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YBH
CR 2002/42 (traduction)
CR 2002/42 (translation)
Mercredi 6 novembre 2002 à 10 heures
Wednesday 6 November 2002 at 10 a.m.
- 2 -
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La séance est ouverte pour le deuxième tour de
plaidoiries de la République fédérale de Yougoslavie et je donne immédiatement la parole au
professeur Tibor Varady, agent de la République fédérale de Yougoslavie. Vous avez la parole.
M. VARADY : Je vous remercie, Monsieur le président.
1.1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, pour commencer permettez-moi de dire
quelques mots sur l’introduction présentée hier par nos éminents collègues, dont les plaidoiries
nous ont replongés dans ce drame que fut le conflit de 1992-1995.
Mon propos n’est pas d’évoquer ¾ et encore moins de contester ¾ l’importance ou
l’ampleur des souffrances endurées. Mais ce qu’on peut dire, et d’ailleurs ce qu’il faut dire, c’est
qu’aucun jugement, national ou international, n’a constaté de génocide commis par un citoyen de la
République fédérale de Yougoslavie (RFY). Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY) a bien constaté un génocide à Srebrenica, et a établi la responsabilité d’un général de
l’armée serbe de Bosnie. L’affaire est en appel. La vérité est aussi qu’une enquête plus
approfondie sur les événements de Srebrenica, celle qui a été réalisée par le Netherlands Institute
for War Documentation, a conclu à une non-participation yougoslave. D’après cette enquête :
«Rien ne porte à croire qu’il ait existé le moindre lien politique ou militaire avec Belgrade, et dans
le cas des massacres à grande échelle un tel lien est hautement improbable.1
» [Traduction du
Greffe.]
Que Sarajevo et Srebrenica restent des symboles de destruction gratuite, cela ne fait aucun
doute. Que la grande majorité des victimes fût musulmane, c’est-à-dire bosniaque, cela ne fait
aucun doute. Cependant, il est prématuré de considérer que la responsabilité peut être
définitivement attribuée.
1.2. J’ajouterai également que nous avons tenté de vérifier ce que dit le défendeur au sujet de
la «déclaration» que le président Koštunica aurait faite le 16 septembre 1994. En essayant de créer
un lien entre la présidence actuelle de la RFY et le siège de Sarajevo, l’agent adjoint du défendeur a
dit ¾ je cite :

1
NIOD, Srebrenica Report, Epilogue, p. 20, disponible sur le site
http://www.srebrenica.nl/en/content/content_epiloog.htm.
- 3 -
«Le 16 septembre 1994, …, M. Koštunica, l’actuel président de la Yougoslavie,
qui vient de recevoir la majorité des suffrages en tant que candidat à la présidence de
la Serbie, et qui aurait déclaré à l’époque, en regardant Sarajevo à partir de la ligne de
front serbe : «ici nous pouvons voir à quoi devraient ressembler les futures frontières
de la Serbie»2
.
Notre contradicteur n’a donné aucune référence à l’appui de cette allégation. Nous l’avons
vérifiée et avons établi que M. Koštunica n’a jamais tenu les propos que l’agent adjoint de la
Bosnie-Herzégovine lui a prêtés.
1.3. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je répète que je ne peux pas ¾ et que je ne
veux pas ¾ contester ni minimiser la souffrance de qui que ce soit. Je sais aussi, tout comme les
conseils de la Bosnie-Herzégovine, que les souffrances du peuple bosniaque ont pris des
proportions spectaculaires pendant la guerre. Mais cela relève du fond. Ce qui nous intéresse à ce
stade, c’est une demande en revision de l’arrêt que la Cour a rendu en 1996 sur sa compétence.
1.4. Je m’arrête sur certaines questions préliminaires et je dirai quelques mots de la
prétendue stratégie dilatoire que l’on reproche à la RFY.
Si tout ce que la RFY peut effectivement faire, c’est retarder la procédure, cela voudrait dire
que la position du demandeur est faible, et que celle du défendeur est forte. C’est évidemment à la
Cour qu’il appartient de peser les points forts et les points faibles de la position de chaque Partie.
Mais je tiens cependant à ce que les choses soient claires : nous ne cherchons pas à retarder la
procédure. Nous sommes convaincus que la Cour n’est pas compétente en l’affaire, et nous
croyons fermement que les conditions exigées par l’article 61 du Statut aux fins d’une revision sont
remplies. Voilà pourquoi la RFY a déposé sa demande en revision.
1.5. Mais examinons les faits et la chronologie.
¾ Le 5 octobre 2000, des centaines de milliers de manifestants mettent fin au régime de
MiloševiÁ, le forçant à admettre les résultats des élections présidentielles. M. Koštunica
devient président de la RFY à la place de M. MiloševiÁ.
¾ Un nouveau Gouvernement yougoslave est constitué le 3 novembre 2000.
¾ De nouvelles élections ont lieu en Serbie le 23 décembre 2000.
¾ Après les élections, un nouveau Gouvernement serbe est constitué le 25 janvier 2001. C’est à
ce moment qu’une nouvelle administration est constituée à tous les niveaux pertinents.

2
CR2002/41, p. 12, par. 3 (Phon van den Biesen).
- 4 -
¾ Le 18 janvier 2001, la RFY demande que toutes les instances qu’elle a introduites devant la
Cour internationale de Justice soient suspendues ou reportées à une date ultérieure. Dans la
même lettre, le ministre, M. SvilanoviÁ, indique qu’un nouvel agent a été désigné. Le report
des instances est accordé. Cependant, dans l’affaire qui l’oppose à la Bosnie-Herzégovine, la
RFY dépose une demande en revision au motif de faits découverts récemment au lieu de tirer
parti du report qui lui est accordé.
¾ Le 26 janvier 2001, le nouveau ministre des affaires étrangères de Yougoslavie désigne
officiellement l’agent du nouveau gouvernement de la RFY aux fins de l’affaire
Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie  désignation dont le greffier prend acte dès le
29 janvier 2001.
¾ La demande reconventionnelle est retirée le 20 avril 2001.
¾ La demande en revision est déposée le 23 avril 2001.
¾ La Bosnie demande la prorogation au 2 août 2001 du délai qui lui est imparti pour le dépôt de
ses observations écrites.
¾ La RFY déclare le 17 août 2001 qu’elle ne voit pas d’objection à cette prorogation.
¾ Le 21 août 2001, le délai pour le dépôt des observations écrites de la Bosnie-Herzégovine est
prorogé jusqu’au 3 décembre 2001.
¾ Après avoir reçu les observations écrites de la Bosnie-Herzégovine, la RFY propose un autre
échange de conclusions écrites. Cet échange est refusé et la présente procédure orale est
organisée à la place.
1.6. Cet enchaînement de démarches procédurales est tout à fait normal. Je dirai aussi que
les nouveaux responsables en RFY  lesquels n’ont pris leurs fonctions qu’à la fin de l’an 2000 
étaient face à une tâche énorme, après plus de dix ans d’isolement et de déclin. Pourtant, ils ont
ouvert très rapidement le dossier des affaires pendantes devant la Cour internationale de Justice.
1.7. Le défendeur a également insinué que cette demande en revision était une sorte de
«trahison» par rapport aux espoirs qu’on avait de parvenir à un règlement à l’amiable. Vraiment,
nous voyons mal pourquoi. Je ne vois pas pourquoi il serait plus difficile de négocier un règlement
- 5 -
amiable alors que l’instance relative à la question de la compétence est toujours pendante. De toute
façon, la RFY a bien essayé, à plusieurs reprises, de parvenir à un règlement amiable : jusqu’ici, la
réaction a toujours été négative. La RFY est prête à reprendre les négociations à tout moment, et je
dis bien à tout moment, que ce soit ou non de sa propre initiative.
1.8. Dans ce contexte général, une autre question se pose. L’agent et l’agent adjoint de la
Bosnie-Herzégovine ont laissé entendre qu’une «issue favorable» sur le fond, dans l’instance
intentée par la Bosnie contre la Yougoslavie, c’est-à-dire un arrêt qui dirait la RFY coupable de
génocide, permettrait aux deux Etats de «vivre en bonne intelligence, comme de bons voisins»3
et
que cela «apportera[it] un formidable soutien au très difficile processus de réconciliation
actuellement en cours au sein même de la Bosnie»4
.
Je dis respectueusement que c’est bien difficile à croire. Il est difficile de croire que des
années de procédure sur le fond, avec des centaines de témoins, d’accusations et de récriminations,
de heurts et de divergences de vues sur des tragédies puissent contribuer à renforcer le fragile
modus vivendi qui s’est instauré entre les groupes ethniques en Bosnie.
J’ajouterai que dans le cadre d’une éventuelle procédure sur le fond devant la Cour, la
culpabilité ou l’innocence ne sera établie qu’en ce qui concerne le génocide, ce qui ne peut guère
donner de réponse à tous les griefs ¾ et peut encore moins sceller la réconciliation.
1.9. En outre, il ne faut pas oublier que cette affaire ne s’articule pas autour des mêmes
lignes que le conflit proprement dit. Les lignes de partage du conflit étaient véritablement des
lignes de partage ethnique. Après l’accord de paix de Dayton, d’anciens adversaires sont devenus
citoyens du même Etat, lequel comprend deux entités : la Fédération, créée pour répondre aux
aspirations légitimes des Bosniaques et des Croates, et la République de Serbie (la
«Republika Srpska»). Dans cette affaire, la RFY est accusée d’avoir «apporté un appui ou

3
CR 2002/41, p. 11, par. 15 (SoftiÁ).
4
CR 2002/41, p. 11, par. 16 (SoftiÁ).
- 6 -
encouragé» les Serbes de Bosnie à commettre des actes interdits par la convention sur le génocide5
. Il
est bien difficile de trouver là «un formidable soutien au très difficile processus de réconciliation
actuellement en cours au sein même de la Bosnie»6
.
1.10. On peut être certain qu’une «issue favorable» à la Bosnie compromettrait sérieusement
le processus de réconciliation vu certaines des demandes précises que la Bosnie-Herzégovine a
formulées. En dépit du fait que la «Republika Srpska» est l’une des deux entités légitimes de l’Etat
de Bosnie-Herzégovine tel que celui-ci a été créé par l’accord de Dayton, la Bosnie prétend, dans la
réplique qu’elle a déposée le 23 avril 1998, que «la création de la «Republika Srpska» a été
imposée par l’emploi de la force et par le génocide»7
. Plus loin dans la même réplique, il est dit
«[qu’]il apparaît clairement que la «Republika Srpska» est le produit à la fois de l’emploi illicite de
la force et du génocide, c’est-à-dire de méthodes manifestement contraires aux principes qui
interdisent à la fois l’emploi de la force dans les relations internationales et le génocide»8
.
1.11. C’est plutôt par le biais de la responsabilité individuelle que l’on a plus de chances de
parvenir à la réconciliation et la justice.
Je vous prie, Monsieur le président, d’appeler à la barre M. Vladimir DjeriÁ, qui traitera
précisément de cette question. Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie Monsieur l’agent. Je donne maintenant la parole à
M. Vladimir DjeriÁ.
M. DJERIC : Je vous remercie, Monsieur le président.
1.12. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, hier, les représentants de la
Bosnie-Herzégovine vous ont remémoré la guerre en Bosnie-Herzégovine et les tragiques
événements qui se déroulèrent à cette époque. Les événements furent en effet tragiques et des

5
MBH du 15 avril 1994, par. 1.3.0.5.
6
CR 2002/41, p. 11, par. 16 (SoftiÁ).
7 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), réplique de la Bosnie-Herzégovine, p. 789, par. 82.
8 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie), réplique de la Bosnie-Herzégovine, p. 794, par. 96.
- 7 -
violations massives des droits de l’homme et du droit humanitaire eurent bel et bien lieu. Pour le
moins, la tragédie et les souffrances de Srebrenica et de Sarajevo sont au-delà des mots et ne
sauraient être trop soulignées.
1.13. En 1992, je faisais partie de milliers de citoyens de Belgrade qui sont descendus dans la
rue pour protester contre la guerre en Bosnie et le siège de Sarajevo. Tant en Bosnie qu’en RFY, il
y avait ceux qui étaient contre la guerre et ceux qui étaient pour.
1.14. Mais tel n’est pas l’objet de la présente instance. L’objet de cette procédure est la
question juridique de savoir si la Cour doit, à la lumière de faits récemment découverts, ouvrir son
arrêt de 1996 à la revision.
1.15. Or, les représentants de la Bosnie-Herzégovine ont utilisé une grande partie de leur
temps pour parler de l’importance de la procédure sur le fond, dans l’affaire relative à l’Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.
Yougoslavie). L’agent de la Bosnie-Herzégovine a déclaré hier que la poursuite de l’instance
rétablira la vérité et que l’affaire «mettra en lumière la véritable nature des atrocités commises à
l’encontre de la population non serbe de Bosnie-Herzégovine»9
.
1.16. Encore une fois, il ne s’agit pas là de l’objet de la présente instance. Mais quoi qu’il en
soit, pour revenir à l’affirmation de la Bosnie-Herzégovine, seules les procédures pénales contre les
personnes constituent une voie juridique adaptée pour «rétablir la vérité». En outre, seuls les
tribunaux pénaux nationaux et internationaux possèdent les instruments appropriés et grandement
nécessaires pour traiter les éléments de preuve, pour interroger des centaines de témoins et pour
établir toute la vérité. Il suffit de visiter le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY), ici à La Haye, pour voir les rouages institutionnels et les vastes ressources qui sont
nécessaires pour conduire de telles instances. Enfin, les procédures pénales nationales et
internationales contre les personnes constituent la seule voie possible pour établir la responsabilité
pénale ¾ qui ne peut être qu’individuelle ¾ et par là, pour rendre la justice.

