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CR98/14 (traduction)
CR98/14 (translation)

Mercredi 17juin 1998
Wednesday 17June 1998 -2-

Le PRESIDENT: Veuillez vousasseoir,s'il vousplaît. Je donne laparole àl'agentadjoint

du Canada.

M. HANKEY:

1.Monsieur le président, Madameet Messieurs dela Cour, avant de commencer à exposer

la réplique duCanada dans le cadre de ce deuxième tourde plaidoiries,je tiensà présenterà la

Cour lesexcuses du Canada pour l'absencede son agent,M. PhilippeKirsch. Pourdesraisonsqui

vous ont étéexposées,M. le président,il a dû quitter La Haye à l'improvistepour exercer des

fonctions pour l'organisation des Nations Unies.

2. Je commenceraien rappelant brièvementce que M. Kirsch a dit la semaine dernière. La
W
présenteaffaire concerne la réservedu Canada. A ce stade, la question est simplement de savoir

si, auxtermes de cetteréserve,qui fait partie de la déclarationdu Canadadu 10 mai 1994,la Cour

est compétente (CR 98/11, p. 8, par. 3-4). La Cour elle-même,dans son ordonnance

du 2 mai 1995,a donnéaux Parties pour instructionsde se limiterà cette question au cours de la

présenteinstance. L'ordonnance reflétait quantà elle un accord intervenu entre les Parties lors

d'une réunionque les deuxagents ont tenue avec M. Bedjaoui le 27 avril de la mêmeannée.

3.En conséquence, larecevabilité,y comprislaquestionde l'épuisemendtesrecours internes,

la question de savoir si la procédure est sans objetsavoir si le différend aétéréglé- et la

questiondu locus standide l'Espagnepour engager la présenteinstance ne sont pas en causà ce
1'
stade. Le Canada n'adonc pris aucune position sur ces questions.

4. La semainedernière, laCoura entenduleconseilde l'Espagneposer laquestionsuivante :

((Pourquoisommes-noustous ici ?» (CR 98/10, p. 16). Cette interrogationa peut-être eu l'effet

dramatiquevoulumaisentant quequestion,elleétaitextrêmemen ntaïve. C'est auxpropresavocats

de l'Espagne,et non à la Cour, qu'elleaurait dû être adressée.

5. La réponse- la réponsehonnête - est que nous sommes tous ici pour une raisontrès

simple et évidente,àsavoir que confrontéeau libelléclair de la réservedu Canada qui exclut la

compétence de la Cour pour connaître du différenden cause, l'Espagne a fait des efforts -3-

extraordinairespour écarterce libelléclair et ne pas aboutir a cette conclusion tout aussi claire.

Les contradictions et la confusion introduitespar l'Espagnesont réellementétonnantes.

6. Lors du premier tour, on nousa dit que la législation de1994n'était pasune mesure de

conservation et de gestion. On nous a dit que la saisie del'Estai ne relevait pas de l'exécution

OO 9 (CR 9819, p.16,par. 7, etpassim). On nous a dit que le présentlitige concernait le «titre», ou la

juridiction, et non la conservationet la gestion (CR19,p. 12,par. 2 etpassim tout au long des

plaidoiries de l'Espagnejusqu'au CR 98/13, p. 65). On nous a mêmedit que la saisie de l'Estai

violait la Charte des Nations Unies (CR 98/10, p. 51-56, par. 33-37; CR 98/13, p. 60-64,

par. 21-28).

7. En fait, lesargumentsdel'Espagne,bienqu'ils prennentdiversesformes,seramènent tous

a une seule proposition assez simple,àsavoir que la réservedu Canada ne peut couvrir queles

mesures de conservation et de gestion licites, et les actes d'exécutionlicites.

8. C'estpourquoi l'ona insistésur le titre. Il s'agitde persuader la Cour que la réservedu

Canadane couvrepas la question dudroit du Canada- sondroitjuridique - de prendrede telles

mesures. Tel est le but de l'argumentde l'Espagneselon lequel les mesures prises en haute mer,

au-delàde la limite des 200 milles, ne peuvent êtredes mesures deconservation et de gestion)).

Pourquoi ? Parce qu'ellesne seraientpas licites. Tel est l'objectifde l'attaque par l'Espagne

contre les pouvoirs d'exécution du Canadae,n les décrivant comme illicitesparce qu'enviolation

de l'interdictionde l'emploide la force inscrite dans la Charte des Nations Unies. Et tel est

l'objectif des tentatives faites par l'Espagne pourmontrer que les techniques canadiennes de

conservationet de gestionne sont pas celles autoriséespar lestraités. La conclusionde l'Espagne

est qu'elles sontillicites, et donc qu'elles ne sont pascouvertes par la réserve.

9. Ces diversesvariations surcethèmeunique,et simple,ont été exhaustivemenetxaminées,

parM. Willis, la semaine dernière(CR 98/12,p. 11-17). Je ne veux pas reprendre sesarguments,

mais sa conclusion mérite d'être rappelée. L'argumentunique et simple de l'Espagne est

manifestement erroné !

10.11est erronéparce qu'ilinvite laCourà se prononcersur la licéité dmesuresprises par

le Canada dans le cadre d'une décisionpréliminaire surla compétence :le fond précèdelacompétence. Et,en outre,il prive laréserve deson sens- car lesmesuresprises dans la zone de

réglementationde I'OPANOdoivent par définitionêtreprises au-delà de la limite des 200 milles.
.
Et il rend cette réserve absurde, car il assujettirait les mesuresàlla compétence delaCour

et n'enexclurait que les mesures licites.

11.11est exact que durant le second tour de plaidoiries, l'Espagnea présde nouveaux

arguments, d'ailleurssi nombreux que leCanadaa dû choisirentre ceux qui méritentune réponse

et les autres. Je ne m'enplains pas. Mais la Cour ne doit pas considérerle silence du Canadaau

sujet de l'unquelconquede ces argumentsespagnolscommeun aveu ou un acquiescement. Nous

avonsdéjàvucomment,durant lepremiertour deplaidoiries,l'Espagneavaitavancédesarguments

assez radicalementdifférentsde ceuxqui figuraientdans sonmémoire. Sesargumentsont changé *

une nouvelle fois. Cela rend bien entendu le débatdifficile, puisque les questions soulevées

changent constamment, mais permettez-moi d'examinerun ou deux des nouveaux arguments

avancéspar l'Espagneau second tour.

12. On nous parle maintenant de «nullité»,ce dont il n'étaitpas du tout question dans le

mémoirede l'Espagneni dans ses plaidoiriesdu premiertour (CR98/13, p. 37,par. 8). M. Highet

affirmemaintenantque laréserveduCanadadoitêtreconsidéréc eomme«nulle». Or, queje sache,

l'acte d'un Etatest nul lorsqu'ilest non seulementillicite,maisilliciteau regardd'unerègle dedroit

si fondamentale et si impérativequ'iln'estpas seulement illicite mais nulinitio.

13.Mais au regardde quelle règlefondamentaleet impérative la réservceanadienneest-elle j

nulle ? L'Espagnene nous le dit malheureusement pas. Ce qu'elle nous dit, par contre, c'est

comment le Canada aurait dû rédigersa réservepour atteindreson but, réaliserson objectif,que

l'Espagneconnaît bien sûrtrèsbien. Peut-onvraiment, M. le président, éviterne nullitépar une

simple technique de rédaction,en choisissant des mots différents Yen doute beaucoup. J'ai
.
l'impressionqu'il s'agitde la mêmeallégation sousune nouvelle forme :le Canada aurait agi

illicitement. Mon collègue,M. Willis, se penchera sur cette récente découverte del'Espagne.

14.Certes,l'Espagnea invoquél'article2,paragraphe 4,de laChartedesNations Unies pour

contester l'applicationparle Canadade sa législation en haute mer.Et le Canadaadmetvolontiers - 5 -

que l'interdictionde l'emploi dela force qui figure dans la Charte, au paragrap4ede I'article2,

est une norme impérative.Mais I'argumentest défectueuxpour deux raisons.

15.Premièrement,le paragraphe 4de l'article2n'interdit pasauxEtatsde fairerespecter leur
011

législation.Commelemontrera M. Willis,ledegré decoercitionautoriséparla loicanadienneest

largement à l'intérieurdes limites fixéespar la pratique générale dEtats.

16. Deuxièmement,mêmesi l'Espagneavait raison lorsqu'elle affirme que les mesures

d'exécutionprises par le Canada sont excessives,et donc illicites, il s'agiraitlà d'unequestion de

fond. Cela reviendrait à contester le comportement qu'aeffectivement eu le Canada lorsqu'ila

arraisonnél'Estai. Cela n'a rien à voir avec l'interprétationde la réservecanadienne. Car

l'exécution demeureraitI'«exécution» aux termes de la réserve,licites ou non.

17.En fait, c'estsur un point seulement queles argumentsde l'Espagneconcernantlanullité

visent directement la réserve.Il s'agitdu point soulevé parM. Dupuy selon lequel (CR 98/13,

p. 56-57, par. 12-1) laréservecanadienneest nulle parce qu'elle vaà l'encontredu paragraphe6

de l'article36 du Statut de la Cour. Cet argument repose essentiellementsurl'attaquelancée par

sir Hersch Lauterpachtcontre les ((réserveautomatiques))dans l'affaire desEmprunts norvégiens.

18.Je ne suis en aucune manièresûr, Monsieur le président,que laCour dans son ensemble

partagerait cette opinion quantà l'incompatibilitédes réserves((automatiques))ou ((laisséesa la

seule appréciation deleurs auteurs))avec le paragraphe 6 de I'article36,. Mais, quoi qu'il ensoit,

l'ensemble deI'argumentest mal conçu.

19.Le Canada ne dit pas «il s'agitde mesures de conservationet de gestion parce quenous

le disons)). Nous nedéfinissonspas «lesmesuresde conservationet de gestion))par simplerenvoi

à la loi canadienne. Nous admettonsvolontiersque la Cour a le pouvoir de décidersi lesmesures

canadiennes sont des mesures de conservationet de gestion - au regard de la pratique générale.

Et nous pouvons aussi admettre que la Cour a le pouvoir de dire si les mesures d'exécution

canadiennessontdes mesuresd'«exécution» - égalementau regardde lapratique générale. C'est

pourquoi,dansnosécritureset dansnosplaidoiries,nousnous sommesefforcésdemontrer que les

mesures canadiennes sont exactement ce que la pratique internationale entend par ((mesuresde

conservation et de gestion)). Leur seule caractéristique particulière est qu'ellessont applicables -6-

au-delà des 200 milles. Mais cela concerne la licéité,le fond. Elles n'en sont pas moins des
0 1 2
«mesures» au sens de la réservecanadienne.

20. Puis, il s'agitd'unautre argument«nouveau» :M. Highet nous dit que l'Espagnea trois

autres griefs qui n'ont rieàvoir avec l'Estai(CR 98/13, p. 49-50, par. 67-70)à savoir que le

Canadaa illicitementexercésajuridiction sur la haute mer, quele Canada a illicitementemployé

la force et que le Canada a violéla souverainetédel'Espagneen haute mer.

21.Franchement, Monsieurleprésident,j'aibeaucoupdemal àdiscernerlapertinencedetout

cela. La réserve duCanada ne se limite pas à l'Estai. Cestrois «autres» griefs de l'Espagnene

prouventabsolument rien. 11s'agitdans tous lescas de griefsauxquels a donné lieu la législation
w
de 1994et son application. Cette législationet ses règlementsd'applicationsont des «mesures»

couvertes par la réserve. Qu'est-ce que l'Espagneveut donc prouver ? Je ne vois absolument

aucune validitéà son argument.

22.Monsieur leprésident,c'esten raison d'argumentsde cetype que noussommes ici. Mais,

puisque nous sommes ici, pemettez-moi de revenir à la véritable question.Comment doit-on

interpréterlaréservecanadienneet est-ce que cette réserve,appliquée aux faitsdela cause, exclut

la compétence ? Je vais examiner cette question.

1. Interprétationde la réserve duCanada

a) Règlesd'interprétationet conception de l'interprétation

i
23. Monsieur leprésident,j'aitrèspeudechoses à diresurles règlesrégissant l'interprétation

des déclarations envertu de la clause facultative. Comme la Cour l'auranotéà l'occasionde la

plaidoiriede M. Remiro Brotons (CR 9819,p. 54-59, par. 1-15)ily a eu un assezlarge accordsur

les principes que j'ai moi-mêmeexposésjeudi, durant le premier tour de plaidoiries (CR 98111,

p. 24-35, par. 4-39).

24. Maisune divergence de vues importante demeure. Bien qu'apparemmentelle accepte

l'unitéde la déclaration etde la réserve,et bien qu'elleproposeune interprétationrestrictive des

réserves(voir CR 9819, p. 57, par. 8), en fait l'Espagnefait exactement le contraire. Car la

conception qu'al'Espagnede i'interprétatiotient essentiellement deux propositions. -7-

013 25. Premièrement, lebut d'unedéclarationfait en vertu du paragraphe 2 de l'article36 est

de conférer compétence à la Cour, et il faut donner pleinement effàce but.

26.Deuxièmement,uneréservedoitêtre considéréceomme uneexception,ouune dérogation,

à cet objectif premier, et elle doit donc êtreinterprétéerestrictivement.

27. Pour reprendre les mots de M. Brotons, «il faut donner aux réservesla portéela plus

limitée permisepar leur interprétation...)) 9819,p. 58, par. 11).

28. Or, Monsieur le président,cela est faux. Commeje I'aiexpliqué lorsdu premier tour

(CR 98111,p. 28, par. 14),si la déclaration,y compris les éventuelles réserves, constitutout

unitaire, les mêmes principesd'interprétation s'appliquentensemble. On ne peut être«libéral»

en ce qui concerne la déclarationet ((restrictif))en ce qui concerne la réserve. L'ensede la

déclaration,y compris la réserve, doit être traité coun tout. Et s'ily a un principe qui prime

tous les autres -et il y en a un - c'estcelui selon lequelles mots utilisés doiventexprimerun

véritable consentementà la compétence.On ne peut partird'uneprésomption decompétence qui

reposerait sure fait qu'unedéclarationa éfaite,et traiter les réservescommedes dérogationsau

consentement, à interpréterrestrictivement, comme 1'Espagnecontinue de l'affirmer.

b) Application de la réserveau présentdzflérend

29. Je voudrais maintenant, Monsieur le président, metourner vers ce qui semble être au

coeur du présentlitige. Quel est exactementle champ d'application dela réservecanadienne ?

30.Ilpourraitêtreutilepour la Cour d'imaginerune image inverséede laréservecanadienne,

de considérer le libellde cette réservenon comme une réserve à la compétence,maiscommeun

octroi de compétence.En d'autrestermes, desupposerque le Canada a conféré compétencedans

lesmêmestermesquedanssaréserve :quelleauraitétél'étenduede lacompétenceainsiconférée ?

