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F F?-rns.s
1
on- corrigé Tradciction
Unco rrected Translation
CR 94/5 (traduction)
CR 94/5 (translation)
lundi 7 mars 1994
Monday 7 March 1994 -2-
The PRESIDENT: Please be seated. The Courtwill resume its
hearings this morning to hear the representativesof Bahrain, who will
continue to present their oral arguments in the case concerning Maritime
Delimitation and Territorial Questions Between Qatar and Bahrain. 1 give
the floor to Professor Lauterpacht.
M. LAUTERPACHT :
SECTION 1. LA NATURE JURIDIQUE DU PROCES-VERBAL DE 1990
Merci, Monsieur le Président. Monsieurle Président, Messieurs de
la Cour, vous vous souviendrez que j'ai conclu mon exposé de vendredien
indiquant que même si le Qatar s'efforce de dénaturer la déclaration du
ministre des affaires étrangères de Bahrein en arguant qu'elle a été
faite longtemps aprèsles événements, il n'en demeure pas moins que le
Qatar n'a présenté aucun témoignage qui le contredise. Dans ces
conditions, ai-je dit, la Cour est en droit de prêter attention à ce que
le mixiistrea déclaré avoirété ses intentions,ou plus justement les
intentions de Bahrein pendantles négociations de Doha.
Valeur probatoiredes déclarations des
ministres des affaires étrangères
Je n'ai pu trouver aucune affaire où cette Cour, ou aucune autre
juridiction internationale,ait rejeté le témoignaged'un ministre des
affaires étrangèresqui niait avoir eu l'intentionde conclure un
engagement liant son pays. Il est certain qu'aucune raison a priori ne
permet d'exclure un tel élément de preuve, à la fois pertinent et non
contredit. A un moment (CR 94/2, p. 66) M. Quéneudec a semblé le
contester parce que l'accepter, disait-il
ac'est oublier qu'un accord entre Etats ne se fait pas
nécessairement surles intentionsde telle ou telle Partie, mais uniquement sur une formulation écrite de ce qui apparaît
comme l'expressionde la commune intention des auteursdu
texte,.
Voilà ce qu'a affirmé M. Quéneudec. Quoi qu'il en soit, ce qui importe
vraiment en l'occurrence c'est que la déclaration du ministre constitue
la preuve la plus claire de l'absence d'une intention commune. Il ne
s'agit pas ici de s'accorder sur le sens que l'on entend donner à
certains termes utilisés dans un texte. Touau contraire. Lorsquele
seul représentant de l'une des Parties assure à propos d'un épisode
donné : <Je n'avais aucune intentiond'engager mon pays à accepter la
possibilité d'une requête unilatérale à la Cours, cela exclut absolument
qu'il y ait eu l'intentioncommune nécessaire pour qu'un engagement
puisse exister.
A cet égard, il y a lieu de répondreaussi à la thèse exposée au nom
du Qatar, selon laquelle la déclaration du ministre des affaires
étrangères nepeut pas Etre prise en considération en qualité S'élément
des travaux préparatoires pour établir la significationdu procès-verbal.
C'est se méprendre sur l'emploi que fait Bahrein de cette déclaration du
ministre. Nousne la présentons pas comme faisantelle-même partie des
travaux préparatoires. D'abord, puisque nous affirmonsque le
procès-verbaln'est pas un traité, la notion de travaux préparatoires
utilisables pour interpréter un traité n'est pas pertinente en tant que
telle. Mais dans la mesure où des travauxpréparatoirespeuvent éclairer
le bon sens en clarifiant la nature d'une situation, cette déclaration
est présentée en tant qu'élément de preuve des travaux préparatoires - ce
qui est bien différent. Le remplacementdans le procès-verbal des mots
ul'une ou l'autre des deux Partieswpar ules deux Partiess est un fait
010 objectif. Ladéclarationduministredesaffairesétrangèresest -4-
simplement le moyen de prouver ce pointet de donner une signification à
la modification
La nature juridique du procès-verbal de 1990
J'en viens, Monsieur le Président, aux considérationsqui étayent la
thèse de Bahrein, à savoir que le procès-verbalde 1990 ne constitue pas
un traité ou autre accord qui le lie. L'argumentation contraire a &té
développée par mon savant amisir Ian Sinclair. Je commencerai donc par
inviter la Cour à examiner de près les pages correspondantes deson
compte rendu no 94/2. Les passages qui nous importent se trouvent aux
pages 24 à 38. C'est là que l'on peut s'attendre à trouver la partie la
plus essentiellede l'argumentationdu Qatar - la preuve de l'affirmation
que le procès-verbal de 1990 constitue un traité. Si elle ne convainc
pas la Cour, tout le reste de la thèse du Qatar est voué à l'échec.
Toutes les autres interventionsfaites au nom du Qatar se sont fondées
sur l'nypotnèseque le procès-verbalde 1990 est un accord international.
Seul sir Ian Sinclair entreprend de le prouver.
Laissant de côté l'analyse de doctrine que donne sir Ian Sinclair à
ce sujet, la queLtion véritable est de savoir comment il utilise les
faits, dans cette affaire, pour parvenir à la conclusion qu'il recherche.
Où est la preuve que Bahrein entendait créer avec lQ eatar une relation
juridique comportantdes obligations les liant sur le plan du droit
international ?
DBsignation du procès-verbal de 1990 dane les mêmes terme8
que le procès-verbal de 1988
Permettez-moid'évoquer rapidement les passages de cette partie de
l'argumentationde sir Ian Sinclair. D'abord, page 27, il observe que - 5 -
ale fait que le procès-verbalde Doha soit qualifié de uprocès-verbalnne
prouve évidemmentpas, tant s'en faut, qu'il ne constitue pas un accord
international,. Sur le plan purement théorique, je n'en disconviens pas.
Mais nous ne sommes pas dans un monde purement théorique. Nous nous
trouvons ici dans le royaume des faits établis.Et le fait est, en
l'occurrence,qu'en arabe le procès-verbal-de 1990 porte le même titre
que ceux des séances dela commission tripartite tenues le 17 janvier et
le 7 décembre 1988.
Par conséquent, si le titre du procès-verbalde 1990 doit avoir le
même poids, comme indicateur d'intention,que celui du procès-verbal
antérieur de 1988, signé par les deux Parties, la dénomination
%procès-verbalde réunion* ne signifie absolumentpas que celui-ci devait
être juridiquementobligatoire - au sens où le serait un accord final.
Comme d'autres procès-verbaux,il donne acte des éléments faisant l'objet
d'accords provisoires en préparation d'un accord final.
Le Qatar n'a pas établi que le procès-verbal de 1990
constituait un traité
Que présente alors le conseil du Qatar pour prouver quele
procès-verbalde Doha devart avolr un caractère juridiquement
obligatoire ? Il énonce quatre élémentsau milieu de la page 30 du
compte rendu
Le premier est : im examen des termes utilisés pour exprimer
l'intentiondes Parties. Cela devient immédiatement non pas une
démonstrationde 1'ain:ention~mais un rappel de certaines décisions
consignées dans le procès-verbal - la réaffirmationde ce qui avait été
convenu précédemment; :l'affirmationque les Parties seraient libresde
soumettre l'affaire à :LaCour après le 15 mai 1991, et l'acceptationpar -6-
le Qatar de la formule bahreinite. Le Qatar y voit ade toute évidenceun
engagement de nature juridiques et ade toute évidence l'expressionécrite
d'un engagement juridique pris par[le Qatar],. Mais affirmer ainsique
quelque chose est ade toute évidencesun aengagementde nature juridique*
c'est précisément prendre pour hypothèsela conclusion que le Qatar doit
prouver. Il faut se souvenir que le simplefait que quelquechose figure
dans un document, même avec le verbe aconvenir*,ne crée pas un accord
juridiquement obligatoire. Cela est particulièrement vrai ea nrabe, me
dit-on.
Lee conditions historiques et les circonetances entourant le
procès-verbal de 1990 n'établieeent pae qu'il
constitue un traité
Le conseil du Qatar cite ensuite les aconditions historiques dans
lesquelles le textea été négocié*, où il voit confirmationde la nature
juridique de l'engagementdes deux Parties (p. 31). Mais à la lecture
attentive, on constate Fe le sujet dont traite lepassage consacré à ce
point n'a aucune incidence sur le caractère prétendument juridiquede
l'engagement. Ce paragraphe énumère les quatre éléments suivants, dont
on nous dit qu'ils erevêtent une significationparticulière pourla
détermination de ... [l']objet [dutraité], : l'échec de l'Arabie
saoudite dans sa recherche d'une solution au différend; l'initiative de
l'Arabie saoudite qui a abouti à la conclusion de l'accord de 1987;
l'échec du processus par lequel les questions en litige devaientêtre
soumises à la Cour; et l'absence de tout progrès de la part de l'Arabie
saoudite en 1989 et 1990. Mon savant ami conclut ainsil'exposé de ce
acontextes qu'il a présenté, souvenons-nous-en,pour contribuer à
confiner ala nature juridique des engagements*des Parties : anotre observateur objectiffictif se serait sans aucun doute
attendu dans ces conditions quel'on fasse un grand effort lors
de la réunion au sommet du CCG, à Doha, en décembre 1990, pour
relancer la proposition déjà acceptéede soumettre à la Cour
les questions en litigeentre Bahrein et le Qatar; et notre
observateur objectif fictifne se serait pas trompés.
Mais comment ces mots transforment-ilsles éléments de contexte enpreuve
que le procès-verbal devait constituerun traité juridiquement
0 13
obligatoire ? Et qui est «notre observateur fictifs ? Dans ce débat, il
ne peut pas y avoir d'observateur afictifw. Il faut que ce soit un
participant réel, et ce ne peut être que le cheikhMohammed, le ministre
des affaires étrangères deBahrein. Et celui-ci n'aurait pas attendu
cela de la réunion de Doha, car il savait qu'à la réunion qui avait eu
lieu au début de décembre 1990pour arrêter l'ordre du jour du sommet, il
avait été décidé d'en exclure le différend.
Que trouvons-nousensuite dans la chronique qatariennede ce qui est
censé démontrerla nature juridique du procès-verbal ? A la page 32,
commence un paragrapne : aJ'en viens aLx circonstances danslesq-aelles le
procès-verbalde Doha a été adopté., Mais l'interventionde mon savant
ami semble alors avoir oublié que ce passage est censé faire partied'une
argumentationte~idant à prouver que le procès-verbalde Doha est
juridiquementobligatoire. D'abord, nous trouvonsdes paragraphes sur
al'étrange épisode de 14apparitionde M. Al Baharna à Dohas - notre agent
y a déjà répondu. Ensuite, on avance (p. 34) qu'il est étonnant que
Bahrein n'ait pas cherché à faire mentionner dans le procès-verbal de
Doha qu'un compromis restait nécessaire. Etonnant ou pas, on voit mal
comment l'absence d'une telle tentative prouveque le procès-verbal est
un accord juridiquementobligatoire. En tout état de cause, comme les
Parties étaient précédemmentconvenues de procéder par la voie d'un - 8 -
compromis, la réaffinnationde cet accord au paragraphe 1 du
procès-verbal était une déclaration suffisante de leurs intentions.
Le point suivant (p. 35) est qualifié par sir Ian de <plus général*.
11 y souligne
<l'importancedu déroulement des négociations -portantsur une
clause compromissoire dansle contexte d'une contestationpar
un Etat de la compétence dela Cour sur la base de cette clause
compromissoire~.
Une fois encore, il est impossible de discerneren quoi cela prouve que
le procès-verbal de 1990 était un instrument ayant un caractère
juridiquement obligatoire.
La conduite ultérieure des Partie n'établit pas que le
procès-verbal de 1990 constitue uritraité
Enfin, sir Ian commence (à la p. 35) un paragraphe sur le
comportement ultérieur des Parties. Celui-ci, dit-il, aconfirme
l'analyse que fait le Qatar de la signification duprocès-verbalde
Dohas. Quelle est la conduite ultérieurequi est ainsi invoquée ? Sir
Ian cite la conduite suiviepar le Qatar en faisant connaître au roi
d'Arabie saoudite en mai et juin 1991 son intentiond'introduire
unilatéralementune instancecontre Bahrein en juillet 1991. Ce
paragraphe en conclut aque l'Arabie saoudite n'essaya pas de dissuader le
Qatar de donner suite à son intention déclarée, après le 26 juin 1991s.
Pour des raisons que j'indiqueraiplus tard, vers la fin de mon exposé,
il n'est guère possible de voir dans cet episode une preuve que l'Arabie
saoudite considérait que le procès-verbalde 1990 était contraignant.
Mais même si tel avait été lecas, cela ne démontreraitpas pour autant -9-
que Bahrein devait avoir compris six mois auparavant que lp erocès-verbal
était destiné à être juridiquement obligatoire.
C'est avec cet argument que le Qatar conclutsa soi-disant preuve
que le procès-verbal de 1990 était destiné à être juridiquement
obligatoire. Le Qatarne fait aucune mention du projet de compromis de
l'Arabie saoudite de septembre 1991 - un texte.qui.peut.difficilement
laisser penser que l'Arabie saoudite considérait leprocès-verbal de 1990
comme contraignantau sens où le prétend le Qatar.
Je conçois, Monsieur le Président, Messieurs dela Cour, que la
rapidité obligée demon exposé peutavoir rendu difficilepour la Cour de
suivre le raisonnement par lequel j'ai voulu lui faire voir à quel point
la démonstration par le conseil du Qatar de la valeur juridique du
0.15
procès-verbalde 1990, en réalité, n'en était absolument pas une. Je
désire cependant prier instamment la Cour de bien vouloir, quand elle
aura le temps de le faire, revenir plus à loisir sur les observations que
je viens de formuler. J'affirme qu'elle ne trouverapas dans cette
partie essentielle de l'argumentationde sir Ian la preuve sur laquelle
le Qatar a voulu fonder sa position.
Les autres arguments du Qatar sont irrecevables
Les arguments avancéspar le Qatar pour établir quele procès-verbal
de 1990 constitue un traité ne s'arrêtent bien entendu pas là. Mais le
temps me manque pour examiner des questions aussi intéressantesque les
dispositionsde la constitution bahréiniteconcernant les accords
internationaux,le droit régissantl'entrée en vigueur des traités et la
signification du fait que le Qatar a attendu le tout dernier moment pour
enregistrer l'accordde 1987 et le procès-verbalde 1990. Ne pas traiter - 10 -
de ces questions ne signifie cependant pas que je souscris aux assertions
du Qatar. Je prie respectueusement la Courde se reporter sur ces points
aux écritures de Bahrein.
