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CR 2006/24 (traduction)

CR 2006/24 (translation)

Jeudi 23 mars 2006 à 10 heures

Thursday 23 March 2006 at 10 a.m. - 2 -

10
Le PRESIDENT : Asseyez-vous, je vous prie. L’audience est ouverte et aujourd’hui la Cour

va commencer à entendre les témoins et les témoins-experts appelés à la barre par la

Serbie-et-Monténégro. Plusieurs de ces témoins et témoins-experts s’exprimeront en serbe.

Conformément au paragraphe 2 de l’article 70 du Règlement de la Cour, la Serbie-et-Monténégro a

pris les dispositions voulues pour assurer lrprétation consécutive du serbe dans l’une des

langues officielles de la Cour: l’anglais ou lnçais. Le Greffe en assurera l’interprétation

simultanée dans l’autre langue offici elle. Les déclarations et questions des agents et conseils des

Parties en anglais ou en français seront intrétées en serbe à l’intention du témoin ou du

témoin-expert. La même procédure sera suivie,mutatis mutandis , pour les instructions que je

pourrais vouloir donner au témoin ou au témoin-expe rt et pour les questions qui pourront lui être

posées en anglais ou en français par le président au nom de la Cour ou par les juges à titre

individuel. En application du paragraphe 2 de l’ar ticle 70 du Règlement de la Cour de la Cour, le

Greffe contrôlera l’interprétation assurée par les interprètes de la Serbie-et-Monténégro.

Je demande à présent aux interprètes de la rbie-et-Monténégro de faire la déclaration

prévue au paragraphe 4 de l’article 70 du Règlement de la Cour. Madame Končar-Nikolić.

MKmOeN ČAR-NIKOLIĆ: Je déclare solennellement, en tout honneur et en toute

conscience, que mon interprétation sera fidèle et complète.

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Madame Kraljević.

MKmRALJEVI Ć : Je déclare solennellement, en tout honneur et en toute conscience, que

mon interprétation sera fidèle et complète.

Le PRESIDENT : Merci. Madame Nikčević.

MNmIe ČEVIĆ: Je déclare solennellement, en touhonneur et en toute conscience, que

mon interprétation sera fidèle et complète.

Le PRESIDENT : Merci. Monsieur Pavlović. - 3 -

11 PAMV.LOVI Ć : Je déclare solennellement, en tout honneur et en toute conscience, que mon

interprétation sera fidèle et complète.

Le PRESIDENT : Je vous remercie.

Le premier témoin appelé à la barre par la Serbie-et-Monténégro est M. Vladimir Lukić. Le

témoin peut à présent être introduit dans la sa lle d’audience. Je voudrais également demander à

l’interprète de prendre place à côté de lui.

[Le témoin entre et prend place à la barre.]

J’Luitie ć à faire la déclaration solennelle prévue à l’article64, alina) du

Règlement de la Cour.

LMUK. I Ć [interprétation du serbe] : Je déclare solennellement, en tout honneur et toute

conscience, que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

Le PRESIDENT: Merci. Je voudrais rappe ler au témoin qu’il devra régulièrement

s’interrompre pour permettre l’interprétatioconsécutive. Je donne à présent la parole à

M. Brownlie pour qu’il commence à interroger le témoin.

M. BROWNLIE: Je voudrais inviter le témoin à fa ire sa déclaration devant la Cour et je

propose qu’il s’adresse directement à la Cour et non à moi-même.

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Madame le président, Messieurs de la Cour, merci de

me donner cette possibilité de faire une déclaration. Je voudrais saluer les membres de la Cour.

Le PRESIDENT : Veuillez poursuivre, je vous prie.

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Je m’appelle Vladimir Lukić. Je suis né en 1933, dans

le village de Tabar, municipalité de Sanski Most. J’ai obtenu mon diplôme d’études supérieures au

département de géologie de la faculté d’architeure, de génie civil et de géologie de Zagreb

en 1961. J’ai obtenu mon doctorat à la faculté de génie civil de Sarajevo en 1990. Je suis l’un des

fondateurs de la faculté d’architecture et de gcivil de Banja Luka et j’ai été doyen de cette

faculté de 1996 à 2002.

1Du erjuillet au 19 décembre 1992, j’ai été le repr ésentant de la Republika Srpska auprès de

la FORPRONU à Sarajevo, et du 20janvier1993 au 18 août1994, j’ai été premier ministre de la

12 Republika Srpska. En qualité d’expert, j’ai partic ipé aux négociations de paix de Dayton en 1995. - 4 -

Je suis membre de la Commission sur la délimita tion des frontières de la Bosnie-Herzégovine et

des Etats voisins.

Dans ma déclaration devant vous, aujourd’hui, je vais exposer la façon dont j’ai perçu les

événements survenus pendant la guerre en Bosn ie-Herzégovine. Je vais également parler des

activités des organes de la Republika Srpska et de nos relations avec la République fédérale de

Yougoslavie et d’autres entités dans le cadre de la Bosnie-Herzégovine. J’espère que cette

déclaration, que je fais en ta nt qu’ancien premier ministre de la Republika Srpska, aujourd’hui

citoyen de la Republika Srpska et de la Bosnie-Her zégovine, aidera la Cour à établir toute la vérité

quant aux événements qui ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine.

Dès sa création en 1992, la Republika Srpska, qui portait alors le nom de République serbe

de Bosnie-Herzégovine, a possédé tous les attr ibuts d’un Etat excepté la reconnaissance

internationale. Elle disposait, sur l’ensemble de son territoire, de tous les organes de l’Etat, à

savoir une assemblée nationale, un gouvernement, d es autorités locales et/ou municipales, un

système de justice, des services de santé et d’ enseignement. Elle avait également son propre

système bancaire et financier, notamment une banque nationale, une devise nationale, un budget et

un service des opérations de paiement. La Republik a Srpska avait aussi sa propre armée et sa

propre police, avec un système complet de commandement et d’appui logistique pour ces deux

structures. La qualité d’Etat de la Republika Srps ka n’était pas contestable pendant le déroulement

des nombreuses négociations internationales qui ont eu lieu. La Republika Srpska a également été

reconnue dans le cadre des accord s de Washington entre Croates et Musulmans, et elle a reçu sa

reconnaissance définitive dans le cadre des accords de paix de Dayton-Paris.

Le Gouvernement de la Republika Srpska, dont j’ai été le premier ministre du

20 janvier 1993 au 18 août 1994, était l’organe suprême de l’exécutif de l’Etat. Pendant mon

mandat, nous avons tenu quarante-qua treconseils des ministres. Durant toute la durée de ce

gouvernement, il y avait la guerre en Bosnie-Herzégovine.

La principale tâche du gouvernement était de permettre aux organes de la Republika Srpska

de fonctionner, et de garantir la protection de sa population ainsi que la satisfaction de ses besoins

fondamentaux. Du fait du blocus international, la situation était très difficile. La Republika Srpska - 5 -

était envahie par des flots de réfugiés provenant de la Fédération de Bosnie -Herzégovine et de la

Croatie.

13 Même dans ces conditions de guerre particuliè rement difficiles, le gouvernement a réussi à

s’occuper aussi d’autres problèmes, tels que les qu estions de législation, l’état financier des

systèmes de santé et d’enseignement et aussi, plus particulièrement, les transports et les

communications.

