Non-Corrigé
Uncorrected
CR 2008/18
International Court Cour internationale
of Justice de Justice
THHEAGUE LAAYE
YEAR 2008
Public sitting
held on Tuesday 2 September 2008, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Higgins presiding,
in the case concerning Maritime Delimitation in the Black Sea
(Romania v. Ukraine)
________________
VERBATIM RECORD
________________
ANNÉE 2008
Audience publique
tenue le mardi 2 septembre 2008, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de Mme Higgins, président,
en l’affaire relative à la Délimitation maritime en mer Noire
(Roumanie c. Ukraine)
____________________
COMPTE RENDU
____________________ - 2 -
Present: Presieitgins
Vice-PresiKntasawneh
Judges Ranjeva
Shi
Koroma
Buergenthal
Owada
Tomka
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov
Judges ad hoc Cot
Oxman
Registrar Couvreur
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -
Présents : Mme Higgins,président
Al-Kh.vce-prh,ident
RanMjv.
Shi
Koroma
Buergenthal
Owada
Tomka
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skoteiskov,
CotMM.
jOges an, ad hoc
Cgoefferr,
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -
The Government of Romania is represented by:
Mr. Bogdan Aurescu, Director General, Ministry of Foreign Affairs of Romania, Professor
Lecturer, Faculty of Law, University of Buchar est, President of the Romanian Branch of the
International Law Association, member of th e Permanent Court of Arbitration, substitute
member of the Venice Commission,
as Agent, Counsel and Advocate;
Mr. Cosmin Dinescu, Director General for Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs of Romania,
as Co-Agent, Counsel and Advocate;
H.E Mr. Călin Fabian, Ambassador of Romania to the Kingdom of the Netherlands,
As Co-Agent;
Mr. James Crawford, S.C., F.B.A., Whewell Prof essor of International Law, University of
Cambridge, member of the Institut de droit international, Barrister, Matrix Chambers,
Mr. Vaughan Lowe, Q.C., Chichele Professor of Inte rnational Law, University of Oxford, member
of the English Bar, associate member of the Institut de droit international,
Mr. Alain Pellet, Professor at the University Paris Ouest, Nanterre-La Défense, member and former
Chairman of the International Law Commission, associate member of the Institut de droit
international,
a s Senior Counsel and Advocates;
Mr. Daniel Muller, Researcher at the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), University
of Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
as Counsel and Advocate;
Mr. Simon Olleson, member of the English Bar, 13 Old Square Chambers,
as Counsel;
Mr. Gicu Boroşi, Director General, National Agency for Mineral Resources,
Mr. Mihai German, Deputy Director General, Nati onal Agency for Mineral Resources, member of
the United Nations Commission on the Limits of the Continental Shelf,
Mr. Eugen Laurian, Counter-Admiral (retired),
Mr. Octavian Buzatu, Lieutenant Commander (retired),
Mr. Ovidiu Neghiu, Captain, Ministry of Defence of Romania,
as Technical and Cartographic Experts;
Mr. Liviu Dumitru, Head of the Borders and Maritime Delimitation Unit, Ministry of Foreign
Affairs of Romania, - 5 -
Le Gouvernement de la Roumanie est représenté par :
M. Bogdan Aurescu, directeur général au ministère roumain des affaires étrangères, chargé de
cours à la faculté de droit de l’Université de Bucarest, président de la section roumaine de
l’Association de droit international, membre de la Cour permanente d’arbitrage, membre
suppléant de la Commission de Venise,
comme agent, conseil et avocat ;
M.CosminDinescu, directeur général des affair es juridiques du ministère roumain des affaires
étrangères,
comme coagent, conseil et avocat ;
S. Exc. M. Călin Fabian, ambassadeur de Roumanie auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme coagent ;
M. James Crawford, S.C., F.B.A., professeur de dr oit international à l’Université de Cambridge,
titulaire de la chaire Whewell, membre de l’Institut de droit international, avocat, Matrix
Chambers,
M. Vaughan Lowe, Q.C., professeur de droit internati onal à l’Université d’Oxford, titulaire de la
chaire Chichele, membre du barreau d’Anglet erre, membre associé de l’Institut de droit
international,
M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Pari s Ouest, Nanterre-La Défense, membre et ancien
président de la Commission du droit internatio nal, membre associé de l’Institut de droit
international,
comme conseils principaux et avocats ;
M. Daniel Muller, chercheur au Centre de droit in ternational de Nanterre (CEDIN), Université de
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
comme conseil et avocat ;
M. Simon Olleson, membre du barreau d’Angleterre, 13 Old Square Chambers,
comme conseil ;
M. Gicu Boroşi, directeur général de l’agence nationale des ressources minières,
M. Mihai German, directeur général adjoint de l’agence nationale des ressources minières, membre
de la Commission des limites du plateau continental de l’ONU,
M. Eugen Laurian, contre-amiral (en retraite),
M. Octavian Buzatu, capitaine de corvette (en retraite),
M. Ovidiu Neghiu, capitaine, ministère roumain de la défense,
comme experts techniques et cartographes ;
M. Liviu Dumitru, chef de l’unité frontières et délimitation maritime du ministère roumain des
affaires étrangères, - 6 -
Ms Irina Ni ţă, Second Secretary, Legal Adviser, Embassy of Romania in the Kingdom of the
Netherlands,
Ms Catrinel Brumar, Third Secretary, Borders and Maritime Delimitation Unit, Ministry of Foreign
Affairs of Romania,
Ms Mirela Pascaru, Third Secretary, Borders and Maritime Delimitation Unit, Ministry of Foreign
Affairs of Romania,
Ms Ioana Preda, Third Secretary, Borders and Maritime Delimitation Unit, Ministry of Foreign
Affairs of Romania,
Ms Olivia Horvath, Desk Officer, Public Diplom acy Department, Ministry of Foreign Affairs of
Romania,
as Advisers.
The Government of Ukraine is represented by:
H.E. Mr. Volodymyr A. Vassylenko, Adviser to th e Minister for Foreign Affairs of Ukraine,
Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of Ukraine, Professor of International Law,
National University of Kyiv Mohyla Academy,
as Agent;
H.E. Mr. Oleksandr M. Kupchyshyn, Deputy Foreign Minister of Ukraine,
Mr. Volodymyr G. Krokhmal, Director of the Lega l and Treaty Department of the Ministry of
Foreign Affairs of Ukraine,
as Co-Agents;
Mr. Rodman R. Bundy, avocat à la Cour d’appel de Paris , Member of the New York Bar,
Eversheds LLP, Paris,
Mr. Jean-Pierre Quenedec, Professor emeritus of Inte rnational Law at the University of ParisI
(Panthéon-Sorbonne),
Sir Michael Wood, K.C.M.G., Member of the English Bar, Member of the United Nations
International Law Commission,
Ms Loretta Malintoppi, avocat à la Cour d’appel de Paris , Member of the Rome Bar,
Eversheds LLP, Paris,
as Counsel and Advocates;
H.E. Mr. Vasyl G. Korzachenko, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of Ukraine,
Mr. Nick Minogue, Solicitor of the Supreme Court of England and Wales,
Mr. Oleksii V. Ivaschenko, Acting Head of International Law Division, Legal and Treaty
Department of the Ministry of Foreign Affairs of Ukraine, - 7 -
Mme Irina Niţă, deuxième secrétaire, conseiller juridique à l’ambassade de Roumanie au Royaume
des Pays-Bas,
Mme Catrinel Brumar, troisième secrétaire, unité frontières et délimitation maritime du ministère
roumain des affaires étrangères,
Mme Mirela Pascaru, troisième secrétaire, unité frontières et délimitation maritime du ministère
roumain des affaires étrangères,
Mme Ioana Preda, troisième secrétaire, unité frontières et délimitation maritime du ministère
roumain des affaires étrangères,
Mme Olivia Horvath, responsable du départem ent des relations diplomatiques du ministère
roumain des affaires étrangères,
commceonseillers.
Le Gouvernement de l’Ukraine est représenté par :
S. Exc. M. Volodymyr A. Vassylenko, conseiller du ministre des affaires étrangères de l’Ukraine,
ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d’Ukraine, professeur de droit international à
l’Académie Mohyla (Université nationale de Kiev),
comme agent ;
S. Exc. M. Oleksandr M. Kupchyshyn, vice-ministre des affaires étrangères de l’Ukraine,
M. Volodymyr G. Krokhmal, directeur du départem ent des affaires juridiques et des traités du
ministère des affaires étrangères de l’Ukraine,
comme coagents ;
M. Rodman R. Bundy, avocat à la cour d’appel de Paris, membre du barreau de New York, cabinet
Eversheds LLP, Paris,
M. Jean-Pierre Quéneudec, professeur émérite de dr oit international à l’Université de ParisI
(Panthéon-Sorbonne),
sir Michael Wood, K.C.M.G., membre du barreau d’Angleterre, membre de la Commission du
droit international de l’Organisation des Nations Unies
Mme Loretta Malintoppi, avocat à la cour d’appel de Paris, membre du barreau de Rome, cabinet
Eversheds LLP, Paris,
comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Vasyl G. Korzachenko, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d’Ukraine,
M. Nick Minogue, Solicitor à la Cour suprême d’Angleterre et du pays de Galles,
M. Oleksii V. Ivaschenko, directeur par intérim de la division du droit international, département
des affaires juridiques et des traités du ministère des affaires étrangères de l’Ukraine, - 8 -
Mr. Maxime O. Kononenko, First Secretary of the Embassy of Ukraine in the French Republic,
Ms Mariana O. Betsa, Second Secretary of th e Embassy of Ukraine in the Kingdom of the
Netherlands,
as Legal Advisers;
Mr. Robin Cleverly, M.A., D. Phil, C. Geol, F.G.S., Law of the Sea Consultant, Admiralty
Consultancy Services,
Major General Borys D. Tregubov, Assistant to the Head of the State Border Protection Service of
Ukraine,
as Technical Advisers. - 9 -
M. Maxime O. Kononenko, premier secrétaire à l’ambassade d’Ukraine en France,
Mme Mariana O. Betsa, deuxième secrétaire à l’ambassade d’Ukraine au Royaume des Pays-Bas,
comme conseillers juridiques ;
M. Robin Cleverly, M.A., D. Phil., C. Geol., F.G.S., consultant en droit de la mer, Admiralty
Consultancy Services,
M. Borys D. Tregubov, général de division, assistant du chef du service de protection des frontières
d’Etat de l’Ukraine,
comme conseillers techniques. - 10 -
The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open and the Court now meets to hear the
oral arguments of the Parties in the case concerning Maritime Delimitation in the Black Sea
(Romania v. Ukraine).
I begin by noting that Judge Simma, referring to Article 17, paragraph 2, of the Statute, has
recused himself from participating in the present case.
alsoI note that Judge Parra-Aranguren, for reasons made known to me, is presently unable to
take his seat on the Bench.
Since the Court does not include upon the Bench a judge of the nationality of either of the
Parties, both Parties have availed themselves of the right, under Article31, paragraph2, of the
Statute, to choose a judge ad hoc . Romania chose Mr.Jean-PierreCot and Ukraine
Mr. Bernard H. Oxman.
Article20 of the Statute provides: “Every Member of the Court shall, before taking up his
duties, make a solemn declaration in open court that he will exercise his powers impartially and
conscientiously.” Pursuant to Article 31, paragraph 6, of the Statute, that same provision applies to
judges ad hoc.
In accordance with custom, I shall first say a few words about the career and qualifications
of each judge ad hoc before inviting him to make his solemn declaration.
Mr. Jean-Pierre Cot, of French nationality, is a member of the International Tribunal for the
Law of the Sea. He is also Professor Emeritus at the University Paris-I (Panthéon-Sorbonne) and
an associate research fellow at the Centre de droit international of the Université Libre de
Bruxelles. Between 1981 and 1982, he served as Minist er for Co-operation and Development in
the French Government. For a number of years Mr. Cot was a member of the European Parliament
and held several distinguished positions at this institution including President of the Budget
Committee and Vice-President of the European Parliament. Mr. Cot has appeared before this Court
as counsel and advocate in a number of cases, such as the cases concerning Frontier Dispute
(Burkina Faso/Republic of Mali), Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad) ,
Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia), Land and Maritime Boundary between Cameroon and
Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea intervening) , and Sovereignty over Pulau - 11 -
Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia) . Mr. Cot is the author of many publications on
questions of international law, European law a nd political science. He is President of the Société
française pour le droit international.
Mr.BernardH.Oxman, of American nationality, is Professor at the University of Miami
School of Law and Director of the Ocean and Coastal Law Program. He is also Co-Editor-in-Chief
of the American Journal of International Law . Mr.Oxman has served at the Office of the Legal
Adviser at the United States Department of State as Assistant Legal Adviser for Oceans,
Environment and Scientific Affairs. He was the United States representative and Vice-Chair of the
United States delegation at the Third United Nations Conference on the L
aw of the Sea.
Mr. Oxman was appointed a judge ad hoc at the International Tribunal for the Law of the Sea and a
member of the arbitral tribunal constituted unde r Annex VII of the United Nations Convention on
the Law of the Sea in a case between Malaysia and Singapore. He has also acted as legal
consultant to the Government of the United States of America in the case concerning Delimitation
of the Maritime Boundary in the Gulf of Maine Area (Canada/United States of America) before this
Court. Mr.Oxman has published numerous works in various fields of international law, in
particular on the international law of the sea.
In accordance with the order of precedence fixed by Article7, paragraph3, of the Rules of
Court, I shall first invite Mr.Cot to make the so lemn declaration prescribed by the Statute, and I
would request all those present to rise.
M. COT: Merci, Madame le président.
«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes
attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et
en toute conscience.»
The PRESIDENT: Thank you. I shall now invite Mr.Oxman to make the solemn
declaration prescribed by the Statute.
Mr. OXMAN: Thank you, Madam President.
“I solemnly declare that I will perform my duties and exercise my powers as
judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.” - 12 -
The PRESIDENT: Thank you. Please be seated. I take note of the solemn declarations
made by Mr.Cot and Mr.Oxman and declare them duly installed as judges ad hoc in the case
concerning Maritime Delimitation in the Black Sea (Romania v. Ukraine).
*
I shall now recall the principal steps of the procedure so far followed
in the case.
On 16September2004 Romania filed in the Registry of the Court an Application dated
13 September 2004, instituting proceedings against Ukraine concerning the delimitation of the
continental shelf and the exclusive economic zones of Romania and Ukraine in the Black Sea.
In its Application, Romania sought to found the jurisdiction of the Court on the provisions of
Article 4 (h) of the Additional Agreement constituted by an exchange of letters of 2June1997
between the Ministers for Foreign Affairs of Ro mania and Ukraine. The Additional Agreement
was concluded with reference to Article 2 of the Treaty on the Relations of Good Neighbourliness
and Co-operation between Romania and Ukraine, signed on 2 June 1997. Both instruments entered
into force on 22 October 1997.
Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute, the Registrar immediately communicated
a certified copy of the Application to the Govern ment of Ukraine; and, in accordance with
paragraph3 of that Article, all States entitled to appear before the Court were notified of the
Application.
Pursuant to the instructions of the Court under Article 43 of the Rules of Court, the Registrar
addressed to States parties to the United Nations Convention on the Law of the Sea of
10December1982 the notifications provided for in Article63, paragraph1, of the Statute of the
Court. In addition, the Registrar addressed to the European Community, which is also party to that
Convention, the notification provided for in Artic le43, paragraph2, of the Rules of Court, as
adopted on 29September2005, and asked that or ganization whether or not it intended to furnish
observations under that provision. In response, the Registrar was informed that the European
Community did not intend to submit observations in the case. - 13 -
By an Order dated 19November2004, the Court fixed 19August2005 and 19May2006,
respectively, as the time-limits for the filing of the Memorial of Romania and of the
Counter-Memorial of Ukraine; and those pleadi ngs were duly filed within the time-limits so
prescribed.
By an Order of 30June2006, the Court authorized the submission of a Reply by Romania
and a Rejoinder by Ukraine, and fixed 22D ecember2006 and 15June2007 as the respective
time-limits for the filing of those pleadings. The Reply of Romania was filed within the time-limits
thus fixed. By an Order of 8June2007 the Co urt, at the request of Ukraine, extended to
6July 2007 the time-limit for the filing of the Re joinder. Ukraine duly filed its Rejoinder within
the time-limit as thus extended.
On 23 August 2007, the Agent of Romania info rmed the Court that his Government wished
to produce a new document in accordance with Ar ticle56 of the Rules of Court and provided
certain explanations in justification of its request. In response, the Agent of Ukraine stated that his
Government did not consent to the production of this new document, on the grounds that Romania
had not “acted in compliance with Practice DirectionIX”. In view of the absence of consent of
Ukraine, on 10December2007, the Registrar, on the instructions of the Court, requested that the
Government of Romania provide further explanations as to why the Court should regard the new
document as necessary. Such additional explana tions were duly submitted by the Government of
Romania on 18December2007. On 23January2008, the Parties were informed that the Court,
pursuant to Article56, paragraph2, of the Rules of Court, having considered the views of the
Parties, had decided to authorize the production by the Government of Romania of the new
document requested.
*
Having ascertained the views of the Parties, the Court decided, pursuant to Article53,
paragraph 2, of its Rules, that copies of the pl eadings and the documents annexed would be made
accessible to the public on the opening of the oral proceedings. Further, in accordance with the - 14 -
Court’s practice, the pleadings without their a nnexes will be placed on the Court’s website from
today.
*
I note the presence at the hearing of the Agents , counsel and advocates of both Parties. In
accordance with the arrangements on the organizati on of the procedure which have been decided
by the Court, the hearings will comprise a firand second round of oral argument. Pursuant to
Article60, paragraph1, of the Rules of Court, the oral presentations are to be as succinct as
possible.
*
The first round of oral argument will begin today and will close on Friday
12 September 2008. The second round of oral argument will begin on Monday 15 September 2008
and will close on Friday 19 September 2008.
*
Romania, which is the Applicant in the case, will be heard first. I call upon His Excellency
Mr. Bogdan Aurescu, Agent of Romania.
M. AURESCU :
D ISCOURS INTRODUCTIF DE L ’AGENT DE LA R OUMANIE
Introduction
1. Madame le président, Messieurs de la C our, c’est un grand honneur et un vrai privilège
pour moi de représenter mon pays devant vous en qualité d’agent de la Roumanie.
2. Premièrement, parce que cette qualité me donne l’occasion de rendre un hommage
respectueux à la Cour internationale de Justice,le prestigieux organe judiciaire principal des - 15 -
NationsUnies, ainsi qu’à tous ses juges, qui représentent avec professionnalisme et intégrité les
principaux systèmes juridiques du monde.
3. Deuxièmement, parce que —pour la Roumanie— le respect rigoureux du droit
international représente la base même, le noyau essentiel de notre politique étrangère. Le droit
international est, pour un pays européen de la taille de la Roumanie, l’instrument le plus efficace
pour aboutir aux solutions équitables dans les différends internationaux. De son côté, cette Cour se
consacre à l’application efficace et perspicace du dro it international afin d’établir durablement la
licéité et l’ordre public internationaux.
4. Cette constante de la politique étrangè re de mon pays trouve ses racines dans la
contribution roumaine au développement du droit in ternational et de la justice internationale.