L'importance attachée par le Qatar au fait que selon lui le
procès-verbal de 1990 constitue un traité
Je conclurai mon exposérelatif .à.lanature juridiquedu
procès-verbal de 1990 en me permettant d'insister sur l'importance
essentielle de la tentative faite par sir Ian pour établir que le
procès-verbal de 1990 constitue un traité ou un accord international.
Dans ses écritures, le Qatar a traité cette question
d'une manière que je qualifierai,pour le moins, de légère. 11 n'a rien
fait véritablement pour montrer que la nature juridiqud eu procès-verbal
de 1990 était celle qu'il lui attribuait. Sir Ian a eu le mérite de
reconnaître qu'il fallaiten dire davantagesur ce sujet. Mais, ce
c,:F
faisant, il a naturellement admisla nécessité d'une discussion. Il lui
appartient de démontrerque la nature juridique du procès-verbal de 1990
est celle qu'il veut lui attribuer. Il a, de plus, indirectement invité
à l'analyse détaillée de ses arguments que j'ai entreprise ce matin. La
question initialeque dolt se poser la Cour, à mon avis, est la
suivante : comment quelqu'un qui négociait au nom de Bahrein aurait-il pu
savoir entre le 23 et le 25 décembre 1990 que le document en discussion
allait de quelque rnaniereque ce soit être considéré comme juridiquement
différent de documents antérieursportant exactement le même titre,
introduitspar pratiquement les mêmes mots et signés par les mêmes
personnes exactement dela même manière ? Le Qatar doit apporter une
réponse précise à cette question s'il veut jamais aller plus avant dans
sa thèse. - 11 -
Je soutiens que le Qatarn'a pas apporté de réponse suffisante à
cette question. L'examen attentif des arguments développés danstous les
exposés qui ont été présentés au nom du Qatar montreque le processus de
raisonnement nécessaire pour prouverl'assertiondu Qatar selon laquelle
le procès-verbal de 1990 constitue un traité a été remplacé par un
processus de repétitiori. L'on pourrait presque croire.que le Qatar avait
pensé que si tous ceux qui parleraienten son nom étaient convaincusque
le procès-verbalde 1990 constituaitun traité et affirmaient sans
relâche ce postulat comme unevérité établie, la Cour pourrait être
hypnotisée au point de finir par l'admettre comme un article de foi.
C'est pourquoi j'ai voulu soumettre les exposés de mes savants amis à un
examen aussi serréet je déclare respectueusement quela Cour devrait
conclure que le procès-verbalde 1990 ne constituepas un traité et ne
peut pas servir à fonder la compétence de la Cour en vertu du
paragraphe 1 de l'article 36 du Statut.
Le procès-verbal de 1990 en tant qu'étape dans le déroulement
d'un processus diplomatique
La vérité est que le procès-verbalde 1990 n'est pas un traité. Au
même titre que les procès-verbauxantérieurs de la commission tripartite,
il constitue simplement une étape vers le but ultime d'un compromis. 11
consigne des points qui ont été l'objet d'accords provisoires et qui
devraient trouver place dans un compromis définitif, complet et
juridiquementcontraignant. Manifestement,le Qatar a été d'accord à
titre provisoire pour accepter la formule bahréïnite. Les deux Parties
se sont engagées, si les circonstancesl'exigeaient, à poursuivre des
négociations en bonne foi afin de conclure un compromis. Elles ont
toutes les deux réaffirmé leuradhésion aux accords provisoires auxquels - 12 -
elles étaient précédemment parvenues dans l'accord de 1987 et durant les
travaux de la commission tripartite. Enoutre, il est certain qu'en
modifiant spécifiquement le projetomanais, Bahrein excluait toute
possibilité que l'on puisse comprendre qu'il consentait, même à titre
provisoire, à une saisine unilatéralede la Cour par l'une ou l'autre des
Parties.
Tout cela ressort clairementde la nature même du procès-verbal.
Cela ressort tout aussi clairementdes mots précis employés, et c'est sur
ce point que va porter maintenant mon exposé.
SECTION 2. LE LIBELLE DU PROCES-VERBAL DE 1990
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'en arrive maintenant
à la dernière questionque je désire traiterdevant vous. Il s'agit du
libellé de la disposition centraledu paragraphe 2 du procès-verbal
de 1990.
Le présent différend
Il est sans doute inutile queje rappelle à la Cour ce qui est au
coeur du différendentre Bahreinet le Qatar dans la présente instance, à
savoir que le Qatar soutient que l'instancepeut être introduite
unilatéralementpar la voie d'une requête et que Bahrein prétend qu'elle
i6 8
ne peut l'être que par la voie d'une soumission conjointe des
deux Parties agissant ensemble.
Paragraphe 2 du procès-verbal de 1990
Au centre de cette controverse se trouve le libellé du paragraphe 2
du procès-verbal de 1990. Il suffira pour le moment de se référer à la
traduction anglaisejointe par leQatar à sa requête.
Il s'agit de la - 13 -
colonne du milieu du n" 8 du livre d'audience. Vous y verrez les mots
essentiels qui se trouvent dans la deuxième phrase du paragraphe 2 :
<A l'expirationde ce délai [c'est-à-direla période
jusqu'en mai 199111,les parties pourront soumettre la question
à la Cour internationale de Justice conformément à la formule
bahreinite, qui a été acceptée par le Qatar, et à la procédure
qui en résulte ...w
La question, réduite à l'essentiel,est de savoir -siles mots <les
parties2 signifient «l'une ou l'autre des parties* ou «les deux parties
ensembles.
La nécessité de donner un sens aux mots dans la langue arabe
Le procès-verbal a, bien entendu, été préparé en arabe et les mots
correspondants en arabe sont cal-tarafan*.Je conçois qu'il soit
inhabituelpour la Cour d'avoir à attribuer une signification à des mots
dans une languequi n'est pas une de ses langues,mais je m'efforcerai de
présenter laquestion de manière aussisimple que possible. Le fait que
cet exercice puisse êtreentrepris par quelqu'un qui ne parle pas arabe
démontrera, du moins je l'espère,que nous ne sommes pas confrontés à un
mystère impénétrableet incompréhensible.
Approches du problème
En théorie, le problème peut être abordé de deux manières.
L'une consiste à essayer d'établir une traductioncorrecte en
anglais des mots essentiels. L'autre est de se préoccuper moins d'une
traduction exacte quede la significationréelle des mots tels qu'ils
figurent dans leur contzexte,à la fois le contexte immédiat du
procès-verbalet le contexte plus largede leur utilisation dans la
pratique antérieure et ultérieure des Partieset des autres protagonistes
dans cette affaire, notamment l'Arabie saoudite et Oman. - 14 -
Selon Bahrein, les deux approches conduisentà la même conclusion, à
savoir que la seule manière de porter l'affaire devant la Cour consiste,
pour les deux Parties, à agir conjointement.
D'ailleurs, en théorie, il est deux manièresd'aborder le problème
de la déterminationdu vrai sens des expressions employées. L'une est
analytique. L'autre est historique. Je crois que la Cour sera mieux à
même de suivre mon argumentation si je commence par rappelel ra manière
dont les expressions pertinentes avaientété employées avant 1990 - en
d'autres termes, si je commence par les situer dansun contexte
historique. En effet, comme M. Bowett l'a montré, le procès-verbal
de 1990 n'a pas marqué les premières circonstances dans lesquelles la
nécessité s'était fait sentir de qualifier lesparties, dans le cadre
d'une saisine de la Cour.
Le contexte historique : l'apparition d'un mode d'emploi
-Le projet qatarien de mars 1988
Cette nécessité étalt apparue pour la première fois au début même
des délibérationsde la commission tripartite,en 1988. Lorsque la
commission a commencé ses travaux, chaque partiea élaboré un projet
d'accord destiné à refléter leur idée commune que la procédure serait
engagBe par voie de salsine conyointe. Le projet qatarien daté du
15 mars 1988 figure en tant que pièce jointeno 2 dans le livre
020 d'audience. Comme il ressort du texte de son article premier, les termes
ales Parties* qualifientles acteurs par rapport au verbe asoumettre* :
ales Parties soumettentles questions ...s Les deux Partiesne
contestent pas que l'intentionétait de prévoir une saisine conjointe.
L'expression employée dans le textearabe est eal-tarafan*qui veut dire - 15 -
ales Partieswou ales deux Partiesw. Le terme ama'ans, qui signifie
aconjointementw,n'apparaît pas dans le texte.
- Le projet bahreïnite de mars 1988
La même observation s'appliqueau projet bahreïnite du 19 mars 1988
qui figure en tant que pièce jointeno 3 dans le livre d'audience. Là,
les termes «les Parties» apparaissentau début et de l'article premier -
«les Parties soumettr,ont la question ...» - et de l'article II - ales
Parties prient la Cour ...S. Dans les deux cas l'expression arabeest
«al -tarafan». Le terme «ma'an>> - aconjointementw - n'apparaît pas dans
ces articles.
- Le projet qatarien de juin 1988
Je passe à la prochaine piècepertinente par ordre chronologique, à
savoir le projet d'accord présenté par le Qatar le 28 juin 1988 (livre
d'audience,pièce joir,te no 14; cette pièce figure à la page 187 d'un
volume consacréaux réunions de la commission tripartite,que le Qatar a
déposé conjointement avec son mémoire). Dans cette proposition, le Qatar
prévoit au paragraphe 2 de l'article II que cles Parties prient la Cour
de trancher ... les questions suivantes ...» Dans l'original arabe,
l'expressionqui correspondaux termes ales Parties,est de nouveau
*al-tarafan*,et le terme ama'an, est absent.
- La formule bahreïnite d'octobre 1988
Nous pouvons maint:enant passer à la formule bahreinite elle-même,
présentée le 16 octobre 1988 (livred'audience,pièce jointe no 4). La
formule commence par les termes ales Parties prient la Cour de - 16 -
trancher ...* Dans l'original arabe l'expression correspondante est
aal-tarafan*et le terme ama'anw n'apparaît aucunement.
Telles sont les principales piècesdu dossier qui attestent l'emploi
de l'expression aal-tarafan* pour qualifier ales Parties* dans un
contexte où il était envisagé qu'elles agiraient conjointement. En
affirmant cela jeme fonde sur le contenu de.chaque document ainsi -que
sur l'interprétation que de toute évidenceles deux Parties en ont faite
en toutes circonstances. Le mode d'emploi, si je puis m'exprimer ainsi,
de l'expression cal-tarafan*,dans le contextedes projets relatifs à la
saisine de la Cour en l'espèce, avait arrêté ou consacré le sens
d'cal-tarafan*comme signifiantles edeux Parties conjointement*et non,
- et j'insiste sur ce point - comme signifiant alvune ou l'autre des
Parties*.
Evolution du procès-verbal de 1990
Passons maintenant, si vous le voule~ bien, à la procédure par
laquelle le procès-verbal de 1990 a évolué entre le 23 et le
25 décembre 1990, dans les coulisses de la réunlon au sommet à Doha. Je
suggère qu'en abordant cette question nous ayons présent à l'esprit le
mode d'emploi que je viens de mentionner.
Pour déterminer ce qui s'est effectivement passé à Doha nous
disposons uniquement, en tant qu'élément de preuve directet personnel,
de la déclaration du ministre desaffaires étrangères bahreïnite, le
cheikh Mohammed. Dansson mémoire et sa réplique le Qatar s'est contenté
de présenter un compte rendu succinct de ce qui s'est passé. Dès lors
que les versionsrespectives des deux Parties divergenttant soit peu,
les règles élémentairesde la preuve exigentque l'on préfère la - 17 -
déclaration du cheikh Mohammed à celles faitespar le Qatar dans ses
écritures. Et pour unitémoignage de ce qui s'est effectivement passé à
la séance plénière d'ouverturede la réunion des chefs dlEtat, le
23 décembre, il nous faut à nouveau nous en remettre au cheikh Mohammed.
La Cour voudra bien se rappeler qu'à ce stade de l'histoire des relations
entre les Parties ce que nous recherchons estquelque.,indice montrant que
le mode d'emploi bien établi de l'expression<al-tarafan, - au sens de
*parties agissant conjointement, - était, comme le Qatar voudrait nous le
faire croire, sur le point d'être radicalementmodifié. En d'autres
termes, nous recherchonsun signe de changement.
Le compte rendu fait par le cheikh Mohammed de la réunion au sommet
apparaît aux paragraphes 3 et 4 de sa déclaration. Après avoir décrit
les phases liminairesdu débat dans destermes assez généraux, le
ministre des affaires étrangères rappelle qul ee roi Fahd d'Arabie
saoudite a déclaré que «la commission tripartite avaitl'obligationde se
réunir et de mettre la dernière marn à la procédure par laquelle les
Parties saisiraientla Cour Internationale de Justices. M. Bowett
examinera préseütement les autres conséquencesde cette référence à la
commission tripartite. A nos présentes fins, il ne semble guère probable
que le roi Fahd seseralc référé aux travaux de la commission dans ces
termes si dès ce moment l'émir du Qatar avait,dans le cadre des
conversationsau sommet, fait la moindre allusionau fait que le Qatar se
proposait de quitterla commission tripartiteet de poursuivre
unilatéralementla procédure.
- Acceptation par le Qatar de la formule bahreïnite relative à une
saisine conjointe
Mais plus pertinent encore estle fait que l'émir du Qatar a déclaré
qu'il était disposé à accepter la formule bahreinite. Au risque de me - 18 -
répéter tant et plus, il me faut évidemment rappeler à la Cour qu'au
point où en étaient les choses, la formule bahreïnitea été exclusivement
interprétée comme contribuant à un compromis qui prévoyait une saisine
conjointe de la Cour.
L'expression aal-tarafan,telle qu'elle est employée dans ladite
formule pouvait uniquement signifier ales-Parties conjointement,. C'est
là tout ce qu'on peut déduire de la déclarationdu cheikh Mohammed et des
écritures du Qatar quant aux quelques propos tenus à la réunion au sommet
023
qui auraient eu une incidencesur le sens de l'expressionaal-tarafana.
