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Uncorrected Translation
NH
CR 2007/14 (traduction)
CR 2007/14 (translation)
Vendredi 23 mars 2007 à 10 heures
Friday 23 March 2007 at 10 a.m. - 2 -
10 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je devrais peut-être indiquer d’emblée que, au vu
du plan des plaidoiries du Honduras pour ce matin, la Cour a prévu de ne pas marquer la pause
qu’elle a coutume de prendre. Monsieur Colson, vous avez la parole.
M. COLSON : Je vous remercie, Madame le prési dent. Madame le président, Messieurs de
la Cour, avant d’entamer mon exposé, je pourrais peut-être répondre très brièvement à la question
qui a été posée hier à propos de l’image satellite présentée par M.Sands dans le cadre de son
exposé. Il s’agit d’une image Landsat, qui date du 12 janvier 2003. On peut se la procurer auprès
du United States Geological Survey pour un prix m odique, et la Cour trouvera des précisions
d’ordre technique, ainsi que les coordonnées du site, dans un courrier que nous lui adresserons dans
le courant de la semaine prochaine.
2. Je me propose, ce matin, de me pencher sur diverses questions. Je commencerai par
revenir sur les circonstances pertinentes i nvoquées par MB . rown lie dans son exposé
du 6 mars ―son argumentaire figure aux pages42 à 50 du compte rendu d’audience. Si j’y
reviens, c’est parce que M. Brownlie a affirmé cette semaine que le Honduras n’avait répondu à ses
arguments que de manière «décousue» ―c’est le terme qu’il a employé (CR2007/12, p.46). Je
m’emploierai donc à examiner ces arguments un par un. J’é voquerai ensuite les questions
demeurées en suspens en ce qui concerne le poi nt de départ, puis certaines notions géographiques
pertinentes aux fins de la délimitation maritime ; pour finir, je dirai quelques mots de la méthode de
délimitation, et notamment de la solution de l’enclave proposée par le Nicaragua.
Les circonstances pertinentes
3. Je voudrais d’emblée préciser, à propos des circonstances pertinentes, que nous ne
sommes nullement réticents à suivre M.Brownlie su r le terrain de la jurisprudence. Toutefois,
dans la mesure où celle-ci a en réalité écarté bon nombre des mêmes arguments que ceux avancés
par M. Brownlie à ce sujet, il ne nous a pas semblé nécessaire de faire perdre à la Cour un temps
précieux en passant en revue des thèses qui ne f ont que ressusciter d’antiques notions, disparues
pour certaines, remisées pour la plupart ―quand ces thèses ne sont pas, comme c’est le cas de - 3 -
l’une d’elles au moins, tout bonnement inédites. Qui plus est, indépendamment même du sort
réservé aux arguments relatifs aux circonstances pertinentes dans la jurisprudence, le Nicaragua n’a
pas fourni d’éléments de preuve factuels qui viendraient les étayer.
11 4. La première circonstance pertinente invoq uée par M.Brownlie réside selon lui dans
«l’incidence» de la présence de «ressources naturelles dans la zone contestée». A l’appui de cette
thèse, il cite les affaires duPlateau continental de la mer du Nord , l’affaire Tunisie/Libye, puis
saute sans plus de façons à l’affaire Cameroun c. Nigeria et tente d’établir que ce que la Cour a dit
dans cet arrêt ― à savoir, bien sûr, que la pratique pétrolière est pertinente si elle atteste un accord
tacite ―ne s’applique pas au cas d’espèce. Il passe toutefois allègrement sur toutes les autres
affaires, omettant notamment celle du Golfe du Maine , qu’il cite ailleurs abondamment, et dans
laquelle les preuves présentées par les Parties quant à l’incidence de la présence de ressources
naturelles dans la zone contestée étaient légion ; le conseil du Nicaragua ignore ainsi totalement ce
qu’a dit la Chambre de la Cour dans une affaire où elle était appelée à fixer une limite maritime
unique et se trouvait en possession de preuves abondan tes. Eh bien, la Chambre a estimé alors que
l’aspect à prendre en compte pour tracer une limite maritime unique était celui des circonstances
géographiques propres à la zone concernée. Ces considérations sont exposées aux paragraphes 194
et195 de l’arrêt en question. Et c’est ce critère que la Cour a continué à appliquer chaque fois
qu’elle a eu à délimiter une frontière maritime uni que. Du point de vue du droit, M.Brownlie a
donc assurément sollicité à l’excès la jurisprudence ― et l’on est par ailleurs fondé à se demander
quels éléments factuels il peut avancer en ce qui concerne les ressources naturelles qu’il souhaite
voir la Cour prendre en considération.
5. La deuxième circonstance pertinente invoquée par M. Brownlie est le «principe de l’accès
équitable aux ressources naturelles de la zone contestée». Dans l’affaire du Golfe du Maine , la
Chambre a indiqué que ce principe pourrait entrer en jeu si une ligne de délimitation devait avoir
des «répercussions catastrophiques» ⎯des «répercussions catastrophiques», telle est l’expression
qu’a employée la Chambre ⎯, pour l’une ou l’autre des Parties. Et elle n’a pas, dans cette affaire,
conclu que tel serait le cas. Dans l’affaire Jan Mayen, la Cour a, sur le fondement de preuves
abondantes soumises par les Parties et afin de garantir aux deux Etats un accès aux ressources en
capelan, très importantes pour l’un comme pour l’ autre, procédé à un ajustement relativement - 4 -
mineur sur l’un des segments de la ligne qu’ elle se proposait d’adopter. C’est, dans la
jurisprudence, la seule fois où une ligne de déli mitation provisoire a été ajustée dans le souci de
garantir un accès équitable aux ressources. Une fo is de plus, le Nicaragua n’a présenté aucun
élément factuel à propos des répercussions catastrophiques qu’aurait, pour son bien-être
économique, l’adoption de la ligne proposée par le Honduras, pas davantage qu’il n’a présenté
12 d’éléments de preuve témoigna nt d’une utilisation de ressources ⎯une utilisation effective et
actuelle ― qui puisse revêtir une véritable importance et nécessiter d’être prise en considération.
6. M.Brownlie a critiqué la réponse apportée par M.Greenwood sur ce point au motif
qu’elle ne prendrait pas en compte ce qu’il a appelé les «arguments juridiques…[et] la
jurisprudence présentés au nom du Nicaragua» (CR 2007/ 12, p.47). Or, les seules affaires qu’ait
évoquées M. Brownlie à l’appui de cette thèse dans s on premier tour de plaidoiries étaient l’affaire
Jan Mayen et l’affaire Terre-Neuve-et-Labrador/Nouvelle-Ecosse. Je viens de répondre en ce qui
concerne l’affaire Jan Mayen , dans le cadre de laquelle des éléments de preuve convaincants
relatifs à la pêche au capelan avaient amené la Cour à ajuster la ligne de délimitation provisoire.
7. Qu’en est-il de l’arbitrage Terre-Neuve-et-Labrador/Nouvelle-Ecosse ? Les cours et les
tribunaux peuvent fort bien, et c’est souvent le cas, passer en revue les arguments des parties et
noter qu’ils ne peuvent exclure l’applicabilité de l’un des principes avan cés, sans pour autant ⎯ il
n’est pas rare de le constater ⎯ appliquer ou utiliser ce principe lorsqu’ils en viennent à établir la
ligne frontière. Le conseil du Nicaragua a cité un long passage de la sentence rendue dans l’affaire
Terre-Neuve-et-Labrador/Nouvelle-Ecosse qui relève de ce cas de figure. Quelle a, réellement, été
la démarche du tribunal dans ce tte affaire? M.Brownlie a présenté une carte jointe à la
sentence ⎯vous la voyez apparaître à l’écran(DAC2-1 ⎯IB37) ⎯, qui représente les lignes
revendiquées par les parties. Et vous voyez ic i celle revendiquée par la Nouvelle-Ecosse, qui
convoitait à peu près la moitié de la zone dite du sous-bassin laurentien, zone présumée receler des
ressources pétrolières. M.Brownlie, en revanche , ne vous a pas montré la ligne retenue par le
tribunal. La voici. Vous pouvez constater que le tribunal n’a nullement été influencé par ce
paramètre, pas davantage que par la présence du s ous-bassin laurentien, qui aurait pu être, mais - 5 -
n’était pas, une circonstance pertinente. Le tri bunal a retenu une frontière basée exclusivement sur
les circonstances géographiques propres à l’affaire, qui attribuait à Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi
que vous le voyez ici, la quasi-totalité du bassin laurentien.
8. La troisième circonstance pertinente est «le seuil nicaraguayen comme formation
géologique et géomorphologique partagée par le Nicaragua et le Honduras». Le Honduras n’a
guère fait de cas de cet argument, en effet ― et ce, à l’image de la Cour, qui a écarté les arguments
relatifs à la géologie et à la géomorphologie. Les conseils qui ont plaidé dans les affaires qui ont
suivi celles du Plateau continental de la mer du Nord ont cru tenir, avec les structures géologiques
et les caractéristiques géomorphologiques des fonds de l’océan, la clé du succès. Si bien que dans
les affaires Tunisie/Lybie, Golfe du Maine, Lybie/Malte et même Royaume-Uni c.France , leurs
exposés regorgeaient d’informations et d’opi nions d’experts sur ces aspects. Dans Lybie/Malte,
13 voici plus de vingt ans, la Cour y a mis bon ordre, notant que, à tout le moins dans un rayon
de 200 milles des côtes, les droits d’un Etat côtier à une étendue maritime reposaient sur la distance
et n’avaient rien à voir avec la topographie des f onds marins ni avec les structures géologiques.
Depuis lors, et jusqu’à aujourd’hui, la géol ogie et la géomorphologie ont disparu de la
jurisprudence, et ce n’est pas le Honduras qui ira les exhumer.
