, for the sake of
convenience, we shall use the term “dispute” to refer to this case in the rest of our oral argument.
25. The following two Objections concern the jurisdiction of the Court. - 12 -
26. Professor Frowein will show in our second Objection that the European Convention for
the Peaceful Settlement of Disputes of 29 April 1957 , in force as between the Parties since 1980, is
not a basis for jurisdiction in this case. The al leged dispute relates wholly to legal facts and
situations dating back to 1945 and arose immediately thereafter.
27. Next, ProfessorFrowein will present our thir d Objection, that Li echtenstein has been
unable to point to a single relevant rule of intern ational law breached by the German courts in their
reasoning in the Pieter van Laer case. Accordingly, we shall show that the dispute, if there is one,
falls solely within the exclusive jurisdiction of Germany.
28. Mr. President, with a view to showing that Liechtenstein’s claims are inadmissible, we
shall present three additional Objections.
29. ProfessorTomuschat will show in our fourth Preliminary Objection that Liechtenstein
has in fact never substantiated its claims, as re quired by Article 40, paragraph1, second sentence,
of the Statute of the Court. Liechtenstein has not established its assertion that Germany has
incurred responsibility for an internationally wrongf ul act; it has not stated which Liechtenstein
nationals have been affected nor to what exte nt; it has not explained how Germany could have
18 included the property of Liechtenstein nationals in a programme for compensation; it has not
indicated how Liechtenstein’s rights under public in ternational law could have been violated by an
alleged change in position.
30. Mr.President, Professor Dupuy will th en show why this Court should refuse
Liechtenstein’s request to it to adjudicate on s overeign acts of Czechoslovakia in the absence, and
without the consent, of Czechoslovakia or either of the States having succeeded it. As
ProfessorDupuy will show, it is well established in the Court’s jurisprudence that the Court is
without jurisdiction to rule on sovereign acts of a thir d State in the absence of that State. In this
case the presence of the Czech Re public, successor State to the former Czechoslovakia, is an
essential condition to the admissibility of the claims before the Court.
31. Finally, Professor Tomuschat will concl ude our oral argument by showing that the
alleged Liechtenstein victims have not exhausted all local remedies, which is a prerequisite to
seising the Court. - 13 -
32. These points are all exceptions which are es sentially preliminary in character, within the
meaning of Article79 of the Rules of Court, a nd we respectfully request the Court to reject
Liechtenstein’s Application.
General remarks
33. Mr. President, before showing why the disp ute which has been referred to the Court is
not one between the Parties, please allow me to comment briefly on a few general remarks made by
Liechtenstein in the introduction to its Observations.
34. Liechtenstein claims that Germany is seek ing to hide behind the Czech Republic and to
bring a different dispute before this Court. That allegation is false. Germany contends that there is
only one dispute at the heart of this case, resu lting from the expropriati on measures taken by the
former Czechoslovakia. There is in truth a dispute, but not one between Liechtenstein and
Germany; rather, it is between Liechtenstein a nd as many as two third parties not present today,
i.e. the States having succeeded Czechoslovakia, in particular the Czech Republic.
19 35. Liechtenstein has repeatedly referred to its rights as a neutral State, rights which
Germany is alleged to have violated. This rep eated reference to its neutrality during the Second
World War is merely an additional indication that the facts which the Court is requested to examine
clearly antedate 18February1980, when the Eu ropean Convention for the Peaceful Settlement of
Disputes entered into force between the two Parties. That Convention is the sole conceivable basis
for this Court’s jurisdiction.
36. Liechtenstein contends that, as a result of the decisions handed down by the German
courts in respect of the Pieter van Laer painting, all confiscated property belonging to Liechtenstein
citizens and now in Germany is likely to be exclude d from any recourse to the courts in Germany.
However, the Applicant has not shown that assets other than the PietervanLaer painting are
concerned. The European Court of Human Rights upheld the judgments of the German courts in
the Pieter van Laer case and ruled that there had been no violation of judicial guarantees or
property rights. In reality, Liechtenstein is seeking the revision of those judgments, including that
of the European Court of Human Rights. - 14 -
37. We have clearly shown that there has been no change of position concerning the status of
the confiscated Liechtenstein assets, as that Stat e claims there to have been. Germany has never
recognized the legality of the expropriation of the Li echtenstein assets. Further, the German courts
correctly applied a provision of a binding treaty depriving them of jurisdiction in the case
concerning the Painting by Master Pieter van Laer, but they have never ruled on the legal status of
the painting or of any other Liechtenstein asset situated in the Czech Republic or the Slovak
Republic. For these reasons, we assert that Liechtenstein has grossly distorted the facts in this case.
38. Mr.President, Members of the Court, Liechtenstein maintains that we have already put
forward arguments which should be made during the merits stage. But Liechtenstein thus masks
the real problem with its claim: the lack of an y conceivable legal basis for its demands. Rather,
Liechtenstein evokes broad principles like sovereignty, neutrality and unjust enrichment. But it has
20 not succeeded in citing, let alone explicating, any specific legal obligation borne by Germany
towards Liechtenstein and allegedly violated by Ge rmany or any specific right of Liechtenstein to
compensation. Germany submits that the Court shou ld not allow a State to lodge before it claims
devoid of substance, in an attempt to drag the other Party ⎯ and this Court ⎯ into long arguments
during the proceedings on the merits. There is no need for the Court to wait until the proceedings
on the merits before rejecting these unfounded claims. Germany will show during these oral
proceedings that the claims must be rejected at the outset for lack of jurisdiction and
inadmissibility.
I shall now set out the first Preliminary Ob jection raised by the Federal Republic of
Germany.
B. First Preliminary Objection: no dispute
39. With your permission, Mr.President, I would now like to demonstrate that the case
before you and the distinguished Members of the Co urt is not a dispute within the meaning of that
term as accepted in the jurisprudence of this Court and its predecessor.
40. The existence of a “dispute” must be c onsidered one of the most basic conditions
required to establish the jurisdiction of the Cour t as between two States. The Permanent Court
defined a dispute as “a disagreement on a point of law or fact, a conflict of legal views or of - 15 -
4
interests between two persons” . Where there is no such “disput e”, the Court cannot exercise its
functions in contentious proceedings. This pr inciple has been undersco red repeatedly in the
jurisprudence of the Court. As this Court stated in the Nuclear Tests cases, “[t]hus the existence of
a dispute is the primary condition for the Court to exercise its judicial function” .
41. This Court has always made it clear that, in order for it to have jurisdiction, there must
exist a real dispute between the parties. Please allow me to quote an excerpt from this Court’s
Judgment in the Fisheries Jurisdiction case: “It is for the Court itself, while giving particular
21 attention to the formulation of the dispute chosen by the Applicant, to determine on an objective
basis the dispute dividing the parties, by examining the position of both parties.” 6
42. We are happy to note that Liechtenstein refers in its Observati ons to the same legal
principles governing this issue. However, it dr aws mistaken conclusions from them. From an
objective point of view, it is impossible to disce rn any disagreement on a point of law or fact
between Germany and Liechtenstein. The two Par ties are in agreement that the Liechtenstein
assets were not confiscated by Germany. Germany has never recognized the legitimacy of the
confiscation measures taken by Czechoslovakia, either before or after 1995. The alleged change of
position, which supposedly led to a disagreement on a point of law, never occurred and could not in
any case have affected the legal position of Liechte nstein’s alleged property rights in the Czech
Republic.
43. Mr.President, we observe with consid erable interest that Liechtenstein has now
confirmed, unequivocally, that there is a dispute between it and the Czech Republic on the subject
7
of the expropriations in the aftermath of the Second World War . The confusion between the
various claims by Liechtenstein is solely the doing of that State ⎯ Germany maintains in fact that
Liechtenstein can achieve its objectives only by misr epresenting the true nature of its claims. We
assert that it is impossible to formulate the alleged dispute between Liechtenstein and Germany in a
way which effectively distinguishes it from the real dispute between Liechtenstein and the Czech
4
Mavrommatis Palestine Concessions, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 11
5Nuclear Tests (Australia v. France) , I.C.J. Reports 1974 , p.271, para.5Nuclear Tests (NewZealand v.
France), I.C.J. Reports 1974, p. 476, para. 58.
6Fisheries Jurisdiction (Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J. Reports 19p.448,
para. 30.
7Observations of Liechtenstein, paras. 8, 1.12. - 16 -
Republic. It will be difficult to dispel the im pression that Liechtenstein is desperately seeking
someone to whom to submit its demands for co mpensation and accordingly is pursuing a strategy
of forum shopping.
44. In any event, as ProfessorDupuy will later show in our oral argument concerning the
necessary presence of the Czech Re public at these hearings, it is impossible to adjudicate upon
Liechtenstein’s claims without ruling on the rights and obligations of an absent State, the Czech
Republic.
22 45. Mr. President, I thank the Court for its attention to my few words of introduction. I shall
now ask the Court to give the floor to Professo r Frowein, who will begin by presenting Germany’s
arguments on the subject of the lack of temporal jurisdiction in this case.
Le PRESIDENT : Je vous remercie M. Läufer. Je donne à présent la parole à M. Frowein.
M. FROWEIN :
C. Deuxième exception préliminaire : défaut de compétence ratione temporis
Introduction
46. Monsieur le président, Madame et Messieu rs les Membres de la Cour, c’est un immense
honneur et un grand plaisir pour moi de me prés enter pour la première fois devant la Cour
internationale de Justice. J’inte rviens dans le cadre de l’instan ce introduite par la Principauté de
Liechtenstein à l’encontre de la République fédérale d’Allemagne en l’affaire relative à Certains
biens ⎯ à des Biens incertains , pourrait-on tout aussi bien dire. L’Allemagne va à présent
admettre par hypothèse qu’un différend existe. Un bien étrange différend, puisqu’il a trait à un
changement d’attitude que l’Allemagne dément. L’attitude juridique de l’Allemagne qui aurait
prétendument changé est liée à sa position à l’égard des confiscations opérées par la
Tchécoslovaquie en1945, confiscations qu’elle n’ a pas pu empêcher et dont elle ne saurait porter
une quelconque responsabilité. Le Liechtenstein n’ a pas été en mesure de nous indiquer quelles
conséquences de fait ou de droit ce prétendu ch angement d’attitude aurait pu avoir sur des biens
relevant de la compétence de la République tchèque ⎯ Etat qui est aujourd’hui membre de l’Union
européenne. - 17 -
47. Permettez-moi tout d’abord de citer une nouvelle fois l’alinéa a) de l’article27 de la
convention européenne pour le règlement pacifi que des différends, qui fonde la compétence en
l’espèce: «Les dispositions de la présen te convention ne s’appliquent pas: a) aux différends
concernant des faits ou situations antérieurs à l’ entrée en vigueur de la présente convention entre
8
les parties au différend…»
48. La convention est entrée en vigueur entre les parties le 18 février 1980. La question clé
n’est donc pas de savoir quand le différend a surgi, mais si ce différend concerne des faits ou
situations antérieurs ou postérieurs au 18 février 1980. Le Liechte nstein indique à de nombreuses
23 reprises dans ses observations que le différend est apparu dans les années quatre-vingt-dix. Cela,
toutefois, est sans aucune pertinence. Seuls importent, aux fins d’établir la compétence ratione
temporis, les faits et situations que ce différend concerne.
49. A première vue, il apparaît qu’un différend concernant des confiscations opérées en 1945
ne relève pas de la compétence temporelle de la Cour, qui n’existe que depuis 1980 entre le
Liechtenstein et l’Allemagne. Un examen plus attentif nous amènera à la même conclusion,
comme nous le montrerons en détail.
50. Le Liechtenstein s’est adr essé à l’Allemagne pour la toute première fois en 1999, en lui
proposant d’engager des négociations en vue d’obten ir de sa part une indemnisation équitable pour
les biens confisqués par la Tchécoslovaquie. L’A llemagne a bien évidemment refusé de verser la
moindre indemnité. En ce sens, le Liechtenstein peut en effet alléguer un grief postérieur à 1980.
Mais celui-ci porte de toute évidence sur des faits et situations remontant à 1945 et à l’immédiat
après-guerre.
51. Il ne fait aucun doute que le différend trouve son origine réelle dans les confiscations de
biens qui appartenaient alors au Liechtenstein , opérées par la Tchécoslovaquie voici près de
soixanteans. Il est révélateur que, pour se soustraire à la limitation ratione temporis , le
Liechtenstein cherche à réserver la question d’un changement de la position allemande à l’égard de
ces confiscations pour la phase du fond.
8
Nations Unies, Recueil des traités, vol. 320, p. 266. - 18 -
52. A la page54 de ses observations du 15 novembre2002, le Liechtenstein avance ce qui
suit :
«Elle [l’Allemagne] affirme par exempl e n’avoir jamais changé de position
depuis 1955. Le Liechtenstein conteste cette affirmation: il a expliqué les
changements de position de l’Allemagne et montré que ceux-ci ont eu lieu après 1980.
