Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé

VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE

L’Assemblée générale des Nations Unies, par sa résolution ES-10/14 adoptée le 8 décembre 2003 lors de sa dixième session extraordinaire d’urgence, a décidé de soumettre à la Cour, pour avis consultatif, la question suivante :

« Quelles sont en droit les conséquences de l’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, selon ce qui est exposé dans le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes du droit international, notamment la quatrième convention de Genève de 1949, et les résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale ? »

La résolution demandait à la Cour de rendre « d’urgence » son avis. La Cour a décidé que les Etats admis à ester devant elle, ainsi que la Palestine, l’Organisation des Nations Unies, puis, à leur demande, la Ligue des Etats arabes et l’Organisation de la Conférence islamique, étaient susceptibles de fournir des renseignements sur la question, conformément aux paragraphes 2 et 3 de l’article 66 du Statut. Des exposés écrits ont été déposés par quarante-quatre Etats, la Palestine et quatre organisations internationales, dont l’Union européenne. Au cours de la procédure orale, qui s’est déroulée du 23 au 25 février 2004, douze Etats, la Palestine et deux organisations internationales ont présenté des exposés oraux. La Cour a rendu son avis consultatif le 9 juillet 2004.

La Cour a d’abord relevé que l’Assemblée générale, qui lui avait demandé l’avis consultatif, était autorisée à le faire en vertu du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte. Elle a ensuite indiqué que la question qui faisait l’objet de la demande relevait de la compétence de l’Assemblée générale, conformément à l’article 10 et au paragraphe 2 de l’article 11 de la Charte. Elle a en outre observé que l’Assemblée générale, en demandant un avis à la Cour, n’avait pas outrepassé sa compétence telle que limitée par le paragraphe 1 de l’article 12 de la Charte, aux termes duquel l’Assemblée ne doit faire aucune recommandation à l’égard d’un différend ou d’une situation pour lesquels le Conseil de sécurité remplit ses fonctions, à moins que ce dernier ne le lui demande. La Cour s’est par ailleurs référée au fait que l’Assemblée générale avait adopté la résolution ES-10/14 lors de sa dixième session extraordinaire d’urgence, convoquée sur la base de la résolution 377 A (V) — qui prévoit que, lorsque le Conseil de sécurité manque à s’acquitter de sa responsabilité principale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, l’Assemblée générale peut immédiatement examiner la question afin de faire des recommandations aux Etats membres. Ecartant un certain nombre d’objections d’ordre procédural, la Cour a constaté que les conditions prévues par cette résolution avaient été remplies lors de la convocation de la dixième session extraordinaire d’urgence, en particulier au moment où l’Assemblée générale avait décidé de lui demander l’avis en question, le Conseil de sécurité ayant été alors dans l’incapacité d’adopter une résolution portant sur la construction du mur du fait du vote négatif d’un membre permanent. La Cour a enfin rejeté les arguments selon lesquels un avis ne pouvait être donné en l’espèce au motif que la demande ne portait pas sur une question juridique ou que la question posée était abstraite ou politique.

Ayant établi sa compétence, la Cour s’est interrogée, dans un second temps, sur l’opportunité de rendre l’avis sollicité. Elle a rappelé à ce propos que l’absence de consentement d’un Etat à sa juridiction contentieuse était sans effet sur sa compétence en matière consultative et que le fait de rendre un avis n’avait pas pour effet de tourner le principe du consentement au règlement judiciaire. La question qui avait fait l’objet de la demande s’inscrivait en effet dans un cadre plus large que celui du différend bilatéral entre Israël et la Palestine et intéressait directement l’Organisation des Nations Unies. La Cour n’a pas retenu davantage l’argument selon lequel elle aurait dû s’abstenir de donner l’avis sollicité au motif que celui-ci pouvait faire obstacle à un règlement politique négocié du conflit israélo-palestinien. Elle a par ailleurs affirmé disposer de renseignements et d’éléments de preuve suffisants pour lui permettre de donner l’avis et précisé qu’il revenait à l’Assemblée générale d’apprécier l’utilité de ce dernier. La Cour a finalement conclu de ce qui précède qu’il n’existait aucune raison décisive l’empêchant de donner l’avis demandé.