9. Le Nicaragua prétend toutefois les raviver, sous un jour nouveau. Son argument relatif à
la géologie et la géomorphologie, affirme-t-il, sera it différent: il ne s’ agit pas de démontrer une
solution de continuité des fonds marins mais , au contraire, d’en établir l’«unité et
l’uniformité» ⎯«l’unité et l’uniformité» ⎯ une expression empruntée à l’arbitrage
Canada/France, où ⎯ironie du sort ⎯elle fut employée à propos du plateau continental qui
s’étend de l’Arctique à la Floride, plateau con tinental considéré comme unique et uniforme. Quoi
qu’il en soit, le Nicaragua affi rme que dans pareils cas d’unité et d’uniformité des fonds marins,
ceux-ci doivent être partagés entre les deux Etats. Or, tout d’abord, une délimitation, en droit, ne
consiste pas à démembrer le plateau continental. Ce la étant dit, il va de soi que les délimitations
entraînent une division de l’espace maritime. Reste que la sentence rendue par le Tribunal
d’arbitrage en l’affaire Canada/France n’indique nulle part qu’un pl ateau continental présentant
une unité et une uniformité devrait être réparti entre les deux Etats. Le Nicaragua affirme, à propos
du seuil nicaraguayen, qu’il existe une formati on géomorphologique qui, au vu de son uniformité, - 6 -
doit être partagée. Il s’agit d’une thèse entièrement inédite, qui n’a jamais été avancée devant cette
Cour ou devant un tribunal arbitral dans une affaire de délimitation maritime. C’est une pure
invention. Elle est sans précédent, et n’est d’au cune utilité. Si la source censée l’étayer est la
sentence rendue en l’affaire Canada/France, elle l’étaye fort mal, car la plupart des observateurs
s’accorderont à dire que, dans cette affaire, le princi pe allégué par M. Brownlie n’a en tout état de
cause pas été appliqué. Ce troisième argument relatif aux circonstances pertinentes est une pure
vue de l’esprit ; il n’a de fondement ni dans les faits, ni dans la pratique des Etats, ni dans le droit.
10. La quatrième circonstance pertinente a trait à des «considérations de sécurité».
Permettez-moi de traiter ce point en demandant: quelles «considérations de sécurité»?
M. Greenwood a posé la même question. M. Brow nlie a rétorqué que M. Greenwood adoptait une
vue trop étroite. Je ne sais pas ce qu’il entend pa r là. Toujours est-il que, là encore, M. Brownlie
ne nous a pas précisé quelles étaient ces considéra tions de sécurité. Ainsi, le Nicaragua n’a
nullement démontré que la ligne hondurienne poserait le moindre problème pour sa sécurité. Alors
qu’il s’agit là de l’un des facteurs que la Cour et les tribunaux ont toujours affirmé ne pas exclure,
14 même en l’affaire Royaume-Uni c. France, dans laquelle avaient été avancés de solides arguments
concrets invoquant la sécurité, ce facteur ne fut pas re tenu par le tribunal arbitral, et la Cour ne l’a
jamais pris en considération.
11. La cinquième circonstance pertinente propo sée par M. Brownlie est «[l’]accès au chenal
navigable principal dans les zones côtières adjacentes».
12. En réponse, je rappellerai tout d’abord que la liberté de navigation au-delà de la mer
territoriale et le droit de passage inoffensif dans la mer territoriale sont garantis aux Parties de par
leur adhésion à la convention de 1982 sur le dro it de la mer. Donc, pour commencer, le problème
ne se pose tout simplement pas. Le fait qu’il se soit posé dans l’affaire du Canal de Beagle révèle
seulement que les circonstances dans lesquelles il avait été tenu compte d’une telle considération
étaient fort différentes de celles qui nous intéressent ici. En l’espèce, le droit de la mer s’applique à
la mer territoriale et aux zones économiques exclusives des Parties.
13. Cette réponse sur le droit applicable devr ait définitivement clore ce chapitre, mais nous
tenons à relever deux autres faits, qui n’en sont pas en vérité. M. Brownlie rattache cet argument - 7 -
au port supposé exister dans la localité de Cabo Gracias a Dios, elle-même présentée comme se
trouvant à l’embouchure du fleuve, comme pour pe rmettre aux navires se rendant à ce port de
voguer le long de la ligne bissectrice.
14. Lundi, l’agent du Nicaragua est revenu su r la question de la localité de Cabo Gracias a
Dios, qui serait pour le Nicaragua un port d’impor tance situé à l’embouchure du Rio Coco. Entre
autres éléments de preuve, il a tout d’abord produit un agrandissement d’une partie de la carte 2425
de l’Amirauté britannique qui se trouve sur la figure CAG2-5 du Nicaragua ⎯et que voici
maintenant à l’écran (DAC2-2). Vous pouvez voir une zone ombrée qui suggère probablement
l’emplacement d’une petite localité, et la présen ce d’un hôtel est indiquée. L’agent a ensuite
signalé, sur son document suivant (que nous ne montrerons pas ⎯ il portait la cote CAG2-6), que
e
les informations représentées sur la carte de l’Amirauté remontaient peut-être au XIX siècle, puis,
à l’aide de deux autres figures ⎯ les figures CAG2-7 et CAG2-8 ⎯, il nous a livré des statistiques
datant des annéesvingt et concernant l’activité économique. Avant de poursuivre et d’examiner
cet argument au fond, je relèverai simplement que, si les indications figurant sur cette carte
représentent une communauté nicaraguayenne, il s’agit là d’une preuve supplémentaire de
l’occupation illicite, par le Nicaragua, de la rive septentrionale du Rio Coco.
15. Quoi qu’il en soit, si vous examinez a ttentivement la carte de la commission mixte
de 1962 actuellement projetée à l’écran (DAC2-3), vous y lirez que toute localité ayant pu exister à
15 cet endroit fut détruite en 1941. Les cartes marines des Etats-Unis que voici (DAC2-4) indiquent la
présence de ruines à cet emplacement. Certes, l’agent du Nicaragua s’est référé à un site Internet
qui inclut toujours ce port dans une liste des ports du monde. Il n’en reste pas moins que le
Nicaragua n’a fourni aucune information act uelle ni même récente au sujet de ce port ⎯ nous
n’avons aucune photographie de celui-ci, aucune st atistique concernant son importance et, si l’on
examine la grande carte moderne dépliante du Nicar agua jointe au volume III du mémoire en tant
que carte B (DAC2-5), on n’y trouve pas la moindre localité nicaraguayenne à proximité de
l’embouchure du fleuve. Y sont en revanche figur és le long de la côte plusieurs autres ports,
symbolisés par une ancre sur cette carte du Nicaragua qui a été soumise en tant qu’élément de
preuve. Aucune ancre, aucun nom de localité n’apparaît près de l’embouchure du fleuve sur la
carte du Nicaragua. - 8 -
16. En ce qui concerne le Main Cape Channel, si M. Brownlie veut en faire une circonstance
pertinente dans le cadre de la délimitation qui nous occupe ici, c’est pour permettre au Nicaragua
de soutenir que les îles situées au sud de ce passage relèvent de sa souveraineté, et que ce chenal
marque l’emplacement de ce qui, d’après le Nicaragua, constituerait une solution équitable. Il va
de soi que les navigateurs préfèrent diriger leur na vire entre des îles plutôt que de couper au beau
milieu de chapelets d’îles. Et qu’un nom soit donné à de tels passages n’a rien de remarquable.
17. Sur la carte n° 2425 de l’Amirauté britannique ⎯ que nous projetons maintenant dans sa
totalité (DAC2-6) ⎯ apparaissent, outre le Main Cape Ch annel que nous avons déjà eu l’occasion
d’évoquer, quatre autres passages, ou chenaux, qui figurent uniquement sur cette carte. Il s’agit du
Mosquito Channel, de l’Edinburgh Channel, du Porgee Channel et du Tinkham Channel.
18. Ces passages n’ont rien à voir avec la souvera ineté territoriale. Ils ne commandent ni ne
répartissent aucune souveraineté. Ils ne c onstituent pas non plus des frontières maritimes
internationales. N’oublions p as que, toujours dans l’affaire du Golfe du Maine , les Etats-Unis
avaient déployé des efforts considérab les afin de faire passer un chenal ⎯dénommé le Northeast
Channel ⎯ pour une circonstance pertinente, et que le Canada avait fait de même avec le
Great South Channel ⎯ ces deux chenaux constituant des voies de passage indiquées sur les cartes
marines. Qu’il suffise de rappeler que ni les Etats-Unis, ni le Canada n’y étaient parvenus.
19. Aucune des circonstances pertinentes qui ont été avancées par le conseil du Nicaragua
n’est pertinente ici.
Questions relatives au point de départ
16
20. Si vous le voulez bien, j’en viendrai main tenant à la question du poi nt de départ de la
délimitation maritime.
21. Les Parties semblent maintenant s’accord er sur le fait que des îles se forment dans
l’embouchure du Rio Coco et que, au fil du temps, ces îles finissent par s’intégrer à la terre ferme
d’un côté ou de l’autre du fleuve. La forme conique de la péninsule engendrée par le fleuve
démontre que les deux rives de celui-ci se sont étoffées de manière symétrique avec le temps. - 9 -
22. Les Parties semblent toutefois divisées au sujet de la souveraineté sur les îles situées dans
l’embouchure du fleuve avant leur rattachement au c ontinent. Si M. Pellet a certes reconnu que la
sentence du roi d’Espagne attribuait au Honduras les îles situées dans le fleuve il n’en a pas moins
soutenu que l’île actuellement présente dans l’embouc hure du fleuve faisait en réalité partie de la
rive droite et appartenait donc au Nicaragua.
23. Le Honduras conteste vivement l’interp rétation nicaraguayenne de la sentence rendue
en 1906 par le roi d’Espagne, qui, d’après lui, indique clairement à ce sujet que les îles situées dans
le fleuve appartiennent au Honduras.
24. Il s’agit là d’un point de désaccord fondame ntal entre les Parties quant à l’interprétation
de la sentence de 1906.