9
CR 2002/41, p. 10, par. 13 (SoftiÁ).
- 8 -
1.17. Monsieur le président, sans vouloir porter un jugement ou prendre position sur la
situation en Bosnie-Herzégovine, on ne peut s’empêcher d’observer que l’existence de ce procès a
soulevé un important débat, et plus qu’un débat, en Bosnie-Herzégovine même. Ce procès semble
être une charge supplémentaire qui pèse sur la délicate structure politique de la
Bosnie-Herzégovine, plutôt qu’un soutien au processus de réconciliation comme l’a estimé hier
l’agent de la Bosnie-Herzégovine.
1.18. Dans le même temps, un encouragement et un appui importants au processus de
réconciliation sont venus de ce que la RFY considère comme le cadre approprié pour établir la
responsabilité en matière de violations du droit humanitaire international. Ainsi, l’un des plus
hauts dirigeants des Serbes de Bosnie pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine,
Mme Biljana PlavsiÁ, a conclu un arrangement avec le procureur du TPIY et a plaidé coupable
pour crimes contre l’humanité devant ce même tribunal. Au même moment, une importante
déclaration a été faite en son nom, et je cite :
«En acceptant sa responsabilité et en exprimant pleinement et de manière
inconditionnelle ses remords, Mme PlavsiÁ espère offrir quelque consolation aux
innocentes victimes ¾ musulmanes, croates et serbes ¾ de la guerre en
Bosnie-Herzégovine. Mme PlavsiÁ invite d’autres personnes, en particulier d’autres
dirigeants, de toutes les parties au conflit, à procéder à l’examen de leur conscience et
de leur propre conduite.
L’aveu de sa culpabilité par Mme PlavsiÁ a un caractère individuel et personnel.
La responsabilité juridique ne peut être portée par des personnes que de manière
individuelle, sur la base de leurs actes et de leur conduite personnels.»10
[Traduction
du Greffe.]
1.19. Il ne fait aucun doute que le processus de réconciliation commence dans le cadre de la
responsabilité pénale individuelle, et que seules des sanctions pénales à l’encontre des personnes
responsables ouvriront la voie à une réconciliation pleine et véritable.
1.20. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, l’agent de la Bosnie soutient encore que
le procès à l’encontre de la RFY «ouvrira la voie à un nouveau chapitre des relations entre les
deux Etats». Je dois admettre que je ne suis pas vraiment sûr du sens à donner à cette affirmation.
Un nouveau chapitre des relations entre la Bosnie-Herzégovine et la RFY a déjà été ouvert il y a
deux ans, quelques semaines à peine après la fin du régime de MiloševiÁ. Ce fait a été confirmé il

10 Déclaration faite au nom de Biljana PlavsiÁ, La Haye, le 2 octobre 2002, disponible sur :
www.un.org/icty/pressreal/p697-e.htm
- 9 -
y a moins de deux semaines, lors de la visite de l’ambassadeur yougoslave à la présidence de la
Bosnie-Herzégovine à Sarajevo, et je vais citer maintenant la déclaration émise à cette occasion par
la présidence de la Bosnie-Herzégovine, déclaration que nous avons traduite en anglais :
«L’évolution positive de nos relations a été soulignée par les deux parties, et
s’exprime par la création d’un conseil de coopération entre nos deux Etats…
Jusqu’à maintenant, huit traités et accords ont été signés au total par la RFY et
la Bosnie-Herzégovine, ce qui peut être considéré comme un bon succès pour le
renforcement des relations entre les deux pays.»11
[Traduction du Greffe.]
1.21. Au-delà de cette déclaration sans équivoque, je puis vous assurer que le maintien de
bonnes relations avec la Bosnie-Herzégovine, figure parmi les priorités de la RFY en matière de
politique étrangère, indépendamment de l’affaire pendante devant la Cour. Naturellement, cette
affaire ne contribue certainement pas à l’amélioration de ces relations, mais elle ne les a pas non
plus aggravées. L’unique problème est que l’existence de ce litige a été préjudiciable à la situation
politique et à la stabilité intérieures de la Bosnie-Herzégovine, questions qui ne sont, bien entendu,
pas l’objet de nos débats aujourd'hui.
1.22. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, le siège de Sarajevo et le massacre de
Srebrenica sont manifestement des crimes odieux. Cela ne fait aucun doute. M. van den Biesen
faisait référence hier à des actes d’accusation pendants devant le TPIY concernant les atrocités qui
ont eu lieu pendant la guerre de Bosnie. Cet argument a été utilisé pour laisser entendre que la
RFY est responsable de ces événements, et ces actes d’accusation et leur qualification en droit ont
été présentés comme des vérités établies. Ceci est bien entendu inexact.
1.23. Je souhaite tout d’abord souligner le fait que les actes d’accusation ne sont que cela
¾ des actes d’accusation ¾, et qu’ils ne sont pas des jugements définitifs, établissant des faits et
ce qui s’est réellement passé. Par exemple, M. van den Biesen a cité l’acte d’accusation de
Mme PlavsiÁ ¾ je viens de la mentionner ¾ et, contrairement à ce qu’il indiquait, un arrangement
a entre temps été conclu, en vertu duquel le chef d’accusation de génocide à l’encontre de
Mme PlavsiÁ a été retiré, en échange d’un plaidoyer de culpabilité de crime contre l’humanité.

11 Ambassador SR Jugoslavije u Predsjednistvu BiH [L’ambassadeur de la RFY à la présidence de la
Bosnie-Herzégovine], communiqué de presse du 22 octobre 2002, disponible sur :
http ://www.predsjednistvobih.ba/saop/default.aspx?cid=413&lang=bs
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1.24. Le contenu des actes d’accusation ne peut donc être pris comme un fait établi, puisque
les actes d’accusation peuvent manifestement toujours être modifiés. Enfin, et surtout, si le
contenu des actes d’accusation devait être considéré comme fait établi, quel besoin y aurait-il de
garantir à l’accusé le droit de se défendre et, aspect plus important encore, quel besoin y aurait-il de
statuer en justice ?
1.25. Monsieur le président, la Bosnie-Herzégovine a passé une grande partie de son temps,
hier, à montrer que la RFY ne respectait pas ses obligations internationales et qu’elle ne coopérait
pas avec le TPIY. La Bosnie-Herzégovine invoque l’accord de paix de Dayton pour dire que la
RFY a l’obligation de coopérer avec le TPIY. A ce sujet, je souhaite souligner que la RFY, en
qualité de Membre de l’Organisation des Nations Unies, ainsi qu’en vertu de sa propre
Constitution, a une obligation non ambiguë de coopération et que la RFY coopère effectivement
avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Nous croyons fermement que toutes
les personnes responsables de crimes internationaux commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie
doivent être traduites en justice et que le TPIY joue un rôle décisif à cet égard.
1.26. Il est vrai que le président du TPIY a officiellement notifié au Conseil de sécurité
l’existence d’un manque de coopération de la part de la RFY. La RFY admet aussi qu’il existe des
difficultés et des retards dans la coopération. Ce fut le cas, à plusieurs reprises, pour tous les Etats
issus de l’ex-Yougoslavie. La tâche de coopération est nouvelle et elle n’est pas facile. Elle est
parsemée de difficultés politiques et de problèmes juridiques qui apparaissent en chemin. Mais
l’important est le caractère fort et indubitable de l’engagement de la RFY à honorer ses obligations
internationales.
1.27. Aussi, la RFY a livré au Tribunal son ancien chef d’Etat, M. MiloševiÁ, et elle a amené
un autre ancien chef d’Etat à témoigner dans la même affaire. La RFY a également remis au
Tribunal quelques-uns de ses anciens chefs militaires et hauts dirigeants, par exemple l’ancien chef
d’état-major de l’armée de Yougoslavie, ainsi que l’ancien vice-premier ministre de la Fédération.
Des tribunaux de la Yougoslavie ont délivré des mandats d’arrêt pour dix-sept autres accusés dont
- 11 -
le TPIY demande l’arrestation et dont on pense qu’ils sont sur le territoire de la RFY. En outre, la
RFY coopère avec le TPIY par d’autres voies ¾ à titre d’exemple, la RFY a fourni au procureur du
TPIY une aide efficace afin de retrouver des témoins et des suspects, de les interroger et d’obtenir
des témoignages de leur part.
1.28. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, la guerre en Bosnie-Herzégovine fut un
événement tragique et pénible. Nous nous efforçons toujours de faire face au lourd fardeau et aux
séquelles de cette guerre ainsi que d’autres guerres qui se sont déroulées sur le territoire de
l’ex-Yougoslavie. Mais je suis heureux de dire que nous constatons des progrès, et comme
M. Varady l’indiquait hier, l’impunité n’est plus de mise pour les auteurs de crimes.
1.29. Nous avons pensé qu’il était nécessaire de donner notre opinion sur les questions
soulevées par l’agent et l’agent adjoint de la Bosnie-Herzégovine. Nous avons considéré qu’il
s’agissait de points importants à préciser, bien qu’ils ne soient pas réellement liés à la présente
instance en revision. Il est peut-être temps, maintenant, d’examiner à nouveau le fond de la
présente affaire. Je vous remercie de votre attention et, Monsieur le président, auriez-vous
l’amabilité de demander à M. Varady de poursuivre maintenant notre exposé. Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur DjeriÁ. Je redonne la parole à
M. le professeur Tibor Varady, agent pour la République fédérale de Yougoslavie.
M. VARADY :
2.1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, si vous le voulez bien, j’examinerai
maintenant ce qui est au cœur même de l’affaire : la question de savoir si la demande en revision de
la RFY est recevable sous l’angle de l’article 61 du Statut de la Cour. Nous voulons également
accorder l’attention qu’ils méritent aux points qu’a soulevés la Partie adverse pour réfuter nos
arguments. Je dois dire cependant qu’une bonne partie de ce qui fut dit hier contredisait des
arguments que nous n’avions pas formulés ¾ voire des arguments contraires aux nôtres.
- 12 -
2.2. Je voudrais signaler par exemple que, dans sa conclusion, M. Pellet déclare que «le «fait
nouveau» [que la Yougoslavie] invoque à l’appui de sa demande ne répond nullement aux
exigences de l’article 61 du Statut; il est postérieur à l’arrêt dont la revision est demandée…»12
Il y a dû y avoir un malentendu ici, parce que les faits que nous invoquons sont les suivants :
la RFY n’était pas partie au Statut au moment où l’arrêt fut rendu (moment qui ne peut assurément
pas être «postérieur à l’arrêt»), et la RFY ne restait pas liée par la convention sur le génocide en
assurant la continuité de la personnalité de l’ancienne Yougoslavie (un fait qui n’est pas davantage
postérieur à l’arrêt). Le défendeur voulait probablement parler de l’admission à l’Organisation des
Nations Unies, mais il ne s’agit pas là du fait nouveau invoqué par la RFY.
2.3. Dans cette même conclusion, toujours au paragraphe 68, M. Pellet affirme, en faisant
manifestement référence au fait nouveau, qu’«il n’a, au surplus, aucun effet rétroactif ou
rétrospectif…»13 Or, la RFY n’a jamais prétendu ni même considéré que le fait nouvellement
découvert aurait ou pourrait avoir un effet rétroactif.
2.4. Il est indéniable, Monsieur le président, qu’il s’agit d’une affaire extrêmement
compliquée, et je pense que des éclaircissements seront les bienvenus. Si vous le voulez bien, je
vais préciser une fois de plus la position de la RFY en répondant aux observations de nos
adversaires.
La ratio decidendi de l’arrêt de 1996
2.5. Nul ne conteste que la Cour a estimé n’être «compétente pour connaître de l’affaire que
sur la base de l’article IX de la convention sur le génocide»14. La question s’est posée de savoir sur
quelle base se fondait véritablement cette conclusion juridique. Autrement dit, quelle était
l’interprétation des faits que la Cour avait prise en considération pour parvenir à cette conclusion.
A notre sens, la Cour a postulé que la RFY restait liée par la convention sur le génocide car elle

12 CR 2002/41, p. 55, par. 68 (Pellet).
13 Ibid.
14 Affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), arrêt, C.I.J. Recueil 1996, p. 595, par. 41.
- 13 -
assurait la continuité de la personnalité de l’ancienne Yougoslavie. Postulat en tout cas
parfaitement conforme à ce que dit l’arrêt. Nous avons également démontré que c’était la seule
base de compétence que la Cour a retenue ¾ et d’ailleurs la seule possible.
2.6. Dans ses plaidoiries d’hier, le défendeur a évoqué de nouveau l’argument de la
succession automatique. Il a également évoqué des allégations antérieures à l’arrêt de 1996
consistant à dire que la RFY aurait acquiescé à la compétence de la Cour sur la base de l’article IX.
Il est évident que ces allégations ne sont pas pertinentes, et certainement pas à ce stade de la
procédure, car la Cour a examiné ces bases possibles et a décidé de ne pas les retenir15
.
Nos adversaires en ont d’ailleurs convenu. M. Pellet a ainsi estimé que ces questions
n’avaient pas été réglées, laissant entendre que la Cour pourrait y revenir lors de la revision de
l’arrêt16
.
2.7. Le défendeur affirme en outre que c’est la déclaration faite en 1992 par la RFY qui
permet de conclure que cet Etat était lié par la convention sur le génocide. Mais il ne précise pas
comment la déclaration ou la note pourraient conduire à cette conclusion. Un Etat ne peut se lier
par un traité que par le biais de formalités conventionnelles. Or, le défendeur ne prétend pas que la
déclaration ou la note aient constitué des formalités de ce type.
Pour essayer de compliquer une question pourtant assez simple, le défendeur soutient en
outre que la RFY a pris des engagements en faisant cette déclaration, que ces engagements ne
pouvaient pas être conditionnels et qu’elle ne pouvait y déroger rétroactivement. La RFY n’a
jamais prétendu avoir pris des engagements par le biais de la déclaration ou de la note, et encore
moins que ces engagements fussent conditionnels ou qu’elle devait y déroger rétroactivement.
2.8. La RFY a déjà démontré que la déclaration et la note n’étaient pas censées être des
formalités conventionnelles, et qu’elles n’auraient d’ailleurs pu l’être; elles n’ont pas davantage été
considérées comme telles ni par le dépositaire ni par la Cour.

