Corrigé
Corrected
CR 2016/14
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
ANNÉE 2016
Audience publique
tenue le lundi 17 octobre 2016, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Yusuf, vice-président,
faisant fonction de président
en l’affaire relative aux Immunités et procédures pénales
(Guinée équatoriale c. France)
________________
COMPTE RENDU
________________
YEAR 2016
Public sitting
held on Monday 17 October 2016, at 10 a.m., at the Peace Palace,
Vice-President Yusuf, Acting President, presiding,
in the case concerning Immunities and Criminal Proceedings
(Equatorial Guinea v. France)
____________________
VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -
Présents : M. Yusuf, vice-président faisant fonction de président en l’affaire
M. Abraham, président de la Cour
MM. Owada
Tomka
Bennouna
Cançado Trindade
Greenwood
Mmes Xue
Donoghue
M. Gaja
Mme Sebutinde
MM. Bhandari
Robinson
Crawford
Gevorgian, juges
M. Kateka, juge ad hoc
M. Couvreur, greffier
- 3 -
Present: Vice-President Yusuf, Acting President
President Abraham
Judges Owada
Tomka
Bennouna
Cançado Trindade
Greenwood
Xue
Donoghue
Gaja
Sebutinde
Bhandari
Robinson
Crawford
Gevorgian
Judge ad hoc Kateka
Registrar Couvreur
- 4 -
Le Gouvernement de la République de Guinée équatoriale est représenté par :
S. Exc. M. Carmelo Nvono Nca, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale auprès des
Royaumes de Belgique et des Pays-Bas,
comme agent ;
M. David Nguema Obiang, procureur de la République de Guinée équatoriale,
M. Olo Mba Nseng, ministre délégué de la justice de la République de Guinée équatoriale,
M. Juan Carlos Ondo Angüe, président de la Cour suprême de la République de
Guinée équatoriale,
M. Rafael-Robustiano Doro Esuba, magistrat,
S. Exc. Mme Purification Angue Ondo, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale
auprès du Royaume d’Espagne,
S. Exc. M. Lazarus Ekua Avomo, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale auprès de
la Suisse et représentant permanent auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres
organisations internationales à Genève,
S. Exc. Mme Mari Cruz Evuna Andeme, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale
auprès du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,
S. Exc. M. Pantaleo Mayiboro Miko, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale
auprès de la République fédérale d’Allemagne,
S. Exc. M. Tito Mba Ada, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale auprès du
Portugal et de la représentation de la communauté des pays de langue portugaise (CPLP),
S. Exc. Mme Cecilia Obono Ndong, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale
auprès de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO),
S. Exc. M. Miguel Oyono Ndong Mifumu, ambassadeur de la République de Guinée équatoriale
auprès de la République française,
comme membres de la délégation ;
M. Maurice Kamto, professeur à l’Université de Yaoundé II (Cameroun), avocat au barreau de
Paris, membre et ancien président de la Commission du droit international,
M. Jean-Charles Tchikaya, avocat au barreau de Bordeaux,
sir Michael Wood, K.C.M.G., membre de la Commission du droit international, membre du barreau
d’Angleterre,
comme conseils et avocats ;
M. Alfredo Crosato Neumann, Institut des hautes études internationales et du développement,
Genève,
M. Francisco Evuy Nguema Mikue, avocat de la République de Guinée équatoriale, - 5 -
The Government of the Republic of Equatorial Guinea is represented by:
H.E. Mr. Carmelo Nvono Nca, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the Kingdoms
of Belgium and the Netherlands,
as Agent;
Mr. David Nguema Obiang, Attorney General of the Republic of Equatorial Guinea,
Mr. Olo Mba Nseng, Delegate Minister of Justice of the Republic of Equatorial Guinea,
Mr. Juan Carlos Ondo Angüe, President of the Supreme Court of the Republic of
Equatorial Guinea,
Mr. Rafael-Robustiano Doro Esuba, Judge,
H.E. Ms Purificación Angue Ondo, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the
Kingdom of Spain,
H.E. Mr. Lazarus Ekua Avomo, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to Switzerland
and Permanent Representative to the United Nations Office and other international
organizations in Geneva,
H.E. Ms Mari Cruz Evuna Andeme, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the
United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland,
H.E. Mr. Pantaleo Mayiboro Miko, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the
Federal Republic of Germany,
H.E. Mr. Tito Mba Ada, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to Portugal and to
the Community of Portuguese Language Countries (CPLP),
H.E. Ms Cecilia Obono Ndong, Ambassador to the Food and Agriculture Organization (FAO) of
the United Nations,
H.E. Mr. Miguel Oyono Ndong Mifumu, Ambassador of the Republic of Equatorial Guinea to the
French Republic,
as members of the delegation;
Mr. Maurice Kamto, Professor at the University of Yaoundé II (Cameroon), member of the Paris
Bar, Member and former Chairman of the International Law Commission,
Mr. Jean-Charles Tchikaya, avocat at the Bordeaux Bar,
Sir Michael Wood, K.C.M.G., Member of the International Law Commission, member of the
English Bar,
as Counsel and Advocates;
Mr. Alfredo Crosato Neumann, Graduate Institute of International and Development Studies of
Geneva,
Mr. Francisco Evuy Nguema Mikue, avocat of the Republic of Equatorial Guinea, - 6 -
M. Francisco Moro Nve, avocat de la République de Guinée équatoriale,
M. Omri Sender, George Washington University Law School, membre du barreau d’Israël,
M. Alain-Guy Tachou-Sipowo, chargé de cours, Université McGill et Université Laval,
comme conseils.
Le Gouvernement de la République française est représenté par :
M. François Alabrune, directeur des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et du
développement international,
comme agent ;
M. Alain Pellet, professeur émérite de l’Université Paris Ouest, Nanterre-La Défense, ancien
président de la Commission du droit international, membre de l’Institut de droit international,
M. Hervé Ascensio, professeur à l’Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne),
comme conseils ;
M. Ludovic Legrand, consultant juridique à la direction des affaires juridiques du ministère des
affaires étrangères et du développement international,
M. Julien Boissise, consultant juridique à la direction des affaires juridiques du ministère des
affaires étrangères et du développement international,
M. Jean-Luc Blachon, chef du bureau du droit économique, financier et social, de l’environnement
et de la santé publique à la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la
justice,
Mme Diarra Dime-Labille, conseillère juridique à l’ambassade de France aux Pays-Bas,
comme conseillers. - 7 -
Mr. Francisco Moro Nve, avocat of the Republic of Equatorial Guinea,
Mr. Omri Sender, George Washington University Law School, member of the Israel Bar,
Mr. Alain-Guy Tachou-Sipowo, Lecturer at McGill University and Université Laval,
as Counsel.
The Government of the French Republic is represented by:
Mr. François Alabrune, Director of Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs and International
Development,
as Agent;
Mr. Alain Pellet, Emeritus Professor, University Paris Ouest, Nanterre-La Défense, Former
Chairperson, International Law Commission, member of the Institut de droit international,
Mr. Hervé Ascensio, Professor at the University of Paris I (Panthéon-Sorbonne),
as Counsel;
Mr. Ludovic Legrand, Legal Consultant, Directorate of Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs
and International Development,
Mr. Julien Boissise, Legal Consultant, Directorate of Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs and
International Development,
Mr. Jean-Luc Blachon, Head of the Office of Economic, Financial and Social Law, the
Environment and Public Health, Directorate of Criminal Affairs and Pardons, Ministry of
Justice,
Ms Diarra Dime-Labille, Legal Counsellor, Embassy of France in the Netherlands,
as Advisers. - 8 -
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est
ouverte. La Cour siège aujourd’hui, conformément au paragraphe 3 de l’article 74 du Règlement,
pour entendre les observations des Parties sur la demande en indication de mesures conservatoires
présentée par la Guinée équatoriale en l’affaire relative aux Immunités et procédures pénales
(Guinée équatoriale c. France).
Le paragraphe 1 de l’article 32 du Règlement de la Cour stipule que, «[s]i le Président de la
Cour est ressortissant de l’une des parties dans une affaire, il n’exerce pas la présidence pour cette
affaire». De nationalité française, le président de la Cour, le juge Abraham, n’exercera donc pas la
présidence dans la présente affaire. Il me revient dès lors, en ma qualité de vice-président de la
Cour, d’assurer la présidence, conformément à l’article 13 du Règlement.
La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité de la Guinée équatoriale, cette
dernière s’est prévalue du droit que lui confère le paragraphe 2 de l’article 31 du Statut de la Cour
et a désigné M. James Kateka comme juge ad hoc.
L’article 20 du Statut dispose que «[t]out membre de la Cour doit, avant d’entrer en fonction,
prendre l’engagement solennel d’exercer ses attributions en pleine impartialité et en toute
conscience». En vertu du paragraphe 6 de l’article 31 du Statut, cette disposition s’applique
également aux juges ad hoc.
Bien que M. Kateka ait siégé en tant que juge ad hoc dans une autre affaire et qu’il ait déjà
été appelé à prendre l’engagement solennel que le Statut prévoit, il lui faut, conformément au
paragraphe 3 de l’article 8 du Règlement de la Cour, faire une nouvelle déclaration solennelle en la
présente affaire.
Avant de l’inviter à faire cette déclaration, je dirai quelques mots de la carrière et des
qualifications de M. Kateka.