Cela étant, la question de savoir s’il y a e ffectivement eu ou non un tel changement de
position relève du fond.»
Si le Liechtenstein était dans le vrai, les limitationsratione temporis à la compétence n’auraient
aucun sens : il suffirait d’invoquer un changement de position pour contourner toute restriction de
cette nature.
53. Je reviendrai en premier lieu sur la prétendue «position commune» du Liechtenstein et de
l’Allemagne. Je poursuivrai en comparant la présente espèce à d’autres affaires jugées par la Cour
et la Cour permanente, avant de formuler quelques remarques complémentaires.
La prétendue position commune porte sur des faits qui échappent à la compétence temporelle
54. Examinons l’allégation du Liechtenstein qui prétend que lui-même et l’Allemagne
avaient une position commune sur les confiscations opérées par la Tchécoslovaquie en 1945, mais
que l’Allemagne a par la suite modifié sa pos ition, ce qui a donné lieu au différend dont est
aujourd’hui saisie la Cour. Pour déterminer si ce tte allégation est justifiée et susceptible de fonder
la compétence de la Cour, en tant que le différe nd porterait sur des faits et situations postérieurs
24 à1980, il importe d’établir en quoi aurait pu consister cette positi on commune des deux
gouvernements et quels sont les faits ou situations qu’elle concernait.
55. Un examen attentif de la position que le Liechtenstein semble prêter aux deux Etats
révèlera qu’il n’y a jamais eu de position commune et que le Liechtenstein cherche simplement à
contourner l’obstacle de la date critique en inventant de toutes pièces d’abord une position
commune, puis un changement de cette position après 1980, de manière à faire entrer le différend
dans le cadre de la compétence temporelle de la Cour. Mais il révèlera également que, quand bien
même une position commune aurait existé, elle n’ aurait concerné que des faits et situations
survenus en 1945 et dans l’immédiat après-guerre. - 19 -
56. Tout d’abord, je soulignerai que l’Alle magne n’a jamais reçu la moindre information
officielle au sujet des biens de ressortissants du Liechtenstein confisqués par la Tchécoslovaquie
en 1945 en application des décrets Beneš. En fait, c’est seulement dans les observations présentées
par le Liechtenstein en réponse à ses exceptions préliminaires que l’Allemagne a trouvé des
indications relatives aux biens immobiliers prétendument confisqués par la Tchécoslovaquie
en1945 et appartenant alors à des ressortissants liechtensteinois. Ces indications sont rien moins
que précises, comme vous avez pu le constater en regardant la liste. Dans un grand nombre de cas,
il est signalé que la nationalité liechtensteinoise reste à vérifier. Ainsi, encore aujourd’hui,
en 2004, le Liechtenstein n’est pas à même de nous dire quels sont les biens réellement en cause.
57. La très grande majorité des biens ayan t appartenu au Liechtenstein et prétendument
confisqués en Tchécoslovaquie, énumérés aujour d’hui dans les observations du Liechtenstein,
n’ont jamais fait l’objet de la moindre procédure judiciaire ou administrative en Allemagne.
Comment aurait-il pu en être autrement? T ous ces biens relevaient, depuis1945, de la
souveraineté territoriale de la Tchécoslovaquie et relèvent à présent de ce lle de la République
tchèque ―ou de la Slovaquie, mais principalement de la République tchè que. L’Allemagne ne
s’est jamais, de quelque manière que ce soit, ingé rée dans les affaires relevant de la souveraineté
territoriale de la Tchécoslovaquie ou de la République tchèque.
58. En fait, le Liechtenstein souligne qu’auc une affaire n’a été portée devant une juridiction
allemande au sujet de biens lui ayant appartenu ―si ce n’est celle sur laquelle je vais bien sûr
revenir. Mais le Liechtenstein ne peut jouer sur les deux tableaux. En l’absence de procédure
judiciaire ou autre engagée en Allemagne à propos de biens ayant appartenu au Liechtenstein, il ne
pouvait pas, à l’évidence, exister de «position co mmune». L’Allemagne ignorait complètement
que des actes souverains de la Tchécoslovaqui e avaient eu une incidence sur des biens
liechtensteinois. Il s’ensuit que l’Allemagne et le Liechtenstein n’avaient en aucun cas de position
25 commune sur la confiscation des biens liechtensteinois opérée par la Tchécoslovaquie en 1945. Au
reste, cette position eût-elle existé, elle n’au rait été d’aucune utilité pour le Liechtenstein,
puisqu’elle aurait concerné des faits survenus en 1945. - 20 -
59. Il est, bien sûr, exact que l’Allemagne a toujours estimé que la confiscation de biens
allemands en application des décrets Beneš était contraire au droit international public. Cette
position, toutefois, n’avait rien à voir avec la confiscation de biens liechtensteinois dont
l’Allemagne ignorait tout.
60. J’ajouterai une dernière observation, Mons ieur le président. Le Liechtenstein parle
toujours de «biens liechtensteinois». Mais qu’en est -il réellement ? Il s’agit de biens appartenant,
en vertu de la législation appliquée par le s ouverain territorial, la République tchèque (et,
auparavant, la Tchécoslovaquie), à des propriétaires tchèques et non à des propriétaires
liechtensteinois et ce, depuis plus de cinquante ans. Les juridictions allemandes ont toujours
respecté les lois appliquées par le souverain territori al en la matière. Le Liechtenstein est peut-être
d’avis que les biens devraient néanmoins être considérés comme liechtensteinois, mais il n’a cité
aucune règle de droit international qui puisse oblig er l’Allemagne à s’aligner sur sa position. Pour
l’Allemagne, les biens appartiennent à leurs propriétaires tchèques.
L’histoire du tableau de Pieter van Laer confirme que le différend échappe à la compétence
temporelle de la Cour
61. Nous savons bien évidemment qu’en1991, une toile que la Tchécoslovaquie avait
confisquée en1945 fut exposée à Cologne, et qu’à cette occasion le prince de Liechtenstein en
demanda la restitution, arguant qu’elle lui apparten ait en propre. Sur quoi portait cette affaire dont
les tribunaux allemands avaient été saisis aprè s que cette toile fut passée sous la compétence
territoriale de l’Allemagne? Le prince, agi ssant à titre privé en qualité de ressortissant du
Liechtenstein, affirmait être demeuré le propriétaire du tableau, dont un musée de Tchécoslovaquie,
puis de la République tchèque, ava it la paisible possession depuis plus de cinquante ans. Agissant
en tant que partie demanderesse étrangère devant les juridictions allemandes, il en demandait la
restitution.
62. La peinture avait été envoyée à Cologne par un musée tchèque qui, selon la loi tchèque,
en était et en est manifestement le propriétai re. En comparaison des biens immeubles dont on
trouve maintenant la liste dans les observations du Liechtenstein, et que j’ai déjà évoqués, cette
toile possède une valeur négligeable. Toutefois, le présent différend n’est apparu que parce que les - 21 -
26 tribunaux allemands ont conclu que la convention su r le règlement leur interdisait de connaître de
la confiscation du tableau, survenue en 1945. Sans l’histoire du tableau, ce différend ne serait pas
devant vous aujourd’hui, Monsieur le président.
63. L’on peut sans conteste conclure de ce qui précède que le Liechtenstein et l’Allemagne
n’ont jamais eu de position commune en ce qui conc erne les biens immeubles ou le tableau. Il n’a
jamais existé de position commune, et l’Allema gne n’a pas non plus modifié sa position en quoi
que ce soit. De toute façon, si la position commune invoquée par le Liechtenstein avait existé, elle
aurait concerné des faits et situations remontant à 1945. Tout différend relatif à un changement de
position échapperait dès lors à la compétence de la Cour.
La limitation ratione temporis telle qu’elle est appliquée par la Cour et la présente espèce
64. Comme l’a dit il y a fort longtemps la Cour permanente, les limitations ratione temporis
telles que celle qui figure dans la convention eur opéenne sont destinées à exclure la possibilité de
voir déférés par requête à la Cour des situations ou des faits qui remontent à une époque où l’Etat
mis en cause n’aurait pas été à même de prévoir le recours dont pourraient être l’objet ces faits et
situations.
65. Cette déclaration, Monsieur le président, s’applique pleinement à la situation actuelle.
Le Liechtenstein tente aujourd’hui de soumettre à la Cour un différend portant sur des questions de
réparations et de biens confisqués par la Tchéco slovaquie en 1945. Or, la convention européenne
pour le règlement pacifique des différends exclut de son champ d’application les différends relatifs
à des faits ou situations antérieurs à son entrée en vigueur entre les parties ― c’est-à-dire 1980.
66. Cette règle est applicable en l’espèce et e lle soustrait le différend à la compétence de la
Cour. Le Liechtenstein semble oublier que, aux termes de la clause juridictionnelle figurant dans la
convention européenne, la date criti que pour le différend porté devant la Cour n’est pas la date de
la naissance de ce différend, mais la date ou les dates des faits ou situation auxquels il a trait.
67. La comparaison avec la jurisprudence de la Cour et celle de la Cour permanente exclut
clairement la présente espèce ratione temporis. - 22 -
9
27 68. Comme l’a déjà montré l’Allema gne dans ses exceptions préliminaires , la comparaison
avec l’affaire du Droit de passage sur territoire indien 10est tout à fait révélatrice. Dans l’affaire du
Droit de passage , l’élément important était que l’accès aux territoires enclavés existait depuis
longtemps. Le passage avait ensuite été bloqué , à une époque où la Cour était compétente ratione
temporis. Vous avez jugé que le différend portait sur la fermeture du passage et que la Cour n’était
pas empêchée d’appliquer le droit qui s’était form é longtemps auparavant. Les faits sur lesquels
portait le différend concernaient la fermeture du passage.
69. Dans la présente espèce, il n’existait pas de pratique comparable. Avant l’affaire du
Tableau de Pieter van Laer , l’Allemagne n’avait pas la moi ndre information concernant la
confiscation de biens liechtensteinois par la Tchéco slovaquie. Le Liechtenstein n’avait jamais fait
de démarches auprès de l’Allema gne et l’Allemagne n’avait pas eu connaissance de négociations
du Liechtenstein avec la Tchécoslovaquie ou, par la suite, avec la République tchèque. Ce n’est
qu’après la procédure devant les juridictions alle mandes que le Liechtenstein a, pour la première
fois, présenté une demande d’indemnisation.
70. Pour passer outre à la limitation ratione temporis, le Liechtenstein affirme que c’est le
changement d’attitude de l’Allemagne qui est déte rminant pour l’application de la règle. Mais
c’est la confiscation des biens qui constitue le véritable élément générateur du différend, même si la
requête du Liechtenstein le présente de manière différente.
71. Il est aussi très instructif, à mon avis, d’ examiner les deux autres affaires dans lesquelles
la Cour permanente avait eu à appliquer une limitation ratione temporis.
72. Dans l’affaire des Phosphates du Maroc 1, la Cour s’est jugée incompétente à l’égard des
actes qui, selon le Gouvernement italien, étaient à l’or igine du différend. La Cour a estimé que la
situation dénoncée par le Gouvernement italien comme illicite était en fait une situation juridique
née de la législation française antérieurement à l’entrée en vigueur de la déclaration d’acceptation
de la France. D’après la Cour, cette situati on ne pouvait être considér ée indépendamment de la
législation dont elle était issue, et, partant, elle échappait à la compétence de la Cour.
9
EPA, vol. I, par. 73-80.
10
Droit de passage sur territoire indien, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 6.
11Phosphates du Maroc, exceptions préliminaires, arrêt, 1938, C.P.J.I. série A/B n 74, p. 24. - 23 -
28 73. De la même manière, ce que le Liechtenstein prétend à présent relever de la compétence
de la Cour est absolument indissociable, à mon sens, de la question de la licéité des confiscations
opérées en 1945 et de leurs conséquences. En ef fet, le Liechtenstein semble vouloir dire que
l’Allemagne avait l’obligation de tenir pour null es ces confiscations. A l’évidence, cette vue est
totalement erronée. Ce qui importe cependant, dans ce contexte, c’est que la position allemande —
que le Liechtenstein cherche à présenter comme viol ant ses droits — ne peut être dissociée de la
question des confiscations qui ont eu lieu longtemps avant la date critique pour la compétence. Ces
confiscations opérées en 1945 sont l’élément central du différend. Par conséquent, elles constituent
les faits et situations auxquels le différend a trait.
74. Dans l’affaire de la Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie 12, le facteur décisif
était que les deux parties s’accordaient pour reconn aître le caractère obligatoire des sentences
rendues par le Tribunal arbitral mixte. Dans la pr ésente espèce, il n’y a jamais eu d’accord entre
les Parties. Comme je l’ai déjà expliqué, l’Allemagne n’a jamais reçu aucune information
concernant la confiscation de biens liechtenstei nois. L’Allemagne ne s’est jamais mise d’accord
avec le Liechtenstein en quoi que ce soit. C’est seulement en1999 que, pour la première fois, le
Liechtenstein a adressé une demande d’indemnisation à l’Allemagne pour les pertes subies en 1945
en raison des confiscations opérées par la Tchéco slovaquie. Cela aussi montre que les faits
auxquels le différend a trait échappent à la juridiction temporelle de la Cour.
