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CR 2006/56 (traduction)

CR 2006/56 (translation)

Mardi 19 décembre 2006 à 10 heures

Tuesday 19 December 2006 at 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est à présent ouverte. La Cour est

réunie aujourd’hui pour entendre le second tour des observations orales concernant la demande en

indication de mesures conservatoires présentée par la République orientale de l’Uruguay en

l’affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c.Uruguay) . Ce

matin nous entendrons les représentants de l’Uruguay et je présume que c’est vous, M. Boyle, qui

allez immédiatement prendre la parole.

M. BOYLE : Je vous remercie, Madame le président.

1. Madame le président, Messieurs de la C our, hier, l’Argentine a présenté trois arguments

en défense. Permettez-moi de les résumer briève ment. Premièrement, elle a fait valoir que la

question n’était pas très grave — qu’il s’agissait d’un problème local, de routes, de quelques routes.

Deuxièmement, elle a soutenu que de toute façon elle n’y était pour rien — que c’était quelqu’un

d’autre. Et, troisièmement, et c’est là son meilleur argument ⎯argument que les conseils n’ont

cessé de reprendre ⎯, que le différend n’avait pas été soum is à la bonne juridiction, que nous

n’aurions pas dû nous adresser à vous mais au Merc osur. Je rends hommage à l’ingéniosité des

conseils de l’Argentine, mais rien de tout cela ne constitue une défense sérieuse. Permettez-moi de

m’expliquer.

Réfutation des faits

2. Dans sa plaidoirie d’hier, l’Argentine a, à plusieurs reprises, contesté un certain nombre de

faits avancés par l’Uruguay et remis en cause la bonne foi de ce dernier. Dans certains cas,

l’exposé de l’Argentine était confus et trompeur ; dans d’autres, il était tout simplement mensonger.

Naturellement, nous n’avions alors pas eu le lois ir d’examiner chacune des allégations factuelles

formulées par l’Argentine puisqu’elle n’a, da ns certains cas, présenté les fondements de ses

affirmations qu’hier, da ns les observations écrites qu’elle a co mmuniquées lors de la pause-café.

Ainsi que mon collègue M. Condorelli et moi-même a llons le démontrer, la plupart des faits avec

lesquels l’Argentine a tenté d’a limenter le débat sont largement dépourvus de pertinence au regard

du travail que la Cour est appelée à accomplir. Les assertions factuelles que nous avons vérifiées

n’étayent pas, contrairement à ce que l’Argentine affirme, ses allégations. - 3 -

3. J’examinerai pour commencer la très grave accusation selon laquelle l’Uruguay aurait

inventé la déclaration du président Kirchner; cette déclaration figure dans l’annexe 23 à la demande

de l’Uruguay. Elle se lit comme suit : «rien ne sera fait pour réfréner nos frères de Gualeguaychú».

C’est ce qui est dit; c’est ce que démontre l’ annexe23. L’Uruguay rejette intégralement

9 l’allégation selon laquelle il s’agir ait là d’une invention. Non se ulement cette déclaration figure

dans l’article annexé à la dema nde de l’Uruguay, mais la même citation apparaît dans au moins

deux autres journaux argentins à fort tirage, le Clarin et La República de Corrientes .

4. L’Uruguay a également relevé l’attitude plutôt cynique dont l’Argentine fait preuve

concernant la portée et l’impact des barrages. Il est un fait incontestable que l’axe routier

international le plus important de l’Uruguay ⎯ le pont Fray Bentos ⎯ est totalement fermé depuis

le 21novembre, et ce pour une durée indéterminée. Il est également incontestable que les deux

autres ponts internationaux ont, par moments, été fermés et que pèsent sur eux d’autres menaces de

blocage. Etant dans l’incapacité de nier cet in contestable état de fait, l’Argentine a cherché

artificiellement à en minimiser l’impact économique . L’Argentine ne peut cependant pas occulter

le fait que ⎯ dans des circonstances normales ⎯ 91 % des exportations de l’Uruguay à destination

de l’Argentine empruntent le pont Fray Bentos ; c’est un élément de preuve que l’Uruguay a

présenté lors de l’instance devant le Mercosur. Pour seule réponse, l’Argentine a cité des chiffres

mensongers (dont l’Uruguay n’a eu connaissance qu’hier) établis pour l’essentiel sur des périodes

au cours desquelles les barrages n’étaient pas en place, ce qui n’est pas pertinent. Au cas où la

Cour douterait encore du fait que l’Argentine tente d’exploiter la vulnérabilité économique de

l’Uruguay, ce dernier la renvoie très respectueusement à la sentence arbitrale du Tribunal spécial

du Mercosur, dans laquelle les trois arbitres ont dit que «[p]our beaucoup de gens» l’impact

2
économique était ⎯je reprends leurs mots ⎯ «extraordinairement important» . Les barrages les

plus récents, qui s’annonçaient ininterrompus, généralisés et devaient se poursuivre pour une durée

indéterminée, ne peuvent qu’avoi r un impact encore plus important. Dès lors, la formule

1 La même citation figure également à l’annexe 4 des observations écrites de l’Uruguay du 14décembre2006

«Kirchner criticó los cortes pero insistió en que no los va a reprimClarin (23 novembre 2006) ; voir également
«Kirchner defendió la postura Ar gentina contra las pasteras»,La República de Corrientes , 22novembre2006,
http://www.diariolarepublica.com.ar/notix/noticia.php?i=113874&f=2006-1… (original espagnol: «no habrá represion
contra los hermanos de Gualeguaychú.»).
2 Annexe 2, sentence arbitrale du Tribunal arbitral spécial du Mercosur, 6 septembre 2006, par. 114. - 4 -

malheureuse de M. Pellet selon laquelle l’Uruguay ag irait «à des fins purement médiatiques» n’est

pas digne du respect qui devrait prévaloir dans le cadre d’une instance opposant deux Etats, et est

dans une certaine mesure révélatrice de l’indiffé rence de l’Argentine vis-à-vis de cette crise ⎯ de

cette véritable crise ⎯ à laquelle l’Uruguay est aujourd’hui confronté.