25. A cet égard, je signalerai que le Hondur as s’est servi de ces îles qui, comme nous le
savons, vont et viennent mais peuvent subsister pendant quelques années. Par exemple, M. Sands a
évoqué les repères mis en place en 1975 sur certaines des îles, dont Bobel Cay, dans le cadre d’une
étude Geofix réalisée pour l’Union Oil Company. Dans le cadre du même projet, en1972, un
repère avait été posé sur l’île qui se trouvait alors dans l’embouchure du fleuve.
26. Une page extraite de nos annexes (DAC 2-7) est en ce moment projetée à l’écran ⎯ il
s’agit de la page151 du rapport de l’étude Geof ix réalisée pour le compte d’UnionOil.
L’intégralité de ce rapport figure dans le volumeII de la duplique en annexe 264. La page en
question est une description du repère qui a été placé sur l’île située à l’embouchure du fleuve, là
où elle se trouvait à l’époque. Je me contenterai de relever deux choses. Premièrement, l’auteur de
ce rapport attribue l’île au Honduras. Deuxièmement, l’auteur du rapport ⎯sachant que celui-ci
est daté d’avril-mai1975 ⎯indique que le repère qui a été placé sur l’île en1972 risque de
disparaître en raison de l’érosion. D’autres in formations sur ce point figurent à la page152 du
volumeII de la duplique, et des photographies de la station sont reproduites à la pagesuivante.
17 Tout cela pour dire que le Honduras considère l es îles situées à l’embouchure du fleuve comme lui
appartenant aux termes de la sentence rendue en 1906 par le roi d’Espagne, et qu’il a agi en
conséquence. - 10 -
27. L’emplacement du thalweg à l’embouchure du fleuve est une tout autre question. Le
Honduras accepte sans réserve les conclusions formulées par le roi d’Espagne dans sa sentence. En
revanche, aucun élément de pre uve indiquant l’endroit où se situe ce thalweg aujourd’hui n’a été
présenté à la Cour. Il s’agit là d’une question co mplexe, particulièrement lorsque des îles et des
bancs instables se forment à l’embouchure des fleuves.
28. A la page159, dernière phrase (DAC2-8), de la sixième édition de son ouvrage intitulé
«Principles of Public International Law», M. Brownlie, après avoir examiné certains aspects
complexes de la question, indique, sous le titre «Frontières dans les cours d’eau» ⎯ je ne lirai pas
ce développement: «L’expertise judiciaire s’ impose, notamment pour ce qui concerne la
détermination du chenal principa l parmi différents bras d’un fleuve.» Nous pouvons donc dire à
tout le moins que cet éminent auteur considère la détermination du chenal principal parmi plusieurs
bras d’un fleuve comme potentiellement complexe.
29. En l’affaire Botswana/Namibie, la Cour était appelée à déterminer l’emplacement du
«chenal principal» autour de l’île de Kasikili/Sedud u au sens d’un traité de1890. Je ne prétends
pas que la situation soit en la présente espèce exactement la même, mais le fait que la Cour ait
relevé que de telles déte rminations posaient des problèmes complexes n’est pas sans intérêt. Au
paragraphe 30 de son arrêt, elle a ainsi déclaré : «La Cour est d’avis que, pour identifier le chenal
principal du Chobe autour de l’île de Kasikili/S edudu, elle ne peut pas se fonder sur un seul et
unique critère, car les caractéristiques naturelles d’un fleuve peuvent différer fortement le long de
son cours et d’un cas à l’autre.» ( Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1064, par. 30.)
30. Le fait est que les problèmes juridiques et factuels que pose l’embouchure du Rio Coco
sont complexes, et qu’ils n’ont pas été examinés au cours des présentes audiences. Telle était
d’ailleurs la position du Nicaragua dans ses écritures, et le Honduras lui a emboîté le pas. Pour
cette raison, ce dernier estime qu’il n’y a pas lieu que la Cour s’attache à examiner l’une
quelconque de ces questions, et qu’elle devrait laisser aux Parties le soin de résoudre ces problèmes
complexes qui se posent dans la zone située entr e le point établi en 1962 par la commission mixte
et le point fixe situé en mer, dont les deux Parties conviennent qu’il devrait être établi par la Cour. - 11 -
31. Bien entendu, le désaccord entre les Partie s concernant l’emplacement de ce point fixe
situé en mer subsiste. Nous projetons de nouveau à l’écran la série de photos satellite prises
18 entre1979 et 2006 (DAC2-9). Nous ne les examin erons pas en détail mais, si l’on regarde ces
photos, on se rend compte que le fleuve suit une di rection est, et ce, comme vous pouvez le voir, le
e
long du 15 parallèle de latitude nord. Il est également difficile de ne pas se rendre compte que, si
l’on fait abstraction des îles qui se sont form ées à l’embouchure du fleuve , celle-ci, telle que
délimitée par les pointes de terre qui s’avancent dans la mer, est orientée vers l’est sur chacune de
ces photos.
32. C’est la raison pour laquelle le Honduras est ime que le point fixe qu’il propose en mer, à
l’est de l’embouchure du fleuve telle que formée par ces pointes de terre qui s’avancent dans la
mer, constitue le point de départ approprié. A présent, voici à l’écran (DAC2-10) ce qui se
produirait si la Cour appliquait la méthode de l’équi distance, ainsi que le suggère le Nicaragua. Le
point fixe situé en mer se trouverait alors soit au nord-est de l’embouchure du fleuve, si l’on
considère que l’île appartient au Nicaragua, soit au sud-est, si cette île appartient au Honduras. Le
point fixe situé en mer proposé par le Honduras est, qua nt à lui, situé dans le prolongement direct
de l’embouchure du fleuve. Selon le Honduras, c’est aux Parties qu’il incombe de décider de la
manière dont la frontière doit suivre le thalweg à partir du point fixé en1962 par la commission
mixte, d’examiner la question des îles instabl es situées à l’embouchure du fleuve, et de prolonger
ensuite la frontière jusqu’au point fixe situé en me r qui doit être déterminé par la Cour. Telle était
la demande formulée par les deux Parties jusqu’à le ur arrivée à La Haye, et le Honduras persiste à
penser que c’est ainsi qu’il convient de procéder.
Les concepts géographiques en matière de délimitation maritime
33. J’aborderai maintenant la question des concepts géographiques en matière de
délimitation maritime.
34. Dans les affaires de déli mitation maritime, la zone pertin ente est celle dans laquelle la
délimitation a lieu. La présente délimitation doit s’ effectuer dans la zone située au large de Cabo
Gracias a Dios. La zone pertinente ne comprend pas l’ensemble des espaces maritimes situés
jusqu’à 200 milles marins des côtes des deux pays. Vous voyez maintenant à l’écran la zone jugée - 12 -
pertinente par le Nicaragua (DAC2-11 ⎯ IB33/JPQ4). Il s’agit là d’une conception extrêmement
large, et l’on peut se demander pourquoi M. Brownlie s’arrête là. Pourquoi ne pas inclure les côtes
des deux pays dans l’océan Pacifique? Cette thèse du Nicaragua selon laquelle la Cour devrait
examiner un problème de délimitation en tenant compte de l’ensemble des espaces maritimes que
les deux pays sont susceptibles de revendiquer est dépourvue de tout fondement dans la
jurisprudence.
19 35. L’on me rappelle que, lors de son pr emier exposé du 5mars, l’agent du Nicaragua a
évoqué le port hondurien de Lempira, affirmant que celui-ci se trouvait «à près de 100 kilomètres
de la zone pertinente». Voici la carte qu’il a montrée(CAG-15), sur laquelle ce port est signalé
à100kilomètres de la zone pertinente donc, selon l’agent du Nicaragua. Ayant déjà abordé la
question de l’inscription correspondant au port de Gr acias aDios sur cette carte, je n’y reviendrai
pas. L’agent a de nouveau évoqué la question lo rs de son intervention du 19mars (CR2007/11,
p.25, par.57) et a, une fois encore, indiqué que le port de Lempira se trouvait «à bien plus
de100kilomètres de la zone en litige». Il a donc situé la zone pertinente, ou zone en litige, à
quelque 100 kilomètres du port de Lempira, ce qui re vient à dire que, pour lui, la zone pertinente,
ou zone en litige, est située au large de l’embouchure du Rio Coco. Il s’agit là d’une conception de
ladite zone fort éloignée de celle proposée par M. Brownlie sur sa carte, et je vous renvoie à la
figure CAG2-11.
36. Il y a deux raisons à cette conception ex trêmement large de la zone pertinente.
Premièrement, afin de construire la bissectri ce qui attribue au Nicaragua les îles honduriennes
e
situées au nord du15 parallèle, le Nicaragua doit tracer une ligne extrêmement longue reliant le
point terminal de la frontière terrestre entre le Honduras et le Nicaragua au point terminal de la
frontière terrestre entre le Honduras et le Guatem ala, laquelle, comme par hasard, permet alors de
construire la bissectrice proposée.
37. Ce que M. Brownlie a déclaré mardi à ce su jet (CR 2007/12, p. 42, par. 18) est tout à fait
extravagant. Il a dit : «[l]e fait d’utiliser une dir ection côtière basée sur toute la longueur de la côte
permet de faire en sorte que chaque point du littoral … contribue à part égale à la délimitation». Je
serais tenté de dire que cela est absurde, mais peut-être devrais-je être plus mesuré et dire que c’est
absurde aux fins d’une délimitation maritime. La côte de la Floride aurait-elle dû être prise en - 13 -
compte dans les mêmes proportions que les côtes du Maine et de la Nouvelle Ecosse aux fins de la
délimitation en l’affaire du Golfe du Maine ? Certes, le Canada et les Etats-Unis d’Amérique ont
tenté de démontrer que certaines portions de leur s littoraux qui ne faisaient pas face au golfe du
Maine étaient néanmoins pertinentes aux fins de la délimitation, sans nullement convaincre la
Chambre. La zone et les côtes nicaraguayennes pe rtinentes ont été pour ainsi dire conçues de telle
sorte que la bissectrice puisse être tracée en attribuant les îles en litige au Nicaragua. Il n’y a à cela
aucun fondement juridique, aucun précédent, que ce soit en droit ou dans la pratique en matière de
délimitation maritime.