De nationalité tanzanienne, M. Kateka a fait ses études supérieures à l’Université de
Dar es-Salaam et au King’s College de l’Université de Londres. Il a ensuite mené une longue et
prestigieuse carrière diplomatique. M. Kateka a été directeur du département des affaires
juridiques et des organisations internationales du ministère des affaires étrangères. Il a représenté
la Tanzanie, en qualité d’ambassadeur, dans de nombreux pays avant de devenir doyen des
ambassadeurs de la République de Tanzanie de 2004 à 2005. Depuis 2005, M. Kateka est juge au - 9 -
Tribunal international du droit de la mer de Hambourg, où il préside la Chambre pour le règlement
des différends relatifs au milieu marin depuis le mois d’octobre 2014. Il a par ailleurs été
juge ad hoc à la Cour dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Ouganda). Il a aussi été arbitre dans le cadre de
deux arbitrages, l’un ayant opposé les Iles Maurice au Royaume-Uni et, l’autre, Malte à
Sao Tomé-et-Principe. M. Kateka est en outre un ancien membre de la Commission du droit
international des Nations Unies et l’auteur de nombreuses publications dans le domaine du droit
international.
J’invite maintenant M. Kateka à prendre l’engagement solennel prescrit par l’article 20 du
Statut et je demande à toutes les personnes présentes de bien vouloir se lever. Mr. Kateka.
Mr. KATEKA:
“I solemnly declare that I will perform my duties and exercise my powers as
judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.”
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Thank you. Veuillez vous asseoir.
La Cour prend acte de la déclaration solennelle de M. Kateka et le déclare dûment installé en
qualité de juge ad hoc en l’affaire relative aux Immunités et procédures pénales
(Guinée équatoriale c. France).
* *
Je vais maintenant rappeler brièvement les principales étapes de la procédure en l’affaire.
Le 13 juin 2016, la République de Guinée équatoriale a introduit une instance contre la
République française au sujet d’un différend ayant trait à l’immunité de juridiction pénale du
vice-président de la République de Guinée équatoriale, M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, ainsi
qu’au statut juridique de l’immeuble situé avenue Foch à Paris qui, selon la Guinée équatoriale,
abrite son ambassade en France.
Pour fonder la compétence de la Cour, la Guinée équatoriale invoque le protocole de
signature facultative concernant le règlement obligatoire des différends relatifs à la convention de - 10 -
Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 ainsi que la convention des Nations Unies
contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000.
Je demande maintenant au greffier de bien vouloir donner lecture de la décision que la Cour
est priée de prendre, telle que formulée dans la requête de la Guinée équatoriale.
Le GREFFIER :
«[L]a Guinée équatoriale prie respectueusement la Cour :
a) En ce qui concerne le non-respect de la souveraineté de la République de
Guinée équatoriale par la République française :
i) de dire et juger que la République française a manqué à son obligation de
respecter les principes de l’égalité souveraine des Etats et de la
non-intervention dans les affaires intérieures d’autres Etats à l’égard de la
République de Guinée équatoriale, conformément au droit international, en
permettant que ses juridictions engagent des procédures judiciaires pénales
contre son Second Vice-Président pour des allégations qui, lors même
qu’elles auraient été établies, quod non, relèveraient de la seule compétence
des juridictions équato-guinéennes, et qu’elles ordonnent la saisie d’un
immeuble appartenant à la République de Guinée équatoriale et utilisé aux
fins de la mission diplomatique de ce pays en France ;
b) En ce qui concerne le Second Vice-Président de la République de
Guinée équatoriale chargé de la Défense et de la Sécurité de l’Etat :
i) de dire et juger qu’en engageant des procédures pénales contre le Second
Vice-Président de la République de Guinée équatoriale chargé de la Défense
et la Sécurité de l’Etat, S. Exc. M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, la
République française a agi et agit en violation de ses obligations en vertu du
droit international, notamment la Convention des Nations Unies contre la
criminalité transnationale organisée et le droit international général ;
ii) d’ordonner à la République française de prendre toutes les mesures
nécessaires pour mettre fin à toutes les procédures en cours contre le
Second Vice-Président de la République de Guinée équatoriale chargé de la
Défense et de la Sécurité de l’Etat ;
iii) d’ordonner à la République française de prendre toutes les mesures pour
prévenir de nouvelles atteintes à l’immunité du Second Vice-Président de la
Guinée équatoriale chargé de la Défense et de la Sécurité de l’Etat, et
notamment s’assurer qu’à l’avenir, ses juridictions n’engagent pas de
procédures pénales contre le second Vice-Président de Guinée équatoriale ;
c) En ce qui concerne l’immeuble sis au 42 avenue Foch, à Paris :
i) de dire et juger que la République française, en saisissant l’immeuble sis
au 42 avenue Foch à Paris, propriété de la République de Guinée équatoriale
et utilisé aux fins de la mission diplomatique de ce pays en France, agit en
violation de ses obligations en vertu du droit international, notamment la - 11 -
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et la Convention des
Nations Unies, ainsi qu’en vertu du droit international général ;
ii) d’ordonner à la République française de reconnaître à l’immeuble sis au
42 avenue Foch à Paris, le statut de propriété de la République de Guinée
équatoriale ainsi que de locaux de sa mission diplomatique à Paris, et de lui
assurer en conséquence la protection requise par le droit international ;
d) En conséquence de l’ensemble des violations par la République française de ses
obligations internationales dues à la République de Guinée équatoriale :
i) de dire et juger que la responsabilité de la République française est engagée
du fait du préjudice que les violations de ses obligations internationales ont
causé et causent encore à la République de Guinée équatoriale ;
ii) d’ordonner à la République française de payer à la République de Guinée
équatoriale une pleine réparation pour le préjudice subi, dont le montant sera
déterminé à une étape ultérieure.»
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Merci. Le 29 septembre 2016,
invoquant l’article 41 du Statut de la Cour, ainsi que les articles 73 à 75 de son Règlement, la
Guinée équatoriale a déposé au Greffe de la Cour une demande en indication de mesures
conservatoires. Dans sa demande, la Guinée équatoriale fait notamment observer que, par une
ordonnance en date du 5 septembre 2016, les juges d’instruction du Tribunal de Grande Instance de
Paris ont décidé de renvoyer M. Teodoro Nguema Obiang Mangue devant le Tribunal correctionnel
de Paris. La Guinée équatoriale expose que, le 21 septembre 2016, le procureur de la République
financier a émis un «mandement de citation à prévenu», ordonnant à M. Nguema Obiang Mangue
de se présenter le 24 octobre 2016 devant la trente-deuxième chambre correctionnelle du Tribunal
correctionnel de Paris pour une audience au fond. La Guinée équatoriale estime que
«[l]’imminence d’un procès pénal» contre M. Nguema Obiang Mangue «constitue un obstacle à
l’exercice de ses fonctions dans l’intérêt de son pays» ; et la Guinée équatoriale considère que les
«locaux de sa mission diplomatique au 42 avenue Foch à Paris … sont désormais exposés à la
confiscation judiciaire, et la mission diplomatique à une expulsion consécutive à une vente
judiciaire de l’immeuble». Soulignant le caractère urgent de sa demande, la Guinée équatoriale fait
valoir que
«[l]a poursuite des procédures pénales en France contre le vice-président et les biens
de la Guinée équatoriale, et le refus de la France de respecter l’immeuble situé au
42 avenue Foch à Paris comme locaux de la mission diplomatique de la
Guinée équatoriale en France, créent un risque réel et imminent de préjudice
irréparable aux droits de la Guinée équatoriale». - 12 -
Je prierai maintenant le greffier de bien vouloir donner lecture du passage de la demande
spécifiant les mesures conservatoires que le Gouvernement de la Guinée équatoriale prie la Cour
d’indiquer. Monsieur le greffier.
Le GREFFIER :
«[L]a Guinée équatoriale prie respectueusement la Cour d’indiquer, dans
l’attente de son arrêt au fond, les mesures conservatoires suivantes :
a) que la France suspende toutes les procédures pénales engagées contre le
Vice-Président de la République de Guinée équatoriale, et s’abstienne de lancer
une nouvelle procédure contre lui, qui pourrait aggraver ou étendre le différend
soumis à la Cour ;
b) que la France veille à ce que l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris soit traité
comme locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale en France, et,
en particulier, assure son inviolabilité, et que ces locaux, ainsi que leur
ameublement et les autres objets qui s’y trouvaient ou s’y trouvent, soient
protégés contre toute intrusion ou dommage, toute perquisition, réquisition, saisie
ou toute autre mesure de contrainte ; et
c) que la France s’abstienne de prendre toute autre mesure qui pourrait porter
préjudice aux droits revendiqués par la Guinée équatoriale et/ou aggraver ou
étendre le différend soumis à la Cour, ou compromettre l’exécution de toute
décision que la Cour pourrait rendre.»
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Merci. Le 29 septembre 2016,
aussitôt après le dépôt de la demande en indication de mesures conservatoires, le greffier a transmis
copie de ce document au Gouvernement français, conformément au paragraphe 2 de l’article 73 du
Règlement de la Cour. Il en a également informé le Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies.
Par lettre datée du 3 octobre 2016, dans l’exercice de mes fonctions de président en la
présente affaire, et agissant conformément aux dispositions du paragraphe 4 de l’article 74 du
Règlement, j’ai appelé l’attention de la France sur la nécessité d’agir de manière que toute
ordonnance de la Cour sur la demande en indication de mesures conservatoires puisse avoir les
effets voulus.
Aux termes de l’article 74 du Règlement, la demande en indication de mesures
conservatoires a priorité sur toutes autres affaires. La date de la procédure orale est fixée de
manière à donner aux Parties la possibilité de s’y faire représenter. Les Parties ont donc été - 13 -
informées le 3 octobre de ce que la date d’ouverture de la procédure orale, au cours de laquelle
elles pourraient présenter leurs observations sur la demande en indication de mesures
conservatoires, avait été fixée au lundi 17 octobre 2016, à 10 heures.
Je note la présence devant la Cour des agents et conseils des deux Parties. La Cour entendra
ce matin la Guinée équatoriale, qui a déposé la demande en indication de mesures conservatoires.
Elle entendra la France demain matin, à 10 heures. Chacune des Parties disposera, pour le premier
tour, de deux heures maximum.
Après le premier tour de plaidoiries, les Parties auront, mercredi 19 octobre 2016, la
possibilité de répondre. La Guinée équatoriale aura la parole à 10 heures et la France à 17 heures.