5. L’Argentine a également laissé entendre que les barrages revêtaient en quelque sorte un

caractère partiel ou intermittent. L’Uruguay a bien précisé hier que les ponts n’étaient pas tous

bloqués en permanence : le pont Salto, qui est le plus au nord et le plus distant des agglomérations

10 de Buenos Aires et de Montevideo, n’a été fermé que de manière occasionnelle, encore qu’il soit

certainement prévu de le fermer plus systém atiquement. Ces nouveaux barrages, l’Argentine

continuera probablement d’y acquiescer ⎯et de les encourager tacitement ⎯, bien entendu. Le

pont Colon est ouvert par intermittence ⎯pour l’instant, mais nous ignorons ce qu’il en sera la

semaine prochaine ou la suivante ; des articles pa rus dans la presse d’hier ont annoncé la dernière

3
série de barrages prévus . D’autres pourraient avoir lieu. Cela étant, le pont de Fray Bentos, qui

est de loin le plus important ⎯ ainsi que je l’ai dit plus tôt ⎯, est incontestablement fermé depuis

le 21novembre et, récemment encore, le samedi 16décembre, les dirigeants de l’assemblée

écologiste de Gualeguaychú ont réaffirmé leur inte ntion de maintenir la fermeture du pont. Pour

citer l’un d’eux, «[c]e que nous voulons, c’est que [l’usine Botnia] soit démantelée ou déplacée,

mais que, de toute manière, elle quitte le bassin du fleuve Uruguay ⎯ nous n’accepterons aucune

autre forme de négociation» 4: voilà ce que les manifestants veulent, voilà ce qu’ils ont réclamé.

6. L’Argentine a également cherché à s’abriter derrière l’assertion de M.Kohen selon

laquelle la Cour ne pourrait pas, d’une certaine fa çon, intervenir pour sauvegarder les droits de

l’Uruguay car, lors de la réunion du Conseil du marché commun du Mercosur qui s’est tenue au

Brésil la semaine dernière, l’Uruguay aurait enga gé une nouvelle procédure d’arbitrage dans le

cadre du Mercosur. En particulier, M. Kohen a ajouté :

«Uruguay sought ⎯ unsuccessfully ⎯ within the Mercosur Common Market Council

exactly the same thing that it is pursuing by means of this procedural incident: to

3
«Extienden los cortes en Colon» [«Ils étendent les barrages à Colon»], LaNacion.com, 18 décembre 2006.
4«Asembleístas ratificaron el corte de la ruta 136», La Nacion (Argentina), 16 décembre 2006. [«Nuestro interés
es que se desmantele o se relocalice, pe ro que de calquier manera se vaya de la zona de la cuenca del Río Uruguay, y no

aceptaremos otro tipo de negociación.»] - 5 -

obtain what in the view of Uruguay would be the implementation of that arbitral
award» (CR 2006/55, p. 22-23, par. 17).

Tels ont été ses propos. Mais il s’agit là d’un argument qui ne saurait intéresser la Cour.

L’Uruguay n’a pas institué de nouvelle pro cédure d’arbitrage la semaine dernière ⎯que ce soit

devant le Mercosur ou ailleurs ⎯, et le fait d’évoquer le diffé rend au sein du Conseil du marché

commun du Mercosur ⎯ un organe politique dans le cadre duquel les hommes politiques discutent

naturellement de litiges de ce type ⎯ ne peut avoir le moindre effet sur la compétence que la Cour

tient de l’article41 de son propre Statut et de l’article60 du statut du fleuve Uruguay de1975.

Qu’il nous soit donc permis de laisser de côté le marché commun du Mercosur, au sein duquel

l’Uruguay n’a pas repris de procédure d’arbitrage.

11 7. Les avocats de l’Argentine ont aussi invoq ué à plusieurs reprises le paragraphe157 de

l’exposé écrit que l’Uruguay a soumis au Tribunal spécial du Mercosur. Ils l’ont cité pour faire

croire que l’Uruguay lui-même ne penserait pas qu’il existe un lien entre les barrages et le différend

relatif aux usines de pâte à papier. C’est faux, là encore, mais il se peut que nos contradicteurs

aient lu ce passage un peu rapidement.

8. L’extrait que l’Argentine met sans cesse en avant figure dans le seul paragraphe

d’importance qu’elle a traduit à l’intention de la Cour sur un document de cinquante-quatre pages.