31. Permettez-moi de commencer par la proposition centrale :«les différendsauxquels

pourraient donner lieu les mesures de gestionet de conservation...)) Logiquement, commeje I'ai

dit jeudi dernier (CR 98111, p. 36, par. 45), cette expression couvre quatre éléments.

O14 32. Premièrement, le droit,ou «titre», de prendre detelles mesures.Je ne peux imaginer

qu'undifférend sur cette questionne constitue pasun différend(auquelpourraient donner lieu les

mesures en question)). En d'autrestermes, si le Canada avait utilisé lesmêmesmots dans un -8-

compromisou une clause compromissoirepour conférercompétence à la Cour, l'Espagneauraità

coup sûr affirméque tout différend concernantle droit du Canada - l'Espagneutilise le mot

«titre»- de prendre lesmesures relevait de la compétence.Et, dans cette hypothèse,l'Espagne

auraitraison. Car si un Etat entreprendune actionde quelle que forme que ce soit, y compris en

adoptant une mesure législative,un différendau sujet du droit de cet Etat au regard du droit

internationald'agir de cette manière estmanifestementun différend ((auquelpourrait donnerlieu»

ce comportement.

33. Deuxièmement,la nécessitéde telles mesures. Il faudrait pour cela la preuve - en

grandepartie scientifiqu- de l'existenced'unvéritable besoindeconservation. Il est évidentque

tout différend sur de telles questions serait couvertpar un octroi de lacompétencepour connaître 1

de ((mesuresde conservation et de gestion)).

34. Troisièmement, la démonstration que les mesures de conservation et de gestion

effectivement prises étaient appropriées pourrépondrea ce besoin, autre question qui doit être

prouvéescientifiquement. Là encore, il est apparentquetout différend au sujetde telles questions

serait un différent((auquelpourraient donner lieu» les mesures en question.

35. Quatrièmement,I'exécutionou la mise en oeuvre de telles mesures. Pour moi, cette

quatrièmequestion comprendrait non seulement la question de savoir si les moyens d'exécution

utilisésétaientappropriéspour mettre en oeuvre lamesure concernée maise,noutre, si ces moyens

étaientexcessifs ou illicites. Ainsi, un différendconcernanttout acte d'exécutionou de mise en w

oeuvreserait àjuste titre considéré comme un différend«auquel pourraientdonner lieu» les actes

de l'Etat. En bref,je suis en train de dire que l'expression«auquelpourrait donner lieu» couvrirait

un différend sur I'exécutionmêmeen l'absence du dernier membre de phrase de la réserve

canadienne, quivise expressément((l'exécution de telles mesures)).

36. Or si un octroi de compétenceeffectué dansles termes utiliséspar le Canada couvrirait

cesquatre éléments - et celane fait aucundoute- ilen découlenécessairemenq tu'une exclusion

de compétence - une réserve- couvrirait égalementces quatre éléments.

37. Le libellé veut direune chose. On ne peut modifier le sens des mots selon qu'ilssont

utilisésdans unedéclarationconférantcompétencoeudans une réserve.Ainsi,je lerépète,le sens -9 -

ordinairedes motsutilisés couvriraitl'ensemblede ces quatreéléments :les différendsconcernant

la licéitél,esdifférendsconcernant les preuvesscientifiques,lesdifférendsconcernantle caractère

approprié desmesures et les différends concernant leur exécution.

38. Or, il est clair que tel n'est pasl'avisde l'Espagne. Premièrement,commeje l'aifait

observé, l'Espagnd eit que laquestiondu «titre»n'est pas couverte.Ainsi, tout différend concernant

ledroitjuridique d'unEtatde prendrede tellesmesures - undifférendpouvant impliquerl'examen

de certains des principes de droits fondamentauxqui régissentlajuridiction de I'Etatcôtier - est

exclu. Cetteconclusionest étonnante ! Songez-y,Monsieur leprésident !S'ils'agissaitd'unoctroi

de compétence,la Cour serait compétentepour connaître des différends d'ordre essentiellement

scientifique sur la question de savoir s'il existe un besoin de conservation et si les mesures

canadiennessontappropriées - il s'agitdesdeuxièmeettroisièmequestions- mais elle ne serait

pas compétentepour connaître de la première question, la question principale, de savoir si le

Canada avaitjuridiquement le droit de prendre de telles mesures.

39. J'imaginetrès bien la réactionde la Cour. S'il s'agissaitd'un octrod e compétence,

assurémentla Cour se déclareraitcompétente pour examiner tout différend concernant le droit-

le «titre» du Canada d'adopterde telles mesures. Pareillement,parce qu'il s'agitd'uneréserveet

non d'un octroide compétence,la question du droitjuridique, outitre, du Canada doit être exclue

de la compétence.

40. C'estM. Weil qui lorsdu premier tourde plaidoiriesa expliquéque siunejuridiction est

compétentepour connaîtred'unecertainematière,elle l'estnécessairementaussipour examinerles

principes et les règles dedroit qui la régissent(CR 98/12, p. 41, par. 38). L'Espagnea répondu,

par la voix de M. Highet(CR 98/13,p. 43, par. 36) que leCanadaignore la distinctionentre a) les

principesjuridiques;et b) les règlesjuridiques defond. Monsieurleprésident, Je suisextrêmement

perplexe. Quelle est exactement cette distinction que nous aurions oubliée? Ceci ne constitue

aucunement une réponse à l'argumentavancépar M. Weil.

41. Il est également clair,M. le président,que l'Espagneconsidère que l'exécutionpar le

Canada de sesmesuresde conservationet de gestion n'entrepas dans le champ d'application desa

réserve,bien que celle-ci vise expressément infine «l'exécution de telles mesures)). - 10 -

016 42. La Cour me pardonnerasije perçoismoins clairementpourquoi l'Espagnene considère

pas les dispositionspertinentes de la législationde 1994ni les mesures effectivementprises pour

arraisonnerl'Estaicomme relevant de l'exécution.

43.D'un côté, l'Espagne sembldeire que les mesuresautoriséespar la législationou utilisées .

en ce qui concerne l'Estai n'étaientpas des mesures d'«exécution»parce qu'elles n'étaientpas

«licites».Cet argument est vraiment extraordinaire. Imaginez une attention de compétence,

permettantà la Cour de connaîtreuniquementdes litigesconcernant des mesureslicites. De quel

différendpourrait-il s'agirOu imaginez une réserveexcluant la compétence dela Cour pour ce

qui est des mesures d'exécutionlicites, mais lui reconnaissant la compétence pource qui est des
‘tir
mesures illicites. L'absurddecesdeuxconséquencesdonne àpenserque l'argumentde l'Espagne

est mal fondé. L'interprétatioaisonnableest quec'estexactementcequesignifiel'exécution.Que

cette «exécution»soit licite ou illicite est une question différentEt, si la Cour se déclare

compétente, ellepourra la trancher, mais si l'«exécution»est exclue de sa compétenceelle ne le

peut pas.

44. D'unautre point de vue, l'argument del'Espagneest que l'«exécution»autoriséepar la

loi C-29 et utilisée contre l'Estai nepeut être une véritabexécution parce queles mesures

impliquent l'emploide la force et ne peuventêtrequalifiéesd'«exécutionau sensoù ce terme est

entendu dans la pratique internationale. Tel est l'argumentavancépar M. Highet (CR 98/10,

p. 17-20).

45.Je ne suispas sûr,M. leprésident,quecet argumentsoitvraiment différentde l'argument

selon lequel«exécution» signifie((exécutionlicite». Quoi qu'ilen soit, comme lemontrera mon

collègue M. Willis, les techniques d'exécutiondu Canada sont toàtfait classiques,et similaires

à celles utiliséespar de nombreux Etats pour protégeret conserver leurs stocks de poisson.

L'Espagnene lesappréciepeut-être pas, mais elles n'en sontpas moinsdesmesuresd'«exécution».

46. L'argument deM. Highet (CR 98/10, p. 18), selon lequel l'emploi dela force en haute

mer ne peutjamais constituer l'exécutiond'unemesure de conservationou de gestion, attesteàla

fois d'unmanque de compréhensionet d'une confusion. - 11 -

017 47.11attested'unmanquede compréhensionparce qu'il méconnaîltefaitqu'ilest de pratique

courantepour laprotectiondespêcheries quedesnavires d'Etatsexigentdesnaviresqu'ilss'arrêtent

pour que I'onpuisse monter àbord, cela sous la menace de la forceen cas de refus. Dire queces

naviresd'Etatscessentd'exécutedres mesures de conservationetde gestion àpartirdu momentoù

ils menacent d'utiliserou utilisent la force est tout simplement irréel.ait est qu'amenerun

navireà s'arrêtern mer et àlaisser des personnes monteràson bord n'est pas chosefacile. C'est

pour cette raison que de nombreux Etats confient la protection des pêcheriesleurs navires de

guerre,ou à des patrouilleursarmés. La menacede la force est souventle seulmoyen d'arrêtern

navire.

48. En ce qui concerne l'Estai,il ne s'agissait pasd'unpetit bateau sans défenseet innocent.

Il s'agissait d'un gros navire puissant de prés de 65 mètres qui avait par le passé violé la

réglementationde I'OPANqui refusait de s'arrêterpour que I'onmonte à son bord aux fins

d'inspection afin deéterminers'ilviolait les mesurescanadiennesde conservationet de gestion.

Dans ces conditions, la menace de la force utiliséepour l'obligerà s'arrête- des coups de

semoncetirésdevant l'Estai - n'étaitpas dutout excessive.

49. Je saisqueM. Higheta invitélaCour à imaginerque l'Estaiaurait pu être bombardéou

torpillé(CR 98/10,p. 19-20). Mais nul n'abombardéni torpillél'Estai. Si la Course souvientde

ce qui s'esteffectivementpassé,les moyens de coercitionutiliséspar les navirescanadiens étaient

éminemmentraisonnables. Ils étaienttypiques des voies d'«exécution»utilisées contreun navire

de ceiype.

50. Une controversepeut certes s'élever sur question de savoir si la force employée était

justifiée, nécessairou excessive. Et l'emploide la force peut dans certains cas êjugéillégal.

Mais la conclusion qui s'imposealors est qu'il s'agissaitd'unemesure de conservation illicite.

L'argumentde M. Highet selon lequel il ne s'agitjamais d'une mesure d'exécutinst toutà fait

différentet manifestement erroné.Il est contredit par la pratique courante des Etats qui arment

leurs navires chargésd'assurerla protection des pêcheries.

51. Cet argument est aussi source de confusion en ce sens qu'il insistesur le fait que

l'arraisonnementa eu lieu en haute mer. L'Espagneconsidère évidemmentla saisie de l'Estai comme illégale surce seul fondement,qu'ily ait eu ou non recours à la force. Mais il s'agiraitlà

de nouveau d'un argument que l'Espagnedoit faire valoir lors de la phase dufond. Selon cet

argument,l'arraisonnementétaitun acte illicited'exécutioparcequ'il aeu lieuenhautemer. Mais

O1 8 l'Espagne,tout comme M. Highet, voudrait faire croire à la Cour que I'arraisonnement ne saurait

êtreune mesure d'exécutiondu fait de son illicéité.En bref, ils soutiennentqu'onne peut parler

d'«exécution» qu'en cas d'«exécutionlicite».

52. Monsieur le président, c'estlà manquer tout à fait de réalisme. L'«exécution»est ce

qu'elleest :elle dépendde la nature et du butdes mesures prises. La question desa licéitéou de

son illicéitest toutà fait différent: c'estune question defond.

2. L'argumentationde l'Espagnenon seulementinvitela Cour a examinerle fond, maiselle

est aussi dans son principemême mal fondée

53.La faiblessede l'argumentationde l'Espagnenetientpas uniquementaufait qu'elleinvite

la Cour àtrancher desquestionsde fond avant dese prononcersur la compétence. L'argumentation

de l'Espagnepêcheen outre par le fait qu'elleest mal fondée.

54. Prenons le premier argument de l'Espagneselonlequel les mesuresautoriséespar la loi

de 1994 ne sont pas des mesures de conservation et de gestion. Mon collègue,M. Willis, a

démontré la semaine dernièrele caractèremanifestementmal fondéde cet argument (CR 98111,

p. 54-61). Les termesmêmesde la loi indiquentclairementque celle-ci a pour objet essentiel «la

conservation et la gestion». On y trouve les éléments caractéristiqued s'uneloi en matièrede 1

conservation et de gestion : les navires auxquels elle s'applique, les stocks depoissons qu'elle

protègeet les mesures de conservation qu'elleautorise. Et, pour terminer, elle comporte des

dispositions d'exécution. Il est difficile, Monsieur le président, d'imaginermesure législative

manifestant davantage son caractère demesure de conservationet de gestion.

55.Affirmer quecela ne sauraitêtrelecasparce que laloi s'applique au-delàde la limitedes

200 milles- c'estlà lathèsequ'avancel'Espagne - estmanifestementmal fondé. Lelieu où les

mesures sont prises est sans intérêt pourualifier leur nature. Les mesures sont ce qu'elles sont.

11faut examiner leur nature ou leur objet, leurfonction et lebut qui est le leur. Au regardde ces

critères, les mesures prisessont manifestementdes ((mesuresde conservationet de gestion». Le -13 -

grief que l'Espagnetire de I'applicabilde ces mesures au-delàde la limite des200 milles a pour

seul objetde contester leur légalité.Or il s'agit, commeje l'aidit, Monsieurleprésident,d'une

question de fond.

56. Et il en va de mêmede l'argumentde l'Espagneselon lequel les mesures d'exécution

autoriséesne sauraient être considérées comme dv eéritablesmesures d'exécutionv , iséespar la

réserve. L'Espagne se borne à soutenir que les mesures d'exécutiona,utorisées faisaientappelà

l'emploide la force. Comme nous l'avonsmontré, cet argument estdénuéde fondement. Le

paragraphe 4 de l'article 2de la ChartedesNations Uniesest absolumentinapplicableen l'espèce.

Il est tout simplementerroné delaisser entendre qu'onne peutjamais, selon la pratique des Etats

et l'usage généra dlu droit international,recouràrla force pour ((mettràexécution))des loisde

conservationet degestion. Le seul intérêt qupeourraitprésenter l'argumendte l'Espagneserait,au

stade du fond, sil'Espagnevoulait soutenirque l'emploide la force étaitexcessifou illicite parce

qu'ils'estproduit au-delà de la limite des 200 milles.

57. La présenteinstance porte sur la compétenceet non pas sur le fond de l'affaire. Mais

comme ilest questionde cesaudiencesdans lemondeentier, permettez-moi cependantde faireune

brèvedigression afin de corriger certaines des erreurs de fait les plus manifestescommises par

l'Espagne. Celles-cine concernentpas la compétencemais elles appellent une réponse. Tous ces

points ont étéexplicitementouvertsdans le contre-mémoireet les autresdocumentsque le Canada

a soumis a la Cour.