38. La deuxième raison sous -tendant cette conception extrêmement large de la zone
pertinente vise à rendre opérante la thèse de la proportionnalité présentée mardi (IB3-27).
20 39. En tant que critère d’équité, la proportionna lité ne consiste pas à créer des zones de toute
pièce pour ensuite calculer des ratios fondés sur la l ongueur des côtes. Certes, dans des affaires
antérieures, la Partie adverse a toujours donné l’ impression d’y parvenir mais il y a un trop grand
nombre de variables, de décisions subjectives à pr endre pour que cette méthode réussisse. Cela a
conduit la Cour à rejeter ce genre d’arguments et à examiner de manière plus générale le caractère
équitable au vue de toutes les circonstances de la ligne qu’elle se proposait de tracer.
40. Le fait que, dans la mer des Caraïbes, le Honduras dispose d’espaces maritimes plus
étendus que le Nicaragua est le si mple résultat de la géographie politique de la région ; à l’inverse,
dans l’océan Pacifique, les espaces maritimes du Nicaragua sont plus importants que ceux du
Honduras. Le droit de la délimitation maritime n’ a pas pour objet d’attribuer à tous les Etats des
zones égales, ou plus ou moins égales. Et pourtant , telle est l’idée maîtresse du Nicaragua et c’est
ce qui a motivé sa conception extrêmement large de la zone pertinente que nous venons de voir à
l’écran.
41. Toutefois, si l’on s’intéresse aux côtes qui font face à la zone à délimiter ainsi qu’à la
zone située au large de ces côtes, l’on aboutit à une conception différente de la proportionnalité,
bien plus éclairante. Apparaît à l’écran(DC2-13) la portion nord de la carte2425 de l’Amirauté
britannique. Elle représente les côtes des deux pays dans les environs du point terminal de la
frontière terrestre. La frontière terrestre atteint la mer au milieu de la côte reproduite sur cette
carte. Il s’agit de la zone maritime représentée su r cette carte, située au large des côtes pertinentes - 14 -
e
des Parties. On peut voir que le15 parallèle de latitude nord divise en parts à peu près égales la
zone maritime représentée; de la même manière, les côtes reproduites sur cette carte sont de
longueur à peu près égale. De plus, ce parallèle sépare les îles appartenant au Honduras de celles
appartenant au Nicaragua.
Méthode de délimitation
42. Je ferai à présent quelques observations relatives à la méthode de délimitation.
43. La délimitation à laquelle nous avons affaire ici prend pour point de départ la pointe d’un
cap, ou d’une péninsule. Ce n’est certes pas une situation géographique courante, et c’est ce qui a
amené le Nicaragua à affirmer dans une grande partie de ses écritures que la méthode de
l’équidistance était inapplicable. Pourtant, il a fini par admettre qu’il n’était pas impossible
d’appliquer la méthode précitée dans ces circonstances.
21 44. Ce changement d’attitude est révélateur. En outre ⎯si l’on se reporte à nouveau à la
carte2425 de l’Amirauté britannique, et aux lignes que nous avons insérées sur cette figure
(DAC2-14) ⎯, comme l’a dit le Honduras, puisque la côte s’étendant de LagunaWano au
Nicaragua jusqu’au cap Falso au Honduras se situe sur la même longitude, la façade côtière des
deux pays peut être considérée comme suivant une ligne droite de direction sud-nord, avec pour
conséquence que la façade côtière commune est orientée vers l’est. Comme nous l’avons affirmé,
et comme le Nicaragua lui-même l’a reconnu, il est très probable que le résultat d’une approche
géométrique de la délimitation, dans le cas d’une côte rectiligne partagée par deux Etats, soit une
perpendiculaire à cette façade côtière comm une, perpendiculaire qui correspondra à une
délimitation équitable. Bien entendu, le Nicar agua ne reconnaît pas l’existence d’une façade
côtière commune, rectiligne; il estime en effet que la présence de ce cap entraîne un brusque
infléchissement vers la gauche de toute la côte d’Amérique centrale.
45. Toutefois, comme nous l’avons vu, le cap, dont la formation par accrétion sédimentaire
du fleuve Coco s’est probablement étendue sur pl usieurs siècles, est de forme très symétrique, se
situant au milieu de la façade côtière commune orie ntée vers l’est. On dit souvent que les caps et
péninsules résultent de circonstances particulières mais, pour l’affirmer, encore faut-il examiner
l’emplacement de la frontière terrestre par rapport au cap. En l’espèce, la frontière terrestre ne se - 15 -
trouve pas au nord du cap, ni au sud du cap, mais au milieu du cap, se prolongeant jusqu’à la pointe
orientale de ce dernier. C’est une situation peu courante, qui n’est pourtant pas impossible à
analyser.
46. Quelques schémas seront peut-être utiles à ce stade. Vous pouvez voir ici(DAC2-15)
une côte rectiligne ainsi qu’une ligne incurvée représentant la frontière terrestre; puis une
perpendiculaire partant de la côte comme déli mitation équitable. Plaçons ensuite sur le
diagramme (DAC2-16) un cap, et nous obtenons la fr ontière terrestre qui rencontre la mer au nord
de ce cap. Comme le montre cette figure, l’Etat A prétendra que le cap constitue une circonstance
à ignorer afin d’obtenir une délimitation équitable. Que se passe-t-il si la frontière terrestre
rencontre la mer au sud du cap ? (DAC2-17) Dans ce cas-là, l’Etat B soutiendra que le cap est une
circonstance à ignorer afin d’obtenir une délimitati on équitable. Mais si la frontière terrestre
rejoint la côte à la pointe du cap ? (DAC2-18) C’est ce qui est montré ici. Y a-t-il une raison de
dire que cette solution ne serait pas équitable ?
22 47. C’est une démonstration simplifiée, qui montre cependant que l’examen des
circonstances géographiques pertinentes doit inclur e l’emplacement de la frontière terrestre au
même titre que les caractéristiques géographiques considérées.
48. Je terminerai en disant quelques mots de la solution de l’enclave suggérée par le
Nicaragua en réponse à la question du juge Keith. On entend essentiellement par «enclave» le fait
que des îles appartenant à une partie sont situ ées du mauvais côté d’une ligne de délimitation
proposée. Généralement, cette ligne de délimitati on est la ligne médiane ou d’équidistance. Ici,
dans l’exemple du Nicaragua, les îles sont situées du mauvais côté de la ligne de la bissectrice.
49. La pratique des Etats fournit quelques exempl es instructifs, et nous en citerons quatre.
L’un concerne les îles Anglo-Normandes qui se trouve nt entre la France et le Royaume-Uni, et qui
firent l’objet d’une décision rendue par le tribunal arbitral en1977. Le deuxième concerne
certaines îles australiennes en l’affaire de la délimitation entre l’Australie et la
Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui a débouché sur un accord entré en vigueur en1985 et dont une
version intégrale est donnée dans International Maritime Boundaries , volumeII, report5-3. Le
troisième exemple est constitué par le traitement réservé à quatre îles italiennes par l’accord de
frontière Italie-Tunisie, entré en vigueur en1978, rapporté intégralement dans International - 16 -
Maritime Boundaries, volume II, report8-6. Et le quatri ème exemple que nous aborderons traite
de la délimitation entre l’Arabiesaoudite et l’ Iran, décision du 24 octobre 1968, rapportée dans
International Maritime Boundaries, volume II, report 7-7.
50. Vous pouvez à présent voir à l’écran une figure(DAC2-19) illustrant la géographie
relative à l’arbitrage Royaume-Uni/France. Le tribunal arbitral a conclu que les îles
anglo-normandes étaient localisées près de la côte française. De toute évidence, ces îles se
trouvaient du mauvais côté de la line médiane de la Manche qui sépare la France de la côte anglaise
et qui était par ailleurs considérée comme une frontière équitable dans la zone. Le tribunal arbitral
n’était pas appelé à délimiter la frontière entre les îles anglo-normandes et la côte française. Il avait
en revanche compétence pour déterminer si les îles anglo-normandes, du côté faisant face à
l’Angleterre, devaient bénéficier d’une ceinture limitée à 12 milles marins qui, une fois la limite de
la mer territoriale établie, laisserait, dans les faits, les îles anglo-normandes complètement
enclavées dans les eaux françaises. En d’autr es termes, les eaux françaises entoureraient
complètement les eaux attribuables aux îles anglo-normandes.
23 51. Une situation plus complexe est celle de la délimitation entre l’Australie et la
Papouasie-Nouvelle-Guinée; la carte correspondant e apparaît à présent devant vous(DAC2-20).
Dans le détroit de Torres se trouvent plusie urs îles australiennes situées tout contre la
Papouasie-Nouvelle-Guinée. Nous allons mettr e l’accent sur trois de ces îles, et je vais
certainement mal prononcer leurs noms. Il s’agit de Boigu, Duaun et Saibai. Il en existe également
d’autres. L’accord de délimitation était acco mpagné d’une série complexe d’arrangements
concertés relatifs aux fonds marins, aux pêcheries et à l’environnement. Su r cette carte, les lignes
en pointillés représentent les diverses zones concer nées par ces divers arrangements, mais pas les
limites de la mer territoriale de ces îles. Pour ce qui est des îles australiennes situées du «mauvais»
côté du détroit de Torres et à proximité de la cô te de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le traité
prévoit, au paragraphe2 son article3, que la me r territoriale de chacune d’entre elles ne doit pas
s’étendre au-delà de trois milles marins.