Voici sa traduction: «En premier lieu, la cons truction des usines dont il est question et les

éventuelles conséquences en matière d’environneme nt y afférentes sont parfaitement étrangères à

ce différend.» [Traduction du Greffe.] Ce que l’Argentine s’est toutefois gardée d’indiquer c’est

que, lorsque l’Uruguay s’est exprimé en ces termes, il faisait simplement observer que les

préoccupations en matière d’environnement, tout à fait discréditées, des manifestants concernant

les usines de pâte à papier n’ avaient absolument aucun rapport avec la question de savoir si

l’Argentine manquait aux obligations lui incombant en vertu du traité instituant le Mercosur. Le

Mercosur n’est pas une organisation chargée de s questions d’environnement et ce n’est pas

l’instance à laquelle sont soumis les différends y afférents. Manifestement, le différend d’ordre

écologique concernant les usines de pâte à papier était sans importance pour la question de savoir

s’il y avait eu manquement à des engagements conve ntionnels en matière commerciale, voilà tout

ce que voulait indiquer l’Uruguay. Au paragraphe 58, que l’Argentine n’a pas traduit pour la Cour,

l’Uruguay a indiqué ceci : - 6 -

«Il n’y a absolument aucun lien entre la libre circulation des personnes, des
biens et des services et la prétendue défense de l’environnement, d’où la difficulté

qu’il y a à prétendre que le blocage de s routes relève de la protection de
l’environnement. Néanmoins, les mesures de blocage qui ont été prises grâce à la
passivité des autorités argentines entrav ent directement le droit à la libre

circulation…» [Traduction du Greffe.]

Mais, encore une fois, elles ne concernent en rien l’ environnement. C’est la pure vérité et c’est le

seul point que l’Uruguay cherchait à faire valoir devant le Mercosur.

9. Madame le président, ces audiences touchant à leur fin ⎯ de même que ma plaidoirie ⎯,

il sera peut-être utile de s’arrê ter sur la presse d’aujourd’hui ⎯je dis bien d’aujourd’hui ⎯ de

Gualeguaychú, l’épicentre des barrages. S’exprimant sur leur stratégie, un activiste aurait déclaré :

«On le lèvera lorsque l’usine aura disparu.» Il parlait selon moi du barrage routier. Un autre

militant a affirmé à propos des barrages: c’est «not re seule issue». Un autre encore: «Il n’y a

aucune autre façon d’imposer notre volonté. Si nous quittons l’autoroute, l’Uruguay pensera que le

conflit est terminé.» Un quatrième enfin de décl arer: «le blocage de la circulation servira

d’argument de négociation pour pousser l’Uruguay à déplacer l’usine ailleurs». A la question de

12 savoir quelles nouvelles stratégies ils allaient applique r outre le blocage de Fray Bentos, le chef de

la manifestation a répondu en promettant de «b loquer aussi la circulation sur les deux autres

5
ponts» . Voilà ce que les manifestants déclarent en ce moment à la presse.

10. Il ne fait aucun doute que le Gouverneme nt argentin approuve ce chantage économique.

Il n’aura pas échappé à la Cour que les représen tants de l’Argentine n’ont pas, au cours de ces

audiences, fait véritablement d’effort pour se distancier, eux-mêmes ou leur gouvernement, de ces

tactiques. Mais ce n’est peut-être pas surprenant , étant donné que les autorités argentines n’ont à

aucun moment ⎯ pas une seule fois ⎯ cherché à arrêter ou à poursuivre en justice un seul des

manifestants, même lorsque les barrages n’étaient l’Œuvre que d’une poignée d’entre eux.

L’Uruguay vous prie de bien vouloir ne pas l’oublier en écoutant ses dernières remarques.

Dommage irréparable

11. M. Pellet a dit hier que l’Uruguay avait le choix : celui de poursuiv re la construction de

l’usine Botnia ou de l’abandonner ⎯ telle est exactement la question. M. Pellet aurait également

5
Marcela Valente, «Christmas at the Roadblock», Inter Press News Agency , 18décembre2006, disponible sur
http://www.ipsnews.net/news.asp?idnews=35890. - 7 -

pu ajouter que si l’Uruguay renonçait à l’usine, l es blocages cesseraient immédiatement. C’est en

effet ce que pense l’Uruguay. Dans l’hypothèse où il serait obligé de mettre un terme au projet

Botnia afin de protéger ses activités touristiques et commerciales contre les blocages argentins, le

dommage qu’il subirait serait nécessairement irréparable. Le fait que l’usine soit achevée à 70 %

n’a aucune importance. Le problème est simple: l’abandon forcé du projet Botnia signifierait la

fin de la présence de Botnia en Uruguay. La Cour ne pourrait prononcer aucune mesure pour y

remédier.

12. M. Pellet l’a, dans une certaine mesure, admis, en concédant que le fait de renoncer à

l’usine Botnia aurait, à tout le moins, une incidence sur l’arrêt. Il n’a cependant pas reconnu la

véritable portée de cet argument, avançant qu’un abandon forcé ne transformerait pas un arrêt en

faveur de l’Uruguay en vaine gesticulation, dès lors que les mécanismes de coopération établis par

le statut de 1975 seraient préservés. Madame le président, avec tout le respect dû à mon

contradicteur, l’Uruguay ne partage pas ce point de vue, et soutient que ce serait là l’illustration

même d’une vaine gesticulation. L’on peut en effet se demander quel bénéfice réel l’Uruguay

13 retirerait d’une procédure qui aurait été vidée de sa substance. L’usine Botnia n’existerait plus, et

la Cour, comme je l’ai dit précédemment, n’aurait aucun moyen d’ordonner sa réapparition. Il

aurait été porté atteinte de manière irréparable à l’essence même du différend, c’est-à-dire à l’usine

Botnia.

