Translation

Document Number
087-19940310-ORA-01-01-BI
Parent Document Number
087-19940310-ORA-01-00-BI
Bilingual Document File
Bilingual Content

Non-Corrigé Traduction
Uncorrected Translation

CR 94/7 (traduction)
CR 94/7 (translation)

Jeudi 10 mars 1994
Thursday 10 March 1994 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La Cour reprend ce matin ses

audiences dans l'affaire Qatar-Bahreïn,questions de compétence et

d'admissibilité,pour entendre le Qatardans son second tour de

plaidoiries. Je donne donc laparole à S.Exc. M. Nauimi.

M. NAJEEB AL-NAUIMI : Monsieur le Président,Messieurs de la Cour,

1. Au début de ce second tour de plaidoiriesau nom de 1'Etat du

Qatar dans la phasede l'affaireportant sur les questions de compétence

de la Cour et de recevabilitéde la requête du Qatar, je voudrais appeler

l'attention de la Cour sur certains points que je me sens tenu de

préciser après avoir écoutéle premier tour deplaidoiries de Bahreïn.

2. Premièrement,la Cour aura sans aucundoute constaté que c'est le

Qatar qui, depuis de nombreuses années, cherche à régler pacifiquement

ces litiges déjà anciens. Je suis ici maintenant devantla Cour parce

que le Qatar croit fermementque l'accord de 1987 exprime le consentement

des deux Parties à soumettre toutes les questionsen litige à la Cour, et

que cet accord ne comportait aucune réserve signifiant quecela ne

pourrait se faire que par la voied'une soumission conjointe.

3. Ce qui a été convenu et enregistré dansle texte de l'accord de

Doha signé par Bahreïnle 25 décembre 1990, c'était que la formule

bahreïnite indiquant l'objetdu différend étaitacceptée par le Qatar. A

la même époque, la saisine de la Cour en vertu d'un compromis n'a pas été

envisagée, et le projet d'article V de Bahreïn n'a pas été incorporé à ce

texte. Bahreïn a conclu cet accord en sachantparfaitement bien à quoi

il consentait ou «s'attendait».

4. Le Qatar est fermementconvaincu qu'il était entièrement endroit
009

d'introduire sa requête, et considère que l'attitudede Bahreïn depuisle -3-

dépôt de celle-ci est une tentative pour revenir sur le consentement

qu'il a donné en 1987 et 1990. Le Qatar a été accusé de s'être livré à

une «manoeuvre» (CR 94/4, p. 13). Nous ne voyons pas comment une requête

présentée à la Cour conformément à son Statut et à son Règlement pourrait

être qualifiée de «manoeuvre». Si «manoeuvres» il y a en cette affaire,

c'est Bahreïn qui s'y livre en essayant de retirer leconsentement qu'il

avait donné à la compétence de la Cour. Le Qatar est convaincu que la

Cour peut statuer sur le différend couvertpar la formule bahreïnite, et

que Bahreïn est libre d'introduire une requête séparéeconcernant, par

exemple, ses propres revendicationsrelatives à Zubarah.

Le Qatar ne veut pas empêcherBahreïn d'obtenir que justice lui soit

faite. Mais selon de Beckett, cité par Manfred Lachs :

«Au regard de la pratique et de l'expérience,on ne peut légitimement

dire que le sens d'un traité ne peut pas être clair,sinon les Etats en

cause ne se donneraient pas le mal d'aller en justice à son sujet. Il

arrive, certes, qu'une disposition conventionnellesoit parfaitement

claire mais qu'une ... partie ... la trouve gênantepour une raison ou

une autre.» (ManfredLachs, «Evidence in the procedure of the

International Courtof Justice : the role of the Court» in Hacia un nuevo

orden internacionaly europeo; Homenaje al profesor M. Diez de Velasco,

Editorial tecnos, Madrid, 1993, p. 437.)

5. Deuxièmement, jlen viens à la question que soulève Bahreïn à

propos de l'absence de réaction de la part du Qatar aux deux projetsde

compromis qu'il a reçus en septembre 1991 et juin 1992, après

l'introductionde sa requête. Bahreïn a demandé pourquoi le Qatar a

rejeté ces offres. Pourquoi ? La réponse est fort simple. En premier

lieu, le Qatar avait déjà déposé une requête unilatérale valide fondée -4-

sur les accords de 1987 et 1990. De plus, il est évident que le texte

bahreïnite de 1992 tendait un piège au Qatar. Je suis persuadéque la

Cour aura été aussi surprise que ce dernierde constater que malgré

l'acceptationde la formule bahreïnitepar le Qatar et Bahreïn en
010
décembre 1990, Bahreïn a modifié cette formule dans son projet de

juin 1992. Tout simplement,et contrairement à ce que Bahreïn cherche à

faire croire, le projet de compromis de juin 1992 est loin d'être aune

proposition parfaitement raisonnable de saisine commune». En outre,

toutes ces tentatives de Bahreïnpour obtenir la signature d'un compromis

ont été faitesen pleine co~aissance de la requête déposée par le Qatar

en juillet 1991. Comme je l'ai déjà dit, le médiateur nes'est pas

départi de son rôle, et Bahreïn utilise les projets de compromis non

seulement pour s'efforcer de reprendre le consentementqu'il avait donné

dans l'accord de Doha, mais peut-être aussi pour sedégager du

consentement donné dansle cadre de l'accord de 1987.

6. Troisièmement, on nous a dit vendredi que «Les Etats qui ont des

chances d'affronter des questions de frontière hésitent à accepter les

clauses de juridiction obligatoirequi permettent d'introduireune

instance relative à de telles questions par un acte unilatéral» et que

«l'introductiond'instances relatives à des questions de ce genreen

vertu de clauses préexistantesde juridiction obligatoireou en vertu de

la clause facultative est exceptionnelle» (CR 94/4, p. 19-20). On nous

l'a répété encore mardi (CR 94/6, p. 48). Or la vérité, c'est que sur

les 57 Etats qui ont faitdes déclarationsde clause facultative,six

seulement ont exclules questions territoriales de leur acceptation de la

juridiction de la Cour - seulement six. Et il n'est pas nécessaire de

rappeler à la Cour que trois affaires concernant des différends - 5 -

territoriaux lui ontété soumises par des requêtes unilatérales fondées

sur une déclarationde clause facultative : Temple de Préah Vihéar

(Cambodgec. Thaïlande) (C.I. J. Recueil 1962, p. 6) et, très récemment,

aussi bien 1'affairede la Délimitation maritime (Guinée-Bissac u.

Sénégal) en 1991, et celle de la Délimirationmaritime dans la région

située entre le Groenland et Jan Mayen (Danemarkc. Norvège) (C. I.J.

Recueil 1993).

7. Quatrièmement,j'ai été surprisdlentendre vendredi dernier que

les seuls membres du sommet du CCG qui eussent quelque connaissancedu

problème étaientl'Arabie saoudite et les deux Parties elles-mêmes,et

que par conséquent lepremier paragraphe del'accord de Doha, rédigé par

Oman, pour «réaffirmerce qui avait été convenu précédemment»entre les

Parties ne pouvait se rapporterqu'à «tout ce qui avait étéconvenu

précédemment»,y compris les questionsqui avaient fait l'objetd'un

accord au sein de la commission tripartite (CR 94/4, p. 55).

Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, je dirais quec'est tout

le contraire. Oman, comme les autresmembres du CCG, connaissait fort

bien l'accord de 1987, qui avait étérendu public lors du sommet du CCG

en 1987 et avait été communiqu~ à l'époque à la presse par le

porte-paroleofficiel du sommet,le prince SaudAl-Faisal, celui-là même

qui en 1988 avait informéla commission tripartite queses travaux se

termineraient à la fin de décembre 1988. Oman, comme d'ailleurs les

autres membres du CCG,savait aussi qu'il y avait eu d'autres tentatives

pour essayer de parvenir à un règlementpar la voie de la médiation, qui

avaient été annoncées lors des réunionsau sommet ultérieures du CCG, et

que l'accord avait été conclu parles chefs dlEtat au sommet de Doha. Ce

qu'il ne pouvait pas connaître,et que par conséquent ilne pouvait pas -6-

avoir à l'esprit en rédigeant son texte, c'étaient les divers prétendus

accords intervenuslors des réunions de la commission tripartite.

Autrement dit, l'expression «ce qui avait étéconvenu précédemment»au

premier paragraphe del'accord de Doha doit manifestement se comprendre

comme se rapportant à l'accord de 1987.

8. Cinquièmement,je voudrais évoquer la manièreincroyable dont

Bahreïn présente les faits relatifs à l'accord de Doha. D'emblée, je

dois dire qu'il a été étonnant d'entendre l'agent de Bahreïn citersa

propre déclaration comme s'il s'agissait d'un moyen de preuve objectif

(CR94/2, p. 22). Je rappelle aussi qu'il n'y a pour ainsi dire pas eu

de pourparlers face à face entre lesdeux Parties lorsde la conclusion

de l'accord de Doha. Il en a été de même pour la conclusion de l'accord

de 1987, par échange de lettres

Pourtant, le 4 mars l'un des conseilsde Bahreïn (CR 94/4, p. 51 et

suiv.) a commenté les déclarationspartiales du ministre des affaires

étrangères de Bahreïn et de l'agent de Bahreïn, qui ont été

confectionnéesdix-huit mois après les événementset annexées au

contre-mémoirebahreïnite. Au début, on nous a dit que «l'exactitudede

la déclaration n'a jamais été contestée». Ce n'est tout simplement pas

vrai - ce n'est pas vrai - et j'invite la Cour à se reporter à la page 34

de la réplique du Qatar.

On a dit ensuite que comme leQatar s'était abstenu de produire des

déclarations analoguesou de faire déposer destémoins pour contredire

les déclarations,

«le Qatar ne pourrait maintenant ... prétendre qu'il
conviendrait que la Cour relativise,mette en cause ou rejette

les éléments de preuve contenus dans ces déclarations concernant
ce qui s'est passé à Doha, les effets que le ministre prêtait à
ces textes, ou la nature de ses intentions».Je voudrais fairedeux observations.

Ainsi que le ministre des affaires étrangères de Bahreïn l'a reconnu

dans sa déclaration,

«pendant toute la réunionau sommet il n'y eut pas de discussion
directe à ce propos entre les délégations de Bahreïn et du

Qatar. Sans cesse des représentantsde l'Arabie saoudite ou
d'Oman faisaient la navette entre les deux délégations.»
(Contre-mémoirede Bahreïn, vol. II, annexe 1.25, p. 161,
par. 5.)

Dans ces conditions, comment le Qatar pourrait-il produiredes

témoignages pour contredireune déclaration concernantdes discussions

auxquelles il n'assistait pas ?

Les discussions directesentre les deux délégationsdont il est

question dans la déclaration du ministre des affaires étrangèreo snt eu

lieu entre l'émir du Qatar et le premier ministre de Bahreïn à la séance

d'ouverture du sommet. Mais le Qatar a observé que le premier ministre

de Bahreïn n'a pas présenté dedéclaration écrite.

De même, la déclaration de M. Al Baharna ne fait état d'aucun contact

direct avec la délégation du Qatar. Il est évident que le Qatar ne

pouvait pas établir, l'existencede soi-disant discussions qui ont eu

lieu en son absence.

Bahreïn prétend-il vraiment que leQatar aurait dû produire des

déclarations analogues ? Pourquoi une telle déclaration aurait-elle eu

plus de poids que la relation des événements quifigure dans les

écritures du Qatar ? La réponse est assurément que le Qatar ne voulait

pas se servir de déclarations de ce genre pour essayer de donner à penser

à la Cour qu'elles avaient valeur de déclarations faitessous serment.

Le Qatar estime que laforce probatoire desdéclarations produitespar

Bahreïn n'est pas supérieure à celle du texte des écritures du Qatar. - 8 -

Qui plus est, les conseils de Bahreïn ont insinué que, du côté du

Qatar, cpersonne n'est prêt à se mettre en avant et à accepter une

responsabilité»pour la négociation de l'accord de Doha, et que personne

ne serait prêt à se soumettre à un examen contradictoirepar Bahreïn.

Cette assertion est extraordinaire. Les Qatariens sontaccusés de ne pas

avoir le courage d'assumer leur responsabilité;mais les paroles des

conseils de Bahreïn pourraienttout aussi bien s'appliqueraux auteurs

des deux fameuses déclarations. Eneffet, pour qu'une déclarationpuisse

être acceptée comme moyen depreuve, elle doit revêtir la forme d'une

déclaration faite sous serment.

Le Qatar estime que les témoins qui consentent à faire des

déclarations sous sermentacceptent indiscutablement une responsabilité,

car ils s'exposent à toutes les sanctions qu'un tribunal peut ordonner

s'il est prouvé que les déclarationssont inexactes. Le Qatar fait

observer que les déclarationsdes deux ministresbahreïnites n'engagent

nullement la responsabilitéde leurs auteurs.

