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090-20030305-ORA-02-01-BI
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CR 2003/18 (traduction)
CR 2003/18 (translation)
mercredi 5 mars 2003 à 15 heures
Wednesday 5 March 2003 at 3 p.m.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte et je donne tout d’abord la
parole à M. Mathias.
M. MATHIAS : Je vous remercie, Monsieur le président.
26. LA DEMANDE DE L’IRAN DOIT ETRE REJETEE PARCE QUE L’IRAN A VIOLE SES
OBLIGATIONS RECIPROQUES, PARCE QUE LES MESURES PRISES PAR LES
ETATS-UNIS ETAIENT LA CONSEQUENCE DE SES PROPRES ACTES
ILLICITES ET PARCE QUE CETTE DEMANDE DECOULE
DU COMPORTEMENT MANIFESTEMENT
FAUTIF DE L’IRAN
26.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, pendant ces vingt prochaines
minutes, je répondrai aux points soulevés par les conseils de l’Iran au sujet de l’argument des
Etats-Unis selon lequel l’application des principes fondamentaux du droit international au
comportement de l’Iran empêche celui-ci d’invoquer le traité de 1955 et de soutenir sa prétention à
l’encontre des Etats-Unis. Nous avons prié la Cour d’accepter notre argument pour trois raisons :
la première réside dans l’application du principe de réciprocité; la deuxième dans le fait que les
mesures prises par les Etats-Unis étaient une conséquence de la violation commise par l’Iran
lui-même; la troisième en ce que la demande de l’Iran découle de son propre comportement
manifestement illicite. Je ferai tout d’abord quelques observations d’ordre général qui s’appliquent
pareillement à ces trois propositions, puis j’examinerai très brièvement et individuellement chacune
d’elles.
26.2. Le conseil de l’Iran a laissé entendre qu’il y aurait quelque inconséquence pour les
Etats-Unis à soutenir, d’une part, que le droit international général s’applique pour déterminer si
l’Iran est fondé à invoquer le traité de 1955, et, d’autre part, que l’alinéa d) du paragraphe 1 de
l’article XX devrait être lu conformément à son libellé et non réécrit pour y intégrer des
dispositions du droit international général (CR 2003/16, p. 11-12, par. 4 (Crawford)). Très
franchement, en formulant cette observation, l’Iran semble plus soucieux de marquer des points sur
le plan rhétorique que d’éclairer la demande soumise à la Cour. Après tout, le conseil de l’Iran a
été jusqu’à déclarer, à propos de la position des Etats-Unis : «c’est le droit international pour les
autres. Les Etats-Unis bénéficient de l’exception, le reste du monde doit respecter la règle.»
(CR 2003/16, p. 12, par. 5 (Crawford).)
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26.3. Lorsque la Cour examinera cette question, elle ne trouvera selon moi aucune
«incohérence formelle» dans la position des Etats-Unis (CR 2003/16, p. 12, par. 5 (Crawford)). La
règle est la même pour tous : les questions relevant du droit international général doivent être
tranchées conformément au droit international général, peu importe qui soulève ces questions. Or,
la conséquence du comportement de l’Iran sur sa faculté d’invoquer le traité de 1955 et de soutenir
sa prétention devant la Cour est une question qui relève du droit international général. On peut
s’attendre à ce que la Cour examine les principes fondamentaux du droit international pour
déterminer si le comportement de l’Iran empêche celui-ci d’invoquer le traité. La question de
savoir comment il convient d’interpréter l’alinéa d) du paragraphe 1 de l’article XX, ou toute autre
disposition du traité, est également une question qui relève du droit international, et l’on peut aussi
s’attendre à ce que la Cour applique les règles pertinentes en la matière pour interpréter cette
disposition. Mais tout cela ne signifie pas que lorsque des questions se posent concernant la portée
matérielle d’une disposition conventionnelle particulière, il suffise pour y répondre d’intégrer dans
ladite disposition les principes cardinaux du droit international général. Cela ne signifie donc pas
que la Cour doive interpréter l’article XX de la manière particulière que le conseil de l’Iran
propose, c’est-à-dire comme intégrant des dispositions fondamentales qui découlent de l’article 51
de la Charte des Nations Unies ou du droit international général. Pareille interprétation serait en
fait contraire aux prescriptions du droit international régissant l’interprétation des traités, qui
imposent à la Cour de dégager le sens des termes effectivement utilisés dans un traité et non de
substituer à ceux-ci des mots qui n’y apparaissent pas. En bref, la Cour est libre d’utiliser le droit
international général pour déterminer si le traité peut ou non être invoqué, mais une fois que
celui-ci est effectivement invoqué, la Cour doit se fonder sur le libellé même du traité pour
déterminer s’il y a eu violation.
26.4. J’en viens à la question qui nous intéresse. Les Etats-Unis estiment qu’en conséquence
de son comportement fautif, l’Iran ne saurait invoquer le traité de 1955. Prenons pour point de
départ l’opinion du juge Hudson en l’affaire des Prises d’eau à la Meuse (arrêt, 1937,
C.P.J.I. série A/B no
70, p. 73-80). Les Etats-Unis estiment, comme alors le juge Hudson, que les
principes qu’ils font valoir ici sont de ceux que la Cour doit «appliquer avec beaucoup de
prudence» (ibid., p. 77). Pour que la Cour déclare qu’un principe «évidemment juste» (ibid.)
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empêche le demandeur de soutenir sa propre prétention, il faut qu’elle soit face à un cas
exceptionnel. Les Etats-Unis affirment que la présente affaire a bien un caractère exceptionnel. Si
elle devait appliquer ces principes en l’espèce, la Cour pourrait insister sur le caractère
exceptionnel de sa décision.
26.5. Ce que le conseil de l’Iran prétend en substance, c’est que, quelle que soit la valeur
générale des trois propositions avancées par les Etats-Unis, celles-ci ne sauraient trouver à
s’appliquer en cas de recours à la force (CR 2003/16, p. 21, par. 7; p. 23, par. 12; p. 25, par. 19
(Pellet)). Selon lui, pareille application saperait les fondements du droit international contemporain
(ibid., par. 19), ce à quoi l’organe judiciaire principal des Nations Unies ne devrait pas contribuer.
26.6. Pour être clairs, soulignons d’emblée que si la Cour devait rejeter la demande de l’Iran
en raison du propre comportement de celui-ci, elle ne se prononcerait pas pour autant sur la licéité
des mesures prises par les Etats-Unis et dont l’Iran se plaint. En rendant une telle décision, la Cour
se limiterait à tirer certaines conclusions du comportement de l’Iran et à rejeter la demande sur la
base de ce comportement.
26.7. J’ajouterai cependant que, vu les particularités de l’affaire qui vous est soumise, une
décision faisant droit aux motifs avancés par les Etats-Unis consoliderait l’édifice même du droit
international contemporain, tandis qu’une décision faisant droit aux motifs de l’Iran l’ébranlerait.
La Cour est appelée à juger le comportement des deux Parties, notamment le recours à la force par
elles deux. Les Etats-Unis soutiennent que la Cour devrait conclure que les mesures qu’ils ont
prises contre les plates-formes étaient la conséquence de l’emploi illicite de la force par l’Iran
lui-même, emploi qui enfreignait à la fois les prescriptions du traité de 1955 et les autres
obligations internationales de l’Iran. Si elle devait rendre une telle décision, la Cour aurait selon
nous à l’assortir des conséquences juridiques pertinentes. Toute décision contraire reviendrait dans
les faits à absoudre l’Iran pour ses attaques illicites contre le transport maritime des Etats-Unis,
contre un navire de la marine américaine et contre d’autres navires neutres. Plus généralement,
pareille décision risquerait d’être perçue comme donnant «carte blanche» aux Etats fautifs, et
comme une indication que la Cour n’attache aucune conséquence à leur conduite dès lors qu’ils
sont les premiers à soumettre une requête au Greffe.
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26.8. L’approche que nous proposons devrait être rigoureusement circonscrite. Dans
l’affaire qui vous est soumise, il n’est pas question d’un Etat qui aurait recouru à la force par suite
d’une violation inoffensive par la partie adverse. Il n’y est pas davantage question ici d’un recours
marginal à la force par un Etat auquel il aurait été répondu par un emploi excessif de la force. En
pareils cas, il n’y aurait peut-être pas lieu pour la Cour d’appliquer les principes que nous la prions
instamment d’appliquer; mais cela n’est pas d’actualité. La Cour peut énoncer clairement ces
limites dans son arrêt. Cependant, lorsqu’il y a violation grave et répétée, par l’Etat demandeur,
des règles relatives à l’emploi de la force, la Cour ne devrait pas méconnaître de telles violations.