13. C’est en cela que la demande en indica tion de mesures conservatoires de l’Uruguay est,

sur le fond, différente de celle de l’Argentine que la Cour a rejetée en juillet dernier. Ainsi que la

Cour l’a justement relevé dans son ordonnance du mo is de juillet, lorsqu’elle a refusé de faire droit

à la demande de l’Argentine, ce rejet ne lui a pas causé un dommage irréparable dès lors que la

Cour conserve le pouvoir d’ordonner que l’usine so it démantelée si elle devait décider de se

prononcer, au fond, en faveur de l’Argentine. L’ Uruguay est conscient de ce risque. En revanche,

aucun remède équivalent ne pourrait être octroyé à l’Uruguay si la Cour devait décider de ne pas

faire droit à la demande de celui-ci. Si Botnia disparaît, elle disparaît, et, pour le dire une troisième

fois, la Cour ne peut concevoi r aucun remède pour la faire revenir. C’est pour cela qu’un refus

d’accorder à l’Uruguay la satisfaction qu’il dema nde aujourd’hui causerait très probablement, à

terme, une atteinte irréparable à ses droits sur le fond. - 8 -

14. Reconnaissant peut-être la force de cette an alyse, l’Argentine l’élude en s’attachant au

dommage économique ⎯dommage sur lequel l’Uruguay va maintenant se pencher ⎯, et en

soutenant que ces pertes économiques ne sont pas i rréparables. Madame le président, l’argument

de l’Argentine est spécieux. Comme il devrait à présent être clair, l’Uruguay ne se présente pas

aujourd’hui devant la Cour pour se protéger du dommage économique qu’il subit du fait des

blocages. S’il se présente devant la Cour, c’est po ur protéger son droit de construire l’usine et

s’assurer que justice puisse être rendue sur le f ond du différend, conformément à l’ordonnance de

la Cour du 13juillet dernier. Les dommages économiques causés au t ourisme ou au commerce

peuvent évidemment être réparés, mais tel n’est ni notre argument ni la raison de notre présence.

15. Bien entendu, comme nous l’avons dit hier, le pouvoir de la Cour d’indiquer des mesures

conservatoires ne dépend pas seulement de l’exis tence d’un risque de dommage irréparable.

L’Uruguay répète ce qu’il a dit hier, à savoir que la Cour ne devrait pas permettre que l’aggravation

du différend ait pour effet d’entraver indument la bonne administration de la justice ou le respect

par les Parties des ordonnances de la Cour, à comm encer par celle qu’elle a rendue le 13 juillet et

sur laquelle l’Uruguay s’est reposé de bonne foi.

16. Le fait que la nécessité de mesures conservatoires soit urgente ne devrait faire aucun

doute. Les moyens par lesquels l’Argentine tent e de contraindre l’Uruguay sont d’ores et déjà

effectifs, et ils menacent de devenir de plus en plus lourds. L’Argentine n’a pas contesté ce fait ;

au cours de ses plaidoiries, elle a ainsi reconnu à plusieurs reprises ⎯ comment pourrait-il en aller

14 autrement ? ⎯ que les blocages se poursuivai ent, même si elle a refusé d’en d’admettre l’ampleur

et la gravité. Le fait de citer des statistiques concernant le développement récent des échanges

commerciaux et touristiques entre les deux pays n’ a pas de sens, dès lors que le litige concerne

l’effet négatif inévitable sur le commerce et le tourisme des barrages en place aujourd’hui. Ce qui

a pu se produire dans le passé ne va pas nécessairement se reproduire à l’avenir ⎯ et certainement

pas s’il y a des barrages. La spirale de la c ontrainte économique ne pou rra donc que s’accentuer

rapidement. A cet égard, je rappellerai l’observation formulée par le juge Treves dans l’affaire du

Thon à nageoire bleue , à savoir que c’est la tendance qui importe, et non l’imminence du

dommage. - 9 -

Compétence

17. A présent, Madame le président, permettez- moi d’aborder la question de la compétence.

L’Argentine insiste sur le fait que le présent di fférend est essentiellement commercial, qu’il relève

de la compétence du Mercosur et échappe complèteme nt à celle de la Cour. Selon M.Kohen, la

liberté de commerce et de circulation prévue par le traité instituant le Mercosur est l’axe central de

la thèse de l’Uruguay ⎯l’axe central. M.Kohen prétend que nous avons saisi la Cour du même

différend que celui porté devant le Tribunal du Mercosur en septembre dernier. Voilà un argument

bien étrange. La seule ressemblance évidente entre les deux affaires ⎯entre la présente et celle

portée devant le Mercosur ⎯ réside dans la mesure sollicitée. A première vue, effectivement, la

situation est la même: nous voulons la levée de s barrages. Or, les mesures que nous demandons

aux deux instances d’indiquer ne sont pas les même s. Par la présente demande en indication de

mesures conservatoires, l’Uruguay demande à la Cour d’ordonner la levée des barrages pour

protéger le droit de construire l’usine sans i ngérence ni accord préalable de l’Argentine, sans

ingérence de l’Argentine ainsi que le commandent une juste interprétation du statut de1975 et le

respect de l’ordonnance de la Cour du 13 juillet. Voilà ce que nous demandons à la Cour. Devant

le Tribunal du Mercosur, l’Uruguay avait demandé la levée des barrages comme mesure principale

dont les effets ont force de chose jugée. En outre, dans les deux cas, il s’agit de barrages

différents : ils ont été mis en place à différents moments avec des objectifs différents. Comme l’a

conclu le Tribunal du Mercosur, le but des premiers barrages était d’ attirer l’attention des autorités

argentines sur le problème, et non de faire pression sur l’Uruguay pour qu’il abandonne le projet de

l’usine Botnia. Le Tribunal a poursuivi en estimant que «rien n’indiqu[ait] que les autorités

argentines a[va]ient eu l’intention d’empêcher la libre circulation…» (par. 142). Les barrages qui