01 4 Enfin, pour conclure mes observations surl'absence de force

probatoire des déclarationsdes deux ministres bahreïnites, auxquelles,

je le répète, ne devrait pas êtreaccordé plus de poids qu'aux

affirmations du Qatar dans sesécritures, je voudrais rappeler à la Cour

qu'à la suite d'une demande du Greffier du 16 novembre 1993, les deux

agents avaient rappelé à celui-ci qu'ils étaient convenus de ne faire

entendre aucun expert ni témoin (lettre du Qatar du 20 novembre 1993 et

lettre de Bahreïndu 23 novembre 1993). Je suis sûr que M. Al Baharna se

souviendra que j'avais donné cet accord à sa demande.

En résumé, si la Cour devait autoriser que des déclarations de ce

type puissent êtreutilisées comme «moyens de preuve» au sens de son -9-

Statut et de son Règlement, cela équivaudrait à permettre à une Partie de

se servir dans ses plaidoiries des déclarations figurant dans ses

écritures comme s'il s'agissait de dépositions.

9. Sixièmement,je passe maintenant aux questions linguistiques.

Les conseils de Bahreïn (CR 94/4, p. 57) ont traité de la

significationde «al-tarafan»dans le procès-verbal de Doha en déformant

la question, comme s'il s'agissait de savoir si «al-tarafan»signifie

«l'une ou l'autre des Parties» ou «les deux Parties ensemble,.

Cependant, ainsi que le Qatar l'a à maintes reprisesexpliqué,

«al-tarafan»signifie simplement <<lesdeux» ou «chacune des Parties» et

il n'existe aucune indication dans l'accordde Doha de la nécessité d'une

action conjointe. En particulier, le mot «ma1an», «ensemble»,n 'y figure

nulle part.

Bahreïn, en plaidoirie, a invoqué le «contexte historique» - dans

lequel il a voulu également voirl'apparition d'une pratique des Parties

concernant l'emploides mots «al-tarafan». Il a essayé de montrer que

les Parties avaient toujours utilisé les mots «al-tarafan»pour désigner

une action conjointe. Pourtant,absolument aucun des exemples tirés du

soi-disant «contexte historique»n'est en réalité pertinent pour une

interprétation del'accord de Doha. Pourquoi ? Parce que dans chacunde
01 5
ces cas, «al-tarafan»était employé à propos d'une obligation imposée

aux deux Parties - les deux Partiesdoivent accomplir un certain acte.

Par contre, l'accordde Doha n'énonce pas une obligation, maisp1utÔ.t

donne un droit aux deux Parties. Plusprécisément, il emploie le mot

«yagouz» («peuvent»)que les conseils de Bahreïn ne mentionnent même pas.

C'est là une différence fondamentale. L'accord de Doha donne aux deux

Parties le droit de porter l'affairedevant la Cour. Tous les experts - 10 -

sont d'accord que les mots doivent être interprétéd sans leur contexte

linguistique. Il est donc révélateur que les conseils de Bahreïn aient

essayé d'utiliser des exemplesqui ne correspondentpas au «contexte

linguistique»de l'accord de Doha.

Autre point tout aussi important, lesoi-disant «contexte historique»

offre de nombreux exemplesd'emploi de «al-tarafan~dans lesquelsun acte

individuel accompli par chacune des Parties était envisagée. J'ai cité

dans mon premier exposé plusieurs exemplesde ce type où M. Al Baharna a

lui-même utilisé les mots <<al-tarafan»pour décrire ledroit pour chacune

des Parties, aux termes de la formule bahreïnite, de porter devant la

Cour sa demande ou ses revendications(CR 94/3, p. 37).

Les conseils de Bahreïn font grand cas de ce queBahreïn aurait

«rejeté» aussi bien le projet saoudien que le projet omanais parce qu'il

envisageaitde déposer une requêteunilatérale. Mais Bahreïn a-t-il

réellement rejeté ces projets ? Pour autant que puisse savoir le Qatar,

la réponse est négative. Il ressort des écrituresde Bahreïn que

celui-ci s'est borné à insérer dans le projet saoudien les mots

suivants : «comme il est précisé dans le mémorandum bahreïnite». Je

ferai observerque, dans sa déclaration, M. Al-Baharna a dit que le

projet envisageaitune action unilatérale.

A ce propos, M. Al Baharna a déclaré qu'il recommandait de supprimer

le texte de la formule bahreïnite, et de le remplacerpar la confirmation

que les Parties s'étaientmises d'accord sur cette formule. Il a

également ditqu'il recommandait de remplacerles mots «l'une ou l'autre
01 6

des Parties» par «les deux Parties». Cependant, aucunede ces

modifications ne figure dans le projet saoudien. Au contraire,il est

manifeste que M. Al-Baharna confond une fois de plus ses projets. Il - 11 -

s'agit de modifications apportéesau projet omanais, non au projet

saoudien. De plus, la mention de l'acceptationde la formule a été

insérée dans le projet omanais par le Qatar, non par Bahreïn.

Maintenant, qu'en est-il du projet omanais ? Là encore, il n'existe

aucune preuve de l'exclusion d'une requête unilatérale. Sur le projet

omanais, Bahreïn a simplement remplacé «l'une ou l'autre des Parties» par

«les Parties*, indiquant ainsi clairement quele Qatar et Bahreïn avaient

chacun le droit de déposer une requête unilatérale auprès de la Cour.

Bahreïn a également ajouté une référence aux procédures de la Cour. Je

pense que ces modifications objectivesdu texte ne constituent nullement

des répudiationsde l'accord réalisé durant les discussions à Doha pour

que la Cour puisse désormais être saisie par la voie d'une requête

unilatérale, mais plutôt des affirmations subjectives des intentions qui

auraient été celles des négociateurs de Bahreïn

Le Qatar a clairement indiqué son interprétation de l'accord de Doha

dans sa lettredu 6 mai 1991 au Roi d'Arabie saoudite, où il déclarait

qu'en application dudit accord

«nous [clest-à-direle Qatar] avons l'intention de prendre les
mesures nécessaires pour soumettre la question à la Cour
internationale deJustice à l'expirationdu délai susmentionné»
(mémoiredu Qatar, vol. II, annexe 11.34, p. 103) .

Cette déclaration ne pouvait se référer qu'à une requête unilatérale et

ne pouvait absolumentpas être entendue autrement. Si l'intention du

Qatar avait été ce que prétend Bahreïn, il aurait dit dans sa lettre que

«nous [c'est-à-direle Qatar] avons l'intention d'entrer en
contact avec Bahreïn à l'expirationdu délai susmentionnéen vue

d'une soumission conjointe de la question à la Cour». Il ne l'a
pas fait.

Que le Qatar devait agir seul, sans Bahreïn, ressort tout aussi

clairement de la lettre du Qatar au roi Fahd du 18 juin 1991. L'Arabie - 12 -

saoudite n'a pas contesté ce que lui écrivait le Qatar, en indiquant soit
O1 7
qu'il n'existait aucun accord internationalde ce type autorisantle

Qatar à saisir la Cour après l'expirationdu délai, soit que leQatar

n'avait pas le droit d'agir par voie de requête unilatérale.

* * *

Je voudrais qu'il soit très clair que le Qatarn'a pas l'intentionde

répondre ce matin à tous les arguments avancés parBahreïn, et qu'il

traitera seulement des questionstouchant aux aspects essentielsde

l'affaire. En particulier, il n'est pas dans l'intentionde nos conseils

de traiter de chacune des distorsions et omissions contenuesdans les

exposés de Bahreïn. Cependant, l'absence de réponse à un argument avancé

par Bahreïn ne doit pas êtreentendue comme une admission de sa validité

par le Qatar.

Dans ce deuxième tour de plaidoiries au nom de 1'Etat du Qatar,

M. Shankardass traitera de quelques unes des plus importantes

inexactitudes, contradictionset distorsions matérielles contenues dans

l'argumentationde Bahreïn.

Sir Ian Sinclair répondra auxarguments avancés par Bahreïn au sujet

de la nature juridiquede l'accord de Doha et démontrera que les éléments

essentiels de l'accord de 1987 et l'accord de Doha corroborent la thèse

du Qatar.

M. Jean Salmon traitera du consentement portantsur l'objet et la

portée du différend et des prétendus inconvénientsqui résulteraientpour

Bahreïn de la saisine de la Cour par la voie d'une requête unilatérale.

M. Quéneudec examinera ensuite laprétention de Bahreïn suivant

laquelle la requête du Qatar ne serait pas fondée. - 13 -

Monsieur le Président, M. Shankardass est prêt à prendre la parole

quand vous voudrezbien l'y inviter. Je vous en remercie.

Le PRESIDENT : Merci Votre Excellence. Je donne la parole à

M. Shankardass.

M. SHANKARDASS : Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

président, Messieurs de laCour, il m'incombe ce matin d'essayer de

contribuer à éliminer quelques unes des toiles d'araignées quiont pu

apparaître au cours des troisdernières audiences de la Cour, s'agissant

en particulier de certainspoints de fait.

1. LES REUNIONS DE LA COMMISSION TRIPARTITE ET LEURS PROCES-VERBAUX
SIGNES

i) L'accord de 1987 et un compromis

Qu'il me soit permis d'examiner tout d'abord certains aspects des

réunions de la commission tripartite et des procès-verbaux

correspondants.

J1ai déjà montré, lors de notre premier tour des plaidoiries, qu'au

moment où l'accord de 1987 a été conclu, nul ne considérait que sa mise

en oeuvre appelait nécessairementla négociation d'un compromis.

M. Al Baharna lui-même a déclaré que c'est seulement après avoir consulté

des experts, quelque temps après la conclusion de l'accord de 1987, que

Bahreïn avait été avisé quela saisine de la Cour devait se faire par la

voie d'un compromis.

Dans son exposé, M. Bowett a présenté certaines observationsfaites

au nom du Qatar par feu M. Hassan Kamel lors des réunions de la

commission tripartite, pour établir que les Parties étaient convenuesde

saisir la Cour par ladite voie. Il est regrettable que Bahreïn ait cru - 14 -

devoir faire référence aux observations de M. Hassan Kamel en les sortant

totalement de leur contexte. Comme je l'ai déjà démontré :

Premièrement, la commissionavait essentiellementpour objet et pour

but d'essayer de parvenir à un accord sur les modalitésde mise en oeuvre

de ce que Bahreïn acceptaitégalement, à l'époque, de considérer comme

l'engagementdes Parties de porter leurs différendsdevant la Cour; les

déclarationsde M. Hassan Kamel ont étéfaites dans ce cadre procédural,

de sorte qu'elles n'ont eu aucune incidence sur l'engagement des Parties.

Deuxièmement, lors de la première réunion de la commission

tripartite, le Qatara rejeté tout libelléde l'accord procédural qui se

contenteraitde limiter au moyen de la notificationd'un compromis la

saisine de la Cour. Bien entendu, M. Hassan Kamel a dit qu'il était

nécessaire que les Parties concluent un accord supplémentairepour

soumettre leurdifférend à la Cour et le procès-verbalde Doha s'est, en

définitive, révélé être cet accord. La Cour se rappellera quec'est lors

de la première réunion que M. Kamel a aussi expressément souligné qu'en

vertu de l'article 40 du Statut de la Cour, les affaires étaient portées

devant elle soit par la notification d'un compromis soit par une requête

écrite; puis que, lors de la réunion des experts juridiques,il a de

nouveau donné lecture de l'article 38 du Règlement de la Cour et en a

analysé les exigences dans le contexte de la formule bahreïnite.

A partir du moment où, après la deuxième réunion, Les Parties se sont

efforcées de parvenir à un compromis,M. Hassan Kamel s'est sérieusement

attelé à cette tâche. Il ressort à l'évidencede toutes lesdéclarations

de M. Hassan Kamel qu'on cite aujourd'huiqu'une fois prise la décision

de conclure un compromis, tous les intéressés devaienttendre vers ce but

en agissant de façon réaliste et raisonnable. Mais le fait est queles - 15 -

Parties ne sont pas parvenues à un compromis prévoyant que leurs

différends seraient soumis à la Cour. J'ai expliqué, comme d'autres

conseils du Qatar, les raisons de cet échec. On est donc malvenu de

citer M. Hassan Kamel aux fins de démontrer que le Qatar avait accepté de

saisir la Cour uniquement par la voie d'un compromis. Je voudrais

respectueusement appeler l'attention de la Cour sur certaines de ses

observations, qui sont citées dans les écritures du Qatar et consignées

dans les comptes rendus de la première et de la sixième réunions de la

commission tripartite.

Monsieur le Président, comme je l'ai dit, personne n'a affirmé, ni

même suggéré, que l'échec de la commission tripartite aurait pour

conséquence que les différends depuis longtemps en suspens ne seraient

pas soumis à la Cour.

L'essence de l'accord de 1987 - à savoir la décision des Parties de

porter devant la Cour les différends qui les opposaient depuis près de

cinquante ans - se trouvait exprimée au paragraphe 1 et non au

paragraphe 3, qui chargeait la commission tripartite de mettre au point

les modalités de mise en oeuvre de cette décision. Les tentatives de

négociation d'un compromis se sont poursuivies non pas parce que l'accord

de 1987 l'exigeait, mais parce que c'était la méthode préférée.