58. Lundi, M. Sanchez Rodriguez s'est demandé commentle Canada pouvait affirmer

aujourd'huique l'Espagnes'étaitsubitement convertie en un dangereux pays prédateuret pirate

en 1995dèslorsquele ministre Tobinavait déclaré que l'Espagnepêchait légalemen dtans lazone

de réglementationde I'OPANOen 1994 (CR 98/13, p. 17-18,par. 5).

59. On trouveraen partie laréponsedans le résumé de l'étuded'impactde laréglementation

publié parle Canada au moment de l'adjonctiondes noms de l'Espagneet du Portugal dans un

tableau du règlementen mars 1995. Ce passage qui figuredans les pièces écrites de l'Espagneet

du Canada se lit ainsi: «[L]a principale menace qui pèse sur le flétandu Groenland et entrave la
reconstitution de ses stocks provient desbateaux espagnolset portugais qui,oins
qu'on ne lesen empêche,auront un total de prises dépassantlargement le quota de
3 400 tonnes fixépour I'UE. [Or,un autreproblème importantdevrait seprésenter à
partir de 1994 :l'augmentation substantielledes infactions auxrèglesde I'OPANO
par les bateauxespagnolset portugais ...Les règlements [prispar le Canada]sont

essentiels pour mettre finlasurpêche des stocks de poisson de fond par lesbateaux
espagnols et portugais.))(Les italiques sontde moi.)

Cette explicationa étéfournieen même temps que lesnoms de l'Espagneet duPortugal ont

été ajoutéa su tableau, le 19 mars 1995.

60.Apparemment,noncontentde s'entenir à une question rhétorique,M. SanchezRodriguez

a poursuivi son exposéen disant que «l'Espagne a toujours respecté les limites de capture

juridiquement établiesdans le système OPANO))(CR.98/13, p. 20, par. 6).

61. Comme nous l'avons indiquéau paragraphe 24 et exposé de façon détailléedans

l'annexe 12ducontre-mémoireduCanada,c'est à prèsdecinquantereprisesque l'Unioneuropéenne

n'apas tenu compte desquotas de I'OPANOou a fixéunilatéralementpour elle-même des quotas

plusélevés que ceuxquiavaient étéétabli psar I'OPANO. Cequi s'esttraduitpar lasurexploitation

et l'épuisementdes stockschevauchants.

62. Mais il y a encore une autre erreur. M. Sanchez Rodriguez a laisséentendre que le

Canada reconnaît qu'onne trouve quedix pour cent du stock deflétannoir àl'extérieude la zone

des 200 milles (CR 98/13,p. 19). Cet ((élémendt'information))apour objet de donnerà entendre

que si quatre-vingt-dixpour cent du stock se trouvait l'intérieude la zone des 200 milles du

Canada, on ne saurait guère reprocherà l'Espagnel'effondrementdu stock puisquecelle-ci n'en

pêchait que dixpour cent à I'extérieure cette zone. Monsieurle président,le moins que l'on

puisseattendre duconseilde l'Espagne,c'estqu'ilcite exactementlesdocumentsetnefournisse pas

des renseignementserronés à la Cour. Le contre-mémoiredu Canada, auxpages 10et 11, indique

avec une parfaite clartéqu'ils'agitdedix pour cent du Grand bancet non pas du stockqui se situe

à I'extérieurde la zone des 200 milles. De surcroît, commeil s'agitd'unstock «chevauchant»,

c'est-à-dired'un stockse déplaçantde part et d'autrede la limite des 200 milles, son épuisement

d'uncôtéou de l'autrede cette limiteentraîne celui de l'ensemble dustock. - 15-

63. Et on peut douter que l'Espagnese soit vraiment méprisesur la situation. Si l'Espagne

croyait réellementne pêcherque dix pour cent du stock, pourquoi l'Unioneuropéenne a-t-elle

attribuéen 1995 à l'Espagneet au Portugal un quota de soixante-neuf pour centdu total admissible

des captures (TAC) ? Entre soixante-neufpourcent etdix pour cent, iy a unedifférenceénorme !

64. Ilyavaiten outredes problèmeschroniques de sous-déclarationdescaptures et de fausse

déclarationdes espècesafin de dissimuler davantage la surexploitationetl'épuisementdes stocks

chevauchants. Parexemple, contrairement àce qu'affirmeM. Dupuy (CR 98/10, p. 50, par. 3 l),

l'Espagne a condamnél'Estai à des amendes pour des infractions analogues en 1994 (contre-

mémoiredu Canada, annexe 20). Ces problèmes d'absence de surveillance se sont multipliésde

façon spectaculaireà l'automne 1994 et au débutde 1995. (Voir le paragraphe 34 et les annexes

20 à 23 du contre-mémoire pour plus dedétail.)

65. En 1995, alors que le flétan noir demeurait le seul stock chevauchant important de

poissons de fond àexploiter et que le Canada avait pris les mesures de conservation et de gestion

les plus draconiennes pour ses propres flottilles, l'Espagne est retombéedans ses anciennes

mauvaises habitudesde surexploiterlesstocks. L'Unioneuropéenneaunilatéralementfixé unquota

plusieurs fois plus élevéque celui que I'OPANOavaitétabli- cinq fois pourêtre exact- et cette

fois encore,l'Espagnen'apas mis un frein à la surexploitationdes stocks par ses navires.

66. Comme l'agent du Canada I'adéclaré jeudi dernier, le Canada a reconnu sa part de

responsabilitédans la crise de conservation dans l'AtlantiqueduNord-Ouest (CR 98111,p. 10,par.

11). Le Canada a pris et continue de prendre les mesures de conservation et de gestion les plus

draconiennes pour ses navires afin de protéger les stocks chevauchants et de permettre leur

reconstitution.

67. Ce qui est décevantet vraiment surprenant, c'estque'Espagnerefusejusqu'a présent de

reconnaître qu'elles'est livràeune exploitation excessive pendant de nombreuses années etque

ses actions ont contribuéde façon importante au déclinde plusieurs stocks chevauchants. C'est

comme si le Gouvernement espagnol, comme les Bourbons, «n'[avait] rien oublié, nirien appris)).

68. Monsieur le président, nous nesommes pas au stade du fond. La seule question qui se

pose aujourd'h esti de savoir si la loi de 1994 ainsi que son règlement d'application et - 16-

l'arraisonnementde l'Estaiétaientdes((mesuresde conservationet de gestion))au sens de laréserve

canadienneet si leur «exécution» entraitdans son champ d'application. Orc'estmanifestementce

qu'ilsétaient.

3. Le paragraphe 7 de l'article 79 du Règlement de la Cour: «caractère exclusivement
préliminaire»

69. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, j'en arrivemaintenantàma

dernièreobservation. Bien qu'elle n'ait pasformellement présentéde conclusion en ce sens,

l'Espagnesoutient que les questions dont la Cour est saisie n'ontpas un caractère exclusivement

préliminaireet que la Cour devrait dès lorsexercer le pouvoir qu'elletient du paragraphe

l'article79 de son Règlementde joindre l'examende l'exception d'incompétencecelui du fond
w
022 (CR 98/13, p. 12, par. 13; p. 41, par. 27; p. 57-58, par. 14-15). L'Espagnefait valoir au soutien

de ce moyen qu'ilest nécessaired'examinerle fond pour déterminersi les mesures prisespar le

Canada étaientvraiment «des mesures de conservationet de gestion)).

70. Pour le Canada, Monsieur le président, la questionde l'applicationde sa réserve revêt

clairementun caractèrepréliminaire.LaCourdisposedéjàdetous lesdocumentsdontelleabesoin

pour statuer sur sa compétence. C'est d'ailleurs ce que la Cour elle-mêmea dit dans son

ordonnance du 8 mai 1996 lorsqu'ellea rejeté lademande de l'Espagnetendantà la tenue d'un

deuxièmetour de procédureécrite,s'estimantsuffisammentinforméedesmoyens defaitet dedroit

sur lesquels les Parties se fondaient au sujet de sa compétence. C'est ceque la Cour a dit.
V
71. Depuis les modifications apportéeà son Règlementen 1978-1979,ce n'estque très

rarement d'ailleurs que la Cour a décidé qu'uexception d'incompétencen'a pas un caractère

exclusivementpréliminaire. Les troisaffairesoù elle ajoint I'examendesexceptions préliminaires

àcelui du fond étaienttrès différentesdlea présenteespèce.Dans l'affaire desActivitésmilitaires

etparamilitaires, I'exceptionfondéesur laréserveVandenbergexigeaitde déterminerlesEtats qui

seraient affectéspar l'arrêt.On ne pouvait logiquementle savoir tant que ne se dégageaientpas

clairementles grandes lignesde la décision.Leschoses sonttrès différedansl'affairequinous

occupe. Dans les affaires de Lockerbie, la Cour a jugéque les moyens invoquéspar les deux

défendeursavaientlecaractèred'unedéfenseau fond. De fait, laquestionserattachantau fond - 17-

lerapport entrela convention de Montréalet lesrésolutionsdu Conseilde sécurité ainsique l'effet

de celles-ci sur la première - étaitexactement la mêmeque celle qui étaitsoulevéedans la

troisièmeexception préliminaire. Encoreune fois, l'affairequi nous occupe est très différente.

Dans l'affaireCamerounc.Nigéria,il s'agissait,dansla huitièmeexceptionpréliminaire,de savoir

si la frontière maritime entrele Cameroun et le Nigériamettrait en cause les droitsd'Etatstiers.

Cette exceptionn'avait pas un caractère exclusivement préliminaire parcq eue les Etats tiers dont

lesdroits ou revendicationspouvaientêtremis en cause n'avaientpas, à ce stade,tentéd'intervenir

et de faire connaîtreleurs revendicationset la Courdevait se prononcersur le tracé de lafrontière

avant de savoirsi les droits de ces Etats tiers seraientmis en cause. Encore une fois, I'affairequi

nous occupe est très différente.

@23 72. En l'espèce,il n'y a pas d'Etatstiers qui pourraient êtreaffectés, desorteque les arrêts

Activités militairesetparamilitaires et Camerounc. Nigériane sont pasapplicables. De plus, les

questionsde compétenceet les questionsde fond sonttout àfaitdistincteset les arrêrendusdans

les affaires de Lockerbie ne sont dèslors pas non plus applicables.

73. Monsieur le président,il ressort clairement de l'arrtes Plates-formespétrolièresque

laCour doit examiner dans son intégralité la questiodne la compétenceau stade préliminaireafin

de ne pas aborderinutilement le fond. Cette solutionest conforme auparagraphe 6 de l'article79

du Règlementqui est ainsi rédigé : «Pour permettre à la Cour de se prononcer sur sa compétence

au stadepréliminairede laprocédure,laCour peut, lecas échéanti,nviterles parties àdébattretous

points de fait et de droit, àtproduiretous moyens de preuve,qui ont trait à la question.))

74. Le Canada croit que la Cour dispose déjà d'unemasse abondante d'élémentd se fait et

dedroitconcernantles définitionsgénérale dse l'expression((mesuresdeconservationetdegestion))

et duterme ((exécution)),ainsiqued'élémentd s'information suffisantssur les faits liés présente

affaire et les règlesde droit qui s'yappliquentpour déciderque toutesles actionsdu Canadaainsi

que toutes les questions - de droit et de fait -dont se plaint l'Espagnedécoulentdes mesures

de conservationet de gestion ainsi que de leur exécutionou s'yrapportent.

75. En conclusion, Monsieur le président,nous estimons que l'exception soulevée par le

Canada a un caractèreexclusivement préliminaire et qu'ont déjàété soumis à la Cour tous les - 18-

moyens de fait et de droit et tous les éléde preuve dont elle a besoin pourstatuer sur sa

compétenceen l'espèce.

76. Monsieur le président, Madameet Messieurs dela Cour,c'est toutce qàdire pour

l'instant. Puis-je vous invàdonner la parolà mon collègue, M.Weil ?

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Hankey. Je donne la paroleàM. Weil.

Mr. WEIL: Mr. President, Members ofthe Court,

1.Now that these oral proceedingsare drawingto a close,1cannot helpobsewing that once

morethe argumentof ouropponentshasbeenmodified. Oncemoreour Spanishfriendsareforcing

us to shoot at a floating target. Forjust last Monday we witnessedthe final stage of a conjuring

trick that took place in three stages.

2. To begin with, Spainconcerneditselfwith theword-for-wordinterpretationof eachof the

terms of the resewation so as to show thatr case was not covered by it. There was thus

discussionof the meaning ofthe word "measures"; it was assertedthat the measures werethe Act

and not the Regulations; the word "vessels"waselt on and said to refer onlyto stateless and

equivalentvessels. Care was neverthelesstaken to emphasizethat it was not the validity of the

reservationthat was beingquestionedbut only "a certain interpretation"of it (Memorialof Spain,

pp. 49-51, paras.8-39).

3. In a second stage,namely duringthe first roundof oralarguments,wewitnessedan initialW

metamorphosis. It was explainedto us that the case had nothing to do with the protection offish

and everything to do with Canada'stitle overthe high and with recourse to force. We were

quite simply,we were told, outside the resewation. It is this argument based on the modification

of the nature and importanceof thes applicableto the subjectof the dispute,the cornerstone
of the resewation, thatried to analyse and denounce in my previous oral statement. *

4. And here isthe third stage, more spectacularstill. After misrepresentingthe resewation,

ostensibly to interpret it, after putting it short-circuiting it, Spain hasjust quite simply

dispensedwith it. The Canadian resewation, we are told, has no scope, it can apply to nothing, - 19-

it excludes no jurisdiction of the Court, it has no objectivereality, and it is purely and simply a

nullity. For here is what we heard the day before yesterday:

"la réserve canadienne estnullepro tanto ...La réservecanadienne n'aaucune réalitéou
validité objectiveen droit international..[Elle] n'exclutrien, parce qu'elle netrouve pasà
s'applique..."(CR 98/13, p. 37, para. 8,and p. 48, para. 61.)

Spainapparentlythought that the best way of getting overthe barrier of the Canadianreservation

was quite simply to deny its existence and suggest that the Court act as though it did not exist.

025 5. These successive mutations are indeed reminiscent of a conjuring trick: the pigeon

becomes a handkerchief, and in the end thehat is empty!

6. Al1this, Mr. President, 1find rather regrettable. The Applicant has a duty to place the

Respondent before well-defined legal arguments. To play, as Ouropponents are doing, on the

many-sidedness ofthe contentions and the ambiguity of the lines of argument is not compatible

with the requirementsof internationaljudicial proceedings. This would varcely matter if, at each

stage of the progression, the new argument replaced the previous one. But no, they CO-exist,

overlap and intersect ad infinitum.