26.9. Le conseil de l’Iran veut que la Cour juge les principes cités par les Etats-Unis à l’aune
de principes différents que nous n’avons pas invoqués (CR 2003/16, p. 20-23 (Pellet)). La Cour
devrait voir au-delà de cette tactique. Le conseil de l’Iran relève que les mesures prises par les
Etats-Unis contre les plates-formes ne sauraient être considérées comme des contre-mesures au
sens que revêt cette expression dans les décisions de la Cour et dans les articles de la Commission
du droit international sur la responsabilité des Etats (ibid., p. 22-23, par. 9-12 (Pellet)). Les
Etats-Unis n’ont jamais laissé entendre que leurs actions constituaient des contre-mesures. Le
conseil de l’Iran a examiné l’application de l’exception d’inexécution ¾ et apparemment le
principe de réciprocité en général, bien qu’il ne l’ait pas dit ouvertement ¾ dans le seul cadre de la
suspension de l’application d’un traité ou de l’extinction de celui-ci en vertu du droit des traités
(ibid., p. 21, par. 7). Mais les Etats-Unis n’ont cherché ni à suspendre l’application du traité dont il
est question ici, ni à y mettre fin. Par voie de conséquence, ni le régime des contre-mesures ni le
régime du droit des traités ne trouvent à s’appliquer ici. Plus précisément, l’Iran n’a ni soutenu ni
démontré que le régime des contre-mesures ou celui du droit des traités limiterait en l’espèce la
faculté de la Cour d’appliquer les principes fondamentaux du droit international de la manière
suggérée par les Etats-Unis et de dire que l’Iran ne peut invoquer le traité de 1955 en raison de son
propre comportement. Ces régimes ne renferment aucune limitation de la sorte.
26.10. L’Iran soutient que toute éventuelle responsabilité iranienne pour actes illicites peut
être examinée dans le contexte de la demande reconventionnelle des Etats-Unis et qu’aucune
conséquence ne devrait être tirée de ces actes dans le contexte de sa propre demande (réplique,
p. 183-184). Si certains des faits que nous avons évoqués à l’appui de notre argumentation dans ce
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contexte sont les mêmes que ceux qui fondent la demande reconventionnelle, d’autres sont
différents. Par exemple, le minage manifestement illicite par l’Iran de voies de navigation dans les
eaux internationales du Golfe en ce qu’il a nui à la navigation autre qu’américaine ne justifierait
pas qu’une indemnisation soit versée aux Etats-Unis au titre de la demande reconventionnelle, mais
il s’agit d’un aspect du comportement de l’Iran dont la Cour devrait tenir compte pour décider si
l’Iran peut ou non invoquer le traité de 1955.
26.11. En tout état de cause, la question de l’indemnisation à verser à l’Iran au titre de sa
propre demande et celle de ses moyens de défense contre la demande reconventionnelle sont
distinctes en droit. Si, comme nous le pensons, la demande de l’Iran ne saurait l’emporter en
application de principes «évidemment justes», pour reprendre les termes de M. Hudson, ces
principes ne cesseraient pas pour autant de s’appliquer sous prétexte que le comportement de l’Iran
fait aussi l’objet d’une demande reconventionnelle.
26.12. Le conseil de l’Iran a répété lundi qu’aucun des arguments que nous invoquons, ni les
principes fondamentaux sur lesquels ils se fondent, ne constituerait des circonstances excluant
l’illicéité au regard des articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de
l’Etat. Il explique que la seule «trace» de la doctrine des «mains propres» dans le projet d’articles
peut être trouvée dans l’article 39, qui traite de la «contribution au préjudice» (CR 2003/16, p. 25,
par. 17). Sur cette base, il conteste l’argument des Etats-Unis selon lequel des principes généraux
qui ne constituent pas des «circonstances particulières excluant l’illicéité» peuvent «avoir des
conséquences», y compris celle qu’un Etat devrait voir sa demande rejetée en raison de son propre
comportement (voir le commentaire du projet d’articles, chap. V). Si j’ai bien compris, le conseil
de l’Iran voudrait limiter ces conséquences à la détermination de la réparation due. Sauf le respect
que je dois à mon collègue, cette restriction quant à la nature des conséquences qui peuvent être
engendrées n’apparaît pas dans le commentaire. En outre, le fait que le passage pertinent du
commentaire figure au chapitre V de la première partie, qui traite des circonstances excluant
l’illicéité, plutôt qu’au chapitre II de la deuxième partie qui traite de la réparation du préjudice,
laisse penser que la Commission n’a voulu prévoir aucune restriction de la sorte. Pour dire les
choses clairement, les Etats-Unis ne demandent quoi qu’il en soit pas à la Cour d’appliquer ces
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principes en tant que circonstances excluant l’illicéité des actions américaines en cause dans
l’affaire : les Etats-Unis voudraient que la Cour rejette la demande de l’Iran en raison de son propre
comportement, sans plus.
26.13. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, chacun de ces principes (la
réciprocité, l’exception concernant des actes dérivés, les principes équitables dont nous parlons au
chapitre des «mains propres») est un principe général qui «peut avoir des conséquences» au regard
de la capacité qu’a un requérant de défendre sa demande devant la Cour. Ces principes doivent
jouer un rôle déterminant dans l’examen que fera la Cour de la demande iranienne; ils ne devraient
pas être relégués à la phase de l’instance portant sur la réparation.
26.14. J’en viens brièvement à chacun des trois arguments des Etats-Unis, qui sont liés mais
autonomes, en vertu desquels la demande de l’Iran devrait être rejetée sur la base de son propre
comportement illicite au regard du traité et d’autres normes plus générales.
26.15. Le premier argument des Etats-Unis consiste à dire que la demande de l’Iran devrait
être rejetée parce que celui-ci n’a pas respecté ses obligations réciproques telles que prévues dans
le traité de 1955. J’ai cité M. Fitzmaurice lors du premier tour; il explique qu’«un Etat qui ne
s’acquitte pas à un certain égard de ses obligations internationales … perd … le droit d’objecter à
l’inexécution par autrui de l’obligation correspondante» (Annuaire de la Commission du droit
international, A/CN.4/Ser.A/1959/Add.1, 1959, vol. II, p. 70, «Article 20. Conditions implicites
dans tous les traités : condition de réciprocité ou de non-cessation d’exécution par l’autre partie
ou les autres parties»; les italiques sont dans l’original). Cette conséquence, décelée par
M. Fitzmaurice, est précisément celle que nous prions la Cour de retenir en l’affaire. Le conseil de
l’Iran n’a pas examiné la conclusion précise de M. Fitzmaurice sur ce point de droit.
26.16. J’en viens au deuxième principe, en application duquel l’Iran ne devrait pas obtenir
satisfaction pour une demande fondée sur un comportement des Etats-Unis qui résultait des
violations du traité par l’Iran lui-même et de son comportement par ailleurs illicite. Le conseil de
l’Iran soulève deux points concernant ce principe. Tout d’abord, il explique que les mesures prises
par les Etats-Unis contre les plates-formes ne sauraient être qualifiées de contre-mesures parce
qu’elles comportaient un recours à la force et que la Cour ne devrait pas les autoriser comme telles
(CR 2003/16, p. 23, par. 12). J’ai dit ce qu’il en était de cet argument tout à l’heure. Ensuite, le
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conseil indique que si l’Iran a agi de façon illicite ¾ ce qu’il conteste ¾ la Cour pourrait constater
le comportement «indépendamment illicite» des deux Parties (ibid., p. 23, par. 13), comme elle l’a
fait dans la décision qu’elle a rendue en l’affaire relative au Projet Gabèíkovo-Nagymaros
(Hongrie/Slovaquie) (arrêt, C.I.J. Recueil 1997). Mais, Madame et Messieurs de la Cour, aucune
des deux parties à l’affaire Gabèíkovo ne s’était livrée au type de comportement manifestement
illicite qu’a adopté l’Iran et qui fait l’objet de la présente demande. Dans l’affaire Gabèíkovo, la
Cour a formulé sa décision en tenant compte du fait que les parties s’étaient toutes deux livrées à
un comportement illicite au regard du traité invoqué en l’affaire. Si une partie avait attaqué les
navires de l’autre sur le Danube, la Cour aurait peut-être abouti à une conclusion différente.
26.17. Le conseil de l’Iran a également fait allusion, sans s’y attarder, à la décision rendue
par la Cour permanente dans l’affaire relative à l’Usine de Chorzów (compétence, arrêt n
o
8, 1927,
C.P.J.I. série A no
9), dont j’ai parlé la semaine dernière. Comme je l’ai expliqué alors, la Cour
permanente a décidé dans cette affaire que la Pologne ne «saurait opposer» le non-respect par les
propriétaires de l’usine des procédures qui auraient dû être mises en place en vertu de la convention
de Genève de 1922, mais que la Pologne n’avait pas appliquées (ibid., p. 31). De la même manière,
les Etats-Unis estiment que l’Iran «ne saurait [leur] opposer» devant la Cour le prétendu
non-respect par les Etats-Unis de leurs obligations découlant du traité de 1955. Ni l’une ni l’autre
des observations formulées par le conseil de l’Iran n’a porté sur ce point.
26.18. Nous en venons au troisième principe, selon lequel le comportement manifestement
illicite de l’Iran à l’égard de l’objet de la demande devrait interdire qu’il obtienne une
indemnisation. Le conseil de l’Iran a indiqué que cette formulation était une pétition de principe
[«This begs the question», en anglais dans l’original] parce qu’elle postulait l’illicéité du
comportement de l’Iran (CR 2003/16, p. 24, par. 16). Mais c’est bien le comportement de l’Iran
que la Cour a à juger. Si la Cour décide que l’Iran a mené des attaques illicites par mine, missile et
autres moyens contre des navires neutres dans les eaux internationales du Golfe et que les mesures
américaines dont l’Iran se plaint résultaient de ces attaques, la Cour devrait alors selon nous tirer
les conséquences juridiques de ces conclusions à l’égard de la demande de l’Iran elle-même. Le
conseil de l’Iran voudrait reporter l’examen de ces conséquences, si tant est qu’elles existent, au
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stade des réparations en application du projet d’article 39 sur la responsabilité de l’Etat (ibid., p. 25,
par. 17). Les Etats-Unis estiment toutefois que, puisque le comportement illicite de l’Iran constitue
un élément central dans sa demande, la Cour devrait juger que l’Iran ne peut invoquer le traité.