Chacune des Parties disposera d’une heure maximum pour présenter sa réponse.
J’appelle l’attention des Parties sur l’instruction de procédure XI, selon laquelle,
«[d]ans leurs exposés oraux sur les demandes en indication de mesures conservatoires,
les Parties devraient se limiter aux questions touchant aux conditions à remplir aux
fins de l’indication de mesures conservatoires, telles qu’elles ressortent du Statut, du
Règlement et de la jurisprudence de la Cour. Les Parties ne devraient pas aborder le
fond de l’affaire au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux fins de la demande.»
Je donne à présent la parole à S. Exc. M. Carmelo Nvono Nca, agent de la République de
Guinée équatoriale. Excellence, vous avez la parole.
M. NVONO NCA :
1. INTRODUCTION
1. Monsieur le président, distingués membres de la Cour, bonjour. C’est un grand honneur
et privilège pour moi de m’exprimer devant vous, et de le faire au nom de mon pays, la République
de Guinée équatoriale. Je voudrais souligner que dans cette délégation de la Guinée équatoriale
m’accompagnent également le président de la Cour suprême et le procureur général, entre
autres. Notre pays, de par son histoire, ressent bien la nécessité de veiller à la justice et à la paix
entre les peuples.
2. Monsieur le président, c’est la seconde fois que la Guinée équatoriale comparaît devant
cette Cour. Notre première participation remonte à quinze ans, en mars 2002, en qualité de tiers
intervenant dans le cas entre le Cameroun et le Nigéria. - 14 -
3. Je tiens à souligner que mon pays a un profond respect pour cette Cour et le droit
international. L’article 8 de notre Constitution, la Loi fondamentale, proclame que «l’Etat
équato-guinéen respecte les principes du droit international et réaffirme son adhésion aux droits et
obligations qui émanent des organisations et organismes internationaux auxquels elle aura
adhérés». En accord avec cet engagement solennel, la Guinée équatoriale a accepté la juridiction
de la Cour en conformité avec les différents traités et conventions internationaux.
4. Je salue à présent nos homologues de la délégation française dirigée par mon ami,
M. François Alabrune. La Guinée équatoriale et la France maintiennent d’excellentes relations
dans plusieurs domaines, et un vaste réseau d’accords de coopération nous unit en même temps que
nos deux pays collaborent activement dans le cadre de plusieurs forums internationaux, dont
notamment l’Organisation de la Francophonie.
5. C’est pour cela que nous regrettons d’autant plus le fait de devoir nous retrouver
aujourd’hui en cette Cour afin de défendre nos droits souverains menacés. Nous aurions préféré
résoudre notre différend par la négociation et la conciliation, mais malheureusement cette solution
n’a trouvé aucun écho malgré les efforts constants et sincères déployés par mon pays. Puisque
nous en sommes à ce point, nous sommes très reconnaissants à cette Cour et envers vous, Monsieur
le président, d’avoir programmé cette procédure de mesures conservatoires avec une telle célérité,
comme l’exige la situation.
6. Dans le cas présent se posent de nombreuses questions très importantes pour mon pays,
telles que les principes fondamentaux de l’égalité de la souveraineté des Etats et la non-ingérence
dans les affaires internes d’un autre Etat, dont le respect par tous les pays, qu’ils soient grands ou
petits, est essentiel à l’ordre international.
7. Nous nous présentons devant vous aujourd’hui pour solliciter des mesures conservatoires
d’urgence, puisque les tribunaux français paraissent décidés à poursuivre leur procédure pénale en
totale violation des immunités auxquelles a droit la Guinée équatoriale en vertu du droit
international, se rapportant à son vice-président, chargé de la défense nationale et de la sécurité de
l’Etat, et de ses locaux d’ambassade à Paris.
8. Monsieur le président et Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, permettez-moi
de vous assurer que le Gouvernement et le peuple de Guinée équatoriale se sentent profondément - 15 -
offensés de la manière injuste et insultante avec laquelle notre pays est traité en France en ce
moment. C’est ce sentiment d’indignation, associé à la conviction que le droit nous donne
raison, qui nous a conduit à demander justice auprès de cette haute juridiction. Les dommages
potentiels aux droits souverains de la Guinée équatoriale sont graves et imminents, et la manière la
plus appropriée de défendre nos droits est de s’adresser à cette Cour internationale de Justice.
9. Monsieur le président, les avocats de la Guinée équatoriale s’adresseront à la Cour au
cours de cette session dans l’ordre suivant :
e
tout d’abord, M Jean-Charles Tchikaya décrira les procédures pénales en cours en
France ;
ensuite, sir Michael Wood se concentrera sur la juridiction prima facie de cette Cour, ainsi que
sur l’urgence de la question et le risque réel de dommages irréparables au droit de la Guinée
équatoriale à l’immunité de son vice-président, chargé de la défense nationale et de la sécurité
de l’Etat.
10. Il sera suivi par M. Maurice Kamto, qui abordera l’urgence et le risque réel de dommages
irréparables à l’inviolabilité de l’édifice de l’ambassade de Guinée équatoriale à Paris. Le
professeur Kamto conclura ce premier volet des interventions en expliquant les mesures
conservatoires demandées.
11. Monsieur le président, concluant ici mon intervention de ce jour, je vous
demande d’inviter M Tchikaya sur ce podium. Je vous remercie pour votre attention.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je remercie
S. Exc. M. Carmelo Nvono Nca, agent de la République de Guinée équatoriale et je donne la parole
à M Jean-Charles Tchikaya. Vous avez la parole.
M. TCHIKAYA :
2. ES PROCÉDURES PÉNALES EN F RANCE CONTRE LE VICEE -PRÉSIDENT DE LA GUINÉE
ÉQUATORIALE ET L IMMEUBLE SITUÉ À PARIS 16 ,AU 42 AVENUE FOCH
I. Introduction
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, c’est un grand honneur pour moi
de prendre la parole devant vous au nom de la République de Guinée équatoriale. - 16 -
2. Mon propos aujourd’hui est d’exposer le stade actuel des procédures pénales contre le
vice-président de la Guinée équatoriale, chargé de la défense nationale et de la sécurité de l’Etat, et
ce qui pourrait survenir dans les jours et semaines à venir.
3. Nous avons déjà décrit les procédures pénales qui ont eu lieu en France dans notre requête
introductive d’instance et dans la demande en indication de mesures conservatoires . 2 Ces
procédures ont été engagées à la suite des plaintes déposées par certaines ONG et associations
françaises auprès du procureur de la République de Paris contre cinq chefs d’Etat africains à partir
de 2007.
4. Le différend entre la Guinée équatoriale et la France trouve en effet son origine dans les
procédures pénales engagées en France contre Teodoro Nguema Obiang Mangue, auparavant
ministre de l’agriculture et des forêts, et de 2012 à 2016 second vice-président, en charge de la
défense nationale et de la sécurité de l’Etat. Je souligne que depuis juin 2016, il est le «seul»
vice-président de la Guinée équatoriale. A l’occasion de ces procédures, la justice française a cru
devoir étendre sa compétence pénale territoriale sur la Guinée équatoriale, nier l’immunité de
juridiction pénale de son vice-président, chargé de la défense nationale et de la sécurité de l’Etat, et
e
méconnaître le statut juridique de l’immeuble situé à Paris, dans le 16 arrondissement, au 42,
avenue Foch, tant comme propriété de l’Etat de Guinée équatoriale que comme locaux affectés à sa
mission diplomatique en France. Ces procédures ont été poursuivies malgré les protestations
fermes et constantes de la Guinée équatoriale.
II. Les procédures pénales
5. Au cours de ces procédures, les juridictions françaises ont refusé de reconnaître
l’immunité de juridiction pénale étrangère du vice-président de la Guinée équatoriale. Elles l’ont
fait de manière confuse et inappropriée.
De manière confuse, parce qu’elles ont naturellement évité de faire la distinction entre
l’immunité ratione materiae et l’immunité ratione personae. Ce faisant, elles ont mal compris
l’étendue du cercle des personnes qui jouissent de l’immunité en tant que personnes occupant
1Requête, par. 21-30.
2Demande, par. 6-12. - 17 -
un rang élevé dans l’Etat, en s’appuyant sur des motifs qui n’ont aucun fondement en droit
3
international et qui ignorent en particulier la jurisprudence de la Cour internationale de Justice
en la matière.
De manière inappropriée, parce qu’elles ont mis en cause de façon répétée les motifs de la
nomination par la Guinée équatoriale de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue comme haut
représentant de la Guinée équatoriale et ceux ayant conduit à l’acquisition par la
Guinée équatoriale de l’immeuble situé à Paris, au 42 avenue Foch.
6. Monsieur le président, il est à noter qu’au cours des procédures, le vice-président et ses
avocats ont soutenu de manière constante l’immunité ratione personae du vice-président en
conformité avec le droit international et la jurisprudence de la Cour.
7. Par ailleurs, les juridictions françaises n’ont pas reconnu le statut de l’immeuble situé à
Paris, au 42 avenue Foch, en tant que locaux de la mission diplomatique et propriété de l’Etat de
Guinée équatoriale.
8. La Guinée équatoriale a cherché à coopérer avec la France au cours de ces procédures
pénales. Elle a, par exemple, fourni à la France un rapport concernant les prétendues infractions
pénales commises sur son territoire, lequel a été ignoré. Ce rapport, qui était le résultat d’une
enquête du procureur général de l’Etat de Guinée équatoriale, a pourtant conclu à l’absence de
toute infraction commise sur le territoire de la Guinée équatoriale.