Nous avons également cherché à lutter contre la délinquance qui, à cause de la guerre et des

difficultés économiques du moment, constituait l’un des problèmes majeurs auxquels était

confrontée la Republika Srpska. Un grand nombre de volontaires arrivaient sur le territoire de la

Republika Srpska, parmi lesquels beaucoup d’individus qui cherchaient à profiter de la guerre pour

réaliser des gains personnels et commettre des délits. Il nous fallait lutter contre ces pratiques avec

les moyens dont nous disposions; nous n’avons malheureusement pas entièrement réussi.

Le gouvernement agissait conformément à la cons titution et à la législation en vigueur, et il

exerçait ses fonctions en toute indépendance. En tant que premier ministre, je puis affirmer qu’il

n’y avait absolument aucune ingérence dans ses activités de la part d’aucun individu ou organe

serbe ou yougoslave.

L’autonomie et la reconnaissance de la Repub lika Srpska étaient également manifestes dans

les négociations conduites avec les représentants de la communauté internationale. Toutes les

négociations qui avaient pour but de mettre un te rme à la guerre en Bosnie-Herzégovine étaient

conduites par des représentants habilités de la Re publika Srpska, et le gouvernement était tenu

régulièrement informé des progrès de ces négociati ons lors des séances de l’Assemblée de la

Republika Srpska.

Les négociations en vue d’un règlement pacifique de la crise en Bosnie-Herzégovine, qui ont

duré plusieurs années, ont débuté avec le plan Cutilh eiro; celui-ci a été rejeté à cause de l’attitude

négative de Alija Izetbegović, et toute chance d’éviter la guerre en Bosnie-Herzégovine a alors été

perdue.

Un deuxième plan de paix qui a été à l’origin e de graves conflits dans les relations avec la

République fédérale de Yougoslavie et qui a eu de nombreuses conséquences négatives pour la

Republika Srpska est le plan Vance-Owen, que l’Assemblée de la Republika Srpska a rejeté. - 6 -

Les conséquences de cette décision de la Republika Srpska sur nos relations avec la

République fédérale de Yougoslavie furent éviden tes. Après le rejet du plan Vance-Owen, les

dirigeants politiques de la Republika Srpska n’ont pl us été autorisés à se rendre sur le territoire de

la République fédérale de Yougoslavie et le niveau de la coopération économique avec cette

dernière a nettement baissé.

14 Un an plus tard seulement, lorsque l’Assembl ée de la Republika Srpska a rejeté le plan de

paix du groupe de contact, des sanctions ont ét é imposées à la région de la Drina sous la

surveillance des observateurs des Nations Unies, et ces sanctions ont rendu extrêmement difficiles

le fonctionnement de Republika Srpska et la vie de ses citoyens. Durant la période d’application

des sanctions, tout ce que nous recevions de la République fédérale de Yougoslavie, c’était de

l’aide humanitaire.

Mme KORNER : Excusez-moi, mais j’ai une question de procédure.

Le PRESIDENT : Oui, Madame Korner ?

Mme KORNER: Le témoin lit rapidement la dé claration qu’il a préparée. L’interprète a

manifestement une traduction anglaise et il la lit à la même vitesse. Mais, pour ma part, je suis

totalement incapable de prendre note correctement de ce qui est dit, et il y a là des choses qui

peuvent être importantes. Est-ce qu’il me serait possible d’avoir un exemplaire de la déclaration en

anglais ?

Le PRESIDENT: Merci. Y a-t-il un texte anglais? Non, il n’y en a pas et dans ce cas je

demanderai au témoin de bien vouloir parler plus lentement, afin que le conseil de la

Bosnie-Herzégovine puisse prendre note de ce qu’il dit. Ce n’est peut-être pas, en fait, au témoin

de parler plus lentement, mais plutôt à l’interprète. Merci.

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Durant la période d’application des sanctions, tout ce

que nous recevions de la République fédérale de Yougoslavie, c’était de l’aide humanitaire.

Je pense que je dois dire ici qu’il n’a jamais été possible d’interdire aux citoyens de la Serbie

d’aider les membres de leur famille vivant dans d es conditions si difficiles sur le territoire de la

Bosnie-Herzégovine. Le fait est que 90% de l’ai de venant de Serbie provenait de zones dans

lesquelles s’étaient installées des personnes originaires de Bosnie-Herzégovine. Même - 7 -

aujourd’hui, il ne fait pas de doute qu’il y a en Serbie davantage de Serbes originaires de

Bosnie-Herzégovine qu’il n’y a de Serbes vivant en Bosnie-Herzégovine. Par exemple, de

nombreux universitaires réputés, de nombreuses pers onnalités et d’éminents représentants de la

Serbie sont nés en Bosnie-Herzégovine: c’est le cas du défunt premier ministre de la République

de Serbie, M. Zoran Djindjić, ou de l’actuel président de la Serbie, M. Boris Tadić.

Jusqu’à la proclamation de l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine et à sa reconnaissance

par la communauté internationale en avril19 92, la population serbe de Bosnie-Herzégovine a

considéré l’armée populaire yougoslave comme s on armée. A cette époque, cette armée était

essentiellement composée d’officiers et de soldats d’origine ethnique serbe, venant de

15 Bosnie-Herzégovine. Cette situati on résultait de décisions antérieu res des présidents Tudjman et

Izetbegović, selon lesquelles tous les soldats et officiers croates et musulmans devaient quitter

l’armée populaire yougoslave et rejoindre l’arm ée nationale nouvellement constituée. Après la

décision de la République fédérale de Yougosla vie de retirer l’armée populaire yougoslave de

Bosnie-Herzégovine, l’Assemblée de la République serbe a adopté le 12 mai 1992, à Banja Luka,

la décision de constituer l’armée de la Republika Srpska. Cette armée n’a été formée qu’après que

les deux autres peuples de Bosnie-Herzégovine eurent constitué les leurs. Après le retrait de

l’armée populaire yougoslave, la plupart de ses anciens officiers originaires de Bosnie-Herzégovine

ont rejoint les rangs de la nouvelle armée de la Republika Srpska.

L’armée de la Republika Srpska était l’armé e du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine, et ses

activités étaient entièrement dirigées par les orga nes de la Republika Srpska, conformément à la

Constitution de cette République et autres lois applic ables en la matière. Personne d’autre n’aurait

pu commander l’armée de la Republika Srpska et à ma connaissance, nul n’a même essayé de le

faire.

En ce qui concerne les armeme nts de l’armée de la Republika Srpska, il est bien connu que

la République fédérale socialiste de Yougoslavie, dans son plan de défense stratégique, avait prévu

de concentrer ses activités en Bosnie-Herzégovine. C’est la raison pour laquelle il y avait dans

cette région une énorme quantité d’armes et de matériel de combat, surtout après que l’armée

populaire yougoslave se fut retirée de Slovénie, de Croa tie et de Macédoine. Il y avait en outre en

Bosnie-Herzégovine une capacité considérable de production d’équipement militaire et - 8 -

d’armement. Bien qu’elle eût quitté la Bo snie-Herzégovine en mai1992, l’armée populaire

yougoslave avait emporté avec elle une importante quantité d’armes et de matériel, dont une bonne

partie avait été fabriquée en Bosnie-Herzégovine et constituait la base de l’équipement des armées

des trois peuples.