*

7. This observationhavingbeenmade,the time seemsto me to have cometo get back tothe

essence, to plain legal truth divested ofal1contentious dross. Back to basics, as it were. The

problemthe Court must address comesdownto two questions: Whatreservation? What dispute?

In adoptingthis approach, 1believe1am respondingto thewish voiced by Mr. Highetthat Canada

shouldaffirmativelyestablishthe Court'slackofjurisdiction (CR 98/13, p. 36,para. 4), and to the

concern of my friendPierre Dupuy that the subject-matterof the reservation should be compared

with that of the Application (ibid., p. 55, para. 8).

What reservation?

8. And first of all, what reservation? The criterion ofthe reservation- the dividing line

between what does and what does not pertainto thejurisdiction of the Court - is the subject of

the dispute. This criterion has no room for considerationsalien to the subject of the dispute. As

1 tried to show in my previous oral statement, when theCourt lacks jurisdiction to entertain a dispute becauseit relatesto conservationand management measuresor to their implementation,it

also automaticallyand necessarily lacksjurisdiction to adjudicateuponthe legal rules applicable

or upon their alleged violation. 1 shall not come back to this point.

026 9. However,this observationdoesnotput an endto the debate. The authorsofthe Canadian

reservation, who are familiar with "subject of the dispute" as a concept and a term used in

Article 40 ofthe Statuteofthe CourtandArticle 38,paragraph 1,oftheRules of Court,couldhave

excluded from the Court's jurisdiction disputes having as their subject conservation and

management measures, etc. In that case, only disputes having conservation and management

measuresas their direct subject would have beenexcludedfromthejurisdiction of the Court. But
w
that is not what they did. They resorted to a different expression. By excluding from the

jurisdiction of the Court "disputes arising out of or concerning conservation and management

measures", Canada gaveits reservation a broader scope than if it had referred to "disputeshaving

as their subject conservationand management measures". Thedesireto provide a generic,rather

than a specific, definitionof the disputesexcluded fromthe Court'sjurisdiction is illustratedbythe

dual formula used in the English version (arising out of or concerning), which elucidates the

unitary wording of the French version: 'Vzjiérends auxquelspourraient donner lieu". As both

versions are authentic, they are mutually illuminating.

10. Generic wordingof this type is found in a number of optionaldeclarationsand is not the

fruit of chance. Numerousexpressions that arejust as deliberatelygeneric are to be found in the W

pagesofthe declarationspublished inthe Yearbookofthe Court: "disputesrelatingtoor connected

with . . .disputesconcerning .. .,disputeswith regardto matterswhich . . disputesconcerning

any question relating to or arising out of. .., disputes arising out of. .., disputes arising

under ...,disputeswithregard to .. .,dzflérendsrelatifsàdesquestionsqui .. ."(1have citedthe
4
original versions of the declarations, without the Registry translations).

11. Thefactthatthese expressionsarebroaderthan the phrase"disputehavingas its subject"

isconclusivelyillustratedby theAegeanSea Continental Shelfcase, which we should lookat once

again. Havingbefore itan application forthe delimitationof the continentalshelfbetweenGreeceO 27 and Turkey and in the light of a reservation excluding"disputes relating to the territorial status of

Greece", the Court stated that:

"thequestionthat calls forecision ... isnot . ..whether continentalshelfrights are
territorial rights or are comprised within theexpression 'territorial status'. Thereal
questionfor decision is,whetherthe disputeisone which relates [a trait inthe French
text ofthe Judgment]to theterritorialstatusofGreece." (Thewordsrelates inEnglish
and a trait in French are emphasizedinthetextof the Judgment; I.C.J.Reports 1978,
p. 34, para. 8.)

The real question, the Court explaineda little further on, is

"whetherthe . .disputeisone'relatingto theterritorial statusofGreece',not whether
the rights in dispute are legallyto be consideredas 'territorial' rights"(op. cit., p. 36,
para. 86).

Consequently, the Court held, even though a dispute relating to the delimitation of the

continental shelf cannot be regarded- and it cannot- as having territorial rights as its subject,

because the continental shelf does not form part of the territory of the coastal State, it must

neverthelessbe considered asrelating toterritorialrights, becausethe coastal State'srightsoverthe

continental shelf derive from the State's sovereigntyover its territory.

12.As can be seen, it is undeniablethat, byremovingfromthe Court'sjurisdiction "disputes

arising out of or concerning" (amquels pourraient donner lieu) conservation and management

measures, the Canadian reservation referred toa broader conceptthan that of a "dispute having

conservationand management measuresas its subject". The text is clear, and the intention behind

the text is no less clear, namely that, inerto be covered by the reservation, it is not necessary

forthe disputeto have conservationand managementmeasures as its direct, specificand exclusive

subject; it is sufficient for it to have been causedby such measures,to relate to such measures.

13.1note by the way that Professor SanchezRodriguez accused me of having "adroitly",

with "calculated ambiguity", remained "scrupulouslysilent" (these are al1his expressions)on the

term "enforcement"(CR 98/13, pp. 15-16,para. 3) and of having spokenby and large only about

conservationand management measures. 1shouldlike immediately to reassure both him and the

,028 Court. If 1spoke last week, and if 1continueto speaktoday, about conservation and management

measures,without eachtime adding "ortheir enforcement", it isonlyforthe sakeof brevity. There

is no arnbiguity,calculationor stratagembehindthis compressed formulation. Let it therefore be -22 -

clearlyunderstoodthat, when1speakaboutconservationandmanagement measures, 1amreferring

at theame time to the enforcementof such measures.

14. Mr. President, once it is accepted that, in order to be excluded from the Court's

jurisdiction, it is necessary andicientforthe disputeto relateto conservation and management

measures,the problem issettledandthe Court'slackofjurisdiction isestablished,giventhe plainly

obvious fact that the dispute brought before the Court by the Spanish Application relates to,

concerns Canadian conservation and management measures. If the argument has to be pursued

further, it isbecause Spain,in its attemptto find a wayout, has launchedan operationto disqualify

the Canadian measures. This operation seeks to deny the Canadian measures- Act C-29,
v
implementing regulations, enforcement of the Act and the regulations with respect to the

Estai- the status of conservation and management measureson two levels.

15. Our opponents argue that, ratione materiae- if1 may use the expression- the

Canadian measures cannot be described as conservation and managementmeasures. Throughout

Ouroral argument we have shown how misconceived this view is. As Mr. Hankey has just

remindedyou, and as Mr. Willis will laterdemonstrate in detail, the disputed Canadian measures

are those traditionally and currently provided in both international conventions and national

legislation forthe protection offisheries resources in areas under nationaljurisdiction. We have

been criticized for invoking in this regard Article 73 of the 1982Convention and for supposedly

ignoringthe fact that that agreementfines the powers of the coastal State within the 200-mile W

zone, whereas here we are dealing with measures applied on the high seas. This, Mr. President,

is to confusethecontentof the measures with theirplace ofimplementation.What we sought to

demonstrate in referring to that agreement was simply that, in terms of their content and their

O 2 9 nature, the disputed measures constitutedwhat could reasonablybe regarded as conservationand

managementmeasures. 1 Say"reasonably",inasmuchas this clearlycannot be said of the extreme

hypotheses on which Our opponents have continued to rely. Need 1remind you that, in a

frequently-citedpassage, the Court statedthat infields "it is necessarythat the law beapplied

reasonably" (Barcelona Tractioncase, 1C.J. Reports 1970, p. 48, para. 93)? As to whether a

conservationand managementmeasure lawfulwithinthe 200-milezone is also lawful on the high -23 -

seas, that is quite another question. The nature of a measure is one thing, its lawfulnessin terms

of its place of application is a different thing altogether.opponents have confusedthe two

notions.

16.The reasons behindthis confusionare not hard to discem. Doubtless, having no great

confidence in the likelihood of the Canadian measures failing to qualifi as conservation and

managementmeasures onthebasis oftheircontent, Ouropponents havearguedthatthosemeasures

cannot in any event - that is to Say,irrespectiveof their contentqualifi as conservationand

management measures by reason of theirplace of application, or, as one mightSay, ratione loci.

Coastal States,as they haverepeatedlytold us inevery imaginable way,are not entitled totake any

measurewhatever of conservationor managementon the high seas, beyondthe outer limitof their

200-mile zone. There is simply no such thing, they declare, as a conservation and management

measureon the high seas. Suchmeasures,theyhave toldus, "donot and cannot exist"(CR 98/10,

p. 17); they are"a non-existentrubric" and 'Uonot exist in internationalaw"(CR 98113, p. 38,

para. 12). To speak of a conservationand management measure beyondthe 200-mile limit, they

assert, is a nonsense, a contradiction in terms (CR 98/10, p. 17).

17. Mycolleagues and 1have demonstratedthat the notion ofconservationandmanagement

measures is a neutral one, inthe sense that it is independentof the place where such measuresare

applied. A measure retainsthe same character,whether it be applied within an area of national

jurisdiction or on the high seas. The questionwhether it is lawful or not is a quite different one;

that is an issue going to the merits.

9 3 0
18. Mr. President, the terms of the reservation state that it applies to conservation and

managementmeasures taken by Canada with respectto vessels fishing "in the NAFO Regulatory

Area as defined in the Conventionon FutureMultilateralCo-operationin the North WestAtlantic

Fisheries". And how does that Conventiondefinethe NAFO Regulatory Area? Let me now read

to you exactly what Article1,paragraph 2, says: "The area referredto in this Conventionas 'the

RegulatoryArea'is that part of the ConventionArea which lies beyondthe areas in which coastal

States exercisefisheriesjurisdiction" (Memorialof Spain, Ann. 21, p. 323). -24 -

19.The terms of the reservation state that it applies exclusively to the NAFO Regulatory

Area, therefore on the highseas. This is graphically illustratedon the map found under Tab 7 of

the Judges'folder. Spain'sargument that it is meaninglessto speak of measures of conservation

and management on the high seas because such measures "donot andcannot exist",Spain's

argument, Mr. President,Members of the Court, collapseslike a house of cards because it settles

the questionby the question. It was in order to evadethis very simple findingof fact, one which

irredeemablycondemnstheir endeavourto escapethe effectsof the reservation,that Ouropponents

took the last round of oral arguments to the extreme limit of legal negationism. There is no

resewation excluding the Canadian measures of conservation and management in the NAFO

RegulatoryArea, so Spain now says; itdoes not exist because, for Spain,there cannot and must 1

not be sucha reservation. The reservation, Spain concludes,is reputed to be an unwritten one,it

is nul1and void.

20. 1shall not dwell on the accusation, repeatedinsistentlyby counselfor Spainand echoed

even in itsfinal submissions,that Canada claims to controlthe definition ofthe measures which

its reservation is intendedto protect andthus seeksto deprivethe Court of its unfettered power to

determine itsownjurisdiction: Mr. Williswill review thispoint in detail. Allow mesimplyto Say

thatthe Canadianreservation is in no way an automatic reservationunderwhich Canadaallegedly

intends to impose its views on the Court. The situationis very simple, Spain has expoundedits

views on themeaning and scope of the resewation; Canadahas expoundedits views. The Court W

will decide in the full exerciseof its powersunderArticle 36, paragraph6,of its Statute. Nothing

more, nothing less.

What dispute?

21. Mr. President, this brings me to my second question. What dispute?

On Monday Our opponents claimed the "right and privilege" to define freely, at their

discretion,the subject-matter of the dispute. The Agent of Spain stated:

"in proceedings before the Court, it is not the respondent State, in this case Canada,
which defines the subject-matterof the dispute. Itisthe Applicant,inthis case Spain,
which enjoys that right and that privilege."CR 98/13, p. 2, para. 1). 22. Mr. Sanchez Rodriguez repeated this assertion:

"it isthe Applicant who establishesthe subject-matter[of the dispute], evenif that is
not to the liking of the Respondent; however, it never lies with the latterto take the
place of the Applicant in the definition of the subject-matter of the dispute. The
subjectis the one describedby Spain . . ."(CR 98/13, p. 9, para. 2).

It isunderthis self-proclaimedprerogativethattheAgentand counsel forSpain havedecided

that thesubject-matterof the disputeis "Canada's lackof entitlementto act against shipsflying the

flag of another Stateon the high seas. That is the subject-matterof the dispute", in the words of

the Agent for Spain (CR 98/13,p. 2, para. 1) - andthat definition, they imply,has force of law

and is binding on the Court.

23. This approach is unacceptable,Mr. President. The Court has established the principle

that "theformulationof the claimson whichthe Court mustadjudicate isto be sought"essentially

in the submissions of the Applicant (Rightof Passage over Indian Territory,I.C.J. Reports 1960,

p. 27). Yet although the Applicant is master of its submissions, and although the submissions

determinethe nature ofthe Application,the subject-matterof the dispute is determined objectively

by theCourt itself. It isfor theCourt - soit was saidintheNuclear TestsJudgrnent- "tomake

a detailedanalysis of the claimsubmittedto the Courtby the Application [ofthe applicant State]",

and "the Application ... must be the point of referencefor the considerationby the Court of the

nature . ..of the dispute broughtbefore it" (Nuclear Tests,I.C.J. Reports 1974,p. 260, para. 24

and p. 463, para. 24). The subject-matterof the dispute is determined objectivelyon the basis of

the claim submittedby the applicant State,but it is for the Courtto determine what it has termed

the "real issuebeforethe Court"(Nottebohm,I.C.J.Reports 1955,p. 16),"thereal issueinthe case"

(Nuclear Tests, 1C.J. Reports 1974,p. 262, para. 29and p. 466, para. 30). Spain has thus been

caught- 1note inpassing - committingthevery sinitsounjustlyaccusesCanadaofcommitting:

the sinof irespassingagainstthe Court'spowerto determine its ownjurisdiction underArticle 36,

paragraph 6, of the Statute.

24. What then in the present case is the "real issue" submitted to the Court in Spain's

Application? 1havejust told you, this will be for the Court to determine. Moreover,in line with

itsjurisprudence, it will do so objectivelyon the basis and in view of the submissions contained in the Application, in otherwords on the "precisenature of the claim",to borrowthe vocabulary

of Article 38 of the Rules of Court.

25. The submissions of the Spanish Application request the Courtto declare that the

legislation of Canada,in so far as it applies onthe high, "is not opposableto the Kingdom of

Spain". TheAgent and counselfor Spain have stated that, if Spainrequeststhat the legislation of

Canada be declared not opposable to Spain, it is because that legislation and its enforcement

constitute internationallywrongfùlacts whichengagethe internationalresponsibilityofCanadawith

regard to Spain as the injured State. The Agent and counsel for Spain have argued this point

extremely clearly; Spain requests the Court to declare that the legislation of Canada and its
w
enforcement are internationallywrongful acts engagingthe international responsibilityof Canada

with regard to Spain. The Agent for Spain stated:

"Canadian Bills ... constitute wrongfül acts in international la.. . The
application ofCanadian legislation to Spanish fishing vessels on the high se.. .
constitutes an intemationally wrongfùl act engaging Canada's responsibiltowards
Spain."(CR 9819, p.14,para. 9.)