L’école roumaine de droit international a donné, inter alia, un juge à la Cour permanente de Justice
internationale pendant toute la période d’activité de celle-ci — Demetre Negulesco, qui a écrit avec
une grande autorité scientifique sur les avis c onsultatifs, ainsi qu’un des principaux fondateurs du
concept du droit international pénal et de cour pé nale internationale — Vespasien Pella, pour n’en
mentionner que deux exemples. Ils s’ajoutent à la contribution de Nicolae Titulesco, ancien
ministre des affaires étrangères et président (deux fois) de l’Assemblée de la Société des Nations,
qui est l’un des auteurs de la définition de l’agression inscrite dans les conventions de Londres de
1933 (les conventions «Titulesco-Litvinov»), et le promoteur visionnaire du concept de la
«spiritualité des frontières» (qui annonçait déjà
les principes de Schengen) et des organisations
internationales régionales. En ce qui concerne le droit de la mer, les travaux préparatoires de la
convention de Montego Bay de 1982 témoignent de l’ apport substantiel de la Roumanie, la lettre et
l’esprit de ses propositions étant retenues, très largem ent, par le texte de la convention, y compris
dans son article 121 sur le régime des îles, et surtout dans son paragraphe 3 1.
5. Je ressens particulièrement ce privilège —également et en troisième lieu— parce que
c’est la première fois que la Roumanie se prése nte devant vous dans le cadre d’une affaire
contentieuse. En septembre 2004, quand la Roum anie a saisi la Cour de cette affaire de
délimitation maritime en mer Noire, mon pays l’ a fait en faisant pleine confiance à la haute
1
Mémoire de la Roumanie (MR), p. 85-90, par. 8.8-8.16. - 16 -
juridiction pour régler de façon juste et impartiale ce différend, en se fondant sur le riche acquis de
sa jurisprudence en la matière. Cet acquis représen te, pour la Roumanie, la garantie absolue d’une
solution équitable et conforme au droit. Madame le président, c’est la même confiance qui nous
anime aujourd’hui aussi.
2
6. Madame et Messieurs de la Cour, selon l’opinion de la Roumanie cette affaire n’est pas
une affaire très complexe. Cette constatation se fond e sur le fait qu’il n’y a pas de revendications
territoriales entre les Parties et le contexte géographique n’est pas trop compliqué par des
circonstances exceptionnelles —si ce n’est la pr ésence de l’île de Serpents, dans la zone à
délimiter. En même temps, il faut rappeler que la pr emière partie de la frontière maritime entre le
plateau continental et la zone éc onomique exclusive de la Roumanie, d’une part, et la zone d’un
rayon de 12milles marins aut our de l’île des Serpents, d’autre part , a été déjà établie par des
accords conclus entre la Roumanie et l’Union sovi étique. Ces accords sont en vigueur entre les
Parties qui se présentent devant vous. A leur t our, les accords bilatéraux de 1997 ont établi les
principes de délimitation applicables pour tracer le reste de la ligne de délimitation — principes qui
sont en toute conformité avec les règles déjà mi ses en Œuvre par cette Cour lorsqu’elle s’est
prononcée sur d’autres cas de délimitation maritime. C’est au vu de tous ces éléments et de la
jurisprudence consolidée de cette Cour, ainsi que de la pratique substantielle des Etats en la
matière, que la Roumanie considère que la délimitation maritime en mer Noire n’est pas une affaire
très compliquée.
7. Mais, «pas très compliquée» ne signifie pas «simple». Comme je le dis toujours à mes
étudiants de la faculté de droit de Bucarest, il n’y a pas d’affaires simples devant cette Cour. Mais,
si on compare la tâche de la Cour dans la présen te affaire avec certains autres cas, autrement plus
complexes ⎯ par exemple Cameroun c. Nigéria ou Qatar c. Bahreïn , pour n’en citer que
deux exemples —, il est facile de comprendre pourquoi la Roumanie considère que notre affaire de
délimitation maritime n’est pas une affaire très co mpliquée. Donc, je ne peux partager la position
de nos voisins de l’autre côté de la barre qui, dans le contre-mémoire, ont affirmé que
l’impossibilité pour les deux Parties d’aboutir à un e solution négociée témoignerait de la nature
2
MR, p. 9, par. 1.10. - 17 -
3
complexe de la présente affaire . Madame le président et Messieurs les juges, si le droit
international avait été accepté et appliqué par nos voisins pendant les négociations, cette Cour
⎯ assurément ⎯ n’aurait jamais été saisie. La R oumanie a toujours fondé ses positions et
propositions, pendant le long pro cessus de négociation, sur le droit international en matière de
délimitation maritime et sur les règles de délimitation ⎯telles que développées et appliquées
4
surtout par cette Cour dans sa jurisprudence désormais bien établie .
Les négociations bilatérales et les positions de la Roumanie et de l’Ukraine. Le caractère
inédit de la «méthode» de délimitation prop osée par Ukraine pendant les négociations et
devant la Cour
8. Des négociations entre la Roumanie et l’ Union soviétique sur la délimitation du plateau
continental et des zones économiques exclusives dans la mer Noire se sont déroulées pendant
vingtans, en dixsessions, entre 1967 et 1987. Aucun résultat concret n’a été obtenu, vu les
positions divergentes des deux pays quant aux éléments clés du processus de délimitation 5.
9. Les négociations entre la Roumanie et l’ Ukraine sur le problème de la délimitation du
plateau continental et des zones économiques exclusives se sont déroulées après la proclam
ation de
l’indépendance de l’Ukraine, y compris dans le contexte des négociations pour la conclusion du
traité sur les relations de bon voisi nage et de coopération entre la Roumanie et l’Ukraine (le «traité
sur les relations»), signé à Constanta, le 2juin1997 6. En même temps que ce traité, un accord
additionnel a été conclu, le même jour, par un écha nge de lettres entre les ministres des affaires
7
étrangères des deux Etats . Conformément aux dispositions du traité sur les relations et de l’accord
additionnel, après l’entrée en vigueur de ces deux documents, vingt-quatre sessions de négociation
et dix sessions au niveau d’experts ont eu lieu en tre 1998 et 2004, avant que la Roumanie saisisse
la Cour de la présente affaire 8.
3 Contre-mémoire de l’Ukraine (CMU), p. 33, par. 4.1.
4
MR, p. 47-48, par. 4.44 ; annexe MR 25.
5
MR, p. 43, par. 4.27-4.28 ; MR, chap. 5 ; annexes MR 28-31.
6 RTNU, vol. 2159, p. 335 (annexe MR 1). Voir MR, p. 43, par. 4.29. Voir, aussi, CMU, annexe 22.
7 RTNU, vol. 2159, p. 357 (lettre de la Roumanie), p. 363 (lettre correspondante de l’Ukraine) (annexe MR 2).
8 MR, p. 47, par. 4.41. - 18 -
10. La position de la Roumanie pendant ces trente-quatresessions de négociation a été
fondée sur les principes de délimitation maritime convenus par les deux parties dans l’article 4 de
l’accord additionnel, qui sont — je le répète — en pleine conformité avec la pratique des Etats et la
jurisprudence internationale, notamment celle de cette Cour. C’est ainsi que la Roumanie a
proposé que la ligne de délimitation soit réalisée par le tracé, à titre provisoire, d’une ligne, selon le
cas, équidistante ou médiane entre les côtes per tinentes des deux Etats, adjacentes ou se faisant
face, suivi par un éventuel ajustement de cette ligne, en tenant compte des circonstances pertinentes
de la zone à délimiter 9, parmi lesquelles la présence de l’île des Serpents dans cette zone. L’équité
de la ligne devrait être vérifiée par le test «d e la proportionnalité», tel que pratiqué dans la
jurisprudence internationale. Cette méthode a été proposée constamment par la Roumanie pendant
les négociations, comme l’illustre la correspondance diplomatique envoyée à la Partie ukrainienne,
qui est incluse dans l’annexe 25 du mémoire 10.
11. Par contre, la position officielle de l’Uk raine pendant les négociations reposait sur une
méthode assez inédite de délimitation, qui est maintenant illustrée sur l’écran.
[Projection 1 ⎯ La «méthode» de délimitation proposée pa r l’Ukraine pendant les négociations
avec la Roumanie (sur la base de CMU, figure 9-1)]
12. Conformément à cette méthode, communiquée à la Roumanie par correspondance
11
diplomatique, incluse dans les annexes au mémoire , la ligne de délimitation aurait dû être
calculée comme la «moyenne» de deux autres lignes antérieurement déterminées. Celles-ci étaient
une ligne équidistante entre la côte continentale roum aine et la côte de l’île des Serpents et ensuite
un petit segment de celle de la Péninsule de Crimée —vous pouvez voir sur l’écran la ligne
d’équidistance «à l’Ukraine»— et une ligne déterminée selon la méthode dite «de la
proportionnalité». Comment tracer cette dernière ligne? —Ceci demeure un mystère, tant
juridique, que mathématique ou géographique. Vous pouvez voir maintenant à l’écran, ainsi que
dans l’onglet I-1 de vos dossiers, la ligne «moyenne» finale proposée par Ukraine. Cette méthode
était entachée d’une sérieuse contradiction logique. Ainsi, dans un premier temps, en traçant la
9
MR, p. 47-48, par. 4.44.
10Par exemple, la note verbale du 24 janvier 2002 du mini stère des affaires étrangères de la Roumanie au
ministère des affaires étrangères de l’Ukraine, annexe MR 25.
11Par exemple, la note verbale du 29 mai 2002 du ministère des affaires étrangères d’Ukraine à l’ambassade de la
Roumanie à Kiev, annexe MR 26. - 19 -
ligne d’équidistance, la Partie ukrainienne considér ait comme étant pertinente la côte de l’île des
Serpents et un fragment de la côte de la Crim ée. Par contre, dans un second temps —lorsqu’il
s’est agi de tracer la «ligne de proportionnalité», l’ Ukraine a pris en compte la côte continentale
ukrainienne dans son ensemble, y compris les secteurs situés au nord de l’île des
Serpents ⎯malgré le fait qu’en vertu de l’approche de la première étape, la côte continentale
ukrainienne (à l’exception d’une partie de celle de la Crimée) n’était pas pertinente aux fins de la
délimitation 12.
13. Madame le président, intr insèquement contradictoire, la méthode ukrainienne n’a, de
manière évidente, pas respecté les principes de délimitation prévus par l’accord additionnel, et
acceptés comme obligatoires par les deux Etats en 1997, malgré les efforts de l’Ukraine pour
présenter sa position pendant les négociations autrement, d’une manière «cosmétique», dans le
13
contre-mémoire .
14. C’est ainsi que, bien que l’accord add itionnel dispose, dans son article4, alinéa a),
«l’application de l’article121 de la convention des NationsUnies sur le droit de la mer…tel
qu’appliqué dans la pratique des Etats et dans la jurisprudence internationale», la Partie ukrainienne
a insisté pour que l’île des Serpents soit cons idérée sur un pied d’égalité avec le territoire
continental roumain, même si, selon la pratique bi en établie des Etats, et consacrée par plusieurs
décisions de cette Cour et des tribunaux arbitraux, cette formation maritime devrait être ignorée, au
moins dans la première phase du processus de délimitation, étant données sa position géographique
et ses caractéristiques naturelles 14.
15. En même temps, la méthode ukrainienne reposait sur une application erronée du principe
prévu par l’article 4, alinéa b), de l’accord additionnel, selon lequel les parties devraient utiliser «le
principe de la ligne d’équidistance dans les zones à délimiter où les côtes sont adjacentes et le
principe de la ligne médiane dans les zones où les côtes se font face», car la côte continentale
ukrainienne adjacente était ignorée dans la constr uction de la ligne de délimitation. En même
12MR, p. 48, par. 4.45.
13
Voir CMU, p. 233-234, par. 9.10.
14MR, p. 49, par. 4.47. - 20 -
temps, la méthode ukrainienne n’envisageait aucune ligne médiane entre les côtes se faisant face
des deux pays, ce qui ignorait la deuxième partie de la règle précitée.
16. Qui plus est, bien que l’accord additi onnel dispose, dans son article4, alinéa c),
l’application du «principe de l’équité et de la méthode de la proportionnalité tels qu’appliqués dans
la pratique des Etats et dans les arrêts des in stances internationales», la proposition ukrainienne
envisageait d’accorder à la proportionnalité un rôle sans précédent, en la considérant comme une
méthode indépendante de délimitation 15.
17. La méthode ukrainienne méconnaît également l’alinéa e) de l’article4 qui prévoit «le
principe de la prise en considération des circonsta nces spéciales de la zone devant être délimitée»,
car —selon cette méthode— l’île des Serpents s’est vue dénier la qualité de circonstance
pertinente qu’elle possède dans la zone à délimiter.
18. En outre, la ligne revendiquée par la Partie ukrainienne n’était pas conforme aux
procès-verbaux conclus entre la Roumanie et l’Union soviétique depuis 1949, qui sont reconnus par
l’Ukraine (ainsi que par la Roumanie) comme de s accords en vigueur entre les deux Etats. Ces
accords fixent clairement la frontière maritime le long de l’arc de 12 milles marins, autour de l’île
16
des Serpents .
19. C’est uniquement en2006, à l’occasion du co ntre-mémoire, que la Partie ukrainienne
—peut-être consciente du caractère tout à fait inédit de la méthode préconisée auparavant— a
décidé de modifier radicalement sa vision, en faisant mine d’accepter la méthode, bien connue dans
la doctrine, la pratique des Etats et la ju risprudence internationale —«équidistance/ligne
médiane-circonstances spéciales ou pertinentes». Mais cette acceptation, Madame le président,
n’est qu’apparente. Car la « nouvelle» position de l’Ukraine repose sur une distorsion des règles
établies en matière de délimitation maritime, pour te nter de justifier la mê me ligne de délimitation
— le même résultat profondément inéquitable recherché par l’Ukraine pendant les négociations.
[Projection 2 — La «méthode» de dé limitation proposée par l’Ukraine de vant la Cour (sur la base
de CMU, figure 9-3)]
15
Ibid.
16MR, p. 49, par. 4.48. - 21 -
20. Conformément aux écritures de l’Ukraine, la délimitation «doit» se faire principalement
entre une partie infime de la déjà minuscule côte de l’île des Serpents et une partie réduite de la
17
côte de Crimée, et celle de la Roumanie , en ignorant la côte continentale ukrainienne adjacente à
la côte roumaine. En fait, l’Ukraine propose la construction de la ligne provisoire d’équidistance
en utilisant 3 (trois!) points prétendument pertinents de la côte méridionale de l’île des Serpents
—côte qui a environ 310mètres, les distances entre ces points étant d’environ240 et
18 19
70 mètres — et seulement unpoint de la côte de Crimée . L’ajustement de la ligne provisoire
ainsi obtenue «doit» se faire, se lon l’Ukraine, en la déplaçant (shifting) pour prendre en
considération —je cite en anglais le contre-m émoire de l’Ukraine— «the broad geographical
20
framework of the area and in particular … the marked disparity of coastal lengths» . Vous pouvez
voir maintenant à l’écran, ainsi que dans l’ongletI-2 de vos dossiers, la ligne de délimitation
proposée par l’Ukraine. Selon quelle méthode, pour quelle raison scientifique l’Ukraine propose ce
déplacement de la ligne provisoire? —Ceci est encore un mystère, car l’Ukraine ne l’explique
guère, exactement comme elle ne justifie pas ses positions pendant les négociations antérieures
avec la Roumanie. En même temps, l’île des Se rpents, bien qu’elle soit investie d’un poids
—qu’elle n’a pas —et qu’elle soit intégrée artificiellement et contre toute évidence dans la côte
ukrainienne, dont elle ne fait pas partie du point de vue géographique —l’île des Serpents,
disais-je, se voit pourtant refuser par l’Ukraine la qualité de circonstance pe rtinente de la zone à
21
délimiter . Ce ne sont que des exemples, parmi d’autres, de la thèse erronée avancée par
l’Ukraine au sujet de l’application de la mé thode «équidistance/ligne médiane-circonstances
spéciales ou pertinentes». Mais cette thèse va être démontée plus avant dans la plaidoirie de la
Roumanie.
[Projection 3 — Comparaison des «méthodes» de délimitation proposées par l’Ukraine pendant les
négociations avec la Roumanie et devant la Cour, et lignes de délimitation qui coïncident]
17Voir CMU, Chap. 7; p. 235-239, par. 9.15-9.29.
18Voir CMU, p. 22, figure 3-6.
19
Voir la duplique de l’Ukraine (DU), p. 90, par. 5.4 et figure 5-1.
20CMU, p. 238, par. 9.26.
21Voir, par exemple, DU, p. 95-96, par. 5.25-5.27. - 22 -
21. La coïncidence entre la ligne de dé limitation proposée par l’Ukraine pendant les
négociations — qui est la conséquence d’une «méthode» très contestable, dépourvue de toute base
scientifique— et la ligne revendiquée devant cette Cour peut être aisément constatée sur la
projection qui est dans l’ongletI-3 de vos dossier s et maintenant à l’écr an. Cette coïncidence
— qui n’est pas aléatoire — établit de façon très clai re le caractère erroné de la construction et de
l’application de la «méthode» proposées par l’Ukraine à la Cour.
22. Madame et Messieurs de la Cour, en tenant compte de la conduite de l’Ukraine pendant
les négociations, permettez-moi de tirer ici la conclusion que ce n’est pas la nature sophistiquée de
cette affaire, mais bien le non-respect par la Pa rtie ukrainienne des règles de délimitation maritime
et des dispositions des accords en vigueur entre la Roumanie et l’Ukraine qui a conduit à l’échec
des négociations bilatérales. Si ces normes pe rtinentes avaient été acceptées, respectées et
appliquées par nos voisins pendant les négociations, elles auraient conduit à une solution négociée
viable et équitable au problème de la délimitation.
Les effets inéquitables de la mainmise illicite de l’île des Serpents par l’URSS
23. Madame le président, c’est le moment pour moi de présenter quelques aspects importants
relatifs au contexte dans lequel l’ex-Union soviétique avait illicit ement obtenu l’île des Serpents
en 1948. Lorsque la Roumanie a acquis son indépenda nce, le traité de Berlin de 1878 a confirmé
l’île des Serpents comme territoire souverain roumain — ce qu’elle est restée pour soixante-dix ans
jusqu’en1948. A partir de cette date, elle a été occupée par l’Union soviétique pour quelque
quarante-troisans (en étant transformée en avant- poste militaire soumis au contrôle direct des
autorités militaires centrales de Moscou) 22, jusqu’à l’indépendance de l’Ukraine.
24. Le transfert de l’île des Serpents à l’Union soviétique en 1948 s’est produit contrairement
aux dispositions du traité de pa ix de1947 conclu entre les Puissances Alliées et Associées et la
23
Roumanie , ainsi que contrairement au droit international en vigueur à l’époque. Le traité de paix
n’envisageait aucun transfert de l’île des Serpen ts à l’Union soviétique . Son articlepremier
(«Frontières») prévoyait en son premier pa ragraphqeue «[l]es frontières de la
22
MR, p. 24, par. 3.11.
23RTNU, vol. 42, p. 3. - 23 -
er
Roumanie…demeureront telles qu’elles étaient au 1 janvier1941…», date à laquelle l’île des
Serpents était, incontestablement, un territoire souverain roumain. S on deuxième paragraphe
prévoit que «[l]a frontière sovi éto-roumaine est ainsi fixée conformément aux dispositions de
24
l’accord soviéto-roumain du 28 juin 1940…» .
25. Le soi-disant «accord soviéto-roumain» de 1940 n’était pas un vrai accord. Ainsi qu’en
ont témoigné des historiens renommés 25, cette formule dissimule, en réalité, un acte unilatéral
soviétique exigeant l’évacuation de certains territoires roumains — un ultimatum qui n’a jamais été
26
accepté par la Roumanie .