Après toute une année de travaux, la commission a échoué dans sa

tâche et n'a jamais été convoquée de nouveau après décembre 1988.

ii) La fin de la commission tripartite

M. Bowett a demandé commenc on pouvait être d'avis que le roi Fahd

avait mis fin aux travaux de la commission en modifiant, par la même

occasion, le paragraphe 3 du traité de 1987, sans le consentement des Parties. M. Bowett ne tient pas compte du faitque le paragraphe 4 de

l'accord de 1987 assignait à l'Arabie saoudite un autre rôle et une autre

obligation : veiller à l'exécution de la décision de porter les

différends devant la Cour. Ayant constaté que la commissiontournait en

rond dans sa recherche d'une procédure de mise en oeuvre de cette

décision, le roi Fahd, par l'entremise du prince Saud, a fait savoir à la

commission, lorsde sa cinquièmeréunion, que ses travaux prendraient fin
021
au plus tard à la clôture du prochain sommetdu CCG, le mois suivant,

«qu'elle ait ou non réussi à réaliser ce qu'on attendait d'elle,. Et le

prince Saud de poursuivre :

«Il me semble que nous avons, en tant qu'hommes politiques
et conseillers juridiques, consacrésuffisammentde temps à nos
discussions (sachantque nous avons commencé notre réunion au
cours du mois de décembre dernier) .» (Voir procès-verbal de la

cinquième réunionde la commission tripartite, documentsdu
Qatar T.C.M., p. 208-209.)

A l'ouverturedu sommet du CCG en décembre 1988, Bahreïn n'avait pas

encore réagiaux propositionsde modificationfaites par Qatar à la

sixième réunion. La commission ayant cessé defonctionner,la question a

été déférée au sommet, qui a demandé pour le roi Fahd, et lui a accordé

un délai supplémentaire pour trouver, parla médiation, une solution sur

le fond des différends. M. Bowett s'est référé à la déclaration du

ministre des affaires étrangères deBahreïn, annexée au contre-mémoire,

pour rappelerque le roi Fahd avaitdéclaré à Doha :

«la commission tripartite avaitl'obligationde se réunir et de
mettre la dernière main à la procédure par laquelle les Parties
saisiraient la Cour internationale deJustice».

Si tant est quecette déclaration ait jamais été faite, Monsieur le

Président, elle a de toute évidence été faitedans le contexte de l'échec

de la commissionet non pour suggérerqu'elle soit réactivée. Aucune des - 17 -

deux Parties ne prétend que l'Arabie saoudite a tenté de convoquer à

nouveau la commission tripartite,ne serait-ce que pour examiner le

soi-disant projet de compromis saoudien de septembre 1991. En tout état

de cause, l'accord de Doha, qui est postérieur à l'accord de 1987, a

remplacé ce dernier pour autant qu'il y avait des divergences entre leurs

deux textes; et en disposant que les Parties soumettraient leurs

différends à la Cour à l'expiration du délai de cinq mois, l'accord de

Doha envisageait clairement quela commission tripartite ne jouerait plus

aucun rôle, à supposer qu'elle existât toujours, ce que le Qatar

conteste.

iii) Le procès-verbal de décembre 1988 et le procès-verbal de Doha

Monsieur le Président, je voudrais maintenant évoquer brièvement le

procès-verbal signé de la sixième réunion de la commission tripartite.

Ce procès-verbal, dans la traduction établiepar Bahreïn, constitue

l'annexe 1.18 de son contre-mémoire. Certains faits y sont consignés :

«la commission a tenu sa ... réunion à Riyadh», elle a «examiné» certains

points, elle a «entendu la réponse de 1'Etat de Bahreïn» et «a ensuite

procédé à une discussion en vue de définir les questions qui seraient

soumises à la Cour ...» Cinq points étaient ensuite énumérés, à la suite

desquels on lit la phrase importante suivante :

«Les deux parties ont convenu des points susmentionnés. La
délégation du Qatar a proposé qu'il y ait deux annexes à
l'accord à soumettre à la Cour, l'une émanant du Qatar et
l'autre de Bahreïn. Chaque Etat définiraitdans son annexe les

points en litige qu'il souhaite porter devant la Cour.»

Le procès-verbal prend ensuite acte de la déclaration de Bahreïn

selon laquelle la proposition du Qatar «serait étudiée» et qu'il avait - 18 -

«demandé un délai suffisants à cet effet. Le Qatar a ensuite <demandé

des éclaircissementsssur Zubarah et Bahrein <a répondus.

Puis-je faire observer respectueusement, Monsieur le Président,que

de par sa nature même, ce procès-verbaln'est manifestementqu'un compte

rendu de débats. Où Bahreïn trouve-t-ille moindre accord auquel

s'appliqueraient les termes «ce qui a[vaitl été précédemmentconvenuw,

employés dans l'accord de Doha ?

Et lorsque le procès-verbalindique que les Parties ont convenu de la

liste limitative de points à soumettre à la Cour, il fait état, à la

suite, de la suggestion du Qatar d'ajouter deux annexes. En d'autres

termes, malgré l'existence de la liste dite approuvée, les parties

s'apprêtaienttoujours à faire valoir leurs prétentions respectives,dans

des annexes séparées,non signées par la partie adverse, ce qui ne se

distingue pas foncièrementdu dépôt de requêtesdistinctes.

A la lumière de ces considérations,je voudrais respectueusement

inviter la Cour à comparer le procès-verbalde la commission tripartite à

celui de Doha.

Après son préambule (qui se réfère à la solution-cadre mais, à la

différence decelui de la commission dont je viens de parler, ne

mentionne pas la commission tripartite),le procès-verbalde Doha énonce

sans équivoque : «il a été convenu de ce qui suit», puis

trois déclarations claires convenuespar les Parties. Voilà qui est

totalement différent, dans la forme et dans le fond, du procès-verbalde

la commission tripartite.

Aussi, Monsieur le Président, j'estime qu'en réaffirmant cequi avait

été convenu précédemmentet en consignantl'entente dégagéelors de la

réunion du sommet du CCG (avec l'aide d'Oman, qui n'était même pas membre - 19 -

de la commission tripartite), l'accordde Doha venait confirmer celui

de 1987. Celui-ci était le texte dont le sommet du CCG s'était également

occupé en décembre 1987; et l'accord de Doha était perçu par tous comme

l'étape finale de la mise en oeuvre de l'accord de 1987.

Ainsi que le Qatar l'a souligné dans ses écritures, la phrase

réaffirmant ce dontles parties étaient convenues précédemmenta été

introduite parceque, lors de la séanced'ouverture du sommet du CCG à

Doha, Bahreïn avait mis en cause l'engagementpris en 1987 d'aller devant

la Cour, ce qui a provoqué une réaction irritéedu roi Fahd. Bahreïn n'a

jamais contesté ces faits.

Ainsi, Monsieur le Président,il ne se peut pas qu'en réaffirmantce

dont elles étaient précédemment convenues,les Parties préservaient ce

que M. Bowett a présenté comme constituant les points sur lesquels elles

étaient d'accord, à savoir, dit-il : i) que les Partiesporteraient leur

affaire devantla Cour en formationplénière etnon devant une chambre

- cela n'a jamais été discuté; ii) que les Parties devaient saisir la

Cour exclusivement parla voie de notificationd'un compromis - la

commission tripartite n'avait pas pu - tout simplement - parvenir à un

accord sur ce point; iii) que la possibilité d'unerequête unilatérale

n'avait jamais été envisagée par aucunedes deux Parties - le fait est

qu'elles en ont discuté aussibien lors de la première que dela

sixième réunion de la commission tripartite;et iv) que la formule

bahreïnite était unesolution possible - mais ce pointn'a été accepté

qu'au paragraphe 2 de l'accord de Doha. - 20 -

II. LE ROLE DU MEDIATEUR

Qu'il me soit maintenant permis,Monsieur le Président, de revenir

sur le rôle du médiateur, étant donné queBahreïn a cherché à exploiter

certains de ses actes à ses propres fins.

Tout en exprimant son admirationet sa reconnaissance pour lerôle

joué par le médiateur, l'agent de Bahreïn appellel'attentionde la Cour

sur le prétendu «projetde compromis de septembre 1991», dont il a

affirmé qu'il attestait des efforts déployéspar l'Arabie saoudite, après

le dépôt de la requête qatarienne, pour persuader les Parties de suivre

la voie qu'elles envisageaient depuis silongtemps, à savoir, selon

Bahreïn, la conclusion d'un accord visant à porter leurs différends

conjointementet globalement devant la Cour. Monsieurle Président,dans

mon exposé lorsdu premier tour de plaidoiries, j'ai appelé l'attention

sur les circonstances étrangeset quelque peu mystérieuses dans

lesquelles ce projet a fait son apparition en septembre 1991. Je

voudrais évoquer un autreaspect de la question, que M. Al Baharna a déjà

mis fortement en relief : après la réunion au sommet du CCG deDoha, où

il avait été entendu qu'il y avait lieu désormaisde mettre en oeuvre la

décision de soumettre à la Cour les différends entre leQatar et Bahreïn,

l'Arabie saoudite a présenté unprojet de proposition au ministre des

affaires étrangèresde Bahreïn, dans lequel ilétait affirméen fait que

les consultations à Doha :

uont abouti à l'accord des deux Parties surla formulationde la

question qui sera portée devantla Cour internationalede
Justice par chacune d' entre elles».

Ainsi, Monsieur le Président, le médiateur lui-même confirme ici que

chacune des Partiespouvait déposer une requête distincte auprès de la

Cour, sans aucun doute conformément à l'entente qui s'était dégagée lors - 21 -

de la réunion au sommet. La Cour se souviendra que le projet ultérieur

d'Oman, fondé sur la même entente, allait dans le même sens. Bahreïn a

omis d'expliquer - il ne l'a même pas tenté - comment cette position du

médiateur est compatible avec le point de vue ou l'intention que Bahreïn

essaie de prêter à l'Arabie saoudite en se fondant sur l'apparition du

projet de septembre 1991, à savoir que les Parties se proposaient

toujours de continuer leurs discussions en vue d'un compromis.

En tout cas, et pour rendre justice au médiateur, je me dois de

souligner que l'Arabie saoudite a toujours été soucieuse d'insister sur

l'impartialité de son rôle de médiateur. Comme il ressort des comptes

rendus des réunions de la commission tripartite, le prince Saud l'a

rappelé plusieurs fois aux Parties, sachant parfaitement qu'il

s'agissait-là pour l'Arabie saoudite d'une condition indispensable pour

s'acquitter efficacement de son rôle de médiateur. J'ai eu l'occasion,

au cours du premier tour de plaidoiries, d'évoquer l'une des déclarations

faites par le prince Saud lors de la deuxième réunion de la commission

tripartite et je voudrais respectueusement appeler l'attention de la Cour

sur un certain nombre d'interventions allant dans le même sens, lors

d'autres réunions, qui sont consignées dans les comptes rendus de la

commission tripartite (notammentp. 4, 12, 85, etc.).

Ainsi, même si c'est Bahreïn qui a pu persuader l'Arabie saoudite de

d'envoyer le projet de compromis de septembre 1991, il ne pouvait tout au

plus s'agir que d'une tentative du médiateur pour voir s'il était

possible d'éviter cette phase superflue de la procédure sur la

compétence. Toutefois, vu l'impartialité déclarée de l'Arabie saoudite,

on doit en toute hypothèse considérer que ceprojet ne préjugeait pas du - 22 -

droit de chacune des Parties d'aller devant la Cour à l'expiration du

délai stipulé, conformément à l'accord de Doha.

Je suis donc amené à réaffirmer, avec plus de force encore, que l'on

ne peut ni ne doit se fonder, à quelque fin que ce soit, sur le prétendu

projet de compromis de septembre 1991; il est dénué de toute pertinence

quant à la question portée devant la Cour et, en tout état de cause,

selon l'argumentation même de Bahreïn, il ne peut avoir aucun effet sur

la validité de la requête qatarienne, du fait qu'il lui est postérieur.

Monsieur le Président, jtestime que deux autres aspects encore

méritent l'attention de la Cour.

1. Le ministre des affaires étrangèresde Bahreïn admet lui-même, au

paragraphe 8 de sa déclaration qui a été déposée avec le contre-mémoire

bahreïnite, le seul changement qu'il a apporté au projet saoudien a

consisté à ajouter : «comme il est précisé dans le mémorandum de Bahreïn»

(voir le livre d'audience de Bahreïn, point 12). Sa première réaction au

projet n'a pas été de désapprouver la mention que chacune des Parties

présente ses propres demandes. N'est-ce pas parce qu'il savait que ces

termes étaient conformes à l'entente qui était intervenue auparavant à la

réunion au sommet ? Entre cette déclaration et l'exposé liminaire de

l'agent devant la Cour, on nous a dit que ce n'est qu'après consultation

avec d'autres membres de la délégation bahreïnite que le projet a été

jugé <inacceptable»et «rejeté dans son intégralité».

2. Bahreïn peut difficilement croire quele Qatar n'était pas au

courant du projet saoudien du procès-verbal de Doha que je viens de

mentionner (Al Baharna - par. 32, E.L. par. 26). Bahreïn prétend avoir

trouvé ce projet inacceptable. Si tel est le cas, cela pourrait

expliquer pourquoi la délégation saoudienne n'a jamais pris la peine de
027 - 23 -

le soumettre à la délégation du Qatar car cela nlaurai'évidemment servi à

rien.