Our opponents have frequently referred to the concepts and terms of international

responsibility, of internationallywrongful acts, of an injuredState, etc. (CR 9819,p. 31,para. 12;

p. 32, para. 15; p. 20, para. 9; p., para. 2; p. 46, para. 20; p. 47, para.22; p. 49, Para 27;

033 p. 51,para. 32; CR 98110,p. 27). What Spainrequests ofthe Court inthe first of its submissions

is a judicial declaration of wrongfulness. More specifically, Act C-29, according to Spain,

constitutes acontinuingwrongfulact withinthemeaningofArticle 41oftheDraflArticles on State *

Responsibility adopted by the International Law Commission in 1996 (CR 9819,p. 20, para. 9;

p. 37, para. 19).

26. However, Spain, it has been explainedto us, isnot content with merely seeking of the

Court a "judicial declaration as to the unlawfulness of Canada's legislation and actions"

(CR 9819,p. 45, para. 32). Although it callsforCanada's violation ofits internationalobligations

to form the object of a reparatory "declaration" (CR 9819,p. 6, para. 2), it also asks the Courtto

add to this declaratoryjudgment a judgment more "normative ... in character" (CR 9819, p.45,

para. 32. Seealso CR 98/10,p. 32). It asksthe Courtto draw its conclusionsfromthe declaration -27 -

of unlawfulnessrequested. The Agent and counsel of Spain havedescribed these conclusions in

avariety ofwaysdrawinguponthe conceptsandvocabularyoftheInternationalLawCommission's

Draft Articles. They have spokenof legal satisfaction, of cessation, ofassurances and guarantees

of non-repetition,of reparationforthe moralandmaterial damagesuffered (CR 9819,p. 6, para. 2;

p. 14, para. 9; p. 26, para. 15; p. 34, para. 2; p. 35, para. 4; p. 40, para. 20; p. 41, para. 22;

p. 43, para. 27; p. 44, para. 30; p. 45, para. 32).

27. Now al1is clear. The Spanish claim is a claim for Canada to be held internationally

responsible owingto its allegedviolation of the international obligationsincumbentupon it under

the rules and principles of general internationallaw. The "true question" to which the Court is

asked to reply, "the true problem" on which the Court is asked to adjudicate by the Spanish

Application, is to determine whether the Canadianmeasures and their enforcement - Bill C-29,

regulations, actionagainstthe Estai - do or donot constituteintemationallyunlawfulacts which

may incur Canada's international responsibilitytowards Spain. As for the reply to this question,

the Court has nojurisdiction to give it, and as for this problem,the Court has no jurisdiction to

O3 4 entertain it, becausethe Canadianreservationexcludes from thejurisdiction of the Court disputes

to which the disputed measures might give rise. Let me repeat this, even if the reservation

excluded, more restrictively, disputes whosesubject-matter - in other words, whose direct and

exclusive subject-matter - is conservationand managementmeasures andtheir enforcement,the

dispute wouldstillfa11withinthe scopeofthereservation. Thedisputedoes soal1the moreclearly

since - broadly,generically - itexcludesdisputesarisingoutof or concerningconservationand

management measures or their enforcement.

28. Mr. President,the question as to whether Canada does or does not have title to act on

the high seas against vessels flying the Spanish flag; the question as to whether Canadian

legislation doesor does not contemplatethe lawfuluse of force; the questionas to whether, in the

Estai incident, the Canadian authorities did or did not lawfully use force; the question as to

whether CanadianBill C-29 does or doesnot constitute a continuingwrong within the meaning of

the Draft Articlesof the InternationalLaw Commission; in a nutshell,the question as to whether

Canada has or has not committedintemationally wrongful acts which may incur its intemational - 28 -

responsibility towards Spain: these questions,Mr. President,would have to be consideredbythe

Courtifit hadjurisdictionto mle on Spain'sApplication. However,asitdoesnothavejurisdiction

tomle on that Application,itdoes not havejurisdiction to mle ontheproblemsofthe meritswhich

that Applicationraises: title, use of force, criminaljurisdiction, etc.

29. The conclusion is self-evident. The Court has no jurisdiction to rule on Spain's

submissions. The Court has no jurisdiction tomle on the international legality of the Law of

12 May 1994 and the regulations implementingit, or on whether theycan or cannot be invoked

against Spain. The Court has no jurisdiction to mle on the international legality of Canada's

conduct in the Estai incident. The Court has no jurisdiction to order the cessation and

O35 non-repetition of the "acts denounced"by Spain. The Court has nojurisdiction to order Canada *

to make reparations. In a word, 1repeat,the Court has nojurisdiction to adjudicateon anyofthe

three submissions in the Application of Spain.

30. Mr. President, Members of the Court, 1 have now finished my observations. While

thankingyou for your patience, let me reiteratewhat a pleasure and anhonour it has been forme

to speakbefore this Court. Mr. President,may 1ask you to give the floorto Mr. Alan Willisafter

the break, and to excuse my tardiness in concluding my statement.

Le PRESIDENT :Je vous remercie, Monsieur Weil. L'audiencesera suspendue pendant

quinze minutes.

L'audienceest suspenduede II h 25 à II h 40.

Le PRESIDENT :Veuillez vous asseoir. Je donnela paroleà M. Willis.

M. WILLIS : Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour,

1. La réserveest valide et elle doit par conséquentavoir un effet utile

1.Je commencerai,Monsieurleprésident, parévoquerle fait le plusmarquantde ce second

tour de plaidoiriesàsavoir l'affirmationde M. Highet selon laquellela réserve canadienneest en

pratique entachée de nullitée,t qu'il s'agitmêd'une «erreurjuridique quiferadate» (CR 98/13, - 29 -

p. 37, par. 8; p. 38, par. 14). 11ne serait nullement nécessairede lui donner un effet utile parce

que,selon lui,«onne peutrendreeffectifce qui,en droit, est ineffectif))(CR 98/13,p. 38,par. 13).

2. La Cour se rappellera comment l'Espagneen est arrivée àcette position. Pour elle, il

n'existepas de mesure de conservation et de gestion en hautemer. L'Espagne affirmedonc que

la réservecanadienne «n'exclut rien, parce qu'ellne trouve pasà s'appliquer))(CR 98/13,p. 48,

par. 61).

3. Avancer l'idéeque la réservecanadienne nes'appliqueà rien et qu'elle esttotalementsans

effet en toutes circonstances constitue un renversement de position décisif. Le mémoire de

l'Espagne admettait lavaliditéde la réserve (par.38-39).11concédaitaussi qu'ilest nécessairede

donner un effet utileà la réserve,ne consacrant pas moins de treize pagesàcette seule question

(par. 124-162). Toutecette argumentationa maintenant été abandonnéeen faveur d'uneposition

beaucoup plus radicale, selon laquelle la réserve est nulleet n'aaucun effet quel qu'ilsoit.

4. On estdonc enprésenced'un changementde position,maisdont il ne fautguères'étonner.

Lesconseils de l'Espagneont simplementconduit àleur conclusionlogique lesélémentsessentiels

de laplaidoirie espagnole. Si des mesures de conservationet de gestion ne peuventpar définition

êtreappliquéesen haute mer, alors effectivement,la réserveseraitfrappéede nullitéet ne pourrait

jamais avoir le moindre effet. Cette conclusionest contenue implicitementdans les prémissesde

l'argumentationde l'Espagne.

5. Or ce que l'Espagnene voit pas, c'estque sa conclusionn'estrien d'autre qu'unereductio

ad absurdum, démontrantde manièreconcluanteque toute son argumentation,du débutjusqu'àla

fin, est totalement fausse. Si les postulats essentiels de la plaidoirie de l'Espagneconduisent

inévitablement à la conclusion que la réservene peutjamais s'appliqueret qu'elleétaitdénuée de

toute signification depuis le jour de son adoption, il doit y avoir quelque chose de

fondamentalementerroné dans toutel'argumentation. En bref, si la conclusion est absurde d'un

point de vue logique, c'est que les hypothèses sur lesquelles se fonde le raisonnement sont

nécessairement fausses.

6. Et l'erreurqui a étécommise devrait sauter aux yeux. On n'aboutit à ce qui est une

impassedu pointdevue de la logiquequ'enpartantde lathèse surprenanteselon laquelleil n'existe - 30-

pas de mesures de conservation et de gestion en haute m-r mêmeaux fins de la réserve

canadienne. Puisque laconclusionaquelletout celanousamèneestmanifestementabsurde, c'est

que le raisonnement est nécessairementerroné.

7.Jusqu'àprésent,je me suisplacésur le plandu bon senset de la logique. Onne s'étonnera

pas de ce que l'argumentde l'Espagneselon lequel la réserve nesauraitjamais s'appliquer

que ce soit estégalementrejeter au nom de principesjuridiques élémentaires.Aux termes de la

conventionde Vienne sur le droit destraités,il s'agitd'une interprétation ((maatbsurdeen

ou déraisonnable»(convention de Vienne sur le droit des traités, ONU AICONF. 39/27

(1969)). De toute évidence,elle aal'encontrede l'objet,du but et de l'intentionde la réserve.
-
De manièretout aussi évidente, elleexclut tout effet, utile ou non. En bref, il ne s'agit pasd'une

interprétationde bonne foi.

8. Il n'estpas difficilede voir comment l'Espagneen às'égarerde la sorte. Dans son

interprétation,elle confond la définitionet le droit. Elle fait un amalgame entre la question de
3 7
savoir si telle chose présente lescaractéristiquesd'unemesure de conservationet de gestion et la

question de savoir si la mesure se fondait sur un droit ou un titre valable.git de deux
questions séparéeset distinctes. L'Espagne,bien entendu, n'en convient pas. Elle aff~rmeque

l'existenced'undroit ou d'untitre estun élémentessentielde la déne ce qu'est unemesure.

Mais Monsieurle présiden,e vousaff~rmequ'il nesauraitabsolumentpasen êtreainsi,pour trois

raisons au moins. Tout d'abord,dans lelangage courant,lesmesuresde conservationet de gestionw

relèvent d'une catégoriepurement factuell- une mesure n'est pas simplement une notion

juridique; c'est, selon les termes mêmesutiliséspar l'Espagne,un acte, une disposition ou une

démarche(act, step or proceeding) (mémoire de l'Espagne, par. 70). Et second lieu, cette

interprétationsuppose quel'onfassemassivementintervenir lesquestionsde fonddanslaprocédure

relativeàla compétence,ce qui est contraire au but fondamentalde la réserve.En enfin, elle fait

de laprincipaleconclusionde la plaidoiriedespagn- selonlaquelleleCanadaa agi sansdroit

- la thèseessentielle de son argumentationrelaàila compétence.

9. Je récapituleraien disant que l'Espagneconsidèrequela cléde laréserveest la notion de

titre, ce qui est simplement une autre façon de dire que les mesures en question ne sont pasdes -31 -

mesures de conservationet de gestion parce que le Canada n'avaitpas le droitde les prendre. Ce

raisonnementne tient pas parcequ'il confonddéfinitionet droit - la nature desmesures avec le

droit de les prendre- et il est visiblement erronédans la mesure où il débouchesur un résultat

manifestementdéraisonnableou absurde.

10. Lundi dernier, on est revenu sur les différentes manièresde rédigerla réserve eten

particulier sur le libelléde laréserve émispar leCanada en 1970(CR 98/13,p. 9, par. 3; p. 34,

par. 36-37?p. 49,par. 64). Mais il fautserendreà l'évidence:aucuneformulationn'auraitsatisfait

l'Espagne. Aucun énoncé n'aurap itu êtreopposé à la prémissefausse selon laquellele Canadan'a

aucun titre et qu'en l'absence de titre, des mesures ne peuvent êtredes mesures, les droits

revendiqués nepeuvent être des droits, la compétenceexercéene peut êtreunecompétence. Cette

prémisseerronée de l'Espagneest un serpent qui se mort la queue, un trou noirdestinéà frapper

de nullité toute exclusionde compétencerelative à la haute mer. Et j'en revienà ce quej'ai dit

à proposdu libellé retenuparleCanada :il est fonctionnel,concret,préciset implacablementexact

- et par dessus tout, il est infiniment supérieur aux exclusionsde compétenceradicales qui

semblent avoir la préférencd ee l'Espagne.

11. Je relève, ainsique l'a fait l'agentadjoint, que M. Highet a identifiétrois prétendues

réclamationsnouvelles àprésenterau nom de l'Espagne(CR 98/13, p. 49, 50, par.67 - 70). Mais

celles-ci découlent toutesde la loi et de la réglementationcanadienne relatives aux mesures de

conservation et de gestion dans la zone de réglementation deI'OPANOainsi que des mesures

d'exécution prisespar la suiteà l'encontre debateaux espagnolspour les faireappliquer.

12.Monsieurleprésident,changerlesétiquettesnemènera l'Espagne àrienpuisque laréalité

sous-jacentedemeure ce qui est spécifié dansla réserve. Parler d'extensionde la compétenceou

de violation de la libertédes mers ne change rien, puisque cesmesures sonttoujours exactement

celles dont il est questiondans le texte de la réserve.On peut bienqualifier letitre de ccpr)us)o

de ((préalable)), ais celanechangeriennonplus,car une exclusionde compétenceconcernantune

mesure ne fait pas qu'inclurel'exclusion des différends relatifsau droit de prendre ces mesure:

elle est avant tout cela (CR 98/10, p. 12,par. 26;CR 98/13, p. 9, par. 3 et 4; p. 33, par. 34). Ici

encore, l'Espagneprésumequ'en conférant à l'objetdu différend une nouvelleappellation un peu - 32 -

plus pompeuse, on le soustrairaà la réserve. Mais il n'en sera rien, aussi longtemps que les

mesuresen questionresteront cequ'ellessont,c'est-à-diredesmesuresde conservationetdegestion

prises et mises à exécutionpar le Canada à l'égard debateaux pêchantdans la zone de

réglementation deI'OPANO.

2. Le Canada n'ajamais considéré la réservecomme «automatique» ou comme laissée à la
seule appréciationde ses auteurs

13. La semaine dernièrepuis ànouveau lundi, l'Espagnea agitéle spectre d'une réserve

automatique, qui serait laissée'appréciationde ses auteurs et qui iàal'encontredu pouvoir

souverain de la Cour de se prononcersur sa propre compétenceconformémentau paragraphe 6 de

l'article 6du Statut (CR 98/10,p. à 53,par. 33à 36; CR 98/13,p. 58 à 60,par. 16à20). Cet 1

argument,Monsieurleprésident, soulèvuenfauxproblèmeetconstitueune manŒuvredediversion,

car ilreposesuruneprésentationfondamentalementdéforméede lapositioncanadienne. L'Espagne

a réfutéun argument qu'elleavait elle-mêmefabriqué.