75. A ce propos, Monsieur le président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour,
n’est-il pas tout à fait révélateur que le Liechtenste in parle de «pertes», alors qu’aucun bien n’a été
perdu en raison d’un changement d’attitude de l’Allemagne? A supposer que le Liechtenstein
fasse allusion à la question du tableau, c’est encore là une interprétation totalement erronée de sa
part. Même abstraction faite de la convention sur le règlement, les juridictions allemandes auraient
appliqué les règles du droit international privé et du droit international en matière de confiscation,
et elles auraient rejeté toute demande concer nant des biens meubles confisqués il y a plus de
cinquante ans. Le tableau a été «perdu» en 1945. La Cour européenne des droits de l’homme l’a
clairement confirmé.
12Compagnie d’électricité de Sofia et de Bulgarie, exceptions préliminaires, arrêt, 1939, C.P.J.I. série A/B n 77,
p. 64. - 24 -
La demande du Liechtenstein à la lumière des nouvelles observations
76. Le Liechtenstein, prétendant que l’Alle magne a réécrit sa requête, énonce à présent
(page 52, paragraphe 3.29, de ses observations), l’essentiel de sa thèse comme suit :
29 «Trente-cinq ans durant après la saisie d es biens liechtensteinois en application
des décrets Beneš, il n’y a eu aucun litige su r la question entre le Liechtenstein et
l’Allemagne. Ce n’est que dans les années quatre-vingt-dix, lorsque la convention sur
le règlement a été modifiée pour qu’en soit supprimée toute référence à la réparation,
que l’Allemagne a estimé que les biens liech tensteinois pouvaient légitimement être
considérés comme des biens allemands aux fins de la convention, autrement dit, qu’ils
relevaient du régime des réparations. C’est à ce moment-là, et non pas avant, qu’un
différend a surgi.»
77. Je dois à nouveau souligner, et il faut à nouveau noter que le moment où le différend a
surgi est sans importance pour la règle de compétence à appliquer en l’espèce. Ce qui importe ici,
c’est de savoir à quels faits et situations juridiques le différend a trait. Ce n’est que si ces faits ou
situations relèvent de la comp étence temporelle, c’est-à-dire s’ ils ont eu lieu après1980, que la
Cour pourrait être compétente. Il est cependant évident que le différend, qui aurait prétendument
surgi dans les années quatre-vingt-dix, porte sur d es faits et situations bien antérieurs à1980
― remontant à 1945 et à la période qui a immédiatement suivi.
78. Comme le Liechtenstein le répète plus ieurs fois dans ses observations, l’objet du
différend est un changement de la position allemande «au sujet de l’application aux avoirs saisis du
régime des réparations établi notamment par l’acco rd de Paris de1952» (p. 82, 91 et 103 des
observations). Cette déclaration émanant du Liechte nstein lui-même démont re clairement que le
prétendu différend a trait au régime des réparati ons que le Liechtenstein lui-même fait remonter
à1952, soit presque trenteans avant que la clause juridictionnelle de la convention européenne
n’entre en vigueur entre le Liechtenstein et l’Allemagne.
79. Comme nous l’avons déjà expliqué en détail, l’Allemagne n’a en aucune manière changé
sa position juridique. Le Liechtenstein, comme tous les autres Etats —on peut le supposer, je
pense—, était parfaitement au c ourant de la situation de l’Al lemagne en droit international
après 1945 et du fait que l’Allemagne n’était pas ha bilitée à apprécier si les confiscations opérées
par les anciennes puissances alliées, comme la Tc hécoslovaquie en l’occurrence, étaient ou non
licites. Et il aurait en effet été surprenant que les puissances occupantes de l’Allemagne autorisent
les juridictions et les autorités allemandes à en juger. - 25 -
80. Le Liechtenstein tente aussi de donner l’impression que la suppression de toute référence
à l’indemnisation dans la conven tion sur le règlement, à la suite des accords de 1990 conclus dans
le cadre de la réunification de l’Allemagne, aura it pu avoir de l’importance pour les citoyens du
Liechtenstein. Cela, une fois encore, est complète ment faux. Le Liechtenstein fait allusion ici à
l’échange de notes entre l’Allemagne, d’une part, et la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis,
d’autre part, au sujet de la convention sur le rè glement —échange de notes qui a eu lieu dans le
30 cadre de la réunification de l’Allemagne. Et il est exact que, à la suite de cet échange de notes, la
plupart des dispositions de la c onvention sur le règlement ont été abrogées, en particulier les
références à l’indemnisation qui y figuraient.
81. Pourtant, il est tout à fait fallacieux de laisser entendre que, dans ce contexte, les
dispositions en matière d’indemnisation contenues dans la conventi on sur le règlement auraient pu
s’appliquer aux citoyens du Liechtenstein à l’égar d des confiscations opérées en application des
décrets Beneš. Cela ressort à l’évidence du text e des lois allemandes concernant l’indemnisation
des dommages, que le Liechtenstein connaît depuis toujours. Entre 1945 et 1999, le Liechtenstein
n’a pas une seule fois affirmé que l’Allemagne devrait indemniser les citoyens du Liechtenstein
pour la confiscation de leurs biens par la Tchécoslovaquie.
Comparaison de l’attitude du Liechtenstein avec celle de la Suisse
82. Il semble utile de comparer la situation du Liechtenstein à celle de la Suisse. Des biens
suisses ont malheureusement aussi été confisqués par la Tchécoslovaquie en application des décrets
Beneš. La réaction de la Suisse a été immédiate : elle a conclu avec la Tchécoslovaquie un certain
nombre d’accords sur la base desquels des indemnités devaient être payées pour tous les biens
suisses ainsi confisqués. Ces accords figurent dans le Recueil des traités suisse.
83. Le Liechtenstein n’a jamais conclu d’accords de ce genre. Cette inaction du
Liechtenstein montre où réside véritablement le problème, dans ce contexte. Lorsque, de manière
totalement fortuite, un tableau confisqué par la Tchécoslovaquie en1945 entre en Allemagne, le
Liechtenstein affirme que l’Allema gne devrait traiter ce tableau co mme un bien liechtensteinois.
Pourtant, le Liechtenstein n’est pas en mesure de montrer qu’il existe une règle de droit
international public exigeant que l’Allemagne agisse autrement qu’elle ne l’a fait. - 26 -
84. Cette comparaison avec la position de la Suisse montre aussi l’importance d’un autre
argument déjà avancé par l’Allemagne dans ses ex ceptions préliminaires. Cet argument concerne
la totale inaction du Liechtenstein entre1945 et 1995. Les conséquences juridiques de cette
inaction devraient, à mon sens, être analysées par la Cour si l’affaire était jugée sur le fond.
85. La période allant de1945 à 1980, trente-cinqannées, so it plus d’une génération, serait
d’une importance cruciale dans ce contexte. Comme la Cour ne pourrait pas, selon moi, se
prononcer sur l’inaction du Liechtenstein durant cette période — la période cruciale — le différend
ne relève pas de la compétence de la Cour : il a tra it à des faits et situations antérieurs à l’entrée en
31
vigueur, en 1980, de la convention entre les Parties.
86. Je le répète : le prétendu changement d’a ttitude ne relève pas du fond comme l’affirme à
présent le Liechtenstein. Il serait très fa cile sinon de se soustraire à la limitation ratione temporis
qui figure dans la convention européenne. Les faits et situations sur lesquels porte le différend sont
ceux qui remontent à 1945, et non ceux qui ont eu lieu après 1980. Ils échappent donc, Monsieur le
président, Madame et Messieurs les Membres de la Cour, à la compétence de votre juridiction.
Monsieur le président, si vous le permettez et si vous le jugez opportun, je souhaiterais
poursuivre pendant une dizaine de minutes avec notre troisième exception préliminaire.
Le PRESIDENT : Veuillez poursuivre, je vous prie.
M. FROWEIN :
D. Troisième exception préliminaire : la compétence nationale de l’Allemagne
87. J’en viens à notre troisième exception préliminaire, qui porte sur la question de la
compétence nationale. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, l’Allemagne
soutient que le différend allégué, tel que le définit le Liechtenste in, (si on l’analyse correctement)
relève exclusivement de la compétence nationale de l’Allemagne. Cette exception se fonde sur
l’alinéa b) de l’article27 de la convention européenne pour le règlement pacifique des différends,
aux termes duquel la convention ne s’applique pas « b) aux différends portant sur des questions que
le droit international laisse à la compétence exclus ive des Etats». Laissez-moi vous dire d’emblée - 27 -
quelque chose que j’aurai l’occasion de répéte r par la suite. Le droit international ⎯et je pense
que tous les juristes internationaux seront en principe d’accord avec moi ⎯ le droit international ne
regarde pas le raisonnement des juridictions nationales, il regarde uniquement les résultats
auxquels elles parviennent.
88. Dans ses observations, le Liechtenstein refuse de répondre au principal argument de
l’Allemagne lorsqu’il traite la question de la compétence nationale. Cet argument a trait à l’affaire
du Tableau de Pieter van Laer , celle qui est à l’origine de tout le différend qu’allègue le
Liechtenstein. Cette affaire du Tableau de Pieter van Laer , soumise aux tribunaux allemands et
jugées par eux, opposait le prince de Liechtenstein , qui revendiquait à titre privé la propriété de la
toile et avait saisi la justice en tant que ressortissant étranger, à la ville de Cologne. Si les
32 juridictions allemandes étaient compétentes, c’était parce que le tableau se trouvait en Allemagne et
relevait de la compétence territoriale allemande.
89. L’Allemagne ne nie absolument pas, bi en entendu, que cette affaire ait soulevé des
questions de droit international. Les tribunaux a llemands ont appliqué un traité international, à
savoir la convention sur le règlement que l’ Allemagne avait conclue avec la France, le
Royaume-Uni et les Etats-Unis. Ils devaient aussi respecter la convention européenne des droits de
l’homme, et ils l’ont fait, comme la Cour europée nne des droits de l’homme l’a constaté dans une
décision unanime et contraignante pour le prince de Liechtenstein, en tant que personne privée, et
pour l’Allemagne en tant qu’Etat.
90. L’affaire soumise aux tribunaux allemands concernait une toile entrée en Allemagne en
vue d’une exposition, suivant la décision du musé e tchèque qui, selon le droit tchèque, en est le
propriétaire. L’Allemagne soutient que, une fo is le tableau arrivé sur son sol, sa compétence
territoriale a pleinement déployé ses effets. En es timant qu’ils ne pouvaient pas, au regard de la
convention sur le règlement, se prononcer sur la c onfiscation mais qu’ils devaient respecter le titre
de propriété du musée tchèque, les juges allemand s n’ont rien fait qui pût porter atteinte à de
quelconques droits du Liechtenstein.
91. Le fait qu’un traité part iculier (la convention sur le règl ement) conclu entre l’Allemagne
et les trois puissances alliées ait empêché les juridi ctions allemandes d’examiner la licéité des
confiscations n’a absolument rien à voir avec une position en droit international sur laquelle le - 28 -
Liechtenstein pourrait s’appuyer. Le droit international n’offrait pas au Liechtenstein de position à
l’égard de biens meubles confisqués par le souve rain territorial (qui était à l’époque la
Tchécoslovaquie) plus de cinquante ans auparava nt et entrés en Allemagne en1991. Le
Liechtenstein refuse de nous indiquer quelle règle de droit international les juridictions allemandes
auraient dû respecter en sa faveur.
92. Quant aux biens immobiliers dont parle ég alement le Liechtenstein, une chose est, bien
sûr, tout à fait évidente. Les biens en questi on relèvent pleinement et exclusivement de la
souveraineté territoriale de la République tchèque. Il va de soi que toute décision de l’Allemagne à
leur égard ne peut que respecter la souveraineté tc hèque. Dans les relations avec le Liechtenstein,
c’est une question qui relève exclusivement de la compétence nationale de l’Allemagne. Le
Liechtenstein n’a même pas donné l’exemple d’ une seule règle de droit international que
l’Allemagne aurait dû appliquer s’agissant de bien s immobiliers sis en République tchèque et qui
auraient appartenu, il y a plus de cinquante ans, à des ressortissants liechtensteinois.