III. BAHREIN N'AVAIT PAS ETE AVISE AU PREALABLE

i) Que le Qatar soulèverait la question des différends

à la réunion au sommet du CCG à Doha

Permettez-moi,Monsieur le Président, de passer à une autre

allégation des conseilsde Bahreïn. Bahreïn prétend quele Qatar, sans

avertissement,a soulevé au sommet de Doha la question des différends

existants, en laissant entendreque Bahreïn a été pris à l'improviste et

que le Qatar n'était jamais entré en rapport avec Bahreïn au préalable

pour lui soumettreun projet de l'accord dont il avait l'intention

d'obtenir la conclusion à Doha.

Premièrement, rien ne permet de penser que le Qataravait un

quelconque plan préconçu, par lequel il «avait l'intention d'obtenir» le

type d'accord que mentionne Bahreïn. Le Qatar voulait simplement faire

en sorte que l'engagementde soumettre l'affaire à la Cour soit exécuté.

Il a donc soulevé la question au sommet de Doha, avec pour résultat

l'accord de Doha.

Deuxièmement, je dois dire que l'allégationde Bahreïn selon laquelle

il aurait été pris à l'improvisteest parfaitement étonnante,et, à de

nombreux égards, ne correspond pas aux faits.

Bahreïn a apparemment oublié l'assertion figurant dans la déclaration

de son ministre des affairesétrangères, au paragraphe 2, selon laquelle

à la réunion tenue le 8 décembre 1990, environ deux semainesavant le

sommet, par les ministres desaffaires étrangères du conseil de

coopération du Golfe pour discuter del'ordre du jour de la réunion au - 24 -

sommet, il avait, lorsque le Qatar avait demandé que la question des

différends Qatar-Bahreinfût ajoutée à l'ordre du jour, dit ceci :

«Je me suis opposé à cette proposition, disant que
l'affaire était toujours restée à l'écart de l'ordre du jour
officiel des réunionsdu CCG et ne devait doncpas y être
incluse. Celafut accepté et la question ne fut pas inscrite à

l'ordre du jour.. .»

Ce grief est également en contradiction avecce qu'admet Bahrein dans

son contre-mémoire (par. 5.38) en disant que :

«le différend a été évoqué lors de la conférence au sommet tenue
en décembre 1988 par le conseil de coopérationdu Golfe et à

nouveau de la réunion correspondantede décembre 1989»,

alors qu'il n'avait pas davantageété inscrit à l'ordre du jour officiel

d'aucune de ces deux réunions.

Il est de fait que la question a été soulevée au sommet de Doha

exactement dela même manière qu'aux réunions analogues qui s'étaient

tenues précédemment :il est vrai que c'est seulement à la réunion de

Doha qu'un accord s'est dégagé pour qu'après une nouvelle période de

médiation de cinqmois, la question puisseêtre soumise à la Cour; et

pour faciliter lachose, le Qa.tara annoncé son acceptationde la formule

bahreïnite. Ce ne fut cependant pas unegrande surprise. Le sommet

était parfaitement au courant de l'accord de 1987 pour soumettre la

question à la Cour. Les dirigeantsdes pays du Golfe avaient été gênés

par cette question, dont ils avaient eu à débattre et à traiter à chacune

de leurs trois réunionsprécédentes. Le roi Fadh avait indiquéqu'il eût

préféré ne pas avoir demandé aux deuxréunions précédentes la

prolongation de sa médiation, car s'il n'avait pas agi ainsi les litiges

auraient déjà été soumis à la Cour. Il avait de plus fait observer que

comme le Qatar avait accepté laformule bahreïnite, Bahreïnn'avait pas

d'excuse pour refuser de porter les différendsdevant la Cour - 25 -

L'exactitude de ces déclarations, Monsieur le Président, déclarations

dont le Qatar a fait état dans ses écritures et ses plaidoiries, n'a pas

été contestée.

La Cour peut donc voir que c'est dans ce contexte et en pleine

connaissance de l'impossibilité où s'est trouvée la commission d'élaborer

un compromis, qu'à la réunion au sommet de Doha, à laquelle participaient

les plus hauts représentants des deux Parties, fut conclu l'accord pour

soumettre les différends à la Cour dans les conditions prévues par son

Règlement.

Bahreïn n'est donc pas fondé à feindre d'avoir été surpris que la

question soit soulevée au sommet de Doha et se plaindre de ne pas avoir

été prévenu par le Qatar qu'il était question de conclure un accord. Le

nouvel accord, c'est-à-dire l'accord de Doha, a été une conséquence des

discussions qui ont eu lieu au sommet du CCG à Doha.

A ce propos, je voudrais évoquer une autre assertion étonnante de

Bahreïn, à savoir que le Qatar, en soulevant la question au sommet de

Doha, «décida de soulever la question au sein d'un organe dont les

membres - sauf l'Arabie saoudite et Bahreïn - ignoraient tout de ce dont

il s'agissait» (E.L., par. 13; Al Baharna, par. 46). Cette affirmation

sans fondement (outre qu'elle est désobligeante pour les membres du CCG)

est à rejeter d'emblée. Bahreïn oublie que dès l'adoption de la

résolution du CCG du 8 mars 1982 demandant à l'Arabie saoudite de

reprendre sa médiation, cet organe, c'est-à-dire le sommet du CCG, avait

été pleinement tenu au courant de tous les faits nouveaux importants -

dans lesquels il avait été même impliqué -, en particulier de l'«incident

de Dibal> de 1986 et de l'annonce de l'accord de 1987. De toute manière,

on ne peut guère avoir étudié l'histoire du Qatar et de Bahreïn sans être - 26 -

au courant de la nature de leurs différends car presque tous les ouvrages

sur la question, y compris un livre dont l'auteur est le distingué agent

de Bahreïn, M. Al Baharna, vous apprennentque les différends sont ceux

qui concernent les îles de Hawar et la délimitation de la frontière

maritime.

M. Al Baharna a également déclaré qu'en soulevant la question des

différends au sommet du CCG, dont la plupart des membres ignoraient tout

de cette question, «le Qatar cherchait à pousser Bahreïn à accepter une

formule qui aurait permisau Qatar de saisir unilatéralementla Cour,

dans les termesde son choix». A la lumière de ce que je viens de dire,

cette affirmation de la part de Bahreïn apparaît incroyable. Au sommet

du CCG, le Qatar a accepté la formule de Bahreïn. Bahreïn tenait
030

beaucoup à ce que cette acceptation soit consignéedans l'accord de Doha.

Malgré cela, Bahreïn lui-même maintenant mis au rancart cette formuleen

proposant encore un autre projet de compromis, celui de juin 1992 - soit

une année après le dépôt de la requête du Qatar.

ii) Bahreïn ne connaissait pas les communications intervenuesentre le
Qatar et l'Arabie saoudite après l'accord de Doha

Monsieur le Président, lors du premier tourde plaidoiries, j'ai

évoqué deux lettres envoyées par le Qatar à l'Arabie saoudite le 6 mai et

le 18 juin 1991. Dans ces lettres, la Cour s'en souviendrapeut-être, le

Qatar annonçait clairement son intention de saisir unilatéralementla

Cour à l'expirationdu délai. L'Arabie saoudite n'a pas une seule fois

indiqué que le Qatar n'avait pas le droitde faire cette démarche.

Il est surprenant que Bahreïn affirme ne pas avoir eu connaissancede

la moindre communicationentre le Qatar et le médiateur après
l'accord de

Doha. Joai déjà montré au premier tour que le ministredes affairesétrangères de Bahreïn lui-même reconnaît dans sa déclaration présentée

avec le contre-mémoire (au paragraphe 15) que le roi Fahd a dit à l'émir

de Bahreïn, lors d'une réunion, le 3 juin 1991

<<quedes démarches avaient été entreprises plusieurs fois auprès
de lui par l'émir du Qatar à propos de l'affaire et qu'il avait

demandé à l'émir de ne pas témoigner de tant de hâte. Le roi
Fahd confirma aussi qu'il avait envoyé le prince Saud Al-Faisal,
le ministre des affaires étrangères saoudien, au Qatar avec les
propositions de l'Arabie saoudite relatives à la question et

qu'au retour de Saud Al-Faisal, il l'enverrait à Bahreïn.~

D'ailleurs,est-il concevable que lorsqu'à la demande du roi Fahd

l'émir du Qatar a consenti à donner à Bahreïn trois semaines de plus pour

répondre aux dernières propositions du Qatar, le roi Fahd n'ait pas

informé Bahreïn des propositions ou de la prolongation du délai ?

En fait, ce que l'on peut conclure fort légitimement,c'est que

pendant ces échanges, Bahreïn n'a pas réagi sur le mode «comment le Qatar

peut-il aller devant la Cour avant que nous n'ayons négocié un

compromis ?» Bahreïn n'a pas non plus convoqué, ou demandé à l'Arabie

saoudite d'organiser une réunion de la défunte commission tripartite. Il

est clair que ces idées ne sont venues qu'après le dépôt de la requête du

Qatar. Si Bahreïn croyait vraiment que l'accord de Doha envisageait une

nouvelle série de réunions de la commission tripartite pour élaborer un

compromis, il aurait présenté quelque élément de preuve témoignantqu'il

avait demandé à l'Arabie saoudite de réunir de nouveau la commission. Le

fait est que Bahreïn n'a pris aucune initiative de cet ordre après

l'accord de Doha et avant le dépôt de la requête du Qatar, parce qu'il

savait parfaitement qu'il n'y aurait pas d'autres réunions d'une

commission tripartite et pas d'autre tentative pour conclure un

compromis. - 28 -

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, jlespère que vous me

pardonnerez de réitérer respectueusement une conclusiot nrès importante,

à savoir que le Qatar et Bahreïn étaient convenus, en vertu du cinquième

principe pour un cadrede règlement, de régler leurs différends sur la

base des règles du droit international;ils étaient convenus de soumettre

leurs différends à cette Cour aux termes de l'accord de 1987; lors des

travaux de la commission tripartite,ils ont reconnu qu'ils avaient des

revendications distinctes à faire, mais ni l'un ni l'autre n'était

disposé à signer un compromis mentionnant les prétentions dela partie

adverse. La question a été résolue lorsque l'accord de Doha a donné à

chacun le droit de soumettre sesdemandes à la Cour en vertu d'une

formule générale à l'expirationd'un délai convenu.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je ne suis pas sûr qu'il

puisse existerun contentieux dans l'harmonie,mais l'expériencem'a

appris que la Cour est certainement un endroit où un contentieux se

traite dans la plus grande harmonie. Permettez-moidonc de répéter

combien jlapprécie l'honneur de comparaître devantelle et de vous

exprimer ma profonde gratitudepour la patience aveclaquelle vous m'avez

écouté.

032 Monsieur le Président,puis-je vous suggérer d'inviter maintenant

sir Ian Sinclair à présenter la prochaine intervention du Qatar ? Je

vous remercie.

Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Shankardass. Je donne la parole à

sir Ian.

Sir Ian SINCLAIR : Monsieur le Président,Messieurs les Membres de la

Cour, j'ai pour tâche ce matin de répondre à certains des arguments - 29 -

invoqués, lors de leurs plaidoiries dupremier tour, par l'agent de

Bahreïn et les autres conseils bahreïnites.

M. Al Baharna (CR 94/4, p. 23) m'a reproché d'avoir attiré

l'attention,lors de mon exposé du premier tour, sur son apparition

soudaine à Doha; et il a demandé avecéloquence «si vous ne voulez pas

prendre un engagement juridique, quimieux qu'un juriste peut vous dire

comment l'éviter ?» J'accepte volontiers ce reproche, caril tend

seulement à établir que quand Bahreïn proteste qu'il n'a rien à objecter,

en principe, au règlement de la totalité du différend qui oppose

maintenant les Etats de Bahreïn et du Qatar (CR 94/4, p. 101, ce sont là

des mots dépourvus de sens. Depuis la conclusionde l'accord de Doha,

Bahreïn a eu toute possibilitéde voir la Cour statuersur la totalité du

différend quioppose à l'heure actuelle le Qatar et Bahreïn.

L'acceptationde la formule bahreïnite parle Qatar y a pourvu en

concédant quela question de Zubarah relève dela compétence de la Cour.

Pourtant Bahreïn s'est efforcé, par tous les moyenspossibles, de déjouer

ce résultat. Ce que dit M. Al Baharna, si je le comprendsbien, c'est

qu'on l'a envoyé à Doha dans l'intentionclaire d'empêcher que les

questions en litige entre les deux Etats ne fussent soumises

immédiatement à la Cour. La question est de savoir s'il a réussi à

atteindre cebut; et il s'agit là, du moins en partie, d'une question sur

laquelle je reviendraile moment venu.