Ainsi, jusqu'à ce stade, rien n'indiquaitqu'il était tant soit peu
envisagé de modifier lesens de cette expression.
- Le projet de procès-verbal saoudien
Et pourtant, des propos ont dû être tenus quiont incité l'Arabie
saoudite à introduire dansson premier projetde proposition (livre
d'audience,pièce jointe no 5) le membre de phrase ala question qui sera
soumise à la Cour internationalede justice par chacune d'elles* - en
d'autres termes, chacune des Partles. Dans l'originalarabe l'expression
correspondanteétalt amin ku?l:n minhuma*. Comme la Cour en a déjà été
informée, le cheikh Mohammed a rejeté le projet saoudien en raison de la
présence de ce membre de phrase.
- Le projet de procès-verbal d'Oman
La prochaine étape dans l'évolutiondu texte est caractériséepar
l'arrivée du projet omanais (livre d'audience,pièce jointeno 6). Le - 19 -
projet omanais employaitl'expression ul'une ou l'autre des deux
Parties*.
Sur la foi de sir Ian Sinclair (CR 94/2, p. 32-33) il semblerait
aqutil [c'est-à-direle texte1 ait été présenté d'abord à la
délégation du Qatar, puisqu'il paraît clairement établi que
l'expression<conformément à la formule bahreïnite, quia été
acceptée par le Qatar> a été insérée dans le projet omanais à
l'initiative de M. Sherbini, conseiller- juridique de la
délégation du Qatar>.
Voilà qui nous conduit à un point particulièrement important. LeQatar,
qui avait eu connaissance, commeon nous l'affirme, du projet omanais
avant qu'il ne soit présenté à Bahreïn ultérieurement le même soir, a
permis qu'il soit communiqué à Bahreïn dans la formulation «l'une ou
l'autre des deux Partiesw - soit, en arabe, eayyun min al-tarafayn,.
- Modification du projet omanais
Pourquoi ce point est-il si important ? Il faut se rappeler que
l'une des propositions les plus importantes faites par Bahreï anété de
rejeter l'expression ul'une ou l'autre des deux Partiesw et d'insister
324
sur l'emploi de l'expression ales deux Parties- de manière à exclure la
possibilité quel'une ou l'autre des deux Parties puisse engagerune
procédure unilatéralement. Et que répond le Qatar à ce arejet
catégorique, (pour employer une fois de plus l'expression si utile de
M. Shankardass),ce rejet catégoriquede la proposition omanaise ? Pour
formuler la question comme je l'ai fait vendredi, en commentantle
passage pertinentdu discours du premier ministre de Bahreinaqu'a pensé
faire le Qatar en acceptant les modifications sans indiquer clairementsa
positionw ?
L'agent du Qatar a répondu directement à cette question (CR 94/3,
p. 28-29) : aPour le Qatar, la réponse à cette question est claire.
Sur le plan de la procédure, le projet omanais pourrait avoir
été interprété commeimposant à un Etat, en fait à celui qui
serait le premier à agir, l'obligationde soumettre l'ensemble
de l'affaire à la Cour conformément à la formule bahreinite.
La substitution de ladite expressioncal-tarafansreflétait le
fait qu'aux termes dela formule bahreinite chacunedes parties
avait ses propres revendications à présenter et qu'il ne
convenait pas d'autoriserl'une des parties à soumettre à la
Cour les revendicationsdes deux Etats. Cette modification
indiquait clairement que Bahreinet le Qatar avaient chacun le
droit de soumettre leur cause particulière ou leurs
revendications particulières à la Cour, conformément à la
formule bahreinite. Le Qatara exercé ce droit. Bahrein ne
l'a pas fait. Mais comme le Qatar l'a nettement indiqué à de
nombreuses reprises, Bahrein possède encorece droit.,
(CR94/3,p. 28 et 29.)
Je vous ai donné lecture de ce paragraphe, car là réside en totalité
(sauf quelques arguments linguistiquesd'ordre technique développéspar
la suite) ce qu'a déclaré le Qatar pour expliquerqu'il ait accepté en
silence la modification réclaméepar Bahrein, par laquelle Bahreina
rétabli la terminologie cohérente caractéristique des textes relatifs à
la compétence dont les Parties avaient discuté auparavant.
Eh bien, diront peut-être certains,qu'y a-t-il à reprendre à cette
explication ? La réponse est à la fois simple et surprenante. Le Qatar
dit qu'après avoir lu le projet d'Oman et y avoir effectué un changement
- l'insertionde la mention de la formule bahreinite - il permit ensuite
que soit transmis a Bahrein ce projet contenant destermes dont le Qatar
, 02 5
ne voulait pas, des termes qui, selon les dires actuelsdu Qatar,
pouvaient être interprétés comme obligeant le premier Etat qui agirait à
soumettre à la Cour la totalitéde l'affaire. Si telle était
l'interprétationque le Qatar donnait des mots cal-tarafanw,il devait
savoir qu'une telle interprétationdifférait de toutes celles que ces
mots avaient reçues dans les textes antérieurs relatifs à la compétence
et, de toute évidence, ne serait pas venue à l'esprit de Bahrein. Si - 21 -
jamais les circonstances invitèrentun Etat à se faire bien comprendre,
avant ou après la communicationdu projet d'Oman à Bahrein, ce fut sans
aucun doute à ce moment-là. Qu'aucun éclaircissementn'ait été proposé,
voilà peut-être ce qui indique de la façon la plus décisive que jamais à
l'époque le Qatar n'a songé à l'explicationmaintenant donnée par son
agent, mais qu'il s'agit d'une idée suscitée au dernier moment dans le
cadre de la présente instance pour faire pièce à ce qui, bien évidemment,
peut constituer l'argument le plus efficace de l'arsenal bahreinite. Il
n'échapperapas à la Cour que l'explicationdu Qatar ne fut pas présentée
dans son mémoire et n'eut droit qu'à une note dans sa réplique (réplique
du Qatar, p. 76, note 222).
- Autres éléments pertinents du procès-verbal de 1990
S'il faut une confirmation de la conclusion à tirer de ce que je
viens de dire, on la trouve dans deux autreséléments au moins du
contexte ciumême parûg:rapke du procès-verbalde 1990.
- *La question* au singulier
Le premier de ces éléments est la mention de ula question> dans la
formule ules parties pourront soumettre la question à la Cour*. Bahrein
a fait observer, tant dans son contre-mémoireque dans sa duplique, que
l'emploi du mot ala question.au singulier (aal-mawduaen arabe) est
incompatibleavec l'allégation du Qatar selon laquelle le procès-verbal
de 1990 prévoyait la possibilité de deux requêtes distinctes. Deux
requêtes distinctes supposentnécessairementdeux affaires distinctes.
La raison pour laquelle le Qatar insistesur son droit de présenterune
requête unilatérale, c'est qu'il ne veut pas introduire Zubarah dans sa
cause. Autrement dit, si l'on peut envisager la question de la - 22 -
souveraineté sur Hawar, Jaradah et Dibal, ainsi que la détermination de
la limite maritime, comme une seule et même affaire, la question de
Zubarah constitue, pour le Qatar, une affaire distincte.
Pourtant rien dans leprocès-verbal de 1990 ne donne à entendre que
les questions qui opposent les Partieset forment un différend ou une
affaire unique puissent être transformées en une.pluralité de'différends
ou d'affaires susceptibles de donner lieu à des instances distinctesou
de les constituer. Tant dansla traduction du préambule du proces-verbal
de 1990 donnée par le Qatar que dans cellede Bahrein il est fait mention
du udifférend existant, au singulier. De même le mot ala question,
figure-t-ilau singulier dans les deux traductions du paragraphe 2.
Selon Bahrein l'emploi de ces termes au singulier est tout à fait
incompatible avec l'idée qu'il puisse y avoir deux requêtesou affaires
distinctes relatives à un seul différend ou à une seule question.
Que trouve à dire le Qatar pour répondre à cet argument ? Rien.
Absolument rien, ni dans son mémoire, ni dans sa réplique, ni dans la
plaidoirie de l'agent. Le Qatar a eu tout son temps pour uneanalyse
linguistique abstruseet l'on ne doit peut-être pas reprocher à son agent
d'avoir suivi le prince Charles et le prince Edouarddans leurs voyages à
destination et en provenance de Cambridge. Toutefois l'une des
principales contributionsdes experts de part et d'autre a été d'établir
que ce qui nous sépare n'est pas une simple question de traduction, mais
qu'il s'agit de comprendre les termes dans leur contexte. Bahrein
exprime une reconnaissance particulière à ses experts, M. Badawi,
M. Holes, M. Aboulmagd et M. Amkhan à ce propos. Bahrein discerne dans
l'emploi du mot ela question* au singulier une expression capitalede - 23 -
l'idée d'une instance unique. Or à aucun moment le Qatar n'a su trouver
le temps de répondre à cet argument.
- La mention de la formule bahreïni te
Le second élément relatifau contexte dans le corpsdu paragraphe 2
du procès-verbal de 1990 est le maintien sans changement de la mention de
la formule bahreïnite. Je peux être très bref à ce propos. On en a déjà
dit assez long pour établir que la formule bahreinite fut proposée dans
le cadre de propositions tendant à une saisine conjointeet que ses
termes expriment l'idée suivante : «les Partiesw etnon pas «l'une ou
l'autre des Parties*.
- aConformément à la procédure qui en résultes
Il y a bien entenduun troisième élément relatifau contexte, le
tour de phrase aconformément à la procédure qui enrésulte», c'est-à-dire
qui résulte dela formillebahreïnite. Ici non plus je n'ai pas besoin de
retenir la Cour. On en a dit assez du côté bahreïnitepour établir que
ces mots, tant du point de vue de 1'expressionque de l'intention,
correspondent à l'idée que la mise en oeuvre de la formule bahreïnite
devait nécessiter de nouvelles négociations en vue de porter l'affaire
devant la Cour.
Le contexte négatif : les mots non unployés
Il reste encoreuie considération à évoquer à propos du contexte de
ual-tarafan*. Jusqu'à maintenant j'ai examiné ce qu'il peut être commode
d'appeler le contexte «positif» : l'effet d'autres mots et expressions
qui figurent enfait dans le procès-verbal. Mais il y a aussi la
0 2 8
question du contexte anégatif» : les mots qui ne sont pas là. Le Qatar a
qb/CR94/5/069/trad - 24 -
reproché maintes fois à Bahrein de ne pas avoir introduit lemot
aensemble, (ama'an~ en arabe) dans la formule ales deux Parties,, qui
serait devenue ales deux Parties ensemble, et aurait mis la position de
Bahrein à l'abri de toute contestation. A ce compte Bahrein est tenude
demander pourquoi le Qatar n'a pas gardé les mots al'une ou l'autre des
Parties, ou, par exemple, introduit 1'adverbe.aséparémentsaprès le verbe
usoumettre,, ce qui eût donné le libellé*peuvent soumettre séparément, ?
Il est permis de penser qu'une omission de ce genre fait autant
partie du contexte que la présence de certains mots. La Cour, sans
aborder le problèmeplus vaste de la charge de la preuve en général, peut
estimer appropriéde poser cette question : à laquelle des Parties
incombe-t-ilde faire la lumière sur sa position en adoptant un libellé
qui convienne, à celle qui insiste pour garder des termes dontl'usage se
conforme à un modèle établi, ou à celle qui n'a pu obtenir une
modification des mots décisifset prétend ensuiteque les mots conservés
revêtent une significationnotablement différente ? Poser cette
question, selon moi, c'est y répondre
L'emploi ultirieur des termes
Il reste donc à mentionner brièvementla preuve de l'emploi d'une
certaine terminologiepar les Parties, où l'on peut voir un aspect du
contexte envisagé dans sonensemble, ou, si on veut, un aspect du
comportement ulterieur des Parties.
- Le projet d'accord saoudien, septembre 1991
Le premier élément de ce genre est le projet d'accord établi par
l'Arabie saoudite et reçu par Bahrein en septembre 1991. Le Qatar admet
avoir reçu le projet d'accord, mais nie avoir reçule mémorandum joint.
029 - 25 -
Les deux figurent dans le livred'audience (point 9). Le Qatar ne va
toutefois pas jusqu'à nier que l'Arabie saoudite ait préparé un tel
mémorandum et l'ait envoyé, du moins à Bahrein. Quoi qu'il ensoit, ce
qui importe à propos de ce mémorandum, ce n'est pasque le Qatar l'ait ou
non reçu, mais qu'il ait été préparéen fait par l'Arabie saoudite.
J' en reviens au projet de compromis lui-même. -Aux -termesde son
article premier <Les Parties prient la Courde trancher toute
question ...B L'expressionemployée en arabe pourales Parties* est
ual-tarafan,. Des adverbes tels que uensemble, ou aconjointementsne
sont pas ajoutés. On considère,même alors, que l'expression
aal-tarafanaest suffisantepour créer une obligation pour les Parties
d'agir de concert. La premièrephrase du mémorandum joint en annexe au
projet laisse clairemerit apparaître que le projet envisage une action
conjointe, et non individuelle :
<Nous référant aux deux projets d'accord soumis par le
Qatar et Banreïn, nous [l'Arabiesaouditel avons rédigé le
projet ci-joint sur la base des dispositions figurant dansles
deux projets, dans le but de parvenir à concilier leurs textes
autant que possible.^
Ainsi, nous sommes en présence non seulement de la preuve que l'Arabie
saoudite entendait poux-suivre son rôle de médiateur, mais égalementd'un
document établipar ses soins, qui utilise des termesconformes à la
pratique antérieurede la commission tripartite.
- La lettre d'Oman du 29 janvier 1994
Un autre élémenttiré du contexte ou du comportement ultérieurs des
Parties mérite à mon avis d'être porté à l'attentionde la Cour. Il
s'agit de la lettre du 29 janvier 1994 du ministre des affaires
étrangères d'Oman, qui avait étédirectement sollicit6e par le ministère - 26 -
des affaires étrangèresdu Qatar dans une lettre du 23 janvier 1994. Ces
lettres ont été communiquées à la Cour par l'agent du Qatar, le
10 février dernier. Bahreinn'y a pas fait objectionet elles
030
constituent à présent les pièces no 15 et no 16 du livre d'audience.