26.19. Si la Cour statuait dans le sens voulu par les Etats-Unis, cela servirait à confirmer
expressément que ces principes (comme la réciprocité et le principe ex injuria jus non oritur)
continuent à s’appliquer, et n’affaiblirait en rien le fondement de l’ordre juridique international
contemporain. Si, au contraire, comme l’Iran le demande, la Cour refusait d’appliquer ces
principes, cela mettrait en doute la validité actuelle de ces principes fondamentalement justes. Si la
Cour, alors que l’entrave à la liberté de commerce et de navigation provoquée par l’Iran est
manifeste, ne se fonde pas sur le principe fondamental de réciprocité en l’espèce, alors dans quel
cas serait-il opportun qu’elle l’applique ? Si la Cour ne décide pas en l’espèce qu’un Etat ne peut
obtenir satisfaction pour une demande qui découle de ses propres actes illicites, alors que les
Etats-Unis ont communiqué à l’époque des faits un rapport au Conseil de sécurité qui apportait la
preuve que les mesures prises par les Etats-Unis résultaient des attaques illicites de l’Iran contre
des navires américains, dans quel cas la Cour appliquerait-elle ce principe ? Les Etats-Unis prient
la Cour de garder à l’esprit la phrase souvent citée de M. Anzilotti, extraite de son opinion
dissidente en l’affaire des Prises d’eau à la Meuse, au sujet du principe inadimplenti : «Je n’ai
vraiment aucun doute que le principe qui est à la base de cette conclusion … soit si juste, si
équitable, si universellement reconnu qu’il doive être appliqué aussi dans les rapports
internationaux.» (Op. cit., p. 50.)
26.20. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, les trois arguments que je
viens de présenter justifieraient chacun en soi une décision favorable aux Etats-Unis. A l’égard des
faits de l’affaire, ces arguments s’appliquent tous et se renforcent l’un l’autre; ils s’imposent donc
en l’espèce. Décider de suivre ces arguments en l’espèce et de rejeter la demande de l’Iran en
raison de son propre comportement serait un résultat juste au regard des circonstances particulières
de l’affaire. Une telle décision confirmerait en outre que les principes fondamentaux de justice
dont nous venons de parler s’appliquent toujours dans le système juridique international. En tout
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état de cause, les Etats-Unis estiment que la justice exige de la Cour, lorsqu’elle statuera sur la
demande de l’Iran, qu’elle tire les conséquences juridiques du comportement illicite de l’Iran qui
s’imposent.
26.21. Je remercie les membres de la Cour de leur attention. Monsieur le président, je vous
prie de bien vouloir appeler M. Weil à la barre.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Mathias. Je donne maintenant la parole à M. Weil.
Mr. WEIL:
27. REJOINDER
27.1. Mr. President, Members of the Court, listening to Professors Crawford and Pellet one
might think that the American statements they were attacking had sought to justify the use of force
and had claimed a discretionary right for the United States, as “world policeman” (the title given by
Professor Crawford to his statement), to violate the most fundamental rules of contemporary
international law as it saw fit. True, Professor Pellet said that “Iran is not asking you to hold that
the United States used armed force in contravention of the Charter or of the general principles of
international law” but only to hold that “it violated Article X, paragraph 1, of the 1955 Treaty”
(CR 2003/16, p. 32, para. 39). True, Professor Crawford, for his part, stated that the insistence in
Iran's written pleadings on general international law and the Charter was consigned to the past, and
he too confirmed that Iran was basing its claims solely on Article X (CR 2003/14, p. 46, para. 5).
But such moments of lucidity were fleeting, because throughout this second round of oral argument
by Iran, its counsel have constantly accused the United States, time and again, of having used force
in defiance of the most firmly established rules of contemporary international law.
27.2. It was from that standpoint that we heard Professor Pellet present the United States
actions as “acts of a self-proclaimed 'law-enforcer'” (CR 2003/16, p. 26, para. 22). It was from that
standpoint that we also heard our opponents yet again seeking to identify measures necessary to
protect essential security interests, under Article XX of the 1955 Treaty, with self-defence under
Article 15 of the Charter: “since the destruction of the platforms obviously could not be justified as
a measure of self-defence . . ., it cannot be justified under paragraph 1 (d) either” (CR 2003/16,
p. 11, para. 2). It was from that standpoint again that Professor Crawford argued: “the Treaty of
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Amity cannot have authorized or legitimized, as between the United States and Iran, conduct
violative of a peremptory norm, such as that prohibiting the use of force . . .” (CR 2003/16, p. 13,
para. 7). But where, Mr. President, did we ever advance such an argument?
27.3. For that is indeed the major theme ¾ one could say the only theme ¾ of our
opponents during this second round: Iran's counsel have told us over and over again that the
United States relies on Article XX of the 1955 Treaty in order to confer upon itself the right to use
force in any circumstances, if it considers such action to be necessary to protect its essential
security interests. Iran's counsel returned endlessly to that theme, which had already been
discussed at length in Iran's written pleadings and which I denounced in my previous statement as a
“total travesty” and a “complete distortion of the United States argument” (CR 2003/11, p. 21,
paras. 13.21-13.22). I thought however that I had been clear: the United States never argued, and
does not argue, that the 1955 Treaty authorizes it to violate the obligations arising from the
Charter and from general international law. What the United States does argue is that the Court's
jurisdiction is limited to violations of the provisions of the Treaty. The fact that this Treaty fails to
prohibit certain actions does not imply that such actions are authorized by general international
law; it means that those actions do not violate express provisions of the Treaty and that disputes
arising from such conduct do not fall within the Court's jurisdiction under Article XXI of the
Treaty. In accordance with your wishes, Mr. President, I will not dwell any longer on this point,
which I amply addressed during the first round of oral argument.
27.4. I will also comply with your wishes by not repeating our analysis of the relationship
between self-defence and measures necessary to protect essential security interests. We had to wait
until this second round of oral argument before hearing our opponents finally make one discreet ¾
very discreet ¾ reference to the key passage in the Nicaragua Judgment which analyses the notion
of measures necessary for the protection of essential security interests as one which “certainly
extends beyond” that of self-defence (CR 2003/16, p. 14, para. 9). Iran's counsel scampered over
this citation in some haste ¾ scampered “like a cat on hot bricks”, to use one of Roberto Ago's
favourite expressions. But Iran's counsel went even further, seeking to minimize the passage, if not
to empty it of all substance, by arguing that, in his view, self-defence comes first and measures
necessary to protect essential security interests come second (self-defence first, paragraph 1 (d)
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second) (ibid.). The attempt to deprive the clause in Article XX of the Treaty of all autonomy by
simply absorbing it into the self-defence provision in Article 51 of the Charter has once again been
our opponents' leitmotif ¾ to such an extent that Professor Bothe did not hesitate to speak of the
real issue in the case: the law of self-defence (CR 2003/15, p. 55, para. 6).
27.5. Also in accordance with your wishes, Mr. President, I will not return either to the
systematic confusion that our opponents have maintained between the substance of the law and the
Court's jurisdiction. The fact that the Court has no jurisdiction to rule on the international legality
of an act or conduct does not necessarily render such act or conduct lawful. Contrary to what our
opponents would have you believe, we have never, never, never regarded Article XX of the Treaty
as “a sort of 'black box'”, to quote Professor Pellet, “shielding the application of the Treaty from the
rules of general international law” and authorizing the use of force (CR 2003/16, p. 31, para. 36).
Once again, that is a complete travesty of our position: on this subject I would ask the Court to
refer to paragraphs 13.15 to 13.17 of my statement on Tuesday 25 February (CR 2003/11,
pp. 18-19).
27.6. So much, Mr. President, for Iran's attempt to move the debate away from the issue of
measures necessary under Article XX of the Treaty to that of self-defence under Article 51 of the
Charter. Iran no doubt hopes to have a better chance of finding favour with the Court on the terrain
of use of force and self-defence rather than under Article XX of the Treaty . . .
27.7. But Iran has gone further. In its efforts to evade discussion of Article XX, which is an
embarrassment to it, since it clearly legitimizes the American actions, counsel for Iran went so far
as to make this provision disappear altogether with a wave of his magic wand, claiming that it has
no relevance in the present case. It was not without a certain surprise, I have to admit, that we
heard Professor Crawford say that the part of Article XX referring to measures necessary to protect
essential security interests does not concern international relations. It is only the first part of
Article XX, paragraph 1 (d), he told us, that concerns international relations, that is to say, the
provision stating that the Treaty will not preclude “measures necessary to fulfil the obligations of a
High Contracting Party for the maintenance or restoration of international peace and security”.
What fate does Professor Crawford reserve for the second part of this provision ¾ the one we have
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discussed at such length here ¾ concerning measures necessary to protect essential security
interests? Well, he quite simply removes it from the equation altogether, arguing that it concerns
the Parties' internal security. Here is what Professor Crawford said:
“It is one thing for a State to determine what interests are essential in relation to
its own internal affairs, its own internal security. It is quite another for a State to
determine the scope of necessity in international elations . . .” (CR 2003/8, p. 15,
para. 27.)