15 font l’objet de la présente demande ont un objectif tout à fait différent. Je vous ai lu aujourd’hui

plusieurs déclarations qui montrent que ces blocag es visent à mettre un terme à la construction de

l’usine Botnia et, à cette fin, à entraver la libre circulation. Comme nous avons voulu le montrer à

la Cour, les barrages actuellement en place sont to lérés par l’Argentine à titre d’instruments de sa

politique gouvernementale, ils visent uniquement l’Uruguay et ils ont pour but de le pousser à

abandonner le projet d’usine Botnia. Pour ces ra isons, ces barrages, dont la durée est indéterminée

et l’incidence beaucoup plus grande que les précédentes, pourraient avoir des conséquences - 10 -

beaucoup plus graves que ceux sur lesquels le Merc osur avait été appelé à se prononcer. Je dirais

donc respectueusement à la Cour qu’à la lumi ère des faits, ces deuxdifférends ne sont pas

similaires.

18. Supposons toutefois que je me trompe, ce qui est tout à fait possible. Supposons que les

barrages en question soient en fait les mêmes. Cela signifie-t-il que l’affaire portée devant le

Mercosur ne pourrait être soumise à aucune autre juridiction, comme nous l’avons débattu hier?

Ce raisonnement simpliste présente une faille évidente : ce ne sont pas les faits qui déterminent la

nature d’un différend, mais les droits en cause. Le Mercosur ne peut c onnaître que d’affaires

relevant du droit du Mercosur; ses tribunaux ar bitraux ne sont pas des instances dotées d’une

compétence générale et pouvant connaître de n’impo rte quelle affaire. Si les droits en cause en

l’espèce ne relèvent pas de la compétence du Mercos ur, l’Uruguay ne saurait être forcé de le saisir

à ce sujet. La question ne se pose pas de savoir si la présente affaire concerne le commerce, les

usines de pâte à papier ou l’envi ronnement. Elle porte sur tous ces aspects, et certainement sur le

commerce et les usines de pâte à papier, c’est plus qu’évident. Il importe plutôt de se demander ce

que l’Uruguay cherche à protéger par le biais de la présente demande: S’agit-il de droits

commerciaux relevant du droit du Mercosur ou du droit de poursuivre les travaux de construction

entamés sur le fleuve, et ce, sans accord préalable de l’Argentine, en vertu du droit souverain de

l’Uruguay au développement durable et dans le strict respect des obligations que lui impose la

procédure fixée aux articles 7 à 12 du statut de 1975 ? M. Pellet a établi un lien entre les barrages

routiers et la libre circulation, arguant que cette question relevait donc de la compétence du

Mercosur. Cela pourrait certes être le cas. Mais uniquement si l’Ur uguay formulait la base

juridique de sa thèse à la lumière des droits et oblig ations prévus par le traité Mercosur. M. Pellet

est tout à fait capable de constater que l’Urugua y n’a pas présenté les choses sous cet angle en

l’espèce.

19. L’Uruguay n’a à aucun moment ⎯ni dans le cadre de sa demande ni dans ses

plaidoiries ⎯ invité la Cour à interpréter ou à appli quer les accords du Mercosur, et tel n’est pas

son propos. Comme l’a indiqué M. GrosEspi ell dans ses observations liminaires, hier:

16 «L’Uruguay ne comparaît pas aujourd’hui devant la Cour pour se plaindre de pertes économiques

ou à propos des droits de liberté de commerce ou de circulation qui sont enfreints par les - 11 -

barrages.» Mon éminent collègue M. Condorelli a de même fait valoir qu’il existe, dans le cadre

du Mercosur, d’autres mécanismes de règlement des différends relatifs à la liberté de commerce et

de transport telle que garantie par les accord s du Mercosur. L’Uruguay en a parfaitement

conscience.

20. Si le différend portait effectivement sur les droits qui sont ceux de l’Uruguay dans le

cadre du Mercosur, voici ce qui se passerait : l’Urug uay affirmerait aujourd’hui que l’Argentine a

violé les dispositions conventionnelles suivantes: les articles 1 et 5 du traité d’Asunción; les

articles1, 2 et le paragraphe2 de l’article10 de l’ annexeI de ce traité; et les articles2, 3 et4 du

protocole de Montevideo sur le commerce de services. Je n’infligerai pas à la Cour la lecture de

ces dispositions, mais elles fixent les droits qu’ a invoqués l’Uruguay devant le Tribunal arbitral

spécial du Mercosur ⎯ lequel lui a donné gain de cause en septembre. Elles établissent un marché

commun, et définissent certains engagements en matière, notamment, de libéralisation des

échanges, de coordination des politiques économiques, de tarif extérieur commun, de suppression

des droits de douane et de restrictions non tarifa ires. L’Uruguay a plaidé devant le Tribunal du

Mercosur que toutes ces dispositions avaient été violées par l’Argentine. Il n’a rien plaidé de tel

devant la Cour, et je n’entends moi non plus rien plaider de tel. Aucune de ces questions ne sera

abordée devant vous par l’Uruguay et, quant à l’Arge ntine, il ne lui appartient pas de reformuler

aujourd’hui le fondement juridique de la thèse de l’Uruguay : c’est à l’Uruguay qu’il revient de le

définir.