52. Venons-en au troisième exemple, celui de l’ar bitrage entre l’Italie et la Tunisie. Nous
avons ici un bon exemple de la technique du semi-enclavement(DAC2-21). D’une manière
générale, les Parties s’accordaient sur le fait que la frontière à tracer dans le chenal entre la Sicile et - 17 -
la Tunisie devait être la ligne médiane. Mais se posait le problème de quatre îles italiennes situées à
peu près au milieu du chenal et du mauvais côté de cette ligne médiane. La solution n’a pas
consisté à enclaver complètement ces îles en les entourant entièrement d’eaux tunisiennes:
Pantelleria, Lampedusa et Linosa se sont vu chacune attribuer une zone de juridiction de 13 milles
marins en forme d’arc ⎯ à savoir, une mer territoriale de 12 milles marins et une zone du plateau
continental en forme d’arc d’un mille marin ⎯, Lampione, en tant qu’elle était inhabitée, recevant
uniquement une zone décrivant un arc de 12mill es marins. Comme vous pouvez le constater, le
résultat est une ligne médiane s’écartant toutefois de son tracé pour rejoindre ces zones de
juridiction, lesquelles constituent des sortes d’excroissances de manière à ce que les eaux
tunisiennes n’entourent pas complètement les eaux italiennes.
53. La délimitation entre l’Arabie saoudite et l’Iran dans le golfe Persique constitue un autre
exemple de cette technique du se mi-enclavement(DAC2-22). Dans cette affaire, la ligne de
délimitation est une ligne médiane, mais alors que celle-ci se dirige du sud au nord, remontant le
milieu du golfe elle rencontre tout d’abord une île saoudienne, Al Arabiyah, puis une île iranienne,
Farsi. Dans cette situation, quand la ligne médiane rencontre ces deux îles dans la zone se trouvant
au milieu du problème de délimitation, la ligne de délimitation, qui va du sud au nord, se dirige
24 d’abord vers l’est pour décrire une zone en ar c de12milles marins autour de l’île saoudienne,
puis ⎯la transition est donnée par un parallèle ⎯ la ligne de délimitation se dirige vers l’ouest,
pour décrire un arc de 12 milles près de l’île iranienne.
54. Quels enseignements tirer de ces situati ons? On pourrait conclure que, lorsque la
technique de l’enclavement total a été appliqu ée, comme ce fut le cas dans les affaires
Royaume-Uni/France ou Australie/Papouasie-Nouvelle-Guinée, les îles concernées étaient situées
près de la côte du pays voisin. Or, les îles hondur iennes ne sont pas situées près de la côte du
Nicaragua. Ainsi, la proposition faite par ce de rnier, en réponse à la question du juge Keith,
d’enclaver totalement ces îles sur une largeur de trois milles marins n’est pas étayée par la pratique
des Etats. Deuxièmement, dans les cas, comme le présent, où ces îles se trouvaient à peu près au
milieu de la zone à délimiter, la solutio n, telle que retenue dans les affaires Tunisie/Italie et Arabie
saoudite/Iran, a été de recourir à la technique du semi-en clavement. Dans ce cas, lorsque la ligne
de délimitation principale touche les îles se trouvant au milieu de la zone à délimiter, elle décrit - 18 -
un arc, créant une semi-enclave qui permet de ne pas séparer ces îles et leurs espaces maritimes du
pays continental. En outre, et cela touche à la question posée par le juge Simma, comme nous
avons pu le voir avec les deux exemples d’un recour s à la technique du semi-enclavement, la
pratique a consisté à faire en sorte que les îles semi-enclavées reçoivent une mer territoriale
complète d’au moins 12 milles marins.
55. Madame le président, ce dernier point conclut ma présentation, et j’espère que mon
exposé aura été utile à la Cour. Je remercie la Cour de son attention et vous prie à présent de bien
vouloir inviter M. Quéneudec à prendre la parole.
LE PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Colson. J’invite à présent M. Quéneudec à la
barre.
QMUr. NEUDEC:
The role of equidistance in the present case
1. Madam President, Members of the Court, I do not know whether I played geography
professor in the first round of oral argument, as has been kindly said. I only know that I
endeavoured in my earlier statement to describ e to the Court, as objectively as possible, the
25 essential geographical givens which frame the pr oblem of maritime delimitation on which the
Court must rule.
2. The facts as then presented have not really been denied by Nicaragua. These geographical
givens must therefore be regarded as established and admitted by both Parties to this case. There is
therefore no point in returning to them in this second round.
3. Relying on the geography of the case as prev iously described, I would like today to share
with the Court several observations on the role which the equidistance method can play here in the
drawing of the delimitation line.
4. These comments would appear necessary in that the law of maritime delimitation now
gives the equidistance method centre stage in the process to be followed, and does so in the context
of the customary “equitable principles and relevant circumstances” rule as well as in the context of
the treaty rule combining “equidistance and special circumstances”. - 19 -
5. These observations are also made necessary by the apparent change in Nicaragua’s
position on this subject.
1 2
6. In its written pleadings , and then in the first round of the oral proceedings , Nicaragua
argued that the equidistance principle did not ap ply in the present case for technical reasons.
However, in its second-round argument, it appeared inclined to admit the possibility, at least
hypothetically, of drawing an equidistance line .
7. Thus, in support of his attempt to rebut Mr.Colson’s presentation at the hearing on
4
16 March , Professor Brownlie at the hearing last Tuesday ventured to display several sketch maps
showing various provisional equidistance lines [figures IB3-9 to IB3-16 in the judges’ folder].
26 8. The other Party did not however draw all the inferences to be expected from these figures,
even though some of them were particularly indica tive. On the contrary, those on the other side of
the aisle continued to advocate the notion that applying the equidistance method would be
impracticable in the present case, all the while drawing provisional equidistance lines, no doubt
without grasping that there might be something self-contradictory in this approach.
9. For example, this notion underlay the position espoused Monday afternoon by
Professor Pellet.
10. Counsel for Nicaragua told us that the delimitation line had to fulfil the requirements
imposed by the relevant provisions of the United Nations Convention on the Law of the Sea, that it
should therefore “in its first portion stay as close as possible to the equidistance line”, but that
account had to be taken of the special circumstances resulting from, inter alia, “the limitation to
5
essentially two of the points which may be used to draw [that] line” .
11. This boils down to saying that the exis tence of only two base points on the mainland
coast of Honduras and Nicaragua was a special circ umstance within the meaning of Article15 of
the 1982Convention and that equidistance could not therefore be used in drawing a delimitation
line.
1MN, Vol. I, p. 158, para. 23, and p. 159, para. 25; RN, Vol. I, p. 10, para. 1.18.
2CR 2007/2, p. 16, para. 33.
3
CR 2007/12, pp. 43-46, paras. 25-32.
4CR 2007/10, pp. 24-31, paras. 123-148.
5CR 2007/11, p. 42, para. 30. - 20 -
12. There is no doubt about it, that is a very peculiar position. Where is it said that a limited
number of base points capable of use as suitable points for drawing an equidistance line, where is it
said that the small number of these points should be regarded as a special ci rcumstance justifying
rejection of equidistance?
13. Let us observe first of all that a coastal configuration in which only two points can be
identified on the coast for use as base points in the construction of a provisional equidistance line
does not prima facie make it technically impossible to draw the line.
27 14. Most importantly, the fact that only tw o base points determine the entire course of a
delimitation line off two adjacent coasts does not per se make for inequity. It is merely the
reflection of the coastal geography. It is in partic ular the expression of the fact that the relevant
coasts for purposes of the delimitation do not extend very far to either side of the land boundary’s
endpoint at the sea.
15. In principle, an equidistance line founded on two base points could be inequitable only if
extending a very great distance off the coasts; that certainly cannot be the case when the area to be
delimited is a small one in a semi-enclosed sea, as is precisely the case here.
16. In the case concerning Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria
(Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea intervening) , only two base points were used by the
Court as “land-based anchorage points to be used in the construction of the equidistance line”, and
those were “the most southerly points on the lo w-water line for Nigeria and Cameroon to either
side of the bay formed by the estuaries of the Akwayafe and Cross Rivers” ( Judgment, I.C.J.
Reports 2002, p. 443, para. 292).
17. Those two points are identified as WestPo int and EastPoint on sketch-map12 in the
Judgment of 10 October 2002 [figure JPQ2-1]. And the Court will surely recall that it made it clear
in its Judgment in that case that: “Given the configuration of the co astlines and the limited area
within which the Court has jurisdiction to effect the delimitation, no other base point was necessary
for the Court in order to undertake this operation.” (Ibid.) - 21 -
18. The same was true in the 1977 arbitration between France and the United Kingdom. In
delimiting the continental shelf in the Atlantic se ctor, the Arbitral Tribunal used only two base
points, one on the English coast and one on th e French, in drawing each of two provisional
equidistance lines [figure JPQ2-2].
19. The first was constructed from a point selected on the island of Ouessant on the French
side and, on the British side, from a point selected on the most westerly of the Scilly Islands. The
second equidistance line was based on the same base point on Ouessant on the French side and, on
the other side, a point situated at the end of the Cornwall peninsula (Land’sEnd). And, as we
28
know, the line adopted by the Tribunal was then drawn midway between these two provisional
equidistance lines.
20. In the present case the configuration of th e coastal stretches of the two States which are
relevant for the delimitation leads to a choice of two base points in close proximity to each other.
These base points are necessarily situated on th e two States’ coastlines in the area of Cape
Gracias a Dios. In other words, this involves sel ecting two points on the coastline to either side of
the mouth of the Rio Coco.
21. Admittedly, a difficulty arises here, but it is not insurmountable. Let us not forget
Seneca’s wise words: “It is not because things are difficult that we do not dare; it is because we do
not dare that they appear difficult.”
22. The difficulty here arises from the fact th at identifying the most easterly points on the
low-water line of Honduras and Nicaragua on either si de of the Rio Coco mouth is complicated by
the mutability of the coastline in this area. This as pect of the situation is not disputed and has been
highlighted repeatedly from both sides of the courtroom.
23. Called upon to decide in 2007, the Court obviously cannot rely on data dating back 20 or
30 years and now out of date. Nor can it attempt to base its decision on the conceivable situation at
the beginning of the next century, getting bogged down in conjecture in the process. It has to rule
in the light of the factual position as it currently exists, which for the Court is “a given . . . a fact on
the basis of which the Court must effect the delimitation” ( Land and Maritime Boundary between
Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea intervening), Judgment, I.C.J.
Reports 2002, pp. 443 and 445, para. 295), to quote the words used in 2002. - 22 -
24. Now, thanks to the satellite photo date d 29 November 2006 presented by Nicaragua, the
Court has very recent information on the shape of the endpoints of the two mainland coastlines on
either side of the river mouth [figure JPQ2-3.1].