Pendant toute la guerre, la Republika Srpska a fabriqué des armes dans ses usines, dont une

partie, le produit semi-fini, était ensuite transformédans les usines de la République fédérale de

Yougoslavie et faisait donc partie des échanges avec cette dernière. Selon les statistiques dont je

dispose, l’armée de la Republika Srpska payait surtout le matériel militaire qu’elle recevait d’autres

Etats. Il est de fait que l’armée de la Republika Srpska s’appr ovisionnait auprès de différentes

16 sources étrangères, y compris, mais pas seulement, la République fédérale de Yougoslavie. Je n’ai

pas vraiment besoin d’in sister sur le fait qu’il y avait di fférentes filières de contrebande pour

approvisionner chacun des trois belligérants en Bosnie-Herzégovine. Lorsque Trnovo, petite ville

située à 20 kilomètres environ au sud de Sarajevo, a été libérée, on y a trouvé sur les positions

musulmanes des munitions fabriquées à l’usine de Prvi Partizan, à Užice, en Serbie. Au début de la

guerre, les Musulmans ont bombardé la position de l’armée de la Republika Srpska avec des obus

fabriqués à l’usine de Pretis, à Vogošća, en Republika Srpska, et qui d’ailleurs avaient été fabriqués

deux jours seulement avant leur utilisation.

Au cours de mon mandat de premier ministre de la Republika Srpska, j’ai eu de nombreux

contacts avec les représentants de la République auto nome de Bosnie occidentale, que dirigeait le

président Fikret Abdić. Nous n’étions pas en guerre avec lui, nos relations étaient plutôt bonnes et

nous coopérions. J’ai rencontré M. Abdi ć à deux reprises, dont une fois à Velika Kladuša, en

présence de M. Jadranko Prlić, président de l’Herceg-Bosna, qui est l’entité croate.

Mon second entretien avec M. Abdić a eu lieu à Vojnić. Ces entretiens ont porté surtout sur

des questions humanitaires, le traitement médical de s blessés et des citoyens en général, ainsi que

la promotion des relations économiques entre la Ré publique autonome de Bosnie occidentale et la

Republika Srpska. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour aider la population de la

République autonome de Bosnie occidentale.

Pendant mon mandat, à partir de juin 1993, nous avons également établi des relations avec le

Gouvernement de l’Herceg-Bosna, l’entité croate en Bosnie-Herzégovine. Un grand nombre de - 9 -

réunions ont eu lieu dans ce cadre à Livansko Polje, Kupres, Livlno, Banja Luka et ailleurs encore.

Malgré la situation difficile qui a suivi la rupt ure de nos relations avec la République de Serbie,

l’Herceg-Bosna nous a permis d’importer une quantité considérable de carburant, dont nous avions

besoin pour l’agriculture ainsi que pour notre armée. Pour sa part, la Republika Srpska a permis à

des dizaines de milliers de réfugiés croates venus de Vareš, Kakanj, de Bosnie centrale et d’Usora,

qui avaient quitté leur domicile pendant le conf lit entre Croates et Musulmans en 1993, d’échapper

à une mort presque certaine. Après l’offensive musulmane qui les avait chassés de Bosnie centrale,

ces réfugiés ont été accueillis et hébergés en Repub lika Srpska et ceux qui le souhaitaient ont pu

17 regagner en toute sécurité le territoire de la Répub lique de Croatie. Un très important accord a été

conclu d’une part sur un échange global de prisonniers et d’autre part sur un cessez-le-feu.

L’objectif de toutes les négociations avec les représentants de la République autonome de la

Bosnie occidentale et de l’Herceg-Bosna était de mettre un terme à la guerre en

Bosnie-Herzégovine. Malheureusement, la partie musulmane n’a pas réag i à cette initiative et a

recherché une solution dans la poursuite de la guerre.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup. Monsieur Brownlie, vous pouvez maintenant interroger

le témoin.

M. BROWNLIE: Merci, Madame le président. Monsieur Luki ć, je vous remercie pour

votre exposé. J’aurais une ou deux questions à vous poser. Voici la première : pourriez-vous, s’il

vous plaît, décrire à la Cour les ressources financières de la Republika Srpska ?

LMUK. I Ć [interprétation du serbe] : Pour être tout à fait sincère, je dirais que nous

avions… qu’elles provenaient d’un peu part out. Cependant, les principales sources de

financement étaient les impôts, les taxes et les dr oits de douane. Nous av ions aussi des recettes

provenant des exportations de différentes matières prem ières, à savoir des produits forestiers et des

minéraux, ainsi que des exportations d’énergie électri que, d’électricité. Pour être plus précis, nous

vendions de l’électricité à la Serbie, au Monténégro et à la Croatie. Nous avons également émis

des emprunts. En outre, nous recevions des dons de nos propres citoyens et de nos amis dans le

monde entier. Nous exportions également un cer tain nombre de produits semi-finis vers quatre ou

cinqpays européens. Enfin, comme je l’ai dé jà dit, nous recevions des dons de nos citoyens, - 10 -

différents pays nous offraient de l’aide, etc. Je voudrais juste préciser que, pendant la guerre, nos

usines tournaient en fait à un régime bien supé rieur à ce qui a été le cas pendant de nombreuses

années après la fin de la guerre.

M. BROWNLIE : Merci. Monsieur Luki ć, pourriez-vous, s’il vous plaît, décrire le rôle que

vous avez joué dans les négociations de paix de Dayton ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : A propos de Dayton, perm ettez-moi tout d’abord de

dire que nous nous trouvions, en Republika Srpska, dans une situation géné rale particulièrement

difficile.

Je ne me lancerai pas dans une description de toutes les forces qui nous ont pris

d’importantes portions de territoire. La Republik a Srpska était submergée par les réfugiés, dont

environ quatre-vingtmillevenaient de la Krajina bosniaque. Et plus de deux centmille Serbes

18 avaient fui la Krajina serbe, c’est-à-dire la Croa tie. Bien que tous, sauf quarantemille personnes

peut-être, soient partis ensuite en Serbie, c’ét ait néanmoins un énorme fardeau pour la Republika

Srpska.

Quoi qu’il en soit, le groupe de contact a demandé à la Republika Srpska de décider qui la

représenterait à Dayton. L’Assemblée de la Repub lika Srpska a décidé que la Republika Srpska

devait être représentée à Dayton par Slobodan Milošević. Les représentants de la Republika Srpska

devaient faire partie d’une délégation yougoslave unique. Il s’agissait du président de l’Assemblée,

du ministre des affaires étrangères, du vice-pr ésident, de deux juristes et de deux experts

indépendants de différents domaines.

Les négociations proprement dites de Dayton ont été assez longues, et ce, à mon avis,

essentiellement parce que tout le monde y a posé d es conditions jusqu’au-boutistes. Certaines des

exigences formulées reprenaient mê me des aspirations qui n’avaient pas été satisfaites par la

guerre, et que les parties voulaient voir réaliser à Dayton. Les négociations ont donc été très

longues. Toutes les options étaient sur la table. L’activité diplomatique était intense, les pressions

aussi, et, autant que je sache, le délégué des Etats-Unis a fini par imposer un accord qui ne

satisfaisait en réalité personne ce qui, peut-être, n’était pas plus mal. - 11 -

M. BROWNLIE : Merci. Sachant que vous avez passé l’année 1992 à Sarajevo, je voudrais

maintenant vous demander de bien vouloir expliquer à la Cour votre point de vue sur la situation

qui y régnait à cette époque ? Ce sera ma dernière question.

LMU.KI Ć [interprétation du serbe] : Comme la Yougoslavie dans son ensemble, la

Bosnie-Herzégovine, et Sarajevo en particulier, éta it, jusqu’à la création des partis nationaux, une

région belle et paisible. Puis, les désaccords et les divisions interethniques ont commencé à se faire

sentir. Cette discorde a également été attisée par la déclaration islamique d’Alija Izetbegovi ć, ainsi

que par sa déclaration disant qu’il sacrifierait la paix à l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine.