La demande du Qatar à Oman ne peut en aucune façon se comparer à la
correspondance antérieureentre l'émir de Bahrein et le roi d'Arabie
saoudite. Le 12 septembre 1993, l'émir de Bahrein a écrit au roi
d'Arabie saoudite la lettre qui figure dans le livre d'audience sous le
no17. Comme vous le constaterez,l'émir, contrairement à ce que le
Qatar faisait dans sa lettre à ûman, n'invitait pas le médiateur à
anticiper sur le rôle de la Cour internationalede Justice. Il ne priait
pas le roi d'apporter une réponse à la question spécifique soumise a la
Cour comme le Qatar le faisait dans sa lettre à Oman. Dans sa lettre,
l'émir n'affirmait que deux choses : d'une part, qu'il était préoccupé
par la requête unilatérale du Qataret s'en trouvait incommodéet,
d'autre part, qu'il espérait que le Qatar réexamineraitla demande
tendant à porter l'affaire devant la Cour par une demande conjointe.
Cette lettre remonte à septembre 1993
Le roi d'Arabie saoudite n'y a répondu qu'en décembre; sa lettre
constitue la pièce no 18 du livre d'audience. La phrase pertinenteest,
en partie, libellée comme suit :
ales efforts sincères que nous avons déployéstendaient à ce
que les deux Etats frèress'entendententre eux en vue de
régler cette question dansun esprit fraternel, et notamment à
ce qu'ils présentent ensembleune demande conjointe à la Cour
internationalede Justice lui soumettanttoutes les questions
sur lesquelles ils diffèrent ..s
L'observationde fond que je voudrais faireconceraant la
correspondance entrele Qatar et ûman, à laquelle je viensde comparer le - 27 -
courrier échangé entrel'Arabie saoudite et Bahrein, se rapporte
directement à la question linguistique, à laquelle est consacrée la
présente partie de mon exposé. Tout d'abord, la Cour observera que la
lettre qatarienne,visiblement rédigéede façon à obtenir une réponse
favorable d'Oman, offre un exemple du genre de formulationque le Qatar
aurait pu tenter d'introduiredans le procès-verbal de 1990 s'il avait
pensé avoir des chancesd'y parvenir. La formulationen question, qui
apparaît dans les première et deuxième lignesdu deuxième paragraphe, se
lit comme suit :
aselon le point de vue du Qatar, chacun des deux Etats - le
Qatar et Bahrein - a le droit ... de déposer une requête
unilatérale ...w
Ces termes sont trèsclairs et si le Qatar avait estimé pouvoir atteindre
l'objectifqu'il prétend maintenantavoir réalisé en décembre 1990, ce
sont ces termes qu'il aurait dû chercher à inclure dans le procès-verbal
de 1990. Ce libellé explicite est à mille lieues de la prétendue
imprécisionde l'expression cal-tarafan*, sur laquelle le Qatar fait
reposer sa positiontout entière
Mais c'est la réponse d'Oman qui fournit l'élément qui nous
intéresseparticulièrernent.Pour faire ladémonstrationqui, comme le
prétend maintenantle Qatar, appuie son interprétationdu procès-verbal
de 1990, la lettre d'Ornandevrait employerles mêmes termes que ceuxdu
projet qu'Oman avait présenté précédemment à Bahrein le 24 décembre 1990
et que celui-ci avait rejetés. Les termes employés dans la lettre
récente d'Oman sont «permet soit à 1'Etat du Qatar soit à 1'Etat de
Bahrein de porter leur différend existantdevant la Courw (aayyunminw en
arabe). Or Bahrein avait insisté pour que les mots cayyun min, fussent retirés du projet omanais du 24 décembre 1990 et remplacés par ales deux
Parties, (aal -tarafan, en arabe) .
Peut-être devrais-je ajouter que, si Oman avait vraiment voulu
apporter son plein et réel soutien au Qatar, la phrase pertinentede sa
récente lettreaurait dû être rédigée plusou moins comme suit :
aà notre sens, les mots, employés dans le .procès-verbal,ales
deux Parties, (cal-tarafanw)devaientpermettre soit au Qatar
soit à Bahrein de porter leur différend devant la Cour,.
Mais ce n'est pas ce qu'Oman a dit, sûrement parce qu'il était bien
placé, en sa qualité d'intermédiairelors des débats à Doha, pour savoir
032
que les mots qui avaient été finalement employés dans le procès-verbal
de 1990 avaient été délibérément choisispour exclure ce type de
situation.
- Les lettres adressées à l'Arabie saoudite en 1991 par le Qatar
Enfin, Monsieur le Président, il est un autre point qui se rapporte
à l'interpretation à aonner à l'expressioncal-tarafan*, et qui a une
influence sur elle. Le Qatar a déposé avec son mémoire deux lettres
datées respectivement des 6 mai et 18 juin 1991, et adressées au roi
d'Arabie saouditt par l'émir du Qatar. Elles constituent les pièces
no 19 et no 20 du livre d'audience et j'ai déjà eu l'occasionde les
mentionner. Dans la première lettre, du 6 mai, le Qatar se référaitau
procès-verbal de 1990, rappelait le délai qui avait ét6 fixé pour
l'exercice de bons offices par le médiateur et concluait sadescription
du procès-verbal en affirmant :
&Faute de quoi, les deux Parties pourront, à l'expiration
de ce délai, porter le différend devant laCour internationale
de Justice conformément à la formule générale ..., - 29 -
Les termes employésales deux, correspondentaux mots arabes
aal-tarafan,. La lettre se termine par une phrase libellée comme suit :
cEn application de l'accord susmentionné,nous avons
l'intention de prendre les mesures nécessaires pour soumettre
la question à la Ciourinternationalede Justice à l'expiration
du délai susmentionné. s
Selon le Qatar, cette lettre établit qu'il se proposait d'introduire
l'instance à la fin de la prorogation du mandat du médiateur et il
affirme être étonné et dans llimpossibilité de croire que l'Arabie
saoudite ait omis de communiquerce message à Bahrein. Ce dont le Qatar
ne tient nullement compteest le fait que l'Arabie saoudite aurait prêté
à l'expression<al-tarafan* dans ce contexte, et conformément à la
pratique antérieure, son sens habituel (lesdeux parties ensemble)et
qu'elle n'ait donc pas perçu la lettre comme une menace d'action
0 33 unilatérale. La phrase finale dela lettre :
arEnapplicati,on de l'accord susmentionné, nous avons
l'intentionde prendre les mesuresnécessaires pour soumettre
la questisn à la Cour internationale de Justice à l'expiration
du délai susmentiomé~
aurait été comprisepar l'Arabie saoudite comme une simple indication que
Qatar prendrait !es mesures nécessaires,de concert avec Bahrein. La
deuxième lettre du 18 luln est susceptiblede la même interprétation. En
d'autres termes, il corivienc de llre ces lettresen se mettant à la place
de l'Arabie saoudite qui, voyant l'expressioneal-tarafan,, l'a comprise
conformément à l'usage établi.
C'est sans aucun doute la raison pour laquelle l'Arabie saoudite n'a
pas averti Bahrein. Pciurelle, les lettresne faisaient que l'informer
que le Qatar reprendrai.t les mesures nécessaires pour que«les Parties»,
toutes les deux, réexaminent les formalités requises pour soumettre leur
différend à la Cour. Les arguments linguistiques d'ordre technique conservent
toute leur pertinence
Comme la Cour l'aura remarqué, je n'ai pas tenté d'emboîter le pas à
l'éminent agent du Qatar sur la voie des arguments linguistiquesd'ordre
technique. Cen'est pas que je souscrive à ses propos. Mais les
arguments hautement techniques concernant la langue et la grammaire
arabes - aussi importantset intéressantssoient-ils - ne constituent pas
la première ligne de défense de Bahrein et le temps manquepour qu'on s'y
attache maintenant. Bahreins'en tient aux points de vue de ses experts,
MM. Badawi, Aboulmagd, Holes et Amkhan, tel qu'ils les ont exprimés dans
leurs avis joints au contre-mémoireet à la duplique.
Monsieur le Président, me voici au terme de mon exposésur le statut
et le contenu du procès-verbal de 1990. Point n'est besoin de risquer
0 34
une conclusion grandiloquente. Je me contenteraid'exprimer l'espoir que
mes observations vous seront de quelque utilitépour vous former un juste
point de vue du procès--~erbal. A mon sens, quelle que soit sa nature
juridique, son libellé est incompatible avecl'idée que Bahrein aurait
donné son consentement à l'introductionunilatérale d'une instance par le
Qatar.
Qu'il vous plaise à présent, Monsieur le Président, soit d'appeler
M. Bowett à la barre, soit, si la Cour le préfère, de suspendre
l'audience pour la pause-café. Je vous remercie Monsieur le Président.
LE PRESIDENT : Merci, Monsieur Lauterpacht. Je donne maintenant la
parole à M. Bowett.
M. BOWETT : Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, je voudrais
avec votre permission - et cela peut se faire très brièvement - - 31 -
rapprocher entre ellesles trois phases de la négociation, c'est-à-dire
l'accord de 1987, la commission tripartiteet Doha, pour établir ce qui a
été vraiment convenu entre les Parties.
Nous devons voir l'ensemble du tableau comme unesérie de
négociations en vue de porter ce différend devantla Cour. Nous ne
pouvons, me semble-t-il,isoler Doha comme s'il s'agkssaitde prendre un
nouveau départ, les Parties faisant tablerase et créant, à Doha, une
base indépendante de compétence.
Cela s'explique en.partie par le bon sens - il était foncièrement
invraisemblable que les Partiesjettent par dessus bord ce qu'elles
avaient construit en plusde trois ans de négociation - mais aussi par le
libellé limpidedu procès-verbaladopté le 25 décembre 1990. Les Parties
. 0 3 5
étaient convenues de el..réaffirmer ce dont les deux Parties sont
convenues précédemmentw .
Aucun doute n'est possible surce que cela signifiait ! Les Parties
ne commençaient pas à zéro; au contraire, elles entérinaientet
réaffirmaient leurs ententes précédentes. Tout ce qui a été arrêté
d'autre à Doha s'y ajoutait, ce n'était qu'un pas de plus fait ensemble
sur le long chemin des négociations;et, devons-nous supposer,sans
contredire aucunement les accords intervenusprécédemment.
Manifestement, le Qatar ne veut pas voir la question dans cette
lumière. Il estime que la réaffirmation de cedont il avait été convenu
précédemment se limite à l'engagementde 1987, de venir devant la Cour.
Ainsi, pour le Qatar, tous les progrès réalisés par la commission
tripartite devaient êtreabandonnés. Et le Qatar étaye cette vue de la
situation en déclarant quela commission tripartite avait terminé ses
travaux . - 32 -
Mais - et l'objection est de taille - ce n'est pas ce que dit le
procès-verbal de Doha. Il n'indique pas que les Parties réaffirmentleur
engagement de principe de 1987 d'aller devant la Cour. Il réaffirme ace
dont les deux Parties sont convenuesprécédemment,, sans restriction;
elles entendaient donc manifestement préserver tous les acquis sur
lesquels elles étaient d'accord jusque-là.
On n'est pas davantage fondé à déclarer que la commissiontripartite
avait terminé ses travaux. Certes, lors de la cinquièmeréunion, le
15 novembre 1988, le prince Saud annonce que le roi Fahdaconsidère, que
la date de la réunion au sommet suivantemarquera la fin de la mission de
la commission. C'était, je suppose, une suggestion appuyée d'accélérer
les travaux. Mais le ministre des affaires étrangèred se Bahrein, le
cheikh Mohammed, a exprimé l'espoir qu'il serait patient (contre-mémoire
de Bahrein, vol. II, p. 102). Et à la sixième réunion, le
6 décembre 1988, pas un mot du procès-verbalsigné n'évoque la fin de la
O36
commission tripartite. Au contraire, le procès-verbalsigné révèle que
l'on donne à Bahrein un délai pour étudierla proposition du Qatar, de
suivre la formule bahreiniteassortie de deux annexes. La commission
tripartite n'était donc pas défunte et les accords qu'elle avait élaborés
jusque-là n'étaient pas caducs.
Il ne pouvait d'ailleurs guère en aller autrement. Si, comme
l'affirme le Qatar, l'accord de 1987 était un traité qui liaitle Qatar
et Bahrein, commentl'Arabie saoudite aurait-ellepu mettre fin, sans
leur consentement, au paragraphe 3 de cetraité qui établissait la
commission tripartite ? Or, je ne trouve nulle part dans les textes la
moindre indicationde ce qu'ils l'aient donné. Il n'y a même pas eu de - 33 -
proposition concrètede dissoudre la commission,il n'y avait donc rien à
quoi leur consentement. eût été nécessaire
Les documents montrent plutôt qu'au contraire, l'Arabie saoudite
elle-même pensait que la commission tripartite existait toujours, et
qu'elle avait encoreun travail à accomplir, à l'époque de la réunion de
Doha. Le ministre des affaires étrangèresde -Bahrein, le cheikh
Mohammed, relate une réunionqu'il a eue avec le roi Fahd le dimanche
23 décembre 1990 à Doha. Voici ce qu'il en dit :
<Pendant cette discussion, leGardien des deux saintes
Mosquées, le roi Fahd bin Abdulaziz Al-Saud d'Arabie saoudite,
qui continuait à exercer ses fonctions de médiateur entre
Bahrein et le Qatar, déclara que la commission tripartite avait
l'obligation de se réunir et de mettre la dernièremain à la
procédure par laquelle lesParties saisiraientla Cour
internationale de Justice., (Contre-mémoirede Bahrein,
vol. II, p. 160.)
Et Bahreïn était du même avis. Le ministre des affaires étrangères
de Bahreïn a déclaré, on le sait, qu'à Doha : aj'ai réaffirmé la position
de Bahrezn : il nous fâllait poursuivre la procédure existante par
l'intermédiairede la commission tripartite ...w (contre-mémoirede
Bahrein, vol. II, p. 162).
Dès lors, dire qu'il avait été mis fin à la commission tripartite et
que ses travaux étaient abandonnés, est pure invention de la part du
Qatar.
Il importe doncde garder à l'esprit tous ces accords antérieurs
Car s'il doit y avoir le moindre doute au sujetde ce qui a été convenu
de plus, à Doha, les acquis des accordsantérieurs doivent montrer
exactement, de manière cruciale, ce qui a été réalisé à Doha. Nous
devons supposerque les élémentsd'accord sont logiqueset cohérents. - 34 -
En résumé, il serait impensable queles Parties aient réaffirmé
leurs engagements antérieurset en même temps décidé à Doha d'un élément
supplémentaire qui aurait ététout le contraire de ce qui avait été
convenu auparavant. Nous devons présumer qu'elles agissaient avec
logique.