33 93. Pour des raisons évidentes, le Liechtenst ein ne dit rien de l’argument de l’Allemagne
selon lequel les questions relatives au traitement de bi ens confisqués, en tant que telles, ne sont pas
directement réglées par le droit international, sauf dispositions conventionnelles ou autres règles
contraires. Même lorsque la confiscation a ét é opérée en violation des dispositions du droit
international, il n’existe aucune règle qui puisse êt re automatiquement appliquée à l’égard de tels
biens par les tribunaux étatiques. Le droit intern ational protège les biens étrangers et garantit, du
moins en principe, le droit à indemnisation. Mais il ne dit rien des obligations des Etats tiers à
l’égard de biens confisqués. Cela ressort de la pratique des Etats et de la doctrine du droit
international comme nous l’avons expliqué da ns nos exceptions préliminaires en citant,
notamment, M. Pellet.
94. C’est de propos délibéré que le Li echtenstein refuse de répondre à l’Allemagne
lorsqu’elle soutient que, même si la conventio n sur le règlement n’existait pas, les instances
engagées devant la justice allemande auraient eu exactement la même issue. Les règles applicables
du droit international privé et du droit régissant les confiscations, telles que l’Allemagne les
appliquait et les reconnaissait comme tant d’au tres pays du monde, auraient donné exactement le
même résultat, comme il est démontré dans les ex ceptions préliminaires de l’Allemagne. La toile - 29 -
qui se trouvait sur le sol allemand en vue de l’expos ition aurait été restituée à celui qui en était le
propriétaire selon le droit tchèque, c’est-à-dire au musée, parce qu’elle était depuis cinquante ans
soumise au droit des biens tchécoslovaque puis tc hèque. C’est exactement ce qui s’est produit.
Cela ne pouvait porter atteinte à aucun des droits qui étaient ceux du Liechtenstein en tant que sujet
de droit international.
95. Le droit international ⎯je le répète ⎯ ne regarde pas le raisonnement des juridictions
nationales. Il regarde le résultat de leurs décisions. Si le Liechtenstein ne prétend pas ⎯ et ne peut
prétendre ⎯ que ce résultat pourrait violer ses droits , c’est, à mon avis, qu’il reconnaît que les
décisions des juridictions allemandes, dans le urs résultats, ne concernaient pas le droit
international. Cela même démontre que, à l’égard du Liechtenstein, la question relevait
exclusivement de la compétence nationale de l’Allemagne.
96. L’attitude évasive du Liechtenstein au sujet de cette question cruciale devient encore plus
flagrante au paragraphe 2.19 de ses observations (p. 34). Dans ce passage, le Liechtenstein n’hésite
pas à dire que l’Allemagne n’était pas en droit de considérer les biens liechtensteinois comme
entrant dans le champ d’application de la convention sur le règlement et qu’elle doit indemniser les
anciens propriétaires qui ont perdu ces biens en 1945. Ce serait là, évidemment, une question à
examiner au stade du fond.
34 97. Mais la question que le Liechtenstein élude est la suivante: l’Allemagne avait-elle ou
non envers le Liechtenstein, en droi t international public, l’obligation de transférer le tableau à un
ressortissant du Liechtenstein ⎯qui se trouve être le prince de Liechtenstein, mais qui agit bien
entendu à titre privé? Bien évidemment, le dro it international ne contient aucune règle qui
imposerait une telle obligation à l’Allemagne. Le Liechtenstein le sait parfaitement. Puisqu’il
n’invoque même pas le droit international pour contester le résultat de la procédure, le
Liechtenstein reconnaît implicitement que ce résultat relève pleinement de la compétence nationale
de l’Allemagne.
98. Le Liechtenstein avance un autre argument. Il déclare que le principe énoncé dans
l’affaire de l’Or monétaire, que l’Allemagne invoque ⎯ celui de la tierce partie indispensable, que
notre collègue et ami Pierre-Mar ie Dupuy expliquera en détail ⎯ montre que l’affaire ne peut pas
s’inscrire exclusivement dans le cadre de la comp étence nationale de l’Allemagne. Mais c’est là - 30 -
une interprétation complètement erronée de la position allemande. Si nous invoquons l’affaire de
l’Or monétaire, c’est uniquement parce que la thèse du Liechtenstein présuppose que la Cour va
juger de la licéité, en droit international, des m esures de confiscation tchécoslovaques. Or, elle ne
peut le faire qu’en présence de l’Etat qui a succéd é à la Tchécoslovaquie, qui est la République
tchèque.
99. L’argument qui consiste à soutenir que la République tchèque est une tierce partie
indispensable pour qu’un jugement puisse être prononcé sur les confiscations opérées par la
Tchécoslovaquie en1945 n’a, selon moi, ab solument aucun rapport avec l’argument de
l’Allemagne concernant les instances qui se sont déroulées devant ses juridictions, ni avec la
position allemande selon laquelle seul le droit tchèque régit les biens immobiliers sis en République
tchèque.
Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre aimable
attention. Le moment serait peut-être bien choisi pour faire la courte pause habituelle. Si vous le
permettez, Monsieur le préside nt, après la pause mon collègue et ami M.Tomuschat poursuivra
l’exposé de la thèse allemande. Je vous remercie encore une fois de votre attention.
Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Frowein. L’audience est suspendue pour
dix minutes, après quoi je donnerai la parole à M. Tomuschat.
L’audience est suspendue de 11 h 25 à 11 h 40.
35 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Monsieur Tomuschat, vous avez la parole.
M. TOMUSCHAT :
E. Quatrième exception préliminaire : les demandes du Liechtenstein
ne sont pas assez justifiées
Résumé de l’argument
100. Monsieur le président, Madame et Messi eurs de la Cour, l’Allemagne conteste la
recevabilité de la requête du Liechtenstein pour un motif supplémentaire, qui est le défaut
indéniable et irrémédiable de justification des conclusions du Liechte nstein. L’Allemagne a - 31 -
présenté ce moyen de défense dans la quatrième de ses exceptions préliminaires. Dans ses
observations du 15novembre2002, le Liechtenst ein a tenté d’écarter cette exception comme
infondée. Mais une lecture attentive des observati ons révèle qu’à ce jour, la requête reste entachée
de vices si profonds que les conditions minimale s énoncées à la deuxième phrase du paragraphe 1
de l’article 40 du Statut de la Cour ⎯ et précisées au paragraphe 2 de l’article 38 du Règlement ⎯
ne peuvent être considérées comme satisfaites. Ce s conditions ne sont pas de pure forme. Elles
visent à garantir que le défendeur obtiendra des info rmations suffisantes pour organiser sa défense.
Or, jusqu’à ce jour, ces informations ne nous ont pas été données.
101. En fait, nous soutenons que le demandeur n’a pas démontré de manière suffisante que
l’Allemagne a engagé sa responsabilité en comme ttant un fait internationalement illicite, comme il
le prétend. A ces critiques, le Liechtenstein répond en répétant qu’il a satisfait aux obligations qu’il
tenait non seulement du Règlement, mais surtout du St atut de la Cour lui-même. La lecture de ses
observations conduit cependant exactement aux même résultats que celle de la requête initiale,
même complétée par le mémoire du 28 mars 2002. Nous n’avons aucun éclaircissement d’aucune
sorte sur une faute dont l’Allemagne se serait rendue coupable.
L’allégation générale selon laquelle l’Alle magne aurait porté atteinte aux avoirs du
Liechtenstein n’est pas démontrée
102. On a beau étudier avec le plus grand soin les observations, on ne peut y trouver le
moindre indice sur ce que la République fédérale d’Allemagne a pu faire pour être tenue pour
responsable des pertes financières subies par le Liechtenstein en1945 du fait des autorités
tchécoslovaques. Le Liechtenstein s’en tient dé libérément à une formule vague qui ne repose sur
36 rien de concret. Au paragraphe4.7 de se s observations, il avance un argument qui, selon lui,
constitue l’essence même de toute l’affaire. Je cite :
«[l]e fait que les tribunaux allemands ont re ndu des décisions en vertu desquelles le
régime des réparations s’app liquait aux avoirs liechtensteinois, et que ces décisions
ont été ensuite, au cours des années quatre -vingt-dix, entérinées par les autorités
allemandes, constitue la pierre angulai re du présent différend et le fait
internationalement illicite (complexe) dont le Liechtenstein fait grief à l’Allemagne».
Une affirmation analogue est faite au paragraphe 4.23. Au-delà de cet argument, qui n’explique
rien, on remarque un singulier manque de faits établis, à peine comblé par l’annexe49 des - 32 -
observations, qui donne la liste des familles touchées par les mesures de confiscation du
Gouvernement tchécoslovaque. Signalons en passant que le titre de ce document est très
révélateur. Les familles qui ont perdu leurs biens ont en effet été victimes de mesures prises par les
autorités tchécoslovaques ⎯et elles continuent aujourd’hui de subir un préjudice à cause de ces
mesures. Sur ce point, l’Allemagne est entièrement d’accord avec le demandeur.
103. La seule certitude qu’a le lecteur, c’est que la Tchécoslovaquie a confisqué des biens du
Liechtenstein en1945; mais rien dans l es pièces du Liechtenstein ne donne à penser ⎯ comme
l’affirme le Liechtenstein ⎯ que l’Allemagne, dans les annéesquatre-vingt-dix, ait approuvé ces
confiscations, ou qu’elle se soit enrichie en cons idérant les biens comme allemands, ou qu’elle en
ait tiré quelque autre bénéfice. En d’autres termes, ce qui fait totalement défaut ici, c’est
l’identification de l’acte ou des actes qui auraient porté atteinte aux biens du Liechtenstein, ainsi
que l’identification d’un quelconque lien de causalité durant la période concernée.
La procédure relative au Tableau de Pieter van Laer n’a eu aucune incidence sur le statut des
avoirs (anciennement) liechtensteinois en République tchèque
104. Le Liechtenstein n’invoque sans cesse qu’ un seul et même fait, à savoir la série de
décisions rendues par les juridictions allemandes da ns le cadre de l’action intentée en Allemagne
par le prince Hans-AdamII en vue de récupérer le tableau de Pieter van Laer confisqué en
Tchécoslovaquie en1945. Selon le Liechtenstein, ces décisions sont des act es qui l’ont privé de
son droit de propriété ininterrompu. En réalité, cependant, ce qui ressort d’un examen attentif des
décisions de la cour d’appel de Cologne 13et de la Cour c onstitutionnelle fédérale , c’est que ces
37 deux juridictions se sont contentées de déclarer que, au vu des dispositions applicables de la
convention sur le règlement 15, les tribunaux allemands ne pouvaient être saisis d’aucune action
concernant le tableau. Elles n’ont pas consacré un mot au fond de la question. L’Allemagne n’a
jamais prétendu avoir des droits de propriété sur ce tableau, et les juridictions compétentes n’ont
pas non plus tranché le point de savoir si la Tc hécoslovaquie avait acquis ce bien de manière licite
13
ML, annexe 29, p. 289.
14ML, annexe 32, p. 353.
15ML, annexe16: convention sur le règlement de quest ions issues de la guerreet de l’occupation (telle
qu’amendée conformément à l’annexeIV du protocole sur la cessation du régimd’occupation dans la République
fédérale d’Allemagne, signé à Paris le 23 octobre 1954), chap. 6, art. 3, par. 3. - 33 -
ou illicite. Elles se sont limitées à déclarer qu’au cun recours judiciaire n’était ouvert en
Allemagne, à cause d’un traité qui avait été présenté à ce pays par les trois puissances occidentales
alliées comme une partie du prix à payer pour recouvrer sa souveraineté.
L’expression «soumettre [les biens en cause] au régime des réparations» est vide de substance
105. J’en reviens maintenant à la formule employ ée par le Liechtenstein, dont j’ai déjà parlé.
Que signifie donc : soumettre les biens au régime des réparations ? Très sincèrement, l’Allemagne
ne comprend pas quels faits cette expression est censée recouvrir. Selon toute apparence, le
Liechtenstein essaie de faire croire que l’Allema gne a payé certaines de ses dettes engendrées par
la seconde guerre mondiale en utilisant des avoirs dont les propriétaires légitimes étaient des
ressortissants liechtensteinois. Mais il n’avance p as le moindre fait à l’appui de cette accusation.
C’est dans ses observations, à l’annexe49, que le Li echtenstein a fourni pour la première fois un
aperçu général des biens et autres avoirs préte ndument confisqués par la Tchécoslovaquie. Et
c’était aussi la première fois que l’Allemagne en entendait parler . L’Allemagne n’a jamais eu
directement connaissance des mesures de confi scation prises par les autorités tchécoslovaques
en1945 à l’encontre de ressortissants de pays tiers , et depuis cette date, elle n’a jamais rien eu à
voir avec les biens identifiés aujourd’hui par le Liechtenstein. Le prétendu «changement de
position» ⎯qui n’a jamais eu lieu et se résume en tout état de cause au fait que les juridictions
allemandes ne peuvent pas connaître des demand es en restitution des biens liechtensteinois
confisqués en Tchécoslovaquie ⎯ ne saurait avoir la moindre incidence sur le statut juridique des
biens contestés qui se trouvent République tchèque et peut-être aussi en Slovaquie; et il en va de
même pour les autres avoirs dont un certain nombre de ressortissants du Liechtenstein auraient été
dépossédés.