15 Affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), arrêt, C.I.J. Recueil 1996, p. 620-621, par. 40-41.
16 CR 2002/41, p. 51-53, par. 55, 56 et 62 (Pellet).
- 14 -
2.9. Dans la note, la RFY confirme son «attachement plein et entier» à la Charte des
Nations Unies en disant : «la République fédérale de Yougoslavie, en tant que Membre fondateur
de l’Organisation des Nations Unies, reconnaît son attachement plein et entier à l’Organisation, à la
Charte des Nations Unies…»17
2.10. La situation est claire : pas plus la déclaration que la note ne visaient à créer des
engagements ¾ elles n’étaient pas de nature à en créer, et elles n’en ont pas créé. Leur objet était
seulement de faire savoir que la RFY assurait la continuité de la personnalité de l’ancienne
Yougoslavie. Le fait étant posé comme tel, la RFY doit logiquement reconnaître qu’elle est liée
par la Charte des Nations Unies et qu’elle est également liée par les engagements conventionnels
contractés par l’ancienne Yougoslavie. Mais la base de cet engagement n’est assurément pas la
déclaration.
2.11. La RFY n’a certainement pas prétendu que la déclaration ou la note lui donneraient la
qualité de Membre des Nations Unies ou de partie à des traités. Ainsi que le précise le dépositaire :
«Cela étant, la Yougoslavie a fait savoir au Secrétaire général, le 27 avril 1992,
qu’elle entendait assurer la continuité de la personnalité juridique internationale de
l’ex-Yougoslavie. En conséquence, elle revendiquait la qualité de membre des
organisations internationales dont l’ex-Yougoslavie avait fait partie. De même, elle
affirmait que tous les actes effectués par l’ex-Yougoslavie à l’égard de divers traités
devaient être attribués directement à la Yougoslavie, car il s’agissait du même Etat.»
18
(Dossier d’audience, onglet 3, page 2; les italiques sont de nous.)
2.12. Nous répétons : la déclaration tout comme la note étaient des prises de position
politiques proclamant l’identité. Cette affirmation d’identité a donné l’impression que la RFY était
restée Membre des Nations Unies, et qu’elle restait partie au Statut et à d’autres traités.
L’affirmation d’identité (c’est–à–dire la continuité de la personnalité) revient à confirmer un état de
choses tel qu’il est perçu et ne prétend pas créer d’engagements, de droits ni d’obligations.
2.13. Cela étant éclairci, il devient clair aussi que l’allégation du défendeur relative à un
éventuel «engagement conditionnel» est hors de propos. Le défendeur a affirmé dans ses
observations écrites ¾ et répété dans ses plaidoiries ¾ que la Yougoslavie cherchait «aujourd’hui»
à rendre «rétroactivement … purement conditionnel» son engagement (à être liée par les mêmes

17 Ibid.
18 Voir «Traités multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général, informations de nature historique» :
http://untreaty.un.org/FRENCH/bible/frenchinternetbible/historicalinfo…; les italiques sont de nous.
- 15 -
conventions internationales que la RFSY). Pour le défendeur, la condition en question correspond
à «la reconnaissance par les autres parties à ces traités de sa qualité de successeur unique de la
RFSY»19. Telle étant l’hypothèse, le défendeur conclut en disant que cette prétendue position qu’il
attribue à la RFY n’est nullement fondée en droit20
.
2.14. Mais ce qui compte ici, c’est que l’allégation et l’interprétation du défendeur n’ont rien
à voir avec la réalité. Pour commencer, les éléments qui fondent cette interprétation sont fictifs.
Pas plus la déclaration que la note ou la demande en revision ne parlent d’«engagement
conditionnel»; la RFY n’emploie pas davantage la formule «successeur unique». Mais là encore, et
c’est plus important, la déclaration et la note n’étaient tout simplement pas des documents
susceptibles de créer un quelconque engagement. Ils n’étaient pas censés créer d’engagements
conventionnels, et n’avaient d’ailleurs pas le caractère voulu à cette fin. Les seuls «engagements»
visés expressément dans ces documents sont ceux de l’ancienne Yougoslavie. La position de la
RFY ne consistait certainement pas à dire : nous respecterons les obligations conventionnelles de la
RFSY si les autres Etats acceptent la RFY comme le «successeur unique» de l’ancienne
Yougoslavie. Il n’a pas été posé de condition, et le sentiment n’était pas que la RFY avait le choix
entre assumer ou ne pas assumer des engagements, tout comme elle n’avait pas le choix entre être
ou ne pas être Membre de l’Organisation des Nations Unies ou d’autres organisations
internationales, à moins, bien évidemment, de renoncer à sa qualité de Membre ou de dénoncer tel
ou tel autre traité.
2.15. La déclaration et la note ne visaient pas à créer de nouveaux engagements ni à créer de
nouveaux faits, mais partaient du principe que la RFY ¾ en assurant la continuité de la
personnalité de l’ancienne Yougoslavie ¾ restait Membre des Nations Unies et restait partie aux
traités conclus par l’ancienne Yougoslavie. C’est cette vision des faits qui ressort de la façon dont
le dépositaire traite la Yougoslavie avant le 1er novembre 2000. L’arrêt du 11 juillet 1996 se fonde
également sur cette même interprétation. Considérer que la RFY assurait la continuité de la
personnalité de l’ancienne Yougoslavie était la seule manière possible de lier la RFY à l’article IX
de la convention sur le génocide.

19 Observations écrites du 3 décembre 2001, par. 2.22.
20 Ibid.
- 16 -
La question de la «modification rétroactive»
2.16. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, au paragraphe 1.4 de ses observations
écrites, la Bosnie-Herzégovine déclare, à propos des conclusions de la Cour sur sa compétence à
l’égard de la RFY, que ces conclusions «ne sauraient être modifiées rétroactivement»21. Et elle l’a
répété lors de ses plaidoiries. Or, si cette affirmation était exacte, la revision n’existerait tout
simplement pas en tant que voie de recours. L’essence même de la revision est bien évidemment
de donner à la Cour la possibilité de modifier, à la lumière de nouveaux faits décisifs, ce qu’elle
estimait être juste au moment de l’arrêt. D’ailleurs, l’un des préalables à la recevabilité d’une
demande en revision est précisément que le fait nouvellement découvert soit susceptible de
modifier les conclusions de la Cour. Autrement, il ne serait pas décisif. Lors de l’examen de la
demande en revision présentée par la Tunisie contre la Libye, la Cour a estimé que le fait nouveau
n’était pas décisif car il «n’aurai[t] pas changé [sa] décision…»22 Une revision n’aurait pas de
sens, et n’existerait d’ailleurs pas en tant que voie de recours, si la Cour n’avait pas la possibilité de
modifier ses conclusions quand elle est appelée à se pencher à nouveau sur un dossier.
2.17. Il n’est assurément pas dans l’intention de la RFY d’aller au-delà des dispositions de
l’article 61 du Statut. Dans sa demande, elle ne fait pas appel. Nous ne contestons pas des
conclusions juridiques. Ce que la RFY fait valoir, c’est que des faits nouveaux ont été découverts,
et que ces faits auraient modifié la décision de la Cour s’ils avaient été connus et pris en
considération au moment de l’arrêt.
Des faits nouveaux ont été découverts qui sont de nature à exercer une influence décisive
2.18. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’aborderai à présent la question des faits
nouvellement découverts et, afin d’éviter tout risque de malentendu, permettez-moi de rappeler un
certain nombre d’éléments. Le 1er novembre 2000, la RFY a été admise comme nouveau Membre
à l’Organisation des Nations Unies. Le 8 décembre 2000, le conseiller juridique a invité la RFY à

21 Observations écrites du 3 décembre 2001, par. 1.4.
22 Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du 24 février 1982 dans l’affaire relative au plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, CIJ Recueil 1985, p. 214,
par. 39.
- 17 -
accomplir des formalités conventionnelles si elle voulait devenir partie aux traités auxquels
l’ex-Yougoslavie avait été partie. Il ne s’agit pas là des faits nouvellement découverts. Il s’agit
d’événements qui ont permis de mettre en évidence deux faits décisifs :
1) la RFY n’était pas partie au Statut au moment de l’arrêt; et
2) la RFY ne demeurait pas liée par l’article IX de la convention sur le génocide en continuant
d’assumer la personnalité juridique de l’ex-Yougoslavie.
2.19. L’arrêt du 11 juillet 1996 se fondait sur le postulat suivant lequel la RFY était partie au
Statut par le biais de sa qualité de Membre de l’Organisation des Nations Unies. L’arrêt de 1996 se
fondait également sur le postulat que la RFY était demeurée liée par la convention sur le génocide
en continuant d’assumer la personnalité de l’ex-Yougoslavie et sa qualité de partie à des traités.
Ces deux postulats revêtaient une importance fondamentale dans l’arrêt et, par conséquent, il est
également d’une importance fondamentale de les réfuter.
2.20. L’admission de la RFY à l’Organisation des Nations Unies n’a pas, contrairement à ce
qu’affirme le défendeur, entraîné de «modification de [la] situation»23. L’admission de la RFY à
l’Organisation des Nations Unies le 1er novembre 2000 n’a certainement pas modifié le statut
antérieur de cette dernière, la faisant passer du statut de Membre à celui de non–membre.
L’admission a au contraire fait apparaître que la RFY n’était pas Membre auparavant ¾ et aussi
qu’elle n’avait pas assuré la continuité de la personnalité de l’ex-Yougoslavie.
2.21. Au moment du prononcé de l’arrêt, les faits étaient les suivants :
¾ la RFY n’était pas partie au Statut, et
¾ la RFY ne demeurait pas liée par la convention sur le génocide en assurant la continuité de la
personnalité de l’ex-Yougoslavie.
Tels sont les faits nouvellement découverts qui sont de nature à exercer une influence décisive. Ces
faits appellent une revision de la position adoptée dans l’arrêt quant à la compétence
ratione personae à l’égard de la RFY.

23 CR 2002/41, p. 34, par. 10 (Pellet).
- 18 -
Au moment où l’arrêt a été rendu les faits nouveaux étaient inconnus tant de la Cour que de
la Partie qui demande la revision ¾ sans qu’il y ait, de la part de celle-ci, faute à l’ignorer
2.22. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’aborderai maintenant la question de
savoir si les faits nouveaux étaient inconnus de la Cour et de la Partie qui demande la revision. En
énonçant mes objections, je rattacherai cette question à celle de la faute.
Dans ses plaidoiries, le défendeur a laissé entendre que la RFY et la Cour connaissaient les
faits nouveaux et que la RFY s’est simplement obstinée à ne pas suivre la résolution 777 du
Conseil de sécurité et la résolution 47/1 de l’Assemblée générale24, alors qu’elle était «à l’origine
de cette situation»25
.
Ce n’est tout simplement pas vrai. La position de la RFY vis-à-vis de sa qualité de Membre
des Nations Unies et de son statut en général n’étaient pas ¾ comme le laisse entendre le
défendeur ¾ purement irrationnelle. La situation ne se résumait pas à «tout le monde savait mais
la Yougoslavie s’obstinait». Cette dernière se trouvait confrontée à un véritable dilemme, un
dilemme difficile à résoudre.
2.23. J’ajouterai, si vous me le permettez, pour vous donner un autre exemple des sentiments
contradictoires éprouvés face à cette situation, qu’après l’adoption de la résolution 777 du Conseil
de sécurité, le représentant des Etats-Unis formula des observations sur la disposition prévoyant
que la RFY ne participerait pas aux travaux de l’Assemblée générale, et il conclut : «C’est une
lapalissade, mais un pays qui n’est pas Membre de l’Organisation des Nations Unies ne peut pas
participer aux travaux de l’Assemblée générale.»26
2.24. Le représentant de la Chine prit la parole immédiatement après le représentant des
Etats-Unis, et il avait une interprétation totalement différente de la résolution qui venait d’être
adoptée. Il déclara en effet :
«Enfin, je voudrais souligner que la résolution qui vient d’être adoptée ne
signifie en aucun cas que la Yougoslavie a été expulsée de l’Organisation des
Nations Unies… La République fédérative de Yougoslavie continuera de participer
aux travaux des organes de l’Organisation des Nations Unies autres que ceux de
l’Assemblée générale.»27

24 CR 2002/41, p. 34, par. 10 (Pellet).
25 CR 2002/41, p. 35, par. 13 (Pellet).
26 Procès-verbal de séance, 19 septembre 1992, 113, Nations Unies, doc. S/PV.3116 (1992).
27 Ibid.
- 19 -
Vu ces divergences, les documents produits ne permettaient pas de résoudre les difficiles
questions juridiques qui se posaient.
2.25. Telle qu’elle se présentait à la suite de la résolution 47/1, la situation fut définie par
Mme Higgins, professeur à l’époque, de la façon suivante :
«Par sa résolution 47/1 du 22 septembre 1992, l’Assemblée générale a décidé
que la République fédérative de Yougoslavie ne devrait pas être autorisée à participer
aux travaux de l’Assemblée générale. L’Assemblée a en outre recommandé que la
nouvelle République fédérative (Serbie et Monténégro) présente une demande
d’admission à l’Organisation. En revanche, la résolution ne suspendait pas
l’appartenance de la Yougoslavie à l’Organisation des Nations Unies et n’y mettait
pas fin non plus. L’effet produit est anormal à l’extrême.»
28
[Traduction du Greffe.]
2.26. Adoptant une formule prudente, la Cour déclare dans son ordonnance du 8 avril 1993
sur les mesures conservatoires que la solution adoptée aux Nations Unies [sous couvert de la
résolution 47/1 de l’Assemblée générale] «ne laisse pas de susciter des difficultés juridiques». Je
citerai, si vous me le permettez, encore un membre de la Cour, M. Kooijmans, qui déclare en 1999
que cet énoncé de 1993 «mérite certainement le nom de litote». Il ajoute ceci :
«Le dossier consacré à cette question controversée de savoir si la République
fédérale de Yougoslavie hérite de la personnalité internationale de la République
fédérative socialiste de Yougoslavie est plein de pièges juridiques. Les décisions
adoptées par les organes compétents des Nations Unies sont sans précédent et
soulèvent un certain nombre de questions qui sont toujours sans réponse.»29
2.27. Il est clair, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, que, dans ces conditions, la
réalité était complexe et l’origine des problèmes ne se résumait pas à «l’obstination» de la
Yougoslavie.
S’il peut exister deux qualifications plausibles d’une même réalité complexe et inhabituelle
dont on dit qu’elle est «anormal[e] à l’extrême» (selon un éminent expert), ou «plein[e] de pièges
juridiques» (selon un autre éminent expert), aucune norme de diligence ne saurait imposer à une
partie l’obligation de chercher des éclaircissements en choisissant entre les deux options possibles
celle qui va exactement à l’encontre de ses opinions et de ses convictions. La RFY n’a pas commis
de faute parce qu’elle n’a pas cherché à résoudre le dilemme en s’engageant dans une voie qui
allait à l’opposé de ses convictions.