25. Working from this photo, our experts have been able to identify a point on the low-water
line at the endpoint of each of these coastlines. These two base points can then serve as the
land-based anchorage for drawing a provisional equidi stance line, that is to say for drawing a line
29 all of the points on which are equidistant from these two base points. The line thus drawn has a
bearing of 78.8°.
26. This line takes no account of islands, whet her those in the mouth of the RioCoco or
those further out at sea [figure JPQ2-3.2]. That is why it runs through the middle of the group of
islands belonging to Honduras and lying in the pa rt of the disputed area to the north of the
15th parallel.
27. But each of the islands in this group, especially Bobel Cay, Port Royal Cay, Savanna Cay
and South Cay (or Cayo Sur), generates a territorial sea 12nautical miles in breadth
[figure JPQ2-3.3].
28. It follows that these islands can have an impact on the course of the provisional
equidistance line drawn from the mainland [figure JPQ2-3.4].
29. To take account of the existence of a belt of territorial waters around these islands, the
equidistance line is then made to bulge southward twice, the result of which is to place the islands
in question in a semi-enclave, in a way reminiscen t of the course of the delimitation line between
Italy and Tunisia which Mr. Colson referred to a short while ago.
30. We must however keep in mind that Ni caragua, for its part, exercises sovereignty over
other island features south of the 15thparallel, notably EdinburghCay and EdinburghReef. On
16 March, during the first round, the Court was s hown sketch-map DAC21, on which a provisional
equidistance line had been drawn from the r espective islands belonging to each Party
[figure JPQ2-3.5]. That equidistance line between the islands has been transposed to the map now
on the screen. - 23 -
31. Three things are shown on this map. First, there is the equidistance line based
on two base points on the low-water line along the mainland coast (“Equidistance:
mainland-to-mainland”). Next, there are two bulges or convexities caused by the 12-mile
semi-enclave around the Honduran islands (“12mile semi-enclave of the Honduran Islands”).
Finally, the equidistance line drawn between the Honduran and Nicaraguan islands has been added
(“Equidistance between the islands”).
32. When these last two pieces of information are viewed in conjunction, it can clearly be
seen that the equidistance line between Honduras’ s islands and Nicaragua’s has the effect of
30 limiting the maritime projection of the former and, by consequence, changing the contour of the
semi-enclave around those islands, as we see on this next graphic [figure JPQ2-3.6].
33. Thus, we end up with a provisional equidi stance line based on the two States’ mainland
coastlines fronting on the area to be delimited and also based on the coastlines of the various
islands in the relevant zone.
34. Madam President, it is obvious that this exercise shows the result we arrive at if we begin
by drawing a provisional equidistance line giving effect to all the relevant coasts, whether mainland
or insular, of the Parties. That is the first stag e prescribed by the straightforward application of the
contemporary rules of the law of the sea on maritime delimitation between States.
35. In the second stage an assessment must still be made as to the degree to which this
provisional result is satisfactory or reasonable, because the fundamental norm applicable to any
maritime delimitation is that it must produce an equitable solution. This assessment requires a
weighing of all the circumstances, whether special or relevant.
36. Determining the weight to be given each circumstance requires as thorough a survey as
possible of the various factors capable of causing the entirety or any part of the provisional
equidistance line to be adjusted, shifted or modified.
37. This is the only way to give these elements the importance they deserve, even if the name
of one of them, “CocoMarina”, brings to mi nd a nightclub dancer not a joint oil prospecting
project.
38. It is obviously the awesome responsibility of the Court to weigh all this. - 24 -
39. So that the Court may receive assistance in this task, it is no doubt neither pointless nor
immaterial to make a careful comparison of the provisional equidistance line we have just
described with the line along the 15thparallel, which in Honduras’s view must be the maritime
boundary with Nicaragua (figure JPQ2-3.7).
31 40. In its Rejoinder Honduras already envisaged the effects of a provisional equidistance line
in order to test whether the traditional line it claims along the 15th parallel was equitable 6.
41. Mr. Colson repeated the experiment at the end of the first round of oral argument, at the
hearing on 16 March, in order to show that the line sought by Honduras amply met the requirement
7
of an equitable result when compared with a provisional equidistance line .
42. We have gone through the exercise again today, including in it a new way to define the
provisional equidistance line, not at all for the pleasure of demonstrating the subjectivity that
invariably affects the drawing of “provisional” lines, but to assist Members of the Court in forming
their own judgment, asking them to pardon us for the presumptuousness of this expression.
43. Indeed, we believe that counsel’s role be fore the Court is not only to set out and defend
the arguments of a State. Their task is also that of officers of the Court who must assist the Court
to the best of their meagre abilities. That in any case has been my goal. I hope to have achieved it.
Madam President, Members of the Court, I thank you for your kind attention.
Madame le président, puisqu’il n’est prévu aucune pause ce matin, je vous prie de bien
vouloir donner à présent la parole à M. Greenwood.
Le PRESIDENT: Je vous remercie Monsieur Quéneudec. Nous appelons à présent à la
barre M. Greenwood.
M. GREENWOOD : Je vous remercie Madame le président, Messieurs de la Cour.
1. Avant que l’éminent agent du Honduras ne présente à la Cour l es conclusions finales
officielles du Honduras, il m’incombe de résumer brièvement ⎯et, compte tenu de l’heure, je
promets d’être très bref, Madame le président ⎯ l’argumentation du Honduras et de montrer ce qui
6
RH, Vol. I, pp. 130-131, paras. 8.16-8.20.
7
CR 2007/10, pp. 24-31, paras. 123-148. - 25 -
est en cause entre les Parties. Même si les deux séries de pièces écrites et les deux tours de
plaidoiries ont porté sur un nombre élevé de sujets, la thèse du Honduras peut se résumer en
dix propositions.
32 2. Premièrement, Madame le président, il est clair que la Cour se trouve à présent devant
deux différends distincts ⎯l’un concerne la souveraineté sur les îles, et l’autre, la délimitation
d’une frontière maritime unique. Le premier de ces deux différends n’avait pas été soumis à la
Cour avant le premier jour des audiences, lorsque le Nicaragua a modifié sa thèse ; il a présenté la
question de la plus étrange des ma nières dans ses conclusions finales ⎯ en priant en effet la Cour
de dire et juger qu’elle a à trancher la question de la souveraineté, au lieu de la prier, comme il est
d’usage, de décider que les îles appartiennent à l’Etat demandeur. Néanmoins, le Honduras
reconnaît que la Cour est indiscutablement saisie de la question de la souveraineté sur les îles et
qu’elle doit trancher l’un et l’autre de ces deux différends.
3. Deuxièmement, outre ces deux différends, le Nicaragua a ensuite modifié de nouveau sa
thèse pour tenter de vous soumettre une troisième question, à savoir celle du cours précis du dernier
tronçon de la frontière terrestre ⎯ ou fluviale ⎯ à l’embouchure du fleuve Coco et de la
souveraineté sur une île située à cette embouchure. Cette question est bien entendu régie par la
sentence arbitrale du roi d’Espagne de décembre 1906. Cette sentence qui a force obligatoire pour
les deuxParties établit que la frontière doit suivre le thalweg du chenal principal du fleuve.
Toutefois, Madame le président, le Nicaragua n’ayant soulevé cette question à aucun moment avant
l’ouverture des audiences, il n’a été soumis à la Cour aucun élément de preuve quant à
l’emplacement du thalweg ou, en fait, quant à celui des chenaux situés près de l’embouchure du
fleuve qui constitue le «chenal principal» tel que défini dans la sentence du roi d’Espagne.
4. Le Honduras soutient donc que, partant, la Cour ne dispose pas des éléments de preuve
nécessaires pour déterminer l’emplacement de cette frontière et que, dès lors, elle ne peut tout
simplement pas trancher cette question. En conséquence, le Honduras maintient la conclusion qu’il
a formulée dans ses pièces de procédure écrite, à savoir que le point de départ de la frontière
maritime doit être un point au large de l’embouchur e du fleuve et qu’il faut enjoindre aux Parties
de s’entendre sur la délimitation de la frontière entre ce point et celui fixé en1962 par la
commission mixte. - 26 -
5. Troisièmement, le différend concernant la souve raineté sur les îles doit être réglé
conformément au droit applicable à un titre sur un territoire terrestre. Ce la n’est en aucun cas
modifié par le fait que le différend en question co existe avec un autre portant sur la frontière
maritime, lequel relève de la c onvention sur le droit de la me r. Cette convention est sans
pertinence pour ce qui est de la question du titre territorial, que le territoire en question soit
continental ou insulaire et quelle que soit la taille celui-ci. En outre, puisque c’est la souveraineté
sur le territoire terrestre qui détermine le cours de la frontière maritime et non l’inverse, il faut tout
33
d’abord régler le différend concernant la souveraineté sur les îles. Nous ne comprenons pas que le
Nicaragua puisse encore sérieusement contester cette proposition, comme M.Brownlie l’a
d’ailleurs reconnu avec franchise mardi dernier.
6. Quatrièmement, Madame le président, les éléments de preuve qui vous ont été soumis
montrent que c’est le Honduras qui a la souveraineté sur les îles principales ⎯ à savoir, Savanna,
South Cay, Port Royal et Bobel, ainsi que sur les autres îles, cayes, rochers, récifs et bancs en litige.
Il s’agit d’un titre initial qui découle de la doctrine de l’ uti possidetis iuris et est confirmé par les
effectivités postcoloniales.