Malheureusement, on a commencé alors à assister à des meurtres de citoyens dans les rues,

de soldats dans les casernes, dans la rue, dans le foyer de l’armée, à l’hôpital, etc. L’assassinat de

cinq personnes d’une même famille ⎯ vous savez bien entendu de qui il s’agit ⎯ n’a fait

qu’envenimer les choses. Je ne vais pas énumérer les lieux où ces différents meurtres ont été

commis, où les gens ont été tués. Je suis sûr que vous avez déjà eu beaucoup d’informations sur ce

sujet.

Un jour, il me semble que c’était le 16 mai, je me trouvais sur les hauteurs, sur les pentes

nord de Vrace. J’ai vu les forces de police et les unités militaires attaquer le village de

19 Gornja Pofalići. Ce jour-là, ils ont chassé sixmille serbes, et cent villageois ont été portés

disparus, leur sort restant à ce jour inconnu.

De par mon métier, je connais bien Sarajevo et toute la Bosnie-Herzégovine. J’y ai dirigé

trois institutions et, en tant que directeur des sevices de géodésie, j’ai aussi fondé la chaire de

géodésie à la faculté, et j’y ai enseigné à partir de 1976. J’ai, bien sûr, le plan de Sarajevo devant

moi afin de pouvoir le consulter. A l’époque, Sarajevo était une ville divisée, et les fusillades

avaient déjà commencé.

Le PRESIDENT: Monsieur Luki ć, je vois que votre interprète aimerait que vous vous

interrompiez.

LMK . I Ć [interprétation du serbe] : Parmi les événements auxquels j’ai assisté là-bas, il y

en a un, le plus triste d’entre tous, qui m’a ra ppelé un souvenir de ma petite enfance lorsque, âgé

d’à peine huitans, j’avais vu de mes propres yeux un peloton d’exécution assassiner - 12 -

cinqmilleSerbes, juifs et Roms. Je me suis dit, plus d’une fois, que c’était un réel privilège de

mourir par balle, compte tenu de la situation qui régnait dans la Sarajevo de l’époque.

Pour le reste, je n’appartenais à aucun parti et, à partir des années quatre-vingt-dix, j’étais un

professeur d’université chargé de la mise en plac e d’organes gouvernementaux et, selon moi, les

organes gouvernementaux devaient, à ce stade, s’in spirer des structures d’ avant-guerre. J’ai été

nommé représentant de la Republika Srpska auprès de la FORPRONU et j’ai pris mes fonctions le

1 ejuillet 1992. Ayant accepté ces fonctions, j’ai dû faire face à une série de problèmes auxquels je

n’étais pas du tout préparé. Par exemple, je devais trouver le moyen de permettre aux gens de

quitter Sarajevo, ou sauver des personnes qui étai ent accusées de différentes choses, alors que la

guerre n’avait même pas commencé. L’une de mes missions était de permettre à différents convois

⎯dont ceux de Children’s Embassy et de la Croix- Rouge internationale, celui des Juifs, celui de

l’Eglise catholique, avec des religieuses ⎯ de quitter la ville, et je peux vous assurer que j’ai fait le

maximum pour permettre à ces personnes de par tir. Je recevais chaque jour entre dix et

deuxcentspersonnes, et beaucoup d’entre elles av aient été battues, beaucoup avaient séjourné en

prison, et toutes avaient très peur. C’étaient pour l’essentiel des Serbes, parce que les autres

trouvaient le moyen de quitter Sarajevo, alors que le s Serbes, eux, n’en avaien t pas le droit. S’ils

partaient, c’était uniquement par des voies clandestines diverses.

20 Le PRESIDENT: Nous allons marquer une pa use pendant le changement d’interprète…

MonsieurBrownlie, nous nous sommes pas mal él oignés de votre question. Apparemment, nous

entendons un nouvel exposé.

M. BROWNLIE : Puis-je demander au témoin de conclure sa réponse à la question que je lui

ai posée ? Merci, Madame le président.

LMUK. I Ć [interprétation du serbe] : Ce que je voudrais dire, c’est qu’à l’époque, de

nombreuses prisons ont été établies à Sarajevo et que certaines d’entre elles méritent d’être

qualifiées de camps. Je connaissais l’existence d’un grand nombre de ces prisons et camps mais, il

y a un an, l’association des anciens prisonniers et détenus de ces prisons et camps a recueilli des

documents indiquant qu’il en avait existé cent vi ngt-six et elle a présenté ces documents à

Mme Carla del Ponte. - 13 -

Sarajevo était une ville divisée dès le début de la guerre mais, contrairement à ce que

beaucoup prétendent, n’était pas une ville sous bloc us. L’armée de la Republika Srpska interdisait

l’accès à la partie est de Sarajevo, parce qu’il s’ y trouvait un certain nombre de positions militaires

très importantes qu’elle devait occuper. Mais l’armée musulmane avait elle aussi une position

dominante au nord, au nord-ouest, au sud et au sud-ouest de la moitié ouest de la ville.

M. BROWNLIE : Puis-je interrompre l’interprète ? Madame le président a indiqué que nous

avions des contraintes de temps, si vous pouvi ez donc expliquer à notre témoin qu’il lui faut

vraiment conclure assez vite.

LMK. I Ć [interprétation du serbe] : Il est vrai que si je devais décrire en détail tout ce que

je sais au sujet des événements qui se sont déroulés à Sarajevo, je pourrais continuer à parler très,

très longtemps, pendant des heures. Au lieu de cela, peut-être me permettrez-vous juste de signaler

qu’une femme très courageuse a écrit un livre sur tout ce qui s’est passé dans cette ville, un

ouvrage intitulé Don’t Cry for Sarajevo [Ne pleurez pas sur Sarajevo]. Le mieux serait peut-être de

le lire pour savoir ce qui s’est passé. Je ferais sans doute mieux de conclure ici. Je vous remercie

beaucoup.

M. BROWNLIE : Madame le président, ainsi s’achève mon interrogatoire principal.

Le PRESIDENT: Merci, Monsieur Brownlie. Je donne à présent la parole à MmeKorner

pour son contre-interrogatoire.

21 Mme KORNER: Monsieur Luki ć, je dois vous dire honnêtement que nous contestons un

grand nombre des affirmations que vous avez faites dans votre déclaration écrite. Mais notre temps

est limité, et je ne pourrai donc en aborder que quelques-unes. Je vous demanderai donc d’essayer

de répondre à toutes mes questions le plus brièveme nt possible. Permettez-moi de commencer là

où vous vous êtes arrêté ⎯à Sarajevo. Reconnaissez-vous que Sarajevo a été pilonnée par les

forces de l’armée serbe de Bosnie pendant des années ?

LMU.KI Ć [interprétation du serbe] : Sarajevo était une zone protégée. Néanmoins,

certaines positions serbes situées autour de la villeet notamment le village dont ma famille est

originaire ⎯je l’ai déjà mentionné, il s’appelle Grbavica ⎯ ont essuyé des tirs incessants venant

de Sarajevo. - 14 -

Comme j’ai tenté de l’expliquer, différentes institutions telles que l’hôpital, le centre de

protection de l’enfance ou la faculté où j’enseignais ont essuyé des tirs. Je suis intervenu à de

nombreuses reprises auprès de la FORPRONU pour dire qu’il était inacceptable qu’un véhicule

s’approchant de tel ou tel lieu commence à tirer uniquement pour provoquer une riposte de l’autre

camp. Si l’on considère qu’environ cinquante m ille soldats se trouvaient à l’époque à Sarajevo,

qu’il y avait également d’autr es groupes armés, des groupes paramilitaires, un groupe terroriste

appelé Seve (alouettes) qui avait été créé sur les ordres directs d’Alija Izetbegovic en mai…

Le PRESIDENT : Puis-je vous interrompre, Monsieur Luki ć ? Vous devez comprendre que

le conseil doit disposer du même temps pour son c ontre-interrogatoire et que cela implique que les

réponses à ses questions soient aussi succinctes que possible. La question qui vous a été posée est

très précise… Je vous remercie. Je redonne la parole à Mme Korner.