26. Mais, en tout cas, le texte de l’ultimatum n’incluait pas la moindre référence à l’île des
Serpents (non plus qu’à plusieurs îles fluviales du Danube qui ont également fait l’objet d’une
mainmise par l’URSS). Ceci veut dire que l’artic lepremier du traité de paix ne consacrait aucun
transfert de l’île des Serpents à l’Union soviétique: conformément au traité de paix, elle était un
27
territoire relevant de la souveraineté de la Roumanie .
27. En févrie1 r948, l’île des Serpents fit l’objet d’une mainmise illicite de
l’Unionsoviétique par le biais d’un traité inégal —le protocole précisant la ligne de la frontière
28
d’Etat entre l’Union soviétique et (déjà) la République populaire roumaine , qui n’a pas été ratifié
par le Parlement de la Roumanie. Lorsque ce document fut signé, du fait des transformations
géopolitiques de l’après-guerre, la Roumanie était dans l’impossibilité de s’opposer à cette cession
29
territoriale . En effet, les troupes soviétiques occupaient déjà la Roumanie depuis le 8 août 1944
et un gouvernement communiste avait déjà été installé par Moscou depuis mars 1945. Le protocole
était également contraire au traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle, signé et entré
en vigueur le même jour (le 4 février 1948), à Mo scou, entre les deux pays, qui prévoyait dans son
24
MR, p. 28-29, par. 3.26-3.27.
25
Voir MR, p. 27-28, par. 3.20-3.22 et annexes MR 7, 8, 9.
26 Annexe MR 9.
27 MR, p. 29, par. 3.27; RR, p. 320, par. A23.
2MR, p2 . 9, p. .28 et annexeMR11. Voir au ssi annexeMR12, incluant le procès-verbal de
délivrance-réception de l’île des Serpents du 23 mai 1948.
29
Réplique de la Roumanie (RR), p. 320-321, par. A24-A26. - 24 -
article5 le «respect mutuel de leur … souverainet é» et, dans son article2, paragraphe2, que
30
«[l]’application [de ce] traité sera conforme aux principes de la Charte des Nations Unies» .
[Projection 4 — Zone perdue par la Roumanie suite à la fixation arbitraire de la frontière maritime
en 1949— Croquis sur la base de figure 8 «Les zones maritimes se trouvant devant les côtes
roumaine et soviétique», incluse à la p. 52 du mémoire (dossier des juges, onglet I-4)]
28. Cette mainmise sur l’île des Serpents a directement influencé l’établissement de la
frontière maritime entre la Roum anie et l’URSS, qui a été fix ée d’une manière arbitraire et
inéquitable à l’égard de la Roumanie 31. Le transfert illicite de ce rocher de 0,17km², combiné à
l’arbitraire de la délimitation du dernier secteur de la frontière fluviale sur le Danube ⎯ qui
ignorait les intérêts légitimes de la Rouman ie, ont conduit à une perte par la Roumanie
d’importantes zones maritimes et l’établissement d’une frontière maritime injuste. En même temps
ils ont conduit à l’attribution d’une zone maritime soviétique de 12 milles marins autour de l’île des
Serpents, mais d’une zone roumaine limitée à 9 milles marins entre la ligne de base et la limite de
12 milles marins autour de l’île des Serpents. A elle seule, la «méthode» arbitraire utilisée pour
fixer la frontière maritime a infligé à la Roumanie une perte d’une zone de presque 70 km². Cette
situation peut être aisément constatée sur la fi gure 8 du mémoire, maintenant sur l’écran et dans
l’onglet I-4 de vos dossiers, qui illustre comment l’allocation illicite à l’Union soviétique de l’îlot
fluvial de Limba, d’environ 10 km², ainsi que de l’île des Serpents, ont sensiblement affecté la
position de la frontière aussi bien fluviale que maritime.
[Projection 5 – Zone perdue par la Roumanie en violation des règles du droit international
en 1948 et 1949 (dossier des juges, onglet I-5)]
29. Vous pouvez voir maintenant sur l’écran (et dans l’onglet I-5 de vos dossiers), à des fins
purement illustratives et comparatives, comment la délimitation de la frontière maritime aurait dû
être effectuée si, en 1948, le traité de paix avait été respecté et si, en 1949, la frontière fluviale avait
été tracée en respectant la règle du principal ch enal navigable tandis que la frontière maritime
aurait été fixée en suivant la règle de l’équidistan ce. La différence entre la situation imposée à la
Roumanie et la solution respectant le traité de paix et le droit inte rnational est une surface de plus
de 1600 km².
30
RTNU, vol. 48, p. 199.
31MR, p. 29, par. 3.26-3.30 et p. 51-53, par. 5.2-5.4 (voir aussi figure 8 «Les zones maritimes se trouvant devant
les côtes roumaine et soviétique», p. 52 du MR) ; RR, p. 313-314, par. A3. - 25 -
30. Madame le président et Messieurs les juges, la Roumanie ne demande pas à la Cour dans
le cadre de ces procédures d’annuler ces arrangements antérieurs, malgré les circonstances fort
contestables de leur adoption. Au contraire, le traité sur les relations de 1997 et l’accord
additionnel témoignent d’une façon très claire de la manière dont la Rouman ie conçoit son rôle et
ses responsabilités dans l’Europe d’aujourd’hui. La Roumanie n’aspire pas, comme le suggère
l’Ukraine, à une «justice compensatoire» 3. En revanche, la Roumanie affirme que les actes
arbitraires perpétrés en 1948 et 1949 ⎯ la mainmise illicite sur l’île des Serpents par l’Union
soviétique et ses effets inéquitables (l’attribution indue à ce territoire d’espaces maritimes plus
importants que ceux attribués à la Roumanie, sans que les particularités de cette formation
33
maritime le justifient) ⎯ ne peuvent, en aucun cas, constituer une base pour affecter davantage
les droits territoriaux de la Roumanie.
31. Madame le président, une solution équitabl e et durable dans la présente affaire serait
incompatible avec l’augmentation et l’extension de ces effets inéquitables. Une telle solution ne
peut pas ignorer ces circonstances historiques et politiques. Une telle solution ne peut ignorer non
plus la signification du compromis juridique de 1997, lorsque le traité sur les relations fut conclu.
Le compromis juridique Roumanie-Ukraine de 1997
32. Madame le président, le contexte et la signification de la conclusion du traité sur les
relations, en 1997, est bien rendu par un document que l’Ukraine a choisi d’inclure dans
l’annexe22 de son c ontre-mémoire. Ce docum ent, publié dans le Moniteur Officiel de la
34
Roumanie , est le compte-rendu d’une audience pub lique organisée au Sénat roumain le
4décembre1995, pendant laquelle le ministre roumain des affaires étrangères a répondu à une
question posée par un sénateur sur «la solution du problème délicat de l’île des Serpents».
33. Dans sa réponse (dont la partie pertinente se trouve dans le dossier des juges, onglet I-6),
le ministre présente l’état des négociations en vue de la conclusion du traité sur les relations de
1997. Il rappelle premièrement le contexte hist orique dans lequel l’ex -Union soviétique a fait
32
Par exemple, CMU, p. 37, par. 4.16.
33Voir, par exemple, Frontière terrestre et maritime entre le Came roun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria;
Guinée équatoriale (intervenant)), arrêt , C.I.J. Recueil 2002, p. 448, par. 307.
34Moniteur officiel de la Roumanie n 227, 2 partie (Débats parlementaires), 14 décembre 1995. - 26 -
illicitement main basse sur l’île d es Serpents. Ensuite, il déclare : «Pendant les négociations pour
la conclusion du traité politique de base [le tra ité sur les relations], la partie ukrainienne a
souligné … que l’Ukraine ⎯en tant que successeur de droit de l’ex-URSS ⎯ n’entend pas
35
discuter le statut de l’île» . Par «le statut» il se référait à l’appartenance de l’île des Serpents ⎯ et
le ministre cite la position ukrainienne: «qui est et doit être considérée terre ukrainienne, partie
36
intégrante du territoire étatique de l’Ukraine» . Il a précisé :
«Dans toutes les discussions qu’on a eues sur cette question ⎯ je répète
[qu’]elles font partie du dossier de nos négociations avec l’Ukraine ⎯ nous nous
sommes préoccupés [particulièrement] du fa it que…malgré le fait que l’île des
Serpents n’a pas en elle-m ême de valeur économique ⎯ comme vous savez, l’île est
composée de rochers durs qui ne permettent pas l’existence d’une végétation, [et] elle
n’a pas des ressources d’eau, elle peut entraîner des conséquences économiques
extrêmement importantes pour la Roumanie et pour l’Ukraine, vu l’incidence qu’elle
peut avoir sur la délimitation de la mer terr itoriale, du plateau [continental] et de la
zone économique exclusive entre la Roum anie et l’Ukraine, dans une région
géographique où, conformément à des études récentes, des réserves importantes de
37
pétrole et du gaz peuvent exister.»
34. Le ministre a continué ⎯et cela mérite d’être cité aussi: «Pendant les négociations,
nous avons essayé de distinguer les deux questions du problème : la première étant liée à la
détermination du statut juridique de l’île des Serpents ⎯ comme je disais, nous pouvons discuter
38
beaucoup sur ce problème…»
35. En se référant au statut juridique, le ministre mettait l’accent, encore une fois, sur la
question de la souveraineté sur l’île des Serpents . Il continue, en soulignant le second aspect du
problème : «et la seconde question, dans quelle mesure cette île — nonobstant la détermination de
son statut — peut et doit influencer les délimitati ons de la mer territoriale, de la zone économique
39
exclusive et du plateau continental» .
36. Et le ministre roumain des affaires étra ngères de conclure : «comme vous le savez bien,
cette question représente en effet un des principaux obstacles pour la finalisation du traité [sur les
relations]» 40.
35Traduction par la Roumanie du texte en roumain inclus par l’Ukraine dans l’annexe 22 du contre-mémoire.
36Ibid.
37
Ibid.
38
Ibid. ; les italiques sont de nous.
39Ibid. ; les italiques sont de nous.
40Ibid. - 27 -
37. Il est bien évident, Madame le président, comme le montre très clairement cette annexe
au contre-mémoire ukrainien, que, pendant les tract ations du traité sur les relations les deux Etats
avaient négocié un problème territorial (lato sensu) complexe: la question de la délimitation du
plateau continental et de la zone économique exclusive et, dans ce contexte , la signification de
l’appartenance de l’île des Serp ents à l’Ukraine, co mme conséquence de son transfert illicite à
l’ex-Union soviétique en 1948 ⎯en très étroite liaison avec le problème de son éventuelle
influence dans ledit processus de délimitation. Le «paquet» de négociati on concernant l’île des
Serpents était donc composé des deux sous-problèmes interconnectés que je viens de mentionner.
38. Madame le président, le texte du traité sur les relations de 1997, et particulièrement celui
de son accord additionnel, reflètent précisément ce «paquet» et le compromis atteint quant aux
deux sous-problèmes intrinsèquement liés qui le com posaient. C’est ainsi que, malgré la manière
fort contestable par laquelle l’ex-Union soviétique avait obtenu l’île des Serpents en 1948, la
Roumanie— bien consciente de ses responsabilités en Europe et de la nécessité de préserver
l’ordre et la stabilité dans la région— a formelle ment confirmé, pour la pr emière fois, par écrit,
41
dans ces traités, que cette formation maritime appartenait à l’Ukraine . En même temps,
parallèlement, dans le même accord additionnel, l’article 4 établit les principes applicables dans la
42
délimitation maritime, convenus entre les deux Parties . Pratiquement, le fait que la Roumanie a
confirmé formellement que l’île des Serpents appartenait à l’Ukra ine coïncide avec, et correspond
à, l’insistance de la Partie roumaine quant à un résultat équitable de la délimitation maritime,
compte tenu en premier lieu des dispositions de l’article 121 sur le régime des îles de la convention
43
de 1982 . Il y aune relation étroite et directe entre, d’une part, l’acceptation expresse par la
Roumanie du statu quo territorial et, d’autre part, les principes de délimitation prévus par l’accord
additionnel afin d’arriver à une solution équitable 44.
41MR, p. 40, par. 4.24 ; p. 44, par. 4.34 ; p. 59, par. 5.16, 5.18.
42
MR, p. 44-45, par. 4.35.
43Ibid.
44MR, p. 59, par. 5.18. - 28 -
39. Il faut souligner encore qu’au moment de la signature et de l’entrée en vigueur de
l’accord additionnel, l’Ukraine avait parfaitement connaissance de la déclaration faite par la
Roumanie lors de la signature et de la ratification de la convention de Montego Bay 45.
[Projection 6 —Paragraphe 3 de la déclaration de la Roumanie faite lors de la signature
(10décembre1982) et de la ratification (17d écembre1996) de la convention des NationsUnies
sur le droit de la mer]
40. Je rappelle le passage pertinent de cette dé claration, maintenant sur l’écran et dans le
dossier des juges, onglet I-7 :
«la Roumanie déclare que, conformément aux exigences d’équité telles qu’elles
découlent des articles 74 et 83 de la convention sur le droit de la mer, les îles non
habitées et dépourvues de vie économique propre ne peuvent affecter d’aucune
manière la délimitation des espaces maritimes qui appartiennent aux côtes principales
des Etats riverains».
Cette déclaration, réitérée cinqmois et demi avan t la signature du traité sur les relations avec
l’Ukraine, pendant le processus de négociation de celui-ci, visait, sans la moindre ambiguïté, l’île
des Serpents.
41. Dans ces circonstances, l’accord de l’Uk raine pour que la référence à l’article121
constitue l’un des principes a pplicables à la délimitation — le premier— établit clairement que
l’Ukraine a accepté l’applicabilité, à la présente délimitation, du troisième paragraphe de
46
l’article 121, tel qu’il a été interprété par la déclaration de la Roumanie . L’Ukraine n’a formulé
aucun commentaire contraire ni aucune objec tion, ni en 1999, à l’occasion du dépôt de son
instrument de ratification de la convention de Montego Bay, ni en 1997, à l’occasion de la
signature ou de l’entrée en vigueur de l’accord additionnel, ni en 1996, à l’occasion du dépôt de
l’instrument roumain de ratification de la convention de Montego Bay, ni auparavant.
42. Le compromis sur ce «paquet» ainsi que sa portée ont été confirmés par des prises
publiques de position des officiels roumains.
45
Voir MR, p. 91-94, par. 8.20-8.30.
46MR, p. 94-95, par. 8.34. - 29 -
43. Par exemple, dans un articlede presse 47 (les paragraphes pertinents se trouvent dans le
dossier des juges, onglet I- 8), le ministre roumai n des affaires étrangères en exercice en 1997, qui
a paraphé le traité sur les relations et a signé l’accord additionnel, écrit comme suit :
«En réalisant que pour le jeune Et at ukrainien détaché de l’URSS les
ajustements territoriaux étaient inacceptables car ils pouvaient entraîner un effet de
domino, particulièrement dans la mesure où la frontière russo-ukrainienne était encore
sujet de dispute, la Roumanie est passée out re le problème de la validité des droits de
l’Ukraine sur l’île des Serpents. C’est ainsi que l’on est arrivé à l’accord suivant : la
Roumanie a reconnu la situation de fait en admettant que l’île en cause appartenait à
l’Ukraine, mais seulement en vertu de sa qualité de successeur de l’URSS (la question
de la validité du titre originel restant ouverte); l’Ukraine, en échange du gel du
différend territorial, a accepté implicitement de ne pas utiliser l’île dans la délimitation
du plateau continental et s’est engagée à ne pas y placer d’équipement militaire
offensif.»
44. Le ministre écrit encore :
«La délimitation du plateau [continental] a été confiée à la Cour internationale
de La Haye, de sorte que les autorités de Kiev puissent affirmer qu’elles n’ont rien
cédé, mais qu’elles se sont seulement conf ormées à un jugement impartial. Dans la
rédaction de celui-ci, il n’y aurait aucune raison pour prendre en compte l’île des
Serpents, étant donné qu’elle est inha bitée et non susceptible d’exploitation
économique.»
45. Vu ce qui précède, il est bien clair, Madame et Messieurs de la Cour, que, en 1997, par
l’accord additionnel au traité sur les relations, l’ Ukraine a accepté que le seul rôle que l’île des
Serpents peut jouer dans la délimitation des espaces maritimes de la Roumanie et de l’Ukraine soit
celui déterminé par le paragraphe 3 de l’article 121 de la convention de Montego Bay.
Conclusions
46. Madame le président, permettez-moi — avant de vous présenter le plan des plaidoiries de
la Roumanie — de tirer quelques conclusions qui me semblent importantes.
a) Premièrement ⎯la méthode de délimitation proposée pa r l’Ukraine dans les pièces écrites
déposées dans la présente affaire ne correspond nullement à une acceptation véritable et sincère
de la méthode consacrée par vous af in d’aboutir à un résultat équitable ⎯ «équidistance/ligne
médiane-circonstances spéciales ou pertinentes» . En réalité, son application, telle que
47 «L’amitié de la Roumanie ou la population de l’île des SerpentsZiua, 18 juillet 2006, dossier des juges,
onglet I-8, http://www.ziua.ro/display.php?data=2006-07-18&id=203770 (les italiques sont de nous); original en
roumain – traduction en français par la Roumanie. Le même article a été publié en anglais : «Romania’s Friendship or the
Population of the Serpents’ Island», Nine O’Clock , n o3724, 17 juillet 2006,http://www.nineoclock.ro/
archive_index.php?page=detalii&categorie=politics&id=20060717-506115. - 30 -
l’Ukraine la conçoit, résulterait en une distorsion de cette méthode afin d’arriver, de manière
totalement artificielle, au résultat même, profondément injuste, voulu par l’Ukraine pendant les
négociations antérieures à la saisine de la Cour de la présente affaire.
b) Deuxièmement, il est incontestable que le transfert de l’île des Serpents à l’Union soviétique en
1948 a été un acte illicite qui a déjà produit des effe ts inéquitables au détriment de la Roumanie
et au profit de l’Union soviétique et, après s on indépendance, au bénéfice de l’Ukraine, son
successeur. Ces effets inéquitables sont quantifiables : plus de 1600 km² des espaces maritimes
qui devraient appartenir à la Roumanie, confor mément au jeu normal des principes et règles du
droit international.
c) Troisièmement, le traité sur les relations et l’accord additionnel consacrent un compromis
juridique convenu entre la Roumanie et l’Ukraine en 1997, ce «paquet» inclut l’acceptation par
l’Ukraine de l’applicabilité dans la délimit ation du plateau continental et des zones
économiques exclusives du paragraphe 3 de l’article 121 de la conve ntion sur le droit de la mer
tel qu’interprété par la Roumanie lors de la signature et de la ratif ication de celle-ci. Ceci veut
dire que les deux pays qui se présentent devant vous ont convenu en 1997 que l’île des Serpents
ne saurait recevoir aucun autre effet, supplémentaire à ceux ⎯ je le répète, inéquitables ⎯ déjà
produits par elle sur la délimitation de la mer territoriale entre les deux parties.
d) Par suite, une solution équitable pour la délimitation du plateau continental et des zones
économiques exclusives serait incompatible avec l’augmentation et l’extension de ces effets
inéquitables et ne peut pas ignorer le contenu du compromis de 1997.
47. Madame le président, Messieurs de la Cour , vous pouvez trouver en tête de vos dossiers,
le plan des plaidoiries de la Roumanie pour aujourd’hui et les jours à venir.