21. Ainsi que la Cour pourra le constater, les droits garantis par les mécanismes du Mercosur

que je viens d’évoquer ne ressemblent en rien à ceux énoncés dans le statut du fleuve Uruguay

de1975, traité qui porte exclusiv ement sur la coopération, l’utilisa tion équitable du fleuve et la

protection de son environnement. Le statut de 1975 ne réglemente ni le commerce ni le tourisme.

Nous ne sommes nullement, ici, dans le cas de figure où des dispositions parallèles figurant dans

différents traités formeraient l’objet du différe nd. La présente espèce ne ressemble en rien à

l’affaire de l’ Usine Mox. Aucune des questions couvertes par le statut de 1975 n’est en quelque

façon régie par les accords du Mercosur. Aucune des allégations formulées par l’Argentine en

6CR 2006/54, p. 12, par. 4. Uruguay is not appearing today before the Court in order to complain about economic

losses or the rights to freedom of trade or freedom of movement which are infringed by the blockades. - 12 -

l’espèce ne pourrait être portée devant une instance du Mercosur ⎯ni les questions relatives à

l’environnement, ni celles relatives à l’interprétation du traité ou à la coopération, ni celles relatives

à l’utilisation équitable du fleuve. Rien de ce qu’allègue l’Argentine ne relève du droit du

Mercosur. Toutes ces questions, en revanche, tomb ent sous le coup du mécanisme de règlement

obligatoire des différends par la Cour internati onale de Justice prévu à l’article60 du statut

17 de1975. L’Uruguay et l’Argentine sont, je crois, parfaitement d’accord sur ce point ⎯ d’accord

pour dire que la Cour est la seule instance compétente pour régler les différends relatifs à

l’interprétation et à l’application du statut de 1975. Ils s’accordent à affirmer que l’affaire

introduite devant la Cour en mai et plaidée en juin dernier est essentiellement un différend touchant

à ce statut ⎯ avec certaines réserves de l’Uruguay, mais qui ne sont pas pertinentes aux fins de la

présente demande. Ni l’une ni l’autre des Parties ne prétend que l’affaire des Usines de pâte à

papier relève, ou doive relever, de la compétence du Mercosur. Et c’est bien la raison pour

laquelle la décision rendue par le Tribunal du Mercosur ne saurait re vêtir l’autorité de la chose

jugée en l’espèce : elle ne tranche nullement les droits et obligations juridiques ici en cause.

22. L’Uruguay aurait-il donc, ainsi que l’affirm e l’Argentine, soumis à la Cour le même

différend qu’au Mercosur en septembre? Et cher cherait-il, ainsi que l’affirme l’Argentine, à

obtenir de la Cour ce que le Mercosur ne lui a pas accordé ? Certainement pas, si l’on s’en tient à

la question cruciale : les droits en cause. Ces dro its sont à l’évidence d’une tout autre nature. Or,

ce sont les droits en litige qui déterminent la nature d’un différend juridique. Ce sont les droits en

litige qui déterminent quelle juridiction aura, le cas échéant, compétence. Aussi la véritable

question qu’il nous faut examiner ce matin, Madame le président, est-elle celle de savoir s’il existe

un lien suffisant entre les droits invoqués par l’Uruguay dans la demande dont se trouve

aujourd’hui saisie la Cour et l’instance introduite devant elle par l’Argentine au mois de mai

dernier ⎯une question sur laquelle, si vous le voulez bien, Madame le président, j’inviterai

maintenant M.Condorelli à se pencher. Mais avant de clore ma plaidoirie, je voudrais vous

adresser, Madame et Messieurs de la Cour, ains i qu’à toute l’assistance, tous mes vŒux pour la

nouvelle année ou, comme nous disons en Ecosse : «Happy Hogmanay !». Merci. - 13 -

Le PRESIDENT: Je vous remercie, M.Boyle. J’appelle maintenant M.Condorelli à la

barre.

Mr. CONDORELLI:

1. Madam President, Members of the Court, the first thing I want to do as I take the floor to

comment briefly on Argentina’s pleadings of yest erday afternoon is to pay tribute to opposing

counsel for their remarkable skill. But admirati on must immediately be followed by an expression

of astonishment. As Professor Boyle has already noted, the de facto situation that they have

outlined is nothing, or very little, like the one described to you by Uruguay and which has led the

latter to make its request for the indication of pr ovisional measures. But above all it is nothing, or

very little, like what any impartial observer can observe if only he makes proper inquiries about

18 events that are common knowledge, which are given extensive coverage by all media dealing with

Latin America.