14. L'idéemaîtresse de I'argumentationespagnole étaitque le Canada tentait d'établir

unilatéralement,par voie de Iégislation interne,ce qui constitue et ce qui ne constitue pas une

mesure de conservationet de gestion. M.upuy a affirméque selon la thèse canadienne,tout ce

que le Canada définiraitdans sa Iégislationcomme constituantune mesure de conservationet de

039 gestion tomberait inévitablementsous le coup de la réserve,ce qui conféreraitau Canada, en

violation du Statut, un pouvoir de décisionabsolu s'agissant dela compétencede la Cour.

w
15.Cet argumentest entaché d'un vicfondamental :il est inexact. On ne trouvenulle part

dans I'argumentation canadienne la moindreallusioncette thèse. Nous n'avonsjamais prétendu

entendre que quoi que ce soit qui serait unilatéralement définipar le Canada ou la Iégislation

canadienne comme unemesure de conservationet de gestiondeviendraitipsofacto une mesurede

conservation et de gestion aux fins de la réserve. Nous n'avonspas inclus, dans le texte de la

réserve, lesmotsde l'avisdu Canada))ou «au sens de la Iégislationcanadienne)). Et nous n'avons

jamais donné àentendre que la réservedevait êtreinterprétcomme si ces mots y figuraient.

16. La semainedernière,ma propre plaidoirie a en grandepartie consacréeàun examen

détaillédu contenu de la loi et de la réglementationcanadiennes pertinentes. Il s'agissaittout -33 -

simplement de démontrer àla Cour que lorsquel'onexamine réellementle contenu de toutes ces

mesures, on constate qu'il s'agit demesures de conservation et de gestion tant pour ce qui est de

leur objet que pour ce qui est de leur but et de leur fonction. Toute cette démonstrationaurait été

vaine et aurait mêmeétéà l'encontredu but recherchési lathèsedu Canadaavait étéque la simple

désignationde quelquechosepar la loi canadiennecomme constituantune mesurede conservation

et de gestion place automatiquementcette chose dans le cadre de la réserve.

17.Il est vrai qu'ilexiste une communautéd'intention entrela loi et la rés-rvelles ont

l'uneet l'autretraàtla conservation etàla gestion dans la zone de réglementation deI'OPANO

et la réservevise de toute évidenla loi et toutce qui est accomplien vertu de celle-ci. Mais on

est bien loin de la position extravagante attribuéeau Canada par M.puy.

18.M. Highet a présenté le mêmeargument en des termes légèrement différents. Il a fait

valoir que la ligne de défensedu Canada fait essentiellement appel à la subjectivité dans

l'interprétatides réserves(CR 98/13, p. 44 et 45, par. 45; p. 48, par. 61). Plus préciséments,a

thèse semblaitêtrequeladémarchedu Canadaétaiterronée parcequ'ellemettait l'accent,s'agissant

d'identifierles mesuresde conservationet de gestion,sur le but poursuivi parle Canadaet non sur

les moyens employéspar lui.

040 19. Mais je le répète,Monsieur le président,ce n'étaitpas là notre position. La semaine

dernière,j'ai dit quela loi et la réglementationétaient desmesures de conservation et de gestion

eu égardà leur objetà leur fonction eà leur but (CR 98/12, p. 17et 18,par. 80-83). Le butest

important,mais l'objetet la fonction le sont encoreplus. Il n'ya rien d'intrinsèquementsubjectif

dans cette démarche. L'argumentationde l'Espagne,une fois encore, s'attaquàdes thèsesque le

Canada n'ajamais défendues.

20. Nous pensions avoir régléla question au paragraphe62 du contre-mémoirecanadien.

Nous y indiquionsque ce qui compte à nos yeux,c'estl'intentionde I'Etatdéclaranàl'époquedu

dépôtde la déclaration, etque cette intention doit êtredéterminée objectivemen àt l'examendu

texte et de toutes les circonstances ayant entouréle dépôt. C'est à la Cour qu'il appartient

d'interpréterla réserve.ela a toujours éténotre position. Dès lors,il n'ya en l'espèce aucun

problèmevéritable à examiner autitre du paragraphe6 de l'article36 du Statut. - 34 -

3.Les mesures dont il s'agitsont des «mesures de conservation et de gestion»

La Cour connaît bien maintenant les mesures de conservation et de gestion prisespar le

Canada dont l'exécutiona donnélieu au présent différend. J'ai dit la semaine dernièrequ'il

s'agissait des mesuresde conservation et de gestion les plus ordinaires quepuisse imaginer

(CR 98/12, p. 14, par. 66). La seule chose qui les distingue est le fait que le Canada les a

appliquées dansun secteur situé juste au-delàde la limite des 200 milles,à savoir la zone de

réglementationde I'OPANO.

22. La Cour se souviendrades sept mesures spécifiques appliquéesaux bateaux espagnols

en vertu du tableauV du règlement canadien (cote 9 dans le dossier que le Canada a remisàla

Cour la semainedernière). C'est lapremièremesurede la liste,à savoir I'interdiction depêcher le *

flétandu Groenland, qui a été à l'originedu différend. Et au paragraphe 75 de son mémoire,

l'Espagnea fait une importanteconstatation concernant le caractère decette mesure. Le passage

pertinent s'énonce comme suit :«II est hors de doute que I'interdiction concernant lapêche, par

exemple, du flétan du Groenland est une «mesure» qui est une «mesure de gestion et de

conservation».» C'estlà unaveusignificatif;et c'estun aveu concluant. Certes,dans leparagraphe

qui suit, l'Espagne nuance cette constatation en affirmant que des mesures de gestion et de

conservation nepeuvent êtreconsidéréescommetelles que quand elles sontprises dans deszones

043. où 1'Etatcôtier exerce sajuridiction. Mais ce n'estlà bien entendu qu'une autre façonde formuler

ce qui constitue la faille essentielledu raisonnementde l'Espagne,voirque la réserven'est pas W

applicable parce que le Canadaa agi illégalement,ce qui d'une partest une affirmation qui porte

sur le fond et non sur la compétenceet qui d'autrepart conduit en bonne logique une impasse

dans la mesure où la réserve nepourraitjamais s'appliqueràquoi que ce soit.

23. J'aifait référence semaine dernièreau paragraphe 4 de l'article62 de la convention

de 1982sur le droit de la mer(doc.NU AICONF.621122et corr. 1 à 11(1982); CR98111,p. 60

et 61, par. 40). 11contient une liste, fouràtitre purement indicatif, pour illustrer les mesures

de conservationet autrestexteset règlementsque1'Etatcôtier peut appliqueren matièrede pêches.

Elle s'applique lazone économiqueexclusive,etje l'aicitéeuniquementpourmontrerce que I'on

entend généralemenp tar ces mesures du point de vue de leur substance et de leur contenu, mais - 35 -

non du point de vue du lieu géographique oùelles s'appliquent. L'alinéab) dudit paragraphe

mentionne les mesures ayant trait à l'«indication des espèces dont la pêcheest autorisée)).

L'alinéac) évoquelesmesuresayanttraitaux«zones depêche))C . es deuxdispositionsconcernent

l'objetmêmede la mesure qui a donnélieu à la présente affai:il s'agissaitde l'interdiction de

pêcheruneespècedonnée - leflétanduGroenland-dans unezonespécifié- e lesdivisions 3L,

3M, 3N et 30 de I'OPANO. Les six autres mesures figurant autableauV du règlementcanadien

sont elles aussi expressémentmentionnéesdans la liste figurantau paragraphe 4 de l'article

laconvention - l'alinéc)concernelescaractéristiquestechniquesdes enginsautorisés,l'ali4éa

lataille despoissons pouvantêtrepêchésl,'alinéae) les renseignementset statistàqfournir,et

c'estprécisémenc te sur quoi portent nos exigences en matière detenue dejournaux de pêche,et

l'alinéa) les mesures d'exécution.

24.11ressort des conventionsinternationalesque des mesuresde conservationet de gestion

telles que celles-ci sont également applicablesen haute mer. La convention des Nations Unies

de 1995surdes stockschevauchantset de poissonsgrandsmigrateursn'estque le plusrécentd'une

longue lignéed'instrumentsdece type, et on y trouve l'expression((mesuresde conservationet de

gestion))d'unbout àl'autre du text- cette convention portantbien entendu entièrement surla

haute mer.

25.Venons-en àexaminer,ainsi queje l'aisuggéréla semainedernière,la liste des mesures

adoptéespar I'OPANO quifigure à l'annexe 10du contre-mémoiredu Canada- des mesuresqui

ont trait elles auàsla haute mer. Il s'agit d'unboàtl'autredu mêmetype de mesures que les

mesures de conservationet de gestion appliquéespar le Canaàala flottille espagn-leespèces
O 4 2
et zones interditeà la pêche,caractéristiquestechniques des engins, taille limite despoissons,

mesuresd'exécutione,tc. Lundidernier,M. Remiro Brothnsa déclaré que l'ensemblede la réserve

devait êtreinterprétée dansla perspective de la convention dePANO(CR 98/13, p. 32 et 33,

par. 30-33). Ceci est manifestement une erreur, car la réserve ne reprend qu'un lt unique

élémend te laditeconvention,savoirla définitionde la((zonederéglementation)).Ellenecontient

rien qui permetted'introduirel'ensemblede laconvention dansletexte de laréserveaisentout - 36 -

état decause,on ne voit guèreoù unetelle démarchemènerait,puisque la nature, l'objetet le but

des mesures canadiennes sont exactement identiquesàceux des mesures prises par I'OPANO ?

26. J'ouvreici une parenthèse. Le conseil de l'Espagnea laisséentendre que nos mesures

devaient sefonder sur cellesde I'OPANO,ce qui n'était ple casde celles que nousavons prises.

Nous pourrionssimplementrépondre quece raisonnementest dépourvude logiqueet qu'il n'estpas

pertinent, puisque sans répercussionsur la question de la compétence. Ce serait une réponse

complète et exacte. Mais, par souci de clarté,je dois ajouter que l'Espagne se méprend

complètement àce sujet. Si, le 3 mars 1995, nous avons interditla pêchedu flétan noir pourle

reste de l'anné,'estparceque - et uniquementparceque - lesquotas pour l'Unioneuropéenne

adoptéspar I'OPANOavaient déjàétéatteints à cette date, et qu'enfait ils avaient même été 3

dépassés. L'Espagne le conteste en confondant les quotas fixéspar I'OPANOet ceux fixés

unilatéralemenpt ar l'Unioneuropéenne(CR 98/13,p. 17-18,par. 5).Le3 mars,leCanadaaestimé

que les naviresespagnolsavaient dépassde beaucouple quota de3400 tonnes fixépar I'OPANO,

une estimationqui a été confirmée ultérieurementdan ss déclarationsdel'Unioneuropéenneet

les statistiquesde pêchede 1995 publiéespar I'OPANO(Organisationdes pêches de l'Atlantique

du Nord-Ouest, Provisional nominal catches for 1995, NAFO SC Workingpaper 97/1;

contre-mémoiredu Canada, annexe 31). Ainsi, l'idéeselon laquelle les mesures canadiennes de

gestion et de conservation ne se rapportaient pas directementdes mesures de I'OPANOest

manifestementerronée.En outre,MonsieurlePrésident,et c'est encoreplus important,elleest sans

rapport avec la question de la compétence.

27. On peut difficilement douter de la bonne foi du Canadaet de l'objectifde conservation

de ces mesures.Le conseilscientifiquede I'OPANOa plusieursfoisdonnél'alerteau sujetde l'état

O 4 3 des stocks (contre-mémoiredu Canada,par. 33-35). L'OPANOa réclamédes mesures etelle en

a effectivement pris (contre-mémoire du Canada,par. 37-38). 11est notoire que la crise de la

conservationdesressourceshalieutiquesa conduitaubordde lacessationd'activittoute l'industrie

de la pêchet,raditionnellement la principale industriedeantiquecanadien. Lacrisen'étaitque

trop réelle.Et comme l'agentdu Canada l'adit la semainedernière,les dommagesécologiqueset - 37 -

lesrépercussionshumainesdepart et d'autrede l'Atlantiquen'ontcesséd'être tragique(sCR 98111,

p. 9-10, par. 9-10).

28. Monsieur le président,où tout cela nous mène-t-il? Les mesures en question sont

évidemmentdes mesuresde gestionet de conservation,tout comme les carottes sontévidemment

des légumeset les flétans noirs despoissons. Dans sonargumentation, l'Espagnene conteste pas

que, du point de vue de la forme et du fond, les mesures canadiennes sont des mesures typiques

de gestion et de conservation. Elle est doncamenéeadopter la position intenableselon laquelle

il ne saurait exister de mesures de gestionet de conservationau-delà des 200 miles,ce qui a pour

conséquence que laréserve renfermeune contradiction intrinsèqueet qu'ellene trouve pas à

s'appliquer.

4. Les moyens d'exécution

29. J'aiexpliquélasemainedernièrequela législationet lapratique canadiennessur l'emploi

licite de la forceviseàts'assurerque la forcen'estemployéequ'endernier recours;que le but de

cette législationest de restreindre l'emploi de laforce et non de l'encourager;etque le àecours

la force susceptible de causer la mort ou des lésionscorporelles graves n'estpermis en droit

canadienques'ilest nécessaireauxfinsdeprotéger lavie humaine(CR 98/12,p. 9-10,par. 47-50).

Mais l'Espagneest revenue sur la question etje dois donc y revenir moi aussi.

30. On peut seulement s'interrogersur ce qu'il faut entendre, dans ce contexte, par

((exécution)si ce mot ne couvre pas le recours éventuelà la force. C'est l'essence mêm dee

l'applicationdes lois dansdessituationsoù lespersonnessoupçonnéesd'infractionnecoopèrentpas

et quand ellesfonttout cequi est en leurpouvoirpour se soustràl'arrestation,comme celas'est

produit dans le cas de l'Estai.

31. Je ne reviendrai pas aux horreurs,torpilles, bombes et autres exécutions sommaires

évoquées par M. Highet. Je rappellerai simplementàla Cour que toutes ces manifestationssont

aussi éloignéesque possible des termes de notre législation.t des faits. Afin d'évitertoute

éventuelle controverseàce sujet,j'appelle l'attentionde la Cour sur l'exposédes faits qui figure

O 4 4 dans le mémoirede l'Espagne. II ressort clairement du paragraphe 13de ce mémoireque l'Estai - 38 -

ne laissait pas monterà bord les autorités canadiennesde son plein gré. On parle de tentatives

successives- de tentatives successives -d'abordage. Ce n'estqu'àce stade que des coups de

semonces ont été tirés, conformément à la réglementationcanadienne (mémoire del'Espagne,

annexe 17). Contrairement à ce qui a été dit lasemaine dernière, aucun coupn'a été tiréen

direction dunavire. Par définition, lescoupsde semonce ne sont qu'une sommation,ce sont des

coupstirés à proximitédu navire mais non pas contre celui-ci et, aux termes de laréglementation

canadienne, ils doivent être tirésne distancetelle que la sécurité depersonnes n'estpas mise

en danger.