Mme KORNER : Monsieur Luki ć, je vous ai posé une question très simple à laquelle il est

possible de répondre par oui ou par non. Je vais la poser encore une fois en vous demandant une

réponse simple : reconnaissez-vous que Sarajevo a ét é bombardée par des forces serbes de Bosnie

pendant plusieurs années ?

LMU.KI Ć [interprétation du serbe] : En règle générale, l’armée serbe de Bosnie n’a

bombardé que des objectifs militaires dans la ville . En violation des règles de la guerre, les

autorités de Sarajevo n’ont jamais séparé les objectifs militaires des objectifs civils et c’est

pourquoi, à plusieurs reprises, des erreurs ont été commises dans les bombardements.

Mme KORNER: Autrement dit, vous ne rec onnaissez pas que les fo rces serbes de Bosnie

aient à aucun moment tiré délibérément sur des ci vils, c’est bien cela? Je voudrais que vous me

répondiez par oui ou par non, s’il vous plaît.

22 LMK. I Ć [interprétation du serbe] : Eh bien, je vous remercie du conseil, mais je pense

que personne à Sarajevo, quel que soit son camp, n’était en mesure d’estimer, de mesurer ou

d’affirmer après coup que telle ou telle bombe aurait dû être envoyée et telle autre pas.

Mme KORNER: Soit. Passons à un autre sujet. Madame le président, j’ai oublié à quel

moment vous aviez prévu une pause.

Le PRESIDENT : Nous attendrons la fin de votre contre-interrogatoire. - 15 -

Mme KORNER: Je vais aborder maintenant les questions financières. Dans votre exposé,

vous avez dit à la Cour que la Republika Srpskaavait son propre système bancaire, son propre

budget ⎯ et vous êtes allé si vite que je n’ai pas compris la suite ⎯, mais c’est bien cela que vous

avez déclaré, n’est-ce pas ?

Voulez-vous dire que votre système financier était totalement indépendant de toute aide de la

République fédérale ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Eh bien, je dois dire que je déplore que la Republika

Srpska n’ait pas eu d’autre possi bilité, ou d’autre moyen, de se financer, contrairement à l’Etat

musulman qui, le 8 juin 1992, a reçu du roi Fahd un don s’élevant à huit milliards de dollars pour la

guerre en Bosnie-Herzégovine. N’ayant pas bénéfi cié de telles ressources, et ne disposant pas

d’autre source de financement, nous avons dû nous contenter de nos propres moyens; c’est la raison

pour laquelle nous avons connu une inflation galopante, compte tenu de ce que nous pouvions faire

à l’époque pour joindre les deux bouts.

Mme KORNER : Monsieur Lukić, je ne vous ai pas demandé comment le Gouvernement de

Bosnie-Herzégovine se finançait, mais si vous affirmiez, oui ou non, que vous étiez indépendant de

la République fédérale. Dois-je déduire de cque vous m’avez dit que la réponse est non: que

vous étiez dépendant d’elle ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Oui.

Mme KORNER: C’est peut-être ma faute, ma is il a dit oui et vous aussi. Etiez-vous

dépendant de la République fédérale de Yougoslavie, oui ou non ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Non.

Mme KORNER: Bien, vous souvenez-vous de votre budget pour l’année 1993, publié au

Journal officiel le 25 mars 1994 ?

Le PRESIDENT : La réponse est sûrement négative. Avez-vous l’intention d’en remettre un

exemplaire au témoin ?

23 Mme KORNER : Une fois que je lui aurai soumis les chiffres, j’en remettrai un à l’interprète

car j’ai la traduction anglaise. - 16 -

Le PRESIDENT : Oui, mais l’interprète ne pourra répondre que ce que le témoin dira, et ce

dernier doit pouvoir consulter le document.

Mme KORNER : Je vais lui donner le document; co mme je l’ai dit, il s’agit de la traduction

anglaise.

Très bien. Le temps nous étant compté, puis-je vous indiquer que le budget s’élevait au total

à quelque sept cent trente-deux millions de dinars , dont sept cent trente et un millions étaient des

crédits de la République fédérale de Yougoslavie? Pardon, je v oulais dire milliards. Etes-vous

d’accord sur ce point ?

Ce que je veux dire est assez simple, et cela ressort du document : c’est que le budget total

publié au Journal officiel du 30 mars 1994 s’élevait à un peu plus de sept cent trente-deux milliards

de dinars. Sur ce montant, les crédits ⎯êtes-vous d’accord sur ce point, Monsieur Luki ć ⎯, les

crédits accordés par la Banque nationale de Y ougoslavie à Belgrade représentaient plus de

sept cent vingt-neuf milliards de dinars.

Le PRESIDENT : Monsieur Lukić, êtes-vous en mesure de répondre à la question ?

LMUK. I Ć [interprétation du serbe] : Je dois tout d’abord dire, et j’insiste sur ce point,

qu’en citant ces chiffres, vous avez oublié de dire qu’il y avait à l’époque une hyperinflation.

D’autre part, lorsqu’on adopte un budget, c’est un an avant que… Il s’agit donc là d’un budget

rectificatif.

Le PRESIDENT: Arrêtons-nous sur ce point car il est important que nous comprenions le

sens exact de ce que vous dites.

LUK . I Ć [interprétation du serbe] : Je ne peux pas répondre simplement au vu de ces

chiffres. Ce n’est pas suffisant, je ne peux pas dire, sur un simple coup d’Œil, si cela était dû à

l’hyperinflation ou si nous faisions juste marcher la planche à billets ⎯ce que nous faisions, en

fait, tout le temps ⎯, ou encore s’il s’agissait de ressourcesque nous avions déjà dépensées, vu

qu’en 1993 il nous fallait bien quelque chose pour vivre. Personne ne peut vivre de l’air du temps.

Je ne peux pas dire s’il s’agissait là de crédits de la Banque nationale de Yougoslavie, tout

simplement parce que nous n’avions pas besoin d’ avoir recours à ces crédits dans la mesure où,

comme je l’ai expliqué, nous faisions tout le temps tourner la planche à billets. - 17 -

Mme KORNER: Votre réponse est-elle donc né gative? Vous ne vous souvenez pas avoir

reçu un crédit correspondant à la somme que j’ai indiquée ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Eh bien, en tout cas pas de ce montant. D’autres pays

nous accordaient également de tels crédits.

24 Mme KORNER: Je ne vais pas poser la qu estion une troisième fois. S’il vous plaît,

Monsieur Lukić, avez-vous, oui ou non, accepté un crédit co rrespondant à ce montant de la part de

la Banque nationale de Yougoslavie ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Non, car nous n’avions aucun besoin de recevoir des

crédits de la Yougoslavie, à l’exception de quel ques prêts occasionnels, dans la mesure où nous

avions suffisamment de produits et de biens à échanger avec la Yougoslavie.