Examinant la licéité en droit international de l’édification du mur par Israël dans le territoire palestinien occupé, la Cour a d’abord déterminé les règles et principes de droit international applicables à la question posée par l’Assemblée générale. La Cour a rappelé, en se référant au paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies et à la résolution 2625 (XXV) de l’Assemblée générale, les principes coutumiers de l’interdiction de la menace et de l’emploi de la force et de l’illicéité de toute acquisition de territoire par ces moyens. Elle a également cité le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui a été consacré dans la Charte et réaffirmé par la résolution 2625 (XXV). S’agissant du droit international humanitaire, la Cour a mentionné les dispositions du règlement de La Haye de 1907, qui ont acquis un caractère coutumier, ainsi que celles de la quatrième convention de Genève de 1949 applicables dans les territoires palestiniens s’étant trouvés, avant le conflit armé de 1967, à l’est de la ligne de démarcation de l’armistice de 1949 (ou « Ligne verte ») et qui avaient, à l’occasion de ce conflit, été occupés par Israël. La Cour a enfin relevé que des instruments relatifs aux droits de l’homme (pacte international relatif aux droits civils, pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant) s’appliquaient dans le territoire palestinien occupé.

La Cour a ensuite recherché si la construction du mur avait porté atteinte aux règles et principes précédemment identifiés. Faisant observer que le tracé du mur incorporait environ 80 % des colons installés dans le territoire palestinien occupé, la Cour a rappelé, comme le Conseil de sécurité l’avait fait à l’égard de la quatrième convention de Genève, que ces colonies avaient été installées en méconnaissance du droit international. Ayant fait état de certaines craintes exprimées devant elle que le tracé du mur préjugea la frontière future entre Israël et la Palestine, la Cour a estimé que la construction du mur et le régime qui lui était associé créaient sur le terrain un « fait accompli » qui aurait pu devenir permanent et, de ce fait, équivaloir à une annexion de facto. La Cour ayant relevé par ailleurs que le tracé choisi consacrait sur le terrain les mesures illégales prises par Israël concernant Jérusalem et les colonies de peuplement et avait conduit à de nouvelles modifications dans la composition démographique du territoire palestinien occupé, elle a conclu que la construction du mur, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement, dressait un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et violait de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit.

Examinant par ailleurs l’impact de la construction du mur sur la vie quotidienne des habitants du territoire palestinien occupé, la Cour a considéré que la construction du mur et le régime qui lui était associé étaient contraires aux dispositions pertinentes du règlement de La Haye de 1907, ainsi que de la quatrième convention de Genève, de même qu’ils entravaient la liberté de circulation des habitants du territoire telle que garantie par le pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’exercice par les intéressés de leurs droits au travail, à la santé, à l’éducation et à un niveau de vie suffisant tels que proclamés par le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux, culturels et la convention relative au droit de l’enfant. La Cour a encore constaté que la construction du mur, combinée à l’établissement de colonies de peuplement, et le régime qui lui était associé tendaient à modifier la composition démographique du territoire palestinien occupé et étaient de ce fait contraires à la quatrième convention de Genève et aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Rejetant en outre les clauses de limitation ou de dérogation invoquées devant elle et contenues dans certains instruments du droit humanitaire et des droits de l’homme, lorsque des impératifs militaires ou des nécessités de sécurité nationale ou d’ordre public l’exigent notamment, la Cour a indiqué qu’elle n’avait pas été convaincue que la poursuite des objectifs de sécurité avancés par Israël nécessitait l’adoption du tracé choisi pour le mur, concluant à la violation par Israël, du fait de la construction de ce dernier, de certaines de ses obligations en vertu du droit humanitaire et des droits de l’homme. La Cour a enfin estimé qu’Israël ne pouvait se prévaloir du droit de légitime défense et de l’état de nécessité, comme excluant l’illicéité de la construction du mur, et a conclu, en conséquence, que la construction du mur ainsi que le régime qui lui était associé étaient contraires au droit international.

Procédant à l’examen des conséquences de ces violations, la Cour a rappelé l’obligation pour Israël de respecter le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et les obligations auxquelles Israël était tenu en vertu du droit humanitaire et des droits de l’homme. La Cour a par ailleurs considéré qu’Israël devait, avec effet immédiat, mettre un terme à la violation de ses obligations internationales en cessant, d’une part, les travaux d’édification du mur, en procédant, d’autre part, au démantèlement des portions de l’ouvrage situées dans le territoire palestinien occupé et en abrogeant par ailleurs, ou en privant d’effet, l’ensemble des actes législatifs et réglementaires adoptés en vue de l’édification du mur et la mise en place du régime qui lui était associé. La Cour a souligné enfin l’obligation d’Israël de réparer tous les dommages causés à toutes les personnes physiques ou morales affectées par la construction du mur. Concernant les conséquences juridiques pour les autres Etats, la Cour a indiqué que tous les Etats étaient dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite découlant de la construction du mur, de même qu’ils ne devaient prêter aucune aide ou assistance au maintien de la situation créée par cette construction. Elle a par ailleurs relevé qu’il appartenait à chacun d’entre eux de veiller, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, à ce qu’il soit mis fin aux entraves, résultant de la construction du mur, à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination. La Cour a en outre rappelé l’obligation qu’avaient les Etats parties à la quatrième convention de Genève, dans le respect de la Charte et du droit international, de faire respecter par Israël le droit international humanitaire incorporé dans cette convention. Concernant l’ONU, et spécialement l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité, la Cour a enfin estimé qu’ils devaient tenir compte de l’avis consultatif rendu en examinant quelles nouvelles mesures devaient être prises afin de mettre un terme à la situation illicite en question.