III. Le stade actuel des procédures pénales
9. Monsieur le président, comme la Cour l’a appris dans l’affaire entre le Congo et la France,
la procédure pénale française comporte trois phases : celle de l’enquête préliminaire sous l’autorité
du procureur de la République ; celle de l’instruction préparatoire sous l’autorité du juge
d’instruction ; et celle du jugement. Les procédures concernant le vice-président de la
Guinée équatoriale et l’immeuble situé à Paris, au 42 avenue Foch, sont maintenant à cette
troisième et dernière phase, c’est à dire celle du jugement. Pour cette raison, il y a véritablement
urgence à faire droit à la demande de mesures conservatoires de la Guinée équatoriale dans cette
affaire.
3Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J. Recueil 2002,
p. 20-21, par. 51. - 18 -
10. Les développements récents ont abouti à la situation suivante :
La fin de l’instruction avec la délivrance du réquisitoire définitif au mois de mai 2016.
Et, surtout, l’ordonnance des juges d’instruction datée du 5 septembre 2016, renvoyant le
vice-président de la Guinée équatoriale devant le Tribunal correctionnel de Paris. Cette
ordonnance est cruciale. A ce stade de la procédure, le vice-président est maintenant
comme le dit le droit français «prévenu», c’est-à-dire qu’il est tenu de comparaître
devant le Tribunal correctionnel pour répondre des délits qui lui sont reprochés. Autrement dit,
il est désormais exposé à un risque réel et imminent d’être jugé et définitivement condamné ;
ce qui causerait un préjudice irréparable aux droits de la Guinée équatoriale au respect de
l’immunité de son vice-président, d’une part, et de l’inviolabilité des locaux de sa mission
diplomatique en France, d’autre part. Il existe également un risque réel qu’un mandat d’arrêt
soit délivré à tout moment contre le vice-président de la Guinée équatoriale par le Tribunal
correctionnel en raison de son absence à l’audience qui sera immanquablement considérée
comme sans excuse valable.
11. Le mandement de citation à prévenu adressé au vice-président aux fins de sa
4
comparution au fond le 24 octobre 2016 devant le Tribunal correctionnel de Paris constitue une
preuve supplémentaire de l’imminence d’un procès contre lui. Certes, la France essayera
probablement de tirer avantage de ce que, selon une lettre du procureur de la République financier
adjoint adressée à l’avocat du vice-président le 26 septembre 2016, il s’agirait, lors de l’audience
du 24 octobre 2016, de réparer une «erreur purement matérielle». Mais dans cette lettre le
procureur précise bien : «Après régularisation, nous reprendrions alors la voie de
l’audiencement … Il nous faut permettre à la justice de suivre normalement son cours…» Puis,
abordant la question de la disponibilité de l’avocat du vice-président à la prochaine audience, le
procureur ajoute :
«Sous réserve de la décision du tribunal et sauf si vous considérez ça comme
prématuré nous pourrions rapidement aborder ensemble … la question de la période à 5
laquelle l’affaire pourra être examinée au fond après, le cas échéant, régularisation.»
4
Demande en indication de mesures conservatoires, annexe 2.
5Documents communiqués par la France à la Cour le 14 octobre 2016, pièce n 51. - 19 -
12. Toutefois, le mandement de citation à prévenu, adressé aux avocats du vice-président le
21 septembre 2016 se borne à dire :
«Je vous prie de bien vouloir être informé qu’une audience au fond dans le
dossier OBIANG concernant votre client, Monsieur NGUEMA OBIANG MANGUE
Teodoro, prévenu, se tiendra devant la 32 chambre correctionnelle … le lundi
24 octobre 2016 à 13 h 30.»
Aucune mention d’une audience consacrée à la régularisation d’une erreur matérielle de procédure
ne figure dans ce document adressé au vice-président.
13. En outre, et ce qui est plus important encore : il est clair dans notre demande en
indication de mesures conservatoires que l’urgence dans cette affaire découle de l’ordonnance du
5 septembre 2016 renvoyant le vice-président devant le Tribunal correctionnel. En fait, nous avons
préparé la demande en indication de mesures conservatoires à la suite de cette ordonnance, et nous
l’aurions déposée même si le mandement de citation à prévenu du 21 septembre 2016 n’avait pas
été notifié.
14. En conséquence, la situation actuelle est la suivante :
l’immunité ratione personae du vice-président, laquelle est clairement établie en droit
international, n’a pas été reconnue par les juridictions pénales françaises ;
le vice-président de la Guinée équatoriale sera convoqué à tout moment pour être jugé puis
condamné ;
en cas de non-comparution, un mandat d’arrêt sera forcément décerné à son encontre comme je
viens de le rappeler du fait de son absence qui sera considérée comme sans excuse valable ;
sa liberté de mouvement sera à tout moment restreinte ;
l’immeuble situé au 42 avenue Foch à Paris est actuellement saisi et est désormais exposé à la
confiscation et à la vente aux enchères publiques puisque, s’agissant des incriminations pour
lesquelles le vice-président devra comparaître, il y a des peines complémentaires de
confiscation qui sont prévues.
IV. Les protestations de la Guinée équatoriale et les efforts de régler le
différend par voie de négociation, conciliation ou arbitrage
15. La Guinée équatoriale a protesté de manière constante. En même temps, elle a cherché à
trancher le différend par voie de négociation, conciliation ou arbitrage. En particulier, devant - 20 -
l’absence de réaction de la France à ces propositions contenues dans un premier
mémorandum , la Guinée équatoriale a adressé un second mémorandum avec une note verbale
de son ambassadeur à Paris en date du 2 février 2016, suggérant un arbitrage sous l’égide de la
Cour permanente d’arbitrage de La Haye, conformément à son règlement facultatif de conciliation
et de son règlement facultatif pour l’arbitrage des différends entre deux Etats . C’est alors que, par
une note verbale du ministère des affaires étrangères et du développement international en date
du 17 mars 2016, la France a répondu par un refus à l’offre de règlement du différend de la
Guinée équatoriale.
16. Le 12 septembre 2016, l’ambassade de Guinée équatoriale à Paris a protesté vivement
par note verbale contre l’ordonnance de renvoi du 5 septembre 2016. Il n’y a pas eu depuis de
réponse de la part de la France.
V. Conclusions
17. Il résulte donc de tout ce qui précède que les juridictions françaises sont bien décidées à
poursuivre les procédures pénales contre le vice-président de la Guinée équatoriale, et les autorités
françaises semblent ne pouvoir rien faire pour y mettre fin. C’est la raison pour laquelle la
Guinée équatoriale a introduit une requête contre la France, et, en raison des développements
récents que je viens de décrire, elle a été obligée de saisir la Cour d’une demande en indication de
mesures conservatoires.
18. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, j’en ai terminé avec mon
intervention.
19. Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, de l’attention
que vous avez bien voulu m’accorder. Je vous prie très respectueusement, Monsieur le président,
de donner à présent la parole à sir Michael Wood.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je remercie
e
M Jean-Charles Tchikaya et je donne la parole maintenant à sir Michael Wood. You have the
floor, Sir Michael.
6Requête introductive d’instance, annexe 12. - 21 -
Sir Michael WOOD:
3. THE CONDITIONS FOR PROVISIONAL MEASURES ARE MET :
IMMUNITY OF THE V ICE-P RESIDENT
I. Introduction
1. Mr. President, Members of the Court, it is a great honour for me to appear before you, and
to do so on behalf of Equatorial Guinea.
2. Having regard to the conditions for the indication of provisional measures, as they appear
from the Statute, the Rules and the jurisprudence of the Court, I shall address the following matters:
First, I shall explain that the condition of prima facie jurisdiction over the substance of the
dispute is satisfied.
I shall next show that the rights claimed by Equatorial Guinea are at least plausible.
And that there exists a sufficient link between the rights which are the object of the case and
the provisional measures requested.
And finally, I shall explain that there exists a real and imminent risk that irreparable prejudice
would be caused to the rights in dispute before the Court gives its final decision, that is, that the
criterion of urgency is met. I shall do so with respect to Equatorial Guinea’s right to respect for
the immunity from foreign criminal jurisdiction of its Vice-President, charged with National
Defence and State Security.
3. My colleague Professor Kamto will then address the risk of irreparable prejudice in
respect of the rights of Equatorial Guinea concerning the building at 42 avenue Foch in Paris,
where the premises of the Embassy of Equatorial Guinea are located.
II. Two preliminary points
4. At the outset, Mr. President, I need to make two preliminary points concerning the
documents submitted by France on Friday.
5. First, we must be clear what the present case is about, and what it is not about. The case
concerns the application, as between Equatorial Guinea and France, of fundamental principles and - 22 -
rules of international law, among them the sovereign equality of States, non-intervention in the
internal affairs of States, the immunity of certain holders of high-ranking office in the State and the
status of the premises of diplomatic missions and of State property. All of these principles and
rules are essential for the conduct of peaceful relations among States. The rights or wrongs of
alleged actions by particular individuals, by contrast, are not at issue in this case. In the same way
as, for example, the Jurisdictional Immunities of the State case was not about the atrocities
committed by German occupying forces, and the Arrest Warrant case was not about alleged
breaches of international humanitarian law and crimes against humanity, so it is not part of this
case to sit in judgment on acts or omissions related to particular alleged crimes that may or may not
have taken place.
6. My second preliminary point is this. Last Friday afternoon, 14 October, the delegation of
Equatorial Guinea received a bundle of documents some 200 pages in all submitted to the
Court by France. The covering letter from the Agent of France, also dated 14 October, stated that
these are, and this is my own translation, “documents which the French Republic wishes to bring to
the knowledge of the Court and to which it reserves the right to refer on the occasion of the
hearings before the Court on 17, 18 and 19 October 2016” . 7
7. Mr. President, there is no explanation as to how these documents were selected, or of their
relevance, if any, to the present stage of the proceedings. Any comment from Equatorial Guinea,
on what seems to be a sort of “judges’ folder”, will therefore have to wait until we see what the
French delegation has to say tomorrow about any particular document. But at first sight it is hard
to see the relevance of the documents to the present provisional measures stage. Most of the
documents submitted by France last Friday appear to have nothing to do with the issues that arise at
this stage. A few of them touch on legal issues that we will deal with in our Memorial. But it is
not at all clear what purpose would be served, at the present phase, by taking the Court through the
details of police enquiries (procès-verbaux) and the like, especially having regard to the terms of
your Practice Direction XI which you, Mr. President, referred to earlier this morning.