Mme KORNER : Pouvez-vous me rendre le document, s’il vous plaît ? Monsieur Lukić, une

dernière question dans le domaine financier.

Avez-vous, en février1994, donné une conf érence de presse dans laquelle vous avez

annoncé que l’Assemblée de la Republika Srpska av ait décidé que la Republika Srpska rejoindrait

le système monétaire de la Yougoslavie ?

LUK. I Ć [interprétation du serbe] : Cela est partiellement exact, mais il ne faut pas

oublier autre chose. La Banque na tionale de Yougoslavie a fait du dinar une monnaie convertible.

Cela signifiait en pratique que la Banque émettait la quantité , ou le montant, de dinars

correspondant aux dépôts qu’elle recevait en deutsche marks. Il est vrai que j’ai eu des discussions

avec le gouverneur ⎯ le gouverneur de l’époque ⎯ de la Banque nationale de Yougoslavie. Cela

signifiait que la Republika Srpska pouvait recevoir de la Banque nationa le de Yougoslavie le

montant en dinars du dépôt qu’elle avait préalablement effectué en deutsche marks. Les conditions

étaient très strictes et la somme devait être exacte. La Republika Srpska effectuait alors ses propres

opérations et transactions avec les dinars conver tibles qu’elle achetait à la Banque nationale de

Yougoslavie.

Mme KORNER: Dernière question. Etiez- vous au courant de l’accord entre les trois

banques ⎯c’est-à-dire la Banque de la RSK, la RS ⎯ selon lequel la Banque de la Republika

Srpska était subordonnée à la Banque nationale de Yougoslavie. Etiez-vous au courant de cela?

Répondez par oui ou par non, s’il vous plaît. - 18 -

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Non et non.

Le PRESIDENT: Dois-je comprendre que vous ne saviez pas et que vous n’êtes pas

d’accord ? Est-ce cela que nous… J’essaie simp lement de comprendre à quoi vous avez répondu

«non et non».

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Eh bien, nous étions maîtres de notre propre destin,

dans la limite ou dans la mesure où nous disposions effectiv ement des fonds pour couvrir nos

dépenses. Pour nos opérations quo tidiennes, nous utilisions en effe t le mark convertible, et la
25

situation, surtout après les sanctions que j’ai évoquées, était très stricte à cet égard.

Mme KORNER: D’accord. Pouvons-nous passer à un sujet lié au précédent?

Considérez-vous que l’armée de la Republika Srpska, la VRS, n’avait besoin d’aucune aide, que ce

soit sur le plan matériel ou financier, de la part de la République fédérale de Yougoslavie ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Ce que j’ai dit c’est que, en raison des circonstances et

des décisions prises par les présidents Tudjman et Izetbegć, les soldats de la JNA d’origine

bosniaque et serbe continuaient de disposer de quantités importantes de matériel et d’armes.

Mme KORNER : Pardonnez-moi, mais si l’on excepte ce que la JNA avait laissé, êtes-vous

d’accord pour dire que des quantités considérablde matériel ont été fournies à la VRS par la

République fédérale de Yougoslavie ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Pour l’essentiel, je répète «pour l’essentiel», l’armée

de la Republika Srpska n’a pas reçu d’aide sous forme d’équipement ou d’armes sans payer.

Mme KORNER : Je ne vous ai pas demandé si vous aviez payé. Je vous ai demandé si, oui

ou non, ce matériel avait été fourni par la République fédérale de Yougoslavie.

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : En quantité négligeable, compte tenu de nos succès

militaires. Et permettez-moi d’aj outer ceci: au début de la gue rre, nous avions plus d’armes que

d’habitants. Par ailleurs, vous savez certainent que nous avons vend u une certaine quantité

d’armes à la Herceg-Bosna, qui était une entitécroate, ainsi qu’à la République autonome de

Bosnie occidentale. Pensez-vous que nous auri ons vendu ces armes, pour ensuite aller nous en

procurer auprès de quelqu’un d’autre ?

e
Mme KORNER: Avez-vous assisté à la 50 séance de l’Assemblée qui s’est tenue à

Sanski Most au mois d’avril 1995 ? - 19 -

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Non, je n’y étais pas, parce que je n’étais plus membre

du gouvernement. Cette séance s’est tenue après que mes fonctions eurent pris fin.

Mme KORNER: Vous avez évoqué la séance de l’Assemblée du 12mai à Banja Luka, au

cours de laquelle il avait été décidé de créer l’ armée de la République serbe. Avez-vous assisté à

cette séance là ?

26 LU.KI Ć [interprétation du serbe] : Non, parce que je ne suis devenu membre du

gouvernement qu’en janvier 1993.

Mme KORNER: Certainement, je comprends bien, mais c’était une assemblée capitale,

n’est-ce pas ? D’une importance majeure ? Ça a été une assemblée très importante, n’est-ce pas ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Une assemblée importante, oui. Importante parce que

c’est au cours de cette séance qu’une troisième armée a été créée en Bo snie-Herzégovine, l’armée

de la Republika Srpska, cette armée a été effectivement constituée un mois plus tard. Et l’idée et le

but étaient que cette armée défende les habitants de la Republika Srpska, car c’était là, à l’époque,

la condition de la survie biologique du peuple serbe.

Mme KORNER : C’est cela. C’est bien au cours de cette assemblée que Karadži ć a formulé

les six objectifs stratégiques du peuple serbe ? Veuillez répondre par «oui» ou «non», je vous prie.

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Pour commencer, je n’assistais pas à cette séance, et

ne peux donc répondre, car j’ignore qui a dit quoi, qui a proposé quoi ou fait quel commentaire.

Mme KORNER: Voyons, Monsieur Luki ć, prétendez-vous que vous ne saviez rien de ces

six objectifs stratégiques ?

LMUK. I Ć [interprétation du serbe] : Madame le président, Messieurs les juges, ce n’est

qu’il y a deux mois, peut-être trois, que j’ai texte de ces objectifs stratégiques. Je ne sais

vraiment pas dans quelles circonstances ils ont été formulés, mais je sais que j’ai un jour parlé de

ces questions avec le général Mladić. Parce qu’il me demandait, et demandait en fait au

gouvernement, d’indiquer l’idée, les buts que l’armée devait poursuivre, autrement dit où elle

⎯ l’armée ⎯ devrait s’arrêter. Bien sûr, j’en ai immédiatement rendu compte à M. Karadžić mais

lui s’est contenté de…en réalité, il n’a tout simpleme nt rien dit. Il n’a rien dit, et il ne m’a pas

informé qu’il existait déjà quelque chose de cet ordre, de sorte que je n’ai appris l’existence de ces

objectifs qu’il y a deux mois. - 20 -

Mme KORNER : Donc, vous n’en avez pas pris connaissance lorsqu’ils ont été publiés dans

le Journal officiel ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Il y a deux mois seulement.

Mme KORNER: Soit. J’aimerais maintena nt passer à un autre point. Lorsque vous avez

pris vos fonctions, en 1993, avez- vous accordé un entretien au joGlas Srpski ? Cette fois,

j’en ai le texte.

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Eh bien, il faudrait que je le voie.

27 Mme KORNER: Ma question porte sur une seule phrase. Avez-vous dit que l’une des

priorités de votre gouvernement était de protéger la propriété et les biens…

Le PRESIDENT: Je dois vous interrompre ici, Madame Korner. J’ai l’impression que le

document financier n’avait pas été soumis au témoin, mais pas non plus à l’agent de la

Serbie-et-Monténégro, et je ne crois pas qu’il av ait davantage été présenté à la Cour. Je pense que

nous nous retrouvons dans la même situation. Monsieur Obradovi ć, avez-vous quelque chose à

dire à ce propos ?