28 R. Higgins, The New United Nations and former Yugoslavia, International Affairs, 69, 3 (1993), p. 479; les
italiques sont de nous.
29 Affaire concernant la Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Royaume-Uni), ordonnance du
2 juin 1999, C.I.J. Recueil 1999 (II), opinion individuelle, p. 883, par. 21.
- 20 -
2.28. La question de savoir si la RFY assurait ou non la continuité de la qualité de partie à
des traités de l’ancienne Yougoslavie n’a pas reçu de réponse avant le prononcé de l’arrêt
de 1996 ¾ et elle est ensuite restée sans réponse jusqu’au 1er novembre 2000. Les autorités
désignées par le Secrétaire général (un organe compétent des Nations Unies, des organes
conventionnels compétents, ou des Etats contractants) qui auraient pu trancher la question ne l’ont
pas fait.
2.29. La RFY a pris des mesures pour éclaircir la situation, en s’efforçant de confirmer l’une
des deux interprétations plausibles de son nouveau statut. Tout naturellement, elle a cherché ces
éclaircissements en s’engageant dans une voie compatible avec les vues qu’elle avait exprimées
dans sa déclaration de 1992. Cherchant à confirmer ce qu’elle postulait, à savoir qu’elle assurait la
continuité de la personnalité juridique de l’ex-Yougoslavie, demeurait Membre de l’Organisation
des Nations Unies et partie aux traités, la RFY s’est conduite comme un Membre des
Nations Unies et a adressé des rapports à différentes réunions des Etats parties aux conventions
ratifiées par l’ancienne Yougoslavie. La RFY a également répondu à des sollicitations et s’est
acquittée des contributions dues par les Membres à l’Organisation des Nations Unies, en partant du
principe que tant les appels de fonds que le paiement confirmaient le postulat : la RFY assurait bien
la continuité de la personnalité de l’ancienne Yougoslavie et de sa qualité de Membre. Mais ce
n’est pas la position, ni même le «changement de position», de la RFY qui aurait pu régler la
question. Si tel avait été le cas, la RFY serait de toute évidence restée Membre des Nations Unies,
assurant la continuité de la personnalité de l’ancienne Yougoslavie.
2.30. Je vous rappelle en outre que, pendant des années après le prononcé de l’arrêt de 1996,
le défendeur et d’autres Etats ont également estimé devoir affirmer l’une des deux interprétations
possibles des faits et rejeter l’autre. Trois ans après que l’arrêt du 11 juillet 1996 fut rendu, le
8 décembre 1999, l’Arabie Saoudite, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Jordanie, le Koweït, la
Malaisie, le Maroc, le Qatar et la Slovénie, ont, dans un projet de résolution30, proposé à

30 Arabie Saoudite, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Jordanie, Koweï t, Malaisie, Maroc, Qatar et Slovénie : projet
de résolution. L’égalité des cinq Etats successeurs de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie,
Nations Unies, doc. A/54/L.62 (1999).
- 21 -
l’Assemblée générale de conclure que la RFY n’assurait pas la continuité de la personnalité de
l’ex-Yougoslavie et de prier le Secrétaire général de mettre fin aux pratiques corroborant une
position contraire. Les deux conclusions du projet de résolution se lisaient comme suit :
«[L’Assemblée générale]
1. Considère qu’en raison de sa dissolution, l’ancienne République fédérative
socialiste de Yougoslavie a cessé d’exister juridiquement et qu’aucun des cinq Etats
successeurs égaux ne sauraient avoir le privilège de conserver la qualité de Membre de
l’Organisation des Nations Unies qu’avait ladite République;
2. Prie le Secrétaire général de prendre toutes les mesures nécessaires pour
veiller à ce qu’avant la fin de la cinquante-quatrième session de l’Assemblée générale
la pratique administrative du Secrétariat soit entièrement conforme aux dispositions de
la présente résolution et aux autres résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de
l’Assemblée générale.»31
L’adoption de ces conclusions aurait pu éclaircir la situation et établir concrètement que la
RFY n’assurait pas la continuité de la qualité de Membre des Nations Unies de la RFSY, qu’elle
n’était pas partie au Statut en vertu de sa qualité de Membre des Nations Unies, et qu’elle n’assurait
pas non plus la continuité de la qualité de partie à d’autres traités qu’avait l’ancienne Yougoslavie.
2.31. Cependant, lors de la séance plénière de l’Assemblée générale du 15 décembre 1999, le
président par intérim a fait savoir aux Membres «que l’examen du projet de résolution A/54/L.62
[était] reporté à une date ultérieure»32, après que l’Union européenne eut instamment prié les «Etats
successeurs» de s’abstenir de déposer leur projet de résolution. Dans son document non officiel
l’Union européenne ne soutenait pas le projet de résolution, elle laissait au contraire entrevoir que
les éclaircissements se situaient dans la direction opposée.
2.32. Ce document de l’Union européenne indique que le projet de résolution procède d’une
«démarche fragmentaire», et que «[c]e mode d’action a déjà été rejeté dans l’avis du conseiller
juridique de l’Organisation des Nations Unies daté du 29 septembre 1992»33. Le document fait
également valoir que «[c]onformément à l’article 6 de la Charte des Nations Unies, une
recommandation est nécessaire avant que l’Assemblée générale puisse prendre des mesures

31 Le texte de ce projet de résolution a été communiqué avec la demande en revision, sous l’annexe 21.
32 Voir 80e
séance plénière, cinquante-quatrième session de l’Assemblée générale, 15 décembre 1999,
Nations Unies, doc. A/54/PV.80.
33 Document officieux de l’UE concernant le projet de résolution distribué sous la côte A/54/L.62 et reproduit à
l’annexe 22 de la demande en révision.
- 22 -
concernant l’expulsion d’un Etat membre du Conseil de sécurité»34 (il s’agit d’une
recommandation du Conseil de sécurité). Encore une fois ¾ tout au moins implicitement ¾, le
sentiment que la RFY demeurait Membre de l’Organisation des Nations Unies et le resterait
jusqu’à ce qu’elle en soit expulsée sous l’effet de la procédure appropriée était ainsi fortement
conforté. Je le répète, cela n’incitait nullement à rechercher des éclaircissements dans la direction
opposée, autrement dit, à postuler que la RFY n’était pas Membre des Nations Unies et à faire une
demande d’admission en qualité de nouveau Membre.
2.33. Voulant maintenir leur initiative, les représentants de la Bosnie-Herzégovine, de la
Croatie, de la Slovénie et de la République de Macédoine ont adressé le 3 février 2000, une lettre
au président de l’Assemblée générale, pour lui rappeler que «la présentation et la mise aux voix du
projet de résolution [avaient] été reportées à une date ultérieure car il fallait mener d’autres
consultations»35. Les consultations n’ont jamais abouti, l’Assemblée générale n’a jamais examiné
la proposition visant à lui faire adopter une position dénuée de toute ambiguïté sur la question de la
continuité. C’est pourquoi en février 2000 les éclaircissements furent à nouveau remis à plus tard.
2.34. Il est impossible de dire à quelle date la RFY aurait pu renoncer à attendre de nouveaux
éclaircissements lui confirmant qu’elle assurait bien la continuité de la personnalité de
l’ex-Yougoslavie et de sa qualité de partie à des traités. Il n’est même pas certain qu’une telle date
ait jamais existé. Il y eut bien des initiatives visant à résoudre les dilemmes et d’autres initiatives
visant à réfuter la thèse de la continuité, mais leur examen a sans cesse été reporté. La
Bosnie-Herzégovine déclare même dans ses observations écrites :
«Le fait est que la Yougoslavie a maintenu une position qui aurait même pu être
défendable pour peu que les autres Etats issus de l’ancienne Yougoslavie eussent été
disposés, à plus ou moins brève échéance, à s’y rallier. En d’autres termes, la position
de la Yougoslavie aurait pu être en fin de compte celle retenue par la communauté
internationale.»36

34 Ibid.
35 Lettre en date du 3 février 2000, adressée au président de l’Assemblée générale par les représentants de la
Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, de la Slovénie et de l’ex-République yougoslave de Macédoine auprès de
l’Organisation des Nations Unies, Nations Unies, doc. A/54/742 (2000).
36 Observations écrites du 3 décembre 2001, par. 2.23.
- 23 -
2.35. La RFY a présenté une demande d’admission aux Nations Unies le 27 octobre 2000.
Cette demande n’a pas, en soi, fait apparaître que la RFY n’était pas partie au Statut, pas plus
qu’elle n’a, en soi, fait apparaître que la RFY n’assurait pas la continuité de la qualité de partie à
des traités de l’ancienne Yougoslavie. Il n’est même pas certain que sa demande eût produit le
même résultat si la RFY l’avait présentée en 1993 par exemple, ou après Dayton, ou encore
pendant la crise au Kosovo et les bombardements de l’OTAN. La solution était indépendante de la
volonté de la RFY. Les faits pertinents ne sont apparus qu’après que le Conseil de sécurité a opté
pour la procédure d’admission des nouveaux Membres ¾ et après que la RFY a été admise à
l’Organisation des Nations Unies en qualité de nouveau Membre. Ce n’est que lorsque le
conseiller juridique a invité la RFY à décider si elle voulait ou non adhérer aux traités ratifiés par
l’ancienne Yougoslavie qu’il est devenu évident qu’auparavant, la RFY n’était pas partie à ces
traités et qu’elle ne demeurait pas liée par l’article IX de la convention sur le génocide.
2.36. Pendant longtemps, la RFY a cherché à faire confirmer sa thèse de la continuité pour
être traitée sur un pied d’égalité avec les autres membres de la communauté internationale. Elle
recevait des indications contradictoires, le besoin de trouver une solution se faisait de plus en plus
pressant. Il est difficile de dire si la RFY a suivi une même voie pendant trop longtemps ou si elle
l’a quittée trop tôt. Il n’était pas du pouvoir de la RFY de faire prévaloir une vision des choses
plutôt que l’autre.
2.37. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, avant que nous ne vous présentions nos
conclusions, je vous prie, Monsieur le président, de bien vouloir appeler à la barre mon confrère
M. Vladimir DjeriÁ, qui examinera des questions liées plus précisément à l’article 35 du Statut. Je
vous remercie beaucoup.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur l’agent, et je redonne la parole maintenant à
M. Vladimir DjeriÁ.
- 24 -
M. DJERIC :
La RFY n’avait pas accès à la Cour au moment du prononcé de l’arrêt de 1996
3.1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je tiens pour commencer à rappeler que,
dans notre demande en revision, nous disons qu’il a été découvert deux faits de caractère décisif
ouvrant à la revision l’arrêt de 1996. Je vais m’arrêter à présent sur l’un d’entre eux : le fait que la
RFY n’était pas partie au Statut et n’avait pas accès à la Cour au moment du prononcé de l’arrêt
de 1996.
3.2. Comme nous l’avons relevé dès le début de nos plaidoiries, l’accès à la Cour est un
préalable indispensable à l’exercice de sa compétence, qui est régi par l’article 35 du Statut.
L’accès à la Cour est une chose, la compétence en est une autre. La Cour a opéré cette distinction
en l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries que j’ai déjà évoquée lors de la première
audience37. Mais elle a renouvelé plus récemment cette distinction dans les ordonnances qu’elle a
rendues dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force, en indiquant : «la Cour ne
peut donc exercer sa compétence à l'égard d'Etats parties à un différend que si ces derniers ont non
seulement accès à la Cour, mais ont en outre accepté sa compétence, soit d'une manière générale,
soit pour le différend particulier dont il s'agit»38
.
3.3. La Bosnie-Herzégovine affirme que la question de savoir si la RFY était ou non Membre
de l’Organisation des Nations Unies est dénuée de pertinence pour la présente espèce. Toutefois,
outre qu’elle est pertinente pour savoir quel est le statut de la RFY en tant que partie contractante à
la convention sur le génocide ¾ un point qu’examinent mes collègues ¾, la question de
l’appartenance de la RFY à l’Organisation des Nations Unies est cruciale s’agissant de déterminer
avant tout si la RFY pouvait ou non ester devant la Cour.
3.4. A ce sujet, je dirai que, l’arrêt de 1996 faisant état de la déclaration du 27 avril 1992, la
seule interprétation à retenir est que la Cour postulait que la RFY était admise à ester devant elle en
tant qu’elle assurait la continuité de la qualité de Membre de l’Organisation des Nations Unies