38 L’exception relève de la phase préliminaire de l’instance
106. L’exception soulevée par l’Allemagne sous le titre «défaut de justification» est de
nature spécifiquement préliminaire. L’Allemagne soutient que le Liechtenstein n’a pas présenté les
faits essentiels qui auraient permis au moins un examen prima facie de ses demandes. Elle n’a pas
connaissance d’éléments nouveaux qui seraient surve nus après 1955 dans le régime de réparations
établi par les puissances alliées en vertu des ac cords de Postdam en1945. D’ailleurs, le - 34 -
Liechtenstein ne prétend même pas qu’il y en ait eu. La seule affirmation pertinente à cet égard est
la formule générale selon laquelle les biens du Li echtenstein confisqués par la Tchécoslovaquie
avaient été soumis au régime des réparations. Aucun fait n’est avancé pour étayer cette affirmation
vague. La requête du Liechtenstein ne fournit pas un cadre permettant aux deux Parties de discuter
des questions pertinentes. A ce jour, l’affaire repose sur une énigme: quel acte l’Allemagne
a-t-elle commis, après l’entrée en vigueur de la clause juridictionnelle entre les deux Etats le
18 février 1980, qui aurait causé le préjudice dont le Liechtenstein demande réparation ?
107. Aux paragraphes4.16 et4.17 de ses ob servations, le Liechtenstein fait une tentative
presque désespérée pour démontrer qu’il a rempli les conditions minimales de justification
prescrites par le Statut et le Règlement de la Cour . Mais, il ne suffit pas de renvoyer à la formule
16
abstraite énoncée par la Cour da ns l’arrêt rendu en l’affaire du Cameroun septentrional . La
lecture de cet arrêt suffit pour se convaincre que le Cameroun avait exposé ses griefs très en détail.
Dans cette affaire, le Cameroun avait cité des actes concrets du défendeur, des faits tangibles et non
pas un simple «changement de position», qui ne sau rait modifier une situation juridique existant
objectivement. A-t-on jamais entendu dire qu’ un Etat est susceptible de commettre un fait
internationalement illicite par un «changement de position», par l’ examen purement interne d’un
point de droit ? Les articles de la Commission du dr oit international sur la responsabilité de l’Etat
17
pour fait internationalement illicite , qui de toute évidence reprennent le droit international
coutumier, disposent que la responsabilité intern ationale doit effectivement être fondée sur un
«fait» (article premier), qui peut consister en une «action ou une omission» (art. 2).
108. Il est certain que certains faits peuve nt être imputés à l’Allemagne, à savoir les
décisions judiciaires concernant le tableau de Piet er van Laer. Mais, soulignons encore une fois
que l’Allemagne n’a jamais rien eu à voir av ec les autres biens du Liechtenstein, dont la
39 quasi-totalité se trouve encore aujourd’hui en République tchèque. L’Allemagne n’a effectué
aucun acte à l’égard de ces biens et, plus importa nt encore pour la présente phase des exceptions
préliminaires, le Liechtenstein ne prétend même pas que les biens confisqués en 1945 par l’Etat
tchécoslovaque aient subi une atteinte du fait d’un acte de souveraineté réel, concret, de
16
Cameroun septentrional, exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 1963, p. 28.
17
Dont l’Assemblée générale a pris acte dans sa résolution 56/83 du 12 décembre 2001. - 35 -
l’Allemagne. Le «changement de position» allé gué n’est rien de plus qu’une spéculation
hypothétique. Parce que la pratique judiciaire de l’Allemagne, fondée sur la convention sur le
règlement, ne permet pas qu’une personne qui dit être le propriétaire légitime d’un bien faisant
partie d’avoirs confisqués enga ge une action devant les tribunaux allemands, il semble que le
Liechtenstein ait le sentiment que ces biens ont été moralement dépréciés. Mais ce genre de
préoccupations n’a rien à voir avec le statut juridi que de ces biens, qui se trouvent en totalité hors
du champ de compétence de l’Allemagne. Celle-c i n’a aucunement l’intention de s’arroger des
pouvoirs juridiques ou un contrôle de fait sur les biens et elle ne l’a jamais fait. Elle ne les a portés
sur aucune liste d’avoirs à prendre en compte pour les réparations de gue rre dues par l’Allemagne
et elle n’a pris aucune autre mesure qui aurait pu leur porter atteinte.
109. Toutes les conclusions du Liechtens tein tournent autour de l’affaire Pieter van Laer .
Cette affaire a incontestablement eu lieu. On ne peut nier le fait que les tribunaux allemands
compétents et la Cour européenne des droits de l’ homme ont statué sur cette affaire. La Cour de
Strasbourg a formellement conclu que l’Allemagne, en refusant la protection judiciaire au prince
Hans-AdamII à cet égard, n’avait pas violé les obligations qui lui incombaient au titre de la
convention européenne des droits de l’homme 1. Cependant, nous aimerions tous que le défendeur
nous apprenne comment cette affaire aurait bien pu avoir des incidences sur les biens immobiliers
et autres dont le Liechtenstein et/ou ses ressorti ssants ont été expropriés par la République de
Tchécoslovaquie, et qui constituent l’objet de la présente affaire. L’Allemagne est obligée de
répéter, presque ad nauseam, que même les plus grands avocats internationaux présents ici au nom
du Liechtenstein pour entendre ses arguments n’ ont pas réussi, en conjuguant leurs forces
intellectuelles, à déterminer le prétendu acte fautif dont, en ce qu’il constitue une atteinte aux droits
que le Liechtenstein tient du dro it international, l’Allemagne pourrait être responsable. Ce n’est
pas seulement que la requête est mal fondée. La C our ne peut pas et ne doit pas confondre le fait
qu’il n’est pas présenté d’arguments intelligibles qui , si leur exactitude était prouvée, assureraient
40 le succès de la requête, avec le fait qu’une demande mérite d’être examinée au fond. En réalité, le
Liechtenstein a eu suffisamment de temps pour couvr ir cette lacune. La requête a été déposée le
18
EPA, vol. II, annexe 1, p. 1. - 36 -
30mai2001. Même à cette date, le demande ur aurait dû se rendre compte que ses demandes
reposaient sur des fondements frag iles. La nécessité de fournir des informations pertinentes et
détaillées est devenue encore plus urgente après le dépôt par l’Allemagne, le 27 juin 2002, de ses
exceptions préliminaires dans lesquelles elle critiq uait expressément le défaut de justification.
Pourtant, dans les observations déposées par le Li echtenstein le 15novembre2002, presque cinq
mois plus tard, le lecteur ne trouve une fois de plus que des affirmations d’ordre général. Le
Liechtenstein n’a fait aucun effort pour éclairer le défendeur et la Cour sur les faits et les arguments
qu’il souhaite invoquer pour démontrer la responsabilité de l’Allemagne.
Les conditions d’une protection diplomatique légitime ne sont pas réunies
110. En outre, l’Allemagne a soutenu dans ses exceptions préliminaires que, pour autant que
l’affaire relève de la protecti on diplomatique, il appartenait au Liechtenstein de démontrer,
premièrement, l’identité des victimes, deuxi èmement, leur qualité de ressortissants du
Liechtenstein et, troisièmement, l’identité des bi ens prétendument touchés par les mesures. Bien
entendu, l’Allemagne reconnaît que les détails devrai ent être examinés au stade du fond. Mais la
liste figurant à l’annexe 8 du mémoire du Liech tenstein a été dressée d’une manière presque
cavalière. Elle ne fait pas du tout ressortir clai rement si les victimes des mesures tchécoslovaques,
ou leurs héritiers, étaient réellement ressortissa nts du Liechtenstein. Le Liechtenstein nous a
maintenant, pour la première fois, donné quelques va gues indications, et celles-ci sont en réalité
extrêmement révélatrices. Le Liechtenstein ad met à présent que, dans certains cas, les personnes
qu’il prétend avoir été réellement touchées par les mesures en cause ne possèdent pas la nationalité
os
du Liechtenstein (n 7, 25, 34). Dans d’autres cas, la ques tion de la nationalité fait encore l’objet
os
d’une enquête (n 2, 3, 4, 5, 9, 10, 31, 33). Dans un dernier groupe de cas, les prétendus
propriétaires n’ont pas pu être retrouvés (n o29, 30, 35, 36). En conséquence, il faut rejeter
d’emblée les demandes pour quinze personnes sur trente-huit. L’ Allemagne soulève aujourd’hui
formellement l’exception qu’elle n’ a pas pu soulever plus tôt, étan t donné le caractère vague des
conclusions du Liechtenstein, à savoir que le Liecht enstein ne peut pas faire valoir le droit de
protection diplomatique en faveur de ces personnes qui ne sont pas ses ressortissants. - 37 -
111. L’Allemagne voudrait ajouter que la nature de la liste montre bien, encore une fois, que
les mesures de confiscation prises par les autorités tchécoslovaques en 1945 constituent le véritable
objet de l’affaire. La liste initiale (annexe 8 du mémoire du Liechtenstein) ne contient que les
41 noms de ceux qui, en 1945, possédaient des biens situés en Tchécoslovaquie et qui en ont été
déposédés par les autorités tchécoslovaques. A pparemment, aucun des membres de l’équipe de
juristes du Liechtenstein n’a pensé à adapter cette liste à l’étrange logique sur laquelle repose la
requête, à savoir que les autorités judiciaires de l’Allemagne seraient inte rvenues sur la question
dans le courant des annéesquatre-vingt-dix. Et , c’est un fait évident et irréfutable que les
trente-huit personnes énumérées par le demandeur n’ont plus leurs anciens avoirs depuis1945, et
que, depuis cette date, leur situation juridique ne s’est pas détériorée davantage. Ce qui s’est passé
depuis lors, c’est que le Gouvernement du Liech tenstein a vainement essayé d’obtenir des
indemnités de la Tchécoslovaquie. Il semble que ces tentatives soient toutes restées vaines jusqu’à
ce jour, la Tchécoslovaquie refusant au Liechtenste in ce qu’elle a accordé à la Suisse, dont les
ressortissants avaient également été victimes de la campagne de confiscations menée par la
Tchécoslovaquie.
Il est impossible de remédier au défaut de justification
112. C’est bien inutilement que le Liechtenste in appelle l’attention sur le fait indéniable
qu’une procédure peut très bien se dérouler en de ux étapes, la première étant consacrée à apporter
des éclaircissements sur la question de savoir si le défendeur a engagé sa responsabilité, la seconde
portant ensuite sur le montant de l’indemnité due à titre de réparation pour le dommage causé par le
fait illicite au regard du droit inte rnational: le contexte de toutes les affaires mentionnées par le
19
Liechtenstein est en effet totalement différent de celui de la présente instance.
113. S’agissant de l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
20
celui-ci , la nature des activités menées par les Etats-Unis ne faisait aucun doute dès le départ. Le
Nicaragua pouvait citer plusieurs documents pub lics qui mentionnaient ouvertement que les
Etats-Unis apportaient une assistance aux contras, et il soutenait en outre que
19
OL, par. 4.26.
20
Arrêt du 27 juin 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 14. - 38 -
«certaines opérations militaires ou paramilita ires avaient été effectuées, non pas par
les contras,… mais par des individus à la sold e du Gouvernement des Etats-Unis et
placés sous le commandement direct de ressortissants des Etats-Unis qui, dans une
21
certaine mesure, participaient aussi aux opérations» .
Ainsi, les affirmations concernant le préte ndu comportement illicite des Etats-Unis n’avaient
vraiment rien de mystérieux.
42 114. De même, dans l’affaire des Plates-formes pétrolières , les faits étaient simples et sans
ambiguïté. Au paragraphe12 du pr emier arrêt, les conclusions de l’Iran sont énoncées en termes
clairs. L’Iran affirmait que «les 19 octobre 1987 et 18 avril 1988, des plates-formes pétrolières se
trouvant sur le plateau continental iranien et a ppartenant à la compagnie nationale iranienne des
23
pétroles [avaient] été attaquées et détruites par des forces navales des Etats-Unis» .
Là encore, dans cette affaire, les faits et les arguments invoqués par le demandeur ne
laissaient pas place au doute. Selon l’Iran, les Etat s-Unis avaient agi de façon illicite en attaquant
et en détruisant les plates-formes concernées et, ce faisant, ils avaient engagé leur responsabilité
internationale. C’est qu’en effet une attaque milita ire constitue un «fait» au sens des articles de la
CDI sur la responsabilité des Etats. Les deux Pa rties, comme la Cour, savaient donc parfaitement
quel était l’objet du différend — ce qui n’est pas le cas dans le présent litige entre le Liechtenstein
et l’Allemagne.