Letter dated 14 October 2016 from Mr. François Alabrune, Agent of the French Republic, addressed to the
Registrar. - 23 -
8. In accordance with that Practice Direction, Equatorial Guinea has not burdened the Court
with documents that could only be relevant on the merits. We have included those we consider
most relevant as annexes to the Request for provisional measures (in addition, that is, to certain of
the documents annexed to the Application instituting proceedings).
III. Prima facie jurisdiction
9. Mr. President, Members of the Court, I now return to the conditions for the indication of
provisional measures, and first to prima facie jurisdiction. It is well established that, and I quote,
“[t]he Court may indicate provisional measures only if the provisions relied on by the Applicant
appear, prima facie, to afford a basis on which its jurisdiction could be founded, but the Court need
not satisfy itself in a definitive manner that it has jurisdiction as regards the merits of the case” .
10. In the present case, as you recalled this morning Mr. President, Equatorial Guinea relies
upon Article 35 of the United Nations Convention against Transnational Organized Crime (the
“Palermo Convention”), and upon Article 2 of the Optional Protocol to the Vienna Convention on
Diplomatic Relations, concerning the Compulsory Settlement of Disputes.
9
11. We have shown in the Application instituting proceedings that these two heads of
jurisdiction afford a clear basis on which the jurisdiction of the Court could be founded. In
particular, we have explained that the conditions set forth in those provisions have been met.
12. I do not think I need this morning to add more on the question of jurisdiction. But I am
of course ready to do so if the Court so wishes, or in response to anything that our friends opposite
may say.
IV. The rights asserted by Equatorial Guinea are at least plausible
13. Mr. President, next I will show that the rights asserted by Equatorial Guinea are at least
plausible. The rights asserted in the proceedings instituted by Equatorial Guinea against France on
13 June 2016 are:
8Questions relating to the Seizure and Detention of Certain Documents and Data (Timor-Leste v. Australia),
Provisional Measures, Order of 3 March 2014, I.C.J. Reports 2014, p. 151, para. 18.
9Application, paras. 4-10. - 24 -
the right to respect for the principles of sovereign equality and non-intervention, as required by
10
Article 4 of the Palermo Convention ;
the right to respect for the rules of immunity that derive from those fundamental principles of
the international legal order, in particular the immunity ratione personae of certain holders of
high-ranking office in a State, and the immunity from enforcement enjoyed by States in regard
to their property; and
finally, the right to respect for the inviolability of the premises of its diplomatic mission, as
required by the Vienna Convention on Diplomatic Relations.
14. These rights are at least plausible. First, Equatorial Guinea’s right to respect for the
immunity ratione personae of its Vice-President, charged with National Defence and State
Security, is we would say self-evidently plausible. I would recall in this connection the statement
of this Court, made in the Arrest Warrant case and recalled in Djibouti v. France, that “in
international law it is firmly established that, as also diplomatic and consular agents, certain holders
of high-ranking office in a State, such as the Head of State, Head of Government and Minister for
Foreign Affairs, enjoy immunities from jurisdiction in other States, both civil and criminal” . I 11
would also recall that domestic case law has also recognized the immunity ratione personae of
12
high-ranking officials responsible for defence . In our submission, the Vice-President of
Equatorial Guinea, charged with National Defence and State Security, falls within the category of
those “holders of high-ranking office in a State” entitled to immunity ratione personae by virtue of
his office and the particular functions he performs on behalf of Equatorial Guinea.
15. The inviolability and immunity from measures of constraint of the building at
avenue Foch are also “at least plausible”, having regard to the terms of the Vienna Convention on
Diplomatic Relations and to the rules of customary international law reflected in the
10Request for the indication of provisional measures, Ann. 5.
11
Arrest Warrant of 11 April 2000 (Democratic Republic of the Congo v. Belgium), Judgment, I.C.J. Reports
2002, pp. 20-21, para. 51; Certain Questions of Mutual Assistance in Criminal Matters (Djibouti v. France), Judgment,
I.C.J. Reports 2008, pp. 236-237, para. 170.
12
For example, the Nezzar case before the Swiss Federal Criminal Court (Case No. BB.2011.140), 25 July 2012,
para. 5.4.2; Re Mofaz, Bow Street Magistrates’ Court (UK), 12 February 2004 (128 International Law Reports (ILR)
709, 712). - 25 -
United Nations Convention on the Jurisdictional Immunities of States and their Property and
recognized as such by this Court . 13
V. The link between the rights which are the object of the case
and the provisional measures being requested
16. Mr. President, Members of the Court, I now turn to the link between the rights which are
the object of the case and the provisional measures requested.
17. It will be seen that the provisional measures requested are closely linked to rights at issue
on the merits. Members of the Court will recall, and it was recalled this morning, that in summary,
14
the provisional measures requested are:
(a) that France suspend all the criminal proceedings brought against the Vice-President, and refrain
from launching new proceedings;
(b) that France ensure that the building located at 42 avenue Foch is treated as premises of
Equatorial Guinea’s diplomatic mission and, in particular, assure its inviolability, and that those
premises, together with their furnishings and other property are protected from any intrusion or
damage, and from any search, requisition, attachment or any other measure of constraint; and
(c) that France refrain from taking any other measure that might cause prejudice to the rights
claimed by Equatorial Guinea.
18. Mr. President, each of these provisional measures is self-evidently linked to the rights
which are the object of the case. The request to suspend all criminal proceedings reflects the claim
that these proceedings violate Equatorial Guinea’s right to respect for the principles of sovereign
equality and non-intervention and, in particular, its right to respect for the immunity
ratione personae of its Vice-President.
19. The request that the inviolability and immunity of the building at 42 avenue Foch be
respected is likewise intimately linked to the rights at issue in this case regarding the building.
20. And the third request, that France refrain from taking any other measures that may harm
the rights claimed by Equatorial Guinea, is central to the good administration of justice.
1Case concerning United States Diplomatic and Consular Staff in Tehran (United States v. Iran), Provisional
Measures, Order of 15 December 1979, I.C.J. Reports 1979, pp. 19-20, paras. 38-41; Jurisdictional Immunities of the
State (Germany v. Italy: Greece intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (I), p. 148, para. 118.
1Request for the indication of provisional measures, para. 19. - 26 -
VI. Real and imminent risk of irreparable prejudice to Equatorial Guinea’s right
to respect for the immunity of its Vice-President, charged with
National Defence and State Security
21. Mr. President, Members of the Court, I now turn to the question of urgency, that is, the
question whether, in the present case, there is a real and imminent risk that irreparable prejudice
will be caused to the rights in dispute before the Court gives its final decision. As I have already
indicated, I shall address this in particular as regards the full immunity from foreign criminal
jurisdiction enjoyed by the Vice-President under international law. And Professor Kamto will
address the question in respect of the building where the embassy premises are located.
22. Maître Tchikaya has explained the advanced state of the criminal proceedings instituted
in France against the Vice-President of Equatorial Guinea. As he recalled, by an order dated
5 September 2016 (the ordonnance de renvoi), the Vice-President of Equatorial Guinea has been
sent before the Tribunal correctionnel de Paris there to be judged for the crimes alleged in the
réquistoire.
23. On 12 September this year, as Maître Tchikaya recalled, Equatorial Guinea sent a
Note Verbale protesting promptly and strongly , against the ordonnance de renvoi. But it has
received no reply, even though more than one month has passed. Equatorial Guinea therefore felt
compelled to address the present request for provisional measures to the Court in order to preserve
its rights and prevent further aggravation of the dispute.
24. Mr. President, Members of the Court, the ongoing criminal proceedings against the
Vice-President of Equatorial Guinea, the Vice-President charged with National Defence and State
Security, represent a real and imminent risk to the rights of Equatorial Guinea. As Maître Tchikaya
has described, this is particularly the case following the ordonnance de renvoi of 5 September, an
ordonnance which, I would point out, was adopted after the commencement of the present
proceedings. We are now at the third stage of the French criminal proceedings, the stage of
jugement. The ordonnance de renvoi is without appeal. It means that at any time, and without
advance notice, action can be taken against the Vice-President, including the issuing of an arrest
warrant that could be executed in France or abroad. In addition, there is now an ever-present risk
that the French courts will proceed to the trial and judgment on the Vice-President for the alleged
1Request for the indication of provisional measures, Ann. 4. - 27 -
crimes and sentence him to a penalty, including imprisonment. It frankly does not seem likely that
the Tribunal correctionnel will uphold the immunity of the Vice-President, in limine litis or at all,
given the position adopted so far by the French courts, including the Cour de cassation in its
judgment of 15 December 2015 . 16
25. As of today, Equatorial Guinea has no reason to suppose that the French courts will not
press on with this summons and proceed, in due course, to issue an arrest warrant if the
Vice-President does not appear. The French courts have not hesitated to issue an arrest warrant
against the Vice-President in the past, when he asserted his immunity and did not attend a hearing
in response to an order of the French courts. There is no reason to suppose they will not do the
same thing at any point in the coming weeks.
26. The current situation is now one where the Vice-President, charged with National
Defence and State Security, is unable to travel freely abroad to France and to other
destinations to carry out his official functions, which require such travel, without running the
risk, at any moment, of arrest (and transfer to France). His responsibilities for overseeing the
implementation of the Equatorial Guinea-France bilateral military co-operation agreement (dated
9 March 1985 and still in force), a very important agreement, and for directing Government
ministers (including the Minister of Defence and the Minister for Foreign Affairs) in this context,
bears particular mention. So does the fact that the Vice-President is, and is required to be, in
constant communication with representatives of other States, by whom he is recognized as
representing Equatorial Guinea solely by virtue of his office. The effective performance of such
critical official functions on behalf of Equatorial Guinea is therefore severely endangered and
undermined.