37 Voir CR 2002/40, p. 28, par. 2.44.
38 Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires, ordonnance du 2 juin 1999,
C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 132, par. 20; les italiques sont de nous; voir également Yougoslavie c. Allemagne, Canada,
France, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, C.I.J. Recueil 1999 (I) et (II).
- 25 -
qu’avait l’ex-Yougoslavie. Quand bien même l’on admettrait la thèse de la Bosnie-Herzégovine
qui prétend qu’en vertu de cette déclaration, la RFY s’est trouvée inconditionnellement et
irrévocablement liée par l’ensemble des engagements internationaux contractés par
l’ex-Yougoslavie ¾ ce que nous n’admettons pas ¾, une telle situation n’en demeurerait pas
moins inconcevable pour la Charte des Nations Unies et le Statut de la Cour. Un Etat ne peut pas
devenir partie au Statut de la Cour par le biais d’une simple déclaration générale émanant d’un
organe qui n’a pas compétence pour prendre des engagements au regard du droit international. Dès
lors, en ce qui concerne l’accès à la Cour, la référence à la déclaration de 1992 qui figure dans
l’arrêt de 1996 ne saurait être interprétée que comme un renvoi à la continuité entre
l’ex-Yougoslavie et la RFY de la qualité de partie au Statut de la Cour, d’une part, et de Membre
de l’Organisation des Nations Unies, d’autre part. Ce qu’atteste également ¾ nous l’avons
montré ¾ l’Annuaire 1995-1996 de la Cour, ainsi que les précédentes éditions de cette publication.
Or, l’on sait à présent que la RFY n’était pas Membre de l’Organisation des Nations Unies avant le
1
er novembre 2000.
3.5. Monsieur le président, par quel autre moyen la RFY aurait-elle pu se présenter devant la
Cour ? Elle n’était pas devenue partie au Statut en vertu du paragraphe 2 de l’article 93 de la
Charte des Nations Unies, elle n’avait pas non plus soumis de déclaration en application de la
résolution 9 (1946) du Conseil de sécurité. Reste comme seule condition en vertu de laquelle la
Yougoslavie pouvait avoir accès à la Cour le fait que, en sa qualité de Membre de l’Organisation
des Nations Unies, elle était ipso facto partie au Statut.
3.6. Toutefois, hier, la Bosnie-Herzégovine a de nouveau invoqué le paragraphe 2 de
l’article 35 du Statut, et soutenu que même un Etat non partie au Statut pouvait se présenter devant
la Cour à condition d’être partie à n’importe quel traité en vigueur prévoyant la compétence de
celle-ci.
3.7. Je tiens tout d’abord à répéter que l’on ne peut examiner la question de l’applicabilité du
paragraphe 2 de l’article 35 qu’à un stade ultérieur, quand l’arrêt de 1996 aura été ouvert à la
revision. Quand bien même on retiendrait l’interprétation erronée de la Bosnie-Herzégovine,
l’applicabilité de la disposition relative aux «traités en vigueur» énoncée au paragraphe 2 de
l’article 35 n’en reste pas moins subordonnée à la question de savoir si la RFY était ou non liée par
- 26 -
la convention sur le génocide à un quelconque autre titre que le fait d’assurer la continuité de
l’ex-Yougoslavie. Ce qui impose aux Parties d’examiner des questions relatives à la succession
aux traités qui ne l’ont pas encore été dans le cadre de la procédure orale. Quoi qu’il en soit, je
prierai la Cour de se reporter à nos précédents exposés relatifs à ces questions, notamment à la
question de la succession automatique aux traités. Enfin, la RFY tient une fois de plus à souligner
qu’elle ne pouvait être liée par la convention sur le génocide à un quelconque autre titre avant son
adhésion à la convention le 10 juin 2001 et que, en tout état de cause, elle ne s’est jamais trouvée
liée par l’article IX.
3.8. Revenons à présent à la thèse de la Bosnie-Herzégovine qui consiste à soutenir que la
RFY était admise à ester devant la Cour en vertu de la disposition relative aux «traités en vigueur»
énoncée au paragraphe 2 de l’article 35 du Statut. Nous avons déjà démontré que cette thèse est
indéfendable, et que, de fait, elle ne trouve confirmation ni dans la pratique de la Cour ni dans le
comportement des Etats. Je tiens à le répéter, il n’y a pas une seule affaire dans laquelle un Etat
non partie au Statut a été admis à ester devant la Cour sans avoir préalablement rempli les
conditions d’accès requises par le Conseil de sécurité. Aussi M. Pellet se trompe–t–il quand il
évoque certains précédents; en réalité, les vrais précédents vont tous dans le même sens et suivent
une seule et même direction : des Etats non parties au Statut ont été admis à ester devant la Cour
dans quatre instances au total et, dans chacune d’elles, ces Etats se sont conformés aux
prescriptions du Conseil de sécurité39. Toutefois, la RFY ¾ on le sait ¾ n’a jamais pris, ni été
invitée à prendre pareil engagement.
3.9. En réalité, les précédents cités par M. Pellet ¾ l’affaire du Vapeur Wimbledon40 et celle
relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise41 ¾ vont, non pas à l’encontre
mais dans le sens que je viens d’indiquer. Nous soutenons pour notre part que, à l’époque de la
Cour permanente, la disposition relative aux «traités en vigueur» était considérée comme limitée
aux traités de paix conclus après la première guerre mondiale. Bien que, dans les deux affaires que

39 Voir Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie) (1947-1949); Or monétaire pris à Rome en 1943 (Italie
c. France, Royaume-Uni et Etats-Unis d’Amérique) (1953-1954); Plateau continental de la mer du Nord (République
fédérale d’Allemagne/Danemark; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas) (1967-1969) et Compétence en matière de
pêcheries (République fédérale d’Allemagne c. Islande) (1972-1974).
40 Vapeur Wimbledon, C.P.J.I. série A n° 1, 1923.
41 Affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, C.P.J.I. série A n° 6,1925.
- 27 -
je cite, la Cour permanente ne se soit pas expressément prononcée sur l'applicabilité du
paragraphe 2 de l'article 35, les circonstances étaient, dans un cas comme dans l’autre, celles
qu’avaient envisagées les rédacteurs du Statut de la Cour permanente : l’un des pays concernés
n’était pas partie au Statut et les affaires avaient été portées devant la Cour permanente aux termes
des dispositions juridictionnelles figurant dans les traités de paix conclus à l’issue de la première
guerre mondiale.
3.10. La Bosnie-Herzégovine affirme par ailleurs qu’il n’y a pas lieu de faire appel aux
travaux préparatoires relatifs au paragraphe 2 de l’article 35, parce que le sens de cette disposition
se dégage de manière suffisamment claire de son texte et son contexte42. Nous ne pouvons que
nous inscrire en faux contre ce point de vue. En effet, des désaccords sont apparus sur le sens et la
portée de la disposition relative aux «traités en vigueur» énoncée au paragraphe 2 de l’article 35,
notamment dans le cadre de la procédure de revision du Règlement de la Cour permanente en 1926
¾ désaccords évoqués également par la Bosnie-Herzégovine.
3.11. Or, il est faux d’affirmer, comme le fait la Partie défenderesse dans ses observations
écrites, que lors du débat de 1926 sur la revision du Règlement, «la discussion ne déboucha sur
aucune conclusion»43. Au contraire, le juge Anzilotti, avec le soutien du président Huber, contesta
la position adoptée dans le projet initialement soumis par le greffier. Ce projet prévoyait que, si
une partie n’était pas Membre de la Société des Nations, une affaire pouvait être portée devant la
Cour «en vertu d’un traité général en vigueur entre les Parties». Mais c’est de toute évidence une
autre interprétation ¾ celle défendue par Anzilotti et le président Huber, à savoir que la formule
«traités en vigueur» s’appliquait exclusivement aux traités de paix ¾ qui fut retenue, puisque
aucun autre juge ne proposa d’interprétation divergente44
.
3.12. Enfin, l’interprétation proposée par la RFY trouve confirmation dans les travaux
préparatoires45. D’après ceux-ci, la formule «traités en vigueur» employée au paragraphe 2 de
l’article 35 s’entendrait seulement des traités qui étaient en vigueur au moment de l’adoption du

42 CR 2002/41, p. 50, par. 52 (Pellet).
43 Observations écrites de la Bosnie-Herzégovine, par. 5.16.
44 C.P.J.I. série D, Actes et documents relatifs à l’organisation de la Cour, add. au nº 2, revision du Règlement de
la Cour (1926), p. 105-107.
45 Article 32, paragraphe 1, de la convention de Vienne sur le droit des traités.
- 28 -
Statut ¾ et c’est là aussi notre position. Les autres traités ne relèvent pas de cette disposition.
Ainsi, les Etats parties à de tels traités qui ne sont pas parties au Statut devraient s’engager à
respecter certaines prescriptions élémentaires tenant à l’égalité des parties.
3.13. Monsieur le président, je n’ai plus qu’un dernier point. Nos contradicteurs prétendent
ne pas voir en quoi l’exception en vertu de laquelle un Etat non partie au Statut pourrait être admis
à ester devant la Cour sur la base de n’importe quel traité en vigueur prévoyant la compétence de la
Cour serait attentatoire au principe de l’égalité46. A ce sujet, la Bosnie-Herzégovine affirme que le
paragraphe 1 de l’article 94 de la Charte se borne à répéter le principe déjà énoncé à l’article 59 du
Statut.
3.14. Or, à supposer pour les besoins de l’argumentation que le paragraphe 1 de l’article 94
de la Charte des Nations Unies ne fasse que réaffirmer les dispositions de l’article 59 du Statut et
que le paragraphe 2 de l’article 94 s’applique en tout état de cause, comment expliquer que la
pratique de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité ait systématiquement consisté, pendant
des décennies, à exiger des Etats non membres de l’Organisation des Nations Unies voulant ester
devant la Cour qu’ils acceptent expressément les dispositions de l’article 94 ? De toute évidence, la
simple acceptation d’un traité prévoyant la compétence de la Cour n’équivaut pas, ni ne peut
équivaloir, à une acceptation du Statut de la Cour et de l’article 94 de la Charte.
3.15. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, dans cet exposé, j’ai démontré :
¾ que le paragraphe 2 de l’article 35 ne constituait pas une condition à remplir en vertu de
laquelle la RFY était admise à ester devant la Cour en 1996, et
¾ que la RFY n’avait accès à la Cour qu’en tant qu’elle assurait la continuité de
l’ex-Yougoslavie, y compris à l’Organisation des Nations Unies, ce qui lui valait d’être partie
au Statut ipso facto en sa qualité de Membre de l’Organisation.
Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vous remercie de l’attention que vous avez
bien voulu m’accorder. Monsieur le président, je voudrais à présent vous prier d’appeler à la barre
notre conseil, M. Zimmermann.

46 CR 2002/41, p. 51, par. 54 (Pellet).
- 29 -
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur DjeriÁ, et je passe maintenant la parole à
M. Andreas Zimmermann.
M. ZIMMERMANN : Merci, Monsieur le président.
I. INTRODUCTION
4.1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, avant d’examiner les arguments présentés
par la partie adverse au sujet de l’estoppel et de questions connexes, je formulerai quelques
observations d’ordre plus général.
4.2. La présente espèce renvoie aux événements ô combien tragiques qui se sont déroulés sur
le sol de la Bosnie-Herzégovine, et je puis vous assurer que je suis, à l’instar de toutes les
personnes présentes dans cette salle ¾ et peut-être même plus puisque je viens d’Allemagne ¾,
pleinement conscient des dimensions historiques que revêtent les crimes effroyables dont
l’ex-Yougoslavie a été le théâtre.
Néanmoins, la Cour a pour fonction de trancher des différends internationaux conformément
au droit international, et les conseils qui se présentent devant vous feraient bien de s’en tenir à des
arguments juridiques ¾ ils le doivent même impérativement. Comme la Cour l’a dit autrefois :
«[O]n a dit ou laissé entendre que des considérations humanitaires suffisent à
faire naître des droits et obligations juridiques et que la Cour peut et doit agir en
conséquence. La Cour ne le pense pas. La Cour juge le droit et ne peut tenir compte
de principes moraux que dans la mesure où on leur a donné une forme juridique
suffisante. Le droit, dit-on, répond à une nécessité sociale, mais c’est précisément
pour cette raison qu’il ne peut y répondre que dans le cadre et à l’intérieur des limites
de la discipline qu’il constitue.»
47
4.3. En outre, il convient de veiller à toujours opérer une distinction entre les questions de
compétence et l’accès à la Cour, d’une part, et, de l’autre, les questions de fond touchant au droit
international. Comme l’a dit encore la Cour, il y a peu : «les Etats, qu’ils acceptent ou non la
juridiction de la Cour, demeurent en tout état de cause responsables des actes contraires au droit
international qui leur seraient imputables»48
.