115. Il en va de même dans les deux autres affaires mentionnées par le demandeur. Dans
l’affaire relative au Projet Gab čikovo-Nagymaros 24 —j’espère l’avoir bien prononcé—, la
Hongrie accusait la République fédérative tchè que et slovaque de «recourir à la «solution
provisoire» (construction d’un barrage sur le Da nube au kilomètre1851,7 du fleuve, en territoire
25
tchécoslovaque, et conséquences en résultant po ur l’écoulement des eaux et la navigation)» ; la
Slovaquie, quant à elle, affirmait que «la République de Hongrie n’était pas en droit de suspendre
puis d’abandonner les travaux relatifs au projet de Nagymaros ainsi qu’à la partie du projet de
26
Gabčikovo dont la République de Hongrie est responsable aux termes du traité» .
21Ibid., p. 21-22, par. 20, 21.
22Arrêt du 12 décembre 1996, exception préliminaire, C.I.J. Recueil 1996, p. 803.
23
Ibid., p. 808.
24
Arrêt du 25 septembre 1997, C.I.J. Recueil 1997, p. 7.
25Ibid., p. 15.
26Ibid., p. 17. - 39 -
L’objet du différend entre les deux Parties était donc bien défini de part et d’autre. Chaque
Partie soutenait que l’autre avait violé des oblig ations internationales précises en commettant des
actes concrets clairement identifiés.
43 116. De même, il est inutile de s’étendre sur le différend relatif à l’affaire de la Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria 2. En cette affaire extrêmement complexe, il
aurait été absolument déraisonnable de soumettre des conclusions sur l’indemnité à verser au
Cameroun, voire au Nigéria, avant que la Cour ait déterminé où passait la frontière entre les deux
pays et, partant, qui des deux avait violé l’intégrité territoriale de l’autre. Mais, à la différence du
Liechtenstein, les deux Parties avaient indiqué en termes précis ce qui s’était passé et quelles
violations, selon chacune, avaient été commises par des actes particuliers. Il n’y avait aucune
lacune dans les conclusions présentées à la Cour.
117. Ce serait dénaturer le système d’une procédure en deux étapes dans les cas où il est
demandé réparation d’un comportement prét endument illicite de la part du défendeur ― qui est
devenu pratique courante devant la Cour ― que de vouloir l’employer comme un moyen de
masquer la véritable nature du différend jusqu’à la phase du fond. Le demandeur doit jouer cartes
sur table. Il a l’obligation à l’égard du défendeur, aussi bien qu’à l’égard de la Cour, d’exposer en
termes clairs les arguments de fait et de droit sur lesquels reposent ses prétentions. La formule
simple, mais creuse, selon laquelle «les avoirs liechtensteinois ont été soumis au régime des
28
réparations» ne peut servir à fonder une demande en droi t international. Depuis de nombreuses
décennies déjà, l’Allemagne ne doit réparation à aucun Etat. Le mystère complet subsiste donc sur
le sens donné à ces termes par le Liechtenstein.
118. Le Liechtenstein se trompe donc totaleme nt lorsqu’il prétend que l’on peut rejeter
l’exception préliminaire soulev ée par l’Allemagne en se fondant sur le principe selon lequel
«l’insuffisance des preuves n’est pas une question préliminaire» 2. L’Allemagne ne peut qu’être
d’accord avec les citations extraites des traités érud its de D.W. Sandifer et de J.-C. Witenberg. Ce
n’est pas dans la phase préliminaire que doivent être examinés les probl èmes de preuve. Le
27Arrêt du 10 octobre 2002.
28
OL, par. 4.7, 4.23.
2OL, par. 4.32-4.36. - 40 -
Liechtenstein cependant en tire des conclusions erronées. Il applique les principes pertinents à une
situation factuelle qui paraît différer de tout ce que l’on a pu voir jusqu’ici dans les instances
introduites devant les juridictions internationales.
44 119. L’Allemagne se sent presque obligée de vous demander des excuses parce qu’elle va
souligner une fois de plus un fait si mple sur lequel elle a déjà insist é à plusieurs reprises. Elle ne
dit pas que le Liechtenstein n’a pas réussi à prouve r ses allégations mais que, tout simplement, elle
ne trouve pas dans les conclusions du Liechtenstein le moindre élément qui pourrait servir à étayer
sa thèse. L’affirmation selon laquelle l’Allemagne a soumis les anciens avoirs liechtensteinois au
régime «des» réparations est impossible à démont rer, car nul ne sait ce qu’elle pourrait bien
signifier. C’est une question qui n’a pas à être examinée au stade préliminaire de la présente
instance, dans la mesure où les moyens de défense de l’Allemagne se heurtent à l’absence totale de
clarté des conclusions du Liechtenstein.
Défaut de justification de la violation allégu ée de la souveraineté et de la neutralité du
Liechtenstein
120. Par ailleurs, l’Allemagne relève que le demandeur n’a pas répondu à l’argument avancé
en rapport avec la quatrième exception préliminaire, selon lequel on ne peut trouver dans la requête
et dans le mémoire la moindre trace d’une quelconque ingérence dans la neutralité ou la
souveraineté du Liechtenstein. Le Liechtenstein n’a pas remédié à cette omission dans ses
observations. L’Allemagne est donc obligée de répéter ce qu’elle vient de dire sur l’affirmation du
Liechtenstein selon laquelle le «changement de position» de l’Allemagne a porté atteinte aux avoirs
de ses ressortissants: la lecture des pièces écrites du Liechtenstein n’apprend rien sur la manière
dont, par des mesures concrètes et tangibles, l’Alle magne aurait pu porter atteinte aux droits du
Liechtenstein, en tant qu’Etat souverain qui a conservé sa neutralité durant la seconde guerre
mondiale. L’Allemagne a toujours respecté le Liechtenstein, pendant et après la seconde guerre
mondiale. - 41 -
Observations finales
121. L’Allemagne comprend que le Liechtens tein puisse avoir du mal à accepter que les
avoirs de ses ressortissants confisqués par la Tchécoslovaquie tombent sous le coup du
paragraphe3 de l’article3 de la convention sur le règlement. Toutefois, la vraie portée de cette
disposition, que l’Allemagne a dû accepter pour rec ouvrer sa souveraineté, est plutôt limitée. La
disposition ne signifie pas que l’Allemagne ait assumé la responsabilité des actes du Gouvernement
tchécoslovaque au détriment d’un Etat tiers, et neutre. Les puissances alliées ont simplement voulu
éviter que les litiges concernant les questions comple xes liées à la confiscation de biens privés aux
fins des réparations soient portés devant des tr ibunaux allemands. Elles considéraient que les
différends relatifs à la licéité de la confiscation de tels biens devraient, le cas échéant, être réglés
par voie de négociation entre les parties concer nées ou éventuellement être portés devant les
45 tribunaux d’autres pays. S’agissant des avoirs li echtensteinois concernés, cependant, l’Allemagne
n’a jamais jugé bon de prendre position sur une question qui releva it exclusivement des relations
bilatérales entre le Liechtenstein et la Tchécoslovaquie et qui relève aujourd’hui des relations entre
le Liechtenstein et la République tchèque.
122. L’Allemagne ne souhaite pas s’étendre su r les questions qu’elle vient d’évoquer, car
elle n’a pas l’intention d’anticiper sur le fond de l’affaire. Pour résumer ses arguments concernant
sa quatrième exception préliminaire, elle dira seu lement que le Liechtenstein n’a manifestement
pas cité, même en passant, le moindre fait ou ar gument nécessaire pour étayer l’affirmation selon
laquelle l’Allemagne a engagé sa responsabilité inte rnationale. Aucun acte ou fait n’a été identifié
qui, s’il était établi, pourrait engager cette responsabilité.
Monsieur le président, j’en arrive au term e de mon exposé. Je vous serais reconnaissant de
bien vouloir appeler à la barre mon collègue Pierre-Marie Dupuy. Je vous remercie.
Le PRESIDENT. Merci, Monsieur Tomuschat. Je donne à présent la parole à M. Dupuy. - 42 -
DMUr.UY:
F. Fifth Preliminary Objection: Liechtenstein’s claims would oblige the Court to rule on the
rights and obligations of the Czech Republic in its absence and without its consent
Mr. President, Members of the Court,
123. It is my task today to present to you the fifth Objection to admissibility raised by the
German Federal Republic to the curious Applicati on submitted to the Court by the Principality of
Liechtenstein.
124. This Objection to admissibility is based by Germany not on the facts or on actual
conduct, but on an absence; however, that absence is decisive, since it is the absence of the party
indispensable to resolution of the dispute ⎯ a dispute which, in reality, is not between
46 Liechtenstein and Germany but between Liechtens tein and the Czech Republic, successor State to
the former Czechoslovakia.
125. Mr. President, Members of the Court, it must be said that reading the written pleadings
submitted by the Principality of Liechtenstein leaves one at times with a somewhat odd impression.
I would perhaps be going too far if I were to suggest that its Memorial or Observations smack of a
literary genre founded on fantasy.
While not directly resembling the fairy tales of the Brothers Grimm, Liechtenstein’s
argument nonetheless repeatedly pr ovokes a curious impression of detachment from reality. That
impression derives from various elements; the A pplicant, for example, refers to acts of
confiscation, the reality and precise identity of wh ich, apart from the painting by PietervanLaer,
remain shrouded in a “chiaroscuro” which would no t have disgraced the Baroque school of which
that artist was a distinguished member. Thus th e Memorial alludes to “castles” and “substantial
forests” said to have been the subject of various confiscatory measures. Yet not until Annex 49, in
the Observations in reply to Germany’s Prelim inary Objections, do we discover the hitherto
missing list of victims and property, whose belated identification adds nothing of substance to the
Application. - 43 -
126. However, and above all, what we note fro m the outset in Liechtenstein’s pleadings is
the presence ⎯ phantom yet real ⎯ of a State which, while it admittedly today no longer exists,
does nonetheless have an effective successor. That State is Czechoslovakia, and its successor,
along with the Slovak Republic, is the Czech Republic.
And to appreciate the pervasive, yet con cealed presence of a party absent from these
proceedings, we have only to open the Principality’s Memorial. What do we find there?
127. Already on the second page (page 9 of th e Memorial proper), in paragraph 7 of the
“Introduction”, there is a reference to the fa mous “Beneš Decrees” adopted by Czechoslovakia
immediately after the Second World War. The Memorial tells us that Czechoslovakia applied them
“not only to German nationals but also to ot her persons allegedly be longing to the German
47 ‘people’”. Moreover, the manner in which the Decrees were applied derived entirely from
Czechoslovakia’s own interpretation of its legisla tion in the aftermath of the War. So? our
opponents will reply. These are simply the facts ⎯ facts such as are to be found, by definition,
underlying any case brought before the Court. However, that is not the case here.
From the start of its Memorial, Liechtenstein is obliged to relate these facts to the law; from
the outset, it is the legality of the expropriations whic h is at issue, and their legality solely in light
of public international law. Thus a few lines fu rther on, in paragraph10, at the foot of the
following page, Liechtenstein’s Memorial notes th at Germany’s position is that property seizures
under the Beneš Decrees were unlawful. Clearly, it is the legality and consequences of the
Decrees, and nothing else, which are basically in issue throughout Liechtenstein’s argument. And
further reading of the Memorial simply confirms this.
128. Thus, following on from the Introduction, in the first part of the Memorial Liechtenstein
quotes and precisely describes Decree No.12 of 21 June 1945 and Decree No. 108 of 25October
1945; the former designates for expropriation all agricultural property owned by persons deemed
to belong to the “German people”, while the latter defines the property confiscated by reference to
their owners, including “natural persons belonging to the German... people other than persons
who can furnish proof that they remained faithful to the Czechoslovak Republic” 30.
30
See, respectively, paras 1.13 and 1.16 of the Memorial of Liechtenstein. - 44 -
Subsequently, describing the legal proceedi ngs commenced by PrinceHans-AdamII before
the Cologne Landgericht, the Memorial speaks of th e Historic Monuments Office ⎯ not of Bonn,
Munich or Berlin, but of Brno ⎯ as appearing before the German court “as a body of the State of
Czechoslovakia”; and it was indeed the National Commission of Brno, which, in applying
Decree No. 12 to Prince-Joseph of Liechtenstein, had in July 1945 deprived him of his property.
129. In the following chapter, Liechtenstein notes ⎯ and I quote ⎯ that “Germany was
31
48 obliged to accept the reparation measures as a given fact” . It cites Germany’s statement dating
from 1952 to the effect that “the Federal Gove rnment does not recognize the validity of the
32
expropriations” . A little further on it cites the Judgment of the Cologne Court of Appeal,
confirming that the Czechoslovak authorities’ char acterization as German of property belonging to
Liechtenstein citizens was binding on the German courts. Again, as throughout, it is the Beneš
Decrees, their interpretation, their scope, their legality, that are in issue.
130. Mr. President, Members of the Court, this then is the fundamental issue, the core of the
Application as argued before the Court by Liechte nstein: the legality or illegality of the Beneš
Decrees, that is to say decrees adopted by a St ate whose successor State is today visibly absent
from these proceedings before your Court ⎯ not because it could not be present, but because it did
not wish to be. The Czech Republic was not prepared to recognize your jurisdiction to rule on the
legality under international law of its own domestic legislation. You are not entitled to ignore that
absence of consent.