It is the first part of paragraph 1 (d) which, according to Professor Crawford, precludes the
wrongfulness of conduct and provides the State with a possible defence on the merits. As to the
second part of paragraph 1 (d) ¾ the last seven words, he said ¾ it is not primarily concerned with
international peace and security:
“As to the second part of the paragraph ¾ the last seven words ¾ the primary
focus is on the application of measures concerning internal security ¾ as compared to
the first part, which is concerned with international peace and security and has no
relevance to the facts of the present case.” (Loc. cit., para. 28.)
How fearful our opponents must be of Article XX to seek to evade it by arguments such as these!
How can one imagine, even for a moment, that the Parties to the 1955 Treaty, as well as the many
governments having signed treaties including an identical or similar clause to that in our
Article XX, could have inserted into an international treaty a clause governing their internal
security? When, in paragraphs 223 and 224 of its Nicaragua Judgment of 1986, the Court analysed
a treaty clause between the United States and Nicaragua identical to ours, it did not say a word, not
one single word, to suggest that, in its eyes, Article XX, paragraph 1 (d), included two provisions
with radically differing scope and meaning: one concerning international relations and
international law, the other concerning internal security and internal law.
27.8. But, Mr. President, Iran's argument is not only improbable, it is also contradictory.
How can our opponents not be aware that they cannot claim that the second part of Article XX
concerns internal security and at the same time ¾ in the same breath, I almost said ¾ assert that it
concerns measures of self-defence, a typical institution of international law, which falls exclusively
within the sphere of inter-State relations (CR 2003/8, p. 16, paras. 29, 32, 33)? Purely internal
measures and measures of international self-defence: Article XX measures cannot be both at the
same time. In short, our opponents are quite willing to construe Article XX in an infinity of
- 14 -
different ways, yet absolutely refuse to read it as it is written! Article XX speaks neither of
self-defence nor of measures of internal security, and the Court will not allow its meaning to be
distorted. Professor Crawford has accused me of ignoring his argument on this point in my
opening presentation (CR 2003/16, p. 16, para. 15). If I did not address it, it was because I
regarded it as what Sir Gerald Fitzmaurice once called ¾ in French ¾ an “argument de
plaidoirie”, in other words, an argument which could be ignored.
27.9. Mr. President, throughout the oral proceedings, Iran has sought, as it had already done
in the written proceedings, to shift the focus of the debate by asking the Court to reply to questions
which are not material in preference to those which are. The questions which are material are, as
the Court decided with the force of res judicata in 1996, those relating to Article X and that
concerning Article XX. As regards the relationship between these two provisions, our opponents
remained as discreet during the second round of oral argument as they had during the first. On this
point, allow me to refer you to my presentation of 25 February (CR 2003/11, pp. 14 et seq.,
paras. 13.5 et seq.). The question which does not arise is that of self-defence; but it is on this that
Iran insists, and on which it asks the Court to rule.
27.10. I must also say a word, Mr. President, on the objections raised by Professor Crawford
(CR 2003/16, pp. 15 et seq., paras. 12 et seq.) to my arguments relating to the scope of judicial
control (CR 2003/12, pp. 28 et seq., paras. 17.40 et seq.). My learned opponent contends that there
is no margin of appreciation for States parties to the 1955 Treaty. To speak of a margin of
appreciation, he asserts, would be to favour the most powerful States and would create a
presumption of the legality of the unilateral use of force.
27.11. To meet this criticism, I would simply observe that to deny any margin of
appreciation would be to deprive Article XX of all effect and thereby jeopardize the equilibrium
established by the Treaty. Professor Schachter is thus quite correct when he states that, in
implementing measures concerning security, the State concerned must have a “very wide margin of
appreciation” (Schachter, International Law in Theory and Practice, 1991, pp. 221-222). To which
I would add ¾ and this is decisive ¾ that, when, in the Nicaragua case, the Court, as I pointed out
- 15 -
in my previous statement, carefully defined the scope and parameters of its power of review, it
expressly acknowledged the existence of a discretionary power in this regard (CR 2003/12, p. 29,
paras. 17.43 et seq.).
27.12. Mr. President, to conclude these brief remarks, I should like to point out that, apart
from the few matters I have just referred to, our opponents have not put forward any real
counter-arguments to the analysis in my first round of oral argument (CR 2003/11, pp. 12 et seq.;
CR 2003/12, pp. 10 et seq.).
27.13. In conclusion, the United States was justified in taking the view that the measures
today contested by Iran were necessary to protect its essential security interests. This is what
Professor Matheson will confirm in a moment.
27.14. As I close my remarks, allow me, if you will, Mr. President, to say to the Court how
honoured I am to have had an opportunity to take the floor before it. Thank you, Mr. President,
Members of the Court, for your attention. May I, Mr. President, ask you to give the floor now to
Professor Matheson.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Weil. Je donne maintenant la parole à
M. Matheson.
M. MATHESON :
28. L’ARTICLE XX ET LA LEGITIME DEFENSE
28.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, M. Bettauer a examiné ce
matin l’argumentation développée par le conseil de l’Iran au sujet de questions de fait
controversées. M. Weil a répondu aux arguments avancés par l’Iran sur les aspects théoriques de
l’article XX. Je traiterai quant à moi ceux concernant l’applicabilité de l’article XX et du droit de
légitime défense aux faits que nous avons établis. Je n’entends pas répéter ce que nous avons dit
lors du premier tour; je me contenterai de revenir sur certains des points qu’à évoqués le conseil de
l’Iran et qui semblent appeler des observations supplémentaires, et de résumer ce qui nous semble
constituer l’articulation générale entre la présente espèce et ces diverses questions.
- 16 -
Article XX
28.2. Je commencerai par l’article XX. Il ne saurait guère faire de doute que la longue et
violente campagne menée par l’Iran contre les navires neutres dans le Golfe faisait peser une très
grave menace sur les intérêts vitaux des Etats-Unis en matière de sécurité, s’agissant de
l’acheminement du pétrole et des produits du commerce neutre en général et de la protection des
navires de guerre, des bâtiments de commerce et des ressortissants américains en particulier. Nous
avons explicité pourquoi nous estimons raisonnable le point de vue des Etats-Unis selon lequel une
action militaire était nécessaire pour protéger ces intérêts vitaux en matière de sécurité, et non
moins raisonnable leur décision de prendre contre les plates-formes les mesures en cause
(CR 2003/12, par. 18.18-18.40).
28.3. Il est inutile de revenir sur tout cela. Certains arguments soulevés par l’Iran dans le
cadre de sa réplique méritent néanmoins d’être commentés. Premièrement, le conseil de l’Iran a
indiqué que la position défendue par les Etats-Unis en ce qui concerne l’article XX revenait à
affirmer le droit «de faire respecter le prétendu intérêt collectif des Etats neutres» (CR 2003/16,
p. 17), ce à quoi, faisait-il valoir, les Etats-Unis n’étaient pas fondés. Or, cette perception de la
position américaine est erronée. Les attaques lancées par l’Iran contre d’autres navires neutres
entraient certes pour une part non négligeable dans la menace qui pesait sur les intérêts vitaux en
matière de sécurité des Etats-Unis, et ceux-ci cherchèrent à se prémunir de cette menace en
intervenant contre les plates-formes.
28.4. Toutefois, ce faisant, les Etats-Unis ne cherchaient nullement à faire respecter les droits
d’autrui; bien au contraire, les attaques iraniennes contre d’autres navires neutres étaient
dangereuses et nuisibles pour les propres intérêts vitaux des Etats-Unis. Plus précisément, ces
attaques risquaient fort de perturber l’acheminement de pétrole depuis le Golfe, ce qui aurait eu de
graves conséquences sur l’économie et les intérêts stratégiques des Etats-Unis, que les navires pris
pour cibles fussent américains ou non. Il en allait de l’intérêt des Etats-Unis, intérêt que ceux-ci
avaient, en vertu de l’article XX, le droit de protéger, même s’il coïncidait avec les intérêts d’autres
pays ¾ ce qui, bien évidemment, était le cas.
- 17 -
28.5. Deuxièmement, le conseil de l’Iran a soutenu lundi que la position exprimée par les
Etats-Unis en ce qui concerne l’article XX n’avait pas à être prise en compte, parce que le «motif
essentiel» de leurs actions contre les plates-formes aurait été leur hostilité à l’égard de l’Iran et leur
souhait de venir en aide à l’Iraq (CR 2003/16, p. 18). Or, outre qu’elles sont infondées, ces
allégations répétées de l’Iran sont dépourvues de toute pertinence en ce qui concerne l’application
de l’article XX aux circonstances de l’espèce.
28.6. Nous avons montré que les intérêts vitaux en matière de sécurité des Etats-Unis étaient
menacés et qu’une réaction était nécessaire : cette démonstration se suffit à elle-même, et doit être
appréciée en tant que telle aux fins de ce traité. Comme la Cour l’a elle-même indiqué en l’affaire
Nicaragua, s’il apparaît qu’un Etat était fondé en droit à mener certaines actions, peu importe que
celles-ci aient pu obéir à d’autres motifs politiques, fussent-ils plus «déterminant[s]» (arrêt du
27 juin 1986, par. 127). En d’autres termes, s’il est par ailleurs satisfait aux critères énoncés à
l’article XX, alors les allégations de l’Iran selon lesquelles les actions des Etats-Unis étaient
également motivées par leur hostilité à son endroit sont sans conséquence sur le plan juridique. De
toute évidence, il relevait bel et bien de l’intérêt vital des Etats-Unis de protéger leurs navires et
ressortissants contre toute attaque et de maintenir la liberté de commerce et de navigation avec les
Etats amis du Golfe, indépendamment de leur position à l’égard du conflit opposant l’Iran à l’Iraq.