27. As this Court said in the Arrest Warrant case, referring to a Foreign Minister in a terms
that apply equally to a high official such as a Vice-President, in charge of National Defence:
“if a Minister for Foreign Affairs is arrested in another State on a criminal charge, he
or she is clearly thereby prevented from exercising the functions of his or her office.
The consequences of such impediment to the exercise of those official functions are
equally serious, regardless of whether the Minister for Foreign Affairs was, at the time
of arrest, present in the territory of the arresting State on an ‘official’ visit or a
‘private’ visit, regardless of whether the arrest relates to acts allegedly performed
1Application instituting proceedings, Ann. 7. - 28 -
before the person became the Minister for Foreign Affairs or to acts performed while
in office, and regardless of whether the arrest relates to alleged acts performed in an
‘official’ capacity or a ‘private’ capacity. Furthermore, even the mere risk that, by
travelling to or transiting another State a Minister for Foreign Affairs might be
exposing himself or herself to legal proceedings could deter the Minister from
travelling internationally when required to do so for the purposes of the performance
of his or her official functions.”7
28. I repeat, Mr. President:
“even the mere risk that, by travelling to or transiting another State a Minister for
Foreign Affairs might be exposing himself or herself to legal proceedings could deter
the Minister from travelling internationally when required to do so for the purposes of
the performance of his or her official functions”.
29. In the Arrest Warrant case, the warrant had been issued. In the present case the risk is
ever present, since a warrant could now be issued at any moment. As I have already said, this has
happened before as part of these very proceedings in France.
30. But the imminent risk in the present case is not only the threat of arrest, and all that that
implies for a holder of high-ranking office in the position of the Vice-President, but also the
imminent risk of irreversible steps being taken in the criminal proceedings going as far as
condemnation. A condemnation of the Vice-President of Equatorial Guinea (which, unless the
Court indicates the provisional measures sought, seems quite possible in view of the positions
taken by the French courts so far in this case), would constitute a fait accompli which would
deprive the Court’s eventual judgment on the merits of effect.
31. Mr. President, Members of the Court, the urgency of the situation and the need for
provisional measures is heightened by the fact that the French judicial authorities have shown their
readiness to act swiftly to take further steps in the criminal proceedings despite the present
proceedings before the International Court of Justice. To this we must add the apparent
unwillingness, or perhaps inability, of the French authorities, including the Ministry for Foreign
Affairs, to draw the attention of the French courts to the immunity of the Vice-President under
international law. We have seen that, even after the commencement of the present proceedings,
which happened on 13 June of this year, the French judiciary has not hesitated to issue the
ordonnance de renvoi of 5 September, which has severely aggravated the dispute between
1Arrest Warrant of 11 April 2000 (Democratic Republic of the Congo v. Belgium), Judgment,
I.C.J. Reports 2002, p. 22, para. 55. - 29 -
Equatorial Guinea and France. Indeed, one might be forgiven for thinking that the French courts
have speeded up the domestic proceedings because of the proceedings here in the Peace Palace.
Without an indication of provisional measures, action prejudicial to the rights of Equatorial Guinea
is thus very likely before this Court has given its final decision.
32. The damage to Equatorial Guinea’s rights, before a final judgment is rendered, in the
absence of provisional measures, would be irreparable. The harm that would be caused to the
conduct of the State’s international relations and its defence interests, if its Vice-President, charged
with National Defence, were unable to communicate freely on the international plane and travel
without constant fear of arrest, as well as the harm caused to Equatorial Guinea’s standing in the
world, are things that would not be capable of remedy or reparation.
33. Mr. President, Members of the Court, for all these reasons, Equatorial Guinea submits
that there is a real and imminent risk that irreparable prejudice will be caused, before the Court
gives its final decision, to the rights of Equatorial Guinea as regards the immunity enjoyed under
international law by its Vice-President, charged with National Defence and State Security.
34. Mr. President, Members of the Court, that concludes my statement. I thank you very
much for your attention, and I request that you invite Professor Maurice Kamto to the podium.
The VICE-PRESIDENT, Acting President: I thank Sir Michael Wood and I now invite
Professor Maurice Kamto to the podium. You have the floor, Professor.
M. KAMTO :
4. ES CONDITIONS POUR L ’INDICATION DES MESURES CONSERVATOIRES SONT RÉUNIES
S’AGISSANT ÉGALEMENT DE L ’IMMEUBLE SIS AU 42 AVENUE F OCH À P ARIS
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, c’est toujours un grand honneur
de me présenter devant cette Cour et je vous sais gré de m’accorder à nouveau le privilège de
prendre la parole devant vous, au nom de la République de Guinée équatoriale.
2. Je ne reviendrai pas sur les circonstances qui nous amènent à prendre la parole à ce stade
dans la présente affaire. La procédure en indication de mesures conservatoires est généralement
considérée, devant la Cour, comme étant de nature exceptionnelle. Nous sommes bien dans la
présente affaire dans une situation exceptionnelle, où des procédures pénales engagées dans un - 30 -
Etat, la France, en violation de l’immunité d’une «personne occupant un rang élevé» dans un autre
Etat, la Guinée équatoriale, et contre les locaux de la mission diplomatique de cette dernière, font
peser sur ses droits garantis par le droit international un risque imminent de préjudice irréparable.
Notre vœu le plus cher, Monsieur le président, est que cette procédure puisse reprendre son cours
normal, afin que la Cour donne l’occasion aux Parties, par la décision qu’elle rendra sur le fond de
cette affaire, de poursuivre des relations apaisées et amicales qui n’auraient jamais dû être mises à
mal par les procédures pénales litigieuses.
3. En dehors des mesures que la Guinée équatoriale vous prie d’ordonner afin de préserver
son droit au respect de l’immunité d’une «personne occupant un rang élevé» dans ce pays, et que
mon confrère sir Michael Wood vient d’exposer éloquemment, la Guinée équatoriale vous prie
également d’ordonner les mesures nécessaires pour protéger l’immeuble sis au 42 avenue Foch à
Paris, qui abrite sa mission diplomatique en France. La demande en indication de mesures
conservatoires adressée par la Guinée équatoriale à la Cour, en date du 29 septembre 2016, dit sur
ce point :
«b) que la France veille à ce que l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris soit traité
comme locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale en France, et,
en particulier, assure leur inviolabilité, et que ces locaux, ainsi que leur
ameublement et les … objets qui s’y trouve[raient], soient protégés contre toute
intrusion ou dommage, toute perquisition, réquisition, saisie ou toute autre mesure
de contrainte».
4. Il me revient de montrer que les mesures demandées, dictées par les circonstances, et
conservatoires des droits de chacune des deux Parties au différend, sont à la fois conformes à
l’article 41 du Statut de la Cour tout comme à l’article 73 de son Règlement, deux textes qui sont
au demeurant éclairés par votre jurisprudence, comme vient de l’illustrer mon distingué collègue.
5. C’est un «principe universellement admis» que
«[L]es parties en cause doivent s’abstenir de toute mesure susceptible d’avoir
une répercussion préjudiciable à l’exécution de la décision à venir et, en général ne
laisse procéder à aucun acte, de quelque nature qu’il soit susceptible d’aggraver ou
d’étendre le différend ...»
6. C’est la Cour permanente de Justice internationale qui s’exprimait ainsi relativement à la
demande en indication de mesures conservatoires en l’affaire de la Compagnie d’électricité de - 31 -
18
Sofia et de Bulgarie . Cette formule a été reprise, avec des expressions diverses dans votre
jurisprudence. C’est le défaut du respect de ce principe bien établi et fondamental en matière de
contentieux international qui a conduit la Guinée équatoriale à vous demander d’ordonner des
mesures conservatoires dans la présente affaire.
7. Conformément à l’article 41 de son Statut et à sa jurisprudence, la Cour exige, pour
indiquer des mesures conservatoires, que les droits protégés soient plausibles et qu’il existe un lien
19
entre ces droits et les mesures conservatoires demandées . Je montrerai, d’abord, que ces
conditions sont réunies dans la présente affaire, en ce qui concerne l’immeuble sis au
42 avenue Foch à Paris, qui abrite la mission diplomatique de la Guinée équatoriale. J’exposerai
ensuite que les mesures que la Guinée équatoriale prie la Cour d’ordonner ont uniquement pour
objet :
premièrement, de protéger les droits de chacune des Parties ;
deuxièmement, de protéger ces droits face à une situation d’urgence due au risque sérieux de
préjudice irréparable que fait peser les procédures judiciaires contestées sur le sort de
l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris abritant les locaux de sa mission diplomatique ;
troisièmement, de protéger ces droits en évitant cependant de préjuger au fond du différend qui
vous est soumis.
8. Je voudrais, avec votre permission, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les
juges, reprendre successivement ces quatre points pour les développer brièvement, après quoi je
soumettrai à la Cour les conclusions de la Guinée équatoriale.
1. Les droits dont la protection est recherchée sont plausibles et
ont un lien avec les mesures demandées
9. Monsieur le président, la plausibilité des droits de la Guinée équatoriale a déjà été évoquée
de façon générale par sir Michael Wood. En ce qui concerne plus particulièrement l’immeuble sis
au 42 avenue Foch à Paris, les droits en litige sont relatifs, d’une part, au respect de l’immunité et
de l’inviolabilité de cet immeuble en tant que locaux de la mission diplomatique de la
18Compagnie d'électricité de Sofia et de Bulgarie (Belgique c. Bulgarie), mesures conservatoires, ordonnance du
5 décembre 1939, C.P.J.I. série A/B n° 79, p. 199.
19Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011(I), p. 18, par. 53 et p. 19, par. 55-58. - 32 -
Guinée équatoriale en France et, d’autre part, au respect de son immunité pour ce bien utilisé ou
destiné à être utilisé par l’Etat équato-guinéen à des fins de service public non commerciales. Le
droit à l’immunité et l’inviolabilité de cet immeuble, qui abrite les locaux de la mission
diplomatique de la Guinée équatoriale, repose sur les dispositions de l’article 22 de la convention
de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques ainsi que sur le droit international coutumier.