And so, as if to conceal the reality of the s ituation, Liechtenstein relies before you on two
illusions: first, that there is a dispute between itsel f and Germany, whereas, if there is a dispute, it
can only be between itself and the Czech Republic in regard to the illegality of expropriations
involving the property of its nationals; then, secondly, Liechtenstein would have us believe that the
presence of the successor State, the legality of whose acts is at issue, is unnecessary for purposes of
the admissibility of its Application.
31
ML, para. 3.7.
32
Ibid., para. 3.9. - 45 -
131. In order to lend substance to these illu sions, Liechtenstein, as we have already seen,
seeks to give credence to the notion that Germany has changed its position in regard to the legality
of the decrees.
That is clearly wrong. Germany has not cha nged its position. No more today than in the
past does it have any control over the manner in which property subject to the Beneš Decrees is
characterized; and no more today than in the past do its courts have jurisdiction to rule on the
legality of the expropriations carried out under those decrees.
But, for the sake of argument, let us assume th at it is true; that Germany has effectively
49 changed its position. The point at issue would s till be its attitude as to the legality of the Beneš
Decrees. But those decrees are not German; they are Czech. And the presence of the Czech
Republic is essential in order to a ddress that issue, since it is the international responsibility of the
Czech Republic, as successor to Czechoslovakia, which is in question here.
And that is not my position, but yours: the position of this Court, on the basis of its own
jurisprudence.
I am therefore briefly going to remind you of the criterion established by that
jurisprudence (I). Then I will deal with the manner in which the Court has interpreted that criterion
in the various cases where it h as addressed the issue of the so -called “necessary party”(II).
Finally, I will conclude by showing how that jurisprudence applies to the present proceedings (III).
The criterion of the so-called “necessary party” as a condition for the exercise of the Court’s
contentious jurisdiction
132. In 1954, the Court heard an unusual case, one of considerable complexity, since it
involved several States at the same time 33. Italy was asking the Court to settle certain legal
questions concerning a quantity of monetary gold belonging to Albania but removed from Rome in
1943 by the German Third Reich. Both Italy and Great Britain were laying claim to monetary gold
belonging to Albania. The gold was indeed Albani an, and no one denied it. However . . . Albania
had not consented to the Court’s jurisdiction to ad dress the preliminary objection raised by Italy.
33
Monetary Gold Removed from Rome in 1943, Judgment, I.C.J. Reports 1954, p. 19. - 46 -
But in order to determine which State was en titled to claim that gold, the Court needed first to
determine whether Italy was entitled to claim repara tion from Albania. Hence, in the absence of
the latter’s consent, the Court held in the following terms that it did not have jurisdiction:
“to determine whether Italy is entitled to receive the gold, it is necessary to determine
whether Albania has committed any international wrong against Italy, and whether she
is under an obligation to pay compensation to her; and, if so, to determine also the
amount of compensation. In order to decide such questions, it is necessary to
determine whether the Albanian law of 13 Ja nuary 1945 was contrary to international
law. In the determination of these questions ⎯ questions which relate to the lawful or
unlawful character of certain actions of Albania vis-à-vis Italy ⎯ only two States,
50 Italy and Albania are directly interested. To go into the merits of such questions
would be to decide a dispute between Italy and Albania.
34
The Court cannot decide that dispute without the consent of Albania.”
133. Reading this passage from the 1954 Judgmen t, one notes both the originality of the
situation described by the Court and its very close similarity to that facing us in the present case.
If, in the above passage, one were to replace “Italy” by “Liechtenstein” and “Albania” by
“Czechoslovakia”, we would end up with a preci se description of the current legal position as
between Vaduz and Prague.
In order to determine whether Liechtenste in is entitled to reparation on account of the
damage it has suffered, it is necessary first to determine whether Czechoslovakia has committed an
international wrong against it. To do that, it w ould be necessary to decide whether the Beneš
Decrees were contrary to international law. Only Liechtenstein and, today, the Czech Republic,
and possibly the Slovak Republic, have an interest in that question. Germany’s basic position is
well known. There is thus a clear paralle l between the situation obtaining in the Monetary Gold
case and that in the case concerning Certain Property.
35
⎯ In both cases, a State is the applicant in legal proceedings , but the success of its application
depends on an examination of the legality of acts of a State not party to the proceedings.
⎯ In both cases, the conduct on which the existence of the right to compensation of the applicant
State depends is a domestic legal act whose international legality is at issue.
34
Ibid. p. 32.
35
For that was in effect Italy’s position, even though it had itself raised the objection to jurisdiction. - 47 -
⎯ In both cases, too, to address the international res ponsibility of a third State would be to create
a situation where its legal interests ⎯ and here I cite the Court in the 1954 Judgment ⎯
“would not only be affected by a decision, but would form the very subject-matter of the
decision”.
⎯ Finally, in both cases the Court cannot declare its elf competent, for it lacks the consent of the
State the legality of whose conduct is a c ondition precedent for any examination of the
Application currently before the Court.
However, if there is a fundamental principle for the establishment of the Court’s contentious
jurisdiction, it is indeed that of prior consent to such jurisdiction. That is a principle so well
established that it unnecessary for me to discuss it any further.
51 The development of the Court’s jurisprudence following the Monetary Gold case
134. Following the Monetary Gold case, the Court had the opportunity to further clarify the
scope of the so-called “necessary party” rule. It did so in particular in two cases, closely related in
time if not in substance, two cases concerning which one might have thought ⎯ I was of that
opinion at the time, in my capacity as counsel for the Republic of Portugal ⎯ that they were bound
to lead to the same practical conclusion with regard to the Court’s jurisdiction. In fact, that was not
at all the case; but those divergent conclusions were to lead to a clearer definition of the manner in
which the Court interprets the “necessary party” rule.
The first of these two cases, decided in 1992, concerned Certain Phosphate Lands in
Nauru 36. In that case Australia, the Respondent, c ontended that, although neither the United
Kingdom nor New Zealand were parties to the disput e, they were nevertheless necessary to its
settlement. Thus, under the terms of the single legal instrument established by a trusteeship
agreement, New Zealand and the United Kingdom shared with Australia the functions of
administering authorities with regard to the territory of Nauru.
The Court did not accept the Respondent’s argument. Relying on the Monetary Gold
precedent, it held that, as long as the legal interests of the third State do not form “the very subject-
matter of the dispute”, it is not prevented from rulin g on the Application. It considered that it was
36
Certain Phosphate Lands in Nauru (Naurv. Australia), Preliminary Objectio ns, Judgment, I.C.J. Reports
1992, p. 240. - 48 -
possible to examine the conduct of Australia without at the same time also ruling on that of the two
other States legally (if not in practice) responsible for trusteeship over Nauru. It thus appeared to
give credence to the argument ⎯ which is moreover defensible on the basis of the work of
codification of the law on State responsibility ⎯ in favour of the individualization of each State’s
specific responsibility, that of the Respondent in the case thus needing to be distinguished from that
of third States. However, as the Court would, mo reover, subsequently point out, responsibility is
one thing, jurisdiction to determine that responsibility is another.
135. Thus, not long afterwards, in the East Timor case 3, the Court reached a conclusion
opposed to that which it had reached in the case concerning Certain Phosphate Lands in Nauru. In
52 the East Timor case, it concluded that it could not continue examining the claims of the Applicant,
in that instance Portugal, against Australia, wit hout at the same time reviewing the lawfulness of
the conduct of a party absent from the proceedi ngs, namely Indonesia (concerning which it will
however be noted that the political organs of th e United Nations had repeatedly reaffirmed the
unlawfulness of its forcible occupation of East Timo r). The Court nevertheless found that on that
occasion it “could not make such a determination in the absence of the consent of Indonesia”.
136. With the benefit of hindsight, a comparison of the Court’s jurisprudence in the Nauru
and East Timor cases makes it easy precisely to identify th e line followed by the Court in the two
cases, which was clearly explained by it in each instance. In the case concerning Certain
Phosphate Lands in Nauru , the Court held that it could continue examining the Applicant’s claim
for the reason set forth in the following terms:
“in the [Monetary Gold] case, the determination of Albania’s responsibility was a
prerequisite for a decision to be taken on Italy’s claims. In the [Nauru] case, the
determination of the responsibility of Ne w Zealand or the United Kingdom is not a
prerequisite for the determination of the r esponsibility of Australia, the only object of
38
Nauru’s claim . . .”
137. On the other hand, the Court found that the strict requirement laid down in the
Judgment on the merits of the Monetary Gold case also applied in the East Timor case, where what
might be called the “prerequisite criterion” led the Court to identify the third party’s rights and
3East Timor (Portugal v. Australia), I.C.J. Reports 1995, p. 90.
38
Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), I.C.J. Reports 1992, p. 261, para. 55; emphasis added. - 49 -
obligations with the very subject-matter of the di spute between the parties to the proceedings; in
other words, determination of the legality of I ndonesia’s conduct in relation to EastTimor was a
prerequisite for the examination of Portugal’s Application.
The Court held that it could not consider adjudicating on the con duct of Australia, accused
by the Applicant of having concluded an agreem ent with Indonesia on the exploitation of the
resources of the continental shelf off the coast of Timor, without being obliged, at the same time, to
give an opinion as to “why it is that Indonesia c ould not lawfully have concluded the 1989 Treaty,
while Portugal allegedly could have done so” 39.
Accordingly, and I again quote the Court, “Indonesia’s rights and obligations would thus
constitute the very subject-matter of such a judgme nt made in the absence of that State’s consent”,
53 which would run directly counter to the “well-estab lished principle of international law” that “the
Court can only exercise jurisdiction over a State with its consent” 4.
138. However we analyse the facts in each of the two cases, we are bound to note the
consistency of the reasoning followed by the Court, first in 1954, then in the Nauru case, and then
again in 1995. Three elements c onverge in each of the three cases, Monetary Gold, Certain
Phosphate Lands in Nauru and East Timor, so as to dictate the solution reached by the Court:
⎯ First, it must be determined whether or not an assessment of the lawfulness of the conduct of
the third State is a prerequisite in order to reply to the question posed by the Applicant;
⎯ Second, it must be determined whether such an assessment of lawfulness is identifiable with
the very subject-matter of the dispute between the parties to the proceedings;
⎯ Last, in all cases, respect must be maintained for the consensual basis of jurisdiction in
contentious proceedings.
The practical conclusions to be drawn from the Court’s jurisprudence in the present case
139. In the present case, applying the test of the three elements I have just mentioned, that of
the prerequisite, that of identity as between an assessment of the lawfulness of the conduct of the
third party and the subject matter of the dispute, and that of consent to jurisdiction, what conclusion
is reached? There appears to be no doubt as to the answer:
39
East Timor (Portugal v. Australia), I.C.J. Reports 1995, p. 101, para. 28.
40
Ibid. - 50 -
⎯ In order to be able to rule, first, on the unla wfulness of the alleged recognition by Germany of
the Czechoslovakian seizures and, then, on Germany’s possible enrichment, the Court must
necessarily make a legal characterization of the conduct of Czechoslovakia, whose successor
today is the Czech Republic. A determination as to the lawful or unlawful character of the acts
of expropriation imputable to Czechoslovakia is in itself an essential prerequisite to assessing
the position of Germany in relation to the Beneš Decrees.
⎯ Given the close link between Germany’s conduct and that of Czechoslovakia with regard to the
54 expropriated property of Liechtenstein nationals, any assessment of the lawfulness of the Czech
expropriations does indeed represent the “very s ubject-matter” of the dispute brought before
the Court by the Applicant.
⎯ However, it is clear that the Czech Republic h as not recognized the Court’s jurisdiction to rule
on the international legality of the Beneš Decrees. The inevitable result is that the Court cannot
declare Liechtenstein’s Application admissible, since it cannot rule on facts it has no
competence to examine.
140. Let us return briefly, on the one hand, to the clear substantive link between the
complaints made by Liechtenstein against Germ any and the lawfulness of the acts imputable to
Czechoslovakia; and, on the other hand, to the ge nuinely preliminary nature of the issue regarding
the “necessary party” in this case.
141. Germany is accused by Liechtenstein of having wrongfully recognized foreign
expropriations, which, as we have said, is not true, since, on the contrary, it has always stressed that
it did not recognize such expropriations. However, if we follow the actual logic of the Applicant’s
claim, any wrongfulness of such recognition can in any case only arise if the confiscations
themselves were illegal.