48. Avec votre permission, Madame le président, le professeur Pellet me succédera pour
analyser les questions concernant la juridiction de la Cour et le droit applicable à la présente
affaire. Mon collègue, CosminDinescu, coagent de la Roumanie, va décrire ensuite le contexte
géographique du différend, ainsi que la pratique conventionnelle d es délimitations maritimes déjà
réalisées entre les autres pays riverains dans cette mer semi-fermée qu’est la mer Noire. Après lui,
le professeur Crawford présentera les côtes pertinen tes aux fins de la délimitation, les relations
entre eux et la zone pertinente pour la délimitation. - 31 -
49. Demain matin et jeudi, nos présentations seront centrées sur la délimitation des espaces
maritimes des deux Etats dans la partie dela zone à délimiter voisinant l’île des Serpents, y
compris sur le rôle de cette formation mar itime dans le processus de délimitation. Le
professeurCrawford démontrera que, en1949, l’Un ion soviétique et la Roumanie sont convenues
d’une frontière maritime entre ces deux Etats suivant l’arc de cercle d’un rayon de 12 milles marins
autour de l’île des Serpents ⎯accord confirmé ensuite par plusieurs autres accords bilatéraux en
vigueur, par de nombreuses cartes incluses dans de s traités contraignants pour les deux Parties au
différend et par plusieurs autres cartes. Je présenterai la situation factuelle de l’île des Serpents et
mes collègues, les professeurs Pellet et Lo we démontreront que ce petit rocher, isolé
géographiquement dans la zone à délimiter, doit être semi-enclavé ⎯en conformité avec le
principe général de délimitation qui exige que l’on arrive à une solution équitable au différend,
ainsi qu’en conformité avec le principe spécifique prévu par l’article121, paragraphe3, de la
convention sur le droit de la mer ⎯ chacune de ces deux raisons su ffisant d’ailleurs à justifier la
solution. Je reviendrai pour établir, en guise de postface, que les efforts récents de l’Ukraine pour
transformer ce rocher sont complètement futiles.
50. Ensuite, deux présentations seront consacrées, vendredi matin, à la réfutation de
l’argumentation de l’Ukraine concernant les «effectivités» ⎯les activités pétrolières et de pêche.
M.DanielMüller rappellera quel est le droit app licable aux effectivités dans les délimitations
maritimes dans des cas de ce genre et M.Dinescu appliquera ces règles juridiques aux faits
allégués par l’Ukraine.
51. Finalement, par ses deux dernières plaidoiri es, la Roumanie justifiera la ligne de
délimitation à tracer, en conformité aux conclusions que nous avons présentées à la Cour (ce sera la
tâche du professeur Crawford) et montrera le caractère équitable de cette ligne, vu les circonstances
de cette affaire (ceci sera fait par le professeur Lowe).
52. Madame le président, Messieurs les juges, je vous remercie pour votre bienveillante
attention. Madame le président, je vous prie de bien vouloir donner la parole à M. Pellet.
The PRESIDENT: I thank the Agent of Ro mania for his presentation and I now call
Professor Pellet. - 32 -
M. PELLET :
C OMPÉTENCE ET DROIT APPLICABLE
Madame la présidente (et je dis bien «Madam e la» … puisque vous avez eu la bonté de me
faire savoir que vous ne voyiez pas d’in convénient à ce retour au féminin 48; une présidente, me
paraît bien valoir un président…).
1. Madame la présidente donc, Messieurs les juges, bien souvent, les plaideurs qui se
présentent devant vous commencent par affirmer ve rtueusement que, s’en tenant strictement à la
directive donnée par l’article60 de votre Règlement, ils ne répéteront pas «tout ce qui est traité
dans les pièces de procédure» ⎯ pour en réalité reprendre largement «les faits et arguments qui y
sont déjà invoqués». J’avoue qu’il m’est arrivé de tomber dans ce travers ; mais ce ne sera pas le
cas aujourd’hui. Les échanges de pièces de procéd ure écrite ont, en effet, largement permis de
«déblayer le terrain» si j’ose dire sur les deux points, liés mais distincts, au sujet desquels il
m’échet de vous présenter ce matin quelques observations : l’étendue de votre compétence dans la
présente affaire d’une part, le droit applicable, d’autre part.
2. L’amenuisement du nombre de pages consacrées à ces deux questions au fil de
l’avancement de la procédure témo igne sinon d’un rapprochement des points de vue à leur égard,
du moins d’une «décantation» de l’argumentation des Parties en ce qui les concerne :
49
⎯ le mémoire roumain y avait consacré soixante-huit pages ;
⎯ le contre-mémoire 50, vingt-sept ;
⎯ la réplique 51 et la duplique52 une douzaine chacune.
Il est vrai que ces chiffres sont un peu trompeur s car les problèmes qu’avait abordés la Roumanie
sous ces rubriques dans son mémoire se sont, en partie «dilués» dans d’autres chapitres durant la
suite de la procédure. Et c’est aussi l’une des raisons qui imposent d’y revenir, en dégageant aussi
48
CR 2006/8, p. 39.
49
MR, p. 5-9 et73-128.
50CMU, p. 7-13 et 147-168.
51RR, p. 1-7 et 10-14.
52DU, p. 5-17. - 33 -
précisément que possible les points d’accord et de désaccord, en ce qui concerne successivement la
compétence de la Cour et le droit applicable.
I. La compétence de la Cour
3. Bien qu’elle n’eût jamais contesté le principe de la compétence de la Cour, l’Ukraine s’est
employée à en limiter l’objet. Dans sa réplique comme dans son contre-mémoire, elle rappelle que
vous tenez votre juridiction dans la présente af faire, Madame et Messieurs les juges, de
l’article 4 h) de l’accord additionnel constitué par l’échange de lettres du 2juin1997 53, et elle
54
reconnaît que les deux (ou trois) «conditions» ou «préconditions» — peu importe ! — auxquelles
cette disposition subordonne la compétence de la Cour sont remplies. Celle-ci est donc
compétente.
4. Aussi bien les points de désaccord entre les Parties ne tiennent-ils pas au principe de votre
compétence, mais à son contenu. L’Ukraine les expose de manière passablement ésotérique au
paragraphe 2.1 de sa duplique ; ils tiendraient à :
«(i) Romania’s adherence to its unjustifie d claim that there…exists an agreed
all-purpose maritime boundary extending around the south of Serpents’ Island
to a point approximately due east of that Island, and
(ii) Romania’s refusal to have regard to the actual terms in which the Parties
55
agreed that their dispute should be referred to the Court.»
5. Il y a sans doute avantage à examiner d’abord la seconde de ces deux objections ⎯ elle est
plus claire que la première et elle porte effectivement sur la compétence, ce qui n’est pas le cas de
l’autre. Du reste, la réponse à la seconde objection conditionne celle qui doit être donnée à la
première ; elle nous conduira à constater (en nous en tenant pour l’instant strictement à la question
de la compétence de la Cour) que rien ne s’ oppose à ce que vous traciez, le cas échéant, une
frontière «mixte» (c’est-à-dire une frontière entr e une mer territoriale d’un côté et un plateau
continental et une zone économique exclusive de l’autre).
53
CMU, p. 7-8, par. 2.1-2.8 ; DU, p. 5, par. 2.2.
54
Voir CMU, p. 8, par. 2.5.
55DU, p. 5, par. 2.1. - 34 -
A. La portée de l’article 4 h) de l’accord additionnel
L’a6rticle h) de l’accord additionnel de 1997 se lit ainsi —dans la traduction française
(quelque fois un peu curieuse) publiée au Recueil des traités des Nations Unies :
«Dans la situation où ces négociations n’amèneront pas à la conclusion de
l’Accord susmentionné dans un délai raisonnable, mais au plus tard en deux années du
commencement de celles-ci, le Gouvernement de la Roumanie et le Gouvernement de
l’Ukraine sont convenu[s] que le problème de la délimitation du plateau continental et
des zones économiques exclusives soit solutionné par la Cour internationale de Justice
de [l’]Organisation des NationsUnies, à la demande de toute Partie, à condition de
l’entrée en vigueur du traité sur le régime de la frontière d’Etat entre la Roumanie et
l’Ukraine. Toutefois, la Cour interna tionale de Justice de l’Organisation des
NationsUnies pourra examiner la demande concernant la délimitation du plateau
continental et des zones économiques exclusives avant l’entrée en vigueur du traité sur
la frontière d’Etat si elle constate que le retard de l’entrée en vigueur de celui-ci s’est
produit par la faute de l’autre Partie.» 56
De manière significative, tant dans son contre-mémoire que dans sa duplique, l’Ukraine se garde de
citer le texte de cette disposition. Ce n’est pas innocent.
7. Toute l’argumentation de la Partie ukraini enne à cet égard est fondée sur un postulat, qui
repose sur une interprétation que le texte de cette disposition n’autorise évidemment pas : «The line
to be drawn by the Court shall be a line dividing exclusively areas of continental shelf and EEZ» 57 ;
«the boundary must be such that on each side of the boundary line there needs to be a
continental shelf and an EEZ over which Ukra ine, on its side of the boundary, and
Romania on its side of the boundary, has its own sovereign rights : the boundary to be
delimited by the Court is thus, by virtue of the language in which their consent to the
Court’s jurisdiction is expressed, a boundary running between the Parties respective
continental shelves and EEZs»58.
Mais ce n’est pas ce que dit l’article 4 h) de l’accord additionnel de 1997 : les mots ou expressions
exclusively (exclusivement) ou between the Parties (entre les Parties), qui sont essentiels à
l’argumentation ukrainienne, ne figurent pas dans l’article4 h). La mission que les Parties ont
confiée à la Cour est de résoudre le problème de la délimitation de leurs zones économiques
exclusives et leur plateau continental —et c’est tout; full stop… Et ceci n’implique nullement
qu’il doive nécessairement y avoir un plateau c ontinental ou une zone économique exclusive des
deux côtés, de chaque côté, de la ligne. L’affirmation selon laquelle«No mention is made of
boundaries involving the territorial sea of either State, and such boundaries are therefore excluded
56 RTNU, vol. 2159, p. 51 (I-37743) ; traduction fournie par le Gouvernement roumain.
57
CMU, p. 11, par. 2.17 ; les italiques sont de nous.
58 DU, p. 10, par. 2.10 ; les italiques sont de nous ; «between» en italiques dans le texte. - 35 -
from the Court’s jurisdiction» 59, cette affirmation est une pure pétition de principe — self-serving
comme on dit en franglais.
8. Cette interprétation aussi arbitr aire qu’intenable de l’article4 h) de l’accord additionnel
de 1997 avancée par la Partie ukrainienne méconnaît de surcroît le contexte de cette disposition qui
découle de l’article 2, paragraphe 2, du traité de bon voisinage et de coopération (le «traité sur les
relations») entre la Roumanie et l’Ukraine signé le même jour. En vertu de cette dernière
disposition, les parties «solutionneront le problème de la délimitation de leur plateau continental et
60
des zones économiques exclusives de la mer Noire» . Le problème. C’est bien d’une solution
globale au «problème de la délimitation de leur pl ateau continental et des zones économiques
exclusives de la mer Noire» qu’il est question ; et, en l’occurrence, cette solution passe par un arrêt
de votre haute juridiction, qui doit mettre fin au litige dans son ensemble, sans que vous deviez ni
puissiez vous abstenir de juger au prétexte que , pour arrêter votre position, vous pourriez avoir à
vous prononcer, à titre collatéral, sur des questi ons liées à d’autres zones maritimes (ou d’ailleurs
terrestres).
[Projection n° 1: Croquis RR1, La frontière du plateau continental entre la France et
le Royaume-Uni (RR, p. 4)]
9. L’Ukraine croit pouvoir invoquer à l’appui de sa thèse la position du tribunal arbitral dans
la sentence de1977 dans l’affaire du Plateau continental de la mer d’Iroise . Bien qu’elle y
consacre de longs développements, l’argument ne lu i est d’aucun secours. Et d’abord parce que la
disposition du compromis d’arbitrage fixant la compétence du tribunal dans cette affaire était
rédigée très différemment de celle qui confère compétence à la Cour dans notre affaire. Elle se
lisait ainsi :
«Il est demandé au Tribunal de statuer, conformément aux normes du droit
international applicables en la matière entre les Parties, sur la question suivante :
Quel est le tracé de la ligne (ou des lignes) délimitant les parties du plateau
continental qui relèvent respectivement du Royaume-Uni ainsi que des Iles
Anglo-normandes et de la République françai se, à l’ouest de la longitude 30minutes
61
ouest du méridien de Greenwich et jusqu’à l’isobathe 1000 mètres ?» .
59DU, p. 5, par. 2.2 ; les italiques sont de nous ; voir aussi, DU, p. 10, par. 2.9.
60
RTNU, vol. 2159, p. 37 (I-37743) ; les italiques sont de nous.
61Article 2 du compromis d’arbitrage signé à Paris le 10 juillet 1975, RSANU, vol. XVIII, p. 132. - 36 -
10. Cette rédaction-là, Madame la présidente, peut légitimement conduire à l’interprétation
que l’Ukraine tente de faire prévaloir dans la présente espèce : dès lors qu’il s’agit de délimiter les
parties du plateau continental relevant respectivement des deux Etats en litige, j’admets volontiers
qu’on peut interpréter cela comme signifiant que la compétence du tribunal saisi était limitée au
tracé d’une frontière courant entre les plateaux continentaux respectifs des Parties («running
between the Parties’ respective continental shelves…» 62). Mais, encore une fois, notre clause
compromissoire n’est pas rédigée ainsi et l’article 2, paragraphe2, du traité de bon voisinage
montre clairement que son sens est plus large. Au surplus, la sentence de1977 insiste sur les
circonstances géographiques très particulières qui caractérisent «les eaux resserrées qui séparent les
Iles anglo-normandes des côtes de Normandie et de Bretagne» 63. Et c’est «compte tenu de ces
circonstances géographiques, de la description précise de sa compétence figurant à l’article2,
paragraphe premier, du compromis d’arbitrage et des réponses des Parties à ses questions relatives
au problème de sa compétence dans la région des Iles Anglo-Normandes» 64que le tribunal arbitral
n’a pas retenu sa juridiction s’agissant de cette zone . Du reste, il n’a pas hésité à déterminer la
limite des eaux territoriales vers le large en étant parfaitement conscient que cette limite deviendrait
une frontière mixte (entre la mer territoriale des îles, d’une part, et le plateau continental de la
65
République française, d’autre part) .
o
[Fin de la projection n 1]
11. Certes, et les Parties sont d’accord sur ce point 66, la Cour n’a pas été investie de la
compétence de tracer une ligne de délimitation entre leurs mers territoriales respectives. Cela a été
67
fait par le procès-verbal rouma no-soviétique du 27 septembre 1949 et confirmé par l’acte du
26 décembre 1954 68, par le traité sur le régime de la frontière du 27février1961 69 et par les
62
DU, p. 10, par. 2.10.
63
RSANU, vol. XVIII, p. 152-153, par. 21.
64Ibid.
65Voir RR, p. 2-3, par. 1.7 et RR, croquis RR1, p. 4.
66Voir MR, p. 131, par. 9.3 ; CMU, p. 9, par. 2.11, et p. 10, par. 2.15 ; RR, p. 62, par. 4.7, et DU, p. 5, par. 2.2 et
p. 6, par. 2.4.
67MR, vol. III, annexe 13 ; voir aussi les pro cès-verbaux des bornes frontières n° 1438 et 1439, ibid., annexes 14
et 15.
68Ibid., annexe 17.
69
Ibid., annexe 18. - 37 -
70 71
procès-verbaux de démar cation du 20août1963 et du 4septembre1974 . Pour leur part,
72
l’article2, paragraphe2, du traité du 2juin1997 sur les relations de bon voisinage et
l’articlepremier du traité du 17juin 2003 sur le régime de la frontière 73 réaffirment la validité de
ces accords et le tracé de la limite entre les mers territoriales des deux Etats qui en résulte.
12. Comme l’avait relevé la Cour permanente, dans son avis sur l’ Interprétation du traité de
Lausanne, «il résulte … de la nature même d’une fron tière et de toute convention destinée à établir
les frontières entre deux pays, qu’une frontière doit être une délimitation précise dans toute son
étendue» et il est, dès lors, «naturel que tout article destiné à fixer une frontière soit, si possible,
interprété de telle sorte que, par son application intégrale, une frontière précise, complète et
définitive soit obtenue» ( Interprétation de l’article3, paragr aphe2, du traité de Lausanne, avis
consultatif, 1925 , C.P.J.I., série B, n o 12, p. 20) . Et tel est précisément l’objectif que fixe
l’article 2, paragraphe 2, du traité de bon voisinage de 1997, dont j’ai évoqué les termes 75 : trouver
une solution complète et définitive au «problème de la délimitation» du plateau continental et des
zones économiques exclusives. Ce but ne serait pas atteint si la Cour devait suivre l’argumentation
de l’Ukraine et se déclarer incompétente pour tr acer, le cas échéant, une frontière «mixte» dans la
zone environnant l’île des Serpents.
13. Dès lors que c’est «le problème de la dé limitation du plateau continental et des zones
économiques exclusives» qu’il s’ agit de résoudre, l’article 4 h) de l’accord additionnel de 1997, lu
dans son contexte, non seulement n’exclut pas, mais, au contraire, implique que la Cour prenne en
considération la délimitation de la mer territo riale si cela est nécessaire pour qu’elle puisse
s’acquitter de sa mission. Celle-ci ⎯ cette mission ⎯ s’accommode parfaitement de l’éventualité
d’une frontière «mixte».
70
Ibid., annexes 19 et 20.
71 Ibid., annexes 21 et 22.
72 Ibid., annexe 2.
73 Ibid., annexe 3.
74
Voir aussi Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) , fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962 , p. 34 ; ou
l’opinion individuelle du juge Shahabuddeen, Délimitation maritime dans la région s ituée entre le Groenland et Jan
Mayen (Danemark c. Norvège), C.I.J. Recueil 1993, p. 209.
75
Voir supra, par. 8. - 38 -
B. La compétence de la Cour pour tracer une frontière «mixte»
14. Pour régler ce problème, que les Parties vous ont soumis par compromis, vous devez
nécessairement, Madame et Messieurs de la Cour, vous prononcer sur l’existence ⎯ ou non : je ne
parle ici que de compétence ⎯d’une délimitation maritime pr éexistante, dont on ne voit pas
pourquoi elle n’aurait pu porter d’un côté sur une zone maritime entour ant l’île des Serpents
réclamée par l’URSS, de l’autre sur une zone ma rine ayant un caractère différent, comme cela
arrive assez fréquemment, ce que les deux Parties reconnaissent également 7.
o
[Projection n 2 ⎯ croquis illustrant le «problème» (mer territoriale c. plateau continental/ZEE)]
15. En d’autres termes, en la présente occurren ce, la Cour ne peut, à l’évidence, pas faire
abstraction de l’accord des Parties sur la délimitation de la mer territoriale, ne fût-ce que parce que
le point F, fixé par le traité de 2003 sur le régime de la frontière, constitue le point d’aboutissement
de celle-ci et donc celui à partir duquel doit par tir la délimitation à laquelle vous êtes priés de
procéder. La Roumanie et l’Ukraine sont d’ailleurs d’accord à cet égard 77. Mais, et c’est là que les
deux Parties ne le sont plus, vous ne pouvez pas davantage, Madame et Messieurs de la Cour,
revenir sur une délimitation pré-existante au prétexte que celle-ci concernerait d’un côté (le côté
ukrainien) la mer territoriale (de l’île des Serpents) et de l’autre (côté roumain) le plateau
continental et la zone économique exclusive. En core une fois, il vous est demandé de résoudre «le
problème de la délimitation du plateau continenta l et des zones économiques exclusives», mais
comme cette délimitation concerne celle du plateau continental et de la zone économique exclusive
roumains entre le point F et le point X, il y a là, sans aucun doute, un «problème de délimitation du
plateau continental…» sur lequel les Parties s’op posent et que la Cour non seulement peut, mais
doit, trancher en vertu de la clause compromissoire de l’article 4 h) de l’accord additionnel.