OMBR. ADOVI Ć : Merci, Madame le président, telle était justement mon objection. Nous

aimerions voir le document, pour pouvoir éventuellement y revenir lors du nouvel interrogatoire, et

pour en apprécier la recevabilité. C’est tout ce que j’avais à dire.

Le PRESIDENT: Je vous remercie. Je pen se qu’il vous sera difficile de poursuivre votre

contre-interrogatoire dans cette voie.

Mme KORNER : Madame le président, M. Luki ć s’est présenté devant vous, et il a fait une

déposition longue ⎯ très longue ⎯, remplie d’affirmations, dont aucune ne nous avait été

communiquée, et auxquelles il m’est très difficile réagir. Je n’ai pu que tenter de deviner

quelles questions il aborderait. Le document lui-même , je ne suggère pas de le verser au dossier.

Je l’ai là uniquement pour que, si le témoin demande ⎯ comme l’a fait M. Riedlmayer au cours du

contre-interrogatoire auquel l’a soumis Mme Fauveau-Ivanović ⎯ «Puis-je voir ce document ?», je

puisse le montrer et que l’on n’aille pas nosoupçonner de quelque s ubterfuge. Je voudrais

simplement que le témoin confirme une phrase.Nous ne cherchons pas à verser le document au - 21 -

dossier. Il est là uniquement pour aider le témoin , en toute équité, car nous pensons que c’est la

manière correcte de procéder.

Le PRESIDENT: Je vous autoriserai à citer cette phrase, et celle-là seulement, et vous

prierai ensuite d’éviter de parler de documents que vous n’avez pas produits.

Mme KORNER : Pouvez-vous confirmer, M. Luki ć ⎯ vous allez voir, c’est très simple ⎯,

avoir indiqué au Glas Srpski , en janvier 1993, que la protection de la propriété et des biens

constituait une priorité ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : C’est ce que j’ai toujours répété.

Mme KORNER : Pouvons-nous très brièvement… La protection de la propriété et des biens

était-elle une priorité de votre gouvernement ? Oui ou non ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : D’abord les personnes, puis tout le reste.

28 Mme KORNER: Avez-vous reçu de l’évêque de Banja Luka un certain nombre de lettres,

dans lesquelles il se plaignait de la destruction d’églises catholiques ?

LMUK. I Ć [interprétation du serbe] : La réponse est non, car j’ai rencontré l’évêque à

plusieurs reprises. Il est venu me voir, de sque nous avons eu des entretiens directs, et qu’il

n’avait aucun besoin de m’écrire.

Mme KORNER: Très bien. Lorsqu’il est venu vous voir, s’est-il plaint de la destruction

d’églises catholiques ? Oui ou non ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Vous savez, il n’y avait pas une seule personne qui

n’ait eu à se plaindre de la destruction de biend’autres, donc il s’est probablement plaint lui

aussi. Mais je ne me souviens pas de la nature exacte de ses griefs, ni des lieux dont il parlait.

Mme KORNER: Puis-je vous donner un exempl e? S’est-il plaint du fait que l’église

catholique de Bosanska Gradisvka avait été rasée en février 1993 ?

LMUK. I Ć [interprétation du serbe] : Nous le savions déjà et il n’avait pas besoin de

formuler une plainte et, dans ce contexte, je dois une fois de plus répéter que, aussi malheureux et

regrettable que ce soit, la destruction d’os religieux en Bosnie-Herzégovine, ou la tradition

consistant à détruire de tels biens, remonte à des siècles. Il n’y a pas eu une seule guerre dans ces

régions qui n’ait été à l’origine une guerre civile et religieuse. Ainsi, au cours de la seconde guerre

mondiale, des églises orthodoxes serbes et des mosquées ont été détruites ⎯ en grand nombre ⎯; - 22 -

et au cours du conflit dont nous parlons, d’autres églises ont aussi été détruites et, de même, non

seulement des objets et institutions religieux, mais également des objets et institutions historiques

et culturels. Après la destruction de la tombe marq uant le site où un village entier avait été détruit

pendant la seconde guerre mondiale, à Prebilovci… Et surtout après la démolition du monastère

orthodoxe serbe de Zitomislići, dans la vallée de la Neretva… Et surtout après la démolition de la

quasi-totalité des objets religieux à Mostar… Les événements avaient tout simplement pris un

cours qu’il était devenu impossible de maîtriser ⎯ impossible pour moi en tout cas.

Et j’ajouterai encore un mot. L’église dans laquelle j’ai été baptisé avait été démolie pendant

la seconde guerre mondiale. Elle a été ince ndiée pendant cette guerre-ci, et nous essayons

aujourd’hui de la reconstruire.

Le PRESIDENT : Madame KORNER, le temps qui vous est alloué touche à sa fin.

29 Mme KORNER : Très respectueusement, Madame le président, il était plus de 20 lorsqu’il a

terminé…

Le PRESIDENT : Veuillez poursuivre.

Mme KORNER: Fort bien, je ferai mes obs ervations plus tard. S’il vous plaît,

MonsieurLukic, répondez seulement à ma quest ion, car le manque de temps m’empêche de

poursuivre cet interrogatoire. Avez-vous pris d es mesures en vue de protéger les mosquées de

Banja Luka, qui furent détruites à l’explosif au cours de l’année 1993 ?

LMK . I Ć [interprétation du serbe] : Vous imaginez un premier ministre devant veiller à la

protection de chaque construction, et notamment de chaque lieu de cu lte ! Mais je dois dire, dans

ce contexte, que je suis tout particulièrement a ttaché à Banja Luka, et que je suis profondément

désolé que tout cela se soit produit. Cela dit, j’ ajouterai que nous avions des organes compétents

au sein du gouvernement, nous avions un ministère du culte, une police, et ils avaient bien sûr été

chargés de prendre les mesures requises pour prot éger tous les bâtiments, y compris les lieux de

culte. Et ils y veillaient tout particulièrement.Mais c’était la guerre, les événements évoluaient

sans arrêt, ils se bousculaient pour ainsi dire et, dans de telles circonstances, nous n’avons peut-être

pas assuré à temps la protection de chaque constr uction, mais ils avaient assurément reçu, en

principe, l’ordre de le faire. - 23 -

Mme KORNER: Je voudrais revenir sur un dern ier thème, et vous poser à ce propos une

⎯ ou deux ⎯ questions. Votre gouvernement a-t-il, le 7 avril 1993, adopté une décision en vue de

la constitution d’une commission du droit international ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : Je l’ignore. Il me faudrait consulter l’ordre du jour de

cette séance là pour vous répondre. C’est possiblSi mon interlocuteur l’ affirme, c’est qu’il l’a

probablement lu quelque part, et je n’ai aucune raison de douter de sa parole. Mais, parce que nous

avions en moyenne trente-huit questions à l’or dre du jour par séance, vous comprendrez aisément

qu’il m’est impossible de me les rappeler toutes.

Mme KORNER : Je peux peut-être vous rafraîchi r la mémoire. Cette commission visait-elle

notamment à aider les organes compétents à préparer leur défense dans l’instance introduite contre

la République fédérale de Yougoslavie pour génocide ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : C’est faux; c’est entièrement faux. Je n’ai à aucun

moment eu vent de cette demande, de cette requête, pendant la guerre, je n’en ai pas davantage eu

30 connaissance à Dayton. Si nous en avions eu connaissance, je peux vous assurer que nous nous

serions comportés de manière très différente à Dayton.