47 Affaires du Sud-Ouest africain, deuxième phase, C.I.J. Recueil 1966, p. 34, par. 49; les italiques sont de nous.
48 Affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2000) (République démocratique du
Congo c. Rwanda), ordonnance du 10 juillet 2002, par. 93.
- 30 -
4.4. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, nous avons entendu nos contradicteurs
formuler de nombreuses allégations touchant à des faits qui, cependant, relèvent exclusivement de
la phase du fond. Or, nous avons ici affaire à une demande en revision par laquelle la
RFY ¾ exerçant les droits que lui confère l’article 61 du Statut de la Cour ¾ prie
respectueusement celle-ci d’ouvrir à la revision l’arrêt qu’elle a rendu en 1996. De fait, c’est
uniquement la question de la recevabilité de la requête que nous traitons ici, cette question–là et
elle seule.
4.5. J’examinerai à présent un par un les arguments avancés par mon éminent collègue
M. Pellet, en montrant qu’ils peuvent être réfutés et doivent l’être.
4.6. Je commencerai par l’allégation de la Bosnie-Herzégovine selon laquelle la RFY aurait
bel et bien pu être Membre des Nations Unies avant même d’être admise à l’Organisation en
novembre 2000.
II. LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE YOUGOSLAVIE N'ÉTAIT PAS MEMBRE DE L'ORGANISATION
DES NATIONS UNIES AVANT D'Y ÊTRE ADMISE LE 1
ER NOVEMBRE 2000
4.7. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je dois reconnaître que, même en exerçant
mon imagination juridique au maximum, je ne vois tout simplement pas comment un Etat, en
l’occurrence la RFY, admis en qualité de nouveau Membre à l’Organisation des Nations Unies,
aurait déjà pu en être Membre auparavant.
4.8. En effet, l’article 4 de la Charte des Nations Unies présuppose lui-même que l’Etat
admis à l’Organisation n’en était pas Membre auparavant. Le fait — qui suscita des débats — que
la RFY n’est devenue Membre des Nations Unies que le 1er novembre 2000 trouve aussi
confirmation, en ce qui concerne la Charte des Nations Unies, dans le recueil des traités
multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général, dans lequel la RFY figure à la date
«1er novembre 2000».
4.9. Ce qui est plus important encore, c’est que la Bosnie-Herzégovine a elle-même pris part
à la décision d’admettre la RFY. Au reste, cet Etat avait dans le passé fréquemment nié que la RFY
fût auparavant Membre de l’Organisation. C’est ce que démontre notamment une lettre du
- 31 -
représentant permanent de la Bosnie-Herzégovine qui dit ceci, et je cite : «[l]a République
fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) doit, elle aussi, suivre la procédure régissant
l’admission de nouveaux Membres à l’Organisation des Nations Unies…»49
4.10. Cela signifie implicitement, bien sûr, que la Bosnie-Herzégovine elle-même avait
toujours estimé après mûre réflexion que la RFY n’était pas ex ante Membre de l’Organisation
avant d’y être admise le 1er novembre 2000. La Bosnie-Herzégovine ne peut en conséquence
soutenir dans le cadre de cette procédure-ci, comme elle l’a fait à nouveau hier50, que la RFY était
déjà Membre des Nations Unies avant d’être admise à l’Organisation le 1er novembre 2000.
4.11. Mes collègues ont effectivement démontré, lundi et aujourd'hui, que contrairement à ce
qu’a soutenu la Bosnie-Herzégovine hier, l’arrêt de 1996 était fondé et était nécessairement fondé
sur la présomption que la RFY était ex ante Membre des Nations Unies, car autrement la Cour
n’aurait pas été accessible à cet Etat. Cette qualité présumée de Membre des Nations Unies devait
être à son tour nécessairement fondée sur la présomption que la RFY était ¾ à tort ¾ assimilable à
l’ancienne Yougoslavie ¾ présomption qui s’est par la suite avérée fausse et qui doit aujourd’hui
donner lieu à la revision de l’arrêt de 1996.
4.12. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’en viens à l’estoppel et aux questions
connexes. Pour commencer, je vais répondre une fois de plus à la question de savoir si les notions
d’estoppel, d’acquiescement et d’erreur sont en tant que telles applicables dans le cadre d’une
procédure en revision.
III. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE DROIT INTERNATIONAL NE SONT PAS APPLICABLES DANS LE
CADRE D’UNE PROCÉDURE EN REVISION ÉTANT DONNÉ QUE L’ARTICLE 61 PRÉVOIT LUI-MÊME
EXPRESSÉMENT DES CONDITIONS CONTRAIRES
4.13. S’agissant de questions de procédure, la Cour doit avant tout appliquer son propre
Statut. Par conséquent, dans la mesure où le Statut règle de façon exhaustive certaines questions
procédurales, l’application de règles de droit international plus générales n’est ni admissible ni

49 Document A/51/564-S/1996/885 (annexe 5 à la demande en revision); les italiques sont de nous.
50 CR 2002/41 (Pellet), par. 11; voir également par. 3.7 des observations écrites de la Bosnie-Herzégovine.
- 32 -
nécessaire car le texte du Statut lui-même intègre lesdites règles. Cela n’empêche bien
évidemment pas la Cour — comme la Partie adverse semble le penser à tort — d’appliquer
généralement l’article 38 de son Statut ou des règles habituelles d’interprétation51
.
4.14. Mais, lorsque, et dans la mesure où, les dispositions de l’article 61 du Statut de la Cour
visent un résultat déterminé (en indiquant par exemple que la méconnaissance d’un fait qui n’est
pas liée à une faute à l’ignorer n’empêche pas un Etat de demander la revision), elles
sous-entendent également que les règles plus générales qui auraient un effet différent ne peuvent
pas et ne doivent pas être appliquées.
4.15. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, prenons un exemple : la disposition de
l’article 61 selon laquelle une demande en revision est irrecevable lorsqu’il y a faute à ignorer le
fait en cause n’est manifestement rien d’autre que l’expression plus précise du principe général de
la bonne foi. Pourquoi alors serait-il opportun d’appliquer le principe plus général de la bonne foi
en sus de l’article 61 du Statut ? Ce principe est déjà présent dans l’article 61. C’est donc
l’article 61 qu’il faut purement et simplement appliquer.
4.16. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’en viens au point suivant.
Même si l’on tenait pour acquis que l’article 61 du Statut de la Cour n’interdit pas de faire
appel aux notions générales d’erreur, d’estoppel et de forum prorogatum, ces principes de droit
international qui concernent le comportement des parties ne sauraient être appliqués à des questions
qui règlent l’accès d’un Etat à la Cour et visent donc la relation entre un Etat et la Cour.
IV. LES CONDITIONS ÉNONCÉES À L’ARTICLE 93 DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES ET À
L’ARTICLE 35 DU STATUT DE LA COUR QUI ONT TRAIT À L’ACCÈS DES ETATS À LA COUR
SONT PAR LEUR NATURE MÊME OBLIGATOIRES, CONSTITUENT DES NORMES OBJECTIVES
ET INTERDISENT PAR CONSÉQUENT L’APPLICATION DES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE DROIT
INTERNATIONAL AYANT TRAIT À L’ERREUR, L’ESTOPPEL ET L’ACQUIESCEMENT
4.17. La question de savoir si la Cour est compétente pour connaître d’une affaire donnée ne
se pose que lorsqu’une partie a accès à la Cour en vertu des dispositions de l’article 93 de la Charte
et des articles 34 et 35 du Statut de la Cour. Toutefois, il ressort clairement de l’article 34 du Statut
que la question de l’accès à la Cour ne relève pas de la libre appréciation des parties.

51 Mais voir le CR 2002/41 (Pellet), par. 20 et suiv.
- 33 -
4.18. En voici un exemple : une entité autre qu’un Etat, par exemple une organisation
internationale, pourrait-elle en adhérant à un traité prévoir la compétence de la Cour et introduire
ensuite une instance contentieuse devant elle ? Certes non, puisque le paragraphe 1 de l’article 34
du Statut prévoit expressément que seuls les Etats ont qualité pour se présenter devant la Cour. Si
même un traité ¾ qui est la preuve la plus manifeste du consentement ¾ ne permet pas de déroger
aux conditions d’accès à la Cour, comment, dans ces circonstances, pourrait-il être possible d’y
accéder à travers des formes de consentement plus informelles, à savoir les principes d’estoppel, de
forum prorogatum ou d’erreur ?
4.19. Cela étant, l’article 34 du Statut ne règle que partiellement la question de savoir qui
peut se présenter devant la Cour. Sous d’autres aspects, la même question ¾ qui a accès à la
Cour ¾ est traitée à l’article 93 de la Charte et l’article 35 du Statut, qui prévoient quels Etats ont
accès à la Cour et dans quelles conditions.
4.20. Par conséquent, de même que la question du statut d’Etat doit être examinée
objectivement par la Cour indépendamment des positions adoptées par les parties, d’autres
questions relatives à l’accès à la Cour en tant que condition préalable — je dis bien préalable — à
l’exercice de sa compétence ne sont pas non plus des questions laissées à la décision des parties.
Ni l’estoppel, ni le forum prorogatum, ni l’erreur, ni aucun autre mécanisme quelconque lié au
comportement des parties ne sauraient donc écarter dans un cas de figure donné les conditions à
remplir obligatoirement pour accéder à la Cour.
4.21. M. Thirlway décrit ces restrictions de façon claire et convaincante lorsqu’il explique,
au sujet de la notion de forum prorogatum, que :
«La règle du forum prorogatum ne peut servir qu’à fournir l’élément d’un
accord sur lequel se fondera la compétence; elle ne saurait par conséquent pas
remédier à un défaut de compétence ou à un vice de procédure ne pouvant être résolu
par voie d’accord entre les parties ¾ il s’agit par exemple du cas dans lequel un Etat
n’est pas partie au Statut.»52 [Traduction du Greffe.]

52 H. Thirlway, «The Law and Procédure of the International Court of Justice 1960-1989», British Yearbook of
International Law 1998, 1, p. 27.
- 34 -
4.22. M. Schwarzenberger s’exprime à peu près dans les mêmes termes : «si une partie à un
différend est un Etat qui n’a pas accès à la Cour, cela suffit à empêcher que celle-ci se penche sur
l’affaire»53 [traduction du Greffe].
4.23. Dans ces conditions, ce n’est qu’une fois qu’il est établi qu’une partie a accès à la Cour
que les principes généraux d’estoppel, de forum prorogatum, d’acquiescement ou d’erreur peuvent
être invoqués au sujet de la portée de la compétence ratione personae et ratione materiae, compte
tenu du fait que le champ de la compétence de la Cour, contrairement à la question de l’accès à
celle-ci, est soumis au consentement des parties, comme il est indiqué à l’article 36 du Statut.
4.24. En l’espèce, la RFY, qui n’était ni partie au Statut de la Cour ni partie à un traité en
vigueur au sens du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut, ne pouvait en conséquence pas se
présenter devant la Cour en 1996 et, comme le dit M. Thirlway, ni l’estoppel, ni une erreur, ni
même en définitive le forum prorogatum ne pouvaient remédier à ce défaut de compétence ou à ce
vice procédural.
4.25. Au cas où la Cour ne suivrait pas le raisonnement que je viens d’exposer, je vais
maintenant montrer que, même si on applique les règles générales relatives à l’erreur, la RFY ne
serait toujours pas empêchée de demander la revision.
V. L’ERREUR NE FAIT PAS OBSTACLE À LA DEMANDE DE REVISION DE LA RFY
4.26. La Bosnie-Herzégovine fait valoir que c’est la RFY qui, par sa propre faute, a commis
une erreur en revendiquant l’identité de l’ex-Yougoslavie et que, pour cette raison, elle devrait être
aujourd’hui dans l’incapacité de prétendre le contraire54
.

53 G. Scharzenberger, «International Law as applied by international courts and tribunals», vol. IV, p. 434.
54 CR 2002/41, par. 14 (Pellet).
- 35 -
4.27. Or permettez-moi de vous rappeler, comme l’a déjà fait mon collègue ce matin55, que
c’est la Cour qui a déclaré en 1993 au sujet de la qualité de Membre de l’Organisation des
Nations Unies de la RFY que la solution trouvée par les organes de l’ONU «ne laiss[ait] pas de
susciter des difficultés juridiques»56 et que certains autres membres de la Cour ont même insisté
davantage sur les incertitudes juridiques dont cette décision fait preuve57
.
4.28. Du reste, si l’on lit le compte rendu des débats qui ont précédé l’adoption de la
résolution 777 du Conseil de sécurité et de la résolution 47/1 de l’Assemblée générale, on constate
avec étonnement qu’un nombre considérable d’Etats, dont la Chine58, la Roumanie59, la Fédération
de Russie60, la Tanzanie61, la Zambie62 et le Zimbabwe63, ont déclaré que la RFY était toujours
Membre de l’Organisation des Nations Unies malgré lesdites décisions.
4.29. En outre ¾ et là encore ce point a déjà été démontré par mes collègues ¾ la
Bosnie-Herzégovine avait elle-même au cours d’une instance devant cette Cour adopté pour
position que la RFY était restée Membre de l’Organisation des Nations Unies pour soutenir que la
RFY avait violé le paragraphe 4 de l’article 2 de la Chartre des Nations Unies64. Je trouve donc
plutôt surprenant que le conseil de la Bosnie-Herzégovine déclare aujourd’hui que la
Bosnie-Herzégovine n’avait pas pris position sur la question de savoir si la RFY avait ou non
conservé son statut de Membre de l’Organisation des Nations Unies. Il semble au contraire que la