Or, quelles étaient leurs conventions précédentes ?
Premièrement, que les Parties iraient devantla Cour en formation
plénière.
Deuxièmement, que les Parties iraient devantla Cour en vertu d'un
compromis : telle devait être labase de la compétence de la Cour. Il ne
peut y avoir aucun doute à ce sujet. Bahrein a toujours pris cela pour
acquis, et j'ai déjà rappelé soigneusement à la Cour les procès-verbaux
de la commission tripartite;la Cour a donc pu constater que telle était
bien aussi l'intentiondu Qatar.
S'il en est ainsi, comment le Qatar peut-il avancer qu'à Doha les
Parties ont soudain convenuque l'une ou l'autre pourrait procéderpar
voie de requête unilatérale, sans compromis ? Ce n'est absolument pas
possible. On ne peut pas, en même temps, réafflrmer l'accord de procéder
conformément à un compromrs et autoriser l'une ou l'autre Partie à agir
unilatéralement,sans compromis : cela n'aurait aucun sens !
Alors, quelle que soit la signification desmots cal-tarafan*,et
quoi qu'ait pu penser ou ne pas penser le Qatar, il n'est tout simplement
pas possible de lire dans le procès-verbalde Doha qu'il autorise une
requête unilatérale. Ce serait tout à fait contraire à la réaffirmation
claire des accords antérieurs.
Je ne veux pas dire qu'à Doha les Parties n'étaient pas libres de
* 538
changer d'avis. Elles auraient pu réaffirmerleurs accords précédents - 35 -
avec une réserve expresse. Elles auraient pu dire asous la réserve de la
possibilité qu'au lieu de procéder par la voie d'un compromis, l'une ou
l'autre des Parties pourra présenter une requête unilatérale à la Cour
après la fin de mai 1991,.
Mais elles ne l'ont pas fait et, en l'absence de l'indication
explicite d'une dérogation à leur .intention..commun de'agir par la voie
d'un compromis, nous devons supposer quel'accord initial était maintenu.
Et tel devait avoir été le point de vue de l'Arabie saoudite. Sinon
pourquoi l'Arabie saoudite aurait-elleproposé aux deux Parties, en
septembre 1991, une version saoudie~e d'un compromis ? Et telle était
certainement l'intentionde M. Al Baharna quand il a ajouté le membre de
phrase aet à la procédure qui en résulte*. Ainsi, deux des trois membres
de la commission tripartitepensaient que l'accord pour rechercher un
compromis avait été maintenu.
Troisièmement : les Parties n'avaient pas précédemment envisagé
l'idée d'une requête unilatérale,même à titre subsidiaire : la question
n'a jamais été discutée à la commission tripartite. Nous sommes donc
autorisés à supposer que les Parties s'étaient mises d'accord au
préalable pour quela Cour ne soit pas saisie de cette manière. Elles
n'auraient pu revenir sur cet accord qu'en le disant explicitement.
Quatrièmement, la formule bahreinite était unesolution possible du
désaccord à propos de ].'articleII - sous réserve d'une nouvelle
discussion sur le point:de savoir si elle devait être élargie par
l'addition d'une ou de deux annexes et en quels termes.
L'acceptationpar le Qatar de la formule bahreïnite à Doha a paru
constituer un important pasen avant. Le Qatar a semblé être prêt à
l'accepterpour llartic:le II, sans aucune annexeet en laissant à chaque - 36 -
Partie le soin de formuler ses revendications sous le couvert général de
cette formule, conformément à l'intention initiale de Bahrein.
Cependant, ainsi que M. Weil le démontrera en détail, la simple
acceptation de la formule bahreinitene pouvait pas, en elle-même,
constituer une base nouvelleet suffisante de compétence. Il n'avait
jamais été prévu qu'elle le fasse, et elle ne pouvalt.pas-le faire. De
même, comme le montrera M. Jiménez de Aréchaga,la formule bahreinitene
pouvait pas être employée dansle cadre d'une requête purement
unilatérale. Elle était destinée à être utilisée dansle cadre d'un
compromis, l'idée essentielle étantqu'avec une formule généraleet
aneutres de ce genre, chaque Partie serait librede formuler ses propres
revendications.
Cinquièmement, les Parties étaient convenues d'inclure Zubarah parmi
les questions en litige : cela ressort trèsclairement de la réunion de
la commission tripartite du 6 décembre 1988.
Certainement, le Qatar avait réservésa position sur la possibilité
qu'il autorise Bahrein à contester la souveraineté - ou seulement à
revendiquer des adroits privés*. Mais, sous une forme ou une autre, il
avait été convenu que la question de Zubarah serait incluse.
La thèse du Qatar, très clairementexposée par M. Salmon mercredi
dernier (CR 94/3, p. 43-48) est que la question de Zubarahpeut-être
incluse. 11 suffit pour cela que Bahrein présente une nouvellerequête
se rapportant à Zubarah, qu'en fait il introduise une nouvelle instance
dont la Cour pourra ensuiteordonner la jonction.
Mais il suffit à la Cour d'observer avec quel soin le Qatar choisit
ses mots pour voir que, pour Bahrein, il s'agit d'un piège. Le Qatar
concède seulement quela Cour a compétenceprima facie pour la question - 37 -
de Zubarah. Le Qatar se réserve le droit de contester la recevabilité.
Soyez sûrs qu'il le fera !
Voilà précisément pourquoi, Monsieur le Président, Bahrein était
intransigeantsur la nécessité d'une soumission conjointepar la voie
d'un compromis. Avec la formule bahreïnite commearticle 2 d'un
compromis, le risque pour Bahrein que la--question de Zubarah soit exclue
aurait été réduit au minimum. Par contre, avec deux requêtes
unilatérales successives, Bahreincourt un risque. Il n'existe encore,
en réalité, aucun véritable accord entre les Parties sur l'objet de ce
différend, et le Qatar contesteratrès certainement la revendication de
Bahrein concernant Zubarah.
L'absence d'un compromis est bien entendu préjudiciable à Bahrein
sur d'autres points - par exemple l'articleV et le droit d'examiner
l'accord dans son ensemble avantsa ratification. Mon collègue M. Highet
traitera de ces questions.
Cependant, en tant qu'Etat souverain,Bahreïn a le droit de décider
que la manière dont il préfère que soit donné effet à l'engagementde
principe de 1987 de saisir la Cour est celle d'un compromis. Cette
décision s'appuie sur de solides raisons de fait mais, qu'elles soient
acceptées ou non, c'est la déclsion de Bahrein et elle doit être
respectée.
Monsieur le Président, telle sera la conclusion de mon exposé. Je
regrette d'avoir un peu empiété sur la pause-café. Puis-je vous-demander
de donner ensuitela parole à M. Jiménez de Aréchaga. - 38 -
Le PRESIDENT : Je remercie M. Bowett. Ce sera, je le comprends, un
moment bien choisi pour la pause-café habituelle. L'audience est
suspendue pour quinze minutes.
L'audience est suspendue de 11 h 30 à 11 h 45.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. J'appelle à fa.barre
M. Jiménez de Aréchaga.
M. JIMENEZ DE ARECHAGA : Monsieur lePrésident, Messieurs de la
Cour, le mémoire du Qatar, au paragraphe 4.12, admet au sujet de la
question du consentement un point important, dont nosamis représentant
04 2
. - l'autre Partie n'ont pas parlé.
Sous le titre aLes aspects essentiels du consentementw,le Qatar
évoque la nécessité du consentement commecondition de la compétencede
la Cour et il traite cette questionde trois points de vue, en
distinguant ce qil'ilappelle trois aspects essentiels*.
Je cite le mémoire du Qatar :
a11 faut considérer trois aspects essentiels du
consentement donnédans les accords de 1987 et de Doha :
premièrement, le consentementdes deux Etats en ce qui concerne
la soumission des différends à la Cour; deuxièznement, leur
consentement en ce qui concerne l'objet et la portée des
différends; et, trolsièmement,leur consentement à la saisine
de la Cour.*
Cette admission s~gnificativepar le Qatar de la nécessité d'un
triple consentement,est importante parceque Bahrein prétendqu'aucune
de ces trois conditionsn'est présente en cette affaire. MM. Bowett et
Lauterpacht ont démontré que la première formeou le premier aspect
n'existe pas en l'occurrence. Après moi, M. Weil montrera que Bahreïn ne
consent pas à la saisine unilatérale dela Cour. - 39 -
Il m'incombe donc de parler del'absence, en l'espèce, de la
deuxième formeou du deuxième aspect, à savoir le prétendu consentement
qu'aurait donné Bahrein sur cllobjet et la portée, du différend, tel que
le Qatar l'a porté unilatéralementdevant la Cour.
Je me propose de démontrer, Monsieur le Président, qu'il n'y a pas
eu, et qu'il n'y a pas de consentement de Bahrein -ur all.objet et la
portée du différend» tel que l'a défini unilatéralementle Qatar dans sa
requête à la Cour.
La considération fondamentale à l'appui de ma thèse est qu'en
indiquant à la Cour l'objet du différend, commele demande l'article 40
du Statut, le Qatar a unilatéralementmodifié cet objet en limitant la
portée du différend telqu'il avait été précédemmentdéfini pendant la
médiation, dans leprocès-verbalde 1988, où les deux Parties étaient
convenues de cinq questions qui constituaientce que les textes arabes
originaux qualifient, au singulier,de adifférend qui les oppose
actuellements (je me réfère au procès-verbalde 1990 et au procès-verbal
signé du 7 décembre 1988).
En enfreignant ainsi ce quiavait été convenu, la requête déposée
par le Qatar est viciée et par conséquent dépourvue de validité; à ce
titre elle ne saurait représenter le consentementde Bahrein et ne peut
donc conférer compétence à la Cour.
Pour développer monargument, je dois évoquer de nouveau, mais très
brièvement, certaines ententeset accords auxquelsles Parties étaient
parvenues au cours des négociations réalisées sous l'égide du médiateur.
Car le processusde médiation et de négociationmené par les Parties
sous l'égide du médiateur en vue de conclure un compromis n'a pas été
entièrement infructueux,comme l'a avancé le Qatar. - 40 -
Au contraire, il a permis de prendre certaines mesuresconcrètes, de
parvenir à certaines ententeset même de conclure certainsaccords,
ouvrant la voie d'une soumission conjointe de l'affaire à la Cour.
La première de ces mesures concrètes a été la définitiondes
*principespour un cadre de règlements proposés par le médiateue rn 1978
et adoptés par les Parties en 1983. Le premier de ces principes
prévoit :
*Toutes les questions en litige entre les deux Etats au
sujet de la souveraineté surles îles, des frontièresmaritimes
et des eaux territorialesdoivent être considérées commedes
questions complémentairesformant un tout indivisiblequi doit
faire l'objet d'un règlement d'ensemble.,
Il est vrai qu'à l'époque où ce principe a été adopté, il ne
s'appliquaitqu'à des questions de souverainetéportant sur des îles et
non à l'égard de &la terre fermes. Nous verrons cependant que ce premier
principe a plus tard englobéd'autres questions territoriales, en
particulier cellede Zbarah.
Au cours de la médiation, une deuxième et importante étapeen
direction de la conclusion d'un compromis a été l'accord intervenu entre
les Parties, sous les auspices du médiateur, à la sixième réunion de la
commission tripartite. Les Partles y sont convenues d'une énumération
des cinq points ouquestions qui définissaient al'objet et la portée du
différends à soumettre à la Cour. Si nos adversaires sont restés tout à
fait muets sur ce document, M. Bowett a déjà évoqué le textedu passage
pertinent du procès-verbaldu 7 décembre 1988. Celui-ci a été présenté à
la Cour par les deuxParties, avec leur version anglaise respective,qui
ne diffèrent que sur despoints de détail insignifiantset non pertinents
(voirp. 112, vol. 11 du contre-mémoirede Bahrein, et p. 139 de la
duplique). Je relis la traduction qatarienne dece document : ~1. La discussion a porté alors sur l'objectif qui
consistait à définir de façon exhaustiveles questions qui
seraient soumises à la Cour, à savoir :
1. les îles de Hawar, y compris l'île deJanan;
2. Fasht al Dibal et Qit'at Jaradah;
3. les lignes de base archipélagiques;
4. Zubarah;
5. les zones désignées pour la pêche des perles et pour la
pêche des poissonset toutes autres questions liées aux
limites maritimes.,
Puis, au paragraphe 2, le procès-verbal précise :
a2. Les deux Parties ont souscrit à cet énoncé.,
C'est bien un authentique procès-verbald'accord. La phrase
d'introductionet la déclaration finaleules deux parties ont souscrit à
cet énoncés sont soulignés dans laversion anglaise soumisepar le Qatar.
Toujours dans le texte du Qatar, les deux paragraphes enregistrant
l'accord sont numérotés 1 et 2, ce qui ajoute au caractère formel de ce
procès-verbalsigné.
Vers la fin de cette réunion,le Qatar a contesté la naturede la
demande et les motifs qu'invoqueraitBahrein au sujet de Zubarah. Au nom
du Qatar, M. Hassen Kamel a déclaré que :
aSi la nature de ce différend relatif à Zubarah était en
rapport avec la souveraineté,il ne serait pas acceptable de
faire figurer cette question sur la liste de celles qui seront
soumises à la Cour internationalede Justice. S'il s'agissait
seulement de droits privés(ou aparticulierss),llEtat du Qatar
n'aurait alors pas d'objection à cela.»
Pour sa part le représentant de Bahreina répliqué que ales
revendications ... relatives à Zubarah qui seraient portéesdevant la
Cour internationalede Justice seraient lesplus étendues qu'il soit
possible de présenter sanslimitations. - 42 -
Vu ces propos, on peut conclure que le Qatar a formuléune réserve à
au sujet de Zubarah, compte tenu des motifs que Bahrein comptait invoquer
à l'appui de sa demande.
Lorsqu'en 1990, à Doha, le Qatar a acceptéla formule bahreinite,
cette acceptation a entre autres eupour conséquence que le Qatar a
retiré sa réserve en ce qui concerne les revendicationsbahreinites à
l'égard de Zubarah. En effet, en acceptant la formule bahreinite, le
Qatar a consenti à ce que la Cour puisse, et je cite la formule,
atrancher toute question relative à un droit territorialou à tout autre
titre ou intérêt qui peut faire l'objet d'un différend entre elles,.