Cet intérêt constitue un fondement suffisant pour invoquer l’article XX.
28.7. Enfin, la prétendue applicabilité de l’article XX aux actions iraniennes décrites dans la
demande reconventionnelle n’appelle que peu d’observations. L’Iran avait laissé entendre dans ses
écritures qu’il pourrait faire valoir que ses attaques étaient justifiées en tant que mesures
nécessaires à la protection de ses intérêts vitaux en matière de sécurité au sens de l’article XX, mais
cet argument n’a pas été repris dans le cadre des plaidoiries, et M. Murphy a déjà montré qu’il était
dépourvu de tout fondement (CR 2003/13, p. 40-42). Un commerce maritime de cette nature ne
mettait d’aucune façon en péril les intérêts iraniens en matière de sécurité, et quand bien même il
les aurait occasionnellement menacés, l’Iran était en mesure de réagir sans recourir à la force.
- 18 -
Légitime défense
28.8. J’en viendrai maintenant à la question de la légitime défense. Une fois encore, nous ne
pensons pas que la Cour ait à se prononcer sur ce point, puisque les actions des Etats-Unis se
justifient en vertu de l’article XX. Je ne répéterai pas ici les arguments que nous avons avancés au
premier tour de plaidoirie ¾ seules quelques observations supplémentaires s’imposent.
28.9. Premièrement, le conseil de l’Iran a laissé entendre lundi que les Etats-Unis devaient, à
l’appui de la thèse de la légitime défense, établir l’existence et d’«arbres» et d’une «forêt»
¾ autrement dit, établir à la fois que des agressions armées furent menées contre des cibles
américaines données et que ces attaques individuelles participaient d’un ensemble d’agressions
continues (CR 2003/15, p. 56). Et nous avons effectivement démontré l’existence en l’espèce aussi
bien d’«arbres» que d’une «forêt», puisque les éléments de preuve révèlent que l’Iran lança toute
une série d’attaques contre des navires américains, après avoir ouvertement fait part de son
intention de mener une telle campagne en vue de dissuader les navires américains de croiser dans le
Golfe. Mais il suffit, aux fins de la légitime défense, de démontrer l’existence d’un ou de plusieurs
«arbre[s]» ¾ c’est-à-dire de montrer que l’Iran se rendit responsable d’agressions armées contre un
ou plusieurs navires américains ¾, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un système
généralisé d’attaques continues (voir les paragraphes 5.14-5.15 et 5.22 de la duplique, où les
Etats-Unis font valoir qu’une attaque contre un seul navire de commerce peut effectivement
constituer une agression armée conférant à l’Etat du pavillon un droit de légitime défense). Cela
est tout particulièrement vrai en la présente espèce, où l’un des «arbres» était un navire de guerre
américain et les autres des bâtiments de commerce américains escortés par des navires de guerre
américains. Que l’Iran cherchât simplement à abattre certains «arbres», ou entendît opérer des
coupes claires dans l’ensemble de la «forêt» ¾ ce qui, nous l’avons montré, est le cas en
l’espèce ¾, le droit de légitime défense demeurait applicable.
28.10. Deuxièmement, le conseil de l’Iran a fait valoir lundi que l’attaque au missile contre le
Sea Isle City pouvait tout au plus être considérée comme une agression contre le Koweït, le navire
ayant été touché alors qu’il se trouvait dans les eaux territoriales koweïtiennes (CR 2003/15, p. 56).
Mais de ce que le navire se trouvait dans les eaux koweïtiennes, il ne s’ensuivait pas que, bien que
l’attaque pût être considérée comme une agression armée contre le Koweït, elle ne pouvait
- 19 -
également constituer une agression armée contre les Etats-Unis. Ainsi est-il communément admis
qu’une attaque armée contre une ambassade constitue une agression contre l’Etat qu’elle
représente, bien que ladite ambassade se trouve, par la force des choses, située sur le territoire d’un
Etat tiers (voir, par exemple, Dinstein, War, Agression and Self-Defence 177; voir également
Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, arrêt, C.I.J. Recueil 1980,
par. 57); les mêmes considérations valent pour l’attaque d’un navire dans les eaux territoriales d’un
pays tiers.
28.11. Autant un Etat côtier aura le droit d’exercer sa juridiction sur des navires étrangers
croisant dans ses eaux, autant les autres Etats seront, parallèlement, fondés à exercer un contrôle
sur les navires battant leur pavillon, navires qu’il est entièrement et indépendamment dans leur
intérêt et dans leur droit de défendre contre des attaques menées par un Etat tiers. Le droit de
légitime défense ne saurait dépendre du statut juridique de la zone maritime dans laquelle un navire
se trouve au moment de l’attaque. De surcroît, il ne s’agit nullement en l’espèce d’ingérence des
Etats-Unis dans la souveraineté koweïtienne : le Koweït soutenait pleinement les actions
américaines; les opérations des Etats-Unis contre les plates-formes ne se déroulèrent ni sur le
territoire ni dans les eaux du Koweït, et elles ne portèrent en aucune façon préjudice aux intérêts
koweïtiens. Il serait curieux, dans de telles circonstances, de dénier aux Etats-Unis le droit qui était
le leur d’user de la légitime défense pour la simple raison que l’Iran a choisi de mener son attaque
alors que le navire pris pour cible évoluait provisoirement dans les eaux d’un Etat tiers.
28.12. Troisièmement, le conseil de l’Iran a répété lundi la thèse selon laquelle le mouillage
de mines ¾ même dans des eaux internationales ¾ ne saurait constituer une agression armée
contre l’Etat du pavillon d’un navire susceptible de heurter lesdites mines, à moins que le navire
¾ et l’Etat du pavillon ¾ en question n’ait été spécifiquement pris pour cible. Ayant déjà
amplement évoqué cette question la semaine dernière (CR 2003/12, par. 18.46-18.48), je
m’abstiendrai d’y revenir. Nous avons de fait montré que l’Iran avait, en l’occurrence,
spécifiquement visés certains navires américains; mais j’ajouterai qu’il serait tout bonnement
inconcevable que nul ne puisse invoquer le droit de légitime défense lorsque de telles opérations de
minage, destinées à frapper sans discrimination, sont menées dans les eaux internationales, qu’un
nombre indéfini de navires neutres puissent être endommagés ou coulés sans que quiconque soit
- 20 -
jamais considéré comme victime d’une agression armée, et que les Etats du pavillon des navires
attaqués doivent s’en tenir à élever des protestations diplomatiques, ou à la tentative ¾ vouée à
l’échec ¾ de draguer sur de vastes étendues les mines mouillées en haute mer. La portée du droit
de légitime défense ne saurait être si limitée dès lors que sont employées de telles méthodes de
guerre visant à frapper sans discrimination.
28.13. Contrairement à ce que suggère le conseil de l’Iran (CR 2003/15, p. 57), rien dans
l’affaire Nicaragua ne donne à penser qu’il puisse en être ainsi. Dans l’affaire en question, la Cour
n’était bien entendu pas appelée à examiner si les Etats-Unis avaient attaqué un Etat autre que le
Nicaragua, mais elle n’a nullement affirmé, en tout état de cause, que d’autres Etats n’avaient pas
été victimes d’une agression armée; elle a clairement indiqué qu’elle considérait le minage des
eaux territoriales d’un Etat comme illicite dans de telles circonstances, tant envers l’Etat territorial
qu’envers n’importe quel autre Etat dont les navires exerçaient un droit de passage inoffensif dans
de telles eaux ou jouissaient d’un «droit d’accès aux ports» (arrêt, par. 214).
28.14. Quatrièmement, le conseil de l’Iran s’est élevé lundi contre la parallèle que j’avais
établi dans le cadre de ma plaidoirie avec les attaques du 11 septembre : j’avais indiqué que, si l’on
suivait la théorie iranienne, le droit d’agir au titre de la légitime défense aurait, dans ce cas, pris fin
dès lors que l’avion détourné avait touché sa cible. Le conseil a argué que les circonstances
entourant les attaques du 11 septembre étaient différentes, parce que le Conseil de sécurité avait, en
l’occurrence, estimé que ces actes terroristes constituaient une menace contre la paix et reconnu
l’existence d’un droit de légitime défense (CR 2003/15, p. 16). Mais, et l’Iran le sait parfaitement,
le droit de légitime défense n’est pas subordonné à une reconnaissance du Conseil de sécurité;
d’ailleurs, l’Iran n’aurait jamais admis qu’il n’était pas en droit d’agir en état de légitime défense
contre l’attaque iraquienne parce que ce droit ne lui avait pas été reconnu par le Conseil. De toutes
les manières, ainsi que nous l’avons montré, le Conseil condamna bien les actions menées par
l’Iran contre les navires neutres, les considéra bien comme des «attaques iraniennes» et estima bien
qu’elles constituaient une menace contre la paix.