32. Tout arraisonnement forcéd'unnavire ou arrestation d'une partie récalcitrantesuppose

l'éventualité d'uecours à la force. C'estune question de bon sens. Si l'équipacroit qu'ilpeut

quitter les lieux et s'il a conscience d'avoir violé la loii,l tentera de s'enfuirle plus rapidement

possible,particulièrementdanslecas d'un bateaude pêche hauturieroriginaired'unautrecontinent.

Ainsi, l'exécutiosans le recourséventuelà la contrainte est inconcevable,il pourrait mês'agir

d'unoxymoron.

33. L'article 73de la convention de 1982 sur le droit de la mer s'applique à la zone

économique exclusive et non à la zone de réglementationde I'OPANO, mais il est riche

d'informationssur ce que peut entraîner normalement l'exécutionà l'égardde navires hauturiers

(op. cit.). Il mentionne l'arraisonnement,l'inspection, lasaisieet l'immobilisationdes naviresainsi

que l'introductiond'une instancejudiciaire. Manifestement, iln'estpas présumé que toutes ces

mesures seront exécutéesde plein gréet dans un esprit de coopération. Trèspeu de navires

acceptentvolontiers d'être saiset immobilisés pardes autoritésétrangèresE. tantdonnéque l'on

ne peut pas s'attendrece que les mesures soienttoujours exécutéese plein gré,il faut envisager

un certain emploi de la force en cas de résistance activeou de tentative dee ou d'évasion. Le

paragraphe 1)jlde l'article22 de l'accordde New York sur les stocks chevauchantsévoqueplus

explicitement l'emploi raisonnable de laforceet confirme que I'exécutiànl'encontre de navires

hauturiers étrangers impliquenécessairement, à l'occasion, la menaceou l'emploide mesures

coercitives (Nations Unies,oc. A/Conf.164/37(1995)). -39 -

34. La législationet la réglementation canadiennes surle recourà la force reposent sur la

loi portant amendementde la loi C-29, mais il existe une différenceimportante. Ces dispositions

s'appliquentà la zone des 200 miles,même auxeaux territoriales, et pas seulement à la zone de

réglementationde I'OPANO. Le Canada fait simplementappel aux mêmesrègleset procédures

dans le cas particulier de la zone de réglementation deI'OPANOet dans celui de notre zone

économique exclusive etde nos eaux territoriales Cela n'arien d'exceptionnel.

35.Lessections 19-19.5denotreréglementation (mémoiredel'Espagne,annexe 17)énoncent

des procéduresd'exécutiod nétaillées:l'emploide la force en dernier recours, la nécessde tirer

des coupsde semonce,l'emploidu signalSQ1. Et ilesttrès significatif,Monsieurleprésident, que

lorsque le Canada a introduit ces procédures dans notreréglementation,en mai 1994, aucun Etat

ne s'yest opposé. Aucuneprotestationn'aété émise. En particulier, dans la note de protestation

du 10juin 1994 (mémoirede l'Espagne,annexe 18), l'Unioneuropéenneet ses Etats membres

dressentune longuelistede griefs concernantlaloiC-29; or, ilest remarquablequ'aucuneallusion

n'estfaite à la disposition relative au recours de la force susceptible de neutraliser les bateaux.

Ainsi, ilsreconnaissaientindirectementque ladispositionétaitconforme à lapratiqueinternationale

acceptée.

36.Qu'il est nécessairede recourià laforce dans l'exécutiodes loisest une évidencedictée

par le bon sens. Les termes des instruments internationauxpertinents sontégalementévidents.Il

n'est vraiment pas besoin de s'yattarder. Mais je voudrais rassurer la Cour : le Canada agit

conformément àlapratique étatique.La législation librementccessiblede nombreuxEtats côtiers

prévoitI'emploide certaines mesures coercitives. Dans un article récent,le second conseiller

juridique duForeignandCommonwealthOfFcebritanniqueexamine lapratiqueétatiqueet affirme

que ((l'arraisonnementest effectué de jure par les autoritésde pêchecompétenteset celles-ci

peuvent, le cas échéant, faireun usage raisonnable de laforce en cas d'obstruction))(Anderson,

Investigation, Detention andReleaseof Foreign Vesselsunderthe UNConvention on theLaw of

the Sea of 1982and OtherInternationalAgreements,1996,InternationalJournalof Marineand

Coastal Law, vol. II, p. 170-171) [Traductiondu Greffe]. 37. Il est un fait que la pratique canadienne est très en-deça decelle de nombreux autres

Etats. Lachroniquedesfaits internationauxde laRevuegénéralede droit internationalpublic est
&
riche d'informationssur les incidents qui surviennentpériodiquement dans la miseen application

de la législationen matièrede pêche(voir RGDIP, vol. 93, 1989,p. 150;vol. 96, 1992, p. 643;

vol. 98, 1994,p. 202;vol. 99, 1996,p. 415).11y a eu desactionsviolentes,avec mort d'hommes.

O 4 6 Desnaviresont été envoyéspar le fond. Je ne veuxpas dire qu'il fautapprécierl'opportunité d'une

mesure en fonction des incidents les plus malheureux. Maisje veux dire que s'ilfaut en juger

d'après la pratique internationale, les pratiques et la législation canadiennes sonttouà fait

acceptables. Elles sontsoigneusementconçuespour éviterlaviolenceet pour préserverla sécurité

en mer.

38. Mais permettez-moi dedistinguer cequi est pertinenten lamatièrede ce quinel'estpas.

Ce qui n'estpas pertinent, lors de la phase de la compétence, c'est de procàrune quelconque

appréciationdes actions canadiennes aux fins de déterminersi elles étaient excessivesou

disproportionnéesou si elles étaientconformes audroit international.l ne saurait êtrequestion,

àcestade,d'uncontrôleoud'uneapprobationjudiciaire destextes législatifsd'application canadiens

ou des actions canadiennes. Commeje l'aidit lors du premier tour de plaidoiries, l'examen de

l'affaireau fond serait précisémentonsacré àtoutes ces questions (CR 98111, p. 60, par. 37).

39. En revanche, ce qui est pertinent, c'estde déterminer quelest le sens naturel du mot

«exécution» à la lumièredu but et de l'intention decette réserve. Selon moi, ce mot doiàtout I

le moins, couvrir les procéduresd'exécutionsomme toute modérées prévue dsans la législation

canadienneet utiliséesen 1995 àl'encontredes navires espagnols. Touteforme d'exécution moins

contraignantesignifieraitque les naviresétrangersne tiendraient tout simplementaucuncomptede

l'actiondes représentantsde la loi. Ils les traiteraient par le mépriset continueraientde pêcher

volonté. Or, les deuxParties ont reconnuque la réservevisaià garantir la pleine exécution dela

loi C-29. 11doit s'ensuivreà tout le moins, que le mot «exécution»dans la réserve doitcouvrir

les procéduresd'exécutionde la loi C-29, autrement dit, les procédures d'exécutiontiliséesen

l'espèce. - 41 -

40. L'Espagnea prétendu quela Iégislationen question représentaitd'une certainemanière

une extension de la juridiction pénaledu Canada. Mais l'Espagne veut-elledire par là qu'ilne

devrait y avoir aucune sanction en cas de violation des mesures de gestion et de conservat?on

Que la Iégislation devrait permettre que ces mesures soient impunément bafouées ?

Monsieur le président, toute réglementationdoit prévoirdes sanctions en cas d'infraction. A

l'évidencej,e n'ai passu persuader M. Sanchez Rodriguez que laloi C-8, qui n'est pas une loien

matièrede pêche,mais une loi de police généralea, un but entièrementhumanitaire etlouable. Je

rappelleraià la Cour que la partie de la loi C-8 portant effectivement Iégislationen matièrede

O4 7 pêche n'estjamais entréeen vigueur. Pource qui est du reste de la loiC-8,je ne puis querenvoyer

la Cour au texte en question. Il dispose que la force de natuàecauser la mort ou des lésions

corporellesgravesn'estpas justifiée,sausi elle est nécessairepour protéger lavie de quiapplique

cette force ou celle d'autrui, c'est-à-dire,sauf en cas de légitimedéfense.En cas d'arrestation, ces

mesurescoercitives ne peuvent pas êtreemployées contreun suspect en fuite, sauf pour protéger

autruide lamort imminenteou futureoude lésionscorporellesgraves. Monsieurle président,nous

n'avonspas àprésenterd'excusesau sujet de cette Iégislation.

5. La réserve étaidtestinée à s'appliquerà tous les navires

41. J'enarrive enfià la question des intentionsdu Canada. L'Espagnepersisteà dire qu'il

y a «divorce» entre l'intention initiale du Canada et l'applicationen 1995 de la législation

l'encontredes navires espagnols (CR 98/10, p. 47, par. 24). L'Espagnesoutient que l'intention

initiale était den'appliquer la législationqu'aux navires apatrides et battant des pavillons de

complaisance;que cette limitation ressortait en quelquesorte de la réserve;et que l'Espagneavait

doncd'une certainemanièredes raisons légitimes d'espéreqru'ellene seraitjamais soumise cette

législation(CR 98/10, p. 50-51, par. 30-31). Le conseilespagnol a de nouveauévoquéles débats

parlementaires qui ont eu lieu au sujet des «navires pirates» débats, soitdit en passant, qui

portaientsur la législationet non pas sur la réserveet il a mêmemis en cause la bonne foi de

M. Tobin, le ministre de la pêche etdes océans(CR 98/15, p. 59, par. 17;CR 98/10, p. 48-51,

par. 25-31). - 42 -

42. Sans apporter le moindre élément depreuve, Monsieur le président,ni la moindre

justification. La Cour se rappellera qu'aucours des débatssur la loi C-29, le ministre de la Lêche

et des océans a ditau Parlement que tout navire de n'importe quelle nationalité qsitnschera

respecter les bonnes règlesen matière deconservationpourrait être soumiségislationet ce,

sans aucune exception(Débatsàla Chambre des Communes,11mai 1994,p. 4216; mémoirede

l'Espagne,annexe 15). Ces propos, Monsieurle président,ont étéau moment, pratiquement

aujour près,où laréservea édéposée.M. Petten, sénateur,a dit quelesnaviresapatridesétaient

les premiers visés par la législation mais, bien évidemment, ils n'étaient ples seuls

potentiellement visés (Débau Sénat,12mai 1994,p. 458; mémoirede l'Espagne, annexe 16).
-
Dans un communiqué de pressedu 10 mai 1994, jour du dépôtde la réserve,le ministre des

affaires étrangèresa dit que «les bateaux sans nationalitéet ceux qui battent des pavillons de

complaisance représententen ce moment la plus grande menace» (contre-mémoiredu Canada,
O 4 8 annexe 35). «En ce moment>>M, onsieur le président,sig:àfl'époque, papour toujours, pas

indéfiniment. Celaveut aussi dire que la situation étaitsusceptible d'évolueret qu'ilu

de la garder souscontrôle. L'intentionrestrictive que,d'aprèsl'Espagne,le Canadaaurait eue lors

du dépôtde la réserve,est une pure fiction, c'est le fmit de l'imaginationfertile de l'équipe

espagnole. 43. Mais l'Espagnedemande ensuite commentnous expliquons que. Tobin ait dit

qu'envertu desrèglesde I'OPANO,nous abordons, visitonset inspectons les bateauxet délivrons

des citations, tout en laissant aux Etats du pavillon le soin d'engager des poursuites(mémoire de

l'Espagne,par. 88; CR 98/10, p. 48-49, par. 26). Et comment nous expliquonsque M. Tobin ait

dit, au cours de ces mêmes débats1994,que l'Espagneet le Portugalrespectaientles quotas de

I'OPANOet participaient pleinementàI'OPANO(mémoire del'Espagne,par. 117; CR 98/10,

p. 48-49, par. 26). Monsieur le président, le Canadas'estexpliquésur toutes ces questions aux

paragraphes24 à27 et 158 a 160de son contre-mémoire.Le ministre a parlé entermes positifs

del'attitudede l'Espagneen mai 1994 parce que la flotte espagnole respectaitalors les règles,ce

quiavaitnettementaméliorlesrelationsdepêcheentre lesdeux Parties. Mais personneau Canada

n'avaitoubliéles années de confrontationet deêchedestructive. Rien ne garantissait que la

détenteobservéeen 1994durerait et, de fait, elle a pris fin quand la crise du flétan noir a éclaté -43 -

peu de temps après. C'est pourquoi lesministres se sont assurés,en 1994, que la Iégislation

s'appliqueraiàtout navirede n'importequellenationalitéet que la réserve,elleaussi, s'appliquerait

à tout navire de n'importequelle nationalité. Et tel est bien le cas.

44. Aucours de cesmêmes débats,comme ilest expliquéauparagraphe159de notre contre-

mémoire,M. Tobindittrèsclairementqu'ilespéraitetqu'ilcroyait que lesystèmed'autorégulation

de I'OPANOcontinuerait à fonctionner. Mais il n'a donnéaucune garantie ni n'a prisaucun

engagement. Toujoursau cours de l'interventionqueje viens d'évoqueil s'estégalement engagé

à mettre fin à la surpêche,si possible d'un commun accord mais «en prenant des mesures

unilatéralessi besoin))(contre-mémoire duCanada, par. 160). En quoi, aujuste, y a-t-il divorce

entre l'intentionet la réalité?

45. Monsieurleprésident,il n'ya aucun divorce dece genre. Les intentionsdu Canadasont

restéesles mêmes.Et l'Espagnele saitpertinemment. L'Espagneet les Etatsmembres de l'Union

européenne savaienet nmai 1994,que la législation pourraitêtreutiliàleur encontre et ils ont

' réagien conséquence. La note verbale du 10juin 1994condamne vigoureusement la législation

canadienne(mémoirede l'Espagne,annexe 18). Ce n'étaitas une questiond'intérêtthéoriquoeur

l'Espagneet l'Union européenne.Ils savaientpertinemment,lors de l'adoptionde la loi et du dépôt

de la réserveen 1994,àla simple lecture de ces documents, que la loipouvait s'appliàueux,

qu'elle pouvait,pour reprendre les mots duministre en mai 1994, s'appliquàrtout navire de

n'importe quelle nationalité qui pêcheraistans respecter les bonnes règles en matière de

conservation.

Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, je suis parvenu ma conclusion.

Je suis reconnaissant de l'occasion quim'aétéofferte de prenàrnouveau la parole au nom de

mon gouvernement. Je remercie la Courde sa bienveillanteattentionet vous prie de bien vouloir

donner la paroleàl'agentadjoint.

Le PRESIDENT :Merci, M. Willis. Je donne maintenant la paroleà l'agent adjointdu

Canada, M. Hankey.

M. HANKEY : -44 -

1.Monsieurle président, Madameet Messieursdela Cour,je tiens à vousremercier,aunom

duGouvernementduCanada,d'avoirécoutéavea cttention l'expodesquestionssoulevéespendant

la présenteinstance.
P
2. La semainedernière,vousavez entendu nombre d'argumentscréatifsde nos collèguesde

lapartie espagnole;des argumentsquicherchaientà déformerletextede la déclarationpar laquelle

le Canada a acceptélajuridiction obligatoire de la Cour; des argumentsqui tendaiàndénaturer

l'intentionqu'avaitle Canada lors du dépôtde la déclaration;et, enfin, des arguments destànés

tourner laréserveduCanada,quioccupeune placecentraleen l'espèce.Par cesprocédés l'Espagne

a essayé d'userde sophismes et de faux-fuyants pour éviterla seule conclusionévidenteque la

présente affairene relèvepas de la compétence dela Cour.

3. Nous pouvons reconnaîtreà l'Espagneet lui reconnaissonsune trèsgrande imagination,

mais nous ne devonspas confondre lesproduits de son ingéniositéavecdes faits indiscutables, du

bon droit et une saine politique. Ainsique le Canadaet l'Espagne l'ontaffirmél'unet l'autretout

au long des audiences, le consentementdes Etats est une conditionpréalable fondamentalede la

compétencedelaCour. Pour que laCour soit compétente pourconnaîtred'uneaffaire donnée,les

Etatsparties doiventavoir acceptésajuridiction d'unemanière indiscutable.Or, par sa déclaration

O de 1994 d'acceptationde lajuridictionobligatoirede la Cour, le Canadaa exclu son consentement

dans les affaires, comme la présente,auxquelles donnent lieu ou qui concernent les mesuresde

conservation et de gestion prises contre des navires pêchantdans la zone de réglementationde w

I'OPANOet l'exécutionde telles mesures.

4. Monsieur le président,je n'aiguèrebesoin derappelerà la Cour que lesEtats sont libres

de choisir les moyens dont ils se serviront pour réglerleurs différends. La Charte des Nations

Unies énumèreles possibilités : négociation,médiation, conciliation, arbitrage,ou règlement

judiciaire. Les Etats disposent de tous ces moyens égalementquand des différendssurgissent.

Pourtant aucune méthoden'estpréférable àune autre, ni n'est exigée.Un certain nombredlEtats,

comme le Canada,ont décidép ,arrespectpour la Cour,de soumettre àlajuridiction obligatoirede

celle-ci une ample gamme de différendsquenous considéronscomme susceptiblesde se prêter à

unrèglementjudiciaire. Cependant,leCanadaa exercéaussi sondroit souverain deréglercertains - 45 -

types de différends pard'autres moyens. Parmi cettedernière catégorie, aux fins dela présente

affaire, la première place revientaux différendsqui mettent enjeu des situations ou des faits qui

ont pour origineou concernentdes mesuresde conservationet de gestionprisescontre des navires

pêchant dans la zone de réglementationde I'OPANOet l'exécution de telles mesures. Le Canada

a décidéde faire face à de tels différendspar la voie de la négociationet pas des accords

internationaux.

5. Jemehâte d'ajouterquenous avonsdonnésuite àcesaffairesavecun succèsconsidérable.

L'accorddu 20 avril 1995entre le Canadaet l'Unioneuropéenne,issu de négociationsqui ont fait

suite aux événements de mars de ladite année,inclut des mesuresrigoureusesde conservation,de

gestion et d'exécutionapplicablesdans I'AtlantiqueduNord-Ouest. L'acceptationde ces mesures

partoutes lesparties I'OPANO,en septembre 1995,a encore renforcéleurefficacitépour protéger

la conservation. A titre multilatéral et dansle cadre de la mise en Œuvre d'une autre initiative

canadienne,en 1995 a été aussi conclue la convention deI'ONUsur les stockschevauchants,qui,

une foisqu'ellesera en vigueur,amélioreraaussibeaucouplaconservationdesressourcespartagées

des pêcheriesmondiales.

6. Ainsi le Canada a-t-il choisi de régler les divergences relatives aux mesures de

conservationetde gestionpar lanégociation, c'est-à-dirleprocédé qu'il considératommeleplus

efficace comptetenu des circonstances. Bien entendu, l'intentionreconnue dont il s'inspiraiten

agissant de la sorte est décisive pour interpréternotre déclarationfaite en vertu de la clause

facultative et donc la compétencede la Cour.

0 5 1 7. Le Canada a modifiésa déclarationd'acceptationde lajuridiction obligatoire de la Cour

le 10mai 1994,exactement lejour mêmede sa présentationau Parlement du texte de loi portant

modificationde la loi sur la protection des pêchescôtières, leprojet de loi C-29. Le lien intime

qui unit ces deux instrumentsjuridiques était et estd'unetransparence absolue. Les observations

ministérielleset le communiquéde presse du gouvernement annonçant ces deux initiatives ont

indiquéavecuneparfaite clartéquelesmesuresde conservationet de gestionauxquellesseréférait

la déclarationn'étaient autresque la loi et les mesures prises en vertu de celle-ci. - 46 -

8. L'Espagnea allégué que le Canada s'estengagé dansune forme d'auto-interprétationde

sa réserveet qu'ila cherchédonner à son texte une intentionultérieurequi n'enfaisaitpaspar:ie

d'oùles curieuses référencesde l'Espagneà des réservesautomatiques. Rien ne sauraitêtre plus

éloigné de la vérité.Nous n'avonspas présenté desargumentsen faveurde quelque interprétation r

ésotériqueinhabituelle.Nousavonsprésentédesargumente snfaveurd'uneinterprétationconforme

au sens habituel, ordinaire des termes, pour donnerein efSeà l'intentionobjective du Canada.

Tout au long de la présente instance, le Canada s'est fondé sur des élémentsde preuve

contemporainsde ce qui étaitson intention au moment du dépôtde la déclaration.Nous n'avons

pas besoinde rationalisationcréatriceprèscoup. Selon lestermes de l'arrêrtendu en l'affairedu

Temple,que j'ai citéla semaine dernière,notre but, quandnous avons adopté lalégislation((n'a 1

janiais fait de doute»(CR 98111, p. 34, par. 39).

9. L'intentionest lapierre touchepour interpréterlesdéclarationsfaitesen vertu delaclause

facultative. Dans certainesaffaires portées devantla Cour, les intentionsdes Etats ont été vagues

ou évasives. En revanche ici, dans la présenteinstance, les faits sont aussi clairs qu'ils peuvent

i'être.Le Canada s'estproposéd'exclurede son acceptation de la compétence dela Cour tout

différend relatif aux amendementsapportés en1994 àla loisur la protectiondes pêchecôtières,

sa réglementationou son exécution. Or c'estprécisémenc te que nous avons fait.

10.Pour interpréter laréservedu Canada, nous devonsrépondre à une question simple:les

mesuresprises par leCanadaet exécutéec sontre lenavire espagnolEstaéitaient-ellesdesmesures *

de conservation et de gestio? Si la réponse est affirmative, la Cour estincompétente.

11. Comme nous l'avonsmontrétout au long de nos exposés,la loi sur la protection des

pêchescôtièreset saréglementation,envertu desquelles l'Estaia étvisité,arraisonnéetsaisi sont

incontestablementdes mesures de conservation et de gestiondestinéeà assurer la protectiondes

O5 2 pêcheries.Tous lesfeuxd'artificerhétoriquede l'Espagnene réussirontpasà obscurcircefait. En

conséquence,l'applicationde la réserve duCanada à la présente affaireest inévitable.

12. Dans ses efforts pour détourner la Cour du senset du but clairs de la déclarationdu

Canada, l'Espagnea inventénombre de méthodes d'interprétationM. escollèguesontexaminéavec

soin ces diverses techniques et je n'aipas de raisony revenir maintenant. Cependant,je ferai -47 -

observeravecregret que lebut de l'argumentationde l'Espagnea étéla dissimulation. Que ce soit

quand elle a préconisée,n réalité,ne interprétation restrictdes réservesà la clause facultative,

ou quand elle a surimposé des définitions spécifiques dteermes générauxl,'Espagnea toujours

cherché à esquiver le sens clair des termes effectivement utilisésdans la réserve duCanada. Se

contenter de lire le texte de cette réserved'une façon naturelleet raisonnable et de donner effet

ses termes ainsi qu'à l'intentionconnue du Canada, voilà qui nefaisait pas l'affaire de l'Espagne,

car une telle lecture ne pouvait qu'amener conclure àl'incompétence de la Cour. Au contraire,

l'Espagnes'estefforcéede susciter des complicationset des confusions pour dissimuler l'absence

de consentementdu Canada à la compétenceen l'espèce.

13.Parses diversesthéories interprétativest ses inventionsdans l'ordredes faits, l'Espagne

ne cherchedonc rien de moins que desaper le principe du consentement. Il est manifeste que le

Canada n'a pas consenti à une décisionjudiciaire sur cette sorte de différend. Son défautde

consentementressort avec une évidence égale du texte de la réserveet de l'intentiontransparente

qui étaitla siennelors du dépôtde ladéclarationde 1994.Defait, l'Espagnea même reconnu que

le Canada avaitl'intentiond'exclure cette sorte d'affaire delajuridiction de laCour (mémoirede

l'Espagne,p. 76,par. 55;p. 94-96, par. 107-110).Or, malgrécette reconnaissance, lesconseilsde

l'Espagneont insistépour dire que laréservedu Canada devaitêtreinterprétée de la façon la plus

étroitepossible;qu'à causede l'incompétencd eesrédacteursjuridiquesdu Canada,les mots inclus

dans letextene signifient pas ce qu'ilsdisent; et que les mesuresprises par le Canada doiventêtre

présumées illicites et doncsofacto relever de la compétencede la Cour. Les variations sur le

thèmede l'Espagnesontinfinies,mais lethèmerestele même :laCour doit sedéclarercompétente

malgréle défautde consentementdu Canada.

053 14.Si la Cour lui faisait droit, l'effetdu raisonnementsuivi par l'Espagneprésenteraitune

importance, non seulement pour le Canada, mais pour tous les membres de la communauté

internationale quiont décidde déclarer leuracceptationdelajuridiction obligatoirede la Cour en

vertude laclausefacultative. Voilà pourquoileCanadaest d'accordavecM. Highetquand celui-ci

appelle leprésentlitige une «grandepetite affaire)). Elle deviendraitplus grandeencore si, comme

le souhaiteM. Highet, elle devait accréditerla proposition selon laquelle la Cour peut se déclarer -48 -

compétentemalgréle texte clair d'uneréserve etmalgré l'intentionnon moins claire d'un Etat

d'exclure lacompétence.
j
15.Cependant, lajurisprudence de laCour et decelle qui l'aprécédé neous donne une leçon

différente. 11s'agitd'une((grandepetiteaffaire)),car elle donnà la Cour l'occasionde réaffirmer i

sansambiguïtélesprincipes relatifs à la compétencequi I'ontguidée pendanttrois quarts de siècle

de pratiquejudiciaire. Là où l'Espagnese propose de saper le consentementdes Etats, le Canada

demande seulement que l'exigencedu consentement soit respectée.

Conclusion

16. Monsieurle président,Madameet Messieursde la Cour,en toute bonnefoi et avec une
*
pleine confiance en la Cour le Canada en a acceptéla juridiction obligatoirecomme un certain

nombre d'autresEtats, avec un petit nombre de réservesclairement définies. Comme même

l'Espagne le reconnaîtrait, les réservesconstituent une partie décisivedu système de la clause

facultative, car elles encouragent les Etatà y participer dans la mesure où ils le peuvent. La

jurispmdence de la Cour a développé des principes d'interprétation solidet raisonnables, qui

tendent à donnerun effet pleinet équitable à l'intentiondes Etats, telle que ceux-ci I'ontexprimé

dans leurs déclarationsfaites en vertu de la clause facultative, y compris en particulier leurs

réserves.

17. La manière dont l'Espagneaborde le problème,si on l'acceptait,transformeraitde façon
rr
profonde la manièredont fonctionnele systèmede la clause facultative. Comme l'afait observer

sir Gerald Fitzmaurice,riennesapelaconfiancefaiteauxtribunauxinternationaux, «sirapidement

etsicomplètementque i'impressionquelestribunauxinternationauxpeuventsedéclarercompétents

dans des affaires qui sortent en réalitéde la portéeque les parties ont voulu donner à leur

consentement))(sir Gerald Fitzmaurice,TheLawandPractice oftheInternational Court ofJustice,

.J
vol. II (1986), p. 514).

18. Le Canadane demanderien de plus qu'uneinterprétationde sa déclarationqui respecte

les termes clairs et la portéevoulue de cette réserve indiquéau paragraphe2, alinéa 4. Sur la -49 -

base de cette réserve,je réitère officiellem,u nom du Gouvernementdu Canada,laconclusion

suivante, dontje donnerai lecture en anglais et en français

May it please the Court to adjudge and declare that the Court has nojurisdiction to

adjudicate upon theapplicationfiled by Spainon 28 March 1995.

Plaise àla Courdire etjuger qu'ellen'estpascompétentepour statuersur larequête déposée

par l'Espagnele 28 mars 1995.

19. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

attention et de votre patience.

Le PRESIDENT :Merci, M. Hankey. LaCour prend notedesconclusions finalesdont vous

avez donné lectureau nom duCanada, comme elle l'a fait pour celles qu'aprésentées l'éminent

agent de l'Espagne. Nous arrivons ainsà la findes audiences sur les exceptions préliminaires.Je

tiensà remercier les agents, conseils et avocatsdes deux Parties de leursexposéstrès compétents,

ainsi que de la courtoisie dont ils ont fait preuve tout au long de la présente instance.

Conformément à la pratique habituelle,je demanderai aux agents des deux Parties de restàrla

dispositionde la Cour pour tout autrerenseignementdont elle pourrait avoir besoin. Compte tenu

de cela,je déclare closela procédureorale relative la compétencede laCour pour connaître de

l'affaire dela Compétenceen matièrede pêcheries (Espagnce. Canada).

La Cour va maintenant se retirer pour délibérer. Les agents des Partseront informés,en

temps utile, de la daàelaquellela Courrendrasonarrêt.Iln'ya pas d'autres questionsà examiner

aujourd'huiet l'audienceest levée.

L'audience estlevée à 12 h 40.

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