Cette formulation largevisait de toute évidence à englober dans toute
leur portée les revendications territoriales de Bahrein à l'égard de
Zubarah.
Ainsi, la présence de Zubarah parmi les cinqpoints ou questions qui
045
constituaient al'objetet la portée* du différend, tel qu'il avait été
défini le 7 décembre 1988, n'était plus contestée par le Qatar, quel que
fût l'objet de la demande que Bahrein pourraitformuler
En d'autres -.ermes,l'accord auquel on étaitparvenu le
7 décembre 1988, sous la forme d'une énumération approuvée de l'objet et
de la portée du différend, a été complété et paracheve par le retraitde
la réserve qatarienne. 11 a été confirmé et maintenu comme formant un
tout indivisible,un crèglement d'ensemblew,conformémentau premier
principe du cadre de médiation.
Ces trois élémentsconvergents,le premier principe du cadrede
médiation, l'énumérationapprouvée du 7 décembre 1988 des cinq questions
en litige et l'acceptationpleine et entière à Doha, en 1990, de la
question de Zubarah grâce à l'acceptationqatarienne de la formule - 43 -
bahreinite, doivent être prisen considération conjointement,car ils
influent les uns sur les autres et s'étayent mutuellement. 11 s'agit
d'éléments concomitantset interdépendantsqui contribuent à la
définition de l'objet et de la portée du diférend, dont la Cour devait
être saisie dans le cadre d'une affaire globale uniqueet au moyen de
quelque compromis.
En effet ce n'est que par la méthoded'une saisine conjointe,fondée
sur quelque compromis, que les trois instrumentsque j'ai mentionnés
pouvaient êtremis en applicationet respectés.
Et l'existencede ces trois accords n'a été ni méconnue ni oubliée
en 1990, à la conférence au sommet de Doha. Bien au contraire, ces
accords ont été confirmésau début même de cette conférence, en 1990.
Aux termes du paragraphe 1 du procès-verbalde Doha les Parties et
le médiateur aréaffirme[nt]ce dont les Parties sont précédemment
convenues*. Une telle réaffirmation,comme M. Bowett vient de
l'indiquer,visait tout ce qui avait été convenu précédemment,et pas
seulement le procès-verbalde 1987, comme le prétend M. Quéneudec
(CR94/2, p. 76).
L'indivisibilitédes cinq questions en litige, qui procède du
premier principedu cadre de médiation, est confirmée par l'accord
de 1987 qui fait référence à atoutes les questions en litige*. Elle est
également confirmée par le membre de phrase liminaire du procès-verbaldu
7 décembre 1988 où sont énumérées ces questions et où il est précisé que
les questions qui seraient soumises à la Cour adevraientporter
uniquement sur les points suivants ...s - 44 -
Ce membre de phrase signifieque l'expressional1objet et la portées
du différend ne visait que ces cinq questions, mais il exigeaiten même
temps que la Cour soit saisie simultanémentde toutes les cinq questions.
Dans le cas contraire, l'une des Parties serait autorisée à modifier
ce dont elles étaient convenues toutes les deux; une des Parties
acquérrait le droit de redéfinir à elle seule l'objet du différend en en
restreignant unilatéralement laportée convenue. Ainsi l'obligation
était de soumettre à la Cour les seulescinq questions mais en même temps
de les soumettre toutes. Ajouter des questions à la liste, ou en
retirer, constitueraitau même titre une violation du procès-verbal
approuvé de 1988.
Or, si nous prenons le procès-verbalapprouvé de 1988, et confirmé
par la suite, slagisant des cinq points ou questions en litige, et que
nous rapprochons ceprocès-verbalde la requête déposée par le Qatar en
l'espèce, nous constatons à l'évidenceque llEtat requérant s'est livré à
une violation volontairede l'accord précédemment concluen ce qui
concerne al'objet et la portées du différend.
Outre la question des llmites maritimes, le Qatar indique,dans les
conclusions qu'il formule dans la partie 1 du paragraphe 41 de sa
requête, les questions des aîles de Hawar* et des chauts-fondsde Dibal
et de Qit'at Jaradah* comme constituant le seulaobjet du différends.
Le Qatar omet entièrementde mentionner les lignes de base
archipélagiques,les zones désignéespour la pêche du poisson et des
perles, Zubarah et l'île de Janan. Aucune des cinq questions énumérées
en 1988 n'est prise en considération. Ainsi, par exemple, la liste
approuvée de 1988 ne qualifiait pas Jaradah de haut-fond. En le faisant,
le Qatar cherche à préjuger son statut. 11 appartiendra en définitive à - 45 -
la Cour de décider si Jaradah est un haut-fond ou une île, comme Bahrein
le soutient. Les quatre autres questionssont soit méconnues ou
tronquées,par exemple lorsque le Qatar omet de faire expressément
mention de l'île de Janan qui fait évidemment partiedes îles de Hawar
Une fois encore, cette omissionporte atteinte à la position de Bahrein,
car sur la liste de points litigieux de 1988, la Qatar avait accepté de
faire figurer l'île de Janan avec les îles de Hawar, bien qu'elle ne
rentre pas dans le domaine de la sentence britanniquede 1947.
L'explicationévidente de ces accrocsau procès-verbaldu
7 décembre 1988, surtout s'agissantde Zubarah, c'est que le Qatar, en
tant qu'occupant de facto de ce territoire,ne veut pas voir soumettre
cette situation à un examen judiciaire, tandisque, d'autre part, la
souveraineté légitimeet depuis longtempsétablie de Bahrein surles îles
de Hawar, y compris Janan, est contestée par leQatar devant la Cour.
Toutefois, adopter une telleattitude au service de soi-même ne saurait
justifier ni la violation de ce qui avait été convenu précédemment,ni le
préjudice causé à la position de Bahrein lorsde la procédure sur le fond
par les modifications de la liste convenue quej'ai relevées.
C 48 Point n'est besoin de rappeler à la Cour que l'article 40 du Statut
et l'article 38, paragraphe 1, du Règlement, obligent1'Etat demandeur à
indiquer, dans sa requête, .l'objet du différend*porté devant la Cour.
L'une des raisons dont s'inspire cette exigence réitéréeest que la
Cour doit vérifier si le consentemenn técessaire des deux Parties s'étend
ou s'applique en termes préciset exprès au différend porté devant elle.
Compte tenude l'existencede l'accord antérieur de 1988,
l'obligation,ainsi définie dans les textes, d'indiquer l'objet du
différend posaitun problème insolubleau Qatar, alors que celui-ci - 46 -
tentait de se présenter commeun demandeur unilatéral, qualifié pour
mettre en mouvement l'instance actuelle desa propre initiative. Le
Qatar a tenté de venir à bout de ce problème à l'aide d'une procédure
compliquée et illégitime.
Au paragraphe 40 de la requête, sous l'intitulé de la compétence,où
l'on s'attendraitnormalement à ce que l'objet du différend soit indiqué,
le Qatar ne mentionne pas les deux points litigieux géographiques qu'il
tente de porter devant la Cour. Le Qatar ne mentionne que les îles de
Hawar, ainsi que Dibal et Qitlat Jaradah, dans la première partie de sa
requête, au paragraphe 41. Il se réfère à ces deux questions dans les
conclusions, tout à la fin de sa requête, où il demande à la Cour de se
prononcer en sa faveur.
Il est donc permis de demanderceci :sur quelle base le Qatar se
fonde-t-ilpour indiquer l'objet du différend et permettre ainsi à la
Cour d'établir le consentement requis pour qu'elle statue sur ce
différend déterminé ? Voilà le problème que le Qatar avait à résoudre.
@ 044 A l'évidence, le Qatar ne pouvait se fonder sur l'énumérationqui
figure dans le procès-verbal approuvé du 7 décembre 1988, auquel il ne se
conformait pas.
La réponse que le Qatar trouva pour sortir d'embarras fut d'invoquer
la formule bahréinite, une formule qui était destinée à jouer, dans le
cadre d'un compromis, un rôle tout à fait différent.
Au paragraphe 40 de sa requête sous l'intitulé acompétencew,le
Qatar déclare :
aLe Qatar ayant accepté la formule bahreînite (voir
l'annexe 5), les parties sont maintenantd'accord aussi sur
l'objet et la portée des différends à soumettre à la Cour., - 47 -
11 s'agit là d'une simple affirmation, dépourvuede fondement en
fait et en droit. Quand il invoque la formule bahréinite, le Qatar
essaie de tirer parti deson caractère généralet abstrait, car la
formule mentionne atoute question qui peut faire l'objetd'un différends,
sans préciser concrètement des désaccords spécifiques. Ensuite, le Qatar
s'efforce de combiner ce caractère de1a.formufe--bahréïnita evec le -choix
de deux seulementdes cinq points litigieux définis dans le procès-verbal
convenu du 7 décembre 1988.
Sur quoi le Qatar fonde-t-ilcette prétendue expressiondu
consentementde Bahreïn ? Je le répète : incapable d'invoquer le
procès-verbaldu 7 décembre 1988, le Qatar recourt à la formule
bahréinite, comme s'il y figurait que Bahrein consent à voir contester et
mettre en cause devant la Cour sa souveraineté indiscutablesur les îles
de Hawar, ainsi que Dibal et Qit'at Jaradah.
Or, Bahrein n'a jamais consenti, par la formule bahréinite ou
autrement, à porter devant la Cour ses droits souverains sur ces parties
essentielles de son territoire que sont les îles de Hawar, ainsi que
Dibal et Qit'at Jaradah. Selon sa fonnule, et se fondant sur le
procès-verbal du 7 décembre 1988, Bahrein n'était disposé à se présenter
devant la Cour que dès lors que celle-ci examinerait et trancherait
Pgalement ses propres prétentions sur Zubarah, 1 'île de Janan qui fait
partie du groupe d'îles de Hawar, les lignes de base archipélagiques et
les zones désignées pour la pêche des perles et celle des poissons, et
cela en même temps, au cours de la mêmeprocédure judiciaire, et à
condition de comparaître sur un pied d'égalité. Bahrein a droit à ce que
cet ensemble précis de conditions de procédure soit respecté en
application non seulement du procès-verbal du 7 décembre 1988 et de la -48 -
fonnule bahreinite, mais aussi du premier principe pour un cadre de
médiation, déjà cité, qui exigeait que ctoutes les questions en litige*
fassent al'objet d'un règlementd'ensemble*.
On ne saurait considérerque l'emploi abusif de la formule
bahreinite par leQatar, jointe au fait qu'il ne conserve que deux des
cinq points du procès-verbal de 1988, permet d'établir leconsentement de
Bahrein à ce que les différends spécifiquement retenus par le Qatar
soient soumis à la Cour.
Sinon, la partie demanderesse seraiten mesure de choisir à son gré
les questions en litige qu'elle souhaite porter devant laCour, tout en
évitant de lui faire trancher lespoints litigieux reconnusqu'elle ne
veut pas lui soumettre.
Ce n'est pas une solutiond'affirmer que le défendeur est libre de
déposer une requête de son côté ou de faire valoir des prétentions
distinctes au cours de la présente procédure. Lefait est que la
démarche unilatéralechoisie par le Qatar rend impossible,d'un point de
vue pratique, de respecter le premier principe pourun cadre de
médiation, qui stipule que *Toutes les questions en litige ... doivent
être considéréescomme des questions complémentaires formant un tout
indivisiblequi doit faire l'objet d'un règlement dlensemble.w
En outre, la réponse du Qatar selon laquelleil est loisible à
Bahrein de déposer une requête et de faire valoir ses prétentions
témoigne qu'il n'y a pas compétence obligatoire enl'espèce. Si la
soumission de l'ensembledes questions en litige, que requiert
l'article 40 du Statut, dépend d'un acte ultérieur, volontaireet
discrétionnaire deBahrein, il n'existe pas pour le moment de compétence - 49 -
obligatoire en l'espèce en se fondant sur la requête déposéepar le Qatar
auprès de la Cour.
La formule bahreiniten'a jamais envisagé que leQatar, agissant
unilatéralement, puisse choisir à son gré parmi les pointsou questions
en litige ceux qu'il souhaitait soumettre à la Cour, tout en se réservant
le droit de contesterla recevabilitédes prétentions .tt.demandes
reconventionnellesde Bahrein. Nous avons tous entendu, à la troisième
audience, M. Salmon énumérer les diverses objections que le Qatar
élèverait à l'encontre de la recevabilitéde la demande relative à
Zubarah. Mais ce serait là une nouvelle entorse à l'accord du
7 décembre 1988 énumérant les cinq pointsconstitutifsdu différend. Le
principal objet, la raison d'être de cette liste établie d'un commun
accord était d'empêcher chacune des Partiesde s'opposer à la
recevabilitéde l'une quelconque des questions énumérées. Le faire
serait fausser sans justificationl'équilibreinhérent à la formule
bahreinite et au procès-verbalde 1988.
Pour fairebon usage de la formule bahreinite, il aurait fallu
l'insérer dans ua compromrs, en y joignant l'énumérationconvenue des
cinq questions en litige, ainsi que l'avait fait Bahrein dans l'article 2
du projet decompromis proposé au Qatar le 20 juin 1992 comme fondement
d'une saisine conjointede la Cour.
L'on voit donc que la formule bahreinite devait êtrecomplétée,
devait être *remplie*,par l'indication des questions spécifiques que les
deux Parties étaient convenues de soumettre à la Cour ou par une
autorisation conjointeet préalable donnéeaux deux Parties pour
présenter leurs propresrevendications, sur unebase d'égalité absolue,
dans leurs mémoires parallèles respectifs. Il est évident que ce - 50 -
processus consistant à parachever la mise en oeuvre de la formule
bahreinite ne pouvait pas s'effectuerpar la voie d'une requête
unilatérale présentéepar une seule des Parties, car la liste des
questions en litige avait été établie par les deux.
Un lien devait être établi entre la formule bahreïnite et les
cinq questions énumérées dansle procès-verbalde décembre 1988, et il ne
pouvait l'être que par un acte conjointou convenu préalable,comme
l'acte de Lima ou l'accord conclu dans l'affaire du Canal de Beagle.