Mme KORNER: Donc, vous n’avez jamais, jamais, établi une telle commission, avec

l’objectif que je viens d’exposer ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : A mon tour de vous poser une question: Comment

aurais-je pu établir une commission à propos de quelque chose dont j’ignorais tout ?

Mme KORNER: Parce qu’une instance enga gée contre la République fédérale de

Yougoslavie n’avait rien à voir avec la Republika Srpska, n’est-ce pas ?

LUMK. I Ć [interprétation du serbe] : J’ignore de quelle instance vous voulez parler.

Mme KORNER : Bien, je vous remercie.

Le PRESIDENT: Je vous remercie. Monsie ur Brownlie, souhaitez-vous procéder à un

nouvel interrogatoire ?

M. BROWNLIE: M. Luki ć a fait une déposition fort détaillée. Nous n’allons pas

l’interroger à nouveau. Je vous remercie. - 24 -

Le PRESIDENT: La Cour va maintenant se retirer, mais les Parties et le témoin sont priés

de rester à proximité de la gra nde salle de justice. Si lour souhaite poser des questions au

témoin, elle reviendra dans la salle d’audience d’ic i quinze minutes. Dans le cas contraire, elle n’y

reviendra pas, et le Greffe en informera les Parties et le public. L’audience est levée.

L’audience est suspendue de 12 h 15 à 12 h 35.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Veuillez faire entrer le témoin et l’interprète.

Les juges Ranjeva, Simma, Tomka et Bennouna poseront des questions au témoin. Je

donnerai d’abord la parole au juge Ranjeva.

Judge RANJEVA: Thank you, Madam President.

Le PRESIDENT : One moment. Veuillez poursuivre, Monsieur Ranjeva.

Judge RANJEVA: Thank you, Madam President. Professor Luki ć, is it possible for you to

give the Court a very brief account of the powers exercised by the head of the Government of

31 Republika Srpska in the field of international relations? Thank you, Madam President.

LMUr. I Ć [interpretation from Serbian]: International relations were essentially a matter

for the President of the Republic and his immediate colleagues.

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Je donne maintenant la parole au juge Simma.

Le juge SIMMA: Je vous remercie, Madame le président. J’ai une question très précise à

poser à M.Luki ć. Qui porte, selon vous, la responsab ilité du bombardement par projectiles

incendiaires de la Bibliothèque nationale et de l’Institut oriental de Sarajevo ?

LMU.KI Ć [interprétation du serbe] : Je ne sache pas que ces institutions aient

spécifiquement été prises pour cibles. Je sais que l’incendie de la bibliothèque municipale n’a pas

été causé par des munitions ou des obus de l’armée de la Republika Srpska. Les prétendus cas de

bombardement n’étaient pas, en réalité, le fait la Republika Srpska, ils se sont produits dans

Sarajevo même, pour mobiliser l’opinion publique inte rnationale. Mais c’est là une question bien

plus vaste, et je suis sûr que vous en avez déjà beaucoup entendu parler. Je sais que les principaux

dirigeants de la Republika Srpska avaient reçu l’ordre de veiller à ce que les monuments culturels - 25 -

et les monuments historiques soient préservés. Cependant, il est probable qu’un certain nombre de

ces monuments ont aussi été touchés dans les échanges de coups de feu.

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Je donne à présent la parole au juge Tomka.

Le juge TOMKA: Je vous remercie, Madame le président. Monsieur Luki ć, dans votre

exposé, vous vous êtes présenté en disant notamment que vous étiez l’un des deux experts de la

délégation de la Republika Srpska lors des négociations de Dayton, en1995. Et vous avez

également évoqué la composition de la délégation, qui comprenait le président de l’Assemblée, le

vice-premier ministre, le ministre des affaires étrangères de la Republika Srpska, deux juristes et

deux experts, dont vous. Ma question est la suiv ante : pouvez-vous nous expliquer quelles sont les

raisons ⎯ou les considérations ⎯ qui ont conduit l’Assemblée nationale ⎯ Skupština ⎯ de la

Republika Srpska à choisir comme représentant de la Republika Srpska aux négociations de

Dayton M. Milošević, qui était alors le président de la République de Serbie ? Je vous remercie.

LMK. I Ć [interprétation du serbe] : Je voudrais tout d’abord apporter un rectificatif : il ne

s’agissait pas du vice-premier ministre, mais du vice-président de la République, M.Koljevi ć. Je

32 n’ai pas moi-même assisté à la séance de l’Assemblée nationale au cours de laquelle a été décidée

la composition de la délégation chargée de se rendre à Dayton ⎯ j’enseignais alors à Banja Luka.

Si mes renseignements sont exacts, il s’agissait de choisir entre M.Miloševi ć, M.Tudjman et

M. Izetbegović, et nous avons choisi M.Miloševi ć parce qu’il jouissait d’une réputation de

conciliateur, ayant contribué à la mise en place de différents accords de paix dans la région.

Le PRESIDENT : Je donne pour finir la parole au juge Bennouna.

Judge BENNOUNA: Thank you, Madam Presi dent. I have the following question for

Professor Lukić. Mr.Luki ć, were you or your government aw are of the decisions of the United

Nations Security Council during 1993, in particul ar requiring the Federal Republic of Yugoslavia

(Serbia and Montenegro) immediately to cease su pplying weapons, equipment and services of a

military nature to Bosnian Serb military and/or pa ramilitary units, units of the Serbian Republic of

Bosnia and Herzegovina? And if your answer is in the affirmative I would also ask you to tell us,

tell the Court as clearly as possible, what arrange ments you or your government made as recipient

of this prohibited aid. - 26 -

MUr. I Ć [interpretation from Serbian] : First of all, I cannot accept that we were

recipients of this aid in so general a senIt is common knowledge that Republika Srpska itself

was manufacturing certain semi-finished products of a military nature. A good deal of these

semi-finished products were exchanged with i ndustry in the Federal Republic of Yugoslavia,

i.e.we left them some of these semi-finished products in exchange for the finished products

supplied to us. It is also common knowledge that we serviced combat aircraft engines. It is also

common knowledge that some of these reconditioned engines were shipped to Great Britain, Serbia

and some other countries also. It is also cmmon knowledge that various products such as, for

example, forestry products were exchanged for various other products coming from Yugoslavia.

You have heard in my introductory briefing that there were various groups supplying weapons to

the armies of the three peoples in Bosnia. Th e Muslim army was arming the eastern enclaves

through Croatia, which was also prohibited by theSecurity Council’s decision. But we felt the

33 effect of this Security Council decision most after the rejection of the Vance-Owen plan. You will

probably find it difficult to belie ve me but I myself, a professor, was sent back from the frontier

in1995, simply because I had been Prime Minister. And now a personal detail, perhaps a

disagreeable one; while accompanying my son, who had been wounded on the battlefield, I was

held at the frontier for two hours, and so on. Wo rse still, one of the wounded was taken out of the

vehicle and held at the frontier.

Le PRESIDENT: Je vous remercie. Voilà qui cl ôt l’audition de ce témoin, et je remercie

M. Lukić d’avoir bien voulu comparaître devant nous. M. Luki ć peut maintenant être escorté hors

de la grande salle de justice.

LM . I Ć [interprétation du serbe] : Je vous remercie, Madame et Messieurs les juges.

Le PRESIDENT: L’audience est maintenant levée, l’audition des témoins reprendra cet

après-midi à 15 heures.

L’audience est levée à 12 h 55.

___________

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