28.15. Mais soyons plus précis : la reconnaissance par le Conseil du droit de légitime défense
dans le cas du 11 septembre prouve précisément que, dans de telles circonstances, le droit d’agir à
ce titre ne prend pas nécessairement fin avec l’attaque. En réalité, si les deux cas diffèrent sans
- 21 -
conteste de bien des façons, les circonstances entourant les attaques du 11 septembre étaient à cet
égard très semblables à celles de la présente espèce. Al-Qaida avait perpétré une série d’attaques
contre des cibles américaines, et de même l’Iran; Al-Qaida avait fait part de son intention de
continuer ses attaques, et de même l’Iran; Al-Qaida était en mesure de mener de nouvelles
opérations, et de même l’Iran; l’éventualité de nouvelles attaques d’Al-Qaida faisait peser une
grave menace sur la vie de ressortissants américains, et de même s’agissant de l’Iran; des mesures
n’impliquant pas le recours à la force n’auraient pas garanti une protection efficace contre de
nouvelles attaques d’Al-Qaida, et de même s’agissant de l’Iran; le recours à la force au titre de la
légitime défense afin de se prémunir contre de nouvelles attaques d’Al-Qaida était par conséquent
justifié, et de même s’agissant de l’Iran. Pour tous les aspects pertinents en l’espèce, les
circonstances étaient pratiquement identiques. Et, dans le cadre d’Al-Qaida, le Conseil de sécurité
convint que les Etats-Unis étaient fondés à agir dans l’exercice de leur droit de légitime défense.
La même conclusion doit s’imposer en l’espèce.
28.16. Enfin, le conseil de l’Iran a répété lundi que les actions américaines ne servaient
aucune fin protectrice légitime, parce que les plates-formes ne remplissaient aucune fonction
militaire, contrairement à ce que soutenaient les Etats-Unis, et qu’en conséquence les opérations
américaines ne satisfaisaient pas aux critères attachés à la théorie de la légitime défense, tant en
terme de nécessité qu’en terme de proportionnalité. Nous avons amplement exposé les éléments de
preuve dont nous disposons à cet égard, aussi bien à l’occasion de ce tour de plaidoirie qu’à
d’autres stades de la procédure, et je n’entends pas y revenir. Je me contenterai d’une observation.
28.17. Quand bien même l’Iran aurait subi un préjudice considérable par suite des actions
américaines, comme le conseil de l’Iran n’a eu de cesse de l’affirmer (voir, par exemple, le
CR 2003/15, p. 60), la question de la proportionnalité ne s’en trouverait pas pour autant résolue. Si
une infrastructure qui joue normalement un rôle commercial est employée à des fins militaires, et
devient de ce fait la cible d’une action militaire menée au titre de la légitime défense, il n’est
nullement surprenant que l’action en question provoque des dommages économiques collatéraux
qui n’ont, en tant que tels, pas d’utilité défensive. De tels dommages ne suffisent pas à rendre
l’action illicite; celle-ci ne le devient que si les dégâts causés sont effectivement disproportionnés.
En la présente espèce, nous avons montré que les conséquences des actions américaines n’avaient
- 22 -
pas été excessives, eu égard non seulement à la nécessité de dissuader ou d’empêcher l’Iran de
poursuivre ses attaques, mais également aux pertes humaines et matérielles que les Etats-Unis
auraient eu à déplorer si l’Iran avait poursuivi ces attaques.
Articulation générale entre la présente espèce d’une part, l’article XX et la légitime défense
d’autre part
28.18. Je conclurai par une brève observation concernant l’articulation générale entre la
présente espèce d’une part, l’article XX et la légitime défense d’autre part. Les points de fait et de
droit que nous avons examinés auront certes à jouer un rôle important dans la décision que la Cour
rendra sur l’article XX et, le cas échéant, sur le droit de légitime défense; mais cette décision ne
dépendra pas simplement de la somme de ces divers points. C’est une question plus fondamentale
que la Cour aura en définitive à trancher : Comment, aux yeux de la communauté internationale ¾
et au regard du droit international ¾, les Etats-Unis auraient-ils dû réagir face à la longue et brutale
campagne de l’Iran contre des navires neutres, au nombre desquels figuraient les leurs ? Les
Etats-Unis avaient recouru à des moyens diplomatiques, au Conseil de sécurité des Nations Unies,
à des opérations militaires défensives, mais les attaques se poursuivaient. L’Iran avait même
commencé à utiliser des méthodes plus dangereuses et à frapper sans discrimination, notamment en
mouillant des mines dans les voies de navigation et en lançant des missiles antinavires de longue
portée, faisant ainsi courir un grave danger aux navires de guerre et aux bâtiments de commerce
des Etats-Unis ainsi qu’à leurs équipages.
28.19. Dans ces circonstances, quelles limites le traité de 1955 imposait-il à l’action des
Etats-Unis ? Faisait-il obligation à ces derniers de rappeler leurs navires du Golfe et de renoncer
aux intérêts vitaux que représentait pour eux l’acheminement du pétrole et des autres marchandises
dans la région, ce qui était l’objectif affiché de l’Iran ? Non ¾ l’article XX indique clairement que
les mesures nécessaires à la protection de tels intérêts vitaux en matière de sécurité ne sont pas
contraires au traité.
28.20. Si en revanche les Etats-Unis maintenaient leur présence dans le Golfe, le traité leur
faisait-il obligation de s’abstenir de toute intervention militaire et de permettre la poursuite et
l’intensification des attaques iraniennes, au risque de voir leurs navires endommagés ou coulés, et
leurs ressortissants blessés ou tués ? Non ¾ l’action militaire constitue un moyen qu’une partie est
- 23 -
fondée à utiliser en vue de protéger ses intérêts vitaux en matière de sécurité, et une telle action, dès
lors qu’elle est nécessaire à cette fin, n’est pas couverte par les dispositions du traité; en outre, le
droit de légitime défense n’impose pas à un Etat de s’abstenir d’intervenir militairement pour
empêcher ou faire cesser des agressions armées, lorsque les moyens n’impliquant pas le recours à
la force se révèlent inadéquats.
28.21. Si les Etats-Unis étaient fondés à intervenir militairement, étaient-ils pour autant tenus
de limiter leur intervention à une défense passive de leurs navires, et d’espérer qu’ils seraient d’une
façon ou d’une autre à même d’interposer un navire de guerre entre leurs navires civils et chaque
mine, chaque missile, et que ces navires de guerre auraient la bonne fortune de détruire sans danger
ces mines ou missiles avant qu’ils ne touchent leur cible ? Non ¾ le droit de la légitime défense ne
saurait faire obligation à un Etat de s’en tenir à des mesures qui se sont révélées à la fois inefficaces
et fort dangereuses, comme c’était, à l’évidence, le cas en l’espèce.
28.22. Ainsi, si les Etats-Unis étaient fondés à intervenir militairement contre des forces ou
infrastructures iraniennes qui pesaient pour une part importante dans le risque d’attaques
persistantes ¾ comme c’était le cas des plates-formes pétrolières ¾, étaient-ils pour autant tenus
de s’en tenir à une intervention contre d’autres cibles risquant d’avoir des conséquences ¾ nombre
de victimes civiles, implication dans le conflit entre l’Iran et l’Iraq, morts ou blessés
américains ¾ plus graves qu’une action contre les plates-formes ? Non ¾ assurément, le droit de
la légitime défense ne saurait imposer un tel choix.
28.23. En résumé, Monsieur le président, les Etats-Unis ont fait ce qu’ils avaient, et étaient
fondés, à faire. Les actions américaines étaient conformes au droit de la légitime défense, mais la
Cour n’a pas à se prononcer sur cette question et devrait plutôt trancher la présente espèce en se
fondant sur l’article XX du traité. Assurément, le traité n’imposait pas aux Etats-Unis de recourir à
d’autres modes d’action qui les auraient amenés à renoncer à leurs intérêts vitaux en matière de
sécurité, à mettre en danger leurs navires et leurs ressortissants, à accepter que le commerce entre
les parties au traité soit fortement et durablement perturbé, ou encore à recourir à des moyens qui
auraient entraîné des dommages bien plus importants et les auraient contraints de s’impliquer
davantage dans le conflit qui opposait l’Iran à l’Iraq. De ce point de vue ¾ et cela est
- 24 -
déterminant ¾, nous sommes fermement convaincus que les actions menées par les Etats-Unis
contre les plates-formes relevaient des dispositions de l’article XX et n’étaient pas contraires au
traité.
28.24. Monsieur le président, voilà qui clôt mon exposé. Je vous invite à présent à appeler à
la barre l’agent des Etats-Unis, M. Taft, qui terminera la plaidoirie des Etats-Unis.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Matheson. Je donne maintenant la parole à
M. Taft, agent des Etats-Unis d’Amérique.
M. TAFT :
29. OBSERVATIONS FINALES ET CONCLUSIONS DES ETATS-UNIS
29.1. Je vous remercie, Monsieur le président.
29.2. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je vais maintenant résumer la
position des Etats-Unis et clore l’exposé de notre réplique orale. Toutefois, je souhaiterais au
préalable vous remercier, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, pour la patience
et l’attention soutenue avec lesquelles vous avez bien voulu écouter toutes les plaidoiries, au cours
des dernières semaines. Je voudrais également remercier le personnel de la Cour, en particulier les
interprètes et les fonctionnaires du Greffe chargés d’élaborer les comptes rendus d’audience chaque
jour et de prendre des dispositions aux fins de l’utilisation de la salle d’audiences. Ces personnes
ont vraiment été formidables; vous avez beaucoup de chance de les avoir et je les remercie.
29.3. Permettez-moi tout d’abord de résumer les faits qui ont été établis dans le dossier de
l’affaire.