16. Au surplus, il ne suffit pas à l’Ukraine de dénaturer le texte de cette disposition (en
affirmant qu’elle dit ce qu’elle ne dit pas, comme sa simple lecture suffit pour s’en convaincre), il
lui faut encore opérer un autre tour de passe-pass e, en prétendant que les Parties n’ont pas pu
«avoir fixé» la limite extérieure des eaux releva nt de l’île des Serpents en1949 puisqu’il est
76
Voir RR, p. 5-6, par. 1.12-1.13 ; DU, p. 7, par. 2.5.
77Voir MR, p.82, par.7.19, et p.131, par.9.3; CMU, p.252, par.11.1 v), p.257 (conclusions); RR, p.62,
par. 4.7 ou p. 289, par. 8.40 ; DU, p. 149 (conclusions), par. 9.3. ii) ou p. 6, par. 2.4. - 39 -
demandé à la Cour de donner une solution au «problème de la délimitation du plateau continental et
des zones économiques exclusives» :
«the Romanian thesis results in a boundary running between, on the one hand,
Romania’s continental shelf and EEZ and, on the other hand, Ukraine’s territorial sea,
and not, as required by the Parties’ agreem ent to the Court’s jurisdiction, between
78
two sets of continental shelves and EEZs» .
Mais outre que la clause compromissoire de l’article 4 h) ne dit rien de tel, il y a là, à l’évidence, un
non sequitur manifeste et une inversion de l’ordre logique de l’argumentation.
[Fin de la projection n 2]
17. Comme le résume le tableau qui figure da ns le dossier des juges sous l’ongletII-3,
l’Ukraine part du postulat erroné, déme nti par le texte même de l’article4 h) que la Cour a
compétence (et n’a compétence que) pour délimit er les plateaux continentaux et les zones
économiques exclusives respectifs des Parties; donc elle ne peut prendre en considération un
accord qui délimite la mer territoriale et le plateau continental et un tel accord est nul et de nul
effet. Ce raisonnement, si c’en est un, part d’une prémisse fausse en ce qui concerne le sens de la
clause donnant compétence à la Cour. Il en déduit, à tort, que celle-ci, que la Cour, ne devrait pas
donner effet à un accord intervenu entre les Parties car cet accord … ne résout pas le différend qui
lui est soumis !
o
[Projection n 3 : Délimitation maritime entre le Honduras et le Nicaragua d’après l’arrêt de la Cour
du 8 octobre 2007]
18. Il est assez évident, Madame la présidente , que l’accord intervenu entre les Parties quant
à la délimitation de ce qui constitue aujourd’hui sans aucun doute la mer territoriale de l’île des
Serpents ne règle pas complètement le différend entre la Roumanie et l’Ukraine ⎯ sinon, nous ne
serions pas ici ! Mais ce n’est pas une raison pour décréter que, en 1949, les Parties n’ont pas pu se
mettre d’accord sur ce que j’ai appelé une «frontière mixte» —notion sur laquelle je relève en
passant que l’Ukraine se contredit également puisque, après avoir semblé admettre qu’il existe des
précédents de frontière maritime séparant des espaces de natures différentes 79, elle affirme, en
réponse à la thèse roumaine, que
78
DU, p. 10, par. 2.11.
79Voir DU, p. 7, pars. 2.5-2.6. - 40 -
«such an argument would be inconsistent with Articles55 and 76 of UNCLOS, both
of which define those maritime zones as being … beyond the territorial sea …, and the
shelf’s outer boundary cannot therefore follo w the same line as the boundary of the
80
territorial sea» .
19. Malgré les curieuses convictions de la Partie ukrainienne, ceci est extrêmement fréquent
⎯comme en témoignent les précédents décr its, à titre d’exemples, dans notre réplique 81. C’est
d’ailleurs inévitable lorsqu’une île relevant d’un EtatA se trouve située sur le plateau continental
d’un Etat B — et l’application de l’article 121 de la convention de Montego Bay conduit d’ailleurs
inévitablement à un tel résultat dans une circonsta nce de ce genre, que l’on soit en présence d’une
île du paragraphe premier ou du paragraphe 3. Et il n’est pas besoin de remonter très loin dans le
temps pour en avoir un exemple : il suffit de penser à l’affaire du Différend territorial et maritime
entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), affaire dans
laquelle la ligne unique tracée par la Cour est bien «mixte» dans certaines portions de son tracé
(voir l’arrêt du 8 octobre 2007, par. 299-305 et 320).
[Fin de la projection n o3]
20. D’ailleurs, même en admettant — pour les seuls besoins de la discussion — que la Cour
n’aurait pas compétence pour se prononcer sur une te lle frontière «mixte», la conséquence d’une
telle incompétence ne serait évidemment pas ⎯contrairement à ce que prétend l’Ukraine
⎯ qu’une telle frontière n’existe pas mais, ce qui est tout différent, que la Cour ne pourrait pas se
prononcer sur son tracé. Pour tenter d’échappe r à cette conclusion, pourtant assez inévitable,
l’Ukraine doit se livrer à une nouvelle contorsion 82, dont vous pourrez trouver une illustration
schématique sous l’onglet II-5 de vos dossiers :
1) les Parties sont d’accord pour considérer que la Cour est compétente pour procéder à la
délimitation des plateaux continentaux et des zones économiques exclusives respectifs des deux
Etats ; et
2) elles sont d’accord pour estimer que la délimitation doit partir du point F ;
donc, affirme toujours l’Ukraine, donc,
80
DU, p. 11, par. 2.1 ; les italiques sont dans l’original.
81
RR, p. 5-6, par. 1.13.
82Voir DU, p. 10, par. 2.10, et p. 11, par. 2.12. - 41 -
3) les espaces maritimes qui se trouvent au-delà du pointF autour de l’île des Serpents relèvent
nécessairement des plateaux continentaux et des zones économiques exclusives des deux Etats.
21. Mais ce «donc» n’a pas de raison d’être, Madame la présidente ! La délimitation que la
Cour décidera doit partir du point F, en effet, parce que, au-delà, comme nce le problème de la
délimitation du plateau continental et des z ones économiques exclusives qui forme l’objet du
différend soumis à la haute juridiction. Mais il n’y a aucune relation de cause à effet entre l’accord
des Parties sur le point de départ de la délimita tion et la nature nécessairement non territoriale des
eaux se trouvant de part et d’autre de la future li gne. L’accord des Parties sur le point F signifie
une seule chose: qu’elles demandent à la Cour de se prononcer sur toute limite qui pourrait
concerner le plateau continental ou la zone économi que exclusive au-delà de ce point ; rien d’autre
que cela. Et l’Ukraine procède de nouveau par pétition de principe lorsqu’elle affirme que l’accord
des Parties «to confer jurisdiction on the Court…must be such that, starting from the agreed
terminal point of their territorial sea boundary, each Party has some zones of continental shelf and
83
EEZ immediately to the east and south of that agreed terminal point» . Pourquoi «doit-il» (must
be) en aller ainsi? Mystère… Pourquoi ne suff it-il pas que le plateau continental ou la zone
économique exclusive d’une seule des Parties soit concerné ? Mystère encore…
22. Cette robuste affirmation ukrainienne est d’ailleurs démentie tant par le contexte à la
lumière duquel il faut interpréter la clause compromissoire de l’article4 h) que par ses travaux
préparatoires et les négociations qu’ont menées les Parties sur cette base, préalablement à la saisine
de la Cour.
23. S’agissant du contexte, je me permets, Madame la présidente, d’attirer votre attention sur
l’alinéa d) de cette même disposition, qui pose :
«d) Le principe conformément auquel aucune Partie contractante ne contestera…la
souveraineté de l’autre Partie contractante sur n’importe quelle partie du territoire
de celle-ci adjacente à la zone à délimiter.»
Il me semble que ceci établit que les Parties n’ex cluaient assurément pas que la délimitation puisse
porter sur le plateau continental ou la zone économi que exclusive de l’une des Parties, adjacente à
la mer territoriale de l’autre.
83
DU, p. 11, par. 2.12. - 42 -
24. De la même manière, la «pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité» , et84
notamment les positions prises lors des négociations menées entre 1998 et 2004 dont M. Aurescu a
parlé tout à l’heure, établit que les Parties entenda ient procéder à la délimi tation de toute la zone
maritime se trouvant au-delà du point F, sans exclur e qu’il puisse en résulter une frontière entre la
mer territoriale de l’île des Serpents d’une part, le plateau continental et la zone économique
exclusive de la Roumanie d’autre part. De toute façon, dès lors que c’est bien la zone qui est située
au-delà de 12 milles marins que la Cour est appe lée à délimiter, il s’agit bien d’un problème de
«délimitation du plateau continental et des zones économiques exclusives» pour lequel l’article2,
paragraphe2, du traité du 2 juin 1997 et l’article 4 h) de l’accord additionnel du même jour,
confèrent évidemment compétence à la Cour.
25. En bref, Madame la présidente :
⎯ la Cour est compétente pour se prononcer sur la requête de la Roumanie dans son intégralité ;
⎯ la ligne qu’elle est appelée à tracer doit, d’accord Parties, commencer au point F, qui marque le
point d’aboutissement de la ligne séparant les me rs territoriales respectives de la Roumanie et
de l’Ukraine ;
⎯ au-delà, rien ne s’oppose à ce que la ligne unique que la Cour déterminera ait un caractère
mixte qui puisse séparer sur une certaine distance la mer territoriale de l’Ukraine (autour de
l’île des Serpents) du plateau continental et de la zone économique exclusive de la Roumanie.
Madam President, I still have a little bit more than 15 minutes. Would you like that I
continue or do you prefer that we have the “sacrosanct” coffee break now?
The President: Well the coffee break is “sacrosanct” but the timing is not. And because I
think inevitably we will run a little over time, the Court will rise briefly now.
The Court adjourned from 11.35 to 11.50 a.m.
The PRESIDENT: Please be seated. Professor Pellet.
M. PELLET :
84
Cf. l’article 31, par. 3 b) de la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. - 43 -
II. L E DROIT APPLICABLE
85
26. Madame la présidente, je l’ai dit en commençant , l’un des deux arguments que
l’Ukraine invoque à l’appui de ses efforts pour limiter la compétence de la Cour concerne en réalité
non pas votre juridiction mais le droit applicable puisque la Partie ukr ainienne prétend vous
empêcher de faire application de l’accord (en réalité des accords) par lesquels les Parties (et, dans
le cas de l’Ukraine, son prédécesseur, l’Union sovi étique) ont fixé la fro ntière de leurs zones
maritimes respectives au-delà du pointF. J’examinerai brièvement cet argument en même temps
que je m’interrogerai plus généra lement sur la nature de ces instruments, dont nos contradicteurs
⎯ tout en reconnaissant qu’il s’agit de traités obligeant les Parties ⎯ prétendent que ce ne sont pas
des accords de délimitation au sens des articles 74 et 83 de la convention des Nations Unies sur le
droit de la mer. Dans un second te mps je reviendrai non pas sur la signification et le contenu des
principes énoncés par les Parties dans l’article4 de l’accord additionnel de1997, mais sur le rôle
que ces principes doivent jouer pour la solution de la présente affaire.
A. La nature juridique des accords de 1949-1974 et de l’accord additionnel de 1997
27. Je ne m’appesantirai guère sur le premie r point, Madame la présidente, puisque mon
collègue et néanmoins très cher ami JamesCraw ford y reviendra beaucoup plus longuement
demain lorsqu’il présentera la partie de notre argumentation relative au premier secteur de la
frontière maritime entre les deux Etats. A ce stade, il est suffisant de relever :
1) que les Parties s’accordent pour estimer que l es procès-verbaux roumano-soviétiques de1949,
86
1963 et 1974 que j’ai mentionnés tout à l’heure et l’accord additionnel constitué par l’échange
de lettres du 2 juin 1997 sont des traités, juridiquement obligatoires pour les Parties 87; et
2) que l’Ukraine dénie à ces instruments la qualité d’accords en vigueur du type de ceux qui sont
visés aux alinéas4 respectivement de l’article 74 et de l’article83 de la convention des
88
Nations Unies sur le droit de la mer .
85
Voir supra, par. 5.
86
Voir supra, par. 11.
87Voir MR, p.78, par.7.10, et p.80-81, par. 7.15-7.16; CMU, p.154, par.6.23; RR, p.11, par.2.4; et DU,
p. 13, par. 2.17, ou p. 149, par. 6.11.
88Voir CMU, p. 154-155, par. 6.24-6.26 ; et DU, p. 13, par. 2.18-2.19. - 44 -
28. Ici encore, la Partie ukrainienne se fonde non pas sur le texte des dispositions en question
⎯qu’elle ne cite pas, elle aime bien ne pas citer ⎯ mais sur l’«interprétation libre» qu’elle en
donne. Or, contrairement à ce qu’écrivent nos contradicteurs (et ils l’écrivent bien «entre
guillemets»), ces deux alinéas (pas plus que les trois précédents des articles 74 et 83 d’ailleurs) ne
se réfèrent pas aux accords « délimitant le plateau continental/la ZEE» («delimiting the continental
shelf/EEZ») 89mais aux accords en vigueur concernant «les questions relatives à la délimitation de
la zone économique exclusive» (ou «du plateau continental») («questions relating to the
delimitation of the exclusive economic zone or the continental shelf») ; ces questions doivent donc
être réglées «conformément à cet accord». Et si ces dispositions visent évidemment des accords de
délimitation, en bonne et due forme, il résulte du texte même des deux alinéas que je viens de citer,
qu’ils ne se limitent pas à renvoyer à des accord s réalisant complètement une délimitation, mais
bien à tout accord ayant une incidence sur les qu estions relatives à la délimitation de ces zones
marines. C’est évidemment le cas de tous l es instruments auxquels l’Ukraine cherche une bien
mauvaise querelle.
29. Du reste —et, ici encore, à nouveau— j’avoue voir mal l’intérêt de cette querelle
⎯même dans la perspective de nos contradi cteurs. Que ces accords —auxquels la Partie
ukrainienne reconnaît la qualité de traités juri diquement obligatoires, pour elle-même comme pour
la Roumanie — soient ou non de ceux que visent les articles 74, paragraphe 4, et 83, paragraphe 4,
de la convention de Montego Bay, cela ne change ri en : ils sont obligatoires pour les Parties, et il
appartient à la Cour de céans d’en faire application.
o
[Projection n 4 : La délimitation acquise en 1949]
30. J’ajoute que, quoi qu’en écrive l’autre Par tie, il me paraît assez extravagant de dénier à
ces instruments la qualité d’accords de délimitation. En tout cas, il est clair qu’ils délimitaient au
moins les mers territoriales respectives des Parties. Mais j’attire d’ores et déjà votre attention,
Madame la présidente, sur une énigme — sur la quelle nous aurons l’occasion de revenir : pourquoi
diable les Parties ont-elles éprouvé le besoin de prolonger la limite de leurs territoires maritimes
au-delà du point extrême de la mer territoriale de la Roumanie — qui était, à l’époque, de 6 milles
89
DU, p. 13, par. 2.18 ; les italiques sont de nous. - 45 -
marins? Au-delà du pointA que vous pouvez visu aliser maintenant sur l’écran, il ne s’agit à
l’évidence plus d’une délimitation entre les mers territoriales des deux Etats, et l’on ne voit
vraiment pas quel titre juridique la Roumanie aurait pu faire valoir à l’appui de la détermination du
point1439 ou de la prolongation de la ligne autour de l’île des Serpents —ni même l’intérêt que
ces opérations pouvaient représenter pour elle, s’ il ne s’agissait pas d’une assurance donnée par
l’Union soviétique qu’elle n’avait pas de prétention au-delà de cette limite. Ceci est d’ailleurs, je le
rappelle en passant, la manière dont la transaction avait été comprise par la Roumanie, comme le
montrent de façon très claire les déclarations d es chefs de délégation successifs de ce pays durant
les négociations bilatérales de délimitation avec l’Un ion soviétique qui sont reproduites dans notre
90
mémoire . Pour ne citer qu’une de ces déclarations, la dernière, de 1987 :
«de par ses caractéristiques, l’île des Serpents ne saurait être dotée d’un plateau
[continental] et d’une zone [économique ex clusive]. Mais nous n’en faisons pas pour
autant abstraction... La délimitation que nous proposons respecte les accords
bilatéraux passés entre la Roumanie et l’URSS au sujet de cette île, qui continuera de
posséder un91zone maritime de 12milles ainsi que le sol et le sous-sol qui y sont
associés.»
31. Je m’arrête là sur ce point pour l’instant mais cela confirme, si besoin était, que la Cour
ne peut assurément pas faire abstraction de ces accords dont l’incidence sur la délimitation à
laquelle elle est priée de procéder coule de s ource — qu’ils doivent ou non être considérés comme
des «accords des articles 74.4 ou 83.4», ce qui, ho rs les murs de l’Université, n’a strictement
aucune importance.
o
[Fin de la projection n 5]
B. Le rôle des principes convenus dans l’article 4 de l’accord additionnel de 1997
32. Madame la présidente, l’argumentation que la Partie ukrainienne fait valoir au sujet du
rôle que les principes convenus dans l’article 4 de l’accord additionnel de 1997 sont appelés à jouer
dans la présente affaire est tout aussi déroutante et pose, en partie, des problèmes du même genre.
33. L’Ukraine ne peut évidemment pas nier que ces cinq principes figurent dans l’échange de
lettres de1997, mais elle leur dénie pertinen ce et affirme que vous ne pouvez, Madame et
90
MR, p. 55-59, par. 5.12-5.17.
91Minutes of the 1987 Romanian-Soviet negotiations, MR, annexe 31. - 46 -
Messieurs de la Cour, les appliquer «en tant que tels» («as such») . La raison de cet ostracisme
tiendrait à ce que le «chapeau» de l’article4 de l’accord additionnel de1997 est rédigé de la
manière suivante :
«Le Gouvernement de la Roumanie et le Gouvernement de l’Ukraine
négocieront un accord pour la délimitati on du plateau continental et des zones
économiques exclusives des deux Etats dans la mer Noire, sur la base des principes et
procédures suivants…»
Il en résulterait, selon l’Ukraine, que :
«the five principles [listed in Article4] wh ich were then set out were agreed as «the
basis» on which the Parties «shall conduct negotiations».
The Parties did not agree that those principles should apply also as part of the
compromis for reference93f their dispute to the Court in the event that the negotiations
were not successful.»
34. Quelle curieuse rhétorique, Madame la présidente! Dans une même disposition , deux
Etats, se mettent d’accord d’une part sur cinq prin cipes à appliquer dans le urs négociations en vue
de parvenir à un accord pour la délimitation de leur plateau continental et de leurs zones
économiques exclusives respectives et, d’autre part, sur les conditions de la saisine de la Cour
⎯j’y insiste: tout ceci est fait dans le même article de l’accord additionnel. Et ces principes ne
vaudraient que pour les négociations diplomatiques en tre les deux Etats, pas pour le règlement du
différend par votre haute juridiction? Allons donc! Si les Parties avaient voulu limiter ainsi la
pertinence des «principes et procédures» énumérés dans l’article4, elles l’auraient, sans aucun
doute, dit clairement; et elles auraient introduit dans leur accord une disposition spécifique à cet
effet. Mais il ne contient aucune clause de ce genre.