10. Il existe, en outre, un lien entre les mesures demandées et ces droits dont la plausibilité
est incontestable. En effet, la deuxième mesure sollicitée par la Guinée équatoriale dans les
conclusions de sa demande en indication des mesures conservatoires repose sur ce que la poursuite
ou la reprise des perquisitions de l’immeuble du 42 avenue Foch à Paris, abritant sa mission
diplomatique, et pis encore, sa confiscation et sa vente aux enchères publiques, seraient
susceptibles d’affecter les droits dont la plausibilité est établie.
2. Les mesures demandées protègent les droits de chacune des Parties
11. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, il est clair que la tournure prise
par les procédures pénales en cours en France constitue une menace directe pour les droits de la
Guinée équatoriale. Mais l’on ne saurait trop insister sur le fait que les mesures conservatoires que
la Guinée équatoriale prie la Cour d’indiquer protègent les droits de chacune des Parties au
différend. En effet, en préservant les droits de la Guinée équatoriale des violations qui pourraient
s’avérer, à la lumière de votre décision au fond, contraires au droit international, les mesures
demandées ne portent nullement atteinte aux droits de la France. Grâce auxdites mesures, les droits
de l’une et l’autre Parties seront saufs quelle que soit l’issue de la procédure au fond.
12. Plus précisément, les mesures demandées par la Guinée équatoriale ne portent aucune
atteinte à quelque droit que la France aurait en jeu dans la présente affaire, en vertu du droit
international. Elles permettront d’atteindre l’objectif fondamental de toutes mesures
conservatoires, qui est de suspendre, pendente lite, les mesures préjudiciables engagées, en
attendant la décision finale de la Cour sur le différend qui lui est soumis. Dès lors qu’une telle
suspension, dans un cas, ou la préservation du statu quo, dans l’autre, ne portent atteinte aux droits
d’aucune des deux Parties comme c’est le cas en l’espèce et qu’au contraire l’absence de
20Convention sur les relations diplomatiques, adoptée à Vienne le 18 avril 1961, entrée en vigueur le
24 avril 1964, Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 500, p. 95. - 33 -
telles mesures suspensives ou préservatrices crée un risque sérieux de préjudice grave sur le droit
d’une des Parties, la Cour est fondée à ordonner les mesures demandées ; et elle a toujours procédé
de la sorte.
3. L’urgence de la situation : il existe un risque sérieux de préjudice irréparable
pour les droits de la Guinée équatoriale
13. Troisièmement, il existe un risque sérieux de préjudice irréparable pour les droits de la
Guinée équatoriale relativement à l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris. Monsieur le
président, l’autre exigence requise par la Cour en effet pour ordonner des mesures conservatoires
est qu’il existe «un risque sérieux» 21 «ou réel et imminent» 22 cela varie selon votre
23
jurisprudence qu’un «préjudice irréparable» soit causé aux droits en litige dans la procédure
qui a cours devant elle. Cette expression s’inscrit dans le sillage de la formule de l’ordonnance
rendue en 1927 en l’affaire de la Dénonciation du traité sino-belge du 2 novembre 1865 dans
laquelle la Cour permanente soulignait que la violation éventuelle des droits allégués «ne saurait
être réparée moyennant le versement d’une simple indemnité ou par une autre prestation
24
matérielle» . Dès lors, comme vous l’avez dit dans l’affaire du Mandat d’arrêt du 11 avril 2000,
la tâche de la Cour doit être de se préoccuper de sauvegarder, par les mesures qui lui sont
demandées, «les droits que l’arrêt qu’elle aura ultérieurement à rendre pourrait éventuellement
reconnaître, soit au demandeur, soit au défendeur» , et cela «présuppose qu’un préjudice
26
irréparable ne doit pas être causé aux droits en litige» dans le différend dont elle est saisie .
21 Voir, par exemple, Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), mesures conservatoires,
ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 10, par. 21.
22 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 21-22, par. 64 ; Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica) ; Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 13 décembre 2013,
C.I.J. Recueil 2013, p. 405, par. 24.
23 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 19,
par. 34.
24Mesures conservatoires, ordonnance du 8 janvier 1927, C.P.J.I. série A n 8, p. 6.
25 Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni c. Iran), mesures conservatoires, ordonnance du 5 juillet 1951,
C.I.J. Recueil 1951, p. 93 ; Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 18, par. 53.
26 Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), mesures conservatoires,
ordonnance du 8 décembre 2000, C.I.J. Recueil 2000, par. 69. - 34 -
14. Il s’en suit, Mesdames et Messieurs les juges, que ce que la Cour est appelée à apprécier
afin d’ordonner des mesures conservatoires, ce n’est pas la réalisation du préjudice irréparable mais
le risque qu’un tel préjudice puisse se produire. C’est donc le risque, pas le préjudice lui-même,
qui est le critère déterminant.
15. Or, dans la présente affaire, le risque sérieux qu’un préjudice irréparable soit causé aux
droits de la Guinée équatoriale relativement à l’immeuble sis au 42 avenue Foch est élevé. Ce
préjudice, qui est grave quand on considère le bien que constitue l’immeuble en question, devient
un préjudice irréparable lorsque l’on sait qu’il s’agit des locaux de la mission diplomatique de la
Guinée équatoriale, car l’atteinte à l’immeuble risque d’affecter sévèrement la conduite des
relations entre les deux pays et de porter atteinte à la souveraineté, à l’honneur et à la dignité de la
Guinée équatoriale. Le terme irréparable renvoie en l’occurrence à ce qu’aucune compensation
pécuniaire ou de quelque autre nature ne peut vraiment effacer. C’est le cas, certes, lorsque la paix
et la sécurité sont en cause ; mais c’est bien le cas aussi lorsque, comme dans la présente affaire, il
y a atteinte et risque d’aggravation de l’atteinte à la conduite paisible des relations diplomatiques et
à l’honneur et à la dignité d’un Etat.
16. Les locaux de la mission diplomatique sis au 42 avenue Foch à Paris sont désormais
exposés à un risque de confiscation judiciaire pouvant intervenir à tout moment, je dis bien à
tout moment et la mission diplomatique à une expulsion consécutive à une vente aux enchères
publiques de l’immeuble. En outre, puisque ces locaux abritant la mission diplomatique de la
Guinée équatoriale n’ont pas été reconnus comme tels par la France, il existe un risque constant
d’intrusion soit de la police et des autorités judiciaires françaises, soit des personnes privées. Ceci
affecte la capacité de l’ambassade de la Guinée équatoriale à mener ses activités quotidiennes. Or,
comme la Cour l’a affirmé dans son ordonnance en l’affaire du Personnel diplomatique et
consulaire,
«dans la conduite des relations entre Etats, il n’est pas d’exigence plus fondamentale
que celle de l’inviolabilité des diplomates et des ambassades et que c’est ainsi que, au
long de l’histoire, des nations de toutes croyances et toutes cultures ont observé des
obligations réciproques à cet effet» .7
27Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c. Iran), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979, C.I.J. Recueil 1979, p. 19, par. 38. - 35 -
17. Dans les procédures en cours devant les juridictions pénales françaises, le sort de
l’immeuble sis au 42 avenue Foch est inextricablement lié à celui du vice-président de la
Guinée équatoriale. Une condamnation de ce dernier entraînerait pour l’immeuble sa confiscation
et sa vente aux enchères publiques. On voit d’ici le spectacle, Monsieur le président : l’ambassade
de Guinée équatoriale vendue aux enchères signifie que l’ambassadeur de Guinée équatoriale en
France, le personnel de l’ambassade, les équipements ainsi que les dossiers sont jetés à la rue.
Cette perspective insoutenable est déshonorante pour un Etat souverain, mais c’est une perspective
réelle si les mesures sollicitées ne sont pas ordonnées. En dehors de telles mesures, rien ne peut
arrêter la justice française dans son élan actuel.
18. On vous l’a dit, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, la procédure
s’est emballée : une ordonnance de renvoi du vice-président de la Guinée équatoriale devant le
Tribunal correctionnel de Paris a été prise le 5 septembre dernier et l’ouverture de son procès peut
commencer à tout moment. Les juges de ce Tribunal correctionnel seuls ont désormais la maîtrise
du temps judiciaire. Même le Gouvernement français semble ne pouvoir rien y faire ou en tout cas
pas grand-chose. Il apparaît qu’une promesse de l’exécutif français ne pourra suffire à interrompre
le cours de la justice, qui n’admettrait une telle intervention que pour un motif légitime, notion qui
inclurait la mise en œuvre d’une décision émanant de la Cour internationale de Justice.