Je passe maintenant à une autre considérationprésentée par

M. Al Baharna. Au paragraphe 41 de son exposé du 4 mars (CR 94/4,

p. 26), il cite un bref passage d'un livre de M. Hans Blix, qui,

semble-t-il,appuie à son avis l'argumentselon lequel le ministre des

affaires étrangères deBahreïn n'était manifestementpas compétentpour obliger Bahreïnpar un accord relevantdu pouvoir exécutif de conclure

les traités. Toutefois, je le crains, M. Al Baharna ne semble pas avoir

entièrement comprisla position adoptéepar M. Blix. Quelques pages

seulement avant le passage cité par M. Al Baharna, M. Blix discute assez

longuement de la portée du traitement accordé à la déclaration Ihlen dans

l'affaire du Groenland oriental. Point n'est besoin de rappelercette

affaire à la Cour. Ce sur quoi insiste M. Blix, c'est que

«le Gouvernement norvégiena soutenu devant la Cour [permanente]
que pour se conformer au droit constitutionnel norvégienet aux
instructions permanentesdonnées au gouvernement,la déclaration
- si elle étaitobligatoire - aurait dû faire l'objet d'une

délibération devant le roi en conseil»:

et que,

«faute du respect de cette formalité, la déclaration
outrepassait les pouvoirs constitutionnelsdu ministre et
n'avait pas de validité internationale» (Blix, Treaty-Making
Power (1960), p. 35) .

Bien entendu le Gouvernement danoisa estimé et soutenu le contraire. En

rendant son arrêt la Courpermanente a déclaré dansun passage souvent

cité :

«La Cour considère comme incontestablequ'une telle réponse
à une démarche du représentant diplomatiqued'une puissance

étrangère, faite par le ministre desaffaires étrangèresau nom
du gouvernement,dans une affaire qui est de son ressort, lie le
pays dont il est le ministre. >> (C.P.J. 1. Recueil série A/B
no 53, p. 71.)

Ce passage est normalement cité à l'appui de la proposition selon

laquelle les déclarationsverbales d'un ministre desaffaires étrangères

peuvent être considérées, comptetenu des circonstances,comme de nature

à obliger 1'Etat qu'il représente. Toutefois, comme M. Blix ne manque
034

pas de le faire observer, ce passage a une portée beaucoup plus vaste

dans le droit des traitésen général : «A supposer qu'il y ait une délimitation entre une réponse
de cette nature - assez officielle pour être incorporée dans un
procès-verbal et donnée en sachant qu'une contre-partie

s'ensuivrait - et certains traités en forme simplifiée, comme
des échanges de notes ou des procès-verbaux convenus, elle ne
peut-être établie qu'à grand-peine et les règles qui régissent
l'une de ces catégories peuvent avec raison s'appliquer à

l'autre.» (Blix, op. cit., p. 36-37.)

A ce stade, je suis obligé de présenter des observations sur une

question beaucoup plus importante. Pour tenter de dénier au

procès-verbal de Doha la valeur d'un accord international obligatoire,

les conseils de Bahreïn invoquent à maintes reprises l'argument, à leur

avis décisif, selon lequel le ministre des affaires étrangères de Bahreïn

n'avait pas 1 'intentionde conclure à Doha un accord international

obligatoire. L'intention du ministre des affaires étrangères de Bahreïn

est un thème constant dans les exposés bahreïnites (voir CR 94/4, p. 23,

24, 25, 26, 50, 61 et 62). Or, en droit, quelle pertinence

s'attache-t-elle à l'expression ultérieure, par un représentant de l'une

des Parties à un accord bilatéral, de l'intention dont il s'inspirait en

concluant cet accord ? L'agent du Qatar a déjà examiné, ce matin, les

prétendus «éléments de preuve» présentés dans les déclarations du

ministre des affaires étrangères de Bahreïn et de M. Al Baharna. Je

demanderai simplement à la Cour de relever une fois encore que ces

déclarations ont été préparées quelque dix-huit mois après les événements

auxquels elles se réfèrent

Je m'estime aussi tenu de faire observer à la Cour que cette

invocation constante, par Bahreïn, de ce qu'il dit avoir été l'intention

de son ministre des affaires étrangères à Doha ne s'accorde pas avec la

règle générale d'interprétation des traités énoncée à l'article 31 de la

convention de Vienne sur le droit des traités. Quitte à rappeler à laCour ce qu'elle doit avoir déjàprésent à l'esprit, je rappellerai quela

Commission du droit international, dans soncommentaire relatif à la

disposition qui est actuellement l'article 31 de la conventionde Vienne,

déclare catégoriquement :

«Comme on l'a déjà indiqué, cet article est fondé sur

l'opinion selon laquelle il faut présumer que le texteest
l'expressionauthentique de l'intentiondes Parties et que, par
suite, le point de départ de l'interprétationest d'élucider le
sens du texte et non pas de rechercher «ab initia» quelles

étaient les intentions desparties. (Annuairede la Commission
du droit international, 1966, vol. II, p. 240.)

De fait, comme M. Quéneudec nous le rappelaitl'autre jour, la Cour

elle-même, dans son arrêt le plus récent rendu en l'affaire du Différend

territorial Libye/Tchad, réitère la proposition fondamentaleselon

laquelle «l'interprétationdoit être fondée avant tout sur le texte du

traité lui-même» (arrêtdu 3 février 1994, par. 41). C'est le texte qui

constitue l'expressionécrite de l'intentiondes Parties; et c'est le

texte qui appelle uneinterprétation. Quelles qu'aient pu être les

controverses doctrinalesen droit public avant l'adoptionde la

convention de Vienne en 1969, il est maintenant établi, estime le Qatar,

que la finalitéet le but de l'interprétationdes traités consistent à

établir la significationdu texte en tant qu'expression convenue de

l'intentiondes Parties; il ne s'agit assurément pas d'entreprendre de

nouvelles recherches surce qui, déclare-t-onaprès coup, constituait

l'intentionde l'une des Parties lorsde la conclusion du traité. De

fait, un auteur éminent nous lerappelle,

«il faut user de beaucoup de prudence, en général, quand on
évoque «l'intention»comme un élément du comportement juridique

international» (E. Lauterpacht, «Gentleman'sAgreements» dans
Festschrift für F.A. Mann (19771, p. 395). - 33 -

Examinons les effets de l'opinionpréconisée parBahreïn dans la

perspective de l'interprétation d'une convention multilatérale. De

l'avis de Bahreïn, l'une quelconque des Parties à cette conventionaurait

la faculté de venir prétendre, cinq ou dix ans plus tard, que son

représentant, lorsdes négociationsafférentes à cette convention,

n'avait pas l'intention, à cette époque, d'admettrela possibilité

d'interpréterune dispositiondéterminée de telleet telle manière;et,

d'après Bahreïn, la Cour serait tenuede donner effet à ce qui, dit-on

maintenant, constituaitl'intentionde 1'Etat qui participait alorsaux

négociations. Il ne s'agiraitmême pas d'une déclaration

d'interprétationfaite lorsde la conclusiondu traité. Il s'agirait

d'une déclarationd'interprétationultérieure,faite compte tenu d'un

différend survenu dans les rapports avecun autre Etat.

Il ne saurait exister aucunenotion d'effet plus destructeurpour la

sécurité des traités que celle que je viens d'esquisser. Selon cette

façon de voir, l'avis subjectif ultérieur del'une des parties à

l'instrumentécrit devrait prendrele pas sur l'appréciationobjective de

ce qui constitue le sensvéritable de la dispositiondéterminée dont

l'interprétationest en cause.

Eh bien, si telle est la conséquence de l'opinion préconisée par

Bahreïn dans la perspective del'interprétationd'une convention

multilatérale,la conséquenceest exactement lamême dans la perspective

de l'interprétationd'un traité bilatéral. Ce que faitBahreïn, c'est de

demander à la Cour de donner effet à ce qui, selon ce que Bahreïn affirme

en 1992, constituait l'intentionde son ministre desaffaires étrangères

lors de la signature duprocès-verbalde Doha en décembre 1990. Le Qatar

n'entend en rien manquer de respect niau ministre des affaires - 34 -

étrangères de Bahreïn, ni du reste à M. Al Baharna, quand il fait

observer que leurs déclarations des 21 et 20 mai 1992, auxquelles

M. Lauterpacht attribuetant de poids, ne peuvent manquer d'être au

service d'un intérêt propre. Leur valeur probatoire a été analysée par

l'agent du Qatar ce matin.

Monsieur le Président, je dois maintenant aborder brièvement un autre
037
point évoqué par M. Al Baharna. Il soutient, à propos du procès-verbal

de Doha, que la Cour doit éviter«de faire supporter à Bahreïn les

conséquencesd'un accord qu'il n'a jamais entendu conclure, ni n'a jamais

conclu»; et, aussitôt après cette déclaration, il affirme ce qui suit

«Bahreïn n'a jamais entrepris quoi que ce fût pour modifier
l'objectifpréexistant des parties, à savoir la négociation d'un
compromis en vue d'agir conjointement.» (CR 94/4, p. 30.)

Or le Qatar contesteet a toujours contesté que tel fût «luobjectif

préexistant, des parties. Le Qatar a toujours admis que, si le médiateur

ne parvenait pas à résoudre les questions en litige entre le Qatar et

Bahreïn, l'objectifconvenu des parties étaitde veiller à porter ces

questions devant la Cour en vue d'une décision obligatoire. Tel était

l'objectif convenu consignéau paragraphe 1 de l'accord de 1987. Certes,

à l'époque, on ne s'était pas mis d'accord sur la manière de porter ces

problèmes devantla Cour et c'était à la commission tripartitequ'il

incombait de la rechercher. Cependant Bahreïn soutientavec insistance

que la seule manière de saisir la Cour des différendsqui opposent le

Qatar et Bahreïn est un «recours conjoint»,effectué par la conclusion

«doun compromis pour soumettre leur différendconjointementet

entièrement à la Cour», en «portant devant la Courson désaccord avecle

Qatar%, ou en négociant «un acte de saisine conjoint en vertu de l'accord

de 1987». Qu'il me soit permis de le dire, la Cour a dû se lasser autant - 35 -

que les conseilsdu Qatar de cette répétition constanted'un même thème

(et d'un thème sans variations). Le Qatar dira simplement qu'un disque

de phonographe fêlé ne sauraitremplacer une argumentation raisonnée. Le

Qatar, lui, préfère souligner que ce fut parce que la commission

tripartite ne réussit pas à accomplir sa tâche à la fin de 1988 que l'on

aboutit inévitablement à la conclusion de l'accord de Doha.

Je dois maintenant examiner plusieurs autres points soulevés par

M. Lauterpacht quand ila plaidé de nouveau devant la Cour dans la

matinée du 7 mars 1994. Dans ses observations relatives à la nature du

procès-verbal de Doha, M. Lauterpacht cherche à tirer argument de ce que

cet instrumentest qualifié de «procès-verbal»et porte le même intitulé

que les procès-verbaux antérieursde la commission tripartie de 1988,

pour établir qu'il n'est pas destiné à revêtir une force obligatoire en

droit. Mon éminent ami connaît tropbien le droit internationalpour

attacher une grande importance à ce point, car il sait aussi bien que moi

que ce n'est pas l'intitulé donné à un instrument international,mais sa

teneur, qui décide s'il doit être ou non considéré comme un traité. Un

éminent auteur le confirme :

«Le terme «traité» peut être censés'appliquer à tous les
engagements internationaux conclus entre Etats er tégis par le
droit international,quelle que soit la désignation donnée à
l'instrumentécrit ou à la série d'instrumentsécrits qui
contiennent cesengagements.» (Satow,Guide to Diplornatic

Practice, 5e éd., 1979, p. 238.)

Je passe donc à la critique suivante, parmi celles quemon éminent

ami adresse à mon exposé du premier tour. Aussitôt ildéforme mon

raisonnement en seplaignant que je n'aie pas démontré les «intentions%

des Parties, mais que j'aie essayé d'analyser certaines clauses du

dispositif du procès-verbal de Doha. Or voilà pourtant bienprécisément - 36 -

ce qu'il faut faire quand onadmet, comme il est à peu près

universellementreconnu, que, pour procéder à l'interprétationd'un

traité, il ne faut pas repartir à la recherche des intentions des

parties, mais plutôt discerner quel sens attribuer à un texte qui

constitue lui-même l'expressionconvenue de l'intentiondes parties. Je

m'en remets à la Cour du soin de décidersi les trois questionssur

lesquelles jlai expressément attirél'attentiondans mon exposé du
039
lesmars (CR 94/2, p. 31) constituentou non l'expressionécrite

d'engagements juridiquespris par les parties ou une partie déterminée.

Pour le Qatar, la réponse affirmativene fait pas de doute.

M. Lauterpacht s'interrogeensuite sur ll«observateurfictif» dont je

tente d'invoquer l'autorité en analysant lesconditions historiques dans

lesquelles le texte a été négocié (CR 94/5, p. 12-13). Je regrette de

dire que, sur ce point précis, mon savant ami a fait un lapsus freudien,

encore que très révélateur peut-être. Je ne me suis pas référé à un

«observateur fictif » mais à un «observateur objectif fictif >>(CR 94/2,

p. 32). Cette rectificationsuffit en elle-même pour réfuter la

suggestion de M. Lauterpacht,que je devrais plutôtprendre en

considération les «élémentsde preuve» fournis par le ministre des

affaires étrangères de Bahreïn. Quelles que puissent êtreses nombreuses

qualités positives, le ministre desaffaires étrangères de Bahreinpeut

difficilement être considérécomme un observateur objectif dans ce

contexte précis. Non - en me référant à mon «observateurobjectif

fictif» je cherchais à me référer, sauf le respect que je vous dois, à

vous Monsieur le Président et aux autres éminentsmembres de la Cour qui

seront appelés à évaluer le poids relatif des argumentationsprésentées

par les Parties. - 37 -

Si jlen avais le temps, je voudrais contester certainsautres points,

bien moins importants, de cette partie de l'argumentation de

M. Lauterpacht qui vise ma conclusion selon laquelle le procès-verbalde

Doha était de toute évidence censé être juridiquementcontraignant.