35. Certes, le règlement judiciaire des diffé rends est un mode de rè glement distinct des
94
négociations . Il n’en reste pas moins qu’il en est le prolongement, la «continuation par d’autres
moyens». Et, dans le cas qui nous occupe ceci est plus vrai que jamais car l’article 4 h) le précise
expressément et de la manière la plus claire. Comme l’a écrit l’ambassadeur Rosenne, «le recours
contentieux n’est jamais qu’une étape dans le déroulement d’un drame de nature politique»
92DU, p. 16, par. 2.29 ; voir aussi CMU, p. 153, par. 6.20.
93
DU, p. 14, par. 2.23-2.24.
94Voir DU, p. 15, par. 2.27. - 47 -
(«[l]itigation is a phase in the unfolding of a political drama» 95). Quoi qu’en pensent nos
contradicteurs, et comme l’a dit la Cour perm anente que vous citiez dans vos arrêts sur le Plateau
continental et le Golfe du Maine
«[c]omme l’a dit la Cour permanente de Justice internationale dans son ordonnance du
19 août 1929 en l’affaire des Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, le
règlement judiciaire des conflits interna tionaux «n’est qu’un succédané au règlemont
direct et amiable de ces conflits entre les parties» ( C.P.J.I. série An 22, p.13)»
(Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark)
(République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil1969 , p.47,
par. 87 ; voir aussi Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du
Maine (Canada/Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 266, par. 22),
étant entendu que le mot «succédané», qui figure dans la version française originale de la décision
de la Cour permanente, est peut-être plus adapté que sa traduction anglaise, alternative . Dans la
langue courante et selon le Dictionnaire de l’Académie française, le terme «succédané» s’emploie
96
pour désigner «[t]out produit qui est dérivé d’un autre et qui peut au besoin en tenir lieu» .
36. Dans l’exercice de sa mission, la Cour ne peut qu’appliquer as such —en tant que
tels— les principes que les Part ies ont décidé, conventionnellement , d’appliquer aux fins de la
négociation de l’accord de délimitation dont votre a rrêt sera, Madame et Messieurs les juges, le
«succédané», le substitut. Et ceci, avec toutes les conséquences qui en résultent en ce qui concerne
leur interprétation —qui doit suivre la «règle générale d’interprétation» du droit des traités, et
l’ordre de priorité que les Parties leur ont accordé.
37. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des Parties précisent, dans la clause
compromissoire prévoyant la saisine de la Cour, le s principes ou règles qu’elles la prient de bien
vouloir appliquer. Il en est allé ainsi, pour n’en citer que quelques exemples, dans plusieurs
affaires de délimitation de frontières issues de la décolonisation, dans lesquelles l’application du
principe de l’ uti possidetis était expressément prévue dans les compromis ( Différend frontalier
(Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p.96, par.2 et p.108, par.23); tel est le cas, par
exemple, de celle relative à l’ Ile de Kasikili/Sedudu , dans laquelle la Cour était appelée à se
prononcer, en particulier, sur la base d’un traité expressément mentionné dans le compromis (Ile de
Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J.Recueil1999(II) , p.1053, par.11; voir aussi
95
Shabtaï Rosenne, The Law and Practice of the International Court, 1920-2005, vol.IThe Court and the
United Nations, Martinus Nijhoff Publishers, Leiden/Boston, 2006, p. 3.
96Huitième éd., version informatisée, site Internet: http://atilf.atilf.fr/academie.htm. - 48 -
p. 1102, par. 93 ; voir également Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(ElSalvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)), arrêt, C.I.J.Recueil1992 , p. 357-358, par. 3 et
p.386, par.40). Tout ceci n’a rien d’incongru et, comme l’a souligné la Cour dans l’affaire du
Plateau continental Tunisie/Libye, «[p]our rechercher les principes et règles pertinents applicables
à la délimitation, la Cour est tenue bien entendu de s’inspirer de toutes les sources de droit visées à
l’article 38, paragraphe 1, de son Statut, dont l’alinéa a) lui prescrit d’appliquer les dispositions du
compromis» (Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya ar abe libyenne), arrêt, C.I.J.Recueil1982 ,
p. 37, par. 23.).
38. Ces dispositions qui constituent des nor mes spéciales par rapport à celles de la
convention des NationsUnies sur le droit de la mer ou aux principes généraux du droit de la
délimitation maritime, doivent s’a ppliquer par priorité. Mais il n’en résulte évidemment pas que
les unes et les autres soient dénués de pertinence en l’espèce pour interpréter ou compléter
l’application des principes énoncés à l’article4 h) de l’accord additionnel de1997. Et cela est
d’autant plus évident que, comme le concède du bout des lèvres (ou du bout des touches de
l’ordinateur…) la répub lique ukrainienne, ces principes reflètent largement (sans les calquer
cependant) ceux qui sont applicables ⎯ c’est-à-dire ceux de l’accord de 1997 ⎯ en vertu du droit
international général.
39. Avant d’en terminer, Madame la présidente, je souhaite rappeler encore une fois qu’en se
référant aux seuls principes de délimitation pr évus par l’accord additionnel, l’Ukraine ignore
délibérément que cet instrument ne constitue pas le seul traité bilatéral pertinent aux fins du
règlement de la question de la dé limitation. La Partie ukrainienne «oublie» à nouveau le traité de
bon voisinage (ou «traité sur les relations»), dont je me permets de citer une nouvelle fois
l’article 2, paragraphe 2. Il y est dit, je le rappelle, que les parties «solutionneront le problème de la
délimitation de leur plateau continental et d es zones économiques exclusives de la mer Noire, sur
la base des principes et des procédures convenues par un échange de lettres...» 97. Nulle part il
n’est fait de distinction entre, d’un côté, les négo ciations et, de l’autre, les autres procédures
auxquelles les Parties pourraient avoir recours pour résoudre le problème de la délimitation ; nulle
97
RTNU, vol. 2159, p. 37 (I-37743) ; les italiques sont de nous. - 49 -
part il n’est question, expressément ou implicitement, d’une quelconque limitation de
l’applicabilité de ces principes au seul cadre des pourparlers diplomatiques. Au contraire, il semble
très clair que les principes en question doivent co nstituer la base de la solution à apporter au
problème de la délimitation, soit par les Parties e lles-mêmes, soit par la Cour — comme le prévoit
l’accord additionnel.
40. Madame et Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre attention, et je vous prie,
Madame la présidente, de bien vouloir passer la parole à M.Cosmin Dinescu, qui présentera le
contexte géographique de l’affaire et les accords de délimitation existants dans la mer Noire. Merci
beaucoup.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Pellet. I call upon the Co-Agent of Romania,
M. Dinescu.
M. DISNESCU :
LE CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE
Merci beaucoup, Madame le président.
1. Madame le président, Messieurs les juges, c’est un grand honneur pour moi de paraître
devant vous comme représentant de mon pa ys, la Roumanie, dans l’affaire de la Délimitation
maritime en mer Noire. Cet honneur est d’autant plus grand qu’il s’agit, Madame le président, de
ma première intervention devant votre Cour.
2. Il me revient aujourd’hui la tâche de vous présenter le contexte géographique général du
différend roumano-ukrainien qui vous a été soumis — c’est-à-dire la localisation géographique du
différend et, dans ce contexte, les accords de délimitation existants dans la région. Etant donné
qu’il s’agit d’aspects factuels, ma tâche pourrait paraître assez facile, sinon un peu aride ; toutefois,
les interprétations divergentes que les deux Parties font de ces aspects rendent cette étude à la fois
nécessaire et plus intéressante.
La description géographique de la région
[Projection n o1 —Le contexte géographique du différe nd: la mer Noire (dossier des juges,
onglet III-1)] - 50 -
3. Madame le président, Messieurs les juges, la Roumanie et l’Ukraine sont parmi les six
Etats qui confinent la mer Noire, une mer semi-fermée située au sud-est de l’Europe. La mer Noire
communique avec la mer Méditerranée par les détroits du Bosphore et des Dardanelles. Avec une
superficie d’environ 420 300 km 2 (462 500 km , si on inclut la mer d’Azov située au nord-est) 98, la
mer Noire est une mer de dimension modeste.
4. Sur ces aspects les deux Parties sont d’accord ; elles sont aussi d’accord sur le fait que
99
dans la mer Noire il n’existe pas de zones de haute mer , donc, au final, toutes ses eaux relèveront
entièrement de la juridiction des six Etats riverains.
5. Une illustration de la mer Noire est projet ée à l’écran et vous pouvez aussi la trouver dans
vos dossiers sous l’onglet III-1; on voit clairement que les côtes de la Roumanie et de l’Ukraine
bordent le bassin occidental de la mer Noire, la zone maritime dans laquelle la Cour est appelée à
effectuer la délimitation étant localisée au nord de ce bassin.
6. Dans la région qui borde la mer Noire, la frontière entre les deux pays a une orientation
générale ouest-est et est établie sur le bras pr incipal le plus septentrional du delta du Danube
⎯ le Chilia. S’agissant d’une frontière fluviale, e lle suit les sinuosités du fleuve et aboutit dans la
mer sur le petit canal de Musura.
7. Considérées globalement, les côtes des deux pays à partir du dernier point de la frontière
entre la Roumanie et la Bulgarie (VamaVeche) ju squ’au point le plus au sud de la presqu’île de
Crimée (capSarych) délimitent une aire ma rine qui représente environ la moitié du bassin
occidental de la mer Noire. Les points extrêmes de ce bassin sont représentés, comme je viens de
le dire, par le dernier point de la frontière bul garo-roumaine VamaVeche et le cap Sarych. Le
cap Sarych qui marque aussi la transition vers le bassin est de la mer Noire.
[Fin de la projection n o1]
[Projection n 2 —Le bassin occidental de la mer Noire avec les principaux éléments
géographiques et les côtes pertinentes et non pertinentes (onglet III-2)]
8. Les côtes des deux pays ne constituent p as une ligne droite: en effet, il existe de
nombreux points d’inflexion, où les côtes changent d’orientation de manière significative. Dans
98
MR, p. 14, par. 2.1 ; CMU, p. 13, par. 3.2.
99MR, p. 14, par. 2.2 ; CMU, p. 13, par. 3.3. - 51 -
leurs plaidoiries écrites, les deux Parties ont exprimé des avis contraires en ce qui concerne le
nombre de segments qui reflètent de la f açon la plus adéquate la géographie côtière 100, afin de
pouvoir déterminer les côtes pertinentes et, par c onséquent, la zone pertinente aux fins de la
délimitation.
9. Un simple regard sur la carte du bassin occidental de la mer Noire suffit pour identifier les
éléments géographiques les plus remarquables : la presqu’île de Sacalin, la digue de Sulina, le point
le plus septentrional du delta du Danube, les estuaires du Dniestr et du Dniepr, les baies de
Yarholyt et Karkinit, ainsi que les caps Tarkhankut, Khersones et Sarych. Je ferai une présentation
des plus importants de ces éléments.
o
[Fin de la projection n 2]
[Projection n 3 — Photo satellite de la presqu’île de Sacalin]
10. La presqu’île de Sacalin est située au sud-est du delta du Danube. Comme vous pouvez
le voir maintenant à l’écran et aussi dans l’onglet III-3 de vos dossiers, il s’agit d’une langue de
sable qui s’étend sur une distance d’environ 12km de la bouche du bras SaintGeorges dans la
direction sud-ouest. La presqu’île actuelle était formée initialement d’ un groupe de deux îles
sablonneuses, le Grand Sacalin et le Petit Saca lin, qui, suite à une évol ution naturelle d’une
centaine d’années, une évolution caractérisée par des dépôts sédimentaires permanents, ont formé
un seul îlot pour finalement s’arrimer au littoral, avec, comme résultat, une formation péninsulaire
d’une superficie de 3,5km . Sacalin constitue l’un des points pertinents pour les lignes de base
101
roumaines, notifié comme tel au Secrétariat des Nations Unies .
o
[Fin de la projection n 3]
o
[Projection n 4 — Photo satellite de la digue de Sulina]
11. Le deuxième point remarquable du delta du Danube est constitué par la digue de Sulina
(onglet III-4, dossier des juges). Située au nord de Sacalin, à l’embouchure du bras de Sulina, la
digue a été construite à partir de 1856 pour pr otéger l’embouchure du bras navigable du danger de
colmatage résultant des dépôts alluvionnaires et pour assurer le bon fonctionnement du port de
100CMU, p. 16-17, par. 3.16-3.19, p. 25, par. 3.49 ; RR, p. 16-19, par. 3.6-3.12 ; DU, p. 68, par. 4.11, p. 79-81,
par. 4.51-4.56.
101RR, annexe RR 3 ; voir aussi
http://www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/ROM_1990_Ac… - 52 -
Sulina. Du fait des quantités grandissantes d’alluvions, il a fallu que la digue soit élargie à
plusieurs reprises, les derniers travaux ayant eu lieu en1980. Comme il est maintenant visible à
l’écran, en fait il y a deux digues parallèles qui établissent une voie navigable assurant l’accès au
port et au bras de Sulina. Vers l’extrémité est, il y a un phare situé sur un petit îlot de sable d’une
superficie de 3,3ha,un petit îlot qui jouxte la digue. Devant la digue, deux bouées marquent
l’entrée du canal de Sulina. Il s’agit donc d’un sy stème d’installations portuaires permanentes, qui
s’étend vers la mer sur une longue ur de 7,5 km. Immédiatement au nord de la digue se trouve une
île sablonneuse, dont la superficie est de 60ha, île formée il y a une dizaine d’années et qui se
développe de manière continue. L’île est traversé e par la frontière maritime roumano-ukrainienne
établie en1949, une frontière devenue donc terrest re dans le secteur où se trouve cette nouvelle
formation insulaire. L’extrémité est de cette île est située presque sur le même méridien que le
point de la digue de Sulina le plus avancé dans la mer, point qui constitue aussi l’un de ceux
notifiés par la Roumanie au Secrétariat des Nati ons Unies comme pertinents pour la définition des
lignes de base des côtes roumaines 102.
o
[Fin de la projection n 4]
o
[Reprise de la projection n 2]
12. Si l’on va plus au nord et que l’on s’in téresse à la côte ukrainienne, elle a d’abord une
orientation nord-sud, puis s’orient e vers le nord-est et perd gra duellement la relation d’adjacence
avec la côte roumaine. Le point «de rupture» est constitué par l’estuaire du Dniestr, qui ressemble
à une baie d’une superficie de 373,6 km 2, dont la largeur moyenne est de 7 km. L’extrémité de la
rive sud de l’estuaire, nommée par la Roumanie «Point S», marque un changement dans la
direction de la côte vers le nord-est, un change ment qui devient encore plus prononcé à un point
situé au nord d’Odessa. Après ce point, la côte vire vers l’est, pour finalement commencer à
descendre vers le sud-est, où elle est interrompue par des baies comme l’estuaire du Dniepr,
Yarholyt et Karkinit. Ce dernier, par exempl e, a une ouverture de 32,3milles marins et une
superficie de 3300 km .
102RR, annexe RR 3 ; voir aussi
http://www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/ROM_1990_Ac… - 53 -
13. L’extrémité sud de la baie de Karkinit est le cap Tarkhankut, situé dans la presqu’île de
la Crimée. Cette baie ⎯ il s’agit de la baie de Karkinit ⎯ sépare dans le bassin de nord-ouest de la
mer Noire la Crimée du reste du continent. La côte ouest de la Crimée a une orientation générale
nord-ouest/sud-est, avec la présence remarquable du cap Tarkhankut, qui s’avance dans la mer sur
une distance de 27,6 km en exerçant ainsi un effet de distorsion sur l’orientation générale de la côte
d’une manière significative.
14. Cette côte de la Crimée se trouve dans une relation d’opposabilité avec la côte roumaine.
Cette relation se termine au point le plus au sud de la presqu’île, le cap Sarych, qui marque aussi la
limite du bassin occidental de la mer Noire.
15. Cette description des côtes montre que les trois secteurs de la côte ukrainienne identifiés
par nos contradicteurs dans leurs plaidoiries écrites 103ne représentent qu’une hyper-simplification
et ne font que remodeler d’une manière inacceptable la géographie de la région. Ces aspects seront
présentés en détail après mon intervention par M. James Crawford.
16. Pour l’instant, il suffit de souligner que les différents segments des côtes des deux pays
se trouvent en relations diverses les uns par rapport aux autres :
⎯ premièrement, il y a des segments côtiers qui se prolongent les uns les autres : vous les voyez
en rouge à l’écran ;
⎯ deuxièmement, il y a des segments qui se font face — en bleu sur l’illustration ;
⎯ dernièrement, il y a des segments ukrainiens qui n’ont aucune relation avec la zone à
délimiter ⎯ ils sont présentés en mauve à l’écran.
La conséquence de cette situation est tout à fait évidente: il y a des côtes pertinentes pour la
délimitation en l’espèce et il y en a d’autres qui ne le sont pas ; en outre, les relations entre les côtes
pertinentes —c’est à dire d’adjacence d’une part et d’opposition de l’autre— rendent nécessaire
une approche sectorielle de la délimitation. Ici encore, James Crawford entrera dans les détails
dans la plaidoirie suivante.
o
[Fin de la projection n 2]
[Projection n 5 ⎯ La mer Noire et son bassin occidental]
103CMU, p. 16-17, par. 3.16-3.19 ; DU, croquis 4-4. - 54 -
17. Dans le bassin du nord-ouest de la mer Noire, on devine un point isolé et microscopique :
c’est l’île des Serpents, formation maritime proche des côtes adjacentes de la Roumanie et de
l’Ukraine, située à quelque 20milles marins de ces côtes, avec une superficie de 0,17km 2. Pour
quoi ai-je dit «on devine»? Parce que l’île est si minuscule qu’elle n’est pas visible à l’échelle
utilisée dans les croquis qui viennent d’être projetés. Comme cela est montré maintenant à l’écran,
pour percevoir l’île d’une manière — disons — normale, l’échelle doit être augmentée de plus que
400fois. Dès qu’on utilise la même échelle pour l’île des Serpents et le bassin maritime qui
l’entoure, l’île n’est plus visible, elle dispara ît… Ce rocher qui ne se prête pas à l’habitation
humaine ou à une vie économique propre a été l’un des acteurs principaux des plaidoiries écrites
104
des deux pays et, à tort ou à raison, elle continuera sans doute à jouer ce rôle dans les
jours
suivants. Je n’entrerai pas dans une présenta tion détaillée de ses caractéristiques, tout en
soulignant, encore une fois, l’évidence qui résulte de la projection qui est à l’écran : une formation
minuscule et isolée en face des côtes continentales adjacentes des deux pays.
[Fin de la projection n o 5]
[Projection n 6 —Caractéristiques géomorphologiques de la mer Noire ⎯ Extrait de l’étude
Catastrophic Flooding of the Black Sea, Annual Review of Earth and Planetary Sciences, vol. 31,
2003, p5.25-554, également disponible sur htt:p //www.geo.edu.ro/sgr/mod/downloads/
PDF/Ryan-AnRevEPS-2003.pdf]
18. Du point de vue géologique et géomorphologique, le fond de la mer Noire représente une
105
masse unique , le plateau continental ayant un caractère continu. Dans le bassin du nord-ouest, le
plateau continental a une extension plus grande dans la partie occidentale, face aux côtes adjacentes
roumaine et ukrainienne, et la partie septentri onale, où la «descente» vers le talus est graduel,
tandis qu’à l’est, face à la côte de la Crimée, le ta lus est beaucoup plus brusque. Cette situation est
maintenant présentée à l’écran; le croquis figure aussi dans vos dossiers sous l’ongletIII-5. La
ligne qui marque le début du talus continentalest clairement visible; jusqu’à cette ligne il y a le
plateau continental géologique unique, qui est, à la fois, le prolongement naturel du territoire
roumain et celui du territoire continental ukrainien . Par conséquent, les facteurs géologiques ne
104
Voir, par exemple, MR, chap. 10, CMU, chap. 3, sect. 2 A ii), chap. 7, sect. 3, chap. 9, sect. 2 B ; RR, chap. 5 ;
DU, chap. 4, sect. 2 C.