29.4. La Cour aura constaté que pendant quatre ans, l’Iran a mené une série d’agressions
armées contre les navires neutres des Etats-Unis et d’autres pays dans le Golfe. Parmi ces
agressions figuraient l’attaque au missile contre le Sea Isle City et l’attaque à la mine contre le
Samuel B. Roberts. Ces attaques, ainsi que d’autres, ont mis en danger la vie de citoyens
américains et ont causé des dommages considérables aux biens et aux personnes. Les navires des
- 25 -
Etats-Unis qui n’avaient pas été endommagés par les attaques iraniennes durent revoir leur
itinéraire et leur plan de voyage et supporter des sur-coûts importants. Ces attaques ont entravé la
liberté de commerce et de navigation entre les Etats-Unis et l’Iran.
29.5. La Cour aura constaté que l’Organisation des Nations Unies, les Etats-Unis, d’autres
organisations internationales et d’autres pays tentèrent à de nombreuses reprises par la voie
diplomatique de persuader l’Iran de cesser ses attaques contre la navigation neutre. Ni ces
tentatives ni les opérations navales défensives entreprises par les Etats-Unis et d’autres pays avant
octobre 1987 ne parvinrent à protéger les navires américains contre les attaques iraniennes.
29.6. La Cour aura constaté enfin que l’Iran s’est servi de ses plates-formes pétrolières pour
repérer des cibles, coordonner et lancer à plusieurs reprises ses attaques contre la navigation neutre.
Au moment où les Etats-Unis lancèrent leurs opérations contre les plates-formes, celles-ci ne
participaient pas au commerce entre l’Iran et les Etats-Unis. Les actions contre les plates-formes
contribuèrent largement à mettre fin aux attaques de l’Iran contre les navires neutres des Etats-Unis
et d’autres pays, un résultat que pendant quatre ans aucune autre démarche n’avait permis
d’obtenir.
29.7. Les conclusions juridiques à déduire de ces faits peuvent elles aussi être résumées
brièvement.
29.8. Les attaques de l’Iran contre les navires neutres des Etats-Unis et d’autres pays
entravaient la liberté de commerce et de navigation entre l’Iran et les Etats-Unis, violant ainsi le
paragraphe 1 de l’article X du traité de 1955.
29.9. Puisque les actions illicites de l’Iran, et notamment sa violation du paragraphe 1 de
l’article X, étaient la cause directe des opérations menées par les Etats-Unis contre les
plates-formes pétrolières ¾ opérations que les actions illicites de l’Iran avaient rendues
nécessaires ¾ l’Iran ne saurait contester ces opérations en vertu de la disposition précise du traité
qu’il a violée.
29.10. Les opérations des Etats-Unis contre les plates-formes pétrolières ne violaient pas le
paragraphe 1 de l’article X du traité car elles ne constituaient pas une entrave à la liberté de
commerce, telle que définie par la Cour, entre les territoires de l’Iran et des Etats-Unis.
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29.11. Les attaques de l’Iran contre la navigation neutre menaçaient également les intérêts
vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité. Puisque les opérations contre les plates-formes
pétrolières étaient des mesures nécessaires pour protéger les intérêts vitaux des Etats-Unis sur le
plan de la sécurité, elles ne sont pas interdites par le traité. Elles constituaient également pour les
Etats-Unis un exercice licite de leur droit naturel de légitime défense.
29.12. La Cour n’aura pas manqué de constater que les éléments de fait de l’affaire sont très
simples. Cependant ils ne correspondent de toute évidence pas très bien aux moyens de droit
présentés par l’Iran. Comment l’Iran a-t-il essayé de résoudre ce problème en présentant ses
arguments à la Cour ? Il l’a fait essentiellement de trois manières. Premièrement, comme je l’ai
évoqué ce matin en ouvrant les exposés des Etats-Unis, l’Iran essaie d’appeler principalement
l’attention de la Cour sur des points qui ¾ qu’ils soient vrais ou faux ¾ n’ont aucune portée
juridique. Deuxièmement, l’Iran ne tient pas compte de faits essentiels, lorsque ceux-ci mettent à
mal sa position. Troisièmement, lorsqu’il se trouve finalement confronté à des faits qui
contredisent sa thèse, l’Iran persiste à dire qu’ils ne sont pas prouvés tant que toutes les autres
explications imaginables des événements n’auront pas été démenties catégoriquement.
29.13. Je ne répéterai pas ici la longue liste de faits infondés sur lesquels l’Iran a essayé
d’appeler l’attention de la Cour. J’ai passé en revue ce matin les plus importants d’entre eux.
29.14. Parmi les faits essentiels dont l’Iran ne tient pas compte figurent les rapports détaillés
publiés par un grand nombre d’organisations et de gouvernements au sujet des attaques de l’Iran
contre les navires neutres des Etats-Unis et d’autres pays dans le Golfe ¾ on en compta plus de
deux cents ¾ et les démarches diplomatiques des Etats-Unis visant à persuader l’Iran de cesser ses
attaques ¾ il y en eut cinq au cours des cinq mois qui ont précédé la première opération contre les
plates-formes pétrolières de l’Iran. C’est seulement en passant sous silence les attaques qu’il a
perpétrées et les nombreux efforts déployés pour les faire cesser de manière pacifique que l’Iran
peut donner l’impression que les intérêts vitaux des Etats-Unis sur le plan de la sécurité n’étaient
guère menacés dans le Golfe ou qu’il n’était pas nécessaire de faire usage de la force pour les
protéger. C’est seulement lorsqu’on ne tient pas compte de ces faits que les opérations des
Etats-Unis apparaissent comme des actes non provoqués visant à affaiblir la position de l’Iran dans
sa guerre contre l’Iraq. Or, c’est justement ce que fait l’Iran : il les ignore.
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29.15. Il existe toutefois certains faits patents que l’Iran ne saurait ignorer. L’Iran Ajr fut
arraisonné en train de mouiller des mines dans le Golfe. Des missiles iraniens furent aperçus tandis
qu’ils partaient de la région de Fao avant d’aller toucher le Sea Isle City le jour même où une
photographie satellite montre que les sites de lancement de missiles de l’Iran étaient bien
opérationnels. On découvrit des champs entiers de mines de l’Iran ¾ sa carte de visite ¾ à
l’endroit même où plusieurs navires des Etats-Unis heurtèrent des mines. Des documents, des
récits de témoins oculaires et le scénario des attaques montrent que les plates-formes pétrolières
étaient utilisées pour apporter un appui aux attaques de l’Iran contre les navires neutres des
Etats-Unis et d’autres pays. De hauts responsables iraniens firent des déclarations dans lesquelles
ils reconnaissaient la responsabilité de l’Iran dans les attaques et menaçaient d’en mener d’autres
par la suite. Le conseil de l’Iran, M. Momtaz, a écrit que l’Iran a mené des attaques contre la
navigation neutre. Comment l’Iran traite-t-il de ces faits ?
29.16. En pareilles circonstances, une manière de procéder en deux temps semble avoir sa
faveur. Tout d’abord, il met à contribution son imagination. Il fabule au sujet d’éventuelles autres
explications des événements observés. Certaines de ces affabulations sont véritablement
remarquables. L’Iran demande à la Cour de croire que le Iran Ajr transportait des mines, mais ne
les mouillait pas. La Cour a vu les photographies. L’Iran demande à la Cour de croire que l’Iraq a
lancé un missile depuis un site de lancement qui n’existait pas. Là encore, la Cour a vu les
photographies. Il demande enfin à la Cour de croire que l’ambassadeur norvégien transmettait des
rapports erronés à son ministère des affaires étrangères. Et ainsi de suite.
29.17. Or l’Iran ne se contente pas de simplement imaginer des scénarios improbables. En
effet, il exige ensuite des Etats-Unis qu’ils prouvent que ces scénarios sont impossibles. Nous
avons fait de notre mieux. Mais je souhaite rappeler à la Cour que les Etats-Unis se sont déjà
acquittés de la charge de la preuve s’agissant des faits cruciaux de l’espèce. Les Etats-Unis ne sont
pas obligés de prouver aussi que tout autre scénario susceptible d’être imaginé par l’Iran est
impossible. Avant de se prononcer, la Cour doit mettre en balance des preuves avec d’autres
preuves et non, comme le souhaiterait l’Iran, des preuves avec des conjectures.
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29.18. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, voilà ce que je voulais
préciser concernant les faits de l’espèce, les conclusions auxquelles la Cour doit parvenir et la
manière dont elle doit y parvenir. Les Etats-Unis estiment que la Cour en arrivera aisément à la
conclusion ¾ elle est de notoriété publique ¾ que l’Iran était responsable d’une série d’attaques
contre des navires neutres des Etats-Unis et d’autres pays dans le Golfe et que les Etats-Unis ont
fait usage de la force pour y mettre un terme. La Cour a entendu les arguments juridiques auxquels
on parvient en examinant les faits à la lumière des dispositions du traité et elle tranchera les
questions en litige de la manière qu’elle jugera la plus juste.
29.19. Outre leurs arguments juridiques fondés sur le traité, les deux Parties ont également
prié la Cour de tenir compte du fait que sa décision en l’espèce servira de référence dans les
situations où les Etats sont susceptibles de recourir à l’emploi de la force. Bien qu’il s’agisse là
d’un aspect important, nous devrions tout au long de notre réflexion garder à l’esprit que le traité
de 1955 n’est que l’une des composantes du système du droit international et certainement pas la
plus importante en ce qui concerne la réglementation de l’emploi de la force. En d’autres termes,
le fait que certains recours à l’emploi de la force peuvent ne pas constituer de violation du traité
de 1955 ne signifie pas que de tels recours ne soient pas soumis à d’autres contrôles, y compris les
mesures du Conseil de sécurité, auquel incombe la responsabilité permanente du maintien de la
paix et de la sécurité.