2. Let me return for just a moment to th e points already made by ProfessorBoyle. The

Agent of Argentina has no hesitation in affirming that the blockades are perhaps not a fabrication

by Uruguay, but are “sporadic, partial and geograp hically localized” (CR 2006/55, p. 14, para. 36),

and affect routes into Argentine territory but not international bridges (CR2006/55. p.10,

para.13). Madam President, how can one fail to be astonished by such a statement? But the

blocked roads that we are discussing are those that lead to the international bridges, so that

obstructing those roads certainly amounts to intentiona lly preventing the use of the bridges! As to

the sporadic nature of the blockades, this is simp ly not true in the case of the most important of

them (the GeneralSanMartin bri dge), over which pass 91percent of exports to Argentina. This

bridge is the subject of a permanent long-term blockade harmful to the Uruguayan economy, while

it is true that, for the time being, the other two ⎯ albeit much less important ones ⎯ are blockaded

sporadically: we had no difficulty in admitting th is. But the demonstrators are promising to do

more! And how can one allege ⎯ as the Agent of Argentina does ⎯ that this is not “coercive

action”, while the demonstrators have one aim a nd one aim only, proclaimed loud and clear: to

compel Uruguay to halt construction of the Botnia plant? - 14 -

3. No, Madam President, Members of the Court, this is a serious situation, so serious that

Uruguay has unwillingly decided to ask this Court to intervene so that the dispute between the two

countries is not made even more acrimonious. Is it really necessary to adduce evidence to show

how serious the situation is? Can it really be claimed, in all earnestness, that

His Majesty the King of Spain has decided to lend his good offices to help, if possible, in settling a

dispute which in fact is no more than a trifling matter?

4. I note that among the allegations by Urugua y that Argentine counsel have not really

disputed is the one concerning what I will ca ll the “shared goal”: the outcome which the

blockaders wish to impose on Uruguay by taking to the streets is the same as that pursued by

Argentina in seising this Court. This shared goal speaks volumes about the reasons leading the

other side’s government to refrain from using the resources indisputably available to it to discharge

19 its duties of due diligence. I need say no more on this point because for the time being our

opponents have not said a word to dispute the valid ity of the presentation on this subject that I had

the honour to submit yesterday a nd on which Uruguay lays much stress. Let me summarise: with

regard to the blockading of the international bridges linking the territories of Argentina and

Uruguay, there is something more than inaction by the Argentine Government. Here we are

confronted by a decision of State, taken at the highest level, to remain inactive, taking care not to

prevent the blockades and not to end them.

5. But the objection may be raised that, even if this is true, what is the connection with the

dispute that Argentina has brought before this C ourt, which is the subject of these proceedings?

This dispute indisputably relates ⎯ we do not at all deny this ⎯ to whether or not Uruguay is in

breach of the 1975Statute for having authorized the building of the Botnia pulp mill without

obtaining the prior agreement of Argentina; wher eas, according to our opponents, the issue of the

legality or illegality of the blockades concerns a totally different case, namely the rights and duties

of the two States in respect of freedom of transport and commerce between Mercosur member

States. Our opponents then claim that by asking the Court to order Argentina to prevent and end

the blockades by indicating provisional measures, Uruguay is attempting to bring to the Court a

dispute that is outside its jurisdiction but which does fall within the jurisdiction of other dispute

settlement mechanisms, such as that of Mercosur. In fact Argentina claims that Uruguay is seeking - 15 -

by means of incidental proceedings to obtain a j udgment on the merits in that other dispute which,

we are told, has no connection with the case that it has submitted to you (CR2006/55, para.23;

60 (Kohen)). Professors Kohen and Pellet have laid great stress on this point.

6. Madam President, nothing, I repeat nothing, is further from the position taken by Uruguay

before this Court in requesting provisional measu res. Uruguay is not asking for any judgment on

the merits regarding the international responsibilit y of Argentina for breach of the Mercosur rules

regarding freedom of transport; Uruguay is not seeking compensation for damage suffered as a

result of the blockades, whether in relation to Me rcosur regulations, the 1975 Statute or any other

principle of international law. All that it seek s from this Court is a provisional injunction on

Argentina not to engage in conduct incompatible w ith the obligations incumbent on the parties to a
20

dispute in process of settlement before this Court, not to exacerbate the dispute by taking unilateral

initiatives likely to anticipate the Court’s future judgment on the merits.

7. The unilateral initiative by Argentina to whic h I am referring is, of course, its failure to

use the means at its disposal to prevent and put an end to individual acts aimed at compelling

Uruguay to renounce the rights which it is convinced accrue to it from Articles7 et seq. of the

1975 Statute. Incidentally, such inaction imper ils Uruguay’s right, once the Court has been seised

by Argentina on the basis of Article 60 of the Statute, to have the dispute definitively settled by this

Court ⎯ under the full powers vested in it by the same Article 60 ⎯ following proceedings that are

not undermined by conduct by the Applican t that might affect their smooth progress and

consequently the authority of your distinguished C ourt. It is apparent that, contrary to what

opposing counsel insist on claiming, Uruguay’s requ est for the indication of provisional measures

is directly and very closely linked to the Stat ute of the River Uruguay, because it seeks to obtain

fully satisfactory application of that Statute, including the compromissory clause in Article60.

Satisfactory application ⎯ need I spell it out? ⎯ so that your Court can fulfil its task of

definitively, and without hindrance, settling the case concerning the Pulp Mills on the River

Uruguay. That is the official title of our dispute. It is for this Court to settle that case, that case

only and not some other dispute.

8. Madam President, Members of the Court, I still have to comment quickly on the statement

by our opponents, on which they lay great stress, re garding the link that allegedly exists (or rather - 16 -

does not exist according to them) between the blocka des and the construction of the Botnia plant:

it is claimed that these blockades have not had an d still do not have the slightest effect on the

construction work, which, we are told, is pro ceeding normally and quickly, with no delay, no

disturbance and no particular inconvenience due to the actions of the demonstrators.