105MR, p. 15, par. 2.6. - 55 -
sont pas pertinents en notre espèce. Les deux Parties s’accordent sur ce point : ni l’une, ni l’autre
n’ont invoqué lesdits facteurs dans leurs plaidoiries.
[Fin de la projection n 6]
La pratique de délimitation en mer Noire
o
[Projection n 7 -- Accords de délimitation existants dans la mer Noire]
19. Les eaux de la mer Noire n’ont pas été complètement délimitées entre les Etats riverains.
Toutefois, une véritable pratique de délimita tion s’est développée et se traduit par des accords
actuellement en vigueur entre la Bulgarie et la Tu rquie, l’Ukraine et la Turquie, la Russie et la
106
Turquie et la Géorgie et la Turquie . Les lignes de délimitation établies pas ces accords
apparaissent maintenant sur la projection qui est à l’écran.
20. On remarque que, dans le ba ssin occidental de la mer Noire, sur lequel porte la présente
affaire, la moitié sud est délimitée, tandis qu’a u nord les espaces maritimes entre la Roumanie et
ses voisins, c’est-à-dire l’Ukraine, la Turquie et la Bulgarie, restent encore à délimiter.
o
[Fin de la projection n 7]
o
[Projection n 8 ⎯ Accords de délimitation existants dans le bassin occidental de la mer Noire]
21. Une présentation des délimitations existantes dans le bassin occidental de la mer Noire
figure maintenant à l’écran et aussi dans vos dossier sous l’onglet I II-6. Il s’agit des délimitations
conclues entre l’Ukraine (l’URSS à l’époque) et la Tu rquie en 1978 d’une part et la Bulgarie et la
Turquie en1997, d’autre part. On peut noter que l’accord conclu en1978 entre l’URSS et la
Turquie couvrait seulement le plateau continenta l, mais suite à la proclamation d’une zone
économique exclusive par la Turquie, les deux pa ys ont convenu que la ligne de délimitation du
plateau continental constitue également la ligne de délimitation entre leurs zones économiques
exclusives.
106 Accord entre la République de Bulgarie et la République turque sur la délimitation des frontières dans le
débouché de la rivière Rezovska/Mutlude re et la délimitation des régions maritimes entre le s deux Etats dans la mer
Noire, 4 décembre 1997, RTNU, vol. 2087, p. 12-15 (I-36204) ; protocole entre le Gouvernement de la République turque
et le Gouvernement de l’URSS relatif à la délimitation de la frontière maritime entre les eaux te rritoriales soviétiques et
les eaux territoriales turques en mer Noire, 17avril1973, RTNU, vol.990, p.208 (I-14475); accord entre le
Gouvernement de la République turque et le Gouvernement de l’URSS concernant la délimitation du plateau continental
en mer Noire, 23juin1978, RTNU, vol.1247, p.144 (I-20344); échange de notes constituant un accord entre le
Gouvernement de la République turque et le Gouvernement de l’URSS concernant la délimitation de la zone économique
exclusive des deux pays dans la mer Noire, 23 décembre 1986 et 6 février 1987, RTNU, vol. 1460, p. 139 (I-24690) ; voir
aussi CMU, vol. 5, annexe 111 (en anglais). - 56 -
22. Dans leurs plaidoiries écrites, les deux Parties ont présenté d’une manière exhaustive les
conséquences de ces accords 10. Les présentations concordent généralement, et je ne les reprendrai
pas ; toutefois, je vais indiquer les nuances entr e les deux thèses qui paraissent les plus pertinentes
pour notre affaire.
23. Les lignes de délimitation des zones écono miques exclusives et du plateau continental
établies par les deux accords se fondent sur l’équidistance simplifiée; quoique la position de
l’Ukraine ne soit pas très claire à cet égard 108, elle ne le conteste pas ouvertement ; du reste, cette
conclusion qui résulte évidemment d’un simple regard sur les cartes est confirmée par des analystes
qualifiés ⎯par exemple, Charney et Alexander dans les rapports qu’ils ont consacrés aux deux
accords en cause 10.
24. Les lignes de délimitation établies par les deux accords s’achèvent par des segments
provisoirement définis, dont le tracé définitif reste subordonné à des pourparlers ultérieurs.
S’agissant de l’accord soviéto-turc, l’article premie r prévoit que la ligne de délimitation du plateau
continental entre les deux pays est fixée jus qu’à un point désigné par la Roumanie comme
«pointK»; l’accord prévoit aussi que, au-delà du pointK, la ligne de délimitation pourra être
prolongée jusqu’à un autre point, que la Roumanie a désigné comme «point L». L’accord prévoit
également que, en ce qui concerne la délimitation dans le secteur entre les deux points mentionnés,
«les Parties décident que ce règlement sera effectué ultérieurement au cours d’entretiens qui se
dérouleront en temps utile» 110.
25. Une disposition similaire peut être trouvée dans l’article4 de l’accord bulgaro-turc, qui
fixe la ligne de délimitation jusqu’à un point nommé pointP10, tout en établissant que, en ce qui
concerne le tracé du segment final de cette ligne (ent re le point P10 et le point précédent P9), «les
Parties sont convenues que ce tracé sera définiti vement mis au point lors de négociations
ultérieures qui seront organisées à une époque opportune» 111.
107
MR, p. 63-67, par. 6.6-6.20 ; CMU, p. 224-228, par. 8.82-8.94.
108
CMU, p. 224, par. 8.82.
109International Maritime Boundaries, vol. II, édité par Jonathan I. Charney et Lewis M. Alexander,
Martinus Nijhoff publishers, 1996, p. 1695 ; ibid., vol. IV, 2002, p. 2874.
110RTNU, vol. 1247, p. 145.
111RTNU, vol. 2087, p. 14. - 57 -
26. Les deux segments provisoires sont clairement visibles à l’écran: le segment K-L de
l’accord soviéto-turc et le segment P9-P10 de l’accord bulgaro-turc.
112
27. Les points 10 et L ont pratiquement la même position ; ils correspondent au point
triple équidistant entre l’Ukraine (l’URSS à l’époqu e), la Turquie et la Roumanie ; un point situé à
111milles de leurs côtes 113. Même si l’Ukraine semble ne pas être d’accord avec cette
114
conclusion , la raison pour laquelle l’Union soviétique et la Turquie ont décidé de donner un
caractère provisoire à un segment qui se termine dans le point situé à des distances égales entre les
deux pays et la Roumanie est évidente: les deux parties ont envisagé que la Roumanie pourrait
avoir des prétentions valides dans la zone en cause et n’ont pas voulu préjudicier ses intérêts.
28. Le cas bulgaro-turc est similaire : le point 9 de l’accord entre les deux pays coïncide avec
le point triple équidistant entre la Bulgarie, la Turquie et la Roumanie —le point est situé à une
distance d’environ 110milles de trois côtes. Il est à noter que le point le pl us proche de la côte
ukrainienne est situé à 125 milles. Donc, il est évident que les deux parties contractantes ont voulu
éviter de porter atteinte aux intérê ts des tiers et que c’est la Roumanie qu’ils avaient à l’esprit;
cette conclusion est, d’ailleurs, appuyée par les analystes : par exemple, Charney et Smith qui, dans
le rapport consacré à l’accord bulgaro-turc, indiquent que «The seaward limit of this maritime
boundary would end at a tripoint between Bulgar ia, Turkey and Romania. Until such time as the
115
three reach agreement on this point, the Bulgaria-Turkey terminal point will remain undefined.»
29. Outre les aspects dont je viens de parler, les deux Parties sont d’accord sur le fait que les
autres accords de délimitation déjà conclus en me r Noire ont une certaine influence sur la présente
affaire. Le principal point d’accord est que, co mme le montrent ces accords eux-mêmes, ainsi que
la pratique constante de la Cour, la délimitation entre la Roumanie et l’Ukraine ne doit pas affecter
les droits des pays tiers.
30. Mais au-delà de ce point, des divergences subsistent encore sur d’autres questions.
[Fin de la projection n o 8]
112
MR, p. 66, par. 6.16.
113International Maritime Boundaries, vol. II, édité par Jonathan I. Charney et Lewis M. Alexander,
Martinus Nijhoff publishers, 1996, p. 1694.
114CMU, p. 226, par. 8.87.
115International Maritime Boundaries, vol. IV, Martinus Nijhoff publishers, 2002, p. 2875. - 58 -
[Reprise de la projection n 7]o
31. Il s’agit premièrement d’une situation factuelle: l’Ukraine n’est pas d’accord avec la
conclusion roumaine selon laquelle, lors de l’établissement des lignes de délimitation sur la base du
principe de l’équidistance, «aucun autre facteur de s côtes pertinentes des parties (telles que leur
configuration géographique ou d’éventuelles dispr oportions entre elles) ne s’est vu accorder une
importance majeure» 116. Son désaccord est déjà annoncé dans le contre-mémoire 117 et exprimé
118
plus «fortement» dans la duplique , où nos contradicteurs qualifient la position roumaine de
119
«dubious» et y voient «une nouvelle tentative faite par la Roumanie pour développer son
argument selon lequel la Cour ne devrait pas tenir compte de la géographie de la zone
120
pertinente» .
32. On a du mal à comprendre cet acharnement ukrainien face à une simple constatation
factuelle : en effet, la côte turque est, par exemple, 3,9 fois plus longue que celle de la Bulgarie, et
même si à l’époque les côtes turque et soviétique étaient comparabl es, à présent la côte turque est
3,3fois et respectivement 3,63fois plus longue que les côtes russe et géorgienne. Il s’agit, donc,
d’une simple réalité géographique.
33. Mais les principaux points de désaccord se réfèrent aux conséquences à tirer de la
situation géographique existante: la nature se mi-fermée et l’étendue assez modeste de la mer
Noire, combinée avec les solutions convenues da ns les accords de délimitation en vigueur,
constituent une circonstance pertinente dont il do it être tenu compte dans le processus de
délimitation des espaces maritimes de la Roumanie et de l’Ukraine 121. Cette circonstance
pertinente résulte d’une double contrainte :
⎯ pour que les solutions de la délimitation ne soie nt pas inéquitables, il est nécessaire qu’il existe
une consistance entre les méthodes de délimitation utilisées — en ce sens que l’utilisation dans
les nouvelles délimitations de méthodes largemen t différentes de celles déjà utilisées a toutes
116
MR, p. 69-70, par. 6.24.
117
CMU, p. 43, par. 4.34.
118
DU, p. 101-102, par. 6.17, 6.18.
119DU, p. 101-102, par. 6.18.
120DU, p. 101, par. 6.17.
121
MR, p. 69-72, par. 6.21-6.34 ; RR, p. 202-205, par. 6.42-6.50. - 59 -
les chances d’aboutir à des résultats inéquitableset incompatibles avec les délimitations
existantes ;
et
⎯ la méthode de délimitation proposée par l’Ukraine remodèle la géographie de la zone à
délimiter d’une telle manière que la ligne de délimitation proposée devient profondément
122
inéquitable pour la Roumanie .
34. L’Ukraine conteste ces conclusions de la Roumanie et nie toute qualité de circonstance
pertinente à la combinaison nature semi-fermée et limitée de la mer Noire/accords de délimitation
en vigueur en mer Noire123. Nous y reviendrons dans les procha ins jours, lorsque nous discuterons
les autres aspects pertinents pour la délimitation.
35. Madame le président et Messieurs les juges, j’arrête ici mon intervention, non sans vous
présenter ma conclusion: sous réserve de la présence de la formation rocheuse nommée «île des
Serpents», la zone géographique à délimiter, comm e toute la mer Noire d’ailleurs, ne pose pas de
problèmes particuliers compliquant votre tâche. Les solutions simples consacrées par les accords
de délimitation déjà conclus — et les solutions simples sont les plus durables — en sont la preuve.
[Fin de la projection n]
36. Je vous remercie pour votre attention, etje vous prie, Madame le président, de bien
vouloir donner la parole à M. James Crawford, qui tra itera des côtes et la zone pertinentes pour la
délimitation.
The PRESIDENT: Thank you, Mr. Dinescu. We now call Professor Crawford.
CMRA. WFORD
T HE R ELEVANT COASTS AND THE R ELEVANT AREA
Introduction
1. Madam President, Members of the Court, when Professor Pellet even says you are going
to be long, then it is certainly true. But today I be relatively short. It is my first task in this
122
MR, p. 69-72., par. 6.21-6.34 ; RR, p. 202-205, par. 6.42-6.50.
12CMU, p. 43-47, par. 4.33-4.50 ; DU, p. 98-107, par. 6.4-6.34. - 60 -
first round to analyse the relevant coasts and the relevant area for this delimitation, responding in
particular to Chapter4 of Ukraine’s Rejoinder. For his assistance with this and subsequent
presentations I should thank Mr. Simon Olleson.
[Slide 1: The existing delimitations in the Black Sea]
2. My colleague, CosminDinescu, has al ready mentioned the existing delimitation
agreements involving third States. You will see that , minor variations aside, they are all mainland
equidistance boundaries. The Romanian-Bulgarian negotiations regarding the delimitation of their
maritime areas in the Black Sea are still in progress, but I am informed that the two Parties have
agreed in principle that the approach to be followed should be equidistance-relevant circumstances,
and have already plotted a provisional equidistance line. A glance at the map, which is tab IV-1 of
your folders, shows that there are no major circumstances requiring a dramatic shift from
equidistance in order to achieve an equitable delimitation between these two States.
[End slide 1]
[Slide 2: The north-western basin of the Black Sea]
3. Thus in general terms the area which is rele vant here is the north-west basin of the Black
Sea as shown on the screen and at tabIV-2, from Cape Sarych westwards. Along this coastline,
travelling west and north, are Cape Khersones, just in front of Sevastopol; then Kalamits’ka Gulf,
across to CapeTarkhankut, the westernmost point of the Crimean Peninsula. The coastline then
turns very sharply north-eastwards into the Kark initsk’a Gulf, a gulf approximately 110km deep.
From the base of the Karkinitsk’a Gulf the coastlin e again turns sharply west, nearly 145 km to the
Yahorlyts’ka Gulf, then north to the Dneiper Firth, then slightly south of west to the city of Odessa.
Some 40 km south-west of Odessa is the Dniester Firth; the coast then proceeds in a broadly
south-westerly direction down to the Danube delta, where, just north of the Sulina mouth, the
boundary between the two States is located. The coastline south of the land border continues more
or less due south to the St. George mouth and the Sacalin Peninsula, when it turns south-west and
then south, past the city of Constanţa to the Bulgarian border to the south of Vama Veche.
4. A final geographical remark about the Black Sea as a semi-enclosed sea. Although at its
widest it is about 640 miles ⎯ when I use the word “miles” I mean nautical miles ⎯ east to west, it
is for the most part much narrower in a north to south direction. From Cape Sarych due south to - 61 -
the Turkish coast is 143 miles, much less than the distance from the end of Romania’s Sulina Canal
to the bottom of the Karkinitsk’a Gulf on the Crimean Peninsula, which is 174miles. In
consequence every part of the Black Sea, without exception, is within 200miles of at least two,
usually three and sometimes four coastal States. For example, Sevastopol, that famous city, is
about 230 miles from each of Romania and Bulgaria and less from Turkey. This means that every
pair of facing coasts occludes each other. What in the context of open coasts and unimpeded high
seas might be seen as the normal entitlement of mar itime zones does not exist in reality for any
Black Sea State.
[End slide 2]
I. Identifying relevant coasts and relevant areas: preliminary remarks
5. Madam President, Members of the Court, I turn then to the task of identifying the relevant
coasts and areas, a legal and not a merely geographical one. Here, let me make four preliminary
remarks.
6. The first remark is that the prevailing method of delimitation is to start with the
equidistance line drawn from eligible points on the Parties’ coasts, and then to consider whether
that equidistance line requires adjustment. Th e importance of this approach was expressly
recognized by the Parties in the Additional Agreement of 1997, paragraph 4 (b) of which refers to:
“[t]he principle of the equidistance line in areas submitted to delimitation where the
coasts are adjacent and the principle of the median line in areas where the coasts are
opposite”
[“le principe de la ligne d’équidistance da ns les zones à délimiter lorsque les côtes
sont adjacentes et le principe de la ligne médiane lorsque les côtes se font face”].
7. It is true that in your most recent decision on delimitation in Nicaragua v. Honduras, you
adopted not a provisional equidistance line but an angle bisector. The use of an angle bisector
instead of a provisional equidistance line was your solution to mainland coast delimitation in the
special circumstances of that case. You expressl y said that you did not intend to change the
standard method of proceeding ( Nicaragua v. Honduras, Judgment of 8 October 2007, para. 281).
Further, as you recalled, neither Party had argued for the construction of a provisional equidistance
line as their main argument (ibid., paras. 275, 281). - 62 -
[Slide 3: The claim lines and the equidistance lines put forward by the Parties]
8. On the screen now, and at tabIV-3, is s hown the general region of the delimitation with
the claim lines of the Parties. I will now add two provisional equidistance lines. The first is
Ukraine’s all-points equidistance/median line. The second is a mainland coast equidistance/median
line, ignoring Serpents’ Island –– although, of course, I have left the exterior margin of the 12-mile
marine boundary zone agreed by the Parties in 1949, a topic to which I will return tomorrow
morning. The mainland coast equidistance line is drawn using base points on the Parties’ adjacent
coasts, until it reaches what we have called point T, which is the tripoint between the base points of
the adjacent coasts of the Parties and the base poi nt on the opposite coast of Ukraine, located on
Cape Tarkhankut. At the tripoint, point T, the e quidistance line based on th e adjacent coasts turns
and becomes a median line based on points on the opposite coasts of Romania and Ukraine, on the
Crimean Peninsula, until it reaches maritime zones appe rtaining to a third Party, that is, Turkey, to
the south. I have made reference to pointT; lest the Court think that we have had a fit of
alphabetical exuberance, I have included in the fo lder, at tabIV-4, a map describing the various
alphabetical points, which we have labelled for the convenience of the Court.
9. Now, in the present case, the use to be made of Serpents’ Island is very much in dispute.
But it is often appropriate to ignore very smal l islands and rocks in drawing the provisional
equidistance or median line. As my colleague Professor Pellet will demonstrate later this week, the
location and character of Serpents’ Island is such that it is appropriate to ignore it in constructing
the provisional equidistance/median line. This is quite apart from the fact that, as I will
demonstrate tomorrow, the effect which is to be accorded to Serpents’ Island is governed by the
1949 procès-verbaux and later agreements, which limit it to a 12-mile maritime zone. Both of
these arguments are entirely independent of the fact that, as will be demonstrated by Dr.Aurescu
and ProfessorLowe, in any case, Serpents’ Isla nd constitutes a rock within the meaning of
Article121(3) of the 1982 Convention and genera tes no continental shelf or EEZ entitlement.
Thus, the provisional equidistance/median line from which you should start–– a mainland-coasts
equidistance/median line –– is now shown on the screen. I will return to justify the base
points for
the construction of this line later this week.
[End slide 3] - 63 -
10. The third preliminary remark is that a lthough the base points from which the provisional
equidistance/median line is drawn will be located on the relevant coasts, they do not determine the
length of the relevant coasts. In some passages of its pleadings Ukraine seems to assume the
contrary, but this is certainly incorrect. [Slide 4: Simplified graphic representing opposite coasts
of the same length.] Depending on the configur ation of the coasts, the base points used in
constructing the line may be very close together or quite separated, yet the relevant coasts do not
change, as can be seen from this simplified gra phic on the screen. Here, I have given opposite
coasts of the same length base points which would be determined by the provisional median line.