29.20. L’Iran ne comprend manifestement pas cela, si l’on en croit les sombres mises en
garde de son conseil, qui prévient la Cour que, si elle concluait que les Etats-Unis n’étaient pas
empêchés par le traité de 1955 de recourir à la force pour protéger leurs intérêts vitaux sur le plan
de la sécurité dans le contexte extraordinaire de la présente affaire, elle laisserait d’une certaine
manière toute latitude aux Etats-Unis pour se comporter en gendarme du monde. Le traité de 1955
ne permet visiblement rien de la sorte. En fait, le traité ne «permet» en aucune manière le recours à
la force. Le traité stipule que les mesures visant à protéger les intérêts vitaux sur le plan de la
sécurité, sans exclure celles impliquant l’emploi de la force en cas de nécessité, ne sont pas
interdites par les termes de ce seul traité. S’il n’existait pas ¾ et nombreux sont les Etats qui n’ont
pas conclu ce genre de traité ¾, la situation serait identique.
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29.21. Allons cependant un peu plus loin dans l’analyse du point de vue de l’Iran. Il va de
soi que nul ne voudrait d’un monde régenté par un gendarme autoproclamé qui ne tiendrait pas
compte des limites posées par le droit international. Personne ne souhaite jouer ce rôle, et ce
gendarme n’existe pas. Personne ne veut non plus d’un monde où les hors-la-loi peuvent sévir
impunément, d’un monde où les Etats sont incapables de protéger leurs intérêts vitaux sur le plan
de la sécurité contre les attaques d’autres Etats. L’Iran, qui a mené de telles attaques pendant
quatre années, demande à présent à la Cour de dire que le traité de 1955 empêchait les Etats-Unis
de se protéger. Il n’y a aucune raison de croire que les parties au traité avaient l’intention de
permettre un tel résultat. Les termes de l’article XX indiquent qu’elles ont veillé à ne pas en arriver
là.
29.22. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, malgré tout ce que vous avez
entendu sur la guerre Iran/Iraq, sur le droit de légitime défense de l’Iran durant cette guerre, et sur
les activités iraquiennes dirigées contre la navigation neutre dans le Golfe, les demandes qui vous
ont été soumises se limitent au traité de 1955.
29.23. Pour que l’Iran obtienne gain de cause à l’égard de sa demande sur la base du traité, la
Cour doit conclure trois choses :
¾ Premièrement, que le comportement illicite de l’Iran, y compris aux termes du traité de 1955,
qui a rendu nécessaires les mesures américaines en cause n’empêche pas l’Iran d’invoquer le
traité et de maintenir sa demande devant la Cour. Les Etats-Unis ont démontré que des
principes fondamentaux, comme ceux de réciprocité et d’ex injuria jus non oritur, font en fait
obstacle à la demande de l’Iran dans les circonstances exceptionnelles de l’affaire. L’Iran a
affirmé qu’en adoptant ce point de vue, la Cour ébranlerait d’autres régimes juridiques
internationaux, comme ceux des contre-mesures et du recours à la force, mais l’Iran n’a pas fait
front au plaidoyer des Etats-Unis en l’espèce pour que ces principes soient appliqués à son
propre comportement. La Cour devrait décider qu’elle peut et doit appliquer ces principes
fondamentaux d’équité dans les circonstances qui lui sont exposées.
¾ Deuxièmement, que l’Iran a prouvé que les Etats-Unis ont porté atteinte à la liberté de
commerce et de navigation entre les territoires des parties au sens du traité de 1955. L’Iran a
failli à la charge de la preuve sur ce point. Pour convaincre, l’Iran aurait dû prouver que le
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pétrole brut fourni par les plates-formes était un produit susceptible d’être exporté et que
l’action des Etats-Unis avait causé la destruction du pétrole brut ou des moyens destinés à le
transporter ou à le stocker. De plus, l’Iran aurait dû prouver que, à l’époque de l’action des
Etats-Unis, les plates-formes pétrolières étaient en fait affectées à l’exportation de pétrole brut
vers les Etats-Unis ¾ et non vers des Etats tiers ¾ de sorte que cette action aurait fait obstacle
à la liberté de l’Iran de se livrer à ce commerce. L’Iran n’a pas fourni la preuve de ces
deux points et sa demande devrait donc être rejetée pour cette raison.
¾ Troisièmement et dernièrement, pour se prononcer en faveur de l’Iran, la Cour devrait conclure
que les mesures prises par les Etats-Unis contre les plates-formes n’étaient pas nécessaires pour
protéger ses intérêts vitaux sur le plan de la sécurité. Si la Cour devait en l’espèce aboutir à
pareille conclusion, il s’agirait manifestement d’une erreur. Les Etats-Unis ont prouvé que
leurs navires avaient été attaqués par l’Iran durant la période en question et que l’Iran menait
des attaques contre d’autres navires neutres, menaçant ainsi des intérêts vitaux des Etats-Unis
sur le plan de la sécurité. Les Etats-Unis ont prouvé qu’ils avaient mis en œuvre tous les
moyens possibles, hormis l’emploi de la force, afin de mettre un terme à ces attaques
iraniennes, avant de recourir à la force. Les Etats-Unis ont prouvé que l’Iran utilisait ses
plates-formes pétrolières à des fins militaires offensives, et que les Etats-Unis en avaient
raisonnablement conclu que leurs mesures contre les plates-formes contribueraient à empêcher
d’autres attaques iraniennes. Les Etats-Unis ne sont pas tenus d’apporter d’autre preuve en
vertu du traité. En particulier, la Cour n’a nul besoin d’adopter ¾ et elle ne le devrait pas ¾
des théories abstraites sur la doctrine de la légitime défense, comme par exemple celle de l’Iran
selon laquelle il pourrait poser des champs de mines dans les eaux internationales en toute
impunité aussi longtemps qu’il le ferait à l’aveuglette.
29.24. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, pour les raisons invoquées,
les Etats-Unis estiment que vous devriez rejeter la demande de l’Iran.
29.25. En ce qui concerne la demande reconventionnelle des Etats-Unis, la tâche de la Cour
est encore plus simple.
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29.26. L’Iran ne semble pas persister à affirmer que le comportement des Etats-Unis les
empêche de porter leur grief devant la Cour. Quoi qu’il en soit, on ne saurait soutenir que les
principes de réciprocité et d’ex injuria jus non oritur sont applicables dans le cadre de la demande
reconventionnelle des Etats-Unis.
29.27. L’Iran n’a pas non plus affirmé que ses attaques contre les navires des Etats-Unis
avaient été nécessaires pour protéger ses intérêts vitaux sur le plan de la sécurité. Cet argument
serait, bien entendu, entré en contradiction avec son refus d’accepter la responsabilité de son
action, bien que je sois convaincu que la Cour ne se fait aucune illusion sur la responsabilité de
l’Iran à cet égard.
29.28. Par conséquent, la seule question qui se pose au sujet de la demande
reconventionnelle est de savoir si les Etats-Unis ont prouvé que l’Iran a porté atteinte à la liberté de
commerce et de navigation entre les territoires des deux parties au sens du traité de 1955. Je ne
répéterai pas les propos tenus par M. Murphy ce matin à ce sujet. Ce dernier a démontré qu’il
existait entre les deux Etats un commerce et une navigation importants qui ont été entravés par
l’action de l’Iran, au détriment des Etats-Unis et de leurs ressortissants. Les Etats-Unis estiment
avoir satisfait à la charge de la preuve en démontrant que l’action de l’Iran constituait une
infraction à ses obligations en vertu du traité.
29.29. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, à la lumière de ce qui
précède, les Etats-Unis présentent les conclusions suivantes :
29.30. Le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique prie respectueusement la Cour de dire
et juger :
1) que les Etats-Unis n’ont pas enfreint les obligations qui étaient les leurs envers la République
islamique d’Iran au titre du paragraphe 1 de l’article X du traité de 1955 entre les Etats-Unis et
l’Iran; et
2) que les demandes de la République islamique d’Iran doivent en conséquence être rejetées.
S’agissant de leur demande reconventionnelle, les Etats-Unis d’Amérique prient la Cour de
dire et juger :
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1) une fois rejetée toute conclusion en sens contraire, qu’en attaquant les navires dans le Golfe en
recourant à des mines et à des missiles et en menant d’autres actions militaires dangereuses et
nuisibles pour le commerce et la navigation entre les territoires des Etats-Unis et de la
République islamique d’Iran, celle-ci a enfreint les obligations qui étaient les siennes envers les
Etats-Unis au titre du paragraphe 1 de l’article X du traité de 1955; et
2) que la République islamique d’Iran est en conséquence tenue de réparer intégralement le
préjudice qu’elle a causé aux Etats-Unis par sa violation du traité de 1955, selon les formes et
pour un montant qui seront déterminés par la Cour à un stade ultérieur de l’instance.
Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, voilà qui conclut les plaidoiries des
Etats-Unis dans la présente affaire. Je vous remercie infiniment.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Taft. La Cour prend acte des conclusions finales que
vous avez lues au nom des Etats-Unis d’Amérique. Voilà qui termine le second tour de plaidoiries
des Etats-Unis. Les plaidoiries reprendront vendredi prochain 7 mars de 10 heures à 11 h 30 pour
entendre la République islamique d’Iran sur la demande reconventionnelle des Etats-Unis. La
séance est levée.
L’audience est levée à 16 h 35.
___________

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