9. Madam President, there is no need for a lengthy exposition to show up the defects in such

an approach; the least that can be said about it is that it is very narrow. As if one could speak of

21 undue pressure and duress only when such pressure is exerted by way of direct physical constraint!

As if forms of pressure by blackmail did not exis t! The precise aim of the demonstrators who are

blocking the international bridges on the Argentine side is to cause Uruguay exceptionally serious

economic and social damage in order to compel it to abandon the construction and commissioning

of the Botnia plant. If that is not blackmail, what then, Madam President, Members of the Court, is

the proper name for it? And the Argentine Government, by failing to adopt preventive measures or

to take effective action to put an end to this illega l behaviour, is in breach of its duties as a Party to

the present dispute.

10. So, Madam President, Members of the Court, Uruguay is fully justified in asking you to

indicate to Argentina, by way of provisional meas ures, that it is required to take reasonable and

appropriate steps to prevent and put an end to th e blockades and must refrain from doing anything

that might aggravate the dispute, by avoiding act s likely to anticipate the Court’s future judgment

on the merits.

I have finished, Madam President, Members of the Court. Thank you very much for your

attention, and I would be grateful if you woul d now give the floor to the Agent of Uruguay,

Ambassador Gros Espiell. Thank you.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, M.C ondorelli. Je donne maintenant la parole à

S. Exc. M. Gros Espiell.

Mr. GROS ESPIELL:

1. Thank you very much. Madam President, Me mbers of the Court, as this hearing is

drawing to a close, I should first like to say a special word of thanks for the attention you have - 17 -

given to the request for the indication of provisional measures which, on account of the very nature

of the acts it seeks to prevent, we were obliged to file on a date outside the customary calendar.

2. I would next like to present a summary of our arguments and of the provisional measures

which we respectfully request the Court to indicate and which coincide ⎯ I should make this clear

22 at the outset ⎯ with those set out in the request for the indication of provisional measures filed

with the Court on 29 November 2006.

3. Uruguay considers that the Court has jurisdiction, that is to say jurisdiction to entertain

this request for the indication of provisional m easures, and that there is a direct relationship

between the extremely serious situation created by the blockades of international roads and bridges

and the substantive issue referred to the Court, so that the indication of provisional measures is

fully justified.

4. The Court has jurisdiction, because the bl ockades of international roads and bridges

undertaken by groups of individuals, while th e Argentine Government remains passive and

negligent, constitutes a situation that was delib erately provoked with a view to preventing the

construction of the pulp plants that Uruguay has a right to build on its territory, while ensuring

environmental protection and guaranteeing compliance with applicable international law.

5. The facts speak louder than words. It ser ves no purpose to play them down by calling an

interruption merely “sporadic”, “partial”, “geograp hically localized” and affecting only “roads in

Argentina”. The facts on the ground are completely different. It is quite obvious that the

obstruction of traffic along the roads leading to th e international ports really constitutes, for all

practical purposes, a blockade of the internati onal bridges themselves, and that this kind of

interruption occurs at whatever time and for whatever duration serves the aims of the organizers.

6. Only those who are totally unfamiliar with the current situation in our country can cast

doubt on the seriousness of the situation created by the blockades of roads and bridges. The

declared aim of the groups blocking the roads and bridges is the dismantling and relocation of the

Botnia pulp plant. The blockades will continue for as long as the Botnia plant remains in its

present location. It is not just a matter of blockades occurring today or tomorrow, but the

permanent threat, the clear and present danger, of a whole chain of future blockades of

indeterminate duration. - 18 -

23 7. Uruguay is therefore requesting the Court to indicate provisional measures so that the

exercise of its rights, which have been seriously and irreparably breached by the blockades of the

roads and bridges, is guaranteed as a matter of urgency.

8. We have not taken this step lightly. As already stated in paragraph[29] of the request

filed on 29November2006, Uruguay emphasizes its pr eference and desire to resolve the matter

diplomatically through an amicable agreement between the two Parties reached without any kind of

direct or indirect pressure or coercion. This lack of pressure ⎯ in particular, through blockades of

the roads and bridges ⎯ is an essential prerequisite for negotiations.

9. That desirable agreement would constitute an expression, founded on international law, of

the fraternal solidarity that has always un ited the Uruguayan and Argentine peoples and will

continue to unite them in the future.

10. Today, at the current stage in the proceed ings before the Interna tional Court of Justice

and in the continued absence of this desirabl e agreement, Uruguay reiterates the terms of

paragraph 28 of its request for the indication of provisional measures and respectfully requests the

Court, pending the final judgment, to indicate to Argentina:

⎯ that it should take all reasonable and appropriate steps to prevent or end the interruption of

transit between Uruguay and Argentina, including closure of the bridges and roads linking the

two States and the blockading or obstructing of traffic thereon;

⎯ that it should abstain from any measure that might aggravate the present situation or impede the

settlement or resolution of the dispute;

⎯ that it should also abstain from taking any other measure that might infringe or adversely affect

the rights of Uruguay that are currently being considered by the International Court of Justice.

Thank you, Madam President, Members of the Court.

24 Le PRESIDENT : Je remercie l’agent de la République orientale de l’Uruguay.

Ceci met fin au second tour des observations orales de l’Uruguay.

Les audiences reprendront à 16 h 30 pour ente ndre le second tour des observations orales de

l’Argentine. - 19 -

L’audience est à présent levée.

L’audience est levée à 10 h 55.

___________

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