7. Toutefois, si la Cour n’est pas convaincue que le Honduras possède ce titre original,
alors ⎯ et c’est là notre argument subsidiaire ⎯, il convient de trancher la question en examinant
lequel des deux Etats a présenté la revendication la plus convaincante sur la base de l’exercice réel
ou de la manifestation réelle de l’autorité sur le s îles, ajouté à la nécessaire intention d’agir à titre
de souverain. Si cette question se pose, alors la réponse ne fait aucun doute : le Honduras, et seul
le Honduras, a manifesté l’intention d’agir à titre de souverain et a entrepri s d’exercer réellement
une autorité sur les îles. En revanche, le Ni caragua n’a formulé aucune revendication fondée sur
l’uti possidetis autre qu’une remarque incidente faite par l’ un de ses conseils. Il revendique plutôt
un titre original, fondé sur l’adjacence, qui n’a de fondement ni en droit ni en fait. Il n’a non plus
présenté aucune preuve d’effectivités, ni aucune preuve de ce que l’un de ses responsables se soit
même jamais rendu sur les îles en question.
8. Cinquièmement, une fois que la question de la souveraineté sur les îles aura été tranchée, il
reviendra alors à la Cour de délimiter la frontière maritime. Et les Parties conviennent qu’il doit - 27 -
s’agir d’une frontière maritime unique, qui doit êt re établie conformément aux dispositions des
articles 15, 74 et 83 de la convention sur le droit de la mer et aux principes correspondants du droit
international coutumier.
9. Le sixième point , Madame le président, est qu’il n’est pas contesté que Savanna,
SouthCay, Port Royal et Bobel sont des îles au sens du paragraphe1 de l’article121 de la
convention sur le droit de la mer. Ces îles ont, par conséquent, leur propre mer territoriale de la
même manière que tout autre territoire terrestre. Il en va de même pour l’ensemble des autres îles,
cayes, rochers, récifs et bancs de la région qui restent découverts à marée haute, répondant ainsi à la
définition d’une île. Les Parties ont une mer territoriale large de 12milles marins et il n’y a, selon
34 nous, aucune raison d’utiliser une norme différente à l’égard des îles. En outre, les points de base à
partir desquels est mesurée la mer territoriale entourant chaque île sont situés sur la laisse de basse
mer, conformément à l’article5 de la convention. Par ailleurs , puisque quelques unes des îles en
question ont des récifs frangeants ou s’accompagnent de hauts-fo nds découvrants situés à moins
de12milles marins des îles, ce ux-ci doivent être utilisés pour construire les lignes de base
conformément aux dispositions des artc iles 6 et 13 de la convention.
10. Ma septième proposition , Madame le président ⎯et il semblerait que le Nicaragua la
8
conteste à présent malgré ce qu’il a pu dire auparavant ⎯, est que les îles principales ne sont pas,
suivant les termes du paragraphe 3 de l’article 121 de la convention, «[d]es rochers qui ne se prêtent
pas à l'habitation humaine ou à une vie économique propre». La Cour a vu les éléments démontrant
que Savanna et South Cay sont actuellement habitées et que Bobel etport Royal l’ont été depuis peu
de temps. Il ressort manifestement de la lecture des dépositions de témoins que les habitants de ces
îles ne sont pas des ermites des temps modernes qui cherchent délibérément à imposer des privations
à leur corps pour mieux soigner leur âme. Ce sontdes personnes qui travaillent,qui sont parties dans
les îles pour des raisons économiques. Le changementde tactique du Nicaragua, lorsqu’il invoque le
paragraphe 3 de l’article 121, est en nette contradiction avec les faits et montre encore une fois
combien le Nicaragua connaît peu les îles qu’ilrevendique à présent comme étant siennes.
8
Comparer le CR 2007/11, p. 33, par. 12 (Pellet) avec le CR 2007/1, p. 62, par. 45 (Elferink). - 28 -
11. Etant donné que les îles principales n’entren t pas dans les prévisions du paragraphe 3 de
l’article121, elles créent un droit à un plateau c ontinental et à une zone économique exclusive,
ainsi qu’à une mer territoriale. La frontière mar itime doit prendre en compte ces droits, de même
que le droit du Honduras à une mer territoriale autour de l’ensemble des îles, rochers, récifs, cayes
et bancs relevant de sa souveraineté.
12. Madame le président, passons ma intenant à la frontière maritime; ma huitième
proposition concerne le point de départ de cette frontiè re. Pour les raisons que j’ai déjà indiquées
brièvement, ce point de départ ne peut pas être s itué là où se trouve le point fixé par la commission
mixte en 1962 et devra donc être établi au large de l’embouchure du fleuve. L’un et l’autre Etats
ont proposé certains points pouvant servir de point de départ. Celui du Honduras est préférable, car
il est neutre s’agissant du différend relatif à l’emplacement du thalweg; c’est en raison de
l’impossibilité de régler ce différend dans le cadre de la présente affaire qu’il convient d’utiliser
avant tout un point de départ situé au large des côtes. Le point de départ du Honduras, qui apparaît
35 sur la diapositiveCJG3.1 est situé à 14°59,8'de latitude nord, 83°05,8'de longitude ouest, et se
trouve sur la même ligne de latitude que le point fixé par la commission mixte.
13. Neuvièmement, Madame le président, une fois le poin t de départ fixé, il est nécessaire de
déterminer la méthode à appliquer. Le Honduras so utient qu’il n’y a aucune raison de s’écarter de
la pratique presque universellement adoptée par la jurisprudence moderne, tant celle de la Cour que
celle d’autres tribunaux, qui consiste à s’a ppuyer d’abord sur une ligne d’équidistance
provisoire ⎯et nous en voyons une sur la diapositiveCJG3.2 ⎯ ligne qui est, en fait, tirée du
schéma que M. Quéneudec vient de vous montrer. La ligne que vous voyez a déjà été présentée par
le Honduras, mais il est également instructif d’examiner la ligne d’équidistance provisoire proposée
tardivement par le Nicaragua, que vous voyez su r la diapositive suivante (CJG3.3). Nous
pourrions, bien entendu, contester la première section de cette ligne, qui a été construite sur la base
d’hypothèses sans fondement qui ne sont ⎯ et c’est une certitude ⎯ pas étayées par des éléments
de preuve attestant l’emplacement du thalweg et le titre sur une île située à l’embouchure du fleuve
Coco. - 29 -
14. La Cour aura pourtant relevé que la ligne d’équidistance provisoire du Nicaragua
s’appuie sur des points de base situés sur Media Luna et sur Logwood, qui sont signalées comme
étant des îles sur les cartes brita nniques officiellement reconnues pa r le Nicaragua. Ce fait sera,
bien entendu, pris en compte dans notre répon se à la question que nous a posée S.Exc.M.le
juge Gaja plus tôt cette semaine.
15. Bien que le Honduras affirme que le tracé de la frontière maritime diffère de celui de la
ligne d’équidistance provisoire, il reconnaît néan moins l’utilité de la ligne d’équidistance
provisoire en tant que moyen de déterminer le caractère équitable de la frontière maritime
proposée.
16. Enfin, Madame le président, le Honduras affirm e que la frontière maritime doit suivre
e
le 15 parallèle ⎯ ou, plus précisément, la ligne p assant par 14° 59,8' de latitude nord ⎯, du point
de départ en direction de l’est, jusqu’à sa joncti on avec la juridiction d’un Etat tiers. C’est ce
qu’illustre le schéma 4 (CJG3.4) qui est égalem ent l’un de ceux que M. Quéneudec vient de vous
montrer.
17. Le Honduras soutient qu’il y a quatre raisons majeures qui justifient l’adoption de cette
ligne.
18. Premièrement, les éléments de preuve attestent qu ’elle constitue la frontière maritime
traditionnelle entre les espaces maritimes des deux Etats, une frontière fondée sur l’ uti possidetis
juris et sur la pratique suivie par les Parties sur une longue période.
19. Deuxièmement, si cette ligne tient compte des îles re levant de la souveraineté de chaque
Partie, elle ne leur accorde pas la totalité d es espaces maritimes auxquels les Parties pourraient
36 prétendre. A l’inverse, la ligne du Nicaragua fa it complètement abstraction de ces îles. Bien que
M.Brownlie ait nié cela plus tôt dans la semaine, il n’aura pas échappé à l’attention de la Cour
qu’il n’a absolument rien dit de la manière dont sa ligne bissectrice était influencée par les îles, et
pour cause: celles-ci n’avaient manifestement pa s la moindre influence sur elle. En ce qui
concerne la proposition nicaraguayenne de dernière minute visant à créer une enclave de 3 milles,
autour des îles ⎯ en réponse à la question posée par S. Exc. M. le juge Keith ⎯, elle équivaut à un
prétendu appel à la clémence divine lancé in extremis avant de toucher terre, «entre l’étrier et le
sol», par le cavalier désarçonné. E lle est contraire au principe établi, méconnaissant le fait que les - 30 -
deux Etats revendiquent depuis longtemps une mer territoriale de 12 milles ⎯ et non de 3 ⎯, et ne
repose, comme vient de le démontrer M.Cols on, sur aucun précédent dans une configuration
géographique du type que nous voyons ici.
20. Troisièmement, Madame le président, la ligne hond urienne tient compte de toutes les
circonstances pertinentes, notamment des circonstances géographiques des côtes pertinentes de part
et d’autre de la frontière terrestre à l’embouchure du Rio Coco, de la zone qui s’étend au large de
ces côtes, des îles qui appartiennent à chacune des Parties, et du comportement des Parties, qui est
le reflet du consensus dont de nombreuses questions ont pendant longtemps fait l’objet, y compris
la question de l’accès équitable aux ressources naturelles.
21. Enfin, la ligne hondurienne répond à la nécessité ⎯ reconnue par les deux Parties ⎯ de
disposer d’une ligne simple et claire.
22. Madame le président, le Honduras reconnaît que sa ligne doit nécessairement s’écarter de
la ligne d’équidistance provisoire ⎯quoique, convient-il d’ajouter, au bénéfice du Nicaragua et
non du Honduras. En préconisant cette ligne, le Honduras respecte le principe établi et le modus
vivendi suivis par les deux Etats jusqu’en 1979. Il préfère cette solution à la tactique procédurale
très prisée consistant à formuler une prétention maximaliste dans l’espoir que la Cour «fera un
partage» entre les Parties. Cela étant, si la Cour rejette la conclusion du Honduras ⎯ selon laquelle
e
le 15 parallèle constitue la frontière maritime ex istante entre le Honduras et le Nicaragua ⎯, alors
c’est une ligne d’équidistance ajustée qui peut lui être substituée en tant que frontière.