Malheureusement, je dois me contenter à ce stade de réfuterd'une manière

générale les points de son argumentation que je n'ai pas expressément

abordés, et d'inviter la Cour à relire mon précédentexposé. Je suis

convaincu que la Cour conclura quele procès-verbalde Doha constitue un

accord international entre leQatar et Bahreïn, et un accord

juridiquement contraignant pourles Parties.

Il me faut toutefois conclure sur ce point en répondant expressément

à la question posée par M. Lauterpacht, le 7 mars. Cette question était

la suivante : comment quelqu'un qui négociait au nom de Bahreïn aurait-il

pu savoir entre le 23 et le 25 décembre 1990 que le document en

discussion allait de quelque manière que ce soit être considérécomme

juridiquement différent de documents antérieurs portant exactement le

même titre, introduits par pratiquement les mêmes mots et signés par les

mêmes personnes exactement dela même manière ? (CR 94/5, p. 16.) La

réponse est simple - et à cet effet je vais ne pas tenir compte de la

manière tendancieuse dontla question est posée. Le 23 décembre, un

débat sérieuxet approfondi avait eu lieu entre tous leschefs de

délégation présents au sommet de Doha. Certains progrès avaient été

enregistrés - du moins la grande majorité des participants, notamment les

représentants de l'Arabie saoudite et de l'Oman ont-ils dû avoir ce

sentiment. Il fallait obtenir des parties un engagement formel en

consignant au procès-verbal ce sur quoi elles s'étaientmises d'accord.

Trois points d'accord avaient certainement étédégagés : - 38 -

1. l'acceptation,par le Qatar, de la formule bahreïnite;

2. la fixation, de concert, d'une date après laquelleles parties

auraient la faculté de se rendre devant la Cour;

3. la réaffirmationde l'engagement,déjà consacré par l'accord de 1987,

de renvoyer toutes les questions en litige devant la Cour.

La réponse brève à la question posée par mon savant ami est par

conséquent la suivante : assurément, les négociateurs de Bahreïnsavaient

ou auraient dû savoirque le procès-verbalde Doha était censé consacrer

des engagementsjuridiquementcontraignants.

Je voudrais cependantconclure sur'une note plus positive. On a pu,

dans le premier tour de plaidoiries de Bahreïn, relever tant de points

que le Qatar est obligéde contester pour rectifierles fausses

impressions créées, qu'on risque de perdre de vue les maintsaspects

positifs du tableaud'ensemble, qui militent énergiquementen faveur des

conclusions du Qatar.

Il y a là tout d'abord l'engagement fondamentaldes parties - exprimé

au paragraphe 1 de l'accord de 1987 - de renvoyer toutes les questionsen

litige devant la Cour. Mais Bahreïn cherche à nous persuader qu'il ne

s'agissait que d'un accord de principe qui demandait à être parachevé par

son incorporation dans un compromisdéfinissant avec plusde précision la

portée et l'objet des différends. Le Qatar, confiant en la force de

l'engagementpris par Bahreïnau titre du paragraphe 1 de l'accord

de 1987, était disposéen toute bonne foi à étudier les possibilitésde

conclure un compromis avec Bahreïn. C'était là manifestement une méthode

possible (mais non la méthode exclusive) de faire en sorte que le

différend soitrenvoyé devant la Cour; et, en toute innocence, le Qatar a

accepté que le but principal des deux parties à la commission tripartite - 39 -

soit de tenterd'élaborer un tel compromis. Et que se passe-t-il ? Dans

son premier tour de plaidoiries Bahreïn a veillé à éviter de fairetrop

souvent référence, si tant est qu'ille fasse aucunement, à son premier

projet de compromis daté de mars1988. M. Bowett vient d'en faire

mention dans sonpremier exposé du 4 mars (CR 94/4, p. 40). Je voudrais

respectueusementprier la Cour de porter de nouveau toute son attention

sur le libellé qui a été respectivement proposé - pour la question à

renvoyer à la Cour - à l'article II du premier projet du Qatar (reproduit

dans le mémoire du Qatar, par. 3,36) et à l'article II du premier projet

de Bahreïn (reproduitdans le mémoire du Qatar,par. 3.37). La Cour

constatera immédiatementque le premier projetde Bahreïn aurait exigé

que le Qatar reconnaisseau préalable que les îles de Hawar et les

hauts-fondsde Dibal et de Qit'at Jaradah appartiennent à Bahreïn et

aurait également fait relever de la compétence de la Cour les prétendus

droits de Bahreïn sur Zubarahet autour de celle-ci. Il convient de

comparer la formulation extrêmement préjudicielld ees questionsdans le

premier projet de compromis de Bahreïn et la formulationde l'article II

dans le premier projet du Qatar. Là au moins on constate une tentative

sincère pour formuler en termes neutres les questions verl sa solution

desquelles l'effortde médiation saoudien avait été orienté.La

comparaisonde ces deux textes est édifiante car elle permettra à la Cour

de comprendre pourquoile Qatar a, par la suite, manifesté tant de

méfiance à l'égard de la tactique de Bahreïn.

Monsieur le Président, j'abandonnece point pour meconcentrer surun

autre, qui sera mon point final. L'un des principaux points faibles du

premier tour de plaidoiries de Bahreïnest qu'il n'offre aucune

explication crédibledu délai de cinq mois - prévu dans le procès-verbal - 40 -

de Doha - à l'expirationduquel les Parties auraientla faculté de porter

les questions en litige devant la Cour. Nous savons qu'au sommet du CCG

à Bahreïn, en décembre 1988, il avait été décidé, sur la proposition du

roi Fahd d'Arabie saoudite, que ll~rabie saoudite se verrait accorder un

délai supplémentairede six mois pour tenterde parvenir, par la

médiation, à un accord sur le fond des différends. Nous savonsqu'elle

n'y est pas parvenue encore qu'elle ait conservé son mandat de facto

pendant toute la durée de 1989. Nous savons également que la situation,

non réglée, a été réexaminée au sommet du CCG à Muscate, en

décembre 1989, où il fut décidé que 1a.médiationsaoudienne sur le fond

des différends serait de nouveauprorogée pourun temps limité, afin

qu'elle puisse atteindreson objectif. L'Arabie saoudite a conservé son

mandat de facto pendant toutela durée de 1990 sans qu'aucun progrès

sensible ne soit réalisé (voirmémoire du Qatar, par. 3.52).

J'ai énuméré ces faits, qui sont pour l'essentiel incontestés (voir

contre-mémoirede Bahreïn, par. 5.38), afin de faire ressortirla

significationdu délai de cinq mois prévuau paragraphe 2 du

procès-verbal de Doha. Les décisions des précédents sommets du CCG

(en 1988 et 1989) qui tendaient à proroger la médiation saoudienne,

n'indiquaientaucunement quelle conséquence s'ensuivrait si la

prorogation de la médiation saoudienne sur le fond ne se soldait par

aucun résultat. Mais le procès-verbalde Doha de 1990 précisait quelle

conséquence s'ensuivrait : et cette conséquence était qu'au terme de la

nouvelle période de cinq mois prévue dans leprocès-verbal de Doha, les

parties «pourriaient1soumettre la question à la Cour internationale de

Justice conformément à la formule bahreïnite,qui a été acceptéepar le

Qatar, et à la procédure qui en résulte». Ainsi Bahrein n'aurait pu - 41 -

prévoir que l'échec de l'effort saoudien de médiation au cours de la

nouvelle période de cinq mois aurait la même conséquenceque celle qu'il

avait eue au cours des périodes deprorogation prévuesau sommet du CCG

en 1988 et 1989.

Or, mon savant ami, M. Lauterpacht, ne s'intéresse pasvraiment à la

significationdu délai prévu dans le procès-verbalde Doha de 1990; non

plus qu'aucundes autres conseils de Bahreïn dans leur premier tour de

plaidoiries. M. Lauterpacht s'interroge assez longuement sur le point de

savoir s'il faut comprendrellexpression<cal-tarafana comme signifiant

«les Parties», «les deux Parties»ou «les Parties conjointement». Mais

le Qatar voudrait souleverau préalable la question suivante : pourquoi

fixer aucunement un délai assortid'une conséquenceparticulière si

celle-ci allait ne pas permettre à l'une ou l'autre Parties d'engager une

procédure devant laCour à l'expirationdudit délai ? Si la conséquence

allait permettre uniquement aux deux Parties agissant conjointement,

d'engager cette procédure, à quoi bon ce délai puisque deux Etats

agissant conjointementont toujours lapossibilité d'invoquer la

compétence dela Cour ? Qu'il me soit permis de faire valoir que le

délai n'aurait eu aucune raison d'être dans les circonstancesde l'espèce

s'il n'avait permis qu'une action soit engagée par l'une ou l'autre

Partie; et comme vous en êtes parfaitement conscientsM ,onsieur le

Président,Messieurs de la Cour, un principe essentielde

l'interprétationdes traitésveut qu'un sens soit attribué à chaque

phrase dansun texte. Le Qatar estime que cette considératiom nilite

fortement, à elle seule,en faveur de la position qu'il défend. Et le

Qatar est conforté dans cetavis par la considérationqu'au cours des

neuf heures qui leur ont été allouées pour leurs plaidoiries, aucundes - 42 -

conseils de Bahreinne s'est intéressé à la significationvitale du délai

prévu dans le procès-verbal de Doha.

J'en arrive ainsi au terme des observations que je tenais à formuler

ce matin. Je regrette d'avoir légèrement empiétésur le temps réservé

pour la pause-café. Je suggère que nous prenions cettepause maintenant

et qu'à la reprise de l'audienceM. Salmon poursuive l'argumentation du

Qatar.

Le PRESIDENT : Je vous remercie sir Ian, c'est bien le moment de

faire une pause. L'audience reprendra dans 15 minutes.

L'audience est suspendue de 11 h 30 à 11 h 45.

The PRESIDENT: Please be seated. 1 give the floor to

Professor Salmon.

Mr. SALMON: Mr. President,Mernbersof the Court, this morning 1 have

two quite distinct tasksto undertake. 1 shall begin by discussing the

fulfilment of the conditions regarding consentto the object of the

dispute. 1 shall then have a few words to Say about the alleged

disadvantages arisingfrom unilateralseisin.

1. LET US FIRST LOOK AT THE WAY IN WHICH THE REQUIREMENT OF CONSENT AS TO

THE OBJECT OF THE DISPUTE HAS BEEN FULFILLED

Article 38 of the Rules of Court provides as foliows:

"1. When proceedings before the Court are instituted by
means of an application addressed as specified in Article 40,
paragraph 1, of the Statute, the application shall indicate the
party making it, the State against whichthe claim is brought,

and the subject of the dispute.

2. The application ... shall also specify the precise
nature of the claim." (Emphasisadded.) Article 49 of the Rules, which concerns writtenpleadings,

refers (in its French version)to "la demande", and to the "submissions~.

Qatar has noted with regret that Bahrain's oral argumentsblithely

amalgamate the three concepts: "subjectof the dispute", "nature of the

claim", and "submissions~

In the present case, the subject of the dispute is governed by the

Doha Agreement .

Paragraph 2 of the Doha Agreement includes thefollowing sentence:

"After the end of this period, the parties may submitthe

matter (that is, in accordance withthe preamble, 'the existing
dispute between Bahrainand Qatar') to the InternationalCourt
of Justice in accordance with theBahraini formula, which has
been acceptedby Qatar, and the proceedings arising
therefrom ..."

Qatar maintainsthat, having signed theDoha Agreement, which

incorporates theBahraini formula, the Parties are now agreed as to the

subject of the dispute that may be submitted to the Court under the terms

of Article 38, paragraph 1, of the Rules. Needless to Say, the

compulsory basisis not providedby the Bahraini formula taken in

isolation,but, contrary towhat Our opponents contend, by the Doha

Agreement.

Nevertheless the subject of the dispute has been described in the

formula in question:

"The Parties request the Court to decide any matter of
territorial rightor other title or interest which may be a
matter of difference between them; and to draw a single

maritime boundary between their respectivemaritime areas of
sea-bed, subsoil and superajacent waters.I1

1 shall not revert to the citations contained iQ natar's written

pleadings and those made in the course of my own statement at the hearing

of 2 March (CR 94/3, pp. 45 and 46). It follows £rom those citations - 45 -

Bahrain nevertheless contends that Qatar shouldalso present the

claims of the other Party in order that the whole of the disputebe

brought beforethe Court.

Several arguments are advanced in support of that singular

contention.

The first argumentis that Qatar has allegedly violated the first

principle of the framework agreement elaborated i1 n978 but, as you are

aware, definitively adopted in 1983, according to which al1 the issues

are to be considered as complementary andindivisible (CR 94/4, p. 16).