La Cour a conclu en replaçant la construction du mur dans un contexte plus général, en relevant, d’une part, l’obligation pour Israël et la Palestine de respecter le droit international humanitaire et la nécessaire mise en œuvre de bonne foi de toutes les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, et en appelant, d’autre part, l’attention de l’Assemblée générale sur la nécessité d’encourager les efforts en vue d’aboutir à une solution négociée, sur la base du droit international, des problèmes pendants et à la constitution d’un Etat palestinien.


Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.

Requête pour avis consultatif

10 décembre 2003
Requête pour avis consultatif (y compris le dossier de documents transmis à la Cour en vertu du paragraphe 2 de l'article 65 du Statut)
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Procédure écrite

30 janvier 2004
Disponible en:

Procédure orale

Compte rendu 2004/1 (version bilingue)
Audience publique tenue le lundi 23 février 2004, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Shi, président
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Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2004/2 (version bilingue)
Audience publique tenue le lundi 23 février 2004, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Shi, président
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2004/3 (version bilingue)
Audience publique tenue le mardi 24 février 2004, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Shi, président
Disponible en:
Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2004/4 (version bilingue)
Audience publique tenue le mardi 24 février 2004, à 15 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Shi, président
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Traduction
(version bilingue) Traduction
Compte rendu 2004/5 (version bilingue)
Audience publique tenue le mercredi 25 février 2004, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Shi, président
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Traduction
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Ordonnances

Fixation de délai: exposés écrits
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Avis consultatifs


Résumés des arrêts et des ordonnances

Résumé de l'avis consultatif du 9 juillet 2004
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Communiqués de presse

10 décembre 2003
L'Assemblée générale des Nations Unies demande à la Cour un avis consultatif sur les conséquences en droit de l'édification par Israël d'un mur dans le Territoire palestinien occupé
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19 décembre 2003
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Ordonnance organisant la procédure
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14 janvier 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - La Cour autorise la Ligue des Etats arabes à participer à la procédure
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22 janvier 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - La Cour autorise l'Organisation de la Conférence islamique à participer à la procédure
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3 février 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Composition de la Cour
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3 février 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Procédure d'admission pour les audiences publiques qui s'ouvriront le lundi 23 février 2004 - MEMBRES DU PUBLIC
Disponible en:
3 février 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Dépôt des exposés écrits
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3 février 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Procédure d'accréditation pour les audiences publiques qui s'ouvriront le lundi 23 février 2004 - PRESSE
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16 février 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Procédure d'accréditation pour les audiences publiques qui s'ouvriront le lundi 23 février 2004 - PRESSE - Badges d'accès
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18 février 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Programme des audiences publiques qui se tiendront du 23 au 25 février 2004
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19 février 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Retransmission en direct des audiences publiques de la Cour sur l'Internet
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20 février 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Programme définitif des audiences publiques qui se tiendront du 23 au 25 février 2004
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25 février 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Fin des audiences publiques - La Cour prête à entamer le délibéré
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25 juin 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Procédure d'admission pour la lecture de l'avis consultatif de la Cour le vendredi 9 juillet 2004 - MEMBRES DU PUBLIC
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25 juin 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Retransmission en direct sur l'Internet de la lecture de l'avis consultatif de la Cour le vendredi 9 juillet 2004 à partir de 15 heures
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25 juin 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - La Cour rendra son avis consultatif le vendredi 9 juillet 2004 à 15 heures
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25 juin 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - Procédure d'accréditation pour la lecture de l'avis consultatif de la Cour le vendredi 9 juillet 2004 - PRESSE
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30 juin 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Requête pour avis consultatif - IMPORTANT RAPPEL AUX MEDIAS - Le délai de dépôt des demandes d'accréditation pour la presse expire demain, jeudi 1er juillet 2004, à minuit
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9 juillet 2004
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé - Avis consultatif - La Cour dit que l'édification d'un mur par Israël dans le territoire palestinien occupé, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international; elle précise les conséquences juridiques résultant de cette illicéité
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