142. Germany is then accused of unjust enrich ment on the ground that it thereafter allegedly
included the confiscated assets in the overall amount owed by it to Czechoslovakia and that those
41
assets came as a deduction from its debt . However, Germany could not in any event have
enriched itself unless it was itself under an obligation to make reparations to the Czech Republic as
41
Memorial of Liechtenstein, para. 6.43. - 51 -
the successor State of Czechoslovakia. Here again, one comes back to the preliminary question of
the lawfulness of the Czech expropriations. More over, Liechtenstein itself admits as much in its
own Memorial, when it states:
“[u]ntil the mid-1990s, Germany had consiste ntly regarded the ‘Beneš decrees’ as
contrary to international law. Under this situation, there was no question of
Germany’s enrichment: the Respondent State rightly considered that the Liechtenstein
nationals’ assets were not part of the repara tions regime and could not, therefore, be
deducted from the debt it owed to Czechoslovakia on this account.” 42
55 There can be no better way of emphasizing the link between the assessment of the validity of
confiscations and the possibility of enrichment.
143. Lastly, when Liechtenstein claims th at Germany changed it s position regarding the
lawfulness of the Czech confiscations of assets of its nationals, it confuses ⎯ with culpable
consistency ⎯ the procedural question of the jurisdiction of the German courts with the substantive
issue of the lawfulness of asset seizures. Be that as it may, the fact remains that, in order to decide
whether the alleged change of position by Germany is unlawful, the Court must first have ruled on
the lawfulness of the expropriations as such.
Moreover, the other complaints made by the Applicant against the Federal Republic equally
derive from a prior determination as to the co mpatibility of the Czech expropriations with
international law.
Thus, whether in regard to the purported viol ation of Liechtenstein’s sovereignty or the
failure to recognize its neutral status, these complain ts all relate to the alleged violation of the
rights of Liechtenstein nationals ⎯ as if it were Germany, and not Czechoslovakia, which had
treated them as members of the “German people”.
As can be seen, this clearly leads us back to a situation where assessment of the conduct of a
party absent from the proceedings constitutes “the very subject matter” of the dispute brought
before the Court by the Applicant.
42
Memorial of Liechtenstein, para. 6.41. - 52 -
144. It is abundantly clear from the foregoing that the review of the lawfulness of the
expropriations effected by Czechoslovakia constitu tes a prerequisite for an examination of the
unlawful acts attributed by Liechtenstein to Germ any. Consequently, the Court must decide first
and foremost the question of its competence to entertai n a dispute directly implicating a State
which has not wished to recognize its jurisdiction to deal with the case.
43
In other words, contrary to the action it took in a recent case , the Court cannot examine the
merits before ruling on its own jurisdiction. Given the genuinely preliminary nature of the question
56 of the lawfulness of the Beneš Decrees and the measures taken for their implementation, it is at the
stage of the Preliminary Objections that its decision must be taken , since otherwise it risks getting
involved in an examination of issues that directly call into question the rights and obligations of a
State which has not consented to the Court’s jurisdiction.
145. Furthermore, and manifestly at a loss for an argument, Liechtenstein vainly seeks
support for its arguments in Article 32 (1) of the European Convention for the Peaceful Settlement
of Disputes. In an effort to construct an ar gument, the Principality at the same time invokes the
travaux préparatoires of the above-mentioned Convention an d Article35 of the General Act of
44
Arbitration . The purpose of this hopeless mishmash is to convince the Court that, since the
European Convention for the Peaceful Settlement of Disputes remains app licable as between the
Parties thereto, even if a third State has an interest in the dispute, this means that Liechtenstein may
complain of what it describes as a change of position on the part of Germany in respect of an
expropriation of Liechtenstein assets in the former Czechoslovakia. It would appear, however,
Mr.President, that there are limits to what in German law is known as “ Rechtsbeugung”, i.e. a
perverse interpretation of the law. Article 32 of the European Convention states that the
Convention is applicable as between the Parties ther eto even though a third State has an interest in
the dispute. This can at best be interpreted as a recognition of the fact that the Convention in
question offers a potentially interested third State the possibility of intervention. In fact, the Czech
Republic is not a party to the Strasbourg Convention but has not intervened.
43
Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria Cameroon v. Nigeria), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 324, para. 116.
4Observations of the Principality of Liechtenstein, paras. 5.7 et seq. - 53 -
Many reasons could be found for this, including of course the fact that the Czech Republic
could have no interest in a totally artificial dspute constructed by Liechtenstein with Germany,
when it knows full well that the real dispute ⎯ if there were one ⎯ would be between it, the Czech
Republic, and the Principality. Thus the absence of Czech intervention is not a sign that the Czech
Republic has no interest at issue with Liechtenstein, but that it above all wishes to avoid having the
matter examined by the Court. It does not reco gnize the Court’s jurisdic tion to deal with the
matter. End of story.
146. Clearly, Mr. President, Members of the Court, we must rid ourselves of the artificial,
57 not say fantastical ambience engendered by the Pr incipality’s arguments: whatever way one views
the matter, the Czech Republic, the successor to Czec hoslovakia, is neither a myth, nor a phantom,
nor an imaginary fairy-tale character haunting mythi cal castles or “substantia l forests”; it is quite
simply a third State, but a truly necessary one. And it is absent.
Without it, nothing can be decided.
Like it or not, however, the Court is not Merlin the Magician. Whatever its authority, it has
neither fairy fingers nor a magic wand: it does not have the power to make this third party appear
before it. That party remains and will remain ab sent, even though it is a necessary party. Such is
the reality, because that State wished it so.
The Court does, of course, have many powers; but not the power to declare that it has
jurisdiction when it does not. The Court’s Statut e is not a Grimm’s fairy tale! I thank you,
Mr. President, and ask you to give the floor to Professor Tomuschat.
Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Dupuy. Je donne à présent la parole à
M. Tomuschat.
G. Sixth Preliminary Objection: the Liechtenstein nationals concerned
have not exhausted local remedies
Summary of the argument
147. Mr. President, Members of the Court, in its Preliminary Objections, Germany
contended that the Liechtenstein nationals who had been victim s of Czechoslovak confiscations
had not exhausted all the local remedies with a vi ew to recovering the property of which they had - 54 -
been dispossessed or to claiming compensation. Notwithstanding the Applicant’s criticism of that
reasoning, Germany maintains its position. In Ge rmany’s view, the Applicant has failed to show
that the exhaustion of available local remedies was not a prerequisite for the individuals affected by
the confiscation policy followed by the Czec hoslovak Government in 1945 and 1946, to the
detriment of Liechtenstein citizens, who were wrongly regarded as persons belonging to the
58 German people, regardless of their nationality (Beneš Decree No. 12, 21 June 1945).
No interference by German authorities with the former property of Liechtenstein in the
Czech Republic
148. The Observations of Liechtenstein on th is subject begin with an incomplete and
misleading quotation from the Preliminary Objections, intended to cast doubt on the logic of
Germany’s arguments . Germany thus concludes, in paragra ph 194 of its pleading, that given its
own line of conduct, the requirement of the exhausti on of local remedies is totally irrelevant as far
as it is concerned, as, with the exception of the Peter van Laer painting, there was no interference
by the German authorities with the property fo r which the Applicant seeks compensation. That
property was confiscated by Czechoslovakia. Germany never touched it and was not even aware of
the losses suffered by the Liechtenstein nationals concerned until the Applicant, in its Observations
of 15November2002 (Annex49), provided a provisi onal list of the pertinent items. There is no
need to point out the inadequacy of that list, which is clear to anyone at a glance.
149. For Germany, the content of that list is completely new. Germany has never taken any
measure affecting the property indicated therein. That is the reason why it is impossible to infer
any factual link capable of providing a sufficient basis for the exercise of jurisdiction by German
courts in this matter. The German system of j udicial review of administrative action is probably
one of the most comprehensive in the world. Ev en legislative decisions of parliament can be
challenged by a constitutional app eal alleging that an individual’s fundamental right has been
violated. As regards individual decisions or ot her non-legal actions by administrative bodies, the
protection is even more comprehensive: anyone whose rights have been interfered with by a public
authority is entitled to judicial review pursuant to Article 19, paragraph 4, of the Basic Law.
45
OL, para. 6.4. - 55 -
150. But what should have been challenged in this case? There is nothing ⎯ not a single act
by the German Government ⎯ which could, in any manner whatsoever, have affected the status of
59 the property of which the Liechtenstein nationals were dispossessed in 1945-1946. Consequently,
it was and still is impossible for them to make use of the broad spectrum of actions offered by the
German legal system ⎯ even disregarding the Convention on the Settlement of Matters arising out
of the War and the Occupation ⎯ in order to bring claims for the losses inflicted upon them by the
Czechoslovak authorities. No person could present a plausible claim by alleging that their rights
have been violated by a measure of the sovereign German authority that is prejudicial to them. The
Applicant’s contention as to the “inclusion of Li echtenstein property... into the reparations
46
régime” is devoid of any substance.
Pursuant to the rules of diplomatic protection, the victims of the confiscation measures were
bound to exhaust local remedies in the former Czechoslovakia in 1945-1946
151. Germany would emphasize, however, that the Liechtenstein nationals concerned did not
defend their rights before the Czechoslovak courts when the confiscation strategy was
implemented. Can that argument be used by Germany? The Applicant speaks of a
47
“misunderstanding of the true cause of action” . Germany openly admits that its interpretation of
the requirement of exhaustion of local remedies clearly contains some novel propositions of law. It
is true that this requirement normally serv es to provide the State having committed an
internationally wrongful act with an opportunity to make amends for its unlawful conduct. But in
the circumstances of the case, it is self-evident that Germany cannot be denied the right to draw
attention to the passive nature of the reac tion by Liechtenstein property owners to the
Czechoslovak confiscation measures. To be even more frank: there was no active response to any
of those measures.
46
OL, paras. 6.22., 6.23.
4OL, para. 6.25. - 56 -
In the circumstances of the present case, Germ any is entitled to invoke the fact that the
victims did not exhaust local remedies
152. Why is Germany entitled to invoke the inaction of the Liechtenstein nationals
concerned ⎯ the fact that they had no recourse to local remedies, that they did not fight for their
60
possessions? Quite simply because the Czechoslovak measures were the decisive acts, depriving
the owners of the enjoyment of their property. Subsequently, and up to the present time, nothing
has happened to change the legal position. When the German courts, between 1995 and 1998,
heard the case concerning the Peter van Laer Painting, the only item of property that has ever been
referred to a German court, the situation creat ed by Decree No.12 of 21June1945 had already
existed for several decades. Wh en the proceedings were brought before the Regional Court of
Cologne, more than 45years had passed, and wh en the Federal Constitutional Court gave its
decision on 28 January 1998, the confiscations had ta ken place no less than 52 years earlier. With
respect to all the other property, the general s ituation was neither changed nor confirmed by the
result of the proceedings in the Peter van Laer Painting case. Germany was not in a position, in
terms of fact, to exercise any influence whatsoever over that property, nor did it have the right to do
so according to the applicable rules in respect of its international jurisdiction.
153. In such a situation, whilst the alleged offence is only one isolated element in a long
chain of events, beginning with a total disregard of the traditional rules of the law relating to aliens,
which require respect for the property of nationa ls from a third State, the allegedly guilty State
must be entitled to draw attention to the fact that its contribution is non-existent or, at the very
most, marginal, and that the nationals of the applicant State, which has espoused their claims, could
have prevented the injury inflicted upon them by making use of the remedies available in the State
which caused those injuries. In its Prelimin ary Objections, Germany acknowledged that the
remedies which existed in Czechoslovakia in 1 945 and 1946 were exhausted by the reigning
Prince, Franz Josef II48. But there is no trace whatsoever, in Liechtenstein’s pleadings, of any
48
POG, para. 198. - 57 -
similar action having been taken by any of the othe r victims. Consequently, it is undeniable that
internal remedies were not exhausted at the tim e when it would still have been possible to do
something in order to avoid the losses suffered by the Liechtenstein nationals concerned.
61 154. The question of the exhaustion of internal remedies arose in 1945 and was not brought
up again until the 1990s, when, the Applicant has suggested, some mysterious “change of position”
took place. Germany has demonstrated that such a “change of position” has never occurred and
that, in any event, it has never interfered with the property of Liechtenstein nationals located on the
territory of the former Czechoslovak Republic.
155. Given that the dispute essentially constitu tes a case of diplomatic protection, in the
context of which Liechtenstein has espoused the clai ms of a number of individuals, some of whom
are its own nationals, it is evident that those in dividuals should have soug ht judicial protection
through proceedings before the competent Czechosl ovak courts at the appropriate time, when the
confiscations took place. Given that no such ac tion was brought by the victims, the claim is
inadmissible, and Germany expressly invokes that ground of inadmissibility for the reasons we
have just explained and which are set out in greater detail in the Preliminary Objections 4.
Mr. President, that concludes our oral statement.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Tomuschat. Votre intervention met un terme
à la séance de ce jour. La Cour se réunira à nouv eau le mercredi 16 juin à 10 heures pour entendre
le premier tour de plaidoiries du Liechtenstein. Merci.
L’audience est levée.
L’audience est levée à 13 heures.
___________
49
POG, paras. 195-208.
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