55 CR 2002/42 (Varady).
56 C.I.J. Recueil 1993, p. 14, par. 18.
57 R. Higgins, «The New United Nations and former Yugoslavia», International Affairs, vol. 69 (1993), p. 479;
affaire relative à Licéité de l’emploi de la force (Yougoslavie c. Royaume-Uni), ordonnance du 2 juin 1999, opinion
individuelle de Mme Higgins, par. 21.
58 S/PV.3116, p. 14.
59 A/47/PV.7, p. 192: «Nous apprécions le fait que la résolution ne prévoit ni la suspension de la Yougoslavie ni
son exclusion des Nations Unies.»
60 S/PV.3116, p. 3.
61 A/47/PV.7, p. 176, la Tanzanie a déclaré que «les entités qui sont restées n’ont pas été tenues de faire une
nouvelle demande et leur existence n’a jamais été mise en cause».
62 A//47/PV.7, p. 172.
63 A/47/PV.7, p. 163, le Zimbabwe a qualifié la Serbie/Monténégro de «partie restante».
64 Requête de la Bosnie-Herzégovine, par. 135.
- 36 -
Bosnie-Herzégovine avait ¾ du moins pour les besoins de notre affaire ¾ commis la même erreur,
lorsqu’elle a affirmé que la RFY avait violé le paragraphe 4 de l’article 2 ¾ l’erreur même qui
aujourd’hui, selon la Bosnie-Herzégovine, devrait faire obstacle à la demande en revision de la
RFY65
.
4.30. Par ailleurs, j’ai déjà démontré lors de mon intervention précédente¾ en m’appuyant
sur la jurisprudence de la Cour en l’affaire du Temple de Préah Vihéar ¾ qu’un Etat ne peut pas,
en commettant simplement une erreur, accepter la compétence de la Cour dès lors que cette erreur
porte sur une prescription juridique fondamentale66. La Bosnie-Herzégovine tente d’écarter cet
argument en se référant à l’arrêt de 1962 rendu sur le fond de la même affaire67
.
4.31. Certes, je n’ai pas cité cette décision ¾ mais c’était délibéré. Pourquoi ? Parce que
ladite décision porte sur le fond, alors que c’est l’arrêt de 1961 qui vise plus particulièrement les
questions de compétence. En outre, ce même arrêt de 1961 traite expressément de la question des
erreurs portant sur des éléments fondamentaux qui sont indépendantes de la volonté des parties.
Cela signifie en d’autres termes qu’un Etat qui en 1996 n’était pas partie au Statut, comme la RFY,
ne peut en faisant simplement une erreur donner compétence à la Cour.
4.32. Enfin, j’ai déjà démontré qu’il était loin d’être évident ¾ et c’est un euphémisme ¾
que la RFY avait tort au moment où elle a prétendu avoir continué à avoir la qualité de Membre de
l’Organisation des Nations Unies qu’avait l’ex-Yougoslavie et être identique à l’ex-Yougoslavie.
En outre, on ne saurait forcer un Etat souverain à renoncer à ce qui était selon nous une thèse
légitime fondée sur la continuité de la personnalité juridique.
4.33. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vais à présent démontrer dans la partie
suivante que même si la Cour admet que le principe de l’estoppel peut entrer en jeu dans une
procédure de revision ou lorsque l’accès à la Cour est en question, ce qui n’est pas le cas, les
conditions d’application propres à ce principe ne sont pas remplies en l’espèce.

65 CR 2002/41, par. 14 (Pellet).
66 CR 2002/40, par. 5.32-5.33.
67 CR 2002/41, par. 17 (Pellet).
- 37 -
VI. MÊME SI L’ON ADMET QUE LE PRINCIPE DE L’ESTOPPEL S’APPLIQUE PEUT-ÊTRE, CE QUI
N’EST PAS LE CAS, IL NE FAIT NÉANMOINS PAS OBSTACLE À CE QUE LA RFY DEMANDE
REVISION PUISQUE LES CONDITIONS DE SON APPLICATION NE SONT PAS REMPLIES
4.34. Signalons toutefois d’emblée qu’à cet égard la Bosnie-Herzégovine a reconnu
elle-même dans ses observations écrites qu’en ce qui concerne la demande en revision de la
Yougoslavie, il n’y a pas lieu de se reporter à la doctrine de l’estoppel68
.
4.35. Quoi qu’il en soit, les conditions d’application du principe de l’estoppel ne sont pas
remplies. Comme la Cour l’a déjà dit en l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord69 et
répété en l’affaire des Activités militaires :
«l’estoppel peut être inféré d’un comportement, de déclarations, etc., d’un Etat qui
n’auraient pas seulement attesté d’une manière claire et constante l’acceptation par cet
Etat d’un régime particulier, mais auraient également amené un autre ou d’autres
Etats, se fondant sur cette attitude, à modifier leur position à leur détriment ou à subir
un préjudice»
70
.
4.36. Or, il faut constater que la Bosnie-Herzégovine n’a pas démontré en quoi elle a modifié
sa position à son détriment, ni qu’elle a subi un préjudice du fait du comportement de la
République fédérale de Yougoslavie.
¾ En premier lieu, la position constamment adoptée jusqu’à aujourd’hui par la
Bosnie-Herzégovine était que la RFY ne pouvait assurer et n’a pas assuré la continuité de la
personnalité juridique de l’ex-Yougoslavie et que la RFY n’était plutôt qu’un simple
successeur de l’ex-Yougoslavie.
¾ En second lieu, la RFY avait constamment fait valoir, non seulement devant la Cour mais aussi
à l’extérieur, qu’elle avait assuré la continuité de l’identité de l’ex-Yougoslavie, ce qui a
permis de conclure qu’elle était toujours partie à des traités, jusqu’à ce que soit connu le fait
nouveau qui est à l’origine de la présente demande en revision. Cette affirmation de la RFY
n’a pourtant pas contraint la Bosnie-Herzégovine à modifier sa position à son détriment, ni
causé un préjudice à celle-ci ¾ bien au contraire.

68 Observations écrites de la Bosnie-Herzégovine, par. 4.14.
69 C.I.J. Recueil 1969, p. 26, par. 30.
70 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 414-415, par. 51; les italiques sont de nous.
- 38 -
4.37. En effet, si elle n’avait pas, comme elle l’a fait, adopté cette position pour les besoins
de l’instance devant la Cour71, la Bosnie-Herzégovine aurait dû
¾ démontrer tout d’abord qu’une instance peut être introduite devant la Cour contre un Etat qui
n’est pas Membre de l’Organisation des Nations Unies ni par conséquent partie au Statut de la
Cour, et
¾ démontrer en outre soit que la RFY avait succédé automatiquement à la convention sur le
génocide, soit que la note officielle du 27 avril 1992 émanant de la RFY pouvait être
considérée comme une notification de succession valable et effective.
4.38. Pour ces raisons, l’impression que l’on retirait auparavant des faits pertinents, loin de
défavoriser la Bosnie-Herzégovine, lui a permis au contraire d’étayer sa propre position juridique.
4.39. Par ailleurs, comme la Bosnie-Herzégovine l’a reconnu elle-même dans ses
observations72 et comme la Cour l’a dit en l’affaire des Activités militaires73, l’estoppel découle en
droit international du principe général de bonne foi. Or, comme il a déjà été démontré dans notre
requête74, la RFY n’était pas de mauvaise foi quand elle a prétendu être identique à
l’ex-Yougoslavie, étant entendu que la solution adoptée dans le cadre de l’Organisation des
Nations Unies ¾ comme l’a dit la Cour, et permettez-moi de le rappeler ¾
¾ ne laissait pas de susciter des difficultés juridiques75 et qu’au demeurant
¾ plusieurs organes de l’Organisation des Nations Unies, ainsi que le Secrétaire général en sa
qualité de dépositaire, avaient pris des mesures qui pouvaient être interprétées comme
favorables à l’idée qu’il y avait identité entre l’ex-Yougoslavie et la RFY.
4.40. La Bosnie-Herzégovine ne peut pas non plus à cet égard se fonder sur la décision du
11 juillet 1996, dans laquelle la Cour a bel et bien relevé qu’il n’était pas contesté que la
Yougoslavie était partie à la convention sur le génocide, car ¾ comme l’a déjà démontré mon
collègue, M. Varady ¾ cet arrêt était lui-même fondé sur l’idée qu’il y avait continuité de

71 Voir observations écrites de la Bosnie-Herzégovine, par. 4.16-4.17.
72 Observations écrites de la Bosnie-Herzégovine, par. 4.15.
73 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 414-415, par. 51.
74 Voir en particulier les paragraphes 34-35.
75 C.I.J. Recueil 1993, p. 14, par. 18.
- 39 -
l’identité. De surcroît, comme l’a déclaré M. Weeramantry dans une précédente décision de la
Cour, «une revision implique [nécessairement] un remaniement ou une modification de l’arrêt»76
,
si l’on tient compte du fait nouvellement découvert qui était inconnu de la Cour.
Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j’en viens à présent à la question de
l’acquiescement.
VII. LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE YOUGOSLAVIE N’A PAS ACQUIESCÉ À LA
JURIDICTION DE LA COUR
4.41. La Bosnie-Herzégovine a soutenu en outre que la compétence de la Cour peut être
fondée sur le fait que la RFY y a acquiescé77. Cette affirmation ne saurait cependant être admise,
puisque la Cour a jugé qu’elle ne pouvait retenir aucune des bases supplémentaires de compétence
invoquées78 et puisque cette conclusion a été acceptée par la Bosnie-Herzégovine elle-même dans
ses observations écrites : «Pour l’heure, la Bosnie-Herzégovine n’a nullement l’intention de
remettre en cause ces conclusions.»79
4.42. En outre, comme il a été démontré, l’arrêt du 11 juillet 1996 n’était, et ne pouvait être,
fondé que sur la supposition selon laquelle la RFY était Membre des Nations Unies, partie au Statut
de la Cour et également liée par l’article IX de la convention sur le génocide du fait de son identité
avec l’ex-Yougoslavie ¾ supposition qui s’est cependant révélée erronée, après coup, et qui a
donné lieu à notre requête en revision. De fait, après avoir examiné différentes autres bases de
compétence invoquées par la Bosnie-Herzégovine80, y compris la notion d’acquiescement, la Cour
conclut81 ¾ et il convient de le rappeler encore ¾ qu’elle «ne p[ouvait] retenir aucune des bases

76 Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rendu par la Cour le
20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), C.I.J. Recueil 1995, p. 320, opinion
dissidente de M. Weeramantry; les italiques sont de nous.
77 CR 2002/41, par. 60 et suiv. (Pellet).
78 C.I.J. Recueil 1996, p. 621, par. 41.
79 Observations écrites de la Bosnie-Herzégovine, par. 4.31.
80 C.I.J. Recueil 1996, p. 619 et suiv., par. 37 et suiv.
81 Ibid., p. 621, par. 40.
- 40 -
supplémentaires de compétence invoquées par le demandeur»82. En conséquence, la Cour a jugé
en 1996 qu’elle «n’[était] compétente pour connaître de l’affaire que sur la base de l’article IX de
la convention sur le génocide»83
.
La RFY estime donc pour ces raisons que la question de l’acquiescement a déjà été
définitivement réglée par l’arrêt rendu par la Cour en 1996.
4.43. Si la Cour devait, cependant, en juger autrement, nous pensons que la question ne
relèverait pas de la phase actuelle de la procédure, qui porte sur la recevabilité de la demande de
revision, mais qu’elle devrait plutôt être examinée à un stade ultérieur, après que la Cour aura
décidé, conformément au paragraphe 2 de l’article 61 du Statut, que la demande est recevable.
4.44. A cet égard, la Bosnie-Herzégovine propose que la Cour, si elle jugeait que les
exigences de l’article 61 sont satisfaites ¾ et elles le sont, selon nous ¾ décide immédiatement si
sa compétence pourrait être fondée sur d’autres bases84
.
4.45. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, le paragraphe 2 de l’article 61 du Statut
de la Cour dispose expressément que la procédure de revision s’ouvre par un arrêt de la Cour
déclarant la demande recevable. La proposition de la Bosnie-Herzégovine est donc contraire à
l’économie même de l’article 61 et peut, pour cette seule raison, être écartée. De plus, lorsque la
procédure de revision sera ouverte conformément au paragraphe 2 de l’article 61, d’épineuses
questions de droit devront être examinées tant par les Parties que par la Cour, notamment celle de
la succession automatique à l’égard de la convention sur le génocide. C’est pourquoi nous vous
prions respectueusement de trouver irrecevable une telle démarche de la Bosnie-Herzégovine, vu le
libellé péremptoire, la structure et l’objet du paragraphe 2 de l’article 61 du Statut.
4.46. Dans l’éventualité, toutefois, où la Cour ne suivrait pas cette voie et déciderait de
traiter cette question dès maintenant, la RFY s’attachera maintenant à démontrer qu’elle n’a en fait
jamais acquiescé à la compétence de la Cour d’une manière qui puisse être retenue contre elle.
Encore une fois, cela s’explique par le fait que la démarche de la RFY était en tous points et

82 Ibid., p. 621, par. 41 (les italiques sont de nous).
83 Ibid.
84 CR 2002/41, par. 46 (Pellet).
- 41 -
clairement motivée par l’idée de son identité avec l’ex-Yougoslavie et qu’en conséquence, elle ne
pourrait être considérée comme liée par les traités auxquels avait adhéré l’ex-Yougoslavie qu’en
raison de cette supposition, qui s’est maintenant révélée fausse.
4.47. D’ailleurs, la Cour elle-même a souvent fait explicitement référence à la déclaration
yougoslave du 27 avril 1992 qui, comme nous le savons, reposait aussi sur l’idée de continuité; la
Bosnie-Herzégovine était ainsi avertie du fait que l’idée d’identité était en réalité au cœur même de
la compétence de la Cour, dont elle constituait le seul fondement.
4.48. Nous en voulons également pour preuve que la RFY a retiré ses demandes
reconventionnelles lorsque les faits nouveaux à l’origine de la demande de revision furent connus,
car il devenait dès lors évident que la Cour ne pouvait plus exercer sa compétence à l’égard de la
RFY, puisque celle-ci n’avait pas accès à la Cour en vertu de l’article 35 du Statut et que la RFY
n’était en outre pas liée par l’article IX de la convention sur le génocide.
Monsieur le président, Messieurs de la Cour, permettez-moi avant de conclure d’aborder la
question de savoir si la compétence de l’auguste Cour peut être fondée sur le principe du forum
prorogatum. Elle ne peut l’être.
VIII. LA COMPÉTENCE DE LA COUR NE PEUT ÊTRE FONDÉE SUR LE
PRINCIPE DU FORUM PROROGATUM
4.49. La Bosnie-Herzégovine soutient à cet égard que par ses déclarations devant la Cour, la
RFY a implicitement accepté la compétence de la Cour au titre de l’article IX de la convention sur
le génocide. Or, pour quatre raisons, dont chacune est à elle seule suffisante, on ne saurait conclure
qu’à l’inconsistance de cet argument.
4.50. Premièrement, la RFY n’a jamais indiqué de façon catégorique qu’elle acceptait la
compétence de la Cour. La Cour a constamment dit ¾ à partir de sa décision en l’affaire du
Détroit de Corfou85 ¾ que pour que la Cour soit compétente à son égard en vertu du principe du
forum prorogatum, un Etat devait avoir volontairement et indiscutablement accepté cette