This argument is unfounded, in fact and in law

That first principle was to the effect that

"Al1 issues of the dispute between thetwo countries,
relating to sovereigntyover the islands,maritime boundaries

and territorialwaters, are to be considered as complementary,
indivisible issues tobe solved comprehensivelytogether."

The reason for this provision wasa simple one. Qatar claimed Hawar.

Bahrain was not satisfied with the British decision of 23 December 1947

on the delimitationof the sea-bed boundary. Both Partiescontested the

status of Dibal and Qit'at Jaradah. Bahrain considered thatits fishing

rights (particularlyas regards pearling) werea relevant element and it

was obvious that to draw the maritime boundary between the two countries

it might be necessary to have regard tothose elements. At the time

there were no conflicts other than those 1 have referred to. At the time

Saudi Arabia was well aware of this. The 1983 principletherefore does

not mention anythingelse: it deals only with islandsor maritime

boundaries. Needless to Say it has never been contended thatZubarah is

an island. - 46 -

This shows that the question of Zubarah was by no means raised at the

time. ProfessorsBowett and Jiménez de Aréchaga must admit this

(CR 94/4, p. 33)

Was this situation alteredby the Agreement of December 1987?

Paragraph 1, whose text is as follows, does not add anythingnew on

this point:

"1. Firstly, al1 the disputedmatters shall be referred to
the InternationalCourt of Justice, at The Hague, for a final
ruling bindingupon both Parties, who shall haveto execute its
terms.''

In December 1987, Qatar knew nothing of a claim concerning Zubarah.

The secret memorandumthat accordingto Bahrain was sent to King Fahd in

October 1986 remains to this day unknown to Qatar and to theCourt. In

this regard it is symptomatic that this alleged memorandumdoes not

appear to have left any trace in the memory of King Fahd; for, how does

his letter of 19 December 1987 to the two Amirs describe the subject of

the dispute? The second sentenceof that letter reads as follows:

"It gives me pleasure to send this letter to Your Highness,
with regard to the long-standingdispute betweenthe Sisterly

States of Qatar and Bahrain over the sovereigntyover Hawar
Islands, the maritime boundariesof the two brotherly countries,
and any other matters."

Can one for one moment consider that if King Fahd hadbeen aware of a

claim as significant as the one concerningZubarah, bearing on a portion

of the mainland of Qatar, he would have refrained from specifically

mentioning it?

In any event it follows thatno undertaking additional to those

existing in 1983 could have been accepted byQatar.

Consequentlynothing in Qatar's Application is contrary to the

undertaking accepted in 1983, or to that accepted inDecember 1987 - 47 -

Incidentally,Qatar regretsBahrain's delay in expressing its

attachment to the complementarityand the indivisibilityof the issues.

Bahrain was not hamperedby any such scruples when, in 1988, it proposed

a compromise that would in advance attribute to Bahrain al1 the contested

islands and low-tide elevations, thus shamelesslyemptying the 1983 and

1987 Agreements of al1 substance.

Admittedly, by accepting theBahraini formula at the Doha meeting -

and not before - Qatar accepted thatZubarah, which falls within that

formula, is within the jurisdictionof the Court. But this took place

within a new context and by virtue of a new text, namely the Doha

Agreement, providing for the seisin of the Court. In any event, as has

been said repeatedly,Qatar has no objection whatsoeverto Bahrain itself

bringing its own claim in that connectionpursuant to the Doha Agreement.

Bahrainls second argumentis the following: inasmuch as Qatar has,

allegedly,presented the concrete disputesincompletely, particularlyin

its submissions,there is an absence of consent as to the subject of the

dispute and its scope (statementby Professor Jiménez de Aréchaga,

CR 94/5, p. 41 et seq.)

This, once again, reflects a thorough confusion between agreement on

the "subjectof the dispute", on the expression of the "claims"and on

the wording of the "submissions"!

Needless to Say, in defining, in its Application and itsMemorial,

the disputes that were the subject of its claim, Qatar did so, contrary

to what Bahrain maintains, as objectively as possible under the

circumstances. Thus Qatar's Memorial refersto the divergence of opinion

on the status of Dibal and Jaradah, contrary to what we are told, as well

as to the question of Jinan as regards the question whether or notit - 48 -

should be included within the perimeter of the 1947 line, contrary to

what we are told. As has been emphasizedearlier, fishing rightsare an

argument that Bahrain has used since 1964 to request a modification of

the 1947 line (this document is cited by Qatar and reproduced in

Annex 1.56, Volume II, of its Memorial), contrary to what we are told.

The question of archipelagic baselinesis more obscure, but - if Bahrain

is entitled to them - this would unquestionablybe an implicit question

to be settled within the framework of the maritime dispute. Qatar has

therefore in no way prejudged these questions in submitting its claims or

submissions, regardlessof the contrary views advanced in that

connection - with some levity - by counsel forBahrain (e.g.,

Professor Jiménezde Aréchaga (CR 94/5, p. 47) and Mr. Keith Highet

(CR 94/6, p. 49) ).

We are thus confronted onceagain with the question of Zubarah, which

is obviously not included inthe claims of Qatar, nor a fortiori in its

submissions. This does not mean that it is excluded £rom the subject of

the dispute. Qatar has no objectionto Bahrain itself bringing a claim

in that connection.

It is therefore clear that under the guise of contesting consent as

to the subject and the scope of the dispute, Bahrain is in reality,

objecting to the method of seisin applied by Qatar, namely the unilateral

application.

A third argument is advanced more frankly along those lines; 1 refer

to the contention that the Doha Agreement provides that the parties may - 49 -

submit "the matter" to the International Courtof Justice (CR 94/5,

p. 25). According to thatargument, since Qatar is not able to submit

the whole question, the totality of the dispute, by means of a unilateral

application, this would mean that the Doha Agreement has not providedfor

this form of seisin.

But this involves a petitio principii, since the correct

interpretationof the Doha Agreement allows for this mode of seisin.

In truth, the whole of Bahrainls line of argument regarding the

alleged weakness ofQatar's unilateral application rests ona dogma that

is presented as a revealed truth, namely that the proceedings must be

instituted jointly. But this is not the case. In accordance with the

terms of the Doha Agreement, the two States may file an application with

the Court on the basis of the Bahraini formula after the expiry of the

five-month time-limit.

As Bahrain maintains, it is, admittedly, necessaryto base oneselfon

the date of Qatar's Application to ascertain itsvalidity. Well, on that

date the Application was a perfectly valid, complete and admissible one.

It is also necessary to base oneself on the date of Bahrainos

Application, filed in conformity with theDoha Agreement - since both

States may bring their claims to the Court - to appreciate its validity

and admissibility.

In the meantime there can be no question that there was an agreement

between the Parties on the subject of the dispute, that Qatar's

Application falls within the termsof that agreement, and that that

Application didnot have to includethe claim and a fortiori the

submissions of Bahrain. II. 1 TURN NOW TO THE ALLEGED DISADVANTAGES RESULTING FROM UNILATERAL
SEISIN

In this connectionwe have not heard anything thatis really new from

counsel for Bahrain.

We welcome Bahrain's recognition that, al1 things considered,there

is no dishonour here and that legal equality is being respected. We

appreciate that the atmosphere surroundinga unilateral applicationis

not necessarilythe same as that in the case of a special agreement. But

one should avoid raising this question to the status of a Walt Disney

kingdom

We shall not revertto Article V. We are not convinced at al1 by the

claims that its subject has shrunkas suddenly as did Alice in

Wonderland. Nor shall we take up again the constitutional question,

which, the Court will have noted, the respondent has taken care not to

deal with squarely. 1 would add that, al1 things considered, if those

two questions were so significant they should have been introduced into

the Doha Agreement. At al1 events, the very terms of the latter exclude

such provisions.

1 shall thereforeconfine myself to some new elements

As for Zubarah, my first commentis that, as Professor Bowett pointed

out, Zubarah is indeed "a trap" (CR 94/5, p. 39), but not in the sense he

has in mind. It is now perfectly clear that whatBahrain is seeking is a

blanket authorization in connectionwith the admissibilityof its

possible claimregarding Zubarah, without submittingto control by the

other Party and by the Court. Qatar has nevertheless submitted to that

control in connection with its claim concerningHawar. Given the

attitude taken by Bahrain before the Court, can one imagine for a moment - 51 -

that if it had been able to put forward anyground of inadmissibility

with respect toHawar it would have failed todo so?

Nor can 1 refrain from commentingon the claim by the Agentof and

counsel for Bahrainthat if the case hadbeen brought before theCourt by

a special agreement any preliminary objection concerning admissibility

would by definition have been ruled out(CR 94/4, p. 18 and CR 94/6,

p. 54). Although it is admittedly true that thisoften occurs, this is

by no means necessary. 1 hardly need to remind the Court of the

Borchgrave case, brought before the Permanent Courtof International

Justice by special agreement between Belgium and Spain, which did not

prevent the latter from raising preliminary objection tshat were the

subject of a judgment of the Court.

The Agent of Bahrain has claimed that Qatar wishes to control the

procedure to itsadvantage. In sodoing it presents as self-evident

propositions thatare, to Say the least, dubious (CR 94/4, p. 12,

para. 9) :

(a) In the first placeto be the first to filea memorial is allegedly an

advantage,notwithstanding thatmany experts are convincedof the

contrary, since this form of procedure allows the last word to the

respondent. Qatar for itspart wholeheartedlyfavours the

simultaneousfiling of the written pleadings.

(b) There is the additionalallegation that it would be advantageous to

be the firstspeaker; al1 the experts know that in this respect

there are two schoolsof thought and that the problem has not been - 52 -

settled. At the begiming of each case, there are lengthy

discussions withinthe team to decide who is to be the first to

speak. Evidence that Bahrain's position is not sound is provided by

its having taken care not to raise preliminary objections, even

though this would have placedit in the position that it maintains is

advantageous to it.

In any event, Bahrain's complaint has been countered by pointing out

that in the merits phase - which is the one thatcounts - Qatar favours

the simultaneous filing of the written pleadings.

The Agent of Bahrain has also underscored the uncertainties that

would exist inconnection with the joinder of two proceedingsrelating to

the same dispute.

It is true that joinder of proceedings is within the discretion of

the Court. But Article 47 of the Rules expressly provides for that

situation.

This Article was adopted in 1978. But already before that time, in

the absence of any provision in the Rules of Court on the matter, the

Permanent Court of InternationalJustice had effected such a joinder in

the case concerningthe Legal Status of the South-EasternTerritory of

Greenland, and did so in a situation that is to a certain extent

analogous to the present one.

Bahrain may, therefore, institute proceedings inrespect of Zubarah.

The Court, as we have pointed out, has jurisdiction. The dispute is one

provided forby the Doha Framework Agreement. Qatar does not object to

055 the joinder - we have also said this. This being so, one fails to see - 53 -

why the Court would refuse to make an order whose sole aim would be to

facilitate the good administration of justice.

One last point: why does Qatar turn down Bahrain's proposa1 to

conclude a special agreement? The reply to this is simple and obvious.

1. The road to a special agreement has been blocked for a long time.

1 shall not revert to what in this respect counsel for Qatar have

explained at length.

2. As for the proposa1 calling for a special agreement, and without

meaning any disrespect to a distinguished judge ad hoc, "timeo Danaos et

dona ferentes" ("1 fear Greeks even when they bring gifts") . The draft

that Bahrain proposed in 1992, after proceedings had been instituted

before the Court, is a Trojan horse which can only lead to further

deadlocks or to the restoration of prior deadlocks. Two examples suffice

to show this:

(a) Bahrain changes the text of the Bahraini formula (cf. Article II,

para. 3), which it nevertheless maintained was the only agreed

element in the Doha Agreement!

(b) In addition, Bahrain does not use the occasion to render Article 5

acceptable by limiting it to the substantive proposals made during

the Saudi Mediation, which it nevertheless claims, contrary to every

indication, to be its sole objective.

Qatar, therefore, can only draw one conclusion from this: this draft

special agreement is no more than a further delaying tactic. - 54 -

The modality selected by Qatar had already been put in train before

the Court and therefore it is not only in conformitywith the Doha

Agreement; it is also the most reasonable one.

This brings to an end the few explanatory points 1 had been requested

to make. It remains for me to thank the Court for its patience and its

benevolent attention, which 1 trust 1 have not abused. May 1 request

you, Mr. President, to be so kind as to give the floor to

Professor Quéneudec.

The PRESIDENT; Thank you, Professor Salmon. 1 give the floow to

Professor Quéneudec.

Mr. QUENEUDEC: Mr. President, Members of the Court, of al1 literary

genres, the fairy tale is no doubt the one which, traditionally,has

exercised the greatest fascination.

This would appear to be the conclusion of Our friends from Bahrain,

since they have decided to tell us a lovely story.

In the style of "Once upon a time ...IV,they have related the story

of a State whose representativessigned texts in which the words and

phrases possessed the astounding virtue of being words andphrases "in

transitu towards distantand unknown meanings. And these texts

themselves apparentlyhad the magical power to blind those with the

audacity to seek to decipher them.