23. Madame le président, je remercie la C our pour son aimable attention et vous invite à
appeler à la barre S. Exc. M. l’ambassadeur Roberto Flores Bermúdez pour clore les plaidoiries du
Honduras.
Le PRESIDENT: Je vous remercie, Mons ieur Greenwood. J’appelle à la barre
S. Exc. M. l’ambassadeur Flores Bermúdez. - 31 -
37 M. FLORES :
Conclusions finales de l’agent du Honduras
1. Madame le président, Messieurs de la C our, c’est pour moi un honneur, en tant qu’agent
du Honduras, de comparaître devant vous pour vous présenter les conclusions finales du Honduras.
2. J’espère que vous me permettrez d’a bord de faire quelques brèves remarques de
conclusion sur trois points fondamentaux qui touchent à des thèmes qui ont été récurrents tout au
long des audiences.
3. Premièrement, je voudrais dire un mot sur les îles dont vous avez tant entendu parler. Le
Honduras a toujours pensé qu’il serait difficile de di ssocier les îles des terr itoires continentaux de
chaque province lors de l’accession à l’indépendance en 1821. C’est pourquoi nous avons toujours
considéré que, de la même manière que le cap GraciasaDios marquait la frontière entre les
territoires continentaux des deux pays ⎯ comme le confirma la sentence arbitrale du roi d’Espagne
il y a juste un peu plus de cent ans ⎯, le 15e parallèle, qui part du cap Gracias a Dios tient lieu de
frontière entre les territoires insulaires des deux Etats.
4. Madame le président, vous avez, ains i que vos collègues, entendu une argumentation
juridique détaillée sur cette question. Permettez- moi simplement d’y ajouter une note personnelle.
J’ai été quelque peu surpris d’entendre les spéculations auxquelles s’est livrée l’équipe
nicaraguayenne au sujet des conditions de vie qui ex isteraient sur ces îles. J’insiste sur le terme
«surpris» car je n’éprouve aucun besoin de me liv rer à des spéculations sur ces îles; en tant que
ministre des affaires étrangères de mon pays, je m’y suis rendu, comme s’y sont rendus de
nombreux conseils honduriens. J’ai visité les îl es. Je me suis entretenu avec les membres des
communautés de pêcheurs qui y vivent. Ils sont peu nombreux mais cela ne doit pas amener à ne
pas leur accorder d’importance, ni à faire peu de cas de leurs préoccupations, leurs moyens de
subsistance et leur mode de vie, dans des plaidoiries juridiques.
5. La vie sur ces îles peut ne pas être facile, mais les pêcheurs y ont créé une communauté
prospère. C’est une communauté qui a reconnu la juridiction du Honduras depuis plusieurs
décennies. C’est le Gouvernement du Honduras ⎯le gouvernement que j’ai l’honneur de - 32 -
représenter et dont je suis un ancien ministre ⎯ qui s’est employé seul à remplir des fonctions
d’administration sur ces îles. Effectivement, c’ est le seul gouvernement dont des représentants y
aient jamais mis les pieds à l’époque moderne.
38 6. Les dépositions de témoins vous donnent un bon aperçu de leur mode de vie, mais c’est en
allant dans les îles et en y rencontrant les ha bitants que vous pouvez véritablement vous faire une
idée qu’aucune déposition de témoin ne pourra exprimer fidèlement.
7. Ma deuxième remarque, Madame le président, concerne la frontière maritime unique. La
requête du Nicaragua cherche à faire établir une nouvelle frontière maritime unique avec le
Honduras dans la mer des Caraïbes. Cette nouvelles frontière maritime unique a été conçue sans
tenir compte de la géographie réelle de la zone et est totalement inadaptée aux faits sur le terrain, à
la pratique suivie par les Parties depuis de nom breuses décennies ou aux circonstances équitables
qui occupent une place si vaste dans le droit de la mer.
8. Nos conseils ont expliqué pourquoi la revendication ambitieuse du Nicaragua est dénuée
de fondement juridique, géographi que ou historique. Nous pensons qu’en bonne justice la Cour
doit confirmer tout d’abord le titre du Honduras sur l es îles. Ce n’est qu’ensuite qu’elle pourra
passer à la question de la délimitation maritime. Elle devrait ce faire sur la base des règles
énoncées dans la convention de 1982. Comme vous avez pu l’entendre ce matin, c’est parfaitement
en accord avec lesdites règles que doit être retenue la frontière maritime traditionnelle longeant
le 15eparallèle, qui est fermement ancrée dans l’histoi re et la pratique des Parties depuis plusieurs
décennies, une pratique qui équivaut à un accord taci te. La ligne traditionnelle permet de parvenir
à une solution équitable. Elle respecte les usages et les titres historiques de l’une et l’autre Parties.
Elle respecte de nombreuses années de pratique en matière d’octroi de concessions pétrolières et de
permis de pêche. Elle répond à la nécessité de la stabilité et du caractère définitif de la frontière
maritime, conformément à la sentence arbitrale de 1906.
9. Enfin, Madame le président, permettez-moi de dire un mot des relations entre le Honduras
et le Nicaragua. Nous sommes conscients du fait que le règlement du présent différend permettra
aux Parties de continuer à entretenir des relati ons étroites et fraternelles. Au cours des sept
dernières années, le Honduras a cherché à participer à cette procédure par respect pour la Cour et
eu égard aux relations étroites et amicales qu’il entretient avec son voisin. Bien que, au cours de - 33 -
cette procédure orale, mes bons amis de l’autre cô té de la barre aient tenté de mettre en doute le
sérieux de nos éléments de preuve, même s’ils ne sont pas allés jusqu’à nous accuser d’avoir
introduit une présence éthérée dans cette salle d’au dience dans le but d’influencer nos décisions,
nous restons convaincus que nos points de désaccord dans la présente espèce seront bientôt réglés.
10. Nous espérons, que, en y travaillant de concert avec le Nicaragua, nous tirerons le
meilleur parti possible de ce que nous avons en co mmun, du destin que nous partageons dans le
cadre du processus d’intégration centraméricaine et de notre engagement commun face aux
39 problèmes mondiaux qui nous concernent tous les de ux. Nous sommes sûrs que l’arrêt de la Cour
constituera un précieux atout à cette fin.
11. Madame le président, conformément à l’ar ticle 60 du Règlement de la Cour, je vais à
présent lire les conclusions finales du Gouvernement de la République du Honduras.
Au vu des pièces de procédure et des plaidoiries, ainsi que des éléments de preuve soumis
par les Parties,
Plaise à la Cour de dire et juger que :
1. Les îles de Bobel Cay, South Cay, Savannay Cay et Port Royal Cay, ainsi que l’ensemble des
autres îles, cayes, rochers, bancs et récifs revendiqués par le Nicaragua, situés au nord du
15 eparallèle, relèvent de la souveraineté de la République du Honduras.
2. Le point de départ de la frontière maritime à délimiter par la Cour est le point situé à
14° 59,8' de latitude nord, 83° 05,8' de longitude ouest. La frontiè re allant du point fixé par la
commission mixte en 1962 à 14°59,8' de latitude nord, 83°08,9'de longitude ouest jusqu’au
point de départ de la frontière maritime à délimiter par la Cour fera l’objet d’un accord entre les
Parties à la présente espèce sur la base de la sentence rendue par le roi d’Espagne le
23décembre1906, qui a force obligatoire pour les Parties, et prendra en compte les
caractéristiques géographiques changeantes de l’embouchure du fleuve Coco (également
dénommé Segovia ou Wanks).
3. A l’est du point situé à 14°59,8' de latitude nord, 83°05,8'de longitude ouest, la frontière
maritime unique séparant les mers territorial es, zones économiques exclusives et plateaux - 34 -
continentaux respectifs du Honduras et du Nicaragua suit le parallèle 14° 59,8' de latitude nord,
c’est-à-dire la frontière maritime actuelle, ou su it une ligne d’équidistance ajustée, jusqu’à sa
jonction avec la juridiction d’un Etat tiers.
Pour conclure notre participation à ce stade de la procédure orale, je tiens à vous exprimer,
Madame le président, et à chacun des éminents membres de la Cour, au nom des agents et du
coagent du Honduras, ainsi que de notre éminent c onseil, des conseillers avisés et de tous les
membres de notre délégation, notre plus profon de reconnaissance pour l’attention que vous avez
bien voulu accorder à nos exposés.
Permettez-moi aussi, Madame le président, d’adresser nos remerciements au Greffe de la
Cour et à l’équipe d’interprètes et de traducteur s qui, non seulement ont eu pour tâche d’écouter et
40 de lire nos exposés, mais aussi de les restituer par écrit. Nos exprimons également toute notre
reconnaissance à la délégation nicaraguayenne et à ses conseils pour leur contribution à cette
procédure.
Madame le président, je vous remercie.
Le PRESIDENT: Je remercie infiniment Vo tre Excellence. La Cour prend acte des
conclusions finales que vous avez lues au nom de la République du Honduras comme elle a pris
acte, le mardi 20 mars, des conclusions finales de la République du Nicaragua.
Voilà qui nous amène à la fin de trois semaines d’audiences consacrées aux plaidoiries orales
en la présente espèce. Je tiens à adresser mes remerciements aux agents, conseils et avocats pour
leurs exposés et pour les dossiers très utiles qu’ilsont préparés à notre intention conformément à
l’instruction de procédure IX ter. Conformément à la pratique habituelle, je prierai les deux agents
de rester à la disposition de la Cour pour t ous renseignements complémentaires dont celle-ci
pourrait avoir besoin.
Sous cette réserve, je déclare close la procédure orale en l’affaire de la Délimitation maritime
entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras). La Cour va
à présent se retirer pour délibérer. Les agents des Pa rties seront avisés en temps utile de la date à
laquelle la Cour rendra son arrêt. - 35 -
La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, la séance est levée.
L’audience est levée à 11 h 55.
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Translation