85 Détroit de Corfou, exception préliminaire, arrêt, 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948, p. 27.
- 42 -
compétence au cours de la procédure. Cela, la RFY ne l’a jamais fait. En fait, c’est la Cour qui a
dit dans la phase précédente de la procédure en la présente espèce que «la Yougoslavie a
constamment contesté la compétence de la Cour ¾ que ce soit sur la base de la convention sur le
génocide ou sur toute autre base»86
.
C’est pour ce motif que la Cour a rejeté le principe du forum prorogatum comme base
additionnelle de compétence dans son arrêt de 199687. Après le prononcé de cet arrêt, la RFY n’a
eu d’autre choix que de prendre position sur le fond de l’affaire, même si la position de la RFY au
sujet de la compétence de la Cour n’avait pas changé.
4.51. Deuxièmement, les demandes reconventionnelles de la RFY n’ont été présentées
qu’après le prononcé de l’arrêt de la Cour en 1996 affirmant sa compétence. Cette affirmation,
nous l’avons déjà montré, était cependant fondée sur l’identité présumée de la RFY et de
l’ex-Yougoslavie. Dès que des faits nouveaux ont été révélés, prouvant que cette présomption était
erronée, l’affaire était ouverte à revision, et ce résultat ne saurait être contourné au motif que la
RFY elle-même s’était antérieurement fiée à cet arrêt, ce qu’au demeurant elle n’avait d’autre
choix que de faire.
4.52. En outre, à supposer même ¾ ce qui n’est pas le cas ¾ que la RFY eût acquiescé à
l’exercice de la compétence de la Cour, les conditions nécessaires à cet exercice n’auraient toujours
pas été réunies. Il y a en effet ¾ ainsi que nous l’avons déjà indiqué ¾ certaines conditions
minimales à remplir pour que la Cour puisse exercer sa compétence à l’égard d’un Etat qui n’est
pas partie au Statut et qui n’a pas été invité non plus par le Conseil de sécurité à se présenter devant
la Cour en vertu de la résolution 9 (1946). L’argument de la Bosnie-Herzégovine, si on le prend au
sérieux, conduirait à permettre aux Etats de passer outre aux prescriptions les plus fondamentales
de la Charte des Nations Unies et du Statut de la Cour en ce qui concerne l’accès des Etats à la
Cour, éventualité que n’envisagent certes ni le Statut, ni la Charte.

86 C.I.J. Recueil 1996, p. 621; voir aussi la phase de la procédure relative aux exceptions préliminaires,
C.I.J. Recueil 1993, p. 341-342.
87 C.I.J. Recueil 1996, p. 620-621.
- 43 -
4.53. Enfin, l’argument que fait valoir la Bosnie-Herzégovine est, une fois de plus, contraire
à la structure même de l’article 61. A ce stade de la procédure, la seule question que nous
examinons est de savoir si la demande de revision est recevable. Nous croyons qu’elle l’est. Ce
n’est que passé cette étape que la Cour pourra se demander si d’autres bases existent pour sa
compétence. De ce point de vue, la situation est analogue à la question de savoir si le paragraphe 2
de l’article 35 du Statut peut s’appliquer en l’espèce ¾ ce à quoi nous répondons par la
négative ¾ question qui ne pourra être correctement examinée que lorsque la procédure de revision
sera ouverte.
Monsieur le président, Messieurs de la Cour, pour les raisons que j’ai expliquées, nous
croyons que les arguments reposant sur la notion de forum prorogatum doivent être également
rejetés.
CONCLUSIONS
5.1. Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, permettez-moi de vous
présenter nos conclusions. La revison constitue un recours exceptionnel. Ce n’est que dans des cas
particulièrement inhabituels, qui échappent à toute classification, qu’une telle hypothèse peut être
envisagée. Tel est le cas en l’espèce. La dissolution de l’ex-Yougoslavie n’a suivi aucun modèle,
ni aucun schéma préétabli. Elle a débouché sur plus de controverses que de situations bien claires.
L’un des principaux dilemmes engendrés par cette dissolution résidait dans la question de savoir si
la RFY assurait la continuité de la personnalité de l’ex-Yougoslavie, ou bien si elle devait être
considérée comme l’un des Etats nouvellement indépendants successeurs de l’ex-Yougoslavie.
Dans la première hypothèse, la RFY aurait assuré la continuité de la qualité de Membre de
l’Organisation des Nations Unies qui était auparavant celle de la Yougoslavie, et elle serait
demeurée liée par les traités ratifiés par cette dernière. Dans la seconde hypothèse, la RFY ne
pouvait devenir Membre de l’Organisation des Nations Unies qu’en demandant son admission en
tant que nouveau Membre. De même, toujours dans cette seconde hypothèse, la RFY ne pouvait
devenir liée par des traités qu’à la suite de formalités conventionnelles de sa part. Certes, la théorie
de la succession automatique aurait également pu être invoquée, mais la Cour a explicitement
choisi de ne pas s’appuyer sur cette théorie.
- 44 -
5.2. Nous avons démontré que ni la déclaration, ni la note du 27 avril 1992 ne constituaient
des formalités conventionnelles. En effet, ces deux documents ne tentaient pas de créer des
obligations mais exprimaient plutôt une manière de concevoir la dissolution de l’ex-Yougoslavie,
en indiquant que la RFY n’était rien d’autre que l’ex-Yougoslavie ¾ ce qui entraînait bien
évidemment qu’elle en assumait les mêmes obligations. Cette manière de voir devait également
être confirmée par le fait que le dépositaire ne traita jamais les documents en question comme des
formalités conventionnelles. La lettre du conseiller juridique en date du 8 décembre 2000 ne
considère de toute évidence ni la déclaration ni la note comme des formalités conventionnelles. La
RFY y est au contraire invitée à entreprendre de telles formalités dans le cas où elle souhaiterait
demeurer liée par les traités concernés. Cette invitation couvrait explicitement la convention sur le
génocide.
5.3. Il est clair que l’arrêt du 11 juillet 1996 ne pouvait que s’appuyer sur la première
hypothèse, celle selon laquelle la RFY aurait assuré la continuité de la personnalité et de la qualité
de partie aux traités de l’ex-Yougoslavie. Si la Cour avait adopté la seconde hypothèse, elle aurait
dû établir dans quelle mesure la RFY était devenue liée par la convention sur le génocide. Cela n’a
pas été établi. Au lieu de quoi, considérant comme un fait acquis qu’il y avait continuité de la
personnalité, la Cour en a conclu que la RFY demeurait liée par l’article IX de la convention sur le
génocide. (Parallèlement, la Cour, suivant en cela le principe de la succession des Etats, a estimé
que la Bosnie-Herzégovine était devenue liée par la convention88.)
Le dépositaire a apporté des arguments en faveur de cette façon de voir. Jusqu’au
1
er novembre 2000, la «Yougoslavie» figurait sur la liste des Membres fondateurs de l’Organisation
des Nations Unies depuis 1945, ainsi que sur celle des parties initiales au Statut. Elle figurait en
outre sur la liste des parties à la convention sur le génocide depuis 1950. Le postulat selon lequel il
y aurait eu continuité de la personnalité de l’ex-Yougoslavie constituait le seul élément associant la
RFY au statut des Etats considérés comme étant devenus parties à la convention sur le génocide par
ratification en 1950.

88 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996, p. 611, par. 20.
- 45 -
5.4. Il est clair aujourd’hui que la RFY n’assurait pas la continuité de la personnalité de
l’ex-Yougoslavie, mais tel n’était pas le cas avant le 1er novembre 2000. La lettre du conseiller
juridique du 8 décembre 2000 explique, et ce de manière parfaitement claire, que, avant le
1
er novembre 2000, la RFY n’était pas considérée comme l’un des Etats nouvellement
indépendants ayant succédé à l’ex-Yougoslavie. Au lieu de quoi, c’est très précisément
l’admission de la RFY au sein de l’Organisation des Nations Unies le 1er novembre 2000 qui a été à
l’origine de cette nouvelle interprétation. C’est à la lumière de son admission à l’Organisation des
Nations Unies le 1er novembre 2000 que la RFY a été perçue comme un «Etat nouvellement
indépendant»; c’est à partir de ce point que le dépositaire a commencé à traiter la RFY comme un
«Etat nouvellement indépendant» qui n’assurait pas la continuité de la qualité de partie à des traités
d’un autre sujet de droit international, et devait de ce fait entreprendre des formalités
conventionnelles particulières si elle souhaitait être liée par des traités.
5.5. Ainsi que l’a indiqué le conseiller juridique : «compte tenu des circonstances de son
admission comme Membre de l’Organisation des Nations Unies le 1er novembre 2000, il serait
approprié que le dépositaire des traités considère la République fédérale de Yougoslavie comme un
Etat nouvellement indépendant»89
.
5.6. Ainsi que l’a clairement confirmé le conseiller juridique, c’est l’admission de la RFY à
l’Organisation des Nations Unies le 1er novembre 2000 qui a fait apparaître la réalité des faits.
C’est cela qui a constitué un tournant dans la manière de voir cette situation. Même le dépositaire,
qui était le premier concerné et le mieux qualifié pour évaluer et observer la qualité de partie à des
traités ou de continuité de la qualité de partie à des traités, n’était pas disposé à adopter un point
définitif avant le 1er novembre 2000, date à laquelle il a pris position «compte tenu» de l’admission
de la RFY à l’Organisation des Nations Unies le 1er novembre 2000. Tirant ses conclusions de ces
faits nouvellement découverts, le conseiller juridique a invité la RFY à procéder à des formalités
conventionnelles, notamment à l’égard de la convention sur le génocide.
Depuis son admission à l’Organisation des Nations Unies, et à la lumière de cette admission,
la RFY est traitée comme un Etat nouvellement indépendant.

89 Lettre du conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies en date du 8 décembre 2000 adressée au
ministre des affaires étrangères de la République fédérale de Yougoslavie.
- 46 -
5.7. Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, ce que nous avons devant
nous ici milite très clairement en faveur d’une revision. Un changement radical s’est opéré à
l’égard des fondements sur lesquels repose l’arrêt de 1996. Ce changement ne relève pas du droit
ou de déductions de nature juridique. La RFY ne remet pas en question le raisonnement juridique
de la Cour. Le changement en question concerne les éléments de fait, tels qu’ils pouvaient être
perçus à l’époque et tels qu’ils le furent, à partir desquels la Cour s’est prononcée sur la question de
la compétence.
La compétence ratione personae à l’égard de la RFY reposait sur le postulat que, à la suite
de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, la RFY avait assuré la continuité de la personnalité et de la
qualité de partie à des traités de l’ex-Yougoslavie. La conclusion en droit selon laquelle la Cour
était compétente ne reposait que sur ce postulat.
5.8. Il est clair aujourd’hui que la RFY n’assurait pas la continuité de l’ex-Yougoslavie et ne
demeurait pas liée par l’article IX de la convention sur le génocide. Cette hypothèse centrale, sur
laquelle reposait la compétence, a été infirmée. Ce n’est pas le raisonnement juridique qui est ici
en question, car, sur la base de ce qui, en 1996, était considéré comme un fait acquis, aucune autre
conclusion n’était possible au plan juridique. La RFY prie respectueusement la Cour de considérer
que les faits nouvellement établis conduisent à une nouvelle conclusion en droit, qui reste encore à
formuler ¾ et qui ne pourra l’être qu’une fois ouverte la procédure en revision.
Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, je vais à présent, et avec votre
permission, vous soumettre nos conclusions.
CONCLUSIONS DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DE YOUGOSLAVIE
Pour les motifs énoncés dans sa demande du 23 avril 2001 et dans ses plaidoiries lors de la
procédure orale tenue du 4 au 7 novembre 2002, la République fédérale de Yougoslavie prie
respectueusement la Cour de dire et juger :
¾ qu’il y a eu découverte de faits de nature à donner ouverture à la revision de l’arrêt du
11 juillet 1996 conformément à l’article 61 du Statut de la Cour; et
¾ que la demande en revision de la République fédérale de Yougoslavie est de ce fait recevable.
- 47 -
Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, je voudrais, pour conclure cet
exposé, vous dire quel honneur exceptionnel et quel grand privilège cela a été pour moi de paraître
devant la Cour. J’apprécie vivement cet honneur et ce privilège, ainsi que l’attention que vous
m’avez accordée. Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur l’agent. Ceci met un terme au second tour de
plaidoiries de la République fédérale de Yougoslavie. La Cour a pris note des conclusions finales
de la République fédérale de Yougoslavie. Elle se réunira à nouveau demain à 10 heures pour le
deuxième tour de plaidoiries de la Bosnie-Herzégovine.
L’audience est levée à 12 h 5.
___________

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