Les Parties ont avancédes interprétations divergentes dela
signification d'un membre de phrase que Bahreïna réussi à introduire
dans le cadre des deux modifications crucialesqu'il a apportées aux
deux projets qui lui ont été présentés à la conférence au sommet de Doha.
Ce membre de phrase se référait à la nécessité de se conformer aà la
procédure qui en résultes.
Le distingué agent du Qatar, en sa qualité de conseil, a affirmé que
le membre de phrase en question signifieque ales Parties s'en remettront
au Règlement de la Cour pour régir la procédures (CR 94/3, p. 39). Cette
assertion vient en réalité à l'appui de notre thèse car ces dispositions
de procédure consistaient précisément à établir un lien, de manière à
compléter la formule par l'énumérationdes questions en litige pour
respecter l'article 40 du Statut et le paragraphe 1 de l'article 38 du
Règlement de la Cour. L'absence de ce lien, consécutive à la violation
par le Qatar de de qui avait ét6 convenu dans le procès-verbalapprouvé
du 7 décembre 1988, entraîne la nullité de la requête du Qatar, le défaut
de consentementde Bahreïn sur l'aobjet et la portées du différend et,
par conséquent, l'incompétencede la Cour dans cetteaffaire. Je vous remercie, Monsieur le Président, de votre patience et de
* g 53
votre attention. Je vous demande de bien vouloir donnermaintenant la
parole à mon collègueM. Weil.
The PRESIDENT: Thank you very much Professor Jiménez de Aréchaga, 1
give the floor to Professor Prosper Weil.
Mr . WEIL:
QATAR'S APPLICATION WITH RESPECT TO THE
"GENERAL PRINCIPLE OF CONSENSUAL JURISDICTION"
Mr. President,Members of the Court,
The Government of Bahrain, and its Agent, His Excellency
Dr. Al Baharna, have entrusted me with the task ofconsidering Qatar's
Application in the light of what the Chamber of the Court recently termed
the "generalprinciple of consensual jurisdiction" (Land, Island and
Mari rime Frontier Dispute (El Sa1 vador/Honduras), I. C. J.Reports 1990,
p. 133, para. 94). 1 am keenly aware of the trust they have placed in
me, and 1 thank them for thus giving me the privilege to take the floor
before the Court today
Under the title "The Three Essential Aspectsof Consent", the
Mernorialof Qatar listed, as my eminent friend,
Professor Jiménez de Aréchaga has just noted,:
"First, the consent of both States to refer the disputes to the
Court; second, their consentto the subject and scope of the
disputes; and third, their consentto the seisin of the Court"
(MQ,para. 4.12).
That analysiswas perfectly accurate. Forthe Court to be competent
to rule on Qatar ls Application, a triple agreement would have to be
9 54
reached: an agreement, to begin with, on the settlement of the disputes
qb/~~94/5/069/trad - 52 -
by the Court; then an agreement on the subject and scope of the disputes
to be submitted to it; lastly, an agreement on the possibility for each
of the two Parties to seisethe Court unilaterallyby the filing of an
application. These three elementsof the consent are indissociableand
must al1 three be present; if one of them is lacking, the Court is not
competent to rule on the application.
However, it would seem that, in its first written pleading, Qatar
merely pays lip-service to the idea thatan agreement to seisethe Court
is a condition as essential to the Court's jurisdictionas consent to a
legal settlement, on the one hand, and consent to the subject and scope
of the disputes, on the other hand. After all, as Qatar was to explain
to us later on, the choice of the method of seising the Court is merely a
procedural questionof minor importance. Since the Parties are agreed
about what, according to Qatar, is really the essential, namely, the
principle of recourse to the Court and thedeterminationof the disputes
to be subrnittedto it, is lt reasonable to prevent the Court £rom
exercising its jurisdiction on accountof unimportantprocedural
considerations (cf.Application institutingproceedings,para. 40;
MQ, para. 5.74; RQ, para. 4.10)? 1s it necessary for the Court to
verify, distinctly and speclflcally,whether the Parties have also agreed
to unilaterally seisethe Court?
At the same time, Qatar was increasingly tominirnizeits consent to
seise the Court and place the weight of its argument on the alleged
presence of the two other elementsof consent, namely, consent to a legal
0 55
settlement and consent as regards the subject and ssope of the disputes.
The Bahraini formula, in which Qatar would like to see agreement of the
Parties on the subject and scope of the disputes to be submitted to the - 53 -
Court, was thus to occupy a central place in its tactical approach, and
it was in the Bahraini formula that it would claim to find a legal title.
1 propose to divide my statement into twoparts.
In the first part, 1 shall analyse the three componentsof consent
to jurisdictionidentified by Qatar itself, seeking to establishwhether
each of these conditions has been met or not: 1 shall be very kief on
the first two conditions, alreadyreferred to by my colleagues,and shall
deal in greater detail with the third condition,namely, consent to seise
the Court.
1 shall then turn, in the secondpart, to the title of jurisdiction
on which Qatar claimsto base its application,namely, a Bahraini formula
analysed both as something resembling a special agreementand as
something resemblingan arbitration clause.
1. THE THREE ESSENTIAL ASPECTS OF
CONSENT TO JURISDICTION
1 shall thereforebegin wlth the three elements constitutingconsent
and with the consent to legal setzlement first.
A. Coneent to Legal Settlement
Submitting a dispute to the Court is one of the methods available to
States for a peaceful settlement; it is not the only method, and the
fundamental principle remains that of free choice, set out in Article 33
of the United Nations Charterand in numerous other instruments. The
decision by the two Parties to opt for this type of settlement, in
preference to any other, therefore constitutes the necessary, sine qua
non, condition of the Court's jurisdiction. - 54 -
However, a necessary conditiondoes not mean a sufficient condition.
An agreement in principle by two governments to resortto legal means
remains disembodiedand unlikely to be implernented so long as the parties
have not agreed aboutthe subject of the dispute to be submitted to the
Court and about the question whether theywill submit it to it jointly by
special agreementor unilaterally by application. At:the.:most, one is
faced here with what might be called, borrowing thisconcept from another
field of internationallaw, an inchoate title, an imperfect titleof
jurisdiction. Most recently, Qatar would appear to have accepted this
analysis (CR 94/1, p. 49).
1 shall not dwell any further on this first aspect of consent, which
my friend ProfessorBowett has discussed.
B. Consent to the Subject and Scope of the
Diepute to be submitted to the Court
As regards the second essential aspectof consent - consent as
regards the subjectand scope of the disputes to be submitted to the
Court - Qatar contends that its consent to the Bahraini formula
"incorporatedut?~elatter into the so-called Doha agreement and that the
upshot of this "incorporatron".on which it never tires of dwelling isee
for example MQ, paras. 1.03, 4.51, 4.55, 5.69; RQ, para. 4.07; CR 94/1,
pp. 26 and 271, is "that consent was given by Qatar and Bahrain in the
Doha Agreement in respect of the subject and scope of the disputes to be
decided by the Court" (MO,para. 4.56).
As Professor Jiménez de Aréchaga has just shown, analysis of the
Bahraini formula as an agreement of the Parties on the subject and scope
of the disputes to be decided by the Court is a misinterpretation, which
completely distorts this formula. - 55 -
No, it was not the object of the formula proposedby Bahrain and it
was not the effect of the assent given by Qatar to this formula to
determine in a general way, in abstracto, the disputes that the Parties
had agreed to submit tothe Court. What Bahrain proposed in 1988, and
what Qatar accepted in 1990, was a wording for Article II of the special
agreement under discussion, an article intended-to--define.the.questions
on which the special agreementwould invite the Court to rule. As my
colleagues have show, this was an ingenious and "neutral" formulation,
which to some extent expressed agreementon disagreement on the questions
to be submitted to the Court. If a special agreement incorporatingthe
Bahraini formula had been concluded, the situation would have been
similar to that in the Beagle Channel case, though with one nuance,
namely, instead of itself setting out the different questions of the two
Parties as in the Beagle case, the special agreement would have
authorized Bahrain and Qatar each to put their own questions during the
proceedings.
358 It is clear that this truth troubles ouropponents. For this
reason, they have sought to obscure it by contending that the text of the
Bahraini formula "was never included in any of Bahrain's proposals for a
draft special agreement tabled in the Tripartite Committee"
(MQ,para. 4.54). If the Court refers to the account given by Qatar
itself, in its written pleadings,of the background to the dispute, it
will find that the formula proposedby Bahrain to get the negotiations
out of the impasse was discussed by the Tripartite Committeeduring its
fifth and sixth meetings, in November and December 1988, in the context
of the negotiations witha view to the drawing up of a special agreement
(MQ,paras. 3.48 and 3.50; RQ, paras. 3.33 and 3.38). Professor Bowett - 56 -
has elucidated thispoint. To claim that the Bahraini formula has no
direct relation to the negotiationsfor the special agreementis a
flagrant parody of the truth.
We must therefore welcome the factthat, in other passages in their
pleadings, our opponentshave acknowledged that the Bahraini formula was
intended for insertionin a larger instrument,as .one-ofthe provisions
of a special agreement whichwas to include many others: "the Bahraini
formula was first devised tobe inserted in a special agreement"
(MQ,para. 5.68; cf. RQ, para. 3.501, as Qatar recognized.
In reality, this is the one and only trueobject of the Bahraini
formula. To claim, as our opponents do, that by virtue of the assent
Qatar gave in Doha to the Bahraini formula, the Parties now agree on the
subject and scope of the disputes to be submitted to the Court, is at the
very least an oversimplificationand a travesty of the truth. As we
shall see below, Qatar is even less justified in elevating theBahraini
formula to the status of an agreement whichstands on its own and which
could constitute a title of lurisdiction.
1 now come to the thirdelement in consent, consent to seise the
Court, and more precisely, to seise the Court unilaterally.
C. Consent to Unilateral Seisin
1. Qatar's wavering contentions: fromimplicit consent to
presumed consent and from preeumed consent to
inoperative consent
With this third aspect of consent to the jurisdictionof the Court
Qatar is visibly il1 at ease.
On the one hand, Qatar maintains thatthe Parties implicitly agreed
at Doha on the option each one would have, upon the expiration of a - 57 -
moratorium of £ive months meant to give a last chance to the mediation by
the King of Saudi Arabia, to seise the Court by application of the
aspects of the dispute that are of particular concern toit:
"the Doha Agreement, Qatar States in its Reply, records the
Parties1 implicit consent to seisin of the Court inany manner
allowed by the Statute and Rules of the Court ..." (RQ,
para. 4.101).
My colleagues have done justice to this thesis of a consent that,
although implicit, is none the less a reality. Qatar itself underlines
the fact that throughoutthe post-1987 negotiations Bahrain continually
insisted on the need for the conclusion of a special agreementin order
to enable the Parties to seise the Court jointly (CR 94/2, p. 34; cf.
p. 17). How could the "completebreakdownl'(CR 94/1, p. 51) of the
negotiation described by Our opponents, of the negotiatjon that aimed at
the conclusion of a special agreement, miraculously be transformed at
Doha into an agreement, however implicit,empowering each of the Parties
to seise the Court separacely? How can one even for a moment imagine
that so revolutionarya change of the negotiating process followed since
the end of 1987 could have been effectedimplicitly,by a text that is so
discreet and lacking in any speciflc mention? How could one fora moment
imagine that Qatar could haveaccepted that so far-reachinga concession
on the part of Bahrain could be brought about by so ambiguous a formula?
How then can one speak of implicit consentto unilateral seisin
when, as my friend Professor Lauterpacht has recalled, at Doha Bahrain
twice expressly opposeda proposa1 to the effect that the Court could be
seised by either one of the Parties? Bahrain's opposition to that
proposal, which Qatar does not contest (RQ,paras. 3.66 and 4.75), even
though Qatar's statements have sought to minimize its scope (cf. CR 94/3, - 58 -
p. 20), is undoubtedly of decisive importance. For everyoneknows that
jurisdictional clausesof this type are never adopted by a government
lightly and without due consideration: this is illustratedby the
Fisheries Jurisdiction case.
In truth, there is no case at al1 for consideringthat at Doha
Bahrain did an implicit about-turn and-that there exists a-common consent
to unilateral seisin. Paraphrasingthe Judgment in the Aegean Sea
Continental Shelf case (1.C.J. Reports 1978, p. 43, para. los), 1 would
certainly be inclined to Say that nothing in the terms of the Doha
Minutes evidencesa change of position on the part of the Governmentof
Bahrain in regard to the conditions under which that Government was ready
to agree to the submission of the dispute to the Court.
While maintaining that the Doha Minutes ernbodythe Parties' implicit
but genuine consent to unilateral seisin, but no doubt aware of the
weakness of this contention,Qatar has put forward pari passu, by way of
fall-back positions as it were, two other cornpletely different
contentions,namely that of consent to unilateral seisin that would be
rnerely presumed, and that of consent to unilateral seisin which would not
be required by law, which would become legally inoperative. It is to
these last two versionsof the position of Qatar - that of presurned
consent and thatof legally lnoperativeconsent - that 1 would now like
to turn.
The theory of the so-called free choice of the mode of seisin
These two versions havea common starting-point: the theory of
silence equated with freedom of choice. Admittedly, the parties may,
Qatar explains to us, provide for the settlement of a dispute by the
Court and at the sarnetime agree on the procedural modeof seisin. But, - 59 -
it adds, if they merely provide for a settlement by the Court without
adding any "special provision" (MQ,para. 464) regardingthe mode of
seisin, the choice of the seisin procedure is left to the parties:
recourse may then be had to special agreement and application alike.
Such, argues Qatar, is the situation in Our case. Since the
1987 Agreement and the Doha Minutes did not-specify the-procedurefor
seising the Court, the choice of the mode of seisin remains, Our
adversaries claim, "entirelyopen"; it has been "left to the Partiesw,
and Qatar was consequentlyentitled to choose the course of the
362
unilateral requestas well as that of the special agreement (see, for
instance, MQ, paras. 4.64; 5.42; RQ, paras. 3.02; 3.72; 4.43; 4.101;
6.07; 6.16; CR 94/2, pp. 62-63).
Why then, Mr. President,would the silence of the parties as to the
mode of seisin leave them the choice betweenthe joint and the unilateral
course? Qatar gives no clearanswer to this question and seems to waver
between two courses.