The coast of State R has its base points quite close together; in the different coastal configuration of
State U, they are more widely separated. Yet no one would suggest that the relevant coasts are
different in length, or that, in the case of State R, they are limited to the distance between
points R 1 and R 2.
[End slide 4]
11. In fact in drawing its all-points provisional equidistance line in its pleadings, Ukraine
used only a single base point on the opposite Crimean coast, that on Cape Khersones
(Counter-Memorial of Ukraine, paras.7.90-7.91; and see fig. CMU 7-1 and fig. CMU 9-1;
Rejoinder of Ukraine, para. 5.4 and fig. RU 5-1) . Yet it counted the whole of its opposite coast as
relevant and, at least as far as concerns the coast between Cape Sarych a nd Cape Tarkhankut, that
is reasonable enough.
12. The fourth preliminary remark is that determining the relevant coast and relevant area is
a matter of appreciation and judgment. As you said in Nicaragua v. Honduras,
“[i]dentifying the relevant coastal geography calls for the exercise of judgment in
assessing the actual coastal geography” ( Nicaragua v. Honduras, Judgment of
8 October 2007, para. 289 (emphasis added)
[“[l]a détermination de la géographie côtière pertinente nécessite une appréciation
réfléchie de la géographie côtière réelle”.]
This approximation is inevitable; it is also ac ceptable if one takes into account the purposes for
which it is legitimate to use coastal lengths and the purposes for which it is not. On the one hand, a
great disproportion in relevant coastal lengths ma y be part of the case for the adjustment of the
provisional equidistance or median line. On the other hand, the lengths of the relevant coasts are - 64 -
not to be used to provide a formula or ratio for a pportioning the relevant area between the Parties.
As you said in Jan Mayen:
“taking account of the disparity of coastal lengths does not mean a direct and
mathematical application of the relationship between the length of the coastal front of
eastern Greenland and that of Jan Mayen ( Maritime Delimitation in the Area between
Greenland and Jan Mayen (Denmark v. Norway), Judgment, I.C.J. Reports 1993 ,
p. 69, para. 69)
[“la prise en compte de la disparité des longueurs des côtes ne signifie pas une
application directe et mathématique du rapport entre les longueurs des façades côtières
du Groenland oriental et de Jan Mayen”.]
13. Similarly, it is illegitimate to refer to th e relevant area as if it reflected an unapportioned
whole to be shared between the two claimants in accordance with some formula. In fact,
discussion of the relevant area is sometimes dispen sed with by courts and tribunals on the basis
that, the overall situation resulting from the delimitation being equitable, there is nothing more that
they can add.
II. Practice of courts and tribunals
14. Madam President, Members of the Court, I move then to consider the jurisprudence on
this point. In discussing the case law I will focus on your own decisions, which have established
the pattern for the ad hoc tribunals.
[Slide 5: Relevant/irrelevant coasts in the Tunisia/Libya case]
15. In the Tunisia/Libya case, you referred to the need to identify the coasts of neighbouring
States “situated either in an adjacent or opposite position”. You said:
“The only areas which can be relevant fo r the determination of the claims of
Libya and Tunisia to the continental shelf in front of their respective coasts are those
which can be considered as lying either o ff the Tunisian or off the Libyan coast.
These areas form together the area which is relevant to the decision of the dispute.
The area in dispute, where one claim encroaches on the other, is that part of this whole
area which can be considered as lying both o ff the Libyan coast and off the Tunisian
coast.” (Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya), Judgment, I.C.J. Reports
1982, p. 61, para. 74.)
[“Les seules zones qui puissent intervenir dans la décision sur les prétentions de
la Libye et de la Tunisie au plateau con tinental bordant leurs côtes respectives sont
celles qui peuvent être considérées comme étant au large, soit de la côte tunisienne,
soit de la côte libyenne. Prises ensemble elles représentent la région à prendre en
compte pour la décision. La zone litigieuse où les prétentions s’entrecr
oisent est la
partie de cette région globale qui peut être considérée comme étant à la fois au large
de la côte libyenne et au large de la côte tunisienne.”] - 65 -
However, certain coasts, even though they may generate entitlement to submarine areas, will not be
treated as relevant for the purposes of the delimitation, as you went on to explain:
“Nevertheless, for the purpose of shelf delimitation between the Parties, it is not
the whole of the coast of each Party which can be taken into account; the submarine
extension of any part of the coast of one Party which, because of its geographic
situation, cannot overlap with the extension of the coast of the other, is to be excluded
from further consideration by the Court. It is clear from the map that there comes a
point on the coast of each of the two Parties beyond which the coast in question no
longer has a relationship with the coast of the other Party relevant for submarine
delimitation.” (Ibid., pp. 61-62, para. 75.)
[“Néanmoins, pour délimiter le plateau entre les Parties il n’y a pas à tenir
compte de la totalité des côtes de chacune d’elles; tout segment du littoral d’une Partie
dont, en raison de sa situation géographique , le prolongement ne pourrait rencontrer
celui du littoral de l’autre Partie est à écarter de la suite du présent examen. Les cartes
mettent en évidence, sur la côte de chacune des deux Parties, l’existence d’un point
au-delà duquel ladite côte ne peut plus avoir de lien avec les côtes de l’autre Partie aux
fins de la délimitation des f onds marins. Au-delà de ce point, les fonds marins au
large de la côte ne peuvent donc pas constituer une zone de chevauchement des
extensions du territoire des deux Parties et, de ce fait, n’ont aucun rôle à jouer dans la
délimitation.”]
On the facts of this case, Tunisia/Libya, you held that those points were Ras Kaboudia on the
Tunisian coast, and Ras Tajoura on the Libyan coast ( ibid., p. 62, para. 75). As you can see from
tabIV-6, there was no major hiatus in the coast at these points: the choice of Ras Kaboudia and
Ras Tajoura did not impose itself from a geographical point of view. But beyond those points, you
held, the coastline of one Party “no longer has a relationship with the coast of the other Party
relevant for submarine delimitation” [“ne peut plus avoir de lien avec les côtes de l’autre Partie aux
fins de la délimitation des fonds marins”] . This is despite the fact that points beyond those chosen
are well within 200 miles of the terminus of the land boundary on the coast. You can see this on
the graphic where we have drawn 200-mile arcs fr om Misratah and Cape Bon: they overlap, but
those base points and the coasts in front of them were not considered relevant.
16. In fact Tunisia— through Sir Robert Jennings— had pleaded for the entirety of its
124
east-facing coast up to Cape Bon to be taken into account . Nevertheless, despite
Sir Robert Jennings, the Court retained as relevant only the segment of the Tunisian coast south of
12See e.g. Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya) , Memorial of Tunisia, 27 May 1980, para.8.29
(I.C.J. Pleadings, Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya), Vol. I, pp. 182-183) and figs. 9.10, and 9.12 and
9.13 (ibid., pp.194 and 196). See also, th e oral argument on behalf of Tunisia on 16September1981 by
ProfessorJennings, under the subtitle “The Coasts” ( I.C.J. Pleadings , Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab
Jamahiriya), Vol. IV, pp. 411-415. - 66 -
RasKaboudia. Two points can be made here: firs t, although the sector of the coast north of
RasKaboudia which the Court held not to be rele vant faced onto the area to be delimited and its
projection at least in part overlapped with the projection of the relevant Libyan coast, it was remote
from that area. Other portions of the Tunisian coast, which equally projected onto the delimitation
area, were much closer and had greater effect. Second, unlike the east-facing Tunisian coast of the
Gulf of Gabes up to Ras Kaboudia — which was considered to be relevant in spite of the dramatic
change of direction at the bottom of the Gulf — the Ukrainian coast after Odessa, in this case, is far
away from the delimitation area and the equidistance line by no means encroaches on its projection.
In short, it is not a question of suppressing coastline 12, but of determining which coasts and areas
are relevant to the actual delimitation.
17. In its Rejoinder, Ukraine ar gues that the Court “considered the entire Tunisian coast
bordering the Gulf of Gabes as relevant to the de limitation regardless of whether such coast could
126
be classified as being either strictly opposite or adjacent to the coast of Libya” . Now, it is true
that the Court considered that segment of the Tuni sian coast to be relevant. However, the Court
held that the entire coast of the Gulf of Gab es up to Ras Kaboudia maintained its relation of
adjacency with the Libyan coast. You said:
“The change in direction may be sai d to modify the situation of lateral
adjacency of the two States, even though it clearly does not go so far as to place them
in a position of legally opposite States.” (I.C.J. Reports 1982, p. 63, para. 78.)
[“Ce changement de direction peut être considéré comme modifiant la situation
de contiguïté des deux Etats, même s’il ne va pas, de toute évidence, jusqu’à en faire,
en droit, des Etats se faisant face.”]
So the States remained in a position of adjacency throughout. Thus the relevant area for the
delimitation is the area consisting of the overla pping submarine extension or prolongation of the
coasts of each Party— in Tunisia/Libya, the area between Ras Kaboudia and Ras Tajoura. The
127
basis for the Court’s decision was not, as suggested by Ukraine , that the Tunisian coast north of
Ras Kaboudia and the Libyan coast east of Ras Tajoura faced third States, it was rather that beyond
12Cf. RU, paras. 4.8-4.20, and the title of Chap. 4, Sec. 2.A.
126
See RU, para. 4.23.
12RU, para. 4.24. - 67 -
those points the coastline of one Party “no longer ha [d] a relationship with the coast of the other
Party relevant for maritime delimitation” (Tunisia/Libya, pp. 61-62, para. 75).
[End slide 5]
[Slide 6: Relevant/irrelevant coasts in the Libya/Malta case]
18. I pass to the Libya/Malta Continental Shelf case. This concerned opposite coasts but a
similar approach was adopted (I.C.J. Reports 1985, pp. 49-50, para. 67). The Court held that:
“On the Libyan side, Ras Ajdir, the term inus of the frontier with Tunisia, must
clearly be the starting point; the meridian 15°10' E which has been found by the Court
to define the limits of the area in which th e Judgment can operate crosses the coast of
Libya not far from Ras Zarruq . . .” (ibid., p. 50, para. 68).
[“Du côte libyen, Ras Ajdir, point d’aboutissement de la frontière terrestre avec
la Tunisie, doit à l’évidence constituer le poi nt de départ; le méridien 15° 10'E qui,
selon la Cour, définit les limites de la zone dans laquelle l’arrêt peut s’appliquer,
coupe la côte libyenne non loin de Ras Zarrouk…”.]
You thus found that the Libyan relevant coast c onsisted of the segment between Ras Ajdir and Ras
Zarruq, excluding any segment situated to the east of Ras Zarruq (this is tab IV-7 of your folders).
As for Malta, the Court treated as relevant the co ast that you can see on the screen, excluding the
island of Filfla (ibid.). You can see an enlargement of the relevant coasts without the straight line
joining Gozo and Malta. The Court placed pa rticular emphasis on the Mediterranean as a
semi-enclosed sea and the impact of this factor on coastal relationships (ibid., p. 40, para. 47;
p. 42, para. 53).
19. In its Rejoinder, Ukraine di d not revert to our presentation of Libya/Malta or discuss the
points made in our Reply 12.
[End slide 6]
[Slide 7: Relevant/irrelevant coasts in the Gulf of Maine case]
129
20. By contrast, the Gulf of Maine case is much discussed in the written pleadings . The
relevant point in Gulf of Maine is not the distinction put forward by the United States between
“primary” and “secondary” coasts, but the Chamber’s treatment of the Canadian coast bordering
the Bay of Fundy (Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of Maine Area
128
RR, para. 3.60.
12See RR, paras. 3.55-3.58. - 68 -
(Canada/United States), I.C.J. Reports 1984 , pp.335-336, para.221). The points on the coast of
the Bay of Fundy which were considered not to be relevant for the delimitation are illustrated on
the screen, and at tab IV-8 of your folders. It is easy to see that the two portions of the coast of the
Bay of Fundy which were held by the Chamber to be relevant clearly lie in relations of adjacency
and oppositeness, with the United States coast in the vicinity of the land border between Maine and
New Brunswick, which is shown in green on the screen.
21. The geographical situation in the present case is quite different. The two relevant
portions of the Canadian coasts lie not merely in relations of adjacency and oppositeness with the
United States coast but in close proximity to it. Failure to take account of these two segments
130
would have amounted to an impermissible re fashioning of the geography of the area . By
contrast, in the present case, those portions of the Ukrainian coast north of point S and Cape
Tarkhankut are situated much further away from the relevant area. In addition, they do not stand in
any relation whatever, whether of adjacency or oppositeness, to the Ro manian coast. For these
131
reasons, they cannot be considered to form part of the relevant coast for the present delimitation .
132
22. In its Rejoinder , Ukraine repeats its claim that we seek to establish a hierarchy
between coasts. In Gulf of Maine , the United States did attempt to introduce such a hierarchy,
differentiating between coasts according to the extent to which they followed the general direction
of the coast overall (I.C.J. Reports 1984, pp.298 and 318, paras.108 and 170); that attempt was
rightly rejected by the Chamber ( ibid., p.298, para.109). Romania’s position is different: it is
simply that, given the geographical configuration of the area, not all the segments of the Ukrainian
coastline are relevant. This is not because of any ranking of coasts as primary or secondary but
because of the principles taken into account by you in arriving at an equitable delimitation, in
particular the relationship of the coasts of the parties in terms of adjacency or oppositeness 133, and
what I would call the comparative proximity of the coasts in question in relation to the area to be
delimited.
13RR, para. 3.58.
131
RR, para. 3.59.
13See RU, paras. 4.25-4.27.
13See RR, paras. 3.31-3.46. - 69 -
[End slide 7]
Madam President, it is one o’clock. I have got about seven minutes.
The PRESIDENT: Please do continue.
Mr. CRAWFORD: Thank you. That will shorten tomorrow.
[Slide 8: Relevant/irrelevant coasts in the Jan Mayen case]
23. The next case is Jan Mayen: the coastal configuration of which can be seen at tab IV-9.
That was a delimitation between opposite coasts, with a very large difference in coastal length.
You identified as relevant the coasts between points E and F on Jan Mayen, and between points G
and H on Greenland (I.C.J. Reports 1993 , p.68, para.67). At pointsH and G, the coast of
Greenland changes direction, although especially in the case of pointG, not very markedly. The
maritime areas situated to the south and north of these points were not considered as relevant. The
areas off them were not considered as relevant areas.
24. Ukraine submits in its Rejoinder that an application of the Court’s reasoning in
Jan Mayen supports the proposition that the entire south-facing coast of Ukraine is relevant to this
134
case . Quite how it does so, it does not explain: Jan Mayen was a straightforward and obvious
case of opposite coasts, with nothing resembling the complex configuration of Ukrainian coasts to
the north of the area to be delimited.
25. Moreover, using Ukraine’s technique of drawing 200-nautical-mile arcs, the length of
coast immediately south of pointG on Greenland, would project onto at least part of the relevant
area lying between Greenland and Jan Mayen; nevert heless, the Court held that only the coast to
the north of pointG was relevant. Obviously, th e importance of the coasts south of pointG was
eclipsed by the segment of coast to the north, which was much closer to the area to be delimited.
[End slide 8]
[Slide 9: Relevant/irrelevant coasts in the Nicaragua v. Honduras case]
26. Then, there is your most recent delimitation decision in Nicaragua v. Honduras. The
case was dominated by the circumstances which led yo u to choose an angle bisector method. As
you can see on tabIV-10, the land/river boundary ⎯ as you will of course recall ⎯ jutted out in
134
See RU, paras. 4.31-4.32. - 70 -
front of the coast, and the general directions of both coasts declined rather sharply away to the
west. The coastal frontages needed to be sufficien tly long to form a basis for an angle bisector,
without misrepresenting the immediate coastal geog raphy: in your words, it was necessary to
identify “a coastal façade of sufficient length to account properly for the coastal configuration in
the disputed area” ( Nicaragua v. Honduras, Judgment of 8 October 2007, para.298). What is
significant for our case, is that you rejected Nicar agua’s argument that the whole coastline of the
parties should be used. As you said:
“Nicaragua’s primary proposal for the coastal fronts... would cut off a
significant portion of Honduran territory falling north of [the] line and thus would give
significant weight to Honduran territory that is far removed from the area to be
delimited.” (Nicaragua v. Honduras, Judgment of 8 October 2007, para.295;
emphasis added.)
[“La première proposition du Nicaragua, consistant à considérer la façade
côtière... amputerait le Honduras d’une porti on importante de territoire au nord de
cette ligne et accorderait ainsi un poids considérable à une partie du territoire
hondurien très éloignée de la zone à délimiter.”]
To that extent you gave preference to local over regional coastal configuration, and greater weight
to portions of the coast which were closer to th e area to be delimited as compared with those
further away.
[End slide 9]
III. Conclusions from the jurisprudence
27. On this basis I would propose some conclusions on the subject of relevant coasts and
relevant areas. There are five points:
1. First, an issue of delimitation can arise only in the case of coasts which are adjacent or opposite.
This follows from what you said in the Tunisia/Libya case:
“it is not the whole of the coast of each Party which can be taken into account; the
submarine extension of any part of the coast of one Party which, because of its
geographic situation, cannot overlap with the extension of the coast of the other, is to
be excluded from further consideration by the Court” ( I.C.J. Reports 1982 , p.61,
para. 75).
[“il n’y a pas à tenir compte de la totalité des côtes de chacune d’elles; tout segment
du littoral d’une Partie dont, en raison de sa situation géographique, le prolongement
ne pourrait rencontrer celui du littoral de l’autr e Partie est à écarter de la suite du
présent examen”.] - 71 -
2. Second, coastal lengths are not determined in a mechanical way, by considering points which, if
they were the only points in the world, would be capable of generati ng opposing entitlements.
One has to look at the real coastal situation taki ng into account the actual extent of the area to
be delimited. Coastlines that are, in your words, “far removed from the area to be delimited”
(Nicaragua v. Honduras, Judgment of 8 October 2007, para. 295) [“très éloignée de la zone à
délimiter”] cannot be relevant in such a case, and this is especially true in a semi-enclosed sea.
3. Third, then, a coastline is relevant to a delimitation: (a) if it is an opposite or adjacent coast
relative to the competing coast of the other State; and (b) if it is, in the actual circumstances of
the case, capable of generating an entitlement overlapping with that of the other State by
reference to its own coastline. Such coastlines will include the base points which generate the
provisional equidistance line but they are not limited to the coasts intermediate between base
points.
4. Fourth, a coastline, although it might in theory be capable of generating a maritime entitlement
overlapping with that produced by the coast of a nother State, will not be he ld to be relevant if
other portions of undisputedly relevant coast are situated comparatively closer so that they are
the principal generator of entitlement. This is what I have called the principle of proximity.
5. Fifth, areas will be relevant areas if they are c onstitute projections of the relevant coasts, in the
region where the delimitation is to be effected , and taking into account the maritime spaces
within which the delimitation must occur; and th is is true whether or not they fall within the
area of overlapping claims of the parties.
Madam President, with those five principles, that would be a convenient point to break.
With your permission I will return tomorrow morning to apply these conclusions to the coasts and
areas of the western sector of the Black Sea.
Thank you, Madam President, Members of the Court.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Crawford . This brings to a conclusion the first
morning of presentations by Romania and the Court will meet again at 10 a.m. tomorrow.
The Court now rises.
The Court rose at 1.05 p.m. - 72 -
___________
Public sitting held on Tuesday 2 September 2008, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Higgins presiding, in the case concerning Maritime Delimitation in the Black Sea (Romania v. Ukraine)