19. Il échet de rappeler qu’en dépit des protestations de la Guinée équatoriale, des
perquisitions ont eu lieu de façon répétitive dans l’immeuble abritant les locaux de sa mission
diplomatique ; que, malgré ses explications, l’immeuble en question a néanmoins fait l’objet de
saisie judiciaire. C’est pourquoi la Guinée équatoriale soutient qu’il y a urgence à ordonner des
mesures conservatoires dans la présente affaire, parce qu’«il est probable qu’une action
préjudiciable aux droits de l’une ou l’autre partie sera commise avant qu’un ... arrêt définitif ne soit
rendu», ainsi que la Cour l’a dit dans son ordonnance en l’affaire du Passage par le Grand-Belt . 28
20. Dans ses plaidoiries orales au sujet des mesures conservatoires en l’affaire de Certaines
procédures pénales engagées en France, mon éminent collègue et ami, le professeur Alain Pellet,
soutenait, en tant que conseil de la France, que le Congo ne pouvait redouter la survenance d’aucun
28Passage par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991,
C.I.J. Recueil 1991, p. 17, par. 23. - 36 -
dommage irréparable, pas même d’aucun dommage «tout court», amplifiait-il, au motif que la
demande d’audition adressée au chef de l’Etat congolais n’était qu’une «invitation» que ce dernier
pouvait décliner sans aucune conséquence ni judiciaire, ni pour son immunité personnelle. Il
déclarait alors qu’en l’occurrence, la mesure sollicitée
«ne pouvait être indiquée que si et dans la mesure où un acte de procédure alléguée
pouvait lui causer, à lui Congo, un préjudice irréparable en menaçant la jouissance
d’immunités internationalement reconnues» . 29
21. Or, nous y sommes en plein dans la présente affaire. A la différence de cette affaire
Congo c. France, où l’Etat demandeur n’avait invoqué le moyen tiré de la violation de telles
immunités qu’à propos du chef de l’Etat congolais, «et de lui seul», dans la présente affaire, la
violation de l’immunité est invoquée aussi en ce qui concerne le vice-président de la
Guinée équatoriale, mais également en ce qui concerne les locaux de la mission diplomatique de ce
pays. Or, je le répète, ces locaux ont déjà fait l’objet de quatre perquisitions pas moins entre
2011 et 2016, en dépit des protestations fermes et réitérées de la Guinée équatoriale, notamment
par le truchement de son ambassadeur à Paris ; l’immeuble abritant ces locaux a déjà fait l’objet
d’une saisie judiciaire ; enfin, et plus inquiétant encore, l’évolution des procédures pénales devant
les juridictions françaises l’expose désormais à un risque réel et imminent de confiscation et, nous
l’avons dit, de vente aux enchères publiques, puisque l’on en est désormais à la troisième et
dernière phase dans la procédure pénale telle qu’elle résulte du code pénal français je voudrais
juste rappeler pour mémoire que la France avait donné une présentation détaillée et claire de la
procédure pénale en France dans son exposé dans l’affaire Congo c. France cette dernière phase
est la phase du jugement, qui est déjà ouverte en ce qui concerne le vice-président de la
Guinée équatoriale, avec des conséquences directes pour l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris.
22. En attendant l’issue du différend sur le fond, seule cette Cour peut, par les mesures
conservatoires demandées, faire en sorte que l’irréparable ne se produise pas, et l’irréparable c’est
la poursuite des perquisitions des locaux de la mission diplomatique d’un Etat souverain, la
Guinée équatoriale, au mépris du principe de l’inviolabilité desdits locaux ; le risque réel de
confiscation et de la vente aux enchères publiques de l’immeuble abritant ladite mission, au
29Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), CR 2003/21, p. 25,
par. 20 (Pellet). - 37 -
préjudice de la conduite paisible des relations diplomatiques de la Guinée équatoriale et au grand
déshonneur de cet Etat qui, je dois le dire, avant les procédures pénales litigieuses, entretenait avec
la France des relations amicales et de confiance.
4. Les mesures sollicitées ne préjugent pas le fond du litige
23. Je rappelle qu’il ne s’agit pas à ce stade de demander à la Cour de se prononcer sur le
statut de l’immeuble du 42 avenue Foch à Paris, ou sur la question de la propriété de cet immeuble.
La Guinée équatoriale est bien consciente que si dans la présente procédure concernant l’indication
de mesures conservatoires, la Cour doit examiner si les circonstances portées à son attention
exigent l’indication de telles mesures, elle n’est pas, comme elle l’a rappelée notamment dans
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide,
«habilitée à conclure définitivement sur les faits ou leur imputabilité et que sa décision
doit laisser intact le droit de chacune des Parties de contester les faits allégués contre
elle, ainsi que la responsabilité qui lui est imputée quant à ces faits et faire valoir ses
moyens sur le fond…» 30
24. La Guinée équatoriale ne demande donc pas à la Cour de se prononcer sur ces questions
dans le cadre de cette procédure incidente. Nous ne demandons pas à la Cour de reconnaître à la
Guinée équatoriale la propriété de l’immeuble de l’avenue Foch. Nous ne demandons pas que la
Cour annule l’ordonnance de saisie de cet immeuble. En revanche, nous demandons que cet
immeuble soit traité comme locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale, sachant
que la Guinée équatoriale se plierait à toute décision de la Cour, même si, arguando, elle devait
méconnaître à cet immeuble le statut de locaux de mission diplomatique. En somme, il appartient à
la Cour, face au risque que cet immeuble soit soustrait du patrimoine de la Guinée équatoriale avec
les conséquences irréparables d’atteinte à l’honneur et à la dignité de ce pays par l’expulsion de sa
mission diplomatique, d’en tirer toutes les conséquences quant à l’indication des mesures
conservatoires sollicitées.
30Application de la convention pour la prévention et répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 22,
par. 44. - 38 -
25. Le statut de l’immeuble, plus précisément la question de sa propriété et de sa qualité de
locaux de mission diplomatique, constitue l’un des aspects importants du différend qui oppose la
Guinée équatoriale à la France. Or, d’après la jurisprudence, reflétée dans l’ordonnance de la Cour
permanente de Justice internationale en l’affaire de la Réforme agraire polonaise et minorité
allemande,
«[L]a condition essentielle nécessaire pour que des mesures conservatoires
puissent, si les circonstances l’exigent, être sollicitées, est que ces mesures tendent à
31
sauvegarder les droits objets du différend dont la Cour est saisie.»
26. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, la Guinée équatoriale a rappelé
l’ensemble des droits objets du différend dont la Cour est saisie, il n’y a pas lieu d’y revenir. En
revanche, il y a lieu de redire que ces droits courent désormais un risque réel de préjudice
irréparable, et que dès lors les mesures conservatoires demandées n’ont pas pour but d’«obtenir un
jugement provisionnel adjugeant une partie des conclusions» pour reprendre une formule de la
Cour permanente de Justice internationale dans son ordonnance en l’affaire de l’Usine de
32
Chozow .
27. Disons les choses telles qu’elles sont : les mesures sollicitées sont en fait des mesures
provisoires, et ne sont indiquées qu’«à titre provisoire», comme le dit la Cour elle-même dans ses
ordonnances lorsqu’elle consent à indiquer de telles mesures . 33 Les mesures ordonnées ne
produiront plus d’effet une fois que la Cour se sera prononcée sur le fond du différend dont elle a
été saisie. La Guinée équatoriale est confiante que la Cour indiquera ces mesures, afin de permettre
à la procédure au fond de se dérouler dans la sérénité que créera la garantie des droits protégés par
son ordonnance.
5. Conclusions de la Guinée équatoriale
28. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, mes collègues et moi-même
avons montré que les conditions requises pour que la Cour indique les mesures demandées sont
31Réforme agraire polonaise et minorité allemande (Allemagne c. Pologne), mesures conservatoires, ordonnance
du 29 juillet 1933, C.P.J.I. série A/B n° 58, p. 177.
32Mesures conservatoires, ordonnance du 21 novembre 1927, C.P.I.J. série A n° 12, p. 10.
33
Voir, par exemple, Différend frontalier (Burkina-Faso/Mali), mesures conservatoires, ordonnance du
10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 11, par. 32 ; Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I),
p. 27, par. 86. - 39 -
réunies en l’espèce. Le but le seul but de la présente procédure incidente est simple : amener
votre haute juridiction à constater que les développements récents dans les procédures pénales
françaises, objet du différend entre la Guinée équatoriale et la France, et, en particulier,
l’ordonnance du 5 septembre 2016, créent un risque réel et sérieux de préjudice irréparable pour les
droits de la Guinée équatoriale, et, dès lors, à en tirer les conséquences qui s’imposent, afin qu’une
future décision de la Cour sur le fond du litige ne soit pas privée d’effets.
29. Nous avons montré que l’immunité d’une «personne occupant un rang élevé» en
Guinée équatoriale, en l’occurrence le vice-président de ce pays, est ignorée, et que, pis encore, les
procédures engagées contre elle ont atteint la phase de jugement, la phase ultime dans la procédure
pénale en France : dès lors il risque un jugement et une condamnation pénale à tout moment. Nous
avons montré que l’inviolabilité des locaux de l’ambassade de la Guinée équatoriale en France,
qu’abrite l’immeuble du 42 avenue Foch à Paris, fait l’objet d’une violation continue du fait des
perquisitions répétées des autorités judiciaires françaises, en dépit de l’immunité dont cette mission
diplomatique bénéficie en vertu du droit international ; que, bien plus grave, l’immeuble en
question, qui a déjà fait l’objet d’une saisie judiciaire, court un risque imminent de confiscation et
de vente aux enchères publiques dans le cadre des procédures pénales pendantes devant les
juridictions françaises.
30. En l’espèce, les faits et les règles de droit applicables ont été clairement exposés au nom
de la Guinée équatoriale. L’urgence, qui se traduit par un risque sérieux de préjudice irréparable
aux droits en cause dans la présente affaire, a été démontrée. La Guinée équatoriale est dès lors
confiante, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, que la Cour ordonnera les
mesures qu’elle a demandées, car seule votre Cour peut encore écarter le spectre de la menace que
les procédures pénales litigieuses font peser sur les droits de la Guinée équatoriale, ces droits
qu’elle entend protéger dans l’affaire qui l’oppose à la France et dont vous êtes saisis.
31. Ceci termine les plaidoiries de la Guinée équatoriale pour ce premier tour. Il me reste,
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, à vous remercier de votre bienveillante
attention. - 40 -
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Je vous remercie, Monsieur le
professeur. Voilà qui met fin au premier tour d’observations orales de la Guinée équatoriale. La
Cour se réunira de nouveau demain matin à 10 heures, pour entendre le premier tour d’observations
orales de la France. L’audience est levée.
L’audience est levée à 11 h 45.
___________
Public sitting held on Monday 17 October 2016, at 10 a.m., at the Peace Palace, Vice-President Yusuf, Acting President, presiding, in the case concerning Immunities and Criminal Proceedings (Equatorial Guinea v. France)