In an initial variant, it suggests that failing any special
provision stipulatingthe conclusion of a special agreement, the parties
are presumed to have accepted the possibility of unilateral seisin. What
is claimed to be applicable, ln short, is the civil law adage: "Silence
gives consent".
But Qatar does not leave the matter there. In a second, more
radical, variant the linkage with the principle of consent is severed:
consent is no longer presumed; it becomes legally superfluous. So much
so that when it referred oncemore, in its Reply, to the issue of the
essential aspects of consent that it had studied in its Memorial, Qatar
simply omitted anymention of consent to seisin (RQ,para. 4.86). The - 60 -
same attitude of silence was adopted by Sir Ian Sinclair since, while he
dealt in detail with the consent of the parties to judicial settlement
and with their consent tothe subject and scope of the disputes (CR 94/1,
47 and 501, he did not Say a word - not a word, 1 repeat - about
pp.
consent to seisin.
As to Professor Quéneudec, he explicitly affirmedthat while "the
competence of the Court depends on the will of the parties", the mode of
063
seisin "does not necessarily havethe same voluntarist basisl1 (CR 94/2,
Jurisdiction,Qatar contends, is governed by the principle of
consensual jurisdictionof Article 36 of the Statute, while seisin is
governed exclusivelyby Article 40, which does not make the choice
between the special agreementor application dependenton the consent of
the parties. This choice, it argues, is purely "pr~cedural~a ~nd "formal"
in character; and since the parties have not expressly stated in our
case the mode of seisin to be used, the two coursesprovided for in
Article 40 were equally open (MQ, paras. 4.57-4.64; RQ,
paras. 4.96-4.103). This theory of the question of seisin, a mere
"procedural" question,was carried to an extreme by my friend
Professor Quéneudec, since he contended that it sufficed for unilateral
seisin not to be "ruled outM - that is the expression he used - for it to
be possible (CR94/2, pp. 62-64).
Bahrain, 1 need hardly repeat, accepts none of the premises of this
reasoning. But let us for a moment, for the sake of argument, follow
Qatar in its line of thinking. Even if there had been unconditional
agreement by the parties regarding settlementby the Court, even if the
parties had been in agreement over the determinationof the disputes, - 61 -
even if the parties had not contemplated anything as regards the mode of
seisin, even then there could be no accepting the Qatari argument that
the choice of the mode of seisin would have remainedopen, and less still
that unilateral seisinwould have beenpossible simplyas a result of its
not having been "ruled out".
An observation is in order.in this respect. -When Qatar alludes to
freedom of choice of the mode of seisin, it presents the issue in an
abstract and unrealistic way. It gives the impression that the two modes
of seisin - special agreementand application - are on the same plane and
that choosing one is equivalent to choosing theother. Quite clearly,
however, this is not so and the equivalence that Qatar seeks to sanction
between joint seisin and unilateral seisin constitutesa false symmetry.
For what does this free choiceof which Qatar speaks mean in fact?
That after decidingby comrnonconsent to refer a dispute to the Court,
two parties may concur on the terms of a special agreement, this is quite
clear and presents no difficulty. Concretely, the issue is solely
whether, failing any special provision onthe mode of seisin, one of the
parties can go ahsad on lts own and refer the dispute to the Court
unilaterally. It is not consent to seisin of the Court, one way or the
other, that is being queried; it is consent to unilateral seisin. In
the guise of freedom of cholce, Qatar's contention boils down in reality
to maintaining that the silence of the parties on the mode of seisin
presupposes, or brings about, the possibility for eachof the parties to
seise the Court by means of a unilateral application. 2. The error in the Qatari argument: the general
principle of consensual jurisdiction requires
p une qui voca and "indisputableu consent to
unilateral seisin
To pinpoint the fundamentalerror vitiating Qatar's theory, 1 shall
begin with itsmost extreme variant, that whereby the choice of the
procedural method of seisin is immaterial in the light of the general
principle of consensual jurisdiction.
It is indisputable,and 1 do not need to insist thereon, that
jurisdictionand seisin are two differentconcepts, as show by the
Nottebohrn case (I.C.J. Reports 1953, p. 111). It is on this distinction
that rests, in particular,the forum prorogatum doctrine, whereby the
Court may have been validly seisedof an application even whenits
jurisdiction in the case has been acquiredonly subsequently,through the
assent of the respondent State. But £rom there to asserting, as does the
other Party, that the mode of seisin is merely a "procedural"matter and
that, as such, it does not rest upon "the same voluntarist basis"
(CR 94/2, p. 63) that is a step for which there is no justification. As
Sir Gerald Fltzmauriceobserves, "lf a tribunal has not been duly seised,
it 1s incompetent to hear the case" (The Law and Procedure of the
International Court of Jüst~ce, Cambridge, Grotius, 1986, Vol. 11,
p. 440). It is as simple as that: consent to seisin is a prerequisite
to jurisdiction.
3 6 6 ~he choice of the mode of seisin, i politicaï uid diacrrtionary deeision
The Qatari position rests upona complete misunderstandingof the
philosophy of judicial settlement inthe internationalsystem. The Court
will pardon me a rather academicdigression,but one that seems to me to - 63 -
go to the heart of Our case. As the French jurist Maurice Hauriou said,
there is philosophy behindthe most trifling party wall proceedings.
In contendingthat consentto seisin is not required so rigorously
as consent to judicial settlement andconsent to the subject and scope of
the disputes, Qatar misunderstandsthe basis and raison d'être of the
principle of consensual jurisdiction. Eventhough jurists-arenaturally
inclined to give pride of place to judicial settlement, a realistic view
of things prompts one todiscard any judicial fetishism and toaccept
that other modes of peaceful settlement coexist withjudicial settlement.
According to the well-known formula, judicial settlement is "an
alternative to the direct and friendly settlementwof the conflicts
between the parties (Free Zones, P.C.I.J., Series A/B, No 42, p. 116),
"some alternative method, which must, however, be based on consent"
(Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of Maine Area, I. C.J.
Reports 1984, p. 292, para. 89; cf. Frontier Dispute (Burkina Faso v.
Mali), I.C.J. Reports 1986, p. 577, para. 46). Judicial settlementis
therefore in the hands of the parties: it takes place whenthe States so
desire, it takes place to the extent accorded theretoby the States, and
it takes place in the form that theStates give it.
The choice by a State of judicial settlementconsequently pertains
to its discretionarypower. It is a political choice. The Court
recently recalledthat optional declarationsof Article 36, paragraph 2,
of its Statute "are facultative,unilateral engagements, that States are
absolutely free to make or not to make1# (Mili tary and Paramili tary
Activi ties in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of
America), I.C.J. Reports 1984, p. 418, para. 59). This observation holds - 64 -
good for any consent to the jurisdictionof the Court, whether based on
Article 36, paragraph 2, or on Article 36, paragraph 1.
A discretionary decision pertaining to a political option, 1 said
just now when speaking of the decision to have recourse to settlernent by
the Court in preference to any other mode of settlernent. But - and here
we corneto the core of the debate - this political and.dxscretionary
character is not less certain whena government has to choose between
joint and unilateral seisin. The sovereigntyof the parties is involved
in either instanceand considerationsof national interest may in each
case dictate the particular decision. While, as recalled in the Manila
Declaration (resolution 37/10 of 15 Novernber 19821, it is a principle
that recourse to judicial settlement should not be considered an
unfriendly act, and, as the Agent for Qatar rightly said, being exposed
to the written applicationof another State can in no way be regarded as
a "dishonour" (CR 90/1, p. 15; cf. 94/3, p. 42). it is still the case
that a government may have overriding political reasons for preferring
joint seisin to unilateral seisin. Any State is free to seek the
solution to a dispute in accordance with the procedure that it finds
appropriate.
Professor Sa1rnoxh .is trled to convince the Court that Bahrain has
nothing to fear from unilateralseisin and has no reason to be so
doggedly attachedto joint submission (CR 94/3, p. 41 et seq.). That is
not where the problemlies. The choice of Bahrain pertains to its
prerogatives as a sovereign State and is not open to discussion.
Mr. President, the two procedures, for that rnatter,are not
equivalent - my friend Mr. Highet will come back to this. Seisin by
special agreement presupposes agreement by the parties on the questions - 65 -
to be subrnittedto the Court. And even when the aspectsof the dispute
that the two parties wish tobring before theCourt do not coincide
entirely, as in Our case, seisin by special agreementoffers a whole
range of solutions making it possible to assure each of thernthat those
aspects of the dispute whichinterest it more particularly will indeedbe
brought before theCourt. The special agreement may, for -example,
enurnerateone by one and in detail al1 the aspects of the dispute and
include thernall, explicitly, in the question put. The special agreement
rnayalso, as was the case in the Beagle Channel arbitration,mention two
distinct questions, one put by one of theparties and the other by the
other party. The special agreement rnayfinally, as would happen if a
special agreementincorporatingthe Bahraini formula were signed in Our
case, include an open and flexible clause enabling each party tosubrnit
those aspects of the dispute with which it is particularly preoccupied.
Formulae of this kind, each more resourceful than the next, al1 enable
the various aspects of one and the sarnedispute to be covered in the
selfsame ordinary proceedings.
The unilat~ral appllcatlon,on the contrary, leads to a situation in
which is it essentlally up to the applicant to define, by his
submissions,the contours of the dispute upon whichthe Court will have
to decide. To be sure, Qatar maintainsthat the Bahraini formula is wide
enough to cover the clalrnsasserted in its Application and that Bahrain
is free to subrnltto the Court other aspects of the dispute, in
particular the problernof Zubarah, by filing an application of its own
(MQ,paras. 1.04, 1.08, 4.42, 5.66, 5.78-5.82; RQ, para. 4.115;
CR 94/1, pp. 26 and 28; CR 94/3, pp. 43 fi.). However, as
Professor Bowett has pointed out, those statements are accompaniedby - 66 -
cautious reservationsas to the admissibilityof such requests (MQ,
para. 5.78; RQ, para 5.04; CR 94/3, p. 50).
In any event, if Bahrain had filed its own application, the Court
would have had to deal with two distinct cases - even though it might
order a joinder of the proceedings - whereas the essenceof the Bahraini
formula was preciselythat it enabled each Party to submit certain
aspects of the dispute to the Court within the framework of one single
case.
Mr. President, Qatar never ceases £rom playing upon words,
systematically maintaining misunderstandings about the relation between
the distinct questionsthat the two Parties might have been able toraise
on the basis of a special agreementincluding the Bahraini formula, and
the separate submissions theymight have beenable to present in two
distinct applications. As the Parties agreed in Doha to consider certain
specific questions, says Qatar, why should one object to those questions
being made the subject of two specific applications?
But, Mr. President, the expression "two questions" is not synonymous
with "two applic.~tions".To formulate two distinct questions inside and
within the framework of a slngle action brought by the notification of a
single instrument is not the same thing as formulating two distinct
claims within the framework of two distinct cases, brought by two
applications institutingautonomous proceedings - unless, of course, such
a scenario has been provided for ina mutual agreement betweenthe
parties, as in the Asylum case and in the other cases to which 1 shall
have occasion to refer at a later time.
The allegationuntiringly repeated by Qatar to the effect that the
claims made in its Application remain withinthe limits of the Bahraini - 67 -
formula, that Bahrain is free to add its own claims - in particular the
one relating to Zubarah - to those of Qatar by filing its own application
and that Bahrain is quite wrong to cast itself in the role of a martyr
(CR 94/3, p. 43) - that allegation is invested with a false simplicity.
The problem is not only quantitative,one claim being added to another;
it is also qualitative. The ideaof additional-claimsbecomes
meaningless when one contemplates Qatar's claims regardingDibal and
Qitqat Jaradah and the maritime delimitation. When it refers to Dibal
and Qit'at Jaradah as Hshoalsnand when it asks the Court to draw the
maritime boundary "with due regard to the line dividing the sea-bed of
the two States as described in the British decision of 23 December 1947",
the Application of Qatar prejudges and directs the discussionby raising
the question in terms to which Bahrainhas never consented and which
cannot be said to be "within the formulaw (MQ, para. 5.78).
Consent to seisin by means of an application,an essential zomponent of
the general principle of conseneual jurisdiction
From the comments 1 have just made one essential consequence
follows: the choice of the mode of seisin is not merely a "procedural
question". It is a question of jurisdiction, governedby the
requirementsof the principle of consensual jurisdiction. Unilateral
seisin is only possible if the parties haveconsented to it. Unilateral
seisin does not constitute the "defaultosolution, as computer
specialists say in their jargon, but rather the joint seisin of the
Court, and there has to be a clear and common will of both parties to
authorize the unilateral referralof a dispute.
It will, then, be understood that the Court has alwaystreated the
faculty to refer (or not to refer) a case by means of an application as a - 68 -
question of jurisdiction of the Court ratherthan as one of admissibility
of the application. Itdid so, for example, in the Nottebohm case
(I.C.J.Reports 1953, p. 122). Moreover, when, in the case concerning
the Aegean Sea ContinentalShelf, it had to determine whetherthe
decision of Greece and Turkey to have their case settled by the Court was
such as to enable each of the parties to seise the Court by rneansof an
application, it did not ask itself whether the Application filedby
Greece was admissible; it dealt with the matter on the plane of
jurisdiction. Moreover, the operative part of the Judgment does not
declare that the Applicationof Greece is inadmissible,but that the
Court "is without jurisdiction to entertain[it] (I.C.J. Reports 1978,
p. 45, para. 109). Better still, in the Judgment in interpretationof
the ~unisia/Libyacase, the Court found that:
"parties to treaties or special agreements are free to make
their consentto the seisin of the Court, and hence the Court's
jurisdiction,subject to whatever pre-conditions,consistent
with the Stat.iitea,s rnaybe agreed between thernn
(I.C.J.Reports 1985, p. 216, para. 43; ernphasisadded) .
This could not be any clearer. The fact that the Court hasconsistently
treated consentto unilateral seisin as a question of jurisdiction is, in
my view, one that should be ernphasized.
If you think it would be a good idea, Mr. President, 1 can stop
here - if not 1 can continue. As you wish.
The PRESIDENT: Well, 1 think that it is indeed time to adjourn the
sitting. 1 thank you, Professor; the Court will resume its hearings
tornorrowrnorningat 10 a.m., to hear the rest of your presentation.
Thank you very rnuch.Pofessor WEIL: 1 thank you, Mr. President.
!i%eCourt rose at 1 p.m.
Translation