Between the Agreement of 21 December 1987 and the Minutes signed at

Doha on 25 December 1990, over "a thousand and onenights" elapsed. So

it is perhaps doubtful whether there is room here for the miraculous, the

extraordinary or the incredible. We must return to reality. - 55 -

In this case, reality is not ascertainingwhat Bahrain intended or

did not intend. The reality of this case consists solely in determining

whether, in the texts signed by the two States, there was a sufficient

basis of jurisdiction to enable the Court to entertain Qatar's

Application.

In determining this, the intention of one of the two States in

dispute cannot float"like a vague cloud over the terra firma of a

contractual text", to use Max Huber's poetic phrase at the Sienna session

of the Institute of InternationalLaw (Annuaire de l'Institut de droit

international, 1952, Vol. 1, p. 199) .

In 1987, Bahrain and Qatar concluded an international agreement with

a view to submitting their dispute to the Court. Bahrain does not

dispute the validityas an agreement of this text adoptedat the

suggestion of Saudi Arabia.

On the basis of this agreement, the two States endeavoured, in 1988,

to draw up a special agreement. This attempt failedand the very idea of

negotiating a special agreementwas not taken up again during the

following years. No initiative in this direction came either from

Saudi Arabia, Qatar or Bahrain.

In 1990, the Doha Minutes were signed, preparing the ground for the

submission of the dispute to the Court on the expiry of a five-month

time-limit.

Bahrain denies that these Minutes have any validity as an agreement

and disputes the fact thatit gave its assent to the unilateral seisin of

the Court.

Such, in outline, are the essential facts of the problem on which the

Court is called upon to rule. - 56 -

In order to do so, there seems little doubt that the Court will have

to answer three main questions

The first question may be stated as follows: is there an explicit

and forma1 acceptance,by the two States, of the obligation to submit to

the jurisdiction of the Court?

The reply, we do not doubt, can only be in the affirmative. The 1987

Agreement is crystal clear on this point. Its first provision is

sufficientlyknown to the Court and thereis no need to reiterate it. As

regards the second provision, it should not be forgotten that it opens

with the words: "Until a final settlement forthe disputed matters is

reached in accordance with the preceding Article, ..."

While stressing the fact that the 1987 Agreement constitutes "an

imperfect title of jurisdiction" (CR 94/5, p. 561, Bahrain recognizes

that it subscribed to this obligation.

The second questionis whether thereis agreement between the two

States as regards the subject of the disputes which may be brought before

the Court.

Here too the reply is 'yes'.

According to Bahrain, the effect of the reference to the Bahraini

formula in the Doha Minutes was not toexpress consentto the subject and

scope of the disputes to be submitted to the Court. The formula, it

alleges, was designed exclusivelyto be inserted intoa special

agreement.

"It was designed to be used within theframework of a
special agreement, the essential idea beingthat, under such a

general and 'neutral'formula, each Party wouldbe free to
formulate its own claims." (CR 94/5, p. 39.)

as Professor Bowett has explainedto us. - 57 -

How is it possible to believethat this formulawas more appropriate

than a special agreement? Draftedin neutral andgeneral terms in order

to define the outline ofthe disputes, and constitutinga sort of

"umbrellaagreement",of accord-cadre,on this point, the Bahraini

formula by definition supposed - ab initio as it were - that each Party

would be free to formulateits ow~lclaims.

Hence, was it not, on the contrary,more appropriate to the seisinof

the Court by application?

As Judge Salmonpointed out amoment ago, when the Court is seised by

notificationof a special agreement,Article 39, paragraph 2, of its

Rules lays dom that:

"The notification shall ... in so far as this is not
already apparent£rom the agreement, indicate the precise
subject of the dispute."

And when proceedings areinstitutedby means of an application,

Article 38, paragraph 1, lays down that "the application shall

indicate ... the subject of the dispute". And paragraph 2 of the same

Article of the Rules adds that "it shall also specify the precise nature

of the claimu.

If the Bahraini formula was not in itself sufficientlydetailed to

identify the precise subject of the disputes and if, once incorporated

into a special agreement, it still had to be fleshedout by the specific

claims submitted by each Party, who cannot see that it was much better

suited to servingas the basis ofa unilateral applicationby each of the

Parties?

This being so, can it then be claimed, as Our opponents have done,

that Qatar has distorted theBahraini formula? 1s it not rather Bahrain

which has sought to distort both Qatar'sposition on this subject and the - 58 -

legal effect of incorporatingthe Bahraini formula intothe Doha

Agreement?

The third and last question which arises is as follows: is there a

definitive commitmentby the two States to seise theCourt exclusively

together, or did they leave open the possibility of seising the Court

unilaterally?

My friend, Professor Weil, has endeavouredto show, with al1 the

talent we know he possesses, that "consent to seisin by rneansof an

applicationN constituted an "essentialcomponent of the general principle

of consensual jurisdictionu (CR 94/5, p. 67). His proof was dazzling and

would almost have convincedus of the merits of the conclusion reached,

had that conclusion not omitted one essentialfact. The eminent counsel

for Bahrain reproached Qatar forpiling "fictionupon fiction"; known as

he is for his great courtesy, he will certainly allow me to return the

compliment. His proof was impeccable,but suffers from the crippling

defect of proceeding as though the text of the Doha Agreement did not

exist, as though the Bahraini formula was "no more than a draftu

(CR 94/6, p. 241, as though the two States had not agreed that, after

May 1991, they could seise the Court in accordance with this formula.

Should the extraordinarydiscretion displayed by Bahrain regarding

the date-limit mentioned in the Doha Agreement be interpretedas tacit

recognition that the mere existenceof such a date-limit has the effect

of ruining the entire Bahraini reasoning? Bahrain1s silence here is

assuredly more eloquent than "the silence of Colonel Bramblen.

True, another one of counsel for Bahrain explained that the Minutes

signed in 1990 recorded only "provisionalpoints of agreement",and that

Qatar had sirnplyaccepted the Bahraini formula provisionally. "Qatar - 59 -

provisionally agreed to accept the Bahraini formula," said Professor

Lauterpacht (CR 94/5, p. 17) .

Must we conclude that the parties had also "provisionally" agreed to

go before the Court after May 1991, and that they had further

uprovisionally"accepted the continued good offices of Saudi Arabia?

This is of course unreasonable and suffices to show that the Court

just cannot concede Bahrain's point of view

Jurists are rather like the pharmacists ofold in adoring categories

and classifications. Like the old-time chemists, they love neatly

arranged jars with their distinct labels.But life, particularly

international life, cannot readily be coaxed into thebottles of the

jurists .

"Al1 theory, dear friend, is grey, but the golden tree of actual life

Springs ever green." Heinrich Heine's phrase is no doubt applicable in

the present case.

Seeking to ascertain which jar could hold the consentgiven by Qatar

and Bahrain and affirming that, since Qatar's Application does not fit

into any predeterminedpattern, the Court lacks jurisdiction to pass on

that Application, is tantamount to forgettingthat Article 36,

paragraph 1, of the Statute has never been interpretedliterally.

It is perhaps fitting to recall that, while the way in which the
062

right to appear before the Court is fulfilled always depends on the

consent of the parties (whateverthe form in which such consent may be

expressed), the procedure for instituting proceedings beforethe Court is

not necessarily governedby the instrumentin which consent to the

Court's jurisdiction is expressed. There are a great many treaty texts

that do not specify whether seisin of the Court can be effected through - 60 -

application. Inwhich case, the presumption generallyoperates that

there is a clause of compulsory jurisdictionauthorizing the filing of an

Application, as made clearby W. Jenks (The Prospects of International

Adjudication, 1964, p. 36).

So Bahrainos entire demonstrationproves just one thing. It

admittedly showsBahrain's reluctance to commit itselfat the time of

signing theDoha Agreement, but it certainly does not demonstrate its

absence of commitmen t.

It appears difficult todayto rely on the view expressedby the

Bahraini Minister for Foreign Affairs more than a year after the signing

of the Doha Agreement to make that instrumentSay what in factit does

not, and to derive £rom that Minister's statement a condition that the

Doha text does not prescribe.

What better indication of the will of a State can one find than the

signature of a duly authorizedrepresentativeof that State appendedat

the foot of an instrument comprising commitmentsof a legal nature and

scope?

Can that representative subsequentlyexclaim, like Emperor Wilhelm II

after the First World War: *@Ich habe nicht das gewolltu - "1 did not want

thatIl?

A commitment was indeed entered intoat Doha. And the commitment
063

entered into by the two States in the Doha instrument concerned the

possibility of seising the Court upon the expiry of a predetermined time-

limit.

Now there are only two waysof seising the Court under Article 40 of

the Statute: "either by the notification of the special agreement or by a

written application". - 61 -

Given that the method of the special agreement had in effect been

abandoned, and since the text laid down a date as £rom which the Court

could be seised, the terms of the Doha Agreement ruled out any

possibility of drawing up a special agreement. The Doha instrument

therefore left no other option but the application. True, it did not

expressly state that seisin could be unilateral, but it did not formally

rule out that mode of seisin.

Contrary to what Bahrain has constantly contended, there was no need

for the text of the agreement to specify it expressly. Otherwise, if an

express provision formally authorizing unilateralseisin were required in

each instance, one could impugn the wording of Article 38, paragraph 2,

of the Rules of Court, whereby:

"The application shall specify as far as possible the legal
grounds upon which the jurisdiction of the Court is said to be
based. "

In its Application, the State of Qatar maintained that, by the 1987

and 1990 agreements, both States had given their consent

- to the submission of their disputes to the Court,

- to the subject of the disputes to be submitted to the Court,

- to the date as of which these differences could be submitted to the

Court.

And, according to the State of Qatar, there is not the slightest

"doubt nullifying jurisdiction" of the Court in regard to this

Application.

Mr. President, when the curtain falls on the oral arguments made

before the Court, counsel for a State always experience a mingled feeling

of satisfaction and confidence. - 62 -

Satisfaction first, on account of duty done, when they have striven

within the confinesof their frailtyto present with thefullest clarity

arguments which, in their eyes, are the soundest and most reasonable.

Confidence,next, in the wisdom of the judges whom they have

addressed, because they know, in their heart of hearts and whatever the

decision taken, that peace and justice will be-the better for it.

Mr. President,Members of the Court, 1 thank you for your attention.

Mr. President, the Agent of the State of Qatar must conclude and would

like to be able to take the floor again for that purpose.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Quéneudec. Je donne la parole à

S.EX. Al-Nauimi.

M. Al-NAUIMI : Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, le moment

est venu pour moi de clore les plaidoiriesdu Qatar à la présente

audience.

Je tiens aujourd'hui à confirmer l'intérêt que 1'Etat du Qatar porte

à la présente procédureet l'importanceque cette affaire revêt pour son

gouvernement,en précisant que celui-ci a suivi de près l'ensembledes

plaidoiries présentées par lesdeux Etats devant la Cour. Je voudrais

aussi confirmer que le Gouvernement du Qatar afoi en la Cour et qu'il
065
est convaincu que lorsqu'ellese prononcera sur le fond, elle ne manquera

pas de protéger les droitsdes deux Etats.

Qu'il me soit permis d'adressermes sincères remerciementsau

Président etaux membres de la Cour pour la patiente attentionqu'ils ont

consacrée à l'audition de cette affaire. Je voudrais, en particulier,

vous remercier,Monsieur le Président,d'avoir tenu ces audiences sous

votre haute autorité. Jevoudrais aussi adresser les remerciements de la - 63 -

délégation qatarienne au Greffieret au personnel de la Cour pour leur

contribution à l'efficacitédes servicesmis à la dispositiondes

Parties.

J'ai en outre l'honneur d'indiquer que les réponses à la question

posée par M. le Vice-PrésidentSchwebel serontdéposées, par écrit, au

Greffe avant la fin de la présente audience.

Enfin, je voudrais répéter que la route vers la Cour a été longue et

difficile mais que la position du Qatar est parfaitement claire : il est

deux accords internationaux valableset rédigés en des termes clairs.

Ces termes confèrent à la Cour compétence pour seprononcer sur les

différends dont l'existencede longue date, a été admise par les deux

Parties, et que le Qatar a portés devant la Cour au moyen d'une requête

unilatérale recevable. Le Qatar a toujours soutenu que la saisine de la

Cour par la voie d'une requête unilatéralene constitue pas un acte

inamical. De fait, comme en témoignent lesrelations amicales quiont

existé entre lesParties pendant les deux dernières semainep sassées

devant la Cour, le recours à cette haute juridictionne créée pas

l'hostilitémais, bien au contraire,désamorce la situation.

Conformémentau paragraphe 2 de l'article 60 du Règlement de la Cour,

je vais maintenant donner lecture des conclusion finales de 1'Etat du

Qatar

«LtEtat du Qatar prie respectueusement la Cour de dire et
juger, en rejetant toutes les demandes et conclusions
contraires,que

La Cour a compétencepour connaître du différend mentionné dans
la requête déposéepar le Qatar le 8 juillet 1991,et que la
requête du Qatar estrecevable.»

Je vous remercie, Monsieur le Président,Messieurs de la Cour. - 64 -

Le PRESIDENT :Je vous remercie, Excellence. La Cour prend note de

vos conclusions finales. Nous allons leverl'audience. Nous la

reprendrons demain matin à 10 heures pour entendre Bahreïn dans son

deuxième tour de plaidoiries. L'audience est levée.

L'audience est levée à 12 h 50.

Document